Facebook en question

https://encrypted-tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRmlEscPEmEATrViL259qpiKBUrcu9lEnAscA&usqp=CAUS’il vous plait, un peu de communication dans une ambiance respirable lorsque les mĂ©dias se font rĂ©pĂ©titifs et amplifient l’écho des mauvaises nouvelles. Alors si parfois les contenus de facebook peut me paraĂźtre un peu superficiels, et si ma frĂ©quentation, dans un moment d’isolement oĂč le besoin de relation et d’information se fait sentir, peut comporter un danger d’addiction, au total, c’est finalement une ressource bĂ©nĂ©fique puisqu’au fil du temps, un rĂ©seau assez divers a pu se dĂ©velopper. Et d’abord, l’à priori positif qui est privilĂ©giĂ© Ă  travers le rĂŽle donnĂ© aux «like» Ă©duque mon regard et suscite une dĂ©marche d’apprĂ©ciation et de participation. Et puis, si les nouvelles importantes apparaissent immĂ©diatement, elles sont en quelque sorte filtrĂ©es par une rĂ©ception humaine . Alors, si « la pĂȘche » sur facebook me paraĂźt maigre assez souvent, il y des moments aussi oĂč j’y trouve un texte, une vidĂ©o, une photo Ă  partager et Ă  rĂ©pandre. Et parfois, c’est une piste, une ressource signifiante. Et puis, ne l’oublions pas, si je n’ai pas rencontrĂ© physiquement la grande majoritĂ© de mes « amis » de facebook, une frĂ©quentation rĂ©guliĂšre de leurs messages me permet d’entrevoir leur vie et leur personnalitĂ©. C’est donc un regard amical que je porte. J’ai conscience que ce qu’ils communiquent peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un cadeau de leur part. Ils me font part de ce qui leur tient Ă  cƓur.

Je suis venu Ă  facebook individuellement, il y a une dĂ©cennie. A l’époque, je crĂ©ais les blogs : « Vivre et espĂ©rer » et « L’Esprit qui donne la Vie ». Je ressentais un besoin de partage et de relation. J’y suis arrivĂ© seul et, peu Ă  peu, j’y ai retrouvĂ© certains amis (C P) (1), certaines connaissances (D P), certains collĂšgues (L S C). Rencontres bienvenues, mais je ne suis pas arrivĂ© lĂ  comme d’autres dans une situation de partage semi familial avec des amis qui forment « tribu ». C’est une diffĂ©rence avec d’autres. J’ai pu lire un point de vue sociologique qui distingue des rĂ©seaux oĂč on s’attache essentiellement Ă  un objet partagĂ© et d’autres oĂč on partage non seulement des informations, mais les ressentis de la vie quotidienne, randonnĂ©es, vacances, questionnements et jusqu’à l’évocation d’un bon repas. Ainsi Ă  flickr.com, on partage et on commente des photos. A facebook, c’est toute la vie sociale qui s’exprime. Mais on peut aussi garder une certaine discrĂ©tion. C’est mon cas. Ainsi, l’engagement dans facebook prend des formes diverses avec des ressentis et des retours diffĂ©rents. Cependant, quelque soit notre degrĂ© d’expression, il y a des convictions fondamentales qui transparaissent. Sur ce blog, j’ai dĂ©jĂ  dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ© ma participation Ă  facebook dans ses diffĂ©rentes dimensions (2). Dans cet article, je m’interroge sur ma frĂ©quentation de facebook, aujourd’hui, au quotidien.

Un peu plus de 300 « amis » se sont enregistrĂ©s. Dans les quelques derniers jours, une cinquantaine d’entre eux se sont manifestĂ©. Il s’y est ajoutĂ© l’apport substantiel de nombreux organismes qui diffusent leurs messages sur facebook. Les thĂšmes sont diffĂ©rents : Ă©cologique : Mondialisation, Reporterre, Colibris,

Brut, Forum Ă©conomique mondial
.politique : Loopsider, Guardian, le Monde, PrĂ©sidence de la RĂ©publique
.artistique : Aux amidonniers, RestaurArs et diffĂ©rentes galeries
. Ces contributions  et celles des « amis » qui les relayent sont riches en contenus mĂ©ritant d’ĂȘtre partagĂ©s.

Comment est-ce que je perçois les différents aspects de ma fréquentation ?

Une vie sociale

Il y a l’expression de la vie de certains. Ils nous associent aux manifestations et aux ressentis de leur vie quotidienne. Si mon attitude personnelle Ă  cet Ă©gard est la discrĂ©tion, j’apprĂ©cie ce partage comme une expression de confiance. Si des soucis et des deuils peuvent ĂȘtre exprimĂ©s, c’est le plus souvent un bonheur partagĂ©. Une personnalitĂ© s’exprime en nous faisant part de sa vie familiale et personnelle. Et souvent, en mĂȘme temps, de ses convictions et de sa motivation profonde.

Ainsi L R  nous rapporte les Ă©vĂšnements marquant de sa vie de couple et de sa vie de jeune maman. Dans les joies et les difficultĂ©s, elle manifeste une inspiration qui nous encourage dans l’amour et la persĂ©vĂ©rance.

D S rĂ©side en Provence. Il nous partage sa vie familiale dans ses vacances et ses dĂ©placements. C’est tout particuliĂšrement la vie de sa petite fille O, musicienne et amoureuse de la nature. A plusieurs reprises, D S s’est fortement engagĂ© pour la dĂ©fense des droits humains et la promotion dĂ©mocratique.

J C G ne nous entretient pas seulement avec ouverture et compĂ©tence de la culture actuelle. Pasteur, il est engagĂ© dans une expression de foi et dans la promotion des mĂ©dias protestants. Mais il n’hĂ©site pas Ă  partager des Ă©chos de la saveur de sa vie personnelle.

M F R partage avec nous son amour de la nature dans la campagne française, sa pratique Ă©cologique et une expression discrĂšte de sa recherche du bon et du beau. De quoi Ă©veiller des affinitĂ©s


Il y a aussi des amis qui expriment leur existence dans une dimension internationale : V B partageant son annĂ©e entre la France et l’Australie, P O et A O sur la cĂŽte Pacifique des Etats- Unis avec deux  enfants lumineux et un engagement chrĂ©tien.

Un Ă©cho Ă  l’actualitĂ©

Facebook  renvoie Ă©galement Ă  l’actualitĂ© en faisant immĂ©diatement Ă©cho aux Ă©vĂ©nements Ă  travers des voix nombreuses et diverses. J’ai pu y suivre la campagne prĂ©sidentielle. Aujourd’hui, je lis des commentaires (  B G  D S). Comme mon public est divers, certaines rĂ©actions peuvent me dĂ©plaire, ainsi parfois des colĂšres qui se polarisent. Mais il est bon de pouvoir entendre des voix diffĂ©rentes Ă  condition que l’agressivitĂ© ne prenne pas le pas. Emettre frontalement des avis contraires n’est souvent pas bien acceptĂ© dans ce contexte. Certains rĂ©ussissent Ă  permettre un dialogue grĂące Ă  une gestion Ă©clairĂ©e ( D P).

Le courant écologique est trÚs présent (F R) et nous pouvons y apprécier et y partager des ressources éclairantes.

La dimension spirituelle

Parmi les intervenants récents sur mon fil facebook, beaucoup ont une activité identifiable dans le champ chrétien. (Une vingtaine sur 50). Cela est sans doute une réponse à ma propre recherche spirituelle. A cet égard, à coté des expressions protestantes, je suis également le courant réformateur en milieu catholique (C P  A S

C O M  M J). J’évite les manifestations du fondamentalisme et du traditionalisme. Je n’entre pas dans les polĂ©miques suscitĂ©es par certaines interventions (H L). Je recherche avant tout une expression d’amour, de foi et de bienveillance  ce qui n’exclue pas un examen critique.

Depuis longtemps, j’ apprĂ©cie le blog d’une religieuse qui sait nous parler de l’amour de Dieu (Au bonheur de Dieu), trĂšs prĂ©sente sur facebook (M J). Et aujourd’hui  une pasteure suisse (A C) s’exprime sur facebook dans une dynamique de vie et  d’amour. Du QuĂ©bec, nous vient une contribution marquante. C’est le rĂ©seau Transcendarts animĂ© par P L. J’y trouve du sens et du bon sens, un message chrĂ©tien qui Ă©claire mon esprit. Il y a lĂ  une connexion Ă  laquelle participe Ă©galement un ami rencontrĂ© sur facebook, J C. Et puis est apparu Ă©galement un rĂ©seau au titre expressif : « En dehors de la boite religieuse » animĂ© par D F. C’est une heureuse critique du fondamentalisme, une critique intelligente et pertinente qui en montre les travers, les abus et les maux qui en rĂ©sultent. Mais c’est aussi un trĂ©sor d’expressions spirituelles et thĂ©ologiques. Pour la France, rappelons la page de TĂ©moins sur Facebook, carrefour d’une approche chrĂ©tienne interconfessionnelle. Une autre page exprime le mouvement de vie et d’espĂ©rance  prĂ©sent dans Vivre et espĂ©rer.

Notre fil facebook manifeste Ă©galement une expression spirituelle qui s’exprime abondamment Ă  travers de courtes expressions : parfois brĂšves expressions personnelles, mais surtout beaucoup de citations, et pour certains, des versets bibliques (C P). Certains expriment rĂ©guliĂšrement leur approche spirituelle (I I A). Ces affirmations portent les plus souvent une vĂ©ritĂ© expĂ©rientielle.  A certains moments, abondance et redondance de brĂšves affirmations peuvent lasser.

Sur un plan plus psychologique oĂč psychologie s’allie Ă  spiritualitĂ©, notons l’apport du rĂ©seau gĂ©rĂ© par un remarquable psychothĂ©rapeute T A : « La paix, ça s’apprend ».

Dans ce vaste champ d’expression sur facebook Ă©merge de temps Ă  autre un  Ă©lĂ©ment fondamental qui nous est rapportĂ© par tel ou tel et que nous diffusons Ă  notre tour.

Généreuse beauté

 On ne se lasse pas de la beautĂ©. Elle est trĂšs prĂ©sente sur mon fil facebook , soit Ă  travers des contributions personnelles, soit Ă  travers des apports dĂ©diĂ©s. Ce sont des paysages. Et je recours Ă  Flickr pour y participer. Il y a de belles photos personnelles qui traduisent l’amour de la nature (M F R  V H  P S..). Il y a aussi l’intervention d’offices de tourisme. La France est si belle de la Provence Ă  la Bretagne
 Et puis des « amis » nous font part Ă©galement d’Ɠuvres artistiques  (A S  V B  J E
). De nombreuses galeries nous offrent des reproductions de peintures (Aux amidonniers etc..). Toute cette beautĂ© : photos de nature ou expressions artistiques, vient nous enchanter. C’est une contribution majeure de ma participation Ă  facebook.

Voici donc ma pratique de facebook, une pratique parmi d’autres.  Je reçois, mais j’ai Ă  cƓur Ă©galement de contribuer en partageant certains apports ou, en expression de mes convictions, des  textes de « Vivre et espĂ©rer », de « L’Esprit qui donne la vie » ou de « TĂ©moins » Je fais part aussi de superbes photos que je choisis sur Flick en pensant Ă©galement Ă  leur apport symbolique.

Je vois sur facebook des interrelations dans le respect et dans la discrĂ©tion. Dans mon cheminement, ce qui me revient Ă  ce sujet, c’est la parole de Paul : « Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est aimable, tout ce qui mĂ©rite l’approbation 
 soit l’objet de vos pensĂ©es » (Epitre aux Philippiens 4.8). C’est rechercher le bon, le bien et le beau. Le rechercher ensemble donne une force plus grande Ă  ce mouvement.

Chacun d’entre nous ressent le besoin d’ĂȘtre reconnu. J’y pense en Ă©tant gĂ©nĂ©reux dans mon attribution de « like » en poussant parfois, dans les bonnes occasions, jusqu’à l’élan positif du petit cƓur rouge.

Au total,  il y a dans le partage de l’expression sur Facebook une incitation Ă  la gratitude et Ă  la louange. D’une certaine maniĂšre, facebook peut ĂȘtre une Ă©cole de bienveillance.  Puis-je y apprendre Ă  manifester davantage attention, compassion, priĂšre. Si, pour moi, facebook est d’abord un espace de « bon voisinage » , il oriente mon  regard au delĂ . C’est un chemin.

J H

  1. Nous mentionnons certains participants Facebook par leurs initiales
  2. Mon expérience de facebook : https://vivreetesperer.com/mon-experience-de-facebook/

 

 

 

Paul : sa vie et son Ɠuvre, selon NT Wright

https://productimages.worldofbooks.com/0281078750.jpgUne nouvelle vision du monde, une nouvelle maniÚre de croire à la suite de Jésus, mort et ressuscité

 Les grands penseurs du passĂ© nous inspirent encore aujourd’hui. Paul, au dĂ©part Saul de Tarse, puis souvent appelĂ© saint Paul ou l’apĂŽtre Paul fait partie de ces penseurs, bien qu’il ait Ă©tĂ© aussi un homme d’action, pionnier des premiĂšres communautĂ©s chrĂ©tiennes dans le monde grĂ©co-romain.

Mais pourquoi nous intĂ©resser Ă  Paul aujourd’hui ? Dans un contexte ou le christianisme institutionnel dĂ©cline, non sans rapport avec un ordre patriarcal et hiĂ©rarchique, on regarde de plus en plus aujourd’hui vers la dynamique du christianisme dans les deux premiers siĂšcles, la pĂ©riode de l’« invention du christianisme » selon le titre d’un ouvrage collectif consacrĂ© Ă  ce thĂšme (1). On y remarque que la rĂ©fĂ©rence Ă  JĂ©sus apparaĂźt trĂšs tĂŽt aprĂšs son dĂ©part, dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 50 dans les Ă©pitres de Paul, bien avant la rĂ©daction des Ă©vangiles. Paul ne crĂ©e pas seulement des Ă©glises dans le monde grĂ©co-romain, il se fonde sur la mort et la rĂ©surrection de JĂ©sus et l’interprĂšte comme un Ă©vĂ©nement dĂ©terminant dans l’histoire du monde. Quelle signification pour nous aujourd’hui ? Or, un grand exĂ©gĂšte britannique et par ailleurs, auteur de nombreux livres, N T Wright vient d’écrire une biographie de Paul (2) qui rĂ©pond Ă  nos questions.

 

Un nouveau monde en gestation

Au dĂ©part N T Wright dissipe un malentendu. Dans le passĂ© et jusque dans la jeunesse de l’auteur, beaucoup de chrĂ©tiens percevaient le christianisme dans une perspective de salut individuel : « aller au ciel au moment de la mort » ; ĂȘtre « sauvé » et ĂȘtre « glorifié », pour reprendre les termes de Paul, signifiait « aller au ciel ». C’était une attente en rapport avec des « questions mĂ©diĂ©vales ». « Le cadre de la terre et du ciel a Ă©tĂ© une construction du haut Moyen Age ». Or, « Les chrĂ©tiens du premier siĂšcle n’attendaient pas que leurs Ăąmes quittent le monde prĂ©sent matĂ©riel ». Ce qui Ă©tait premier pour Paul et les nouveaux chrĂ©tiens, c’était « la venue conjuguĂ©e du ciel et de la terre dans un grand acte de renouveau cosmique dans lequel les corps humains seraient renouvelĂ©s pour prendre leur place dans ce nouveau monde » (p 8). Paul a une vision nouvelle de l’histoire. Il parlait de l’histoire comme ce qui arrive dans le monde rĂ©el : le monde de l’espace, du temps et de la matiĂšre. Il Ă©tait un juif qui croyait dans la bontĂ© de la crĂ©ation originelle et Ă  l’intention du CrĂ©ateur de renouveler ce monde. Son Ă©vangile de salut portait sur le Messie d’IsraĂ«l comme cela avait Ă©tĂ© promis dans les psaumes. Ce que Dieu avait fait en JĂ©sus et Ă  travers lui c’était un mouvement « ciel et terre » et non d’offrir un espace extra-terrestre.

 

Le message de Paul

N T Wright nous rapporte la vie de Paul dans un univers multiculturel. Mais le message de Paul n’est pas une synthĂšse philosophique. Il se fonde sur un Ă©vĂ©nement, la mort et la rĂ©surrection de JĂ©sus, et il s’enracine dans la culture juive, dans une histoire. Cette histoire est « l’histoire d’IsraĂ«l comme enfants d’Abraham, IsraĂ«l choisi par Dieu, choisi dans le monde, mais Ă©galement IsraĂ«l choisi pour le monde, IsraĂ«l, le peuple de la PĂąques sauvĂ© de l’esclavage, le peuple avec lequel Dieu a fait alliance, le peuple Ă  travers lequel toutes les nations seront bĂ©nies » (p 18). A l’époque, des signes donnent Ă  penser que pour beaucoup de juifs, la Bible n’était pas d’abord un ensemble de rĂšgles et de prescriptions, mais un grand rĂ©cit ancrĂ© dans la crĂ©ation et dans l’alliance et avançant dans l’ombre de l’inconnu (p 18). Et cette histoire n’était pas terminĂ©e. Elle Ă©tait accompagnĂ©e de promesses et dĂ©bouchait sur une espĂ©rance : un nouvel exode, une nouvelle restauration (p 19). Dans la rĂ©vĂ©lation de JĂ©sus, mort et ressuscitĂ©, Paul envisage cette histoire dans une perspective universaliste. Ainsi va-t-il appeler les juifs comme les non-juifs Ă  entrer dans le mouvement de JĂ©sus. Ainsi les Ă©pitres nous proposent un message Ă  la dimension du monde entier. N T Wright Ă©voque plusieurs textes de la Bible qui inspirent cette approche. Ainsi le psaume 2 : « Tu es mon fils. Aujourd’hui je t’ai engendrĂ©. Demande-moi et je te donne les nations en hĂ©ritage, pour domaine, la terre toute entiĂšre ». Paul croit qu’à travers JĂ©sus, sa mort et sa rĂ©surrection, le Dieu Un a vaincu toutes les puissances nĂ©fastes exerçant une emprise sur le monde. Et le pardon est accordĂ© Ă  tous. Cela signifie que tous les hommes, et pas seulement les juifs, sont libres pour adorer le Dieu Un. « Il n’y a plus de barriĂšres entre juifs et non juifs » (p 79) ;

 

Des communautés nouvelles. Un nouveau genre de vie

 Les nouvelles communautĂ©s qui apparaissent rassemblent des juifs et des non-juifs dans un nouveau genre de vie. Elles dĂ©passent et traversent les frontiĂšres de « la culture, du genre, de l’ethnie, du milieu social », elles sont contre-culturelles, une rĂ©alisation unique Ă  l’époque. (p 91). Ce mouvement est « profondĂ©ment dĂ©pendant de « la prĂ©sence et de l’inspiration puissante du Saint Esprit », dans le dĂ©ploiement d’une grande Ă©nergie (p 93). Le nouveau genre de vie, qui apparaĂźt ici, sera, dans le long terme, le point de dĂ©part d’un changement des mentalitĂ©s et d’une rĂ©volution sociale politique, telle que nous la dĂ©crit l’historien britannique, Tom Holland, dans son livre : « les chrĂ©tiens. Comment ils ont changĂ© le monde » (4). « La vision de Paul Ă©tait celle d’une sociĂ©tĂ© dans laquelle chacun travaille pour tous et tous pour chacun » (p 427).

 

GenĂšse d’une thĂ©ologie

 Cependant l’apport principal de ce livre ne nous parait pas lĂ . Ce livre n’étudie pas seulement la vie de Paul dans les diffĂ©rente Ă©tapes de sa vie, la fondation des communautĂ©s et la rĂ©daction des lettres qu’il leur adresse : les Ă©pitres, mais il analyse l’inspiration de ces Ă©pitres dans leur apport retentissant. Ce qu’il nous dit, c’est que la pensĂ©e de Paul se fonde sur l’évĂ©nement de la vie, de la mort et de la rĂ©surrection de JĂ©sus, qu’elle s’appuie sur le rĂ©cit biblique en proclamant l’accomplissement du plan divin Ă  long terme (p 119). « Le CrĂ©ateur du monde a rĂ©alisĂ© en JĂ©sus la chose qu’il avait promise, accomplissant le rĂ©cit ancien qui remonte Ă  Abraham et Ă  David
 Les Ă©checs sont maintenant surmontĂ©s. La mort du Messie a vaincu les puissances qui asservissaient Ă  la fois les juifs et les gentils et sa rĂ©surrection a lancĂ© un nouvel ordre du monde « sur terre comme au ciel ». Il y a maintenant un seul peuple, le peuple du Messie (p 130).

Si ce message a Ă©tĂ© Ă©crit dans un lointain passĂ©, il nous paraĂźt qu’il demeure actuel aujourd’hui. Il peut ĂȘtre entendu par ceux qui gardent une mĂ©moire malheureuse d’une religion qui se dĂ©tournerait du monde et trierait les personnes dans leur destinĂ©e. Il peut ĂȘtre entendu par nous tous en quĂȘte de boussole dans un monde incertain. A partir de la mort de la rĂ©surrection de JĂ©sus, c’est une dynamique de vie qui s’exprime lĂ . La thĂ©ologie de l’espĂ©rance que nous apporte par ailleurs JĂŒrgen Moltmann (4) s’appuie sur cette dynamique. Elle s’inscrit dans cette perspective « eschatologique ». Elle met en valeur la « nouvelle crĂ©ation » qui est en route en Christ. Et comme l’exprime JĂŒrgen Moltmann, c’est une religion tournĂ©e vers l’avenir. On retrouve ici la vision de Paul : une dynamique de vie.

J H

  1. Sous la direction de Roselyne Dupont-Roc et Antoine Guggenheim. AprĂšs JĂ©sus. L’invention du christianisme. Albin Michel, 2020
  2. N T Wright. Paul. A biography. Harper One, 2018
  3. Comment l’esprit de l’Evangile a imprĂ©gnĂ© les mentalitĂ©s occidentales et quoiqu’on dise, reste actif aujourd’hui : https://vivreetesperer.com/comment-lesprit-de-levangile-a-impregne-les-mentalites-occidentales-et-quoiquon-dise-reste-actif-aujourdhui/
  4. JĂŒrgen Moltmann est trĂšs prĂ©sent sur ce blog. Un blog : Vivre par l’Esprit, est spĂ©cialement dĂ©diĂ© Ă  son Ɠuvre thĂ©ologique : https://lire-moltmann.com

Communiquer dans l’authenticitĂ©

Ethique, communication et potentiel humain

 

Myriam est coach marketing. Elle conseille des entrepreneurs, des coachs, des consultants  dans leur démarche marketing.

 

         Sur son site : MonCoachMarketing.com (1), Myriam présente ainsi son approche de travail :

« Ma passion, c’est de collaborer avec mes clients pour les aider Ă  libĂ©rer leur potentiel ;

C’est de leur dĂ©voiler comment identifier et communiquer sur leur cƓur d’expertise, sur ce qui fait qu’ils sont uniques ;

Ce qui me motive : transmettre cette passion pour communiquer au delĂ  de leurs produits, sur les bĂ©nĂ©fices qu’ils ont et ce que perçoivent leurs clients.

C’est de les aider Ă  se connecter de façon crĂ©dible, authentique et impactante avec leurs futurs clients et partenaires


De plus, je m’engage Ă  mettre Ă  votre service, avec excellence, mon propre potentiel, mes dons, mes talents et Ă  toujours agir dans un respect rĂ©ciproque et en cohĂ©rence avec mes valeurs.

Je vous accompagne dans votre dĂ©marche marketing. Alliant professionnalisme et valeurs humaines, ma mĂ©thode se base sur la capitalisation de vos acquis (tant professionnels que personnels), sur l’identification de vos freins et la dĂ©finition d’actions concrĂštes qui nous conduisent sur le chemin de la rĂ©ussite ».

 

Les témoignages qui figurent sur le site de Myriam, montrent comment sa démarche est reçue et correspond aux désirs de certains de ses clients :

 

« Myriam m’a fait rĂ©aliser que le marketing, c’est un Ă©tat d’esprit :

VoilĂ  comment je le rĂ©sume : Viser la cohĂ©rence entre l’identitĂ© et l’image que l’on veut envoyer ou encore ĂȘtre au dedans ce que l’on prĂ©tend ĂȘtre au dehors. De quoi mĂ©diter, n’est-ce pas ?

Le marketing est une étape primordiale. Ce qui, pour moi, était au départ brouillon et confus, est devenu clair et précis en trois rendez-vous.

Sans l’accompagnement marketing, il est Ă©vident que j’aurais certainement mis plus de temps Ă  y arriver, voire pas du tout ! »

Oly Auger

 

« Je croyais rĂ©flĂ©chir et faire sĂ©rieusement le tour de mes problĂšmes. J’avais l’impression parfois de tourner en rond, de rĂ©soudre un problĂšme pour le voir rĂ©apparaĂźtre un peu plus tard. J’aurais du me douter que je n’allais pas au fond de certaines choses, mais je ne m’étais pas rendu compte Ă  quel point cela impactait ma maniĂšre de faire, donc mes rĂ©sultats.

Myriam m’a montrĂ© comment j’escamotais certaines questions, comment j’évacuais certains problĂšmes en pensant les avoir traitĂ©s. Elle ne me l’a jamais dit aussi directement, mais sa façon de revenir Ă  l’essentiel, de toujours me ramener au cƓur du sujet, m’a fait voir Ă  quel point il est difficile de se poser Ă  soi mĂȘme les bonnes questions
 et d’y rĂ©pondre.

MĂȘme si j’étais parfois agacĂ©, j’ai beaucoup apprĂ©ciĂ© son savoir-faire. Elle comprend votre problĂ©matique, mais surtout elle sait vous relancer jusqu’à ce que vous vous soyez posĂ© la bonne question et jusqu’ ce que vous ayez apportĂ© la rĂ©ponse qui vous satisfait (vous, pas elle). Avec Myriam, mon niveau d’exigence est montĂ© de plusieurs crans et grĂące Ă  cela, mes rĂ©sultats se sont nettement amĂ©liorĂ©s. »

Etienne

 

Myriam nous dit comment elle s’est acheminĂ© vers ce travail qui la passionne

 

Petite, dĂ©jĂ , j’aimais aider les autres. Écouter, aider Ă  trouver des solutions, transmettre… Lorsque j’ai fait mes Ă©tudes aux États Unis, ce qui me passionnait c’Ă©tait ce qui touchait Ă  l’enseignement et au  »counseling » (la relation d’aide). De retour en France, je ne souhaitais pas entrer Ă  l’Ă©ducation nationale, et je ne connaissais pas de formation, en 1984, pour continu mes Ă©tudes en relation d’aide…

 

Je me suis donc dirigĂ©e vers une filiĂšre plus “traditionnelle” en entreprise. Assistante de direction puis administration des ventes. Au bout de quelques annĂ©es, je me suis retrouvĂ©e dans une entreprise de l’industrie papetiĂšre ou j’ai appris le marketing et la communication. J’y suis restĂ©e prĂšs de 20 ans, et mes expĂ©riences de responsable communication et de chef de produit sont aujourd’hui trĂšs prĂ©cieuses pour moi. J’ai Ă©galement pu suivre une formation longue de formateur.

 

Lorsque j’ai bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un plan social, l’annĂ©e de mes 40 ans, c’Ă©tait le bon moment pour faire le point et savoir ce que je voulais vraiment dans la vie… De rassembler ce que je savais faire, ce que j’aimais faire, et surtout de voir comment je pouvais donner un sens a ma vie professionnelle afin qu’elle soit en cohĂ©rence avec mes valeurs chrĂ©tiennes, mon besoin de servir, mon besoin profond de travailler avec des personnes pour qui l’authenticitĂ© est Ă©galement important. J’avais besoin de sentir que ma contribution faisait une diffĂ©rence dans la vie d’autrui.

 

La formation, oui, ça en faisait partie. Mais quoi d’autre ? Ca n’Ă©tait pas suffisant pour moi. J’ai suivi la formation de relation d’aide de Jacques Poujol, pendant 3 ans. Cela m’a beaucoup apportĂ© au niveau personnel, d’autant plus qu’Ă  40 ans, on n’a pas la mĂȘme approche de la vie qu’Ă  20 ans.

Je sentais que je commençais Ă  m’aligner avec moi-mĂȘme…

Et pendant la 3Ăšme annĂ©e de cette formation, j’ai Ă©galement suivi une formation certifiante de coach… Cela m’a permis encore plus de m’aligner avec mes valeurs profondĂ©ment ancrĂ©es dans ma foi en Dieu, dans ce besoin d’aider et me mettre au service d’autrui…

 

Mais comment faire concrĂštement ? Comment capitaliser sur 20 ans d’expĂ©rience tout en restant cohĂ©rente avec ma mission de vie, mes valeurs, le service, la crĂ©ativitĂ©, l’efficacitĂ©, l’authenticitĂ© ?

 

Comment donc allier le marketing et le coaching ?

 

 

Telle qu’elle prĂ©sente son travail et telle qu’elle le vit, l’approche de Myriam s’inspire d’un ensemble de valeurs.  Comment cette « alchimie » s’est-elle opĂ©rĂ©e ? Quelle en est la dynamique ?

 

“Comme le dit Oly dans son tĂ©moignage ci-dessus, je l’ai aidĂ©e Ă  comprendre que le marketing est un Ă©tat d’esprit, une attitude qui met le Client au centre. Et si on remplace le mot  »client » par  »autrui » ??

C’est lĂ  ou se trouve l’un des secrets de cette alchimie.

C’est pourquoi j’ai commencĂ© Ă  dĂ©velopper le programme de  »marketing de soi ». Je sais, le mot  »marketing » est souvent perçu avec un connotation nĂ©gative. Or tout dĂ©pend ce que l’on en fait…

L’approche est justement d’ĂȘtre Ă  l’Ă©coute, d’aller au devant du client (d’autrui :), de connaĂźtre ses frustrations et de lui montrer qu’il existe une solution…  C’est ce marketing authentique qui me passionne.

 

Dans  »le marketing de soi », que j’ai ensuite dĂ©clinĂ© en  »marketing de l’entrepreneur »,  »marketing du coach »,  »marketing du consultant », la dĂ©marche est la mĂȘme : identifier son cƓur rĂ©el d’expertise, ses valeurs profondes, sa  »mission ». Et le communiquer clairement, avec authenticitĂ©. Être vrai, rayonner son message…

LibĂ©rer son potentiel…

 

Et communiquer de façon crĂ©dible et authentique… “

 

Contribution de Myriam Vandenbroucque

 

(1)            http://moncoachmarketing.com/

ReconnaĂźtre et vivre la prĂ©sence d’un Dieu relationnel

 

indexExtraits du livre de Richard Rohr : The divine dance

Dans un article prĂ©cĂ©dent (1), nous avons prĂ©sentĂ© le livre de Richard Rohr : « The divine dance. The Trinity and your transformation ». (La danse divine. Dieu trinitaire et votre transformation). Il nous parle d’un Dieu qui est communion d’amour et prĂ©sence relationnelle. De nombreux commentateurs convergent  pour voir dans ce livre, un ouvrage original qui ouvre un nouvel horizon.

En attendant une traduction de ce livre en français, en voici quelques extraits dans une traduction en français qui ne relĂšve pas d’une compĂ©tence professionnelle, mais qui s’efforce de rapporter une pensĂ©e vive et profonde.

Ces extraits suscitent notre réflexion. Ils nous questionnent et ils nous interpellent. Ils éveillent notre méditation. Ils nous invitent à lire le livre de Richard Rohr pour poursuivre notre découverte et notre recherche.

 

La présence unifiante de Dieu est déjà là

Au cƓur de l’expĂ©rience spirituelle, «  accepter que nous sommes acceptĂ©s et vivre en consĂ©quence ».

Mais tant d’obstacles au sein mĂȘme de l’univers religieux : «  Nous vivons dans l’autoaccusation
. nous sommes convaincus que nous sommes indignes
 nous avons Ă©tĂ© tellement anesthĂ©siĂ©s Ă  la bonne nouvelle de l’Evangile que la question de notre union Ă  Dieu a Ă©tĂ© rĂ©solue une fois pour toute »  Il y a aussi la rĂ©sistance d’un ego et d’une autosuffisance.

Mais la grĂące est lĂ . « Vous ne pouvez pas crĂ©er votre union Ă  Dieu. Elle vous est dĂ©jĂ  donnĂ©e. La diffĂ©rence n’est pas entre ceux qui sont unis Ă  Dieu et ceux qui ne le sont pas. Nous sommes tous unis Ă  Dieu, mais seulement certains d’entre nous le savent ».

(p 109)

Une vie bonne, c’est une vie en relation

Lorsqu’une personne est sĂ©parĂ©e, isolĂ©e, seule, la maladie menace.

« La voie de JĂ©sus, c’est une invitation Ă  une vision trinitaire de la vie, de l’amour, et de la relation sur la terre comme au sein de la DivinitĂ©. Comme la TrinitĂ©, notre nature, c’est de vivre en pleine relation. Nous appelons cela l’amour. Nous sommes faits pour l’amour et, en dehors de cela, nous mourons trĂšs rapidement ».

« Dieu est entiĂšrement relation », nous dit Richard Rohr. « Je dĂ©crirai le salut comme Ă©tant simplement le dĂ©sir et la capacitĂ© d’ĂȘtre en relation »

(p 46-47)

 

Etre ensemble

Richard Rohr nous rapporte une affirmation qui est prĂ©sente dans les quatre Ă©vangiles Ă  la fois : « Quiconque vous accueille m’accueille, et quiconque m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé »  (1).

« Si vous avez grandi dans le christianisme, vous avez entendu souvent ce verset. Mais vous ĂȘtes vous arrĂȘtĂš pour rĂ©flĂ©chir Ă  ce qui  vraiment arrivait là ? JĂ©sus dit qu’il y a une Ă©quivalence morale entre vous, votre prochain, le Christ et Dieu. C’est une chaine Ă©tonnante entre les ĂȘtres qui n’est pas Ă©vidente pour un observateur occasionnel.

Cette nouvelle ontologie, cette nouvelle maniĂšre de parcourir la rĂ©alitĂ©, est le cƓur et le fondement de toute la rĂ©vĂ©lation, de toute la rĂ©volution chrĂ©tienne. Cela vient profondĂ©ment remodeler notre comprĂ©hension de qui Dieu est et ou il se trouve. Et aussi de qui nous sommes et oĂč nous sommes.

Est-ce que vous allez recevoir cette vision ? Dieu n’est pas lĂ  bas Ă  l’extĂ©rieur, ce que la religion a envisagĂ© depuis le dĂ©but. On doit se demander : quelle est l’expĂ©rience nouvelle qui a permis Ă  tous les quatre Ă©vangiles de parler d’une maniĂšre si peu conforme et cependant si assurĂ©e ? ».

(1) Matthieu 10.40 Marc 9.37 Luc 10.16 Jean 13.20

(p 164)

 

ReconnaĂźtre le champ de la force divine.

« Comme nous accordons nos cƓurs Ă  une vision plus vaste, nous commençons Ă  faire l’expĂ©rience de Dieu presque comme un champ de force pour emprunter une mĂ©taphore Ă  la physique
. Et nous sommes tous dĂ©jĂ  dans ce champ de force, que nous le sachions ou pas, de la mĂȘme façon que des hindous, des bouddhistes, des gens de toute race et de toute nationalité . Dieu ne commence pas et ne s’arrĂȘte pas Ă  une frontiĂšre.

Quand vous vous ouvrez au flux de la rĂ©alitĂ© fondamentale Ă  travers votre vie, vous ĂȘtes une personne universelle qui vit au delĂ  de ces frontiĂšres que les ĂȘtres humains aiment crĂ©er. Paul l’exprime joliment : «  Notre citoyennetĂ© est dans les cieux ».

En devenant plus ĂągĂ©, je suis devenu prĂȘt quotidiennement Ă  accepter et Ă  faire confiance au champ de force en sachant qu’il est bon, qu’il est totalement de notre cĂŽtĂ© et que je suis dĂ©jĂ  Ă  l’intĂ©rieur. Comment pourrions-nous ĂȘtre en paix autrement ?

C’est seulement dans cette acceptation et cette confiance de base que je puis cesser de me polariser sur telle ou telle chose dans mon mental ou mĂȘme de me crĂ©er des problĂšmes mentaux.

( p 111)

 

A l’encontre d’un pouvoir dominateur, une puissance partagĂ©e

  « La TrinitĂ© nous dit que le pouvoir de Dieu n’est pas domination, menace, coercition. A la place, il est d’une nature totalement diffĂ©rente, ce Ă  quoi les disciples de JĂ©sus ne se sont pas encore ajustĂ©s. Si le PĂšre ne domine pas le Fils,, si le Fils ne domine pas le Saint Esprit et si l’Esprit ne domine pas le PĂšre et le Fils, alors, il n’y a pas de domination en Dieu. Toute puissance divine est une puissance partagĂ©e, ce qui devrait avoir complĂštement changĂ© la politique et la relation chrĂ©tienne. Dans la TrinitĂ©, il n’y a pas de recherche de pouvoir sur,  mais seulement un pouvoir avec,  un don sans retenue, un partage, un lĂącher prise et, ainsi, une confiance et une rĂ©ciprocitĂ© infinie. Il y a lĂ  une puissance pour changer nos relations dans le mariage, la culture et mĂȘme les relations internationales  »

(p 95-96)

 

Trois

« Il faut une personne pour ĂȘtre un individu. Il faut deux personnes pour faire un couple. Et il faut au moins trois personnes pour faire une communauté  Trois (« trey ») crĂ©e la possibilitĂ© pour les gens d’aller au delĂ  de leur intĂ©rĂȘt personnel. C’est le commencement d’un sens du bien commun, d’un projet commun au delĂ  de ce qui correspond aux intĂ©rĂȘts personnels. Trois crĂ©e de la stabilitĂ© et de la sĂ©curitĂ© qui est essentielle pour une communautĂ©.

Parce que la rĂ©alitĂ© ultime de l’univers rĂ©vĂ©lĂ©e dans la TrinitĂ© est une communautĂ© de personnes en relation les unes avec les autres, nous savons que trois (« trey ») est le seul moyen possible pour les gens de se relier les uns aux autres avec l’individualitĂ© de chacun, la rĂ©ciprocitĂ© de deux, la stabilitĂ©, objectivitĂ© et subjectivitĂ© de trois »   (d’aprĂšs Dave Andrews)

(p 101)

 

Une confiance naturelle à l’exemple de l’enfant

« Tournons-nous vers l’exemple de l’enfant pour rĂ©aliser la vertu naturelle de l’espĂ©rance. Les experts en marketing nous disent que les enfants (et les chiens) sont encore plus efficaces que le sexe dans la publicitĂ©. Pourquoi ? Parce que les enfants et les chiens sont encore remplis par une espĂ©rance naturelle et l’attente qu’on rĂ©pondra Ă  leur sourire. Ils tendent Ă  Ă©tablir un contact direct Ă  travers leur regard
 C’est l’ĂȘtre pur, c’est le flux sans inhibition.

C’est pourquoi JĂ©sus nous a dit d’ĂȘtre comme des enfants. Il n’y a rien qui arrĂȘte le pur flux qui s’exprime dans un enfant ou dans un chien. Et c’est pourquoi quiconque a une once d’humanitĂ© et d’amour en lui est sans dĂ©fense vis Ă  vis d’une telle prĂ©sence »

C’est une Ă©vocation de la prĂ©sence de Dieu. « Nous voyons dans ce flux toute attirance pour la beautĂ©, toute admiration, toute extase,  toute la solidaritĂ© avec la souffrance. Quiconque qui s’ouvre pleinement au flux verra l’image divine mĂȘme dans des lieux qui sont devenus laids ou dĂ©faits. C’est la vision universelle de la Trinité »

( p 81-82)

 

Tous solidaires

« Nous ne pouvons sĂ©parer JĂ©sus du Dieu trinitaire. Cependant, le pratiquant moyen n’a jamais eu la chance d’accĂ©der Ă  une Ă©conomie de la grĂące bien plus vaste » 

Nous pensons dans une perspective de raretĂ©. Elargissons notre horizon. L’espĂ©rance elle-mĂȘme s’applique en premier au collectif. Nous avons cherchĂ© Ă  susciter de l’espĂ©rance chez un individu isolĂ© dans un cosmos, une sociĂ©tĂ© et une humanitĂ© vouĂ©s Ă  la dĂ©sespĂ©rance et Ă  la punition. Il est trĂšs difficile pour des individus de jouir de la foi, de l’espĂ©rance et de l’amour, et mĂȘme de prĂȘcher la foi, l’espĂ©rance et l’amour, qui seuls Ă©lĂšvent, si la sociĂ©tĂ© elle-mĂȘme ne jouit pas de cette foi, de cette espĂ©rance et de cet amour. C’est une bonne partie de notre problĂšme aujourd’hui. Nous n’avons pas donnĂ© au monde un message Ă  la dimension  cosmique


Dieu, en tant que Dieu trinitaire, donne de l’espĂ©rance Ă  la sociĂ©tĂ© dans son ensemble parce que cela dĂ©coule de la nature mĂȘme de son existence et non sur les conduites fluctuantes et instables des individus ».

(p 81)

 

Louange de la création

 Dans une Ɠuvre crĂ©atrice, L’Esprit Saint tend Ă  multiplier continuellement des formes toujours nouvelles de crĂ©ativitĂ© et de vie. On dit que 2/3 des formes de vie existent sous les mers. Et un tiers d’entre elles n’ont jamais Ă©tĂ© entrevues par un Ɠil humain . « Qu’est-ce qu’une forme de vie en dehors de nous pour le voir ? » peuvent s’imaginer des humains autocentrĂ©s. Leur valeur ne dĂ©pend pas de notre reconnaissance Ă  leur sujet. Comme les psaumes le disent de nombreuses maniĂšres, « les cieux proclament la gloire de Dieu » (Psaume 19.1).

De fait, la grande majoritĂ© des animaux et des fleurs qui ont existĂ©, n’ont jamais Ă©tĂ© observĂ©s par l’Ɠil humain. Ils forment le cercle universel de la louange. Simplement en existant, en ne faisant rien, toute chose rend grĂące Ă  Dieu. Toute chose. En existant, simplement en existant. C’est le fondement. Si vous dĂ©sirez ĂȘtre un contemplatif, c’est tout ce que vous avez besoin de savoir. Toute chose, en Ă©tant elle-mĂȘme, donne pure gloire Ă  Dieu
. »

Richard Rohr cite ensuite une Ă©crivaine apprĂ©ciĂ©e : Annie Dillard. « Nous sommes lĂ  pour tĂ©moigner de la crĂ©ation et pour l’encourager. Nous sommes lĂ  pour remarquer chaque chose de telle maniĂšre Ă  ce que chaque chose se trouve remarquĂ©e. Ensemble nous remarquons chaque ombre d’une montagne,  chaque pierre sur la plage, mais tout particuliĂšrement, les beaux visages et natures complexes des uns et des autres
Autrement, la crĂ©ation serait en train de jouer dans une maison vide ».

(p 187-188)

 

L’Ecriture en mouvement

« L’Ecriture est Ă  la fois pleinement humaine et pleinement divine. Elle est toujours Ă©crite par des humains dans une perspective humaine. Nous l’appelons « Parole de Dieu », mais la seule « Parole de Dieu » endossĂ©e sans Ă©quivoque dans les pages de la Bible, c’est JĂ©sus, le Logos Ă©ternel.

Dans mon livre : « Des choses cachĂ©es. L’Ecriture comme spiritualité », j’ai dĂ©crit la Bible comme une progression graduelle allant de l’avant. Le narratif est en mouvement vers une thĂ©ologie toujours plus dĂ©veloppĂ©e de la grĂące, jusqu’à ce que JĂ©sus devienne la grĂące personnifiĂ©e. Mais c’est un concept que le psychisme humain n’est jamais complĂštement prĂȘt Ă  accepter. Nous rĂ©sistons et vous verrez aussi dans la majoritĂ© des textes bibliques ce que l’anthropologue RenĂ© Girard appelle « un texte en travail », un texte souffrant
.

C’est encore vrai dans le Nouveau Testament, oĂč mĂȘme les dĂ©clarations de Jean sur l’amour inconditionnel sont encore accompagnĂ©es de lignes qui semblent impliquer un amour conditionnel, ainsi : « Si vous obĂ©issez Ă  mes commandements » est formulĂ© Ă  plusieurs reprises
Psychologiquement, les humains ont rĂ©ellement encore besoin de quelque amour conditionnel pour aller vers la reconnaissance et le besoin d’un amour inconditionnel.  Nous avons reçu la promesse d’un plein amour (grĂące) ici et maintenant, mais c’est toujours trop Ă  croire pour l’esprit et pour le cƓur
.

Le texte biblique reflĂšte Ă  la fois la croissance et la rĂ©sistance de l’ñme. L’Ecriture est une symphonie polyphonique,  une conversation avec elle-mĂȘme oĂč elle joue des mĂ©lodies et des dissonances, trois pas en avant, deux pas en arriĂšre. Progressivement et finalement, les trois pas l’emporteront. Le texte se dĂ©place inexorablement vers l’inclusivitĂ©, la grĂące, l’amour inconditionnel et le pardon. J’appelle cela « l’hermĂ©neutique de JĂ©sus ». InterprĂ©tez les Ecritures de la maniĂšre dont JĂ©sus l’a fait. Il ignore, dĂ©nie ou s’oppose ouvertement Ă  ses propres Ecritures, quand elles sont impĂ©rialistes, punitives, exclusivistes ou tribales. VĂ©rifiez par vous-mĂȘme
. »

( p 136-137)

 

Ouvrir notre horizon

Faut-il redouter les apports d’autres traditions religieuses ?

« Dans notre climat fortement polarisĂ©, je sais que certains chrĂ©tiens ont appris pendant des gĂ©nĂ©rations Ă  redouter tout ce qui ne vient pas « purement » de « nos » sources ». Cependant, « notre propre Ecriture  contient des exemples d’apports apprĂ©ciĂ©s dÂ â€˜Ă©lĂ©ments de fois environnantes
 Nous sommes peureux. Dieu, apparemment, est sans peur
Si la vĂ©ritĂ© est la vĂ©ritĂ©, si Dieu est un, alors il y a une rĂ©alitĂ© et il y a une vĂ©rité  Ne pourrait-on pas ĂȘtre heureux quand d’autres religions dĂ©duisent approximativement la mĂȘme chose ?… »

Richard Rohr a vĂ©cu en Inde, berceau d’une tradition religieuse trĂšs ancienne. « Dans la thĂ©ologie et dans le langage hindou, il y a trois qualitĂ©s de Dieu et donc de toute rĂ©alitĂ©. J’ai entendu frĂ©quemment ces mots : « sat, chit, ananda ».

Sat est le mot correspondant Ă  l’Etre (Being). Dieu est l’Etre lui-mĂȘme. L’Etre universel, la source de tout ĂȘtre, nous l’appelons le PĂšre.

Chat est le mot pour conscience et connaissance. Dieu est conscience et esprit. Est-ce que cela ne rappelle pas le Logos ? Naturellement, notre concept biblique de Logos a Ă©tĂ© empruntĂ© Ă  la philosophie grecque. L’auteur de l’Evangile de Jean a dĂ©jĂ  fait ce que je fais maintenant :  emprunter Ă  une sagesse extra-biblique, extra-judaĂŻque.

Et finalement, Ananda. Cela signifie : bonheur, bĂ©atitude. Est-ce que cela ne rĂ©sonne pas comme la joie de l’Esprit Saint, le bonheur que vous pouvez expĂ©rimenter lorsque vous vivez sans rĂ©sistance dans le flux. Vous ne savez pas d’oĂč Il vient, ce que JĂ©sus dit Ă  propos de l’Esprit . Comme la grĂące elle-mĂȘme, ananda est un don qui vient de nulle part » 

Je n’ai pas à travailler dur pour reconnaütre ici la dimension trinitaire :

Sat-Chit-Ananda.

Etre, connaissance, bonheur

PĂšre, Fils, Esprit.

La vérité est une et universelle

(p 140-141)

 

S’ouvrir au mystùre

« C’est seulement Dieu en nous qui comprend les choses de Dieu. Nous devons prendre cela trĂšs au sĂ©rieux et savoir comment il opĂšre en nous, avec nous, pour nous, comme nous. L’échec dans l’accĂšs Ă  notre propre systĂšme de fonctionnement a rendu une part du christianisme trĂšs immature et superficiel avec des clichĂ©s de seconde main au lieu d’une expĂ©rience calme, claire et immĂ©diate de la rĂ©alitĂ©. Cela nous a laissĂ© du cĂŽtĂ© de l’argumentation plutĂŽt que de l’apprĂ©ciation
 ainsi, tout ce qui reflĂšte un mystĂšre reste statique dans la forme de dogmes et de doctrines, hautement abstrait, densĂ©ment mĂ©taphysique et largement non pertinent.

Pourquoi l’athĂ©isme occidental se dĂ©veloppe-t-il ? Pourquoi les chrĂ©tiens occidentaux produisent-ils le plus grand nombre d’athĂ©es ? Ce que crois, et j’ai dĂ©diĂ© ma vie Ă  renverser la tendance, c’est que nous n’avons pas portĂ© le dogme et la doctrine au niveau de l’expĂ©rience intĂ©rieure. Aussi longtemps que l’enseignement reçu ne devient pas une connaissance expĂ©rientielle, nous continuons Ă  crĂ©er une grande quantitĂ© de croyants dĂ©sabusĂ©s ».

(p 123-124)

 

Guidance

« La vie de foi, c’est un chemin vigilant pour apprendre comment demeurer paisiblement dans un Amour ultime et dans une Source infinie. D’une façon trĂšs pratique, vous serez alors capables de dĂ©couvrir avec confiance que vous ĂȘtes gardĂ©s et guidĂ©s. De fait, aprĂšs quelque temps, vous pourrez avoir confiance que presque tout est en forme de guidance, absolument tout. Votre capacitĂ© Ă  faire confiance Ă  la rĂ©alitĂ© d’une guidance, va lui permettre de se rĂ©vĂ©ler. Etonnante logique, mais ne l’écartez pas jusqu’à ce que vous ayez sincĂšrement essayĂ©. J’ai confiance que vous en viendrez Ă  voir que c’est vrai dans l’économie divine des choses


Certes, votre jugement calculateur pourra douter. Quand vous doutez de la possibilitĂ© de telles choses, vous arrĂȘtez le flux. Mais si vous demeurez dans la disposition de permettre et de faire confiance, l’Esprit en vous, vous permettra de lĂącher prise avec confiance. Il y a une raison pour cela.  Je suis en train de vivre comme le fleuve s’écoule, portĂ© par la surprise de son/mon dĂ©roulement. Je suis conduit. C’est bon


S’il vous plait, n’entendez pas que j’adopte une approche fataliste, comme si vous ne pouviez travailler pour amĂ©liorer et changer la situation. En fait, c’est tout le contraire. Vous pouvez.

Mais ce que je suis en train de vous dire, c’est ce qui doit venir en premier Ă  votre cƓur et Ă  votre Ăąme doit ĂȘtre un oui et non un non, la confiance au lieu de la rĂ©sistance. Et quand vous pourrez avancer avec vos ouis et vous permettre de voir Dieu dans tous les moments de votre vie, vous reconnaitrez qu’une telle Ă©nergie n’est jamais gaspillĂ©e, mais gĂ©nĂšre toujours de la vie et de la lumiĂšre »

(p 97-98)

Ces passages du livre de Richard Rohr et de Mike Morrell : « The divine dance » ouvrent des avenues pour notre réflexion et des pistes pour notre méditation. Si cette lecture suscite des échos, elle pourra inciter un éditeur à entreprendre une traduction en français.

(1)            Richard Rohr with Mike Morrell. The divine dance. The Trinity and your transformation. SPCK, 2016.  Mise en perspective sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=2758

 

Sur ce blog, dans le mĂȘme esprit de stimulation et d’incitation, nous avons Ă©galement prĂ©sentĂ© des extraits du dernier livre de JĂŒrgen Moltmann : The living God and the fullness of life (Le Dieu vivant et la plĂ©nitude de vie) : https://vivreetesperer.com/?p=2758

 

 

Comment la puissance technologique n’engendre pas nĂ©cessairement le progrĂšs

Comment la puissance technologique n’engendre pas nĂ©cessairement le progrĂšs

Des exemples de l’histoire aux menaces actuelles.

 Power and progress
Par Daron Acemoglu et Simon Johnson

Il n’y a pas trĂšs longtemps, tout ce qui paraissait un progrĂšs technologique excitait l’enthousiasme comme la promesse d’une abondance dans une sociĂ©tĂ© prospĂšre d’oĂč disparaitrait la pauvretĂ© et la misĂšre. Aujourd’hui, on se rend compte qu’au cours des quatre derniĂšres dĂ©cennies, les sociĂ©tĂ©s occidentales et particuliĂšrement la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine, ont pris le chemin inverse, en devenant beaucoup plus inĂ©galitaires. Et on prend Ă©galement conscience que la course au dĂ©veloppement Ă©conomique bouleverse notre Ă©cosystĂšme planĂ©taire et dĂ©rĂ©gule le climat par un usage forcenĂ© des Ă©nergies fossiles. Aujourd’hui, la conscience Ă©cologique suscite une rĂ©action Ă  l’échelle planĂ©taire. Face Ă  des ambitions dĂ©mesurĂ©es, la prudence s’impose et on en appelle mĂȘme aux mĂ©rites de la sobriĂ©tĂ©.

Deux chercheurs amĂ©ricains au MIT, Daron Acemoglu et Simon Johnson, directement confrontĂ©s Ă  la course effrĂ©nĂ©e Ă  l’automatisation qui bouleverse les Ă©quilibres de l’économie amĂ©ricaine, viennent d’écrire un livre qui situe nos problĂšmes actuels dans une histoire longue oĂč l’on constate qu’en maintes pĂ©riodes, les acquis du progrĂšs technologique ont Ă©tĂ© confisquĂ©s par un groupe dominant aux dĂ©pens des travailleurs ayant portĂ© cette innovation. Les auteurs nous apportent cependant une bonne nouvelle : Ă  d’autres pĂ©riodes, des forces sociales se sont Ă©levĂ©es dans la sociĂ©tĂ© et ont permis un dĂ©veloppement Ă©quilibrĂ© au bĂ©nĂ©fice de tous. Ce livre : « Power and Progress. Our Thousand-year struggle over technology and prosperity” (1) nous montre comment garder notre autonomie par rapport aux dĂ©voiements de processus Ă©conomiques contrĂŽlĂ©s Ă  leur profit par des Ă©lites Ă©goĂŻstes ». « Le progrĂšs n’est pas automatique, mais il dĂ©pend des choix que nous faisons en matiĂšre de technologie. De nouvelles maniĂšres d’organiser la production et la communication peuvent, soit servir les intĂ©rĂȘts Ă©troits d’une Ă©lite, soit devenir le fondement d’une prospĂ©ritĂ© Ă©tendue ». Ce problĂšme est d’actualitĂ© « à un Ă©poque oĂč les technologies digitales et l’intelligence artificielle accroissent l’inĂ©galitĂ© et minent la dĂ©mocratie Ă  travers une automatisation excessive, une collecte massive des donnĂ©es et une surveillance intrusive ». « Il n’est pas obligĂ© qu’il en soit ainsi. ‘Power and Progress’ dĂ©montre que la voie de la technologie peut ĂȘtre mise sous contrĂŽle. Les formidables avancĂ©es informatique du dernier demi-siĂšcle peuvent devenir des outils d’autonomisation et de dĂ©mocratisation, mais pas si les dĂ©cisions majeures demeurent dans les mains de quelques leaders technologiques animĂ©s par une hubris » (page de couverture). Ce livre, jusqu’à prĂ©sent non traduit en français, est prĂ©sentĂ© en cette langue par un expert. On pourra se reporter Ă  son article : « La chaire» a lu pour vous : https://www.chaireeconomieduclimat.org/points-de-vue/la-chaire-a-lu-pour-vous-power-and-progress-our-thousand-year-struggle-over-technology-and-prosperity-de-daron-acemoglu-et-simon-johnson/

Aussi, nous nous bornerons ici à présenter quelques aperçus significatifs de ce livre.

 

Comment des bénéfices de progrÚs technologiques substantiels ont été captés par une élite politique ou religieuse

Les auteurs remontent loin dans le passĂ© pour mettre en Ă©vidence, la maniĂšre dont des progrĂšs technologiques majeurs ont Ă©tĂ© captĂ©s par des Ă©lites politiques ou religieuses. Il y a environ douze mille ans, est apparu un processus menant Ă  une agriculture installĂ©e, permanente, fondĂ©e sur des plantes et des espĂšces domestiquĂ©es. Des genres diffĂ©rents de sociĂ©tĂ© apparurent. Mais il y a 7000 ans, un rĂ©gime particulier se dĂ©veloppa dans le Croissant fertile. Le fondement Ă©tait une agriculture avec une seule rĂ©colte. Les inĂ©galitĂ©s Ă©conomiques s’intensifiĂšrent et une haute hiĂ©rarchie sociale apparut, consommant beaucoup. En Égypte, pyramides et tombes se dĂ©veloppĂšrent dans le cadre d’une Ă©lite comparable. C’est lĂ  que les auteurs mettent en Ă©vidence l’introduction des grains de cĂ©rĂ©ales comme « un exemple d’innovation technologique ». Or, sous les auspices d’états centralisĂ©s, la condition des paysans semble avoir Ă©tĂ© pire que celle de leurs ancĂȘtres. De fait, « les choix technologiques dans les premiĂšres civilisations ont favorisĂ© les Ă©lites et appauvri la plupart des gens ». Les auteurs dĂ©criront une situation comparable au Moyen Ăąge anglais. « Dans les deux cas, le systĂšme politique plaçait un pouvoir disproportionnĂ© dans les mains d’une Ă©lite. La coercition jouait un rĂŽle bien sĂ»r, mais le pouvoir de persuasion de la religion et les leaders politiques Ă©taient souvent un facteur dĂ©cisif » (p 115-120).

« Cependant, ni la monoculture du grain, ni l’organisation hautement hiĂ©rarchisĂ©e qui extorquait le surplus aux fermiers, n’a Ă©tĂ© ordonnĂ©e ou dictĂ©e par la nature des rĂ©coltes correspondantes. MĂȘme la culture de cĂ©rĂ©ales n’a pas toujours produit l’inĂ©galitĂ© et la hiĂ©rarchie comme l’illustrent les plus Ă©galitaires vallĂ©es de l’Indus et la civilisation mĂ©soamĂ©ricaine. La culture du riz dans l’Asie du Sud-est a pris place dans le contexte de sociĂ©tĂ©s moins hiĂ©rarchiques
 (p 122).

« Contrairement Ă  une opinion rĂ©pandue, il y a eu un changement et une amĂ©lioration technologique significative dans la productivitĂ© Ă©conomique de l’Europe au Moyen Age
 Cependant, il y a quelque chose de tout Ă  fait sombre Ă  cette Ă©poque. La vie des gens travaillant la terre resta dure et le niveau de vie des paysans peut mĂȘme avoir dĂ©clinĂ© dans certaines parties de l’Europe. La technologie et l’économie ont progressĂ© d’une maniĂšre qui s‘est rĂ©vĂ©lĂ©e nuisible pour la plus grande part de la population » (p 100-101). En Angleterre, le dĂ©veloppement des moulins a Ă©tĂ© une innovation dĂ©cisive. A la fin du XIe siĂšcle, il y a environ 6000 moulins Ă  eau en Angleterre et ce nombre a doublĂ© durant les deux siĂšcles suivants et leur productivitĂ© s’est accrue. La productivitĂ© agricole s’est Ă©galement accrue. Malheureusement, il n’y a pas eu une Ă©lĂ©vation correspondante des revenus chez les paysans. Le surplus a Ă©tĂ©, de fait, majoritairement consommĂ© par « la hiĂ©rarchie religieuse qui a construit des cathĂ©drales, des monastĂšres et des Ă©glises » (p 103). Cette construction a Ă©tĂ© couteuse. Le contrĂŽle fĂ©odal a exercĂ© une coercition : « Comme les nouvelles machines se dĂ©ployaient et que la productivitĂ© augmentait, les seigneurs fĂ©odaux ont exploitĂ© plus intensĂ©ment la paysannerie ».

Les auteurs nous rapportent ensuite comment s’est dĂ©roulĂ©e, au XVIIIe siĂšcle en Angleterre, la pression en faveur de la clĂŽture des terres, les « enclosures ». « Cette histoire a montrĂ© clairement que cette rĂ©organisation technologique de la production, mĂȘme lorsqu’elle Ă©tait proclamĂ©e dans l’intĂ©rĂȘt du progrĂšs et du bien commun, avait pour consĂ©quence de mettre davantage Ă  bas ceux qui Ă©taient dĂ©jĂ  dĂ©pourvus de pouvoir ».

Les auteurs envisagent ensuite deux moments de l’histoire trĂšs diffĂ©rents oĂč le progrĂšs technologique n’a pas profitĂ© aux travailleurs, mais a participĂ© Ă  leur asservissement : l’introduction de l’égraineuse de grains de coton dans les plantations amĂ©ricaines Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle ; le dĂ©veloppement du machinisme agricole dans les annĂ©es 1920 en Union soviĂ©tique. « Le secteur cotonnier a fleuri Etats-Unis grĂące aux nouvelles connaissances comme l’égraineuse de coton et d’autres innovations aux dĂ©pens des esclaves noirs travaillant dans les grandes plantations. L’économie soviĂ©tique a grandi rapidement dans les annĂ©es 1920 en utilisant le machinisme, tel que les tracteurs et les moissonneuses batteuses, appliquĂ© aux champs de cĂ©rĂ©ales. Cependant, la croissance s’est produite au dĂ©triment de millions de petits paysans » (p 133).

 

Lorsque la prospérité accompagne le progrÚs technologique

Les auteurs nous prĂ©sentent dans ce livre une histoire du progrĂšs technologique. Ils consacrent ainsi le chapitre 5 Ă  la grande rĂ©volution industrielle qui a mĂ©tamorphosĂ© le visage Ă©conomique de la Grande-Bretagne au XVIIIe et XIXe siĂšcle. Ce fut l’invention bouleversante de la machine Ă  vapeur. Ce livre nous rapporte cette Ă©popĂ©e industrielle, le dĂ©veloppement des mines de charbon, la fulgurante expansion des chemins de fer et une dynamique d’invention et de rĂ©alisation de nouvelles machines.

Un changement technologique et Ă©conomique aussi consĂ©quent et radical apparait dans l’histoire comme un phĂ©nomĂšne original. Les auteurs s’interrogent donc sur les facteurs originaux de cette irruption. Ils mettent l’accent sur un facteur « souvent sous-estimé » : « l’émergence d’une classe moyenne nouvellement enhardis : entrepreneurs et hommes d’affaires. Leurs vies et leurs aspirations Ă©taient enracinĂ©s dans les changements institutionnels qui avaient commencĂ© Ă  donner du pouvoir Ă  ce milieu social depuis le XVIe et le XVIIe siĂšcle. La RĂ©volution industrielle peut avoir Ă©tĂ© propulsĂ©e par les ambitions de gens nouveaux essayant d’amĂ©liorer leur richesse et leur standing social, ce qui Ă©tait loin d’une vision inclusive » (p 45-46).

En effet, au dĂ©but de la RĂ©volution industrielle, si des hommes ont participĂ© Ă  un enthousiasme innovant, « la premiĂšre phase de cette RĂ©volution a Ă©tĂ© appauvrissante et affaiblissante pour la plupart des gens. C’était la consĂ©quence d’un fort parti pris d’automatisation et dans le manque de voix ouvriĂšre en regard de la fixation des salaires. Ce ne sont pas seulement les moyens de subsistance qui ont Ă©tĂ© affectĂ©s nĂ©gativement par l’industrialisation mais aussi la santĂ© et l’autonomie d’une bonne part de la population.

Cette affreuse image a commencĂ© Ă  changer dans la seconde partie du XIXe siĂšcle quand des gens ordinaires se sont organisĂ©s et ont provoquĂ© des rĂ©formes politiques et Ă©conomiques. Les changements sociaux ont modifiĂ© l’orientation de la technologie et fait monter les salaires. Ce fut seulement une petite victoire pour une prospĂ©ritĂ© partagĂ©e et les pays occidentaux auront Ă  cheminer plus longuement sur un chemin contestĂ©, technologique et institutionnel, pour rĂ©aliser une prospĂ©ritĂ© partagĂ©e » (p 56).

Selon les auteurs, l’emploi dĂ©pend des modes d‘industrialisation. Au dĂ©but de la rĂ©volution industrielle, l’automatisation de la filature et du tissage a nui Ă  l’emploi. Au contraire, dans la pĂ©riode ultĂ©rieure, le dĂ©veloppement des chemins de fer a suscitĂ© toute une gamme d’emploi.

« Les avancĂ©es dans les chemins de fer suscitĂšrent beaucoup de nouvelles tĂąches dans l’industrie des transports et les emplois requĂ©raient toute une gamme de capacitĂ©s de la construction Ă  la vente de tickets, maintenance, ingĂ©nierie, et management » (p 196). Des contrepoids sont apparus permettant le partage des bĂ©nĂ©fices du progrĂšs technologique. « Un machinisme et des mĂ©thodes de production se sont dĂ©veloppĂ©s et ont accru la productivitĂ© de l’industrie britannique, en mĂȘme qu’elle Ă©tendait aussi la gamme de tĂąches et d’opportunitĂ©s pour les travailleurs. Mais le progrĂšs technologique n’est jamais suffisant en lui-mĂȘme pour Ă©lever les salaires. Les travailleurs ont besoin de dĂ©velopper un plus grand pouvoir de nĂ©gociation vis-Ă -vis des employeurs ». C’est en 1871 que les syndicats devinrent pleinement lĂ©gaux en Grande-Bretagne (p 202).

Il y a d’autres pĂ©riodes oĂč le progrĂšs technologique a contribuĂ© Ă  une diversification et Ă  une multiplication des emplois. Les auteurs Ă©tudient en ce sens le dĂ©veloppement de l’électrification et celui de la production d’automobiles aux EtatsUnis. Ils envisagent la grande pĂ©riode de progrĂšs technologique, de croissance Ă©conomique et de bien-ĂȘtre social qu’ont Ă©tĂ© les trois dĂ©cennies qui ont suivi la seconde guerre mondiale. « Les Etats-Unis et les nations industrielles ont fait l’expĂ©rience d’une croissance Ă©conomique rapide qui a Ă©tĂ© largement partagĂ©e par la plupart des groupes dĂ©mographiques. Ces tendances Ă©conomiques ont Ă©tĂ© de pair avec d’autres amĂ©liorations sociales, incluant l’expansion de l’éducation, les soins de santĂ© et l’augmentation de l’espĂ©rance de vie. Ce changement technologique n’a pas seulement automatisĂ© le travail mais il a aussi crĂ©Ă© de nouvelles opportunitĂ©s pour les travailleurs et ceci s’est inscrit dans un cadre institutionnel qui a renforcĂ© les contre-pouvoirs » (p 36).

« Quelle a Ă©tĂ© la sauce secrĂšte de la prospĂ©ritĂ© partagĂ©e dans les dĂ©cennies ayant suivi la seconde guerre mondiale ? La rĂ©ponse rĂ©side en deux Ă©lĂ©ments : une direction de la technologie qui a crĂ©Ă© de nouvelles tĂąches et emplois pour des travailleurs de tous les niveaux de qualification et un cadre institutionnel permettant aux travailleurs de partager les gains de productivitĂ© entre employĂ©s et employeurs » (p 240). Les auteurs traitent de cette histoire aux Etats-Unis en montrant comment elle a notamment bĂ©nĂ©ficiĂ© des rĂ©formes du New Deal et il aborde cette histoire Ă©quivalente de progrĂšs en Europe dans le contexte de la reconstruction aprĂšs la guerre et un esprit social tel qu’il a Ă©tĂ© exprimĂ© en Angleterre dans le Rapport Beveridge qui proclame « l’abolition du besoin » (p 249).

 

Faire face aujourd’hui Ă  la nouvelle crise Ă©conomique qui est venue s’inscrire dans la rĂ©volution digitale Ă  travers un accroissement des inĂ©galitĂ©s et la menace d’une automatisation dĂ©vastatrice.

NĂ©e aux Etats-Unis et portant d’extraordinaires promesses, la rĂ©volution digitale y a Ă©tĂ© dĂ©tournĂ©e Ă  la fin du XXe siĂšcle. « Les technologies digitales sont devenues le cimetiĂšre de la prospĂ©ritĂ© collective. L’augmentation des salaires a baissĂ©, la part du travail dans le revenu national a diminuĂ© fortement et l’inĂ©galitĂ© des salaires a surgi autour de 1980. Bien que de nombreux facteurs, incluant la globalisation et l’affaiblissement du mouvement syndical, aient contribuĂ© Ă  cette transformation, le changement opĂ©rĂ© dans la technologie est le plus important. Les technologies digitales ont automatisĂ© le travail et dĂ©savantagĂ© le travail par rapport au capital et les travailleurs peu qualifiĂ©s par rapport aux diplĂŽmĂ©s universitaires » (p 257). Dans la plupart des Ă©conomies industrialisĂ©es, la part du travail a diminuĂ©. Aux Etats-Unis, la rĂ©gression a pris un tour particuliĂšrement dĂ©favorable. Un fossĂ© s’est Ă  nouveau accru entre les salaires des blancs et des noirs. L’inĂ©galitĂ© s’est considĂ©rablement accrue.

Les auteurs en imputent la cause principale Ă  un automatisation massive. Dans les dĂ©cennies prĂ©cĂ©dant la seconde guerre mondiale, l’automatisation est Ă©galement rapide, « mais elle Ă©tait contrebalancĂ©e par d’autres changements technologiques qui augmentaient la demande de travail.

La recherche rĂ©cente montre que depuis 1980, l’automatisation s’est accĂ©lĂ©rĂ©e significativement et qu’il y a moins de tĂąches et de technologies nouvelles qui crĂ©ent des opportunitĂ©s pour les gens. Ces changements entrent pour beaucoup dans la dĂ©tĂ©rioration de la position des travailleurs dans l’économie


L’automatisation a Ă©tĂ© aussi un accĂ©lĂ©rateur majeur de l’inĂ©galitĂ© en affectant des tĂąches remplies particuliĂšrement par des travailleurs peu ou moyennement qualifiĂ©s » (p 261).

Les auteurs soulignent qu’il n’y a pas lĂ  une fatalitĂ©. « La technologie a accru les inĂ©galitĂ©s Ă  cause des choix que des entreprises ou de puissants acteurs ont effectuĂ©. La globalisation n’est pas sĂ©parĂ©e de cette question
 De fait, il y a eu une synergie entre automatisation et globalisation avec le mĂȘme souci de rĂ©duire les coĂ»ts du travail et le nombre de travailleurs moins qualifiĂ©s. Ce processus a Ă©tĂ© facilitĂ© Ă  la fois par le manque de contre-pouvoirs dans le milieu du travail et par l’évolution politique depuis 1980 (p 263). Les auteurs dressent un tableau des pressions exercĂ©es par les grandes entreprises et les milieux d’affaire et ils mettent en Ă©vidence les idĂ©ologies correspondantes telles que la « doctrine Friedman ». Dans d’autres pays, les dĂ©rives ont Ă©tĂ© moins marquĂ©es. Les auteurs mentionnent les cas de l’Allemagne et du Japon oĂč on a combinĂ© l’automatisation et la crĂ©ation de tĂąches nouvelles (p 286).

Les auteurs critiquent une nouvelle ‘utopie digitale’ : « la transformation de l’éthique des hackers en une utopie digitale corporative est largement liĂ©e Ă  une poursuite de l’argent et du pouvoir social » (p 289). C’est une idĂ©ologie de la ‘disruption’, une forme sauvage d’innovation qui dĂ©truit les anciens Ă©quilibres. « Ce biais technologique est trĂšs largement un choix, et un choix construit socialement. Alors les choses ont commencĂ© Ă  devenir bien pires Ă©conomiquement, politiquement et socialement, alors que les nouveaux visionnaires trouvent un nouvel outil pour refaire la sociĂ©té : l’intelligence artificielle » (p 296).

 

Pourquoi considĂ©rer l’intelligence artificielle avec rĂ©serve et avec prudence

Dans la perspective de l’histoire rĂ©cente de l’usage d’internet, l’emballement de certains vis-Ă -vis de la promotion de l’intelligence artificielle parait suspect.

Les auteurs consacrent un chapitre Ă  l’intelligence artificielle en en montrant les usages potentiels, les apports, les risques et aussi les limites. Nous renvoyons Ă  ce chapitre Ă©crit avec maitrise et expertise ; ‘Artificial struggle’ (p 297-338). Nous en rendrons compte ici par une courte prĂ©sentation des auteurs. « Ce chapitre explique que la vision d’internet post-1980 qui nous a Ă©garĂ©s, en est venue aussi Ă  dĂ©finir comment concevoir la nouvelle phase des technologies digitales, ‘l’intelligence artificielle’ et comment l’intelligence artificielle exacerbe les tendances vers l’inĂ©galitĂ© Ă©conomique.

En contraste des proclamations effectuĂ©es par beaucoup de leaders de la tech, nous verrons aussi que dans la plupart des tĂąches humaines, les technologies actuelles de l’intelligence artificielle apportent seulement des bĂ©nĂ©fices limitĂ©s. De plus, l’utilisation de l’intelligence artificielle pour la surveillance au lieu de travail ne propulse pas seulement l’inĂ©galitĂ©, mais elle prive Ă©galement les travailleurs de leur pouvoir d’action (disempower). Pire, un usage courant de l’intelligence artificielle risque de renverser des dĂ©cennies de gain Ă©conomique dans les pays en dĂ©veloppement en exportant globalement l’automatisation. De tout cela, rien n’est inĂ©vitable. Ce chapitre dĂ©veloppe une argumentation selon laquelle l’intelligence artificielle, et mĂȘme l’accent sur l’intelligence de la machine, reflĂšte une approche trĂšs spĂ©cifique du dĂ©veloppement des technologies digitales, une approche qui a de profonds effets dans la rĂ©partition des richesses, en bĂ©nĂ©ficiant Ă  quelques personnes et en laissant le reste derriĂšre.

PlutĂŽt que de se focaliser sur l’intelligence des machines, il serait plus profitable de lutter pour une utilitĂ© des machines (‘machine usefulness’) en envisageant combien les machines peuvent ĂȘtre trĂšs utiles aux humains, par exemple en complĂ©tant les capacitĂ©s des travailleurs. Comme elle s’est mise en Ɠuvre dans le passĂ©, l’utilitĂ© des machines conduit Ă  quelques-unes des applications les plus importantes et les plus productives des technologies digitales, mais qui ont Ă©tĂ© de plus en plus mises de cĂŽtĂ© par l’intelligence de la machine et l’automatisation » (p 37).

Cependant l’intelligence artificielle se dĂ©ploie Ă  un autre niveau, au niveau de la sociĂ©tĂ© elle-mĂȘme. Et elle y pose problĂšme, car « la collecte et la moisson massive de donnĂ©es utilisant l’intelligence artificielle sont en voie d’intensifier la surveillance des citoyens par les gouvernements et les entreprises. En mĂȘme temps, les modĂšles d’affaire fondĂ©s sur la publicitĂ© s’appuyant sur la puissance de l’intelligence artificielle propagent la dĂ©sinformation et amplifient l’extrĂ©misme ». Les auteurs nous mettent ainsi en garde vis-Ă -vis de l’intelligence artificielle. « Son utilisation courante n’est bonne ni pour l’économie, ni pour la dĂ©mocratie et ces deux problĂšmes malheureusement se renforcent l’un l’autre ». (p 37)

 

Dans la situation critique dans laquelle nous nous trouvons, comment réorienter la technologie ?

Les auteurs ne se bornent pas Ă  un diagnostic critique de la situation. DĂ©jĂ , Ă  travers l’examen de l’histoire longue auquel ils ont procĂ©dĂ©, nous avons compris que le progrĂšs technologique n’est pas une panacĂ©e, que ses effets dĂ©pendent d’un contexte plus gĂ©nĂ©ral, des orientations qui sont prises, d’un choix de sociĂ©tĂ©. Bref, le progrĂšs technologique n’est pas la rĂ©ponse Ă  tous nos problĂšmes. Et on peut, on doit ne pas considĂ©rer son orientation prĂ©sente comme une fatalitĂ©.

Dans le dernier chapitre du livre, les auteurs nous apprennent et nous invitent à rediriger le changement technologique (‘redirecting technology’).

Aujourd’hui rediriger le changement technologique, c’est en premier, faire face Ă  la menace existentielle du changement climatique. Or, Ă  cet Ă©gard, il y a eu « de remarquables avancĂ©es dans les technologies de l’énergie renouvelable ».

Finalement, « Aujourd’hui, les Ă©nergies du soleil et du vent sont produites Ă  meilleur marchĂ© que les Ă©nergies fossiles » (p 389). La diffĂ©rence est devenue significative. Comment ce changement a-t-il pu intervenir ? Les auteurs mettent l’accent sur le rĂŽle du ‘changement de narratif’ ; du dĂ©veloppement du mouvement Ă©cologique qui s’en est suivi et l’a accompagnĂ©, et des mesures qui en sont rĂ©sultĂ©es.

« Du point de vue du dĂ©fi posĂ© par les technologies digitales, on peut apprendre beaucoup de la maniĂšre dont la technologie est redirigĂ©e dans le secteur de l’énergie. La mĂȘme combinaison – changer le narratif, dĂ©velopper des pouvoirs faisant contrepoids et dĂ©velopper et mettre en Ɠuvre des politiques spĂ©cifiques – voilĂ  ce qui peut Ă©galement marcher pour rediriger la technologie digitale» (p 392). Les auteurs posent les problĂšmes de la technologie digitale en ces termes : « La puissance concentrĂ©e des entreprises digitales nuit Ă  la prospĂ©ritĂ© parce qu’elle limite le partage des gains rĂ©alisĂ©s grĂące au changement technologique. Mais son effet le plus pernicieux se manifeste dans l’orientation de la technologie qui se dirige excessivement vers l’automatisation, la surveillance, la collecte des donnĂ©es et la publicitĂ©. Pour regagner une prospĂ©ritĂ© partagĂ©e, nous devons rediriger la technologie et cela signifie une version de la mĂȘme approche que celle qui a fonctionnĂ© pour les progressistes, il y a plus d’un siĂšcle » (p 393). « Cela doit commencer par changer le narratif et les normes ». On retrouve dans ce chapitre les mises en garde et les orientations qui parcourent cet ouvrage avec comme grandes recommandations : changer le narratif, bĂątir des pouvoirs faisant contre-poids et dĂ©velopper des techniques, des rĂ©gulations et des politiques pour traiter des aspects spĂ©cifiques du biais social de la technologie » (p 38). VoilĂ  un ouvrage auquel nous pouvons nous rĂ©fĂ©rer pour mieux comprendre les enjeux actuels de la technologie digitale et faire face aux menaces prĂ©sentes.

J H

  1. Daron Acemoglu, Simon Johnson. Power and Progress. One thousand-year struggle over technology and prosperity. London, Basic Books, 2023.