Un esprit de solidarité, du récit biblique à la présence de Jésus (1)

Un esprit de solidarité, du récit biblique à la présence de Jésus (1)

Quel est le sens biblique de la solidarité ? La question est posée à Renny Golden qui , dans les années 1980, s’est engagé en faveur de l’accueil aux Etats-Unis, des réfugiés d’Amérique Centrale fuyant la violence.

« Le mot : solidarité n’apparaît pas tel quel dans la Bible. Cependant, comme pratique de foi, il capte l’essence des traditions juives et chrétiennes. La Bible est l’histoire multimillénaire des israélites essayant de maintenir une solidarité avec leur Dieu et avec les pauvres ». Quel est l’esprit de cette solidarité, « Lorsque au début, Dieu appelle Moïse à sortir le peuple de l’esclavage, celui-ci rechigne et cherche des excuses ( Exode 3.13, 4.1, 10). Mais Dieu promet : « Je serai avec toi » Ce n’est pas du paternalisme ou de la pitié. C’est travailler épaule contre épaule dans une œuvre de libération ».

Dieu manifeste sa solidarité avec l’humanité en Jésus. « La naissance de Jésus, l’incarnation de Dieu dans le monde est l’acte paradigmatique de la solidarité. Dieu a tellement aimé le monde qu’il a pris une forme humaine. C’est une identification complète avec la condition humaine, une solidarité totale avec l’histoire humaine. Jésus a du fuir les excès du pouvoir impérial. Il a été une menace pour l’ordre établi et il a du fuir les escadrons de la mort du gouvernement romain ( Matt 2.13-14). Jésus a commencé sa vie non pas comme membre d’une élite, mais comme un réfugié, un sans abri. Ainsi, l’amour de Dieu pour le monde se manifeste très particulièrement pour les persécutés, les rejetés, les fugitifs ».

Comme le montre Robert Chao Romero, le ministère de Jésus a manifesté la solidarité. « Dieu est devenu chair et a lancé son mouvement parmi ceux qui étaient méprisés et rejetés à la fois par les romains et par l’élite du peuple. Jésus n’est pas allé vers la grande ville en cherchant à recruter parmi l’élite religieuse, politique et économique. Pour changer le système, Jésus devait commencer avec ceux qui étaient exclus du système. Bien que la bonne nouvelle de Jésus était pour l’ensemble de la famille humaine, elle va d’abord aux pauvres et à ceux qui sont marginalisés. Comme un père aimant (ou une mère), Dieu aime tous ses enfants également, mais se préoccupe particulièrement de ceux ou celles qui souffrent le plus ».

Les gens, qui souffraient du double fardeau du colonialisme romain et de l’oppression spirituelle et économique des élites, attendaient de Dieu une libération ». Effectivement, les plus faibles ont été considérés comme indispensables. « Bien qu’ils aient été considérés comme les moins honorables, Jésus leur a porté le plus grand honneur. Jésus a accordé le plus grand honneur à ceux qui en manquaient    ( 1 Corinthiens 12. 22-25).

 

Un esprit de solidarité et pas de jugement (2)

Richard Rohr envisage le cœur du christianisme comme la solidarité aimante de Dieu avec tous le gens. « A travers Jésus, la propre vision du monde de Dieu, vaste, profonde et entièrement inclusive est rendue accessible à tous. En fait, j’irai jusqu’à dire que la marque de la vie chrétienne et de se tenir en solidarité radicale avec tout autre. C’est l’effet final et intentionnel – symbolisé par la croix, qui est le grand acte de solidarité de Dieu à la place du jugement. Voilà comment nous sommes appelés à imiter Jésus, cet homme juif bon qui voyait et appelait le divin dans les « gentils », comme la femme syro-phénicienne et les centurions romains qui l’ont suivi, dans les collecteurs d’impôt juifs qui collaboraient  avec l’Empire, dans les zélotes qui s’y opposaient, et tous ceux « en dehors de la loi ». Jésus n’avait pas de problème quelque il soit avec l’altérité ».

Jésus a inclus. Il n’a pas exclu. « La seule chose que Jésus a exclus, c’est l’exclusion elle-même ».

A cet égard, comment envisager aujourd’hui notre attitude vis–à-vis de personnes pratiquent d‘autres modes de sexualité que celui qui dérive directement de notre interprétation des écritures. Ici, la parole est donnée à Shannon Kearns, prêtre transgenre. Il nous apporte « un exemple de la solidarité inclusive de Dieu avec les eunuques, minorités sexuelles à l’époque du prophète Esaïe. En Esaïe ( 56. 3b-5), le prophète déclare : « Et ne laissez pas les eunuques dire : « Je ne suis qu’un arbre sec ». Le Seigneur déclare : « Aux eunuques qui gardent mes sabbats, choisissent ce qui m’est agréable et qui persévéreront dans à mon alliance, je donnerai dans ma maison et dans mes murs une place et un nom préférables à mes fils et à mes filles. Je leur donnerai un nom éternel qui ne périra pas ». C’est une parole de réconfort et d’espérance. C’est une parole de guérison ».  En commentaire, Shannon Kearns nous dit comment ces paroles bibliques « résonnent fortement pour beaucoup de gens transgenre et non-binaire ». « Ils résonnent aussi fortement pour les nombreuses personnes qui se sont senties exclues et rejetées d’une entrée dans un espace religieux à cause de leur diversité de genre ».

Nous sommes donc invités à regarder autour de nous et à nous poser des questions : « Qui est en train d’être exclu ? Qui n’est pas bienvenu ? Pour qui il n’y a pas de place ? Le message est en Esaïe 56 et dans le récit de l’eunuque éthiopien en Acte 8 : « Il y a une place aussi pour eux dans le Royaume de Dieu. Ils n’ont pas besoin de changer pour être inclus. Ils sont rendus dignes d’être inclus en désirant l’être ».

 

La spiritualité de la solidarité (3)

Barbara Holmes, à qui on a fait appel dans cette séquence, nous invite, à la suite de Jésus, « à discerner les signes des temps et à être un baume toujours présent dans ce monde troublé ». « Le physicien Neill de Grasse Tyson nous rappelle que notre solidarité n’est pas un choix, c’est une réalité. Nous sommes  tous connectés les uns aux autres, biologiquement, à la terre chimiquement, et, au reste de l’univers atomiquement. Notre solidarité est un fait scientifique aussi bien que l’acte de salut d’un Sauveur aimant et un Saint Esprit sage et guidant. Et même cet appel à la solidarité est incarné par le Divin. Parce que Jésus est venu et a vaincu et renversé les systèmes de ce monde, il nous appelle à faire de même ».

Mais est-ce bien possible ? « Les systèmes disent que les changements ne peuvent pas arriver, que la gravité gagne, que la religion n’a pas d’utilité excepté de calmer les gens, que vous faites mieux de mettre votre confiance dans des fonds communs de croissance. Mais Jésus déclare qu’il y a une autre voie la – voie prophétique – et même maintenant, il nous appelle à nous avancer sur la parole, à nous rassembler en un, et à exercer nos dons. Alors seulement, nous pourrons faire la paix avec nos voisins, mettre fin à la violence du canon et arrêter notre addiction à la division. La solidarité et la compassion, c’est l’amour en action ».

Mais comment envisager une spiritualité de la solidarité ? Selon l’écrivaine Margaret Swedish, cette spiritualité commence à se manifester « en honorant la présence divine en chaque être humain ».

« Je crois que Dieu nous a donné le plus grand exemple de solidarité lorsque Dieu a envoyé son fils Jésus vivre avec nous » (réfugié salvadorien). Nous sommes appelés à un état d’esprit dans lequel nous sommes persuadés que les autres ont une valeur égale à la notre.  « Ma vie n’est pas plus valable ou digne, de plus grande ou de moindre signification que celle d’un autre être humain. Je ne suis pas plus ou moins méritant. Mes droits ne sont pas plus importants que ceux de cette autre personne. Cette spiritualité commence à un endroit douloureux – avec l’acceptation du fait que le monde est brisé et que nous sommes brisés. Dans cela, nous cherchons des liens profonds avec les personnes blessées de notre monde. Et en cette place vulnérables, nous cherchons le cœur de la solidarité : la compassion ».

La séquence sur la solidarité présentée sur le site : « Center for action and contemplation » se poursuit ensuite dans d’autres éléments, notamment par une méditation de Richard Rohr sur la solidarité divine avec la souffrance. Ce texte, tant par la densité émotionnelle du propos que par les questions qu’il soulève requiert un traitement particulier. Nous nous bornerons ici à cette première évocation de la solidarité, un thème qui correspond bien à notre conscience actuelle et qui en met la signification chrétienne en valeur.

J H

 

Entrer dans la bénédiction

#

Bénir, c’est participer à l’œuvre de Dieu en répandant la paix : au sens de « shalom », une paix entendue, dans un sens très large : plénitude, harmonie, santé.

 

         En nous parlant ainsi de la bénédiction, Jean-Claude Schwab nous ouvre un horizon de vie.

         Récemment, on pouvait lire sur la lettre d’une entreprise de télécommunication (1), un message éclairant : « Allô provient de l’ancien mot anglais : hallow (sois béni), le salut des marins quand leurs bateaux se croisaient. Au fil du temps, le mot se transforme en hello. Ce sont les standardistes qui démocratisèrent l’usage du hello au téléphone qui devint phonétiquement notre allô français ». Aujourd’hui, à une époque où l’interconnexion est désormais une caractéristique majeure de notre existence, il est bon de se rappeler que le bon exercice de la communication dépend de la reconnaissance d’une dimension qui fonde une confiance réciproque. Tel était le cas de ces marins d’autrefois lorsqu’ils se saluaient en terme de bénédiction.

         Et, de même aujourd’hui, nous savons combien notre existence dépend de la qualité des relations qui donnent forme à notre environnement. Nous comprenons l’importance de notre manière de penser. Actuellement, de nombreuses recherches montrent les effets bénéfiques d’une pensée positive tant à l’égard des autres qu’à  l’égard de nous-même (2). Nous voyons là une disposition de la création qui trouve signification et vigueur dans la bénédiction.. Et d’ailleurs, dès le milieu du XXè siècles, des thérapeutes chrétiens comme Agnes Sanford et Norman Peale (3) ont témoigné d’une expérience des effets d’une pensée de bénédiction à  l’intention de tel ou tel.

         Lorsque nous croyons que Dieu est présent et agissant au cœur même de notre monde, nous voyons en lui la source de vie, la puissance d’inspiration qui porte tout ce qui va dans le sens de la vie.Il nous appelle à participer à son œuvre (4). Nous sommes tous appelés à entrer dans la bénédiction.

          Dans le passé, Jean-Claude Schwab, pasteur de l’Eglise Réformée en Suisse romande, a animé des sessions à Témoins dans le cadre de l’AFRAI, une association chrétienne se donnant pour but de manifester l’action de Dieu pour le développement et la restauration de la personne dans toutes ses dimensions (5) . Il anime également des sessions durant les vacances d’été (6). L’une d’entre elles a été consacrée au thème de la bénédiction. Dans un numéro du magazine Témoins, nous avions recueilli à ce sujet les propos de Jean-Claude Schwab qui nous fait entrer dans le mouvement de la bénédiction : affirmer la bénédiction ; reconnaître la bénédiction ; répandre la bénédiction,  comme une manière bienfaisante de penser et de vivre.

         Récemment, les numéros du magazine Témoins ont été numérisés et mis en ligne (7) sur le site de Témoins, le site de « la culture chrétienne interconfessionnelle ». On pourra donc y consulter cet article dans le cadre même du numéro dans lequel il a été publié (novembre-décembre 2000) (8).

#

J.H.

#

#

Entrer dans la bénédiction

 

         Bénir, c’est proclamer la paix, agir en faveur de la paix, établir un espace de paix.  Ici, on doit entendre le mot « paix » d’une façon très large, en retournant au terme hébraîque originel : Shalom.  Shalom signifie la plénitude, l’harmonie, la santé, tout ce qui concourt à l’accomplissement de l’homme. Mais ce terme exprime aussi la restauration de l’être, le salut. En proclamant la paix, la bénédiction exprime l’action de Dieu dans la création et dans la rédemption.

#

Affirmer la bénédiction

#

         Lorsque Jésus chasse les vendeurs du Temple, sa colère ouvre un espace pour la bénédiction (Mat 21. 12-16). Ce lieu n’était plus un espace de liberté et d’adoration, mais l’objet d’un envahissement. Cette situation évoque tout ce qui surgit en nous et fait opposition au moment où l’on veut faire place au silence, à l’intimité, à la rencontre. Les préoccupations, les sollicitations font barrage. A l’instar de la colère de Jésus, sans doute sommes-nous appelés parfois à poser des actes clairs, à laisser notre énergie s’exprimer pour rétablir les choses. Dans l’épisode rapporté de l’évangile, il ne faut pas moins que la colère de Jésus pour rétablir l’ordre originel, un espace sabbatique. Alors la rencontre peut avoir lieu. Les enfants expriment leur louange d’une façon toute simple et naturelle.  Les malades peuvent s’approcher pour être guéri. Le projet de Dieu se réalise.

         Mais, en même temps, les textes synoptiques nous disent qu’à la suite de cet incident, les ennemis de Jésus s’entendent pour le faire mourir. Ainsi, Jésus signe de sa mort cette œuvre de libération. C’est dire combien, à ses yeux, cet espace pour la bénédiction,au cœur de nos vies, est vital. Il a fallu l’action virulente de Jésus pour que les gens puissent s’approcher de Lui au temple. Jusque là, ils ne le pouvaient pas. Bien sûr, ils ont reçu de lui de grands bienfaits,  mais ceux-ci sont un effet de sa présence. Cette simple présence, sa proximité, est bénédiction. C’est à travers la présence de Dieu que s’établit le Shalom, plénitude et harmonie, puissance de restauration personnelle et relationnelle.

#

Reconnaître la bénédiction

#

         La présence et l’action bénissantes de Dieu sont à l’origine de l’univers, mais elles sont aussi à l’origine de ma vie. « C’est Toi qui m’a tissé dans le sein de ma mère. Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse » (Psaume 139. 13-14) « Tu m’as fait sortir du sein maternel. Tu m’as mis en sûreté sur les mamelles de ma mère » (Psaume 22.10).

         Ainsi, mon Dieu, Tu as pris soin de moi dès l’origine.  Tu m’as donné des signes d’amour qui m’ont permis de vivre.  Sans ces signes, je n’existerais pas. J’ai reçu ainsi la confiance originelle qui est le fondement du développement humain. Il y a eu des dérapages ensuite dans ma vie. Mais j’ai reçu ce fondement, cette grâce d’exister. Si je n’en suis pas conscient, je suis appelé à réaliser que la bénédiction est à l’œuvre pour moi, depuis mon origine. Cette prise de conscience est une bénédiction en soi, une nouvelle bénédiction.

         « Mon âme, bénis l’Eternel, n’oublie aucun de ses bienfaits ». Cette exhortation à soi-même (Psaume 103) m’appelle à bénir Dieu pour ma vie et, pour cela, à faire mémoire de ma vie. C’est une démarche importante à faire périodiquement. Il y a là un travail en quête de sens, en quête des traces de Dieu. Quel est le fil conducteur pour ma vie ? Je rends grâce pour le bien et, dans les côtés négatifs, je cherche à reconnaître la main de Dieu qui utilise tout. Quand il y a du sens, il y a quelqu’un qui est derrière. Je découvre ce quelqu’un qui est avec moi.  Il y a là une attitude à acquérir : savoir reconnaître la présence de Dieu à l’œuvre dans ma vie.

#

Répandre la bénédiction

#

         « Que l‘Eternel te bénisse et te garde. Que l’Eternel fasse luire sa face et qu’il t’accorde sa grâce.  Que l’Eternel tourne sa face vers toi et qu’il te donne la paix » (Nombres 6, 24-26) . La bénédiction d’Aaron, traditionnelle dans le judaïsme, nous introduit dans une attitude de bénédiction .

         « Bénissez, ne maudissez pas » nous rappelle Paul (Romains 12.14), en écho à la parole de Jésus (Matthieu 5.44). Ce précepte nous invite à une attitude intérieure. Bénir les gens autour de nous, c’est avoir un regard positif sur eux, leur souhaiter le meilleur, les mettre intérieurement en relation avec Dieu, invoquer sur eux sa protection.

         Pour exprimer à l’autre la bénédiction de Dieu, il faut apprendre à se rendre présent à lui, entrer dans le concret d’une relation.  Je me réfère à l’attitude de Jésus lorsqu’il guérit un sourd-muet dans l’évangile de Marc (ch 7. 23-25). En quelque sorte, Jésus apprivoise cet homme. Il le prend à part, il entre en proximité avec lui en le touchant.  Jésus soupire intérieurement, lève les yeux au Ciel et dit à l’homme : « Ouvre-toi ». Présent à lui-même dans son soupir, Jésus est présent au Père et exerce une présence de libération vis-à-vis de cet homme.

         Pour moi, la parole et la présence sont deux réalités qui doivent aller de pair. Ainsi, bénir l’autre explicitement, c’est se rendre présent à lui et dans l’humilité, se faire simplement le serviteur d’une Parole. Entrons ensemble dans la bénédiction de Dieu.

 

Propos recueillis auprès de Jean-Claude Schwab

#

(1)            La lettre. Ligne fixe. orange, mai-juin 2013

(2)            « La dynamique de la conscience et de l’esprit humain. Un nouvel horizon scientifique. D’après le livre de Mario Beauregard : « Brain wars ». http://www.temoins.com/etudes/la-dynamique-de-la-conscience-et-de-l-esprit-humain.-un-nouvel-horizon-scientifique.-d-apres-le-livre-de-mario-beauregard-brain-wars.html

(3)            Agnes Sanford inscrit la prière de guérison dans une compréhension des interrelations entre la pensée et le corps :       Sanford (Agnes). La lumière qui guérit . Delachaux et Niestlé, 1955. Norman Vincent Peale a découvert l’apport de la psychologie dans le développement spiritueL Il donne à un de ses livres intitulé au départ : « Puissance de la foi », le titre : « Puissance de la pensée positive » pour que celui-ci puisse s’adresser à tous et pas seulement aux croyants pratiquants. Peale (Norman Vincent).  La puissance de la pensée positive. Marabout, 1990

(4)            Sur ce blog, la contribution d’Odile Hassenforder : « Dieu, puissance de vie. Les projets de Dieu pour moi, pour l’humanité, pour l’univers sont des projets de bonheur et non de malheur ». https://vivreetesperer.com/?p=1405

(5)            Les interventions de Jean-Claude Schwab à Témoins ont été suivies par la publication de deux textes : « Voici une bonne nouvelle : habiter mon corps » :  http://www.temoins.com/developpement-personnel/voici-une-bonne-nouvelle-habiter-mon-corps/toutes-les-pages.html    et : « Au cœur du cyclone » : http://www.temoins.com/parole-ouverte/au-coeur-du-cyclone.html  On se reportera également à une récente contribution de Jean-Claude Schwab sur ce blog : « Accéder au fondement de son existence »  https://vivreetesperer.com/?p=1295

(6)            Jean-Claude Schwab participe activement à l’association : Expérience et Théologie : http://www.experience-theologie.ch/accueil/

(7)            La mémoire de Témoins : http://www.temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=959&catid=30

(8)            Témoins. Novembre/Décembre 2000  http://temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=993&catid=29

Comment la reconnaissance et la manifestation de l’admiration et de l’émerveillement exprimées par le terme : « awe », peut transformer nos vies

A certains moments, dans certaines circonstances, nous ressentons une irruption de beauté, un passage où nous sommes subjugués par un sentiment d’admiration et d’émerveillement, la manifestation d’une réalité qui nous dépasse. Dans la langue anglaise, il y a un terme qui désigne cette situation et l’émotion qui l’accompagne : « awe ». Certes, ce terme vient de loin et il véhicule des connotations différentes, mais, dans cette histoire, il s’est dégagé des ombres qui l’accompagnaient. Et aujourd’hui, cette « awe » attire l’attention des chercheurs en psychologie soucieux de contribuer au « Greater good », au meilleur bien. Il évoque aussi un ressenti de transcendance qui s’inscrit dans une histoire religieuse et qui, aujourd’hui, se manifeste dans un champ plus vaste jusqu’à une reconnaissance possible dans la quotidienneté. Dans ce contexte, vient de paraître un livre écrit par Dacher Keltner, professeur de psychologie à l’université de Berkeley (Californie), également directeur au « Greater Good Centre » (1) ; cet ouvrage nous rapporte une avancée de la recherche en ce domaine : « Awe. The new science of everyday wonder and how it can transform your life » (L’admiration. La nouvelle science du merveilleux au quotidien et comment elle peut transformer votre vie ») (2).

 

« Awe » : des significations en évolution

« Awe » est un terme apparu en vieil anglais au Moyen Age. A l’époque, il traduit un sentiment de crainte et même de peur, voire de terreur par rapport à une manifestation de puissance et d’étrangeté. On peut imaginer de telles réactions dans un contexte marqué par un climat de violence et un manque de savoir. A titre d’exemple, la foudre n’est plus perçue aujourd’hui comme hier. Comme l’a écrit le chercheur Rudolf Otto, l’expression du sacré peut être redoutée. Cependant, l’emploi du terme « awe » dans le vocabulaire chrétien a porté une signification différente, celle d’une admiration respectueuse vis à vis de la grandeur de Dieu, parfois décrite comme « une crainte révérencielle, manifestation de transcendance, un ressenti d’un dépassement ». Aussi, la traduction de « awe » en français manifeste toute une gamme de sens : admiration, émerveillement, ébahissement, extase, crainte révérencielle… Le phénomène varie en intensité. Il peut se manifester d’une manière bouleversante comme dans les « peak experiences » (les expériences de sommet ) décrites dès les années 1960 par Abraham Maslow, ou bien selon une autre terminologie par « un sentiment océanique ». Mais si ces expériences sont toujours remarquables, elles peuvent se manifester sur un mode beaucoup plus courant et familier comme le livre de Dacher Keltner vient nous le montrer abondamment.

 

L’évolution de la recherche en psychologie

Si la recherche concernant les expériences religieuses et spirituelles est marquée aux Etats-Unis par la personnalité du philosophe et psychologue américain Williams James au  début du XXe siècle, et si elle a été poursuivie par des personnalités comme Alister Hardy (3) en Angleterre dans les années 1970, la recherche concernant le phénomène de la « awe » est beaucoup plus tardive et s’inscrit dans un autre contexte. Dacher Keltner nous en présente le développement.

Dans les années 1980, la psychologie était dominée par la « révolution cognitive ». Dans ce contexte, chaque expérience humaine, du jugement moral à la manifestation des préjugés, était abordée dans une manière où notre pensée, comme un programme d’ordinateur, traitait les unités d’information dans un processus dépourvu d’émotions. Les émotions n’étaient pas prises en compte dans la compréhension de la nature humaine. Longtemps, les émotions ont été perçues comme inférieures et venant troubler notre raison, la part élevée de notre nature, considérée comme la plus haute manifestation de notre humanité. Les émotions fugaces et subjectives ne pouvaient être observées en laboratoire. C’est alors qu’un article de l’anthropologue Paul Eckman a renversé la vapeur en mettant en évidence l’importance des émotions et la nécessité ainsi que la possibilité de les étudier. Il avait auparavant parcouru la planète et démontré qu’il existait des émotions universelles, six au total : la colère, la peur, le dégoût, la joie, la tristesse, la surprise. Elles sont reconnaissables par des mimiques caractéristiques. De jeunes chercheurs s’engagèrent sur cette piste et ils élargirent le champ des émotions étudiées, y ajoutant l’amusement, la gratitude, l’amour et l’orgueil. Dans son laboratoire, Dacher Keltner a lui-même travaillé sur le rire, la gratitude, l’amour, le désir et la sympathie. En réaction par rapport à la révolution cognitive, une révolution de l’émotion était en cours. On a ainsi mis en avant l’étude d’une intelligence émotionnelle.

Ici Dacher Keltner s’interroge. Pourquoi l’étude de la « awe » ne s’est-elle pas inscrite dans ce grand mouvement de recherche alors que l’« awe » est une émotion qui est à la source de tant de choses humaines : « musique, art, religion, science, politique et intuitions transformatrices au sujet de la vie ». Les raisons de cette omission sont pour une part méthodologiques. La « awe » ne se prête pas à la mesure. Comment l’étudier dan un laboratoire ? Il y avait aussi une barrière théorique. Quand la science des émotions s’est développée, c’était dans le contexte de l’esprit du temps qui envisageait les émotions comme tournées vers la protection de soi, réduisant les dangers et accroissant les gains compétitifs pour les individus. En contraste, la « awe » semble nous orienter vers un dévouement porté au delà de soi, vers un service et un sacrifice. C’est le sentiment que les frontières entre nos mois individuels et les autres peuvent se dissoudre facilement, que notre vraie nature est collective. Ces qualités ne correspondaient pas à la conception de la nature humaine hyper individualiste, matérialiste, qui dominait à l’époque. Et de plus, certains craignaient d’engager leur pratique scientifique dans un domaine où les expériences peuvent s’exprimer en termes religieux.

 

Développement de la recherche sur la « awe »

Lorsque la recherche sur les émotions a commencé à aborder le champ des émotions positives, en 2003, Dacher Keltner et un de ses collègues, Jonathan Haig ont commencé à travailler pour élaborer une définition de la « awe ». A l’époque, il y avait seulement quelques articles concernant ce sujet. Il manquait une définition. Dave Keltner rapporte comment ils ont étudié une vaste littérature, de mystiques à des anthropologues et à un sociologue comme Max Weber. Et il en est résulté la définition suivante : la « Awe » est le sentiment de la présence de quelque chose d’immense qui transcende votre compréhension habituelle du monde ». L’immensité (« vastness ») peut être perçue tant dans l’espace que dans le temps ou bien encore dans le monde des idées « lorsqu’une épiphanie intègre des croyances dispersées en une thèse cohérente ». L’immensité peut être déstabilisante. Elle entraine la recherche de nouvelles formes de compréhension. La « awe » porte sur les grands mystères de la vie. Il y a des variations innombrables. Comment change-t-elle d’une culture à une autre, ou d’une période de l’histoire à une autre, ou d’une personne à un autre ? Ou bien même d’un moment de votre vie à un autre ? Le sens change selon les contextes, et ces contextes sont extrêmement divers.

Lorsqu’au début du XXe siècle, le grand psychologue américain William James s’engagea dans une recherche pour comprendre la « awe » mystique, il ne procéda pas à des expérimentations ou à des mesures. Il rassembla des récits : des récits personnels, à la première personne, de rencontres avec le divin, des récits de conversions religieuses, d’épiphanies spirituelles… Et en découvrant des configurations dans ces récits, il mit en lumière « le cœur de la religion dans son rapport avec la « awe » mystique, une expérience émotionnelle ineffable d’être en relation avec ce que nous considérons divin ».

Dacher Keltner s’est donc engagé avec le professeur Yang Bai dans une grande enquête internationale à l’échelle mondiale en vue de rassembler des récits de personnes décrivant une expérience de « awe » selon la définition choisie : « Etre en présence de quelque chose de vaste et de mystérieux qui transcende votre compréhension habituelle du monde ». Les participant venaient de toutes les religions ou de sans-religions. Ils appartenaient à des cultures différentes avec une grande diversité de conditions sociales et de conditions d’éducation. 2600 récits ont été traduits à partir de vingt langues.

(Ce chapitre et le précédent sont écrits à partir des pages du livre 4 à 12).

 

Les huit merveilles de la vie

Qu’est-ce qui allait ressortir de cette moisson ? Dacher Keltner a été heureusement surpris de pouvoir classer ces récits en huit groupes aboutissant à une taxonomie en huit merveilles. De fait, le champ des expériences de « awe » est très vaste et ne se réduit pas à des situations privilégiées comme l’admiration de la nature. Qu’est ce qui amène le plus communément les gens à ressentir de l’admiration ? C’est la beauté morale qui s’exprime dans des actions où se marquent une pureté et une bonté de l’intention. Une attention particulière est accordée au courage.

Une seconde merveille de la vie est l’effervescence collective, un terme introduit par le sociologue français Emile Durkheim dans son analyse du cœur de la religion. Il y aurait une force de vie qui porterait les gens dans une conscience collective, un sens océanique du « nous ». Les récits portent sur des évènements familiaux, religieux, sportifs, politiques…

La troisième merveille de la vie, c’est la nature. Les phénomènes naturels impressionnent. « Les expériences dans les montagnes, la vue des canyons, la marche parmi des arbres majestueux, une course à travers des dunes de sable, une première rencontre avec l’océan suscitent de la « awe ». Ces expériences s’accompagnent fréquemment du sentiment que les plantes et les animaux sont conscients, une idée répandue dans les traditions indigènes.

La musique apparaît comme la quatrième merveille de la vie, car elle transporte les gens dans de nouvelles dimensions de signification symbolique à travers l’expérience de concerts, de l’écoute tranquille d’un morceau de musique, du chant dans des temps religieux ou tout simplement avec d’autres. On connait l’importance de la musique dans la culture actuelle.

Les réalisations visuelles (« visual design ») apparaissent comme la cinquième merveille de la vie. L’auteur cite des constructions, de grands barrages, de belles peintures.

Des récits de « awe » spirituelle et religieuse manifestent la sixième merveille de la vie. On y trouve bien sûr des récits de  conversion.

L’auteur mentionne des récits de vie et de mort en y voyant une septième merveille de la vie. Le passage de la mort est évidemment un moment particulièrement crucial.

La huitième merveille de la vie se manifeste en terme d’épiphanies, c’est à dire de moments où nous comprenons soudainement des vérités essentielles sur la vie. A travers le monde, des gens ont été remplis d’« awe » par des intuitions philosophiques, des découvertes scientifiques, des idées métaphysiques, des équations mathématiques… Dans chaque cas, l’épiphanie unit des faits, des croyances, des intuitions et des images en un nouveau système de compréhension.

Toutes ces expériences de « awe » «  interviennent dans un royaume différent du monde banal du matérialisme, de l’argent, de la cupidité, et de la recherche de statut, un royaume au delà du profane que beaucoup appellent le sacré » (p 19) (p 10-19).

 

La spécificité de l’émotion de « awe »

Dacher Keltner revient sur le parcours du terme : « awe » et nous montre que la signification correspondante est désormais tout à fait distincte des significations qui lui ont été associées au départ. En effet, le terme « awe » remonte à un mot anglais apparu il y a 800 ans et qui renvoyait à la peur, la crainte, la terreur. Le contexte de l’époque était menaçant. Depuis la signification a évolué, mais qu’en est-il d’un héritage de peur ? La recherche sur les émotions permet de répondre aujourd’hui à cette question. Parmi les autres émotions, l’émotion de « awe » est spécifique. Dacher Keltner peut s’appuyer sur une analyse mathématique d’une nouvelle approche quantitative d’un ensemble d’expériences émotionnelles. Dans cette étude, son auteur, Alan Cowen, a pris en compte 27 espèces d’émotion. Ici, l’émotion de « awe » apparaît comme très éloignée de la peur et de l’anxiété. Au contraire, elle est proche de l’admiration, de l’intérêt, de l’appréciation esthétique ou du sentiment de beauté. « L’émotion de « awe » paraît intrinsèquement bonne ». Cette émotion se distingue d’un sentiment classique de beauté qui ne comporte pas une impression d’immensité et de mystère. L’émotion de « awe » s’accompagne de réactions du corps spécifiques, par exemple de l’expression faciale. « Notre expérience de la « awe » prend place dans un espace spécifique très loin de la peur et distincte du sentiment plaisant et familier de la beauté » (p 23) (p 19-23).

 

L’émotion de « awe » au quotidien

A partir de ces constats, Dacher Keltner s’est interrogé sur la fréquence des émotions de « awe ». L’enquête internationale avait collecté des récits témoignant d’une grande intensité de « awe ». L’expérience de « awe » est-elle beaucoup plus répandue ? Apparaît-elle dans nos vies quotidiennes ? Des recherches nouvelles, à partir de l’analyse de journaux personnels tenus au quotidien, apportent une réponse positive. « Dans nos vies quotidiennes, nous ressentons fréquemment des émotions de « awe » dans nos rencontres avec la beauté morale, et en second, la nature, et dans des expériences avec la musique, l’art et le cinéma « (p 25). La culture influence ces ressentis. Ainsi, aux Etats-Unis, ils sont beaucoup plus fréquents dans des contextes individualistes. Certains éprouvent, quelque part chaque semaine, un ressenti de « awe », en « reconnaissant l’extraordinaire dans l’ordinaire », une générosité, la senteur d’une fleur, la lumière dans un arbre, un chant. « De grands penseurs de Walt Whitman à Rachel Carson… nous appellent à prendre conscience combien une bonne part de notre vie peut apporter une émotion de « awe » (p 26).

 

Les contours de la « awe » ?

Après ces différentes approches de recherche, une enquête internationale, une cartographie des émotions et l’expression des gens sur leur expérience quotidienne, Dave Keltner peut nous répondre à la question : « Qu’est-ce que la « awe » ? « La « awe » commence avec les huit merveilles de la vie. Cette expérience se déroule dans un espace spécifique et diffère des sentiments de peur et de beauté. Notre expérience quotidienne nous en offre de multiples occasions ».

L’auteur nous parle des émotions « qui nous transportent hors d’un état focalisé sur nous-même, centré sur la menace et soucieux du statu quo, vers un royaume où nous sommes connectés à quelque chose de plus grand que nous-même » (p 28). Parmi les émotions qui nous décentrent de nous-même, l’auteur cite la joie, l’extase (où nous nous sentons nous dissoudre complètement alors que dans la « awe » nous restons conscients de notre moi, bien que faiblement), l’amusement

Cette « awe » nous tourne vers « quelque chose de plus grand que le soi » (« Something larger than the self » (p 31). Dacher Keltner relit le cours de l’histoire. Pendant des centaines d’années, la « awe » a inspiré la manière d’écrire sur la rencontre avec le divin. Avec Emerson et Thoreau, elle était au cœur d’une écriture sur la rencontre émerveillée de la nature. Elle a amené des chercheurs comme Herschel à la recherche astronomique. Albert Einstein a ainsi écrit : « la plus belle expérience que nous pouvions faire est celle du mystérieux. C’est l’émotion fondamentale qui se tient au berceau de l’art et de la science » (p 29). C’est aussi une émotion qui inspire la communion humaine. « Dans les moments de « awe », nous nous éloignons de l’impression que nous sommes seuls en charge de notre propre destin pour parvenir au sentiment de faire partie d’une communauté interdépendante et collaborante. Cette « awe » élargit ce que le philosophe Pete Singer appelle le cercle du soin (circle of care)… William James appelle les actions qui donnent naissance au cercle du soin ‘les saintes tendances de la « awe » mystique’… Cette « awe » éveille les meilleurs anges de notre nature » (p 40-41).

 

Comment la « awe » peut rendre la vie meilleure

Dave Keltner nous a montré que l’émotion de « awe » n’est pas un phénomène exceptionnel, mais que cette émotion peut apparaître à certains moments de la vie quotidienne avec des effets bénéfiques. Si il y a toujours un risque d’instrumentalisation, on peut donc imaginer des évènements et des processus favorisant cette émotion. C’est dans ce sens que travaille le centre du « Greater Good » à Berkeley. Le site correspondant publie de nombreux articles sur le thème de la « awe » et notamment cet article : « Huit raisons pour laquelle la « awe » rend la vie plus heureuse, en meilleure santé, plus humble et plus connectée aux gens autour de vous » (4).

« Un ensemble croissant de recherches suggère que faire l’expérience de la « awe » peut engendrer une vaste gamme de bienfaits, même davantage de générosité, d’humilité et d’esprit critique… Nous pouvons sous-estimer cette opportunité ». Une simple prescription peut avoir des effets transformateurs. Envisagez davantage d’expériences journalières de « awe », déclare Dacher Keltner.

Cet article énumère les bienfaits d’une expérience de « awe » en accompagnant d’exemples et de données chaque proposition :

° La « awe » peut améliorer votre humeur et vous rendre plus satisfait de votre vie.

° La « awe » peut être bonne pour votre santé.

° La « awe » peut vous aider à penser d’une manière plus critique.

° la « awe » peut réduire le matérialisme.

° La « awe » peut vous rendre plus petit et plus humble.

° La « awe » peut vous donner l’impression que vous avez plus de temps.

° La « awe » peut vous rendre plus généreux et plus coopératif.

° La « awe » peut vous rendre plus connecté aux autres gens et à l’humanité.

Cependant, précise cet article publié en 2018, la recherche sur ce thème n’est en fait qu’à son début et beaucoup de points restent à préciser ou à étudier. Paru en 2022, le livre de Dacher Keltner est un grand pas en avant.

 

Une vision nouvelle

A l’échelle internationale, des personnes ont donc été appelées à décrire une expérience de « awe » selon la définition : « Etre en présence de quelque chose de vaste et de mystérieux qui transcende notre compréhension habituelle du monde ». De fait, pour Dacher Keltner, la « awe » nous tourne vers quelque chose de plus grand que nous (something larger than the self). Et il relit ainsi le cours de l’histoire : « Pendant des centaines d’années, la « awe » a inspiré la manière d’écrire sur la rencontre avec le divin. Avec Emerson et Thoreau, elle était au cœur d’une écriture sur la rencontre émerveillée avec la nature ». Il reprend une citation d’Einstein : « La plus belle expérience que vous puissiez faire est celle du mystérieux. C’est l’émotion fondamentale qui se tient au berceau de l’art et de la science ».

Si il y a un lien entre « awe » et transcendance, il est significatif que le retard dans la recherche psychologique sur la « awe » puisse être attribuée pour une part à une conception de la nature humaine hyper individualiste et matérialiste qui dominait encore à la fin du XXe siècle et également à une crainte de compromission avec la religion. On notera que la psychologue américaine Lise Miller a dû également s’imposer dans sa recherche sur l’activité du cerveau et la spiritualité (5) comme dans celle sur la spiritualité de l’enfant (6). La reconnaissance nouvelle de ces recherches marque un tournant dans l’état d’esprit du milieu de la recherche. C’est un tournant significatif.

Le terme anglais : « awe » est polysémique et sa traduction en français est donc difficile. Dans notre texte, nous avons gardé le mot original. Une des significations correspondantes en français est l’émerveillement. Philosophe et théologien, Bertrand Vergely a montré en quoi l’émerveillement joue un rôle majeur dans notre vision du monde (7). « Qui s’émerveille n’est pas indifférent. Il est ouvert au monde, à l’humanité, à l’existence. Il rend possible un lien à ceux-ci ». Ce constat nous rappelle la manière dont la « awe » est perçue comme décentrement de soi pour une ouverture au monde et notamment aux autres humains. « Dans les moments de « awe », nous nous éloignons de l’impression que nous sommes seuls en charge de notre propre destin pour parvenir au sentiment de faire partie d’une communauté interdépendante et collaborante ».

Les résultats de l’enquête internationale manifestent, à travers leur diversité, des tendances communes, des expressions d’une spiritualité universelle. Cette universalité se constate également dans un tout autre domaine, celui des expériences de mort imminente (8).   Quoiqu’il en soit, en regard, nous exposons ici des tendances universalisantes dans le monde chrétien. Ainsi, l’historienne et théologienne américaine, Diana Butler Bass, dans son livre : « Grounded. Finding God in the world. A spiritual revolution » (9), écrit : « Ce qui apparaît comme un déclin de la religion indique en réalité une transformation majeure dans la manière où les gens se représentent Dieu et en font l’expérience. Du Dieu distant de la religion conventionnelle, on passe à un sens plus intime du sacré qui emplit le monde. Ce mouvement, d’un Dieu vertical à un Dieu qui s’inscrit dans la nature et dans la communauté humaine, est au cœur de la révolution spirituelle qui nous environne… ». Si le glissement de sens dans le terme « awe » est plus ancien, il s’inscrit aussi dans ce contexte. Dans son livre : « Grounded », Diana Butler Bass nous révèle la manière dont les gens trouvent un nouvel environnement spirituel dans un Dieu qui réside avec nous dans le monde : dans le sol, l’eau, le ciel, dans nos maisons et nos voisinages et dans nos espaces communs.

Pour interpréter l’évolution en cours et esquisser une réponse chrétienne, nous trouvons un éclairage théologique dans la pensée de Jürgen Molmann (10). « Dieu, le créateur du ciel et de la terre est présent par son Esprit cosmique dans chacune de ses créature et dans leur communauté créée… Grâce aux forces et aux possibilités de l’Esprit, le créateur demeure auprès de ses créatures, les vivifie et les mène vers son royaume futur… Dieu est à la fois transcendant et immanent ». Dieu est communion.

Comme Jürgen Moltmann, Richard Rohr partage cette vision (11) « La révolution trinitaire, en cours, révèle Dieu avec nous dans toute notre vie… Elle redit la grâce inhérente à la création, et non comme un additif additionnel que quelques personnes méritent… Dieu est celui que nous avons nommé Trinité, le flux (flow) qui passe à travers toute chose… Toute chose est sainte pour ceux qui ont appris à la voir ainsi… Toute impulsion vitale, toute force orientée vers le futur, toute poussée d’amour, tout élan vers la beauté, tout ce qui tend vers la vérité, tout émerveillement devant une expression de bonté, tout bond d’élan vital… tout bout d’ambition pour l’humanité et la terre, est éternellement un flux de vie du Dieu trinitaire… ».

« Cet élan vers la beauté, cet émerveillement devant une expression de bonté » ne sont-ils pas souvent propices à une émotion de « awe » ? Et si la « awe » est « le sentiment de la présence de quelque chose d’immense qui transcende notre compréhension habituelle du monde », si ce sentiment peut se manifester et se manifeste dans des vécus extérieurs à toute empreinte religieuse, il peut également être éclairé par l’approche théologique que nous venons de proposer. Et cette approche éclaire notre regard chrétien sur ces réalités.

Dans la tourmente qui se manifeste aujourd’hui dans le déchainement d’une violence patriarcale, il serait bon que nous ne perdions pas de vue les signes d’évolution positive qui sont apparus dans les toutes dernières décennies. Et, parmi ce signes, la mise en valeur de la gratitude (12) et de la « awe » dans le champ psychologique. Cette mise en évidence apparaît à la fois comme un progrès dans la civilisation humaine et comme un fait spirituel.

J H

 

  1. Greater Good Center : https://greatergood.berkeley.edu
  2. Dacher Keltner. Awe. The new Science of everyday wonder and how it can transform your life. Penguin Press, 2023
  3. L’œuvre d’Alister Hardy, dans : Participation des expériences spirituelles à la conscience écologique : https://vivreetesperer.com/la-participation-des-experiences-spirituelles-a-la-conscience-ecologique/
  4. Eight reasons why awe makes your life better : https://greatergood.berkeley.edu/article/item/eight_reasons_why_awe_makes_your_life_better?fbclid=IwAR3PMEJYCYR4hNPBOxfJhd1aMLDE-gtAUVQ_dquAsu25VZxS8GeT4GCB-70
  5. Lisa Miller. The awakaned brain : https://vivreetesperer.com/the-awakened-brain/
  6. Lisa Miller. L’enfant spirituel : https://vivreetesperer.com/lenfant-un-etre-spirituel/
  7. Bertrand Vergely. Avant toute chose, la vie est bonne : https://vivreetesperer.com/avant-toute-chose-la-vie-est-bonne/
  8. Lytta Basset. Une révolution spirituelle. Une nouvelle approche d l’Au-delà : https://vivreetesperer.com/une-revolution-spirituelle-une-approche-nouvelle-de-lau-dela/
  9. Diana Butler Bass. Une nouvelle manière de croire : https://vivreetesperer.com/une-nouvelle-maniere-de-croire/
  10. Deux approches convergentes : Diana Butler Bass et Jürgen Moltmann : https://vivreetesperer.com/dieu-vivant-dieu-present-dieu-avec-nous-dans-un-univers-interrelationnel-holistique-anime/
  11. Richard Rohr. La danse divine : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/
  12. La gratitude. Un mouvement de vie : https://vivreetesperer.com/la-gratitude-un-mouvement-de-vie/

Un chemin spirituel vers un nouveau monde

« S’élancer vers une nouvelle terre. Une approche contemporaine pour s’éveiller à demain et traverser les changements ».

https://youtu.be/CxrfhAgi_0s

A la sortie de la pandémie, le monde va-t-il reprendre ses habitudes, se réinstaller dans un système économique et social dont on voit bien qu’il va à sa perte. La crise du coronavirus va-t-elle permettre une accélération de « la transition vers des sociétés post-carbone respectueuses des limites de la biosphère, de la justice globale et des droits des générations futures ? » (1). Cependant, cette mutation globale requiert une profonde transformation des mentalités. Cette transformation appelle un cheminement spirituel qui  induise une évolution des comportements et la mise en pratique de valeurs nouvelles. C’est aussi, comme l’écrit Michel Maxime Egger dans un article du « Temps » (2), « le besoin d’un nouvel imaginaire qui puisse entrainer une mobilisation collective ».

Michel Maxime Egger est un sociologue et un théologien (chrétien orthodoxe) qui anime aujourd’hui le « Laboratoire de transition intérieure » de l’association suisse : « Pain pour le prochain ». Depuis plus de vingt ans, il milite pour le développement durable et des relations Nord Sud plus équitables. En 2004, il a fondé le réseau « Trilogies » (3) qu’il anime depuis « pour mettre en dialogue : traditions spirituelles, quête de sens, écologie et grands enjeux socio-économiques ». C’est une approche qui associe « le cosmique, l‘humain et le divin ». Dans cette perspective, Michel Maxime Egger a écrit plusieurs livres :

A partir de la spiritualité chrétienne, « La Terre comme soi-même. Repères pour une écospiritualité » (2015).

A partir de la profondeur de la psychè humaine : « Soigner l’esprit. Guérir la terre. Introduction à l’échopsychologie » (2015).

A partir de la spiritualité dans une approche interreligieuse : « Ecospiritualité. Réenchanter notre relation à la nature » (2018).

Michel Maxime Egger a préfacé récemment un livre de la grande militante écologiste américaine : Joanna Macy : « L’espérance en mouvement » Nous avons présenté cette œuvre sur « Vivre et espérer » (4).

Michel Maxime Egger intervient dans de nombreuses rencontres. Et ainsi, en mai-juin 2020, il a répondu à une interview rapportée dans une vidéo qui introduit un cycle de méditation : « meditatio écologie » « organisée par la « Communauté mondiale pour la méditation chrétienne ». L’horizon ouvert nous est annoncé par le titre  de cette vidéo : « S’élancer vers une nouvelle terre. Une approche contemporaine pour  s’éveiller à demain et traverser les changements » (1). Nous accompagnons ici cette interview en évoquant quelques unes de ses expressions. Mais la vidéo s’entend avec tant de clarté et avec tant de sympathie qu’elle se suffit à elle-même.

La première question porte sur la réaction personnelle : « Pouvez-vous nous dire dans un registre personnel comment vous voyez ce qui se passe aujourd’hui ? En quoi vous êtes touché de manière sensible et comment y faites vous  face ? » Chacun réagit selon  les conditions d’habitat et de travail, mais aussi selon les circonstances  familiales. Ici Michel Maxime Egger profite du confinement pour être présent à sa maman dans son départ au Ciel et accompagner son papa dans sa nouvelle solitude, une école de compassion. Et naturellement  les nouvelles limitations sont une invitation à « aller vers le dedans, revenir vers soi, descendre à l’intérieur de soi » : prière, méditation, contact avec la nature…

La seconde question est plus générale. « Qu’est-ce que cette crise du Covid 19  nous dit de notre manière de vivre aujourd’hui ? Quel lien avec la crise écologique ? Comment met-elle le doigt sur une fragilité et questionne-t-elle nos vies spirituelles ? »

Si on entend par apocalypse révélation et dévoilement, cette crise a une « dimension apocalyptique ». Nous sommes conviés à écouter, à entendre. A travers ses symptômes, le  coronavirus est un puissant  révélateur . « Il donne le fièvre et tue par suffocation. Le symbole d’un système qui réchauffe et asphyxie la planète par son obsession de la croissance, sa démesure consumériste et sa quête du produit sans fin. Ensuite par son origine : le Covid 19 vient d’animaux abominablement maltraités , et son développement est indissociable des perturbations climatiques et écosystémiques…. Enfin par sa diffusion et ses impacts : impressionnant d’observer comment un virus microscopique peut mettre le monde à l’arrêt et l’économie à terre. L’expression de la vulnérabilité d’un système globalisé dont l’interconnexion est à la fois la force et la faiblesse » (2)

Cependant, Michel Maxime Egger nous appelle également à redécouvrir des éléments essentiels. Et tout d’abord, « Nous sommes un avec le Vivant. Le Vivant est un ». Nous sommes ensemble dans une situation de profonde interdépendance Or « par notre domination, par notre arrogance, nous avons brisé cette unité ». C’est un appel à la réconciliation avec la Terre, avec le Vivant.

Cette crise nous rappelle que « nous ne sommes pas les maitres et possesseurs de la nature. La nature n’est pas qu’un stock de ressources, mais elle est au contraire la source de la vie, une source qui nous appelle au respect, à un respect profond » .

Un troisième élément que cette crise du coronavirus nous rappelle, c’est que « nous ne sommes pas tout puissants, mais profondément fragiles, profondément vulnérables. C’est un appel à redécouvrir l’humilité ».

Et puis, parce que nous avons été amenés à réduire notre consommation, « nous avons appris que le bonheur ne réside pas dans des biens en quantité, mais dans des biens de qualité. Et, bien que physiquement, nous ayons du garder nos distances, nous avons redécouvert l’importance des relations humaines, des relations d’entraide pour la coopération. Ainsi ce virus nous apprend à retrouver, d’une part, la solidarité, et, d’autre part, par la réduction de la consommation, la sobriété ».

« A quels changements, attitudes et actions sommes-nous appelés, individuellement et collectivement, en lien avec un chemin spirituel tel que celui de la méditation ? »

« J’entend dans cette crise un triple appel : un appel à un choix radical, un appel à une métanoïa, un appel à un engagement, ces trois  dimensions étant profondément interreliées »

« Choix radical : Je vis depuis longtemps avec cette idée que l’humanité est arrivée à une croisée des chemins, à une forme de carrefour. Nous avons en fait le choix, selon l’expression du sociologue Edgar Morin, entre le coté de l’abime et la métamorphose. Pour moi, cette crise du coronavirus a confirmé cette vision d’un carrefour de l’humanité ». « La grande question aujourd’hui : Est-ce que l’après sera un simple retour à l’avant ou au contraire aurons nous su, pu profiter de ce temps de ralentissement, de retour sur soi-même pour pouvoir faire des pas vers cette transition écologique et sociale qui est absolument nécessaire ». « J’ai souvent médité sur la phrase du Deutéronome (Deutéronome 30) dans le Premier Testament : « Je te propose vie et bonheur, mort et malheur. Choisis la vie pour que toi et ta postérité (les générations futures), vous viviez ». Mais de quelle vie parle-t-on ? D’une Vie avec un grand V, d’une vie connectée avec ce qui est vivant, d’une vie ralliée avec ce qui est Vivant, mais aussi à la source du Vivant, à ce Souffle, cet Esprit qui est à la source de toute chose, qui anime toute chose, qui anime la Création, qui est le mystère du Divin quelque soit le nom qu’on veuille lui donner. Evidemment, pour entrer dans cette  connection là, la méditation est un espace, un chemin privilégié. S’ouvrir à ce Souffle, à cet Esprit, à cette dimension, attire une métamorphose, une métanoia, un retournement. Se métamorphoser, c’est en quelque sorte mourir pour renaitre. Mourir à ce qui conduit à la mort… pour pouvoir  renaitre…renaitre au nouveau et donc à la vie, une vie plus forte que la mort, une vie animée par le souffle de l’Esprit et dont la résurrection du Christ a été une des manifestations et un des symboles et qui nous ouvre à une dimension d’inconnu. Ce choix de la vie, cette métanoia sont les fondements d’un engagement, à la fois personnel et collectif, pour la transition écologique et sociale, au  sens fort du mot transition : trans ire : aller au delà, parce qu’il ne s’agit pas simplement de corriger un système ou de l’améliorer, mais bien de changer le système, changer le paradigme pour opérer, ce que le pape François, dans son encyclique, Laudato Si, appelle une révolution culturelle courageuse.

 Quel encouragement, quelle perspective pourriez-vous nous donner pour s’élancer vers une nouvelle terre ?

Cette tâche est gigantesque, mais il est important de ne pas se décourager devant l’ampleur de la  tâche ! Michel Maxime Egger nous propose plusieurs pistes.

Ne pas rejeter les émotions que nous pouvons avoir comme la peur, la tristesse, le découragement, le sentiment d’impuissance, mais simplement les accueillir … Elles sont . Elles appartiennent à notre humanité. Mais ce qui est extrêmement important, c’est de ne pas nous laisser enfermer, dominer, submerger par ces émotions, et, pour cela, créer des espaces où ces émotions puissent s’exprimer, se partager pour pouvoir ensuite être transformées….

Deuxième piste : « le mot confiance ou le mot foi ». Et à coté de toutes ses failles, « il y a en l’être humain créé à l’image de

Dieu… un être capable d’amour, capable de relations harmonieuses avec les autres. Ce sont des qualités, des dimensions à reconnaître, à cultiver et ce à l’intérieur de chaque être humain.

Troisième piste : entrer dans la conscience que chacun de nous tient le fil d’un autre possible. Un fil parfois ténu, mais qui est bien là. Mais pour pouvoir tisser ce fil, c’est extrêmement important d’aller à la source de ce fil, se connecter à ce qui est le plus vivant, le plus vibrant en nous, c’est à dire en fait se connecter à notre  désir. Cela  prendra des formes différentes…il  ne pourra y avoir d’écologie intégrale durable si c’est une écologie du défaut. Ce  doit être une écologie du désir.

Quatrième piste : commencer là où nous sommes, par de petits pas … L’important, c’est de se mettre en mouvement….

Cinquième élément : croire que c’est possible. Et pour cela se rappeler que l’histoire est pleine de causes qui apparaissaient au départ impossibles et sans espoir et qui se sont réalisées. Pensons à l’abolition de l’esclavage, à la chute du mur, à la fin de l’apartheid. … Il y a eu des basculements systémiques et structurels…

Sixième piste : construire des appuis et des alliances. On a  besoin des autres. On ne peut pas réaliser la transition tout seul. Et pour cela, pour construire ces alliances, on a besoin de dialogue. On a besoin de s’écouter, on a besoin de coopérer. Passer du pouvoir sur au pouvoir de… c’est à dire on se met au service de quelque chose avec d’autres…

Septième piste. Comme l’a dit Joanna Macy, opérer le changement de cap en gardant le cap de la joie profonde. C’est à dire cultiver des énergies comme l’amour, comme la joie, comme l’enthousiasme. Ces énergies ne sont pas seulement des énergies renouvelables. Ce sont, bel et bien, des énergies inépuisables.

Huitième piste. Pour tout cela, il est nécessaire de créer à l’intérieur de nous un espace où va pouvoir agir à travers nous une force, un esprit, une énergie ( c’est tout le rôle de la méditation), qui n’est pas celle de notre égo, ce moi volontariste qui est aux commandes, une force qui va pouvoir agir en nous, nous traverser, agir à travers nous, une autre force, une autre  énergie , un souffle qui est aussi un souffle de la terre, un souffle du vivant, mais aussi un souffle du Vivant avec un grand V, un souffle de l’Esprit, le souffle du Mystère au delà de tout nom. Et quand on laisse ce Souffle agir, dans cette ouverture, c’est aussi une ouverture à l’avenir, a ce qui va advenir, dans la  confiance, dans une ouverture au fait que cette  terre, cette terre nouvelle vers laquelle on s’élance, on ne sait pas la forme qu’elle va prendre. Il y a là une dimension d’inconnu, une dimension d’inouï, une dimension d’improgrammable à respecter. Oui, cette terre nouvelle, on ne peut pas la programmer, mais elle va émerger de quelque chose qu’on ne connait pas encore.

Voici une pensée unifiante, tournée vers l’avenir, qui en rejoint d’autres, présentes sur ce blog, telle que celle de Jürgen Moltmann. Cette méditation s’inscrit  dans la réflexion que le vision écologique induit également sur ce blog . « Nous sommes un avec le Vivant. Le Vivant est un », nous dit Michel Maxime Egger.

J H

 

  1. Dans cette interview en vidéo, Michel Maxime Egger introduit Meditatio Ecologie sur le thème : « S’élancer vers une nouvelle terre. Une approche contemplative pour s’éveiller à demain et traverser les changement » : https://www.youtube.com/watch?v=CxrfhAgi_0s&feature=share&fbclid=IwAR1ynwSqVhbTPyTDqv8QudnoR6vkT8fNr7VSexdHr25Xv83SSwH2B407jPQ
  2. Michel Maxime Egger. Après le coronavirus, besoin d’un nouvel imaginaire. Le Temps, 6 mai 2020 : https://www.letemps.ch/opinions/apres-coronavirus-besoin-dun-nouvel-imaginaire?utm_source=facebook&utm_medium=share&utm_campaign=article&fbclid=IwAR0PcSdvtfQ1UN62KbGft6FFgTSpeKSIKpKI2WppO69zGTEkqv672oGM7kA
  3. Le site de Michel Maxime Egger : Trilogies. Entre le cosmique, l’humain et le divin : https://trilogies.org/auteurs/michel-maxime-egger
  4. L’espérance en mouvement. Vivre et espérer : https://vivreetesperer.com/lesperance-en-mouvement/

 

Voir aussi :

En route pour l’autonomie alimentaire : https://vivreetesperer.com/en-route-pour-lautonomie-alimentaire/
Vers une économie symbiotique : https://vivreetesperer.com/vers-une-economie-symbiotique/
L’homme, la nature et Dieu : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/
Comment entendre les principes de la vie cosmique pour entrer en harmonie : https://vivreetesperer.com/comment-entendre-les-principes-de-la-vie-cosmique-pour-entrer-en-harmonie/
Une approche spirituelle de l’écologie (Sur la Terre comme au Ciel) : https://vivreetesperer.com/une-approche-spirituelle-de-lecologie/
Un avenir écologique pour la théologie moderne
https://vivreetesperer.com/un-avenir-ecologique-pour-la-theologie-moderne/

Comment  dimension écologique et égalité hommes-femmes vont de pair et appellent une nouvelle vision écologique : https://vivreetesperer.com/comment-dimension-ecologique-et-egalite-hommes-femmes-vont-de-pair-et-appellent-une-nouvelle-vision-theologique/

Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, pape François, Edgar Morin : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/

 

Espérer, c’est voir l’amour divin à l’œuvre

Dans un temps où l’on a souvent du mal à trouver des raisons d’espérer, ceux qui mettent leur confiance dans le Dieu de la Bible ont plus que jamais le devoir de « justifier leur espérance devant ceux qui (leur) en demande compte » (1 Pierre 3,15). A eux de saisir ce que l’espérance de la foi contient de spécifique, pour pouvoir en vivre.

 

Or, même si, par définition, l’espérance vise l’avenir, pour la Bible elle s’enracine dans l’aujourd’hui de Dieu. Dans la Lettre 2003, frère Roger le rappelle : « (La source de l’espérance) est en Dieu qui ne peut qu’aimer et qui nous cherche inlassablement » (1)

 

Dans les Ecritures hébraïques, cette Source mystérieuse de la vie que nous appelons Dieu se fait connaître parce qu’il appelle les humains à entrer dans une relation avec lui : il établit une alliance avec eux. La Bible définit les caractéristiques du Dieu de l’alliance par deux mots hébreux : hased et emet (par ex : Exode 34,6 ; Psaume 25,10 ; 40, 11-12 ; 85, 11). En général, on les traduit par « amour » et « fidélité ». Ils nous disent, d’abord, que Dieu est bonté et bienveillance débordantes pour prendre soin des siens et, en deuxième lieu, que Dieu  n’abandonnera jamais ceux qu’il a appelés à entrer dans sa communion.

 

Voilà la source de l’espérance biblique. Si Dieu est bon et s’il ne change jamais son attitude ni ne nous délaisse jamais, alors, quelles que soient les difficultés –si le monde tel que nous le voyons est tellement loin de la justice, de la paix, de la solidarité et de la compassion- pour les croyants, ce n’est pas une situation définitive ; dans leur foi en Dieu, les croyants puisent l’attente d’un monde selon la volonté de Dieu ou, autrement dit, selon son amour.

 

Dans la Bible, cette espérance est souvent exprimée par la notion de promesse. Quand Dieu entre en rapport avec les humains, cela va de pair en général avec la promesse d’une vie plus grande. Cela commence déjà avec l’histoire d’Abraham : « Je te bénirai, dit Dieu à Abraham. Et par toi se béniront toutes les familles de la terre » (Genèse 12, 2-3).

 

Une promesse est une réalité dynamique qui ouvre des possibilités nouvelles dans la vie humaine. Cette promesse regarde vers l’avenir, mais elle s’enracine dans une relation avec Dieu qui me parle ici et maintenant, qui m’appelle à faire des choix concrets dans ma vie. Les semences de l’avenir se trouvent dans une relation présente avec  Dieu.

 

Cet  enracinement dans le présent devient encore plus fort avec la venue de Jésus le Christ. En lui, dit Saint Paul, toutes les promesses de Dieu sont déjà une réalité (2 Corinthiens 1,20).  Bien sûr, cela ne se réfère pas uniquement à un homme qui a vécu en Palestine il y a deux mille ans. Pour les chrétiens, Jésus est le Ressuscité qui est avec nous dans notre aujourd’hui . « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin de l’âge » (Matthieu 28.20.

 

 

Un autre texte de saint Paul est encore plus clair.

« L’espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné » (Romains 5, 5). Loin d’être un simple souhait pour l’avenir sans garantie de réalisation, l’espérance chrétienne est la présence de l’amour divin en personne, l’Esprit Saint courant de vie qui nous porte vers l’océan d’une communion en plénitude.

 

Texte publié sur le site de Taizé

 

(1)            Cette réflexion sur l’espérance chrétienne est la première partie d’un texte sur l’espérance publié sur le site de Taizé : http://www.taize.fr/fr_article1080.html  .  Nous avons pensé la comuniquer sur ce blog, car elle est formulé en termes très accessibles, et nous y trouvons une consonance avec certains accents de la théologie de l’espérance qui est proposée par Jürgen Moltmann et appréciée dans ce blog . Les accentuations en gras ont été ajoutées par l’animateur de ce blog.