par jean | Mai 4, 2021 | ARTICLES, Vision et sens |
Selon Thomas d’Ansembourg
Thomas d’Ansembourg, que nous rencontrons fréquemment sur ce blog (1), nous parle des émotions dans plusieurs interviews vidéos chez « les dominicains de Belgique ». Parmi les émotions, il y a la peur (2), la tristesse, la colère, mais il y a aussi la joie (3). Nous pouvons bien rejoindre Thomas d’Ansembourg lorsqu’il déclare qu’il y a « une énergie magnifique dans la joie », mais alors comment la cultiver ?
https://youtu.be/B5vyHlEDU04
La joie, est-ce possible ?
A partir de son expérience d’accompagnement de nombreuses personnes, Thomas d’Ansembourg peut estimer que « nous sommes joyeux par nature ». Les enfants ne sont-ils pas naturellement joyeux ? « Pourquoi les adultes ont-ils souvent déserté cette joie là ? ».
Il y a certes des explications en rapport avec la culture. « Les difficultés d’accès à la joie, à la joie durable que l’on peut reproduire et que l’on peut utiliser pour orienter sa vie, cette difficulté d’accès à la joie tient à ce que j’appelle la culture du malheur ». Nous avons grandi dans « une culture ambiante qui est plutôt basée sur les rapports de force » et qui hérite d’une mémoire collective rappelant des guerres, des épidémies, la mortalité infantile… « Tout cela s’est encodé dans notre inconscient ». Thomas d’Ansembourg en voit l’expression dans une inquiétude latente qui implique un repli : « On n’est pas là pour rigoler ». Cela joue comme un « vaccin anti-bonheur ». « On a envie d’être joyeux, mais on n’y accède pas ». Si on est joyeux, ce n’est pas pour longtemps. Car « on a peur d’un retour de manivelle ». « On espère le bonheur, mais on n’y accède pas. On ne s’y autorise pas ». Comme nous avons peur que la joie nous échappe, instinctivement, c’est nous-même qui nous la retirons. Comme cela, nous avons l’impression d’avoir du pouvoir sur notre propre vie. C’est ce qu’on appelle un mécanisme d’auto-sabotage. C’est peu connu. Seulement, si nous savions cela, nous pourrions observer un mécanisme de désamorçage et le réamorcer avant qu’il ne s’enclenche.
J’en parle en connaissance de cause m’étant moi-même retrouvé dans des mécanismes d’auto-sabotage que je n’imaginais pas du tout. Vous m’auriez demandé : « Qu’est-ce que vous cherchez à vivre », j’aurais répondu : j’ai envie d’être joyeux. J’ai envie d’être heureux. Mais je n’avais pas vu que c’était moi qui était en cause. J’attribuais mon problème aux autres, à mon travail, à ma compagne… J’avais du mal à identifier tout ce qui m’empêchait d’être joyeux ».
Apprendre à vivre davantage dans la joie.
Comment apprendre à être dans un état de joie de plus en plus régulier, ce qui n’empêche pas la traversée des difficultés, car nous ne vivons pas dans un monde idéal et nous devons faire face aux contrariétés. « Cependant, je crois que notre intention, notre sentiment profond, c’est de goûter de la joie malgré ces passages difficiles, de conserver de la joue à l’intérieur de soi. Comment apprendre cela ? Thomas d’Ansembourg reprend ici un petit exercice de dialogue avec un sentiment symbolisé par un fauteuil à côté de lui. « Apprendre à côtoyer la joie, à lui faire de la place. Je la goûte, je la savoure, je conjure la culture du malheur… ».
Thomas nous invite à observer les moments de la journée ou nous ressentons de la joie. « Si je suis heureux parce qu’il y a du soleil le matin, parce que le temps est beau, cela veut dire que j’aime la beauté, j’aime la douceur, j’aime la chaleur. Ce ne sont pas là des valeurs négligeables : beauté, douceur, chaleur. Qu’est-ce que je vais faire dans la journée pour reproduire et restaurer cela ?…. »
« Si j’ai partagé un repas avec quelques amis, je vais observer ce qui m’a rendu joyeux : l’amitié, la fidélité, la connivence, la rencontre authentique, la vulnérabilité que chacun accueille chez l’un, chez l’autre… Et j’aime cela. C’est comme cela que je veux vivre. Et donc dans mes rapports, je vais instaurer ou réinstaurer authenticité, intériorité, acceptation de la vulnérabilité, franchise… Je recrée parce que la joie me dit que c’est par là que je veux aller. Je l’instaure. »
Et si, pendant le week-end, j’ai promené les enfants dans la forêt et que je me suis enchanté, je vais décoder ce que me dit ma joie : nature, beauté, silence, présence des enfants… J’ai besoin de garder cela même quand je prends les transports en commun. J’ai besoin de garder le goût de l’émerveillement : regarder les gens, m’intéresser à leur vie… J’ai besoin de goûter le vivant partout où je suis et pas seulement dans une belle forêt, mais aussi dans le métro. Goûter le fait que je suis dans une communauté humaine qui est en marche, qui est en route… ». Ainsi, il est bon de décoder les moments de joie parce qu’ils nous indiquent notre fil rouge, comme une courbe croissante de cette joie que nous voudrions vivre.
« Accompagnant des personnes depuis vingt cinq ans, c’est ma conviction que nous cherchons à vivre cet état de joie profonde que j’appelle toujours un état de paix intérieure, de plus en plus stable, de plus en plus transportable dans les péripéties de la vie, un état de paix intérieure qui se révèle contagieux, généreux. Je pense que c’est notre véritable humanité d’apprendre à trouver cet état de paix intérieure qui permet d’être rayonnant, d’être contagieux dans notre état d’être. Cela ne nie pas les difficultés. Cela ne nie pas les tensions, les moments de désarroi. Mais plus je sais bien traiter ma colère, ma tristesse, ma peur, des parties de moi, pas tout moi, plus je sais écouter ces parties de moi, moins elles m’encombrent. Et plus mon espace qui est la joie prend de la place, s’installe, s’instaure, se stabilise. Pour moi, notre vraie nature, c’est d’être dans un état de plus en plus fréquent de joie intérieure. Et j’observe, dans mes lectures, que la plupart des traditions disent la même chose : être joyeux dans un monde vivant et être contagieux de notre joie ». A ce stade, l’interviewer rappelle la parole de Jésus : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance ».
Pourquoi un univers médiatique si peu propice à une expression de joie ?
Constatant une avalanche de mauvaises nouvelles dans les médias, une situation peu propice à une expression de joie, l’interviewer questionne Thomas d’Ansembourg sur cet état de chose. « On se plaint de cette offre de mauvaises nouvelles, mais je pense qu’il n’y aurait pas d’offre si il n’y avait pas de demande. Qu’est-ce qui fait qu’on demande cela ? Une des manières de l’expliquer, à partir de mon travail d’accompagnement, si la vie me paraît plate, ennuyeuse, si je ne fais pas les choses que j’aime, si je sens pas le tressaillement de la vie, si tout me paraît morose, quand je rentre le soir et que j’allume mon petit écran, il y a des catastrophes, il y a des éboulements, il y a des guerres, je me sens vivant parce que je ne suis pas mort. Il y a un effet de comparaison. Je ne me sens pas vivant par l’intérieur, mais par différence avec la mort, avec la tragédie. Nous avons besoin de nous rééduquer par rapport à ce phénomène d’être fasciné par l’horreur et d’attendre cela. Il y a ce phénomène de la culture du malheur. Nous savons ce qui ne va pas. Nous savons nous plaindre, nous lamenter, mais nous ne savons pas bien nous réjouir et nous réjouir durablement. C’est un système de pensée ». Thomas nous invite à imaginer des médias qui diffuseraient autant de bonnes nouvelles que de mauvaises, et cela, bien sûr, en rapport avec la réalité. Mais pour un avion qui s’écrase, des milliers et des milliers arrivent normalement à bon port… « Il y a des prodiges de technologie et de savoir faire humain et cela mériterait notre émerveillement, notre admiration » « Si les gens des médias réinstauraient un peu plus d’équité entre bonnes et mauvaises nouvelles, je pense que cela changerait significativement l’énergie du monde ». Et d’ailleurs, nous savons bien que lorsque nous entendons des bonnes nouvelles qui nous concernent, cela nous dynamise. Thomas rappelle les bienfaits de la gratitude (3). Il y a un rapport entre savoir vivre des moments de gratitude et une meilleure santé. « C’est citoyen que d’apprendre à se réjouir profondément pour pouvoir transformer les choses ».
Dans cet entretien, Thomas d’Ansembourg vient nous rejoindre dans les émotions qui abondent dans notre vie quotidienne. Et il y en a une, la joie qui est un tremplin pour une vie heureuse, tournée vers le bon et vers le beau. Cependant , dans le monde où nous vivons, les circonstances auxquelles nous devons faire face, la joie est souvent étouffée par d’autre émotions. Elle est également empêchée par une culture héritée d’un passé douloureux : une « culture du malheur » comme une culture du deuil et du sacrifice. Thomas d’Ansembourg vient nous aider à y voir clair, à lever les obstacles qui font opposition à la joie et à reconnaître celle-ci en désir d’émergence dans notre vie. Comme cet entretien fait référence à l’apport de traditions religieuses en faveur de la joie, rappelons l’appel de Jésus : « Je vous ai dit cela afin que ma joie soit en vous et votre joie soit complète » (Jean 15.11). Et, en 2013, le pape François publie un texte sur « la joie de l’Evangile » (4). Si l’on pense que l’être humain est fondamentalement un être en relation, avec lui même, avec les autres humains, avec la nature et avec Dieu, alors on imagine que la joie résulte de la qualité et de l’harmonie de ces relations. Dans les chemins où la joie se découvre, il y a cette levée des obstacles à laquelle nous invite Thomas d’Ansembourg.
- Face à la violence, apprendre la paix (avec des liens à d’autres articles rapportant sur ce blog la pensée de Thomas d’Ansembourg) : https://vivreetesperer.com/face-a-la-violence-apprendre-la-paix/
- Une émotion à surmonter : la peur
- Thomas d’Ansembourg : la joie : https://www.youtube.com/watch?v=B5vyHlEDU04
- Evangelii Gaudium : http://www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium.html
par jean | Sep 2, 2022 | Société et culture en mouvement |
Ce qui ne peut être volé. Selon Cynthia Fleury
Sans que nous en ayons toujours conscience, il y a dans notre vie quotidienne, notre vie sociale, un essentiel, et, en quelque sorte, des conditions fondamentales pour que notre vie puisse être vécue humainement dans une «vie bonne ». Et, par exemple, avons-nous besoin de silence, et, le sachant, en voyons-nous toute l’importance, ou bien, si nous vivons dans un lieu bouché, ressentons-nous de même le manque d’horizon pour en revendiquer l’importance ? Dans les multiples contraintes de la vie d’aujourd’hui, parvenons nous à garder notre liberté, à préserver notre humanité et à faire mouvement dans ce sens ?
Ces questions, et bien d’autres, sont traitées dans le manifeste que Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio viennent de publier dans un livret ayant pour titre : « Ce qui ne peut être volé. Charte du Verstohlen » (1). Ce titre interroge. Y aurait-il des voleurs qui pourraient dérober ce qui est essentiel pour nous ? On imagine les enchainements qui risquent de nous asservir. Mais, en premier temps, il y a là une affirmation. Oui, il y a des conditions essentielles pour vivre une vie humaine, une vie bonne. Le vocable : « charte du verstohlen » est énigmatique pour les non initiés. En se référant à l’expression allemande correspondante, les auteur(e)s évoquent une affirmation et une reconnaissance d’un mouvement de « furtivité ». Cependant, il s’agit là d’un terme qui nous paraît peu usité jusqu’ici. On peut le comprendre comme le refus d’être emprisonné dans une assignation, dans une catégorisation, dan une localisation. Par là, la furtivité serait, en quelque sorte, le garant de la liberté.
Ce terme témoigne de l’inventivité conceptuelle qui se manifeste dans cette charte, Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio associant dans cette recherche des compétences et des champs complémentaires. La première, philosophe et psychanalyste, est pionnière dans le domaine du care et de l’éthique du soin. Le second œuvre dans le design et l’architecture. Ils sont associés à la Chaire de philosophie, à l’hôpital/CHU Paris Psychiatrie et Neurosciences.
Notre attention pour ce texte a été attirée par notre appréciation de l’œuvre de Cynthia Fleury dont nous avons présenté deux livres sur ce blog : « Le soin est un humanisme » et « Ci-git l’amer : guérir du ressentiment » (2). Ce livre nous paraît plus difficile à rapporter ; car cette pensée subtile est, par nécessité très conceptuelle et elle s’exprime parfois avec des mots peu usités. Pour mieux en rendre compte au public de ce blog, nous ne résumerons pas un texte qui, de surcroit, vogue en liberté, mais nous essaierons simplement de présenter quelques pensées fortes de ce manifeste comme une ressource pour la compréhension et l’action, et participant ainsi à un travail de conscientisation.
Avant d’entrer dans cette présentation, nous rapportons ici une mise en perspective de France Culture.
Un manifeste en dix points
« Inappropriable, bien commun, bonheur national brut,… « Nommez-le comme vous voulez », nous dit le tract : « Ce qui ne peut être volé : Charte du Verstohlen », un manifeste en dix points coécrit par Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste et le designer Antoine Fenoglio : « Dix points non négociables qui nous paraissent évidents, mais qui ne le sont plus » déclare Cynthia Fleury. « Cela va du silence à la santé en passant par le droit d’accéder à une vue… »
Les auteurs définissent tous les objets et les méthodes pour les défendre. Le « proof of care », le climat de soin, l’enquête, la furtivité, autant de moyens pour protéger ce qui peut nous être volé. Ainsi c’est l’écrivain, Alain Damasio, auteur notamment du roman « Les furtifs » (2019), qui a inspiré aux auteurs le concept de « furtivité », auquel le titre est dédié, « Verstohlen » renvoyant littéralement au terme « furtivement » en allemand. Le furtif, politisé, nous parle des manières de s’exfiltrer de la réalité telle qu’elle nous est proposée aujourd’hui, réduite, nous disent les auteurs, aux processus de réification quasi quotidienne ». « En défendant ce qui peut nous être volé, c’est aussi une certaine conception de la démocratie, mais aussi de la vulnérabilité qui est défendue. La vulnérabilité devient un vecteur de connaissance et non plus un objet de discrimination ou de stigmatisation » (3).
Des éclairages pour la compréhension et l’action
Voici donc quelques exemples des pensées fortes présentes dans ce livret et accessibles à chacun de nous pour une conscience des conditions essentielles d’une « vie bonne ».
La perspective. Accéder à une vue
Lorsque notre fenêtre débouche sur un horizon : un ciel, des arbres, une étendue, nous n’avons pas toujours conscience de l’effet engendré par un manque de perspective. Et pourtant, il y a bien là matière à avertissement : « Les mondes urbains et ruraux ne peuvent se transformer en prison où tout édifice arrête le regard : murs et bêtise ont ceci de commun qu’ils tuent la perspective » (p 5). « Une chambre avec « vue » désigne parfaitement ce qu’une ressource matérielle peut devenir, à savoir une ressource essentielle… Accéder à une vue, dans l’espace privé ou l’espace public, est une nécessité journalière. Voir l’horizon, voir la beauté , voir la lumière naturelle… nous inspire, nous soutient, et sollicite notre prendre soin en retour » (p 5). Il en ressort une réflexion sur l’architecture. « Premier critère de l’architecture. Elle est « biologique »… Et, ne jamais oublier que la destination d’un lieu, d’un objet, est d’être humain » (p 6).
La vertu du silence
Ne savons-nous pas que le bruit engendre le stress et le déséquilibre ? Le texte réaffirme la vertu du silence. « Véritable porte d’accès au monde, le sonore est un élément d’équilibre personnel fondamental dans notre relation aux autres et au monde ». « Le silence est un des facteurs-clés contribuant au bien-être, comme constitutif de la santé physique et mentale… » (p 7). Le texte dégage quatre grandes fonctions du silence. « La première peut être désignée comme spirituelle, dans la mesure où elle nous permet d’accéder au sacré, à l’espace du secret, à la solennité d’un moment, au ressourcement et au recueillement… la deuxième fonction du silence peut se définir comme intellective, cognitive, agente, dans la mesure où nous en avons besoin pour penser, réfléchir… La troisième fonction est clinique, thérapeutique… » (p 7). Enfin, les auteur(e)s mettent en évidence la contribution du silence dans « la vie publique, citoyenne ». En regard du bruit qui se manifeste souvent sur la place publique, ils rappelle que « le silence conditionne la civilité, l’urbanité, le fait de concilier vivre ensemble, extrême mobilité et circulation, libertés politiques et individuelles, dans le climat le moins hostile et agressif possible ; et l’exercice libre de la rationalité démocratique, soit la délibération ». « Nulle enceinte délibérative digne de ce nom qui n’organise les temps de parole et de silence de façon équitable, transparente et respectueuse des individualités de chacun » (p 8).
Ce silence, si important, ne doit pas être monopolisé par des milieux privilégiés. « Créer des espaces privés et publics, des architectures, des services, des paysages… qui permettent l’accès gratuit et durable au silence, c’est se soucier de préserver la qualité de notre attention au monde, à soi-même et aux autres, humains et non- humains, soit la condition d’un penser et d’un agir plus connectés… » (p 8).
Reconnaître la vulnérabilité
Cynthia Fleury accorde une grande place à la vulnérabilité dans son manifeste : « Le soin est un humanisme » (2). Et, ici, la vulnérabilité est reconnue et prise en charge. « Nos vulnérabilités ne sont ni des hontes, ni des fatalités » (p 9). Elles s’inscrivent dans la condition humaine.
Ce peut être un point de départ : « L’autonomie n’est pas un fait, mais un processus qui part du fait vulnérable et qui grâce aux ressources portées par les milieux environnants et par soi-même, se dégage de cette vulnérabilité, la rend réversible et capacitaire ». Ce mouvement comporte une dimension collective. « La politisation de la question sociale est précisément cette construction collective de l’autonomie, autrement dit la prise en considération par les ressources publiques de la vulnérabilité originelle et sociale, de la sortie de celle-ci du seul domaine privé et individuel, ou de la charité de certains » (p 9).
Une approche de care
Si la conscience du prendre soin, du care est apparue avec Carol Gilligan dans les années 1980 aux Etats-Unis (4), elle s’est répandue en France et à travers le monde. Dans ce manifeste, Cynthia Fleury a introduit une forte présence du care jusqu’à l’emploi d’une terminologie professionnelle. Ainsi évoque-t-elle les « proofs of care », les « preuves de soin », héritiers des « proofs of concept », qui sont des dispositifs de formats multiples dédiés à la vérification de l’efficacité, de la pertinence de la faisabilité, de la maturité de tels ou tels usage, technique, protocole, architecture, sachant que l’expérimentation doit être relativement frugale et rapide et absolument in situ » (p 9-10). « Le « proof of care » est au service du capacitaire humain ». « Il permettra de vérifier si le passage de l’a priori à l’a posteriori s’opère réellement et comment il est diffusable sur d’autres territoires avec d’autres parties prenantes qui à leur tour détermineront les « formes » que la « preuve » doit prendre dans leur réel… » (p10-11).
« Pas de soin du climat sans climat de soin ». « Le seul « proof of care » ne suffit pas. L’expérimentation doit s’étendre et former comme une culture, « un climat de soin » (« clouds of care »), certes par l’activation de différents « proofs of care », mais par une manière à chaque fois spécifique et pourtant reliée (donc universellement compatible, au sens où l’universel se tisse plus qu’il n’est en surplomb) » (p 12).
Le soin aux morts
Dans la société moderne, les morts, on le sait, sont repoussés à la périphérie. Le temps long est peu reconnu. Les trajectoires individuelles se dispersent. Ici, les auteur(e)s redressent la perspective. « Limiter le soin aux vivants est une hérésie » (p 15 ). « Nous formons communauté avec les vivants et les morts » p 16) (5). Cette affirmation s’inscrit dans le cadre de la prise de conscience d’une connexion généralisée : « Nous allons vers un monde plus conscient des interactions fondamentales entre humains » (p 16).
« Le soin des morts ne concerne pas exclusivement les humains. Nous formons communauté avec les non-humains et nos vies urbanisées et « modernes » ont hélas déconsidéré ce lien essentiel… Les activités hyper-capitalistiques humaines effacent les traces du vivant, font disparaitre des écosystèmes entiers. Nous avons désacralisé la reconnaissance due au non-humain. ». « Nos villes, nos espaces publics et privés, doivent pouvoir accueillir cette dimension anthropologique première qui n’est pas sans rappeler celle que nous cultivons avec le sacré et l’invisible. Si la religion est une option, le sacré ne l’est pas. L’homme se tient debout grâce à une verticalisation tout aussi physique que psychique et spirituelle » (p 16 ).
Le texte rapporte une conférence d’Heidegger « évoquant la nécessité de quadriparti de la terre, du ciel, des dieux et des mortels ». Et « l’homme est pour autant qu’il habite… Habiter est la manière dont les mortels sont sur terre ». « Habiter, c’est demeurer, prendre conscience du temps long qui nous traverse » (p 18). Si le « furtivement » préconisé par la charte va plutôt dans le sens du nomadisme, « il s’agit de comprendre ce qui nous lie émotionnellement, cognitivement, au mouvement et au fait de demeurer » (p 18).
Furtivité
Les auteurs développent plusieurs approches pour influer sur le cours des choses : une démarche furtive, l’enquête, le compagnonnage. Concernant la furtivité, nous appelons le lecteur à consulter l’exposé des chapitres correspondants. La société actuelle est perçue en terme de pression et d’immixtion. « Dans un premier temps, la vie furtive est un simple acte de résistance et de refondation de la liberté individuelle et publique, ensevelie sous la tyrannie de la traçabilité… Il fallait retrouver la possibilité d’être sous les radars. Il fallait être furtif… » (p18-19). Dans cette démarche, les auteurs se sont inspirés « des enseignements conjoints de l’écrivain Damasio et du neuroscientifique Damasio… Ils nous ont permis d’inventer une technique de furtivité, de maintien au monde, en consolidant nos pouvoirs d’agir et de liberté » (p 19). « Le Verstohlen, c’est d’abord cela : avoir le droit de demeurer pour prendre soin, avoir le droit d’agir et de transformer le monde sans subir la domination et la confiscation incessante de la décision politique, ne pas être en danger, posséder en partage, faire surgir le réel dans les interstices de l’invisible » (p 19).
Enquêter. Les humanités démocratiques
Lorsqu’on aménage un lieu, un paysage, lorsqu’on conçoit un service, un protocole… il faut s’occuper des habitants, de ses publics, de ses patients et médecins, de ses espèces végétales et animales. Anciens, actuels, futurs. Cela semble une évidence, c’est surtout une nécessité » (p 24). « L’enquête est par définition le grand outil méthodologique des sciences humaines et sociales, notamment de la sociologie et de l’anthropologie ». « Dans le moment de l’enquête, d’abord distanciée, puis familière, il se joue plusieurs étapes : la découverte des âmes du territoire, errantes et notabilisées, ou encore des espérances enfouies, des traumatismes passés, des parcours de vie et de soin des individus.
Ces « enquêtes » peuvent se réaliser à l’aide d’outils sociologiques classiques, statisticiens, mais plus ils sont affinés, capables d’intégrer la parole singulière des acteurs, de respecter leur demande de confidentialité, plus ils seront riches pour créer un projet pertinent. Autrement dit, il est possible d’avoir recours à ce que l’on nomme « les savoirs expérientiels » ou encore d’utiliser l’éthique narrative pour décrire la subtilité de ces vécus » (p 25).
On en vient donc ici à nous parler de « médecine narrative », comme ce dire des patients, réflexif, littéraire, (auto)biographique lorsqu’ils décrivent, avec toute leur sensibilité et leur expertise personnelle, la maladie dont ils sont atteints » (p 26). « En errance diagnostique, la médecine narrative demeure parfois le seul lien avec la raison et le sentiment de ne pas devenir fou ». « L’Université des patients de Sorbonne Université est notamment une instance où la parole des patients est accueillie, mais surtout valorisée, diplômée. Elle devient « enseignante » à l’attention de tous, patients, soignants, médecins. Elle permet d’analyser et de redessiner les parcours de soin, la démocratie sanitaire » (p 26).
En compagnonnage
L’idée et la réalité du compagnonnage ne sont pas nouvelles, mais elles sont mises en exergue dans ce texte. « L’objet essentiel du compagnonnage est la transmission des savoirs, être et faire, et la formation non discontinuée des individus se faisant en faisant » (p 28). Le compagnonnage s’exerce dans « la durée, le temps long, ce qui perdure au-delà ». « A la différence d’une institution peut-être davantage tournée vers l’activité d’un pouvoir décisionnaire et régulateur, le compagnonnage peut se contenter de « produire », de « créer », de persévérer dans son être par la seule pertinence du maintien de son ethos et des objets différents qu’il induit ». « Il demeure un idéal communautaire, fraternel… » (p 28). Les auteurs mettent l’accent sur l’actualité du compagnonnage, sa pertinence aujourd’hui. « Le compagnonnage n’est nullement qu’une affaire traditionnelle et rituélique mais une incarnation très existentielle, de concepts, d’outils méthodologiques et de valeurs » (p 29). Les auteurs ouvrent encore plus loin la conception du compagnonnage. « Aujourd’hui, les plus belles refondations de ce compagnonnage se situent du coté d’une activité des liens avec le monde vivant, dans sa variété multiple… Nous formons communauté, compagnonnage avec l’ensemble du vivant, dans sa pluralité, non pour rendre équivalents les rapports qui nous unissent, mais pour les expérimenter de façon plus subtile et plus dense » (p 29).
Les auteurs s’engagent dans la voie du compagnonnage « autour de trois axes : enquêter, expérimenter, déployer, pour édifier des formes institutionnelles furtives qui garantissent une sorte de propriété à ceux qui prennent soin, qui entretiennent le lieu naturel et patrimonial, mais aussi les communautés vivantes et mobiles qui l’inspirent » (p 31).
Si cette charte s’exprime dans un langage apte à manier les concepts et à communiquer dans un milieu expert, elle porte des idées originales et des valeurs humanistes et écologiques que nous avons voulu rapporter ici pour un public plus vaste.
J H
- Cynthia Fleury. Antoine Fenoglio. Ce qui ne peut être volé. Charte du Verstohlen. Gallimard, 2022 (Tracts). Interview vidéo de Cynthia Fleury sur cette charte : https://www.youtube.com/watch?v=EJpkyrsk9IU
- De la vulnérabilité à la sollicitude et au soin. Le soin est un humanisme : https://vivreetesperer.com/de-la-vulnerabilite-a-la-sollicitude-et-au-soin/ Face au ressentiment, un mal individuel et collectif aujourd’hui répandu. Ci-git l’amer : https://vivreetesperer.com/face-au-ressentiment-un-mal-individuel-et-collectif-aujourdhui-repandu/
- Ce qui ne s’achète pas. La définition du bonheur selon Cynthia Fleury : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-grande-table-idees/ce-qui-ne-s-achete-pas-la-definition-du-bonheur-selon-cynthia-fleury-7074646
- Une voix différente. Pour une société du care : https://vivreetesperer.com/une-voix-differente/
- Selon Jürgen Moltmann : la communion avec les vivants et les morts : https://vivreetesperer.com/le-dieu-vivant-et-la-plenitude-de-vie-2/
par jean | Fév 13, 2014 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
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Une conférence de Thomas d’Ansembourg
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Psychothérapeute dans un parcours où il traite des problèmes de relation et de communication dans des contextes très variés, des problèmes individuels jusqu’aux questions de société, Thomas d’Ansembourg nous apporte un éclairage original qui nous aide à vivre plus heureusement et plus intelligemment . Sur ce blog, nous avons déjà présenté une de ses interventions (1) . Aujourd’hui, nous vous invitons à écouter une conférence de Thomas d’Ansembourg, enregistrée en vidéo, sur le thème : « Femmes et hommes. Monde nouveau. Alliance Nouvelle « (2).
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Cette fois, l’intervention se déroule en une longue séquence, près d’une heure et demie, mais le talent pédagogique du conférencier, en terme d’interrelation, d’illustration par des exemples concrets, d’échappées en forme d’éclairages globaux, d’implication personnelle et de beaucoup d’humour rend cette conférence passionnante. Elle est d’autant plus passionnante qu’elle aborde un thème majeur : la vie en couple dans une perspective qui va bien au delà d’une analyse de la relation, puisqu’elle nous appelle à envisager celle-ci dans le cadre d’une société en mutation et en rapport avec la quête spirituelle qui se répand aujourd’hui. Voici quelques étapes de cette conférence où l’on pourra trouver de précieux éclairages.
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Les bases de l’humain.
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Cette conférence commence par une question de Thomas d’Ansembourg auprès de son public : Combien de couples heureux connaissez-vous ? Mais si ce nombre n’est pas élevé, n’est-ce pas parce qu’il n’y a pas de formation à la relation ? Ce qui manque, c’est bien souvent un dialogue en profondeur sur ce qu’on veut vivre ensemble . Ainsi appelle-t-il les participants à parler ensemble un à un de leurs aspirations. Et puis, il leur demande les mots qui, à leurs yeux, caractérisent une relation heureuse : « Qu’est ce que vous souhaitez vivre dans la relation ? ». Et voici les mots qui apparaissent : liberté, complicité, confiance, partage, ouverture, échange, authenticité, plaisir, sensualité, créativité, joie, émerveillement, évolution, transformation, amour…
Ainsi des lignes de force surgissent de cette consultation. Et comme le dit, avec humour, Thomas d’Ansembourg, « Il ne faut pas être un grand psy ou un grand philosophe pour dégager ainsi les bases de l’humain ». « Ce que nous cherchons à vivre, c’est un profond contentement de tout notre être » dans la relation à soi, à l’autre, et à la vie, à la grâce ou à Dieu selon notre expression.
Alors Thomas d’Ansembourg trace sur le tableau où il a écrit tous les mots qui ont été évoqués, une ligne qui monte, un « fil rouge ». Au départ, nous dit-il, l’enfant vit ce profond contentement. Il chevauche son élan de vie. Et puis, des adultes autour de lui lui imposent peu à peu de vivre selon leur schéma : c’est l’heure ; il est temps. On fait les choses comme ceci et non comme cela ; Il faut. Ces schémas correspondent à un certain genre de société, un certain type de culture.
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Un monde nouveau.
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A plusieurs reprises dans son exposé,Thomas d’Ansembourg montre qu’actuellement la société et la culture sont en train de vaciller et de se fissurer. Un monde nouveau est en train d’apparaître. Car aujourd’hui, les fondements de l’économie sont de plus en plus critiqués. « Nous assistons à l’écroulement du mythe de la croissance économique exponentielle et à une fracture croissante entre ceux qui ont de plus en plus et ceux qui ont de moins en moins ». L’exploitation désordonnée des ressources naturelles devient intolérable. Face à ces dysfonctionnements, « une conscience nouvelle semble s’activer ». Des premiers signes de changement apparaissent dans les pratiques. Parallèlement, une quête de sens apparaît. « De plus en plus d’individus réalisent que la division dans ce monde correspond à une division dans nos cœurs. Ils ont l’impression d’une déchirure ». « Ce que je vis n’est pas ce que je veux vivre ». Cette quête de sens est donc une caractéristique de notre époque. C’est une démarche pour trouver « un sens personnel et vivant à notre existence »
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Vers la fin du système patriarcal
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Thomas d’Ansembourg remet également en cause le système patriarcal qui, lui aussi, est en train de se fissurer, mais qui perturbe encore grandement la relation entre les hommes et les femmes. Ainsi nous décrit-il l’apparition de ce système. L’homme devenu agriculteur, enclot son champ. La société se fonde sur la propriété. Une hiérarchie s’instaure. Des divergences d’intérêt débouchent sur des conflits armés. Et de même, la femme est désormais soumise à l’homme. Elle entre dans sa propriété. Mais aujourd’hui, à cet égard, ce système s’effondre. Avec la contraception, la femme peut avoir des enfants comme elle veut et avec qui elle veut.
Thomas d’Ansembourg nous montre combien la culture patriarcale a faussé les relations . Dans son aspect guerrier, elle développe une culture du sacrifice et du malheur. Dans son accent sur la propriété et l’enrichissement, la possession prévaut : « L’humain est chosifié ». La vie est devenue une sorte d’objet. Clôture et enfermement vont de pair. Dans les mentalités,on peut repérer des comportements qui correspondent à cette culture patriarcale. Et, par exemple, est-ce que le volontarisme correspondant ne provoque pas chez nous un interdit vis-à-vis de l’accès au bonheur ? Clairement,le rapport de force accompagnant le système patriarcal est contraire à la manifestation de la tendresse et de la douceur.
Face à cet encodage séculaire,Thomas d’Ansembourg nous invite à « revisiter nos systèmes de pensée, nos systèmes de croyances ». Le travail n’est pas simple. Comme l’ écrit Einstein, « Il faut plus d’énergie pour faire sauter une croyance ou un préjugé qu’un atome ». Mais ce travail est nécessaire pour « sortir de nos enfermements ». Et le mot enfermement évoque le terme d’enfer. Pour ce faire, nous avons besoin « de courage et d’humilité ».
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Pistes de changement
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Thomas d’Ansembourg ne nous permet pas seulement de repérer nos préjugés et nos enfermements.Très concrètement, il propose des pistes pour une vie en couple plus heureuse en évitant un ensemble de pièges comme la méconnaissance de la tendresse et de la douceur, le rapport de force, une fusion romantique dans laquelle l’autre est « une moitié », ce qui empêche la croissance de chacun et la reconnaissance de l’altérité, l’amour conditionnel, la prétention d’avoir toujours raison, la crainte de montrer nos vulnérabilités. Cette analyse est accompagnée d’exemples vécus qui sont extrêmement évocateurs.
Le dernier chapitre de cette conférence nous conduit dans une voie de pacification. Thomas d’Ansembourg met l’accent sur la nécessité « d’un temps de présence et d’échange pour une écoute empathique ». C’est une leçon qu’il a du lui-même apprendre : « J’étais quelqu’un qui courait tout le temps. J’ai du apprendre à ralentir et à pacifier le temps ». Cette disponibilité permettra aussi « d’écouter l’autre au bon endroit ». En voici un bel exemple. A une mère de famille qui impose à ses enfants sa manière de concevoir l’ordre dans la maison, Thomas d’Ansembourg pose des questions successives sur le pourquoi de son attitude. Recherche d’harmonie, de paix, répond-elle. Et puis soudain, elle se rend compte que l’important, c’est le vivant. Et, à quarante-cinq ans, il lui revient une injonction de sa mère : « Plus tard, tu ne sauras jamais tenir ta maison ». Autre discernement : il y a des couples où chacun dit faire son travail. Mais insidieusement, une séparation peut s’installer. Il n’y a plus d’expression de gratitude pour le travail de l’autre. La division prévaut. L’enchantement disparaît.
L’expression de la reconnaissance, de la gratitude est une démarche indispensable dans la vie humaine. Apprendre à ne pas considérer les choses comme allant de soi. Considérer en quoi notre existence dépend de la collaboration de tant d’êtres humains . Goûter, célébrer ! Bref, y a-t-il « assez d’enchantement, assez d’écoute, assez de solidarité » ? Thomas d’Ansembourg compare le couple à une sorte de creuset où peut se réaliser un processus de transformation. C’est le passage d’une souffrance à la paix intérieure, du morcellement et de la division à l’unité, de l’action réaction à la création, du vide et du manque à la plénitude. C’est passer de l’égo, qui joue petit, qui a peur de perdre, qui calcule, à la dimension de l’être qui est souffle et inspiration. Allons à l’essentiel plutôt que de nous attacher à des formes provisoires. Nous sommes en route.
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Dans cette vidéo, Thomas d’Ansembourg déploie des qualités d’acteur au service de sa pédagogie. Son enthousiasme communicatif nous aide dans notre prise de conscience. Cette conférence nous entraîne dans de multiples facettes et de nombreuses découvertes . On peut parfois relativiser ce qui est exprimé, mais quel chemin nous parcourons ainsi avec le conférencier ! C’est un chemin de vie.
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J H
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(1) Sur ce blog : « Vivant dans un monde vivant. Changer intérieurement pour vivre en collaboration. Aparté avec Thomas d’Ansembourg recueilli par Michel de Kemmeter » https://vivreetesperer.com/?p=1371
(2) Conférence du 30 janvier 2014 de Thomas d’Ansembourg sur le thème : « Femmes et hommes. Monde nouveau. Alliance nouvelle » : http://www.youtube.com/watch?v=SGVqvLkTcT8 (Alpescproduction. Mis en ligne le 3 février)
par jean | Oct 2, 2023 | Expérience de vie et relation |
Hommage reconnaissant et engagé
Si le système de santé français est en crise, confronté aux menaces technocratiques, il reste que le mouvement du care poursuit sa route, gagne dans les esprits et se marque sur le terrain. On pourra se reporter au livre de Fabienne Brugère : « l’éthique du care » (1). C’est « une approche de sollicitude envers les êtres vulnérables ». Fabienne Brugère écrit ainsi : « Il existe une « caring attitude », une façon de renouveler le lien social par l’attention aux autres, le « prendre soin », le « soin mutuel , la sollicitude et le souci des autres. Ces comportements adossés à des politiques, à des collectifs, ou à des institutions, s’inscrivent dans une nouvelle anthropologie qui combine la vulnérabilité et la relationalité ». Il y a donc bien une « culture du care » qui progresse discrètement en France. Une expérience de trois ans de vécu en hôpital et en ehpad, en rassemblant mes souvenirs de paroles et de gestes bienfaisants, me permet de mettre en valeur la grande part que prennent les soignants issus de l’immigration africaine dans la culture du care. Cette propension s’interprète naturellement dans la commune relationalité propre aux deux cultures.
Certes, on doit se garder de toute idéalisation. Il y a parfois dans les souvenirs des moments ou la relation a été difficile en raison de caractères impérieux ou de difficultés de compréhension linguistique. Mais, c’est le loin l’admiration et la reconnaissance qui l’emportent. Dans cet article, nous allons donc égrainer des souvenirs de paroles et de gestes bienfaisants et de faits significatifs. Comme nous rapportons généralement du positif, nous nous permettons de mentionner généralement les prénoms (parfois les abrégeant pour éviter une reconnaissance directe si les circonstances y incitent) Et plutôt que de présenter une simple galerie, nous reprendrons ses souvenirs dans des thèmes successifs. Comment avons-nous pu apprécier cette dynamique soignante ? Comment s’est manifestée une présence portant du sens, en l’espèce, bien souvent, une présence croyante ? Comment peut-on également percevoir une dynamique sociale dans l’apprentissage de nouveaux savoirs et la mobilité d’une diaspora ? Enfin, nous regretterons, ici ou là , une frilosité des instances dirigeantes vis-à-vis de cet apport. Dans notre mémoire, cette immigration africaine est principalement subsaharienne, mais elle est parfois également maghrébine. Les territoires d’outre-mer se relient à cette mouvance. Ajoutons une participation féminine motrice, rejoignant celle du care
Une dynamique soignante
Cette après-midi là, à l’occasion d’un incident, je fus saisi d’émotion en entendant Nathalie, l’aide-soignante de l’étage, me proclamer en quelque sorte sa vocation. Avec un sourire rayonnant, elle me dit : « Pour moi, je ne conçois pas mon travail, uniquement comme des tâches pratiques, comme faire la toilette. Je sais combien l’attention aux accrocs des personnes âgées est importante et peut prévenir des catastrophes. Je suis une soignante ». Et elle rappela combien les gens étaient solidaires dans son village d’Afrique. Cette « vocation » m’apparut également chez une infirmière qui, à la différence d’autres de passage, se présenta très clairement avec un enthousiasme contagieux et réconfortant : « Je suis Yolande ». Effectivement, très jeune au Cameroun, elle vivait dans une famille où son père était médecin vétérinaire. « Toute petite, je savais qu’il soignait les animaux. Moi, je me suis dit : « je ferais plutôt le métier d’infirmière ». Et alors, je pourrai avoir des moments d’échange avec mon père sur le fait de soigner et sur l’évolution de la médecine. J’avais huit ans » (2). Venue en France, Yolande a surmonté ses difficultés financières initiales et, avec le même désir d’apprendre er le même désir de soigner, elle est devenue aide-soignante, puis infirmière.
Quand on est hospitalisé, on a besoin d’encouragement et ce sont parfois des aides-soignantes qui apportent une aide précieuse. Dans le roulis d’une hospitalisation pour covid, il y avait dans cette clinique une aide-soignante qui se détachait par un soin prévenant. La doctoresse écoutait cette femme d’origine africaine. Par la suite, arrivant dans un hôpital pour un suivi d’hospitalisation, je me souviens d’une aide-soignante qui m’assura que c’était le bon endroit pour remonter. Ces aides-soignantes n’ont pas une vie facile, mais ce sont de bonnes personnes animées par un élan de vie. Cet élan de vie, on le retrouve aussi dans la présence de certaines personnes assurant le service des repas et du ménage.
C’est le cas dans cet ehpad où comptent la gentillesse et le sourire des personnes apportant le repas. Fati est originaire de la région de Tombouctou dans le Mali. Elle est attentive et encourageante. Elle s’est familiarisée avec l’établissement et sait où demander. Elle sait aider discrètement. Originaire de la côte d’Ivoire, Salimata est joyeuse et enjouée. La bonne humeur, cela compte dans cet univers monotone.
Dans cet ephad, il y a de nombreuses aides-soignantes avec souvent des années d’expérience. On les rencontre notamment au moment de « la toilette » Dans ce moment de proximité, on peut apprécier la prévenance et le respect de beaucoup d’entre elles. Elles aussi viennent de différents pays d’Afrique de la Côte d’Ivoire et du Cameroun au Congo. Une occasion de manifester ma reconnaissance à des aides-soignantes dialoguantes comme Lucie, Alice, Lydienne, Régine, Judith, Nathalie, Solange…Il y a des exceptions où on peut être confronté à des personnes impérieuses et peu communicantes . Toutes ces soignantes, parfois à l’épreuve d’un temps élevé de transport, apportent une vitalité qui s‘inscrit dans une culture du care.
La mémoire d’une aide significative nous revient ici comme un exemple qui vient illustrer cette contribution de l’immigration africaine au care. Infirmière dans cet ephad, elle s’appelait Janette. Mère de famille, elle avait trois enfants. Mal en point à l’époque, j’avais remarqué sa prévenance. Elle m’avait en quelque sorte adopté. Et lorsque ma santé s’affichait positivement, j’observais chez elle un discret et curieux mouvement de danse. J’ai compris depuis combien la danse est consubstantielle à la culture africaine
Une présence croyante
La vulnérabilité des patients et des personnes fragiles entraine un besoin de confiance. Il y a des soignantes qui y répondent en puisant dans une culture croyante. C’est le cas chez de nombreuses soignantes issues de l’immigration africaine. L’épreuve amène à chercher l’essentiel. Dans un contexte de proximité, des soignantes apportent discrètement un témoignage de leur foi à travers gestes et paroles. Une culture croyante affleure. D’une clinique, je me souviens de cette aide-soignante estimée qui me parla un jour de son jeune fils à l’école dont les parents prenaient soin pour le protéger et elle me dit combien la prière comptait à cet égard. Dans l’immigration africaine, la culture croyante va souvent de pair avec une culture chaleureuse qui tranche avec « une culture froide » individualiste et technocratique qui nuit à la sollicitude et sape le moral de personnes éprouvées.
Venant de Côte d’Ivoire et participant à une culture familiale chaleureuse, cette animatrice s’interrogeait sur la manière de témoigner de sa foi dans un milieu de personnes âgées et handicapées et leur manifestait une intelligente sollicitude. Cependant, en évoquant cette présence croyante, je pense particulièrement à une infirmière qui exerçait sa fonction avec chaleur et enthousiasme. Parfois elle chantait et dans la tonalité, je reconnaisais des hymnes connus. Me sachant chrétien, elle n’hésita pas à se dire pentecôtiste. Me concernant, tout naturellement, venait l’expression : « Dieu vous bénit ».
Notons que la croyance en Dieu se manifeste dans la culture africaine avec beaucoup de tolérance. J’ai appris par Fati qu’au Mali, la communauté musulmane coexistait avec différentes églises chrétiennes et que dans sa famille elle-même, il y avait des musulmans et des chrétiens.
Une dynamique sociale et culturelle
En s’inscrivant dans la culture française à travers l’activité du care, l’immigration africaine réalise un parcours de promotion impressionnant. C’est un mouvement en marche pour le meilleur. On peut l’observer chez de très jeunes. D’origine maghrébine, Leila, très attentive et communicante, vit avec ses parents dans une famille de sept enfants, dont les ainés ont déjà une inscription professionnelle. Et elle-même poursuit des études d’infirmière. Telle autre jeune fille, d’origine ivoirienne, vivant dans une famille nombreuse et également excentrée en grand banlieue s’engage dans des études d’infirmière.
Cependant, on observe dans la vie des soignantes, des parcours impressionnants de promotion. Béninoise, Philomène, réduite en esclavage domestique par un ménage français qui l’avait emmené en France en promettant à ses parents de lui permettre de faire des études, a pu s’échapper avec l’aide d’une voisine (3). Elle est soutenue par une association, effectue une formation d’auxiliaire de vie, travaille dans l’aide à domicile, travail épuisant lorsque on ne dispose pas d’une voiture pour les transports, puis dans une crèche. Comme aide à domicile, j’ai pu apprécier la qualité de son attention et elle est devenue une amie. Aujourd’hui, mariée, mère de plusieurs enfants, elle commence une formation d’aide-soignante.
En terme de promotion sociale et professionnelle, l’itinéraire de Yolande est exemplaire. « En arrivant en France en 2003, j’ai travaillé comme femme de chambre pendant cinq ans pour financer une formation d’aide-soignante… J’ai approfondi le côté relationnel qui était déjà ancré en moi, mais dont j’ai mieux compris l’application. Cela m’a conforté dans la vocation de soignante que j’avais depuis l’enfance….J’ai commencé à travailler dans les hôpitaux .. Cela m’a permis d’accroitre mes connaissances pendant douze ans. Ensuite, j’ai voulu évoluer dans m carrière professionnelle. C’est alors que j’ai suivi une formation d’infirmière pendant trois ans… ». En revoyant ce parcours, je comprend maintenant pourquoi et comment le gout d’apprendre était si vif chez Yolande. J’ai pu partager avec elle des textes et des livres. Trop souvent, des gens sont assis sur leur culture acquise dans de longues études. Des mouvements comme Peuple et Culture nous ont appris les vertus de la culture populaire et de l’éducation permanente. Animateur dans cet ephad, il s’appelait Sylvain. De par ses origines, il participait à plusieurs cultures. Il venait de choisir ce métier d’animateur en ephad par souci d’humanité. Il cherchait sa voie et je le sentais en désir d’apprendre et de comprendre. Ce fut un beau moment de partage. Pendant quelque temps, il prit même connaissance des articles de Vivre et espérer…
On retrouve chez beaucoup de soignantes de l’immigration africaine, ce mouvement de promotion dans un univers caractérisé par la mobilité. Cette mobilité est sociale dans un mouvement ascendant. Elle est aussi internationale. On peut apercevoir ici des effets de diaspora. Telle soignante a des sœurs en Europe de Nord. Et puis, les relations avec « le pays » sont fortes et constantes. Une telle soutient des orphelins dans sa ville d’origine. Telle autre travaille en surplus pour permettre à tous les membres de sa famille africaine d’acheter des cadeaux de Noël. Et d’ailleurs, on s’en va souvent au pays pour s’y ressourcer ou pour des évènements familiaux. Il arrive même qu’on participe de Paris à un courant politique . Telle soignante franco-ivoirienne participe au « mouvement des générations capables ».
Face à des brimades
On sait que la société française est traversée par des courants politiques opposés dans leur attitude vis-à vis de l’immigration. Ainsi, il y a bien une attitude d’ouverture qui peut s’appuyer sur un grand mouvement associatif et l’appui des églises. Mas il y a aussi la pression hostile engendrée par une mémoire dominatrice et par la peur d’une perte d’identité dans une société en crise de valeurs.
On peut donc observer une certaine frilosité dans l’attitude vis-à-vis de l’immigration. Ainsi tarde la modernisation d’une administration bureaucratique lente dans l’accueil et dans la facilitation administrative de l’immigration reconnue. Philomène venait d’effectuer une aide à domicile . Elle devait joindre l’administration pour une démarche indispensable. Je luis proposais de s’installer tranquillement pour téléphoner. Au bout du fil, nous attendîmes pendant une heure avant de pouvoir joindre le service.
D’origine ivoirienne, Pris avait effectué de bonnes études artistique dans une université française. Elle avait trouvé un travail d’animatrice dans cet ephad et s’y était engagé avec empathie, sensibilité et créativité. En demande de renouveler son permis de séjour, l’administration estima que sa rémunération était trop faible pour correspondre à ses titres universitaires. En l’absence d’un mouvement favorable de l’employeur, elle dut quitter précipitamment l’établissement.
Les soignantes franco-africaines oeuvrent dans un secteur de santé aujourd’hui défavorisé sur le plan des rémunérations. Dans cet ephad, sous la responsabilité de deux soignants franco-africains : Judith et Eric, une section syndicale CFDT veille à la défense du personnel et milite pour une juste rémunération. Un jour, une grève apparut. On peut se réjouir de la réussite de cette grève d’autant qu’elle fut menée dans un esprit de responsabilité en veillant à ne pas nuire aux personnes dépendantes et en poursuivant avec succès la négociation avec la direction.
Nous voici dans un aspect plus sombre de cette histoire. Récemment, j’ai été conduit à m’engager pour la défense de soignantes brusquement congédiées. Dans un effort de remise en ordre vis-àvis de certains dysfontionnements, une nouvelle direction a pris des mesures sans prendre suffisamment en compte l’histoire des lieux et les états de service de plusieurs soignantes.
Depuis peu, j’avais fait connaissance de Joan, assistante de nuit, une jeune personne active et cultivée finançant par ce travail des études d’anglais à l’Université Villetaneuse. On lui reprocha un écart, un retard et une dispute, et elle fut congédiée du jour au lendemain. Certes, on a pu me dire que je n’avais entendu qu’une version, la sienne.
Joan travaillait dans l’établissement depuis plusieurs années. Ayant pris sa défense au travers d’un mail, elle me rapporta combien elle avait été reçue à la direction sans avoir le sentiment d’être écoutée. Ce matin-là, elle avait été profondément humiliée. Au point qu’elle me dise : « Vous êtes un blanc, vous ! Jamais, on aurait osé vous traiter de la sorte ». Je n’avais jamais entendu une telle remarque et j’en ai frémi. A la même période, un délégué syndical m’avait remercié pour mon soutien en évoquant le ressenti d’une population qui se sent brimée.
Juste auparavant, une infirmière appréciée de tous à la suite d’un engagement chaleureux dans l’établissement pendant deux années, à l’écoute active » des patients, s’était vu brutalement congédiée, dans un soudain non renouvellement de son CDD. Certes, la nouvelle direction cherchait à réformer un système défaillant. On lui reprocha une bavure médicale, mais elle ne put présenter sa défense. On ne tint aucun compte de son œuvre sans doute dans ce mécanisme de l’idée unique qui ne tient pas compte d’un ensemble. Elle fut donc éliminée du jour au lendemain sans même être reçue. A travers des mails, je m’engageais à fond contre un tel gachis et demandant une médiation. Il y eut dialogue, mais il n’aboutit pas. La section syndicale CFDT s’engagea elle aussi. En vain. Je n’incrimine pas ici une discrimination, mais le défaut de mentalité d’un système qui regarde d’en haut. Pour le bien, cette infirmière portera ailleurs son écoute active et sa culture du care.
Ce sont là des bavures au regard de la magnifique avancée que nous venons de décrire, la promotion d’une population d’origine africaine dans la contribution au développement d’une culture et d’une société du care.
Une vision relationnelle
Dans son livre sur l’éthique du care (1), Fabienne Brugère met l’accent sur la dimension relationnelle de cette approche. « Chaque vie déploie un monde qu’il s‘agit de maintenir, de développer et de réparer. L’individu est relationnel et non pas isolé ». « La théorie du care est d’abord élaborée comme une éthique relationnelle structurée par l’attention des autres ».
Or, cette dimension relationnelle est très présente dans la culture africaine.
Ainsi, apparait-elle dans l’œuvre de Fatou Diome, écrivaine franco-sénégalaise (4).
A plusieurs reprises, Fatou Diome s’est exprimée à propos des personnes âgées en sollicitant du respect à leur égard. Dans la culture africaine, il y a une continuité entre les générations et les « anciens » sont respectés. Or Fatou Diome a été elle-même élevée par ses grands-parents et elle leur voue une infinie reconnaissance. Nous avons pu ainsi visionner une séquence de vidéo sur les personnes âgées, mise en ligne sur facebook. Il s’en dégage une grande émotion . J’ai pu partager ce visionnement avec deux personnes travaillant à l’ephad : Régine et Fati. Toutes deux se sont reconnues dans cette vidéo et ont exprimé une grande émotion. Fati n’a-t-elle pas été élevée par ses deux grands-mères et un grand-père…. Ce fut une émotion partagée
Si la culture du care met l’accent sur la dimension relationnelle, elle rencontre à cet égard la culture africaine ou cette dimension est privilégiée (5). Un théologien travaillant dans une Université de Zambie, Teddy Chawe Sakupapa évoque « la centralité de la vie et de la relation entre les êtres dans la vision africaine du monde ». On peut rappeler ici le concept de l’ubuntu dans la galaxie bantoue. Wikipedia en donne la définition suivante : « la qualité inhérente d’être une personne parmi d’autres personnes. Le terme ubuntu est souvent lié à un proverbe qui peut être traduit ainsi : « Je suis ce que je suis par ce que vous êtes ce que vous êtes » ou « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous » (6). Teddy Chawe Sakupapa écrit : « Dans une réalité interreliée, il n’y a pas de séparation entre le séculier et le sacré ». « La relationalité est au cœur de l’ontologie africaine »
Cette approche correspond à la définition de la spiritualité selon David Hay comme « conscience relationnelle avec soi-même, les autres, la nature et Dieu ». Et Teddy Chawe Sakupapa peut évoquer « une force vitale comme présence de Dieu dans toute la création ».
A travers sa culture relationnelle , l’immigration africaine est propice à la culture du care qui se fonde sur la relationalité . A partir de notre mémoire, nous avons rassemblé ici des récits vécus à travers lesquels on peut voir l’invention d’une culture franco-africaine en voie de promouvoir une culture du care dans les contextes où celle-ci commence à pénétrer. Ce texte exprime, souvent avec émotion, une immense gratitude pour le vécu de ces rencontres. C’est aussi une action de grâce pour le puissant apport de la culture franco- africaine à la société du care. Puisse la France manifester sa reconnaissance en retour.
J H
- Une voix différente. Pour une société du care : https://vivreetesperer.com/une-voix-differente/ ‘De
- De Yaoundé à Paris. D’aide-soignante à infirmière. Une vie au service du care et de la santé : https://vivreetesperer.com/de-yaounde-a-paris/
- De l’esclavage à la lumière. Du Bénin à la région parisienne. Une histoire de vie : https://vivreetesperer.com/de-lesclavage-a-la-lumiere/
- Fatou Diomé, invitée d’un monde, un regard : https://www.google.fr/search?hl=fr&as_q=Fatou+Diomé&as_epq=&as_oq=&as_eq=&as_nlo=&as_nhi=&lr=&cr=&as_qdr=all&as_sitesearch=&as_occt=any&as_filetype=&tbs=#fpstate=ive&vld=cid:402c46cc,vid:5yIAErUWBo8,st:469
- Esprit et écologie dans le contexte de la culture africaine : https://www.temoins.com/esprit-et-ecologie-dans-le-contexte-de-la-theologie-africaine/
- La philosophie de l’ubuntu d’après Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ubuntu_(philosophie)
par jean | Avr 29, 2012 | ARTICLES, Beauté et émerveillement |
Printemps : expression et dynamisme de vie. Quelle beauté !
J’aime voir l’œuvre de Dieu dans la nature.
Sur ce site : Voir Dieu dans la nature
https://vivreetesperer.com/?p=152
« Le Dieu trinitaire inspire sans cesse la création …La « source de vie » est présente dans tout ce qui existe et qui est vivant. Tout ce qui est existe et vit, manifeste la présence de cette « source de vie » divine » (Jürgen Moltmann. Dieu dans la création (p. 23, 24).
En cette saison , quelques photos extraites des sites Flickr de CaptPiper et Ecstaticist.