The Good Life

The Good Life

Ce que nous apprend la plus longue étude scientifique sur le bonheur et la santé

Cette année 2023, vient de paraître le bilan d’une recherche exceptionnelle par son étendue et sa durée pour la compréhension de la b vie humaine dans son projet de vie bonne : »The Good Life and how to live it. Lessons from the World’s longest study on happiness » (1). Ce livre a été très rapidement traduit et publié en français :  « The good life : ce que nous apprend la plus longue étude scientifique sur le bonheur et la santé » (2). « En cette période de grande incertitude, les docteurs Robert Waldinger et Marc Schultz, actuels directeurs de l’étude, font pour la première fois la synthèse de décennies de recherches associant résultats médicaux, trajectoires personnelles, sagesses ancestrales et outils concrets, ils nous prouvent scientifiquement qu’une vie véritablement heureuse n’est pas synonyme de réussites et de succès financiers, et que nous avons en nous les clés de notre épanouissement et de notre résilience ».

Déjà, certaines découvertes inattendues avaient été dévoilées par Robert Waldinger dans une vidéo Ted X (3). Comme si un aveuglement l’en avait longtemps empêché, une constatation était apparue : l’importance de la vie relationnelle pour l’épanouissement humain. « Le message le plus évident est celui-ci : « Les bonnes relations nous rendent plus heureux et en meilleure forme. C’est tout ».Et, les connections sociales sont vraiment très bonnes pour nous et la solitude tue. Les gens qui sont les plus connectés à leur famille, à leurs amis, à leur communauté, sont plus heureux physiquement et en meilleure santé et ils vivent plus longtemps que les gens moins bien connectés » (3).

 

La grande enquête d’Harvard sur le développement adulte

Dans les années 1930, alors que les Etats-Unis luttaient pour sortir de la grande Dépression, et comme le « New Deal » prenait son essor, « il y eut un intérêt croissant pour comprendre quels facteurs permettaient aux êtres humains de prospérer en contraste avec ce qui les faisaient échouer . Cet intérêt nouveau a conduit deux groupes de chercheurs à Boston à initier des projets de recherche se proposant de suivre deux groupes très différents de garçons.

Le premier était un groupe d’étudiants de deuxième année au Collège d’Harvard parce qu’ils étaient considérés comme devant probablement grandir en devenant des hommes en bonne santé et bien ajustés . Dans l’esprit du temps, mais bien en avance sur ses contemporains dans la communauté médicale, Arlie Rock, le nouveau  professeur d’hygiène, désirait passer d’une attention à ce qui rendait les gens malades à ce qui  rendait les gens en bonne santé …» ( pagination livre anglophone p 11). La seconde étude fut initiée par un juriste et un travailleur social auprès de jeunes garçons âgés de 14 ans  habitant dans des quartiers défavorisés et venant de familles en difficultés, pour 60% ayant au moins un parent issu de l’immigration mais ayant évité  de tomber dan la délinquance, un des buts de l’enquête étant justement de prévenir la délinquance. Lorsque les deux enquêtes se sont rejointes, une méthodologie commune a été adoptée. « les enquêtés se sont vus soumis à des examens médicaux, et ont été interviewés à domicile » . Cette enquête se caractérise par l’ampleur et le volume des données recueillies durant un parcours de vie intégral. « Dans notre étude longitudinale, chaque récit de vie se fonde sur des données détaillées concernant la santé et les conditions physiques. Nous avons également enregistré d’autres données de base comme la nature de leur emploi, le nombre des amis proches, leurs loisirs. A un niveau plus profond, nous les avons sondé sur leur expérience subjective . nous leur avons posé des question sur leur satisfaction au travail, leur satisfaction maritale, leur manière de résoudre les conflits, l’impact psychologique des mariages et des divorces, les naissances et les décès . Nous les avons interrogé sur leurs souvenirs familiaux…. Nous avons étudié leurs croyances spirituelles et leurs préférences politiques, leurs pratiques d’église, leur participation à des activités communautaires, leur but dans la vie…  Tous les deux ans, nous leur avons envoyé de longs questionnaires et tous les cinq ans, nous avons recueillis des données médicales complètes. Tous les quinze ans, nous avons eu avec eux une rencontre face à face » ( p 14-15). C’est dire la connaissance détaillée qui en est résultée. Mais la vie sociale et les mœurs évoluent. Les chercheurs en ont tenu compte et ils ont également pris en charge les résultats d’autres recherches.  « Le but de ce livre est d’offrir ce que nous avons appris sur la condition humaine, de vous montrer ce que l’étude d’Harvard peut dire au sujet de l’expérience universelle d’être en vie » ( p 16).

 

Qu’est-ce qui rend une vie bonne ?

« Qu’est-ce qui rend une vie bonne ? C’est la question que se pose les chercheurs ? Mais il y donc une question préalable : qu’entend-on par : vie bonne ? Quand on demande aux gens ce qu’ils attendent de la vie, la réponse la plus courante est : être heureux. Mais qu’est-ce que le bonheur signifie ? Pour répondre à cette question, les auteurs ont notamment recours à la pensée grecque. «  Il y a plus de deux mille ans, Aristote utilisait un terme qui est encore beaucoup utilisé en psychologie aujourd’hui : « eudaimonia ». Ce terme se réfère à un état de  profond bien-être dans lequel une personne sent que sa vie a un sens et un but. Il est souvent mis en contraste  avec « hedonia » (origine du mot hédonisme) qui renvoie à un bonheur flottant de plaisirs variés » ( p 18). « On peut parler de  bonheur hédonique quand on dit : avoir du bon temps, mais le bonheur eudaimonique correspond à ce que nous voulons signifier lorsque nous disons : la vie est bonne… C’est un genre ce bonheur qui peut passer à la fois à travers des hauts et des bas ».

Certains psychologues ont contesté l’emploi du mot bonheur comme une appellation fourre-tout et préfèrent des termes comme bien-être. Un des auteurs évoque des gens qui prospèrent (thriving) . Cependant, tout le monde comprendra ce qu’on entend par être heureux et le terme de bonheur est entendu ici  dans le sens prôné par Aristote : « eudaimonia ».. ( p 19)

 

Chemins heureux ou malheureux

A partir de leur immense banque de données, les auteurs peuvent suivre les évolutions des uns et des autres et dans quel sens elles tournent. C’est ainsi qu’il  nous est présenté deux récits de vie, deux études de cas, un chemin plutôt heureux et une autre, plutôt malheureux ( p 31-35).

« En 1946, John Marsden et Leo DeMarco se trouvaient tous deux à un carrefour majeur dans leur vie. Tous deux avaient la bonne fortune d’être récemment diplômé de Harvard. Toux deus venaient de servir militairement durant la seconde guerre mondiale. Ils bénéficiaient des avantages accordés aux vétérans. Tous deux étaient bien dotés financièrement. La famille de John était riche et Leo appartenait à la classe moyenne supérieure….ils semblaient tous deux pouvoir bénéficier de la vie bonne ».
John aurait pu travailler dans l’entreprise familiale. Il préféra entreprendre des études de droit, y consacra toutes ses forces et il obtint le diplôme dans un bon rang

Léo, ambitionnait d’être écrivain. Mais, après le décès de son père, sa mère contracta la maladie de Parkinson. Il vint s’occuper d’elle et trouva un travail d’enseignant dans une école secondaire. Peu après, Leo rencontra Grace dont il tomba profondément amoureux. Ils se marièrent immédiatement et l’année suivante, ils eurent leur premier enfant. A partir de là, son orientation s’affermit. Il continua à enseigner pendant les quarante années suivantes.

« Nous sommes invités à passer vingt neuf ans et à nous retrouver en février 1975. Les deux hommes ont 55 ans. John s’est marié à 34 ans et il est maintenant un juriste ayant réussi et gagnant 52000 dollars par an. Leo est encore enseignant dans une école secondaire et il gagne 18000 dollars par an. Un jour, ils ont reçu le même questionnaire. Et là, il y a des questions cruciales : « La vie comporte plus de peine que de plaisir » John répond : vrai et Leo : faux. « Je me sens souvent affamé d’affection ». John répond : vrai et Leo répond : faux.( p 32-33)…. »

John Marsden, un des membres de l’échantillon ayant réussi professionnellement le plus brillamment était aussi un des moins heureux. Comme Leo DeMarco, il souhaitait être proche des gens… mais il rapportait constamment des sentiments de déconnection et de tristesse dans sa vie. Il lutta dans son premier mariage et il s’aliéna ses enfants. Quand John se remaria à 62 ans, il en vint assez vite à considérer cette relation comme sans amour.

Leo De Marcos, quant à lui, se pensait lui-même premièrement en relation avec les autres. – sa famille, son école et ses amis apparaissent fréquemment dans ses rapports et il est généralement considéré comme un des plus heureux des enquêtés. Il avait quatre filles et une femme qui l’aimait. Il était apprécié par ses amis. Contrairement à John, il trouvait du sens dans son travail parce qu’il prenait plaisir à ce que ses destinataires y trouvaient. ( p 34-35).

Cette comparaison illustre bien comment la recherche de la réussite  financière n’apporte pas le bonheur. Et « le moteur de la vie bonne n’est pas le moi (the self) comme John Marsden le croyait, mais plutôt nos connexions avec les autres ainsi que la vie de Leo DeMarcos  le démontra » ( p 52).

 

Un nouvel éclairage sur la vie

« Après avoir étudié des centaines de vie en entier, nous pouvons confirmer ce que nous savons déjà, une immense gamme de facteurs contribue au bonheur d’une personne. Le délicat équilibre des contributions de l’économique, du social, du psychologique, et de la santé est complexe et toujours changeant…. Ceci dit, si vous regardez de manière répétée à travers le temps, le même genre de données sur un grand nombre de gens et à travers de nombreuses études, des configurations commencent à émerger et les facteurs prédicteurs du bonheur humain deviennent clairs.  Parmi ces facteurs   prédicteurs de la santé et du bonheur, du bon régime diététique à l’exercice, au niveau de vie, une vie de bonnes relations ressort en puissance et en consistance » ( p 19-20).

« L’étude de Harvard comme d’autres études parallèles  porte témoignage de l’importance des connexions humaines  Elle montre que les gens qui sont les plus connectés  à la famille, aux amis, à la communauté sont plus  heureux et physiquement en meilleure santé que les gens qui sont moins bien connectés. Les gens qui sont plus isolés qu’ils ne le souhaiteraient voient leur santé décliner plus vite que les gens qui se sentent connectés aux autres. Les gens isolés vivent également des vies plus courtes. Malheureusement, ce sentiment de déconnection est en train de grandir dans le monde. Environ un américain sur quatre rapporte se sentir seul – plus de soixante millions de gens. En Chine, la solitude parmi les personnes les plus âgées a nettement grandi, ces dernières années et la Grande-Bretagne a créé un ministre de l’isolement (A minister of loneliness),  pour faire face à ce qui est en train de devenir un enjeu majeur de santé publique » ( p  21). Le fléau de la solitude s’étend aujourd’hui.

Si les conditions sont difficiles, certains peuvent se demander si une ouverture aux relations est encore possible pour eux. « Est-ce que c’est trop tard pour moi ? ». Après investigation, les chercheurs répondent, il n’est jamais trop tard. « Votre éducation dans l’enfance n’est pas votre destin, vos dispositions naturelles ne sont pas votre destin, votre voisinage n’est pas votre destin ». De fait, la solitude peut advenir dans différentes situations. Au total, « c’est la qualité de la relation qui compte. Dit simplement, « Vivre au sein d’une relation chaleureuse protège à la fois le mental et  le corporel. C’est un important concept, le concept de protection » (p 23). Les auteurs poursuivent en déclinant que ces conclusions en faveur de l’importance de la relation ne sont pas seulement le produit d’une recherche scientifique, mais également le legs d’une sagesse de longue date. Les auteurs citent Aristote et Lao Tseu (p 24). Nous ajouterons que cette vision est au cœur des Evangiles.

Le livre se poursuit en étudiant les conditions pour développer une aptitude relationnelle et formule des propositions en ce sens.

 

Un message largement diffusé

On pourra accompagner la lecture de ce livre par la consultation de vidéos et d’articles. Ces documents nous aideront à diriger notre attention sur tel ou tel point important pour nous. En premier lieu, nous signalons ici une interview  Ted de Robert Waldinger sous titrée en français : https://www.youtube.com/watch?v=IStsehNAOL8

On trouver également un entretien avec Robert Waldinger dans « The Guardian ». C’est un article de fond : https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2023/feb/06/how-to-have-a-happy-life-according-to-the-worlds-leading-expert                  Organe de diffusion du centre de recherche californien : « Greater Good Science Center », le « Greater Good Magazine  Science-based insights for a meaningful life », évoque naturellement le livre : « The good life », en mettant particulièrement l’accent sur les moyens pour cultiver de meilleures relations : https://greatergood.berkeley.edu/article/item/what_the_longest_happiness_study_reveals_about_finding_fulfillment

Enfin, on trouvera, traduites en français, les réponses de Robert Waldinger à de nombreuses questions sur le site de BBC News Afrique : https://www.bbc.com/afrique/articles/ck5yl5p43xko

Nous achèverons cette présentation  en reprenant quelques unes de ces réponses.

 

Comment développer de bonnes relations ?

Robert Waldinger émet quelques suggestions pour nourrir et dynamiser les relation. Et l’une d’entre elles « consiste à reconnaître quelqu’un lorsqu’il fait quelque chose de bien ». Nous prêtons souvent attention à ce que nous n’aimons pas. Mais « il y a une forme pratique de la gratitude où nous nous demandons : A quoi  ressemblerait ma vie si ces personnes ne faisait pas ces choses ou si cette personne n’était pas dans ma vie ? Une autre suggestion pour nourrir les relations est de maintenir « une curiosité radicale ». « Des études ont été menées sur la façon dont nous sommes à l’écoute des sentiments d’une autre personne. Elle montre que surtout lors de la première rencontre, nous sommes très attentifs aux sentiments d’une autre personne. Mais, une fois que nous sommes ensemble depuis des années, nous savons beaucoup moins ce qu’elle ressent…. Il d’agit de renverser la situation et d’être curieux ».  On pose la question à Robert Waldinger si le nombre  des amis compte. « Oui, mais c’est quelque chose de très individuel. Certains d’entre nous sont très timides, et pour ces personnes, avoir beaucoup de monde autour d’elle est stressant. D’autres personnes en revanche très extraverties ont besoin de beaucoup de monde dans leur vie et cela leur donne de l’énergie … Chacun d’entre nous doit déterminer par lui-même quelle quantité d’activité sociale est bonne pour lui et pour sa vie ». On est parfois déçu parce qu’on se dit : « C’est toujours moi qui passe les appels, qui écoute ». « Conseilleriez-vous aux gens de parler ouvertement à leurs amis de ce qu’elles ressentent ? ». « Oui, je pense que ce serait bien, car certaines personnes ne se rendent pas compte ». « Aujourd’hui, de nombreux échanges sont virtuels grâce aux réseaux sociaux. En terme de relations, quelle est la meilleure façon d’utiliser les réseaux sociaux ? La façon dont nous utilisons les réseaux sociaux pour entrer en contact avec d’autres personnes a vraiment de l’importance. Si nous les utilisons activement, cela augmente notre bien-être. Et l’exemple que j’aime utiliser est celui d’un de mes amis, qui, pendant son confinement durant la pandémie, a repris contact avec ses amis de l’école primaire. Maintenant, ils prennent un café virtuel tous les dimanches matin sur zoom. Et ils passent des moments merveilleux à parler de leur vie et de leur enfance. C’est un exemple de réseau social actif et tout le monde en est plus heureux ». Cependant, il y a aussi une « consommation passive des médias sociaux. Ce genre de consommation nous fait sentir plus mal et les adolescents sont particulièrement sensibles à cela. Très vulnérables ».  Pourquoi, le mot regret revient-il souvent dans le livre ? Effectivement, on le voit apparaître chez des personnes âgées.  Robert Waldinger évoque deux grands regrets évoqués à l’âge de 80 ans : « Chez les hommes, avoir passé trop de temps au travail et pas assez ave les personnes chères ;  chez les femmes avoir passé trop de temps à me préoccuper de ce que pensent les autres. Pour gérer les regrets, il ne sert à rien d’être en colère contre soi. Utilisez les regrets pour un meilleur parti de la vie qui nous attend ». Il y a un chapitre dans le livre : « Il n’est jamais trop tard ». « Ce que nous voyons dans les histoires du livre, qui sont tirées de la vie réelle, c’est que les gens trouvent des liens qu’ils n’attendaient pas à différents moments de leur vie, que ce soient avec leurs parents ou avec leurs enfants, qu’il s’agisse de liens amoureux ou d’amitiés. Donc, à ceux qui pensent que les choses ne leur  arriveront jamais, nous disons : « Vous n’avez aucun moyen de savoir ». Le message est que cela vaut la peine d’y travailler, car, à tous moments de la vie, vous pouvez créer de nouvelles et bonnes connexions ».

Ce livre rend compte d’un travail de recherche incomparable par son ampleur et sa durée. Le thème nous concerne tous : les conditions d’une vie bonne. La réponse n’était pas évidente au départ . Elle s’est imposée en cours de route. Ce sont les gens les plus connectés à leurs amis, à la famille, à la communauté qui sont les plus heureux et physiquement en meilleure santé. Cette conclusion nous paraît en phase avec une vision du monde qui met la relation au cœur du Vivant dans toutes ses manifestations. N’a-t-on pas défini la vie spirituelle comme une « conscience relationnelle », une « relation à la nature, aux autres personnes, à nous-mêmes et à Dieu » (4).  Dans leur mise en perspective, les auteurs se réfèrent à une sagesse de longue date ( p 24). La discrétion vis à vis de l’inspiration évangélique nous paraît surprenante. Car la parole : « Tu aimeras le prochain comme toi-même » (Matthieu 22.39) est au cœur de l’enseignement de Jésus. C’est bien l’amour qui est premier comme en témoigne l’hymne de Paul à l’amour au chapitre 13 de la première épitre aux Corinthiens. Cet amour est généreux. Nourri par la communion divine, il œuvre  pour la justice et il est désintéressé, ce qui apparait peu dans ce livre sur la « good life »   Cependant, au total, l’amour apparaît  comme une force supérieure, les amitiés en dérivent et le contextualisent dans la vie quotidienne Des théologiens comme Jürgen Moltmann et Richard Rohr développent une vision relationnelle. Richard Rohr écrit ainsi : « Nous pouvons dire que Dieu est essentiellement relation . J’appelerai « salut » la disposition, la capacité et le vouloir d’être en relation (p 46). La voie de Jésus, c’est une invitation à un mode trinitaire de vie, d’amour et de relation sur la terre comme c’est le cas dans la divinité. Comme la Trinité, nous vivons intrinsèquement dans la relation. Nous appelons cela l’amour. Nous sommes faits pour l’amour. En dehors de cela, nous mourrons très rapidement. Et notre lignage spirituel, nous dit que Dieu est personnel : « Dieu est amour » ( p 47) (5).

J H

 

  1. Robert Waldinger, Marc Schulz. The Good Life and how to live it. Lessons from the world longest study on happinesss. Penguin, Random house, 2023
  2. Marc Schultz, Robert Waldinger. The Good Life. Ce que nous apprend la plus longue étude scientifique sur le bonheur et la santé. Le Duc, 2023
  3. « Une vie se construit avec de belles relations » : https://vivreetesperer.com/une-belle-vie-se-construit-avec-de-belles-relations/
  4. La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. Une recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/
  5. La danse divine (The divine dance) par Richard Rohr : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/

 

La joie, une force de vie

 

Les mots ne désignent pas seulement des réalités. Ils contribuent à nous permettre de les reconnaître et de les promouvoir.

Employer le mot joie,  c’est évoquer, selon le Petit Robert, une émotion agréable et profonde, un sentiment exaltant ressenti par toute la conscience. Et il y a de nombreux synonymes : allégresse, ravissement, enthousiasme, gaité…

 

Mais comment recevons-nous ce vocable ? y a-t-il en nous, dans notre héritage des obstacles à la joie comme au bonheur ?  Ou bien y accédons-nous facilement et même parfois dans un bonheur profond ?

Mais le ressenti de la joie n’est-il pas également pluriel ? Ne se construit-il pas différemment en fonction des sources et selon les situations ?

 

Cependant la joie n’est-elle pas à rechercher et à recevoir comme un cadeau pour notre existence ? C’est le message évangélique. C’est la parole de Jésus. Si la joie est un fruit de l’émerveillement, elle est aussi un espace de vie positive, un lieu de résistance au regard de l’ombre. Entendre parler de joie, c’est apprendre à la reconnaître dans un mouvement qui vient de sa source.

 

Une méditation d’Anne Faisandier

C’est une méditation sur la joie que Anne Faisandier partage avec nous dans cette courte vidéo (1).

 

 

Non la joie, ce n’est pas « un sentiment, une émotion qui peut paraître un peu mièvre, un peu simple, un peu léger peut-être ». C’est un état d’âme « fondamental ». «  C’est comme cela qu’en parle la Bible, en particulier l’Evangile comme d’une note de fond qui peut nous permettre d’être irrigué, de s’enraciner dans quelque chose qui permet de vivre debout, d’être vivant en quelque sorte. Cette joie, c’est quelque chose qui est très enraciné et qui est même de l’ordre de la résistance, du combat ».

Anne Faisandier partage avec nous une inspiration évangélique qui va en ce sens. « La nuit de Noël, c’est une joie qui est lumineuse et qui vient s’opposer à la nuit. La parabole de la Brebis perdue est un symbole de la personne qui change de vie, qui choisit la vie, qui choisit de se retourner du côté de la vie et pas ce qui l’a tiré vers la face sombre de l’existence. Dans l’Evangile de Jean, retenu ici, Jésus parle de cette joie juste avant sa mort. C’est dans son dernier discours avec ses disciples. Et il prend l’image de la comparaison avec l’accouchement  (Jean 16.21). Il nous dit que la joie de l’Evangile, c’est une joie imprenable comme est la joie de la mère qui vient de donner naissance. Et il prend cette image de la naissance comme étant l’archétype de l’action de Dieu dans nos vies ».

Alors, Anne Faisandier peut nous appeler à prendre du temps pour revisiter nos vies : « J’aimerais vous souhaiter, pendant cet été, à regarder vos vies, pour voir où Dieu agit, où Dieu a fait naitre quelque chose qui vous remplit de joie ; mais aussi autour de vous, dans la vie des gens : qu’est-ce qui est porteur de joie et d’espérance, parce que, sans doute, Dieu se cache derrière et que cela vaut le temps de le remercier et de le louer et de lui combien nous sommes heureux qu’il nous permette de choisir la vie ».

 

J H

 

(1)            Anne Faisandier. La joie comme une résistance (Pasteur du dimanche) : Vidéo sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=ATBXklcJiKo&index=2&list=PL6F0WgMatbJUxPNorU-tyfYon2NQBXsRG

 

Voir aussi sur ce blog : Anne Faisandier. Redressez-vous et relevez la tête : https://vivreetesperer.com/?p=2259

 

Lire aussi : « La joie jusque dans l’épreuve »  (Méditation d’Odile Hassenforder » : texte suivant.

 

Pour une spiritualité des lisières – Le Poème à venir

Jean Lavoué : une œuvre spirituelle

En réponse à notre quête spirituelle, un livre vient de paraitre : « Un poème à venir. Pour une spiritualité des lisières » (1). Si, au premier abord, le titre peut paraître insolite, il convient au départ d’entendre la voix qui s’y exprime, le parcours de l’auteur. Celui-ci, Jean Lavoué, est un écrivain, éditeur et poète breton. On peut en lire ici et là la biographie. Mais la meilleure entrée nous paraît une interview de Magali Michel parue dans La Vie : « De l’absence jaillit la présence » (2).

Très tôt porté à l’écriture, Jean Lavoué s’engage dans une expression poétique. C’est un atout pour faire face aux embuches de la vie et approfondir un chemin de libération spirituelle où il sera aidé par un prêtre atypique, Jean Sulivan. Son parcours professionnel s’exerce dans l’éducation surveillée et dans la sauvegarde de l’enfance.

Cependant, à partir des années 2000, Jean Lavoué, constamment en activité poétique, commence à écrire des livres portant sur des auteurs avec lesquels il se trouve en affinité. Cette œuvre littéraire va aller en croissant. En 2007, Jean Lavoué crée un blog, baptisé : « l’enfance des arbres » ( http://www.enfancedesarbres.com ).

En 2017, il ouvre une petite maison d’édition. C’est dire combien, à tous égards, l’écriture tient une place centrale dans la vie de Jean Lavoué. « L’écriture finalement se déploie dans le temps, pourvu qu’on persiste, même s’il n’y a pas beaucoup d’écho au départ ».

Dans cette interview, Jean Lavoué nous fait part aussi de sa vie spirituelle. « J’aime lire la Bible avec d’autres. L’Ecriture est d’une grande poésie. Dans la vie professionnelle, comme dans la vie intérieure, j’apprécie la fécondité des petits groupes de parole. Avec Anne, ma femme, nous participons à plusieurs d’entre eux. Mon enracinement ecclésial s’inscrit dans cette modalité peu visible, mais bien plus répandue que l’on ne le croit ».

Les deux livres les plus récents de Jean Lavoué témoignent de son parcours spirituel : « les clairières en attente » où il évoque notamment l’apport des petits groupes de partage : https://www.youtube.com/watch?v=9Jm5hkO3TAM

et « Le Poème à venir ? Pour une spiritualité des lisières » où « il explore la dimension christique du Poème en élargissant la conception et la montrant également à l’œuvre dans l’ensemble des autres spiritualités humaines » : https://www.youtube.com/watch?v=5K01-5KffYk

 

Sur le chemin de l’expression d’une vision
En introduction du livre : Le Poème à venir

Dans l’introduction de son livre : « Le Poème à venir », Jean Lavouè nous fait part de son cheminement et de la manière dont celui-ci débouche sur une nouvelle approche.

Ne ressentons nous pas plus ou moins des raideurs et des pertes dans l’annonce ecclésiale de l’Evangile ? « Les mots ont trop servi. Ils semblent usés » (p 10). « Il faut désempierrer la source pour tenter de la retrouver. J’ai choisi pour ma part le mot : Poème pout tenter de dire ce qu’avec d’autres, je cherche à tâtons… ».

Mais pourquoi ce mot nouveau ? Quelle en est la signification ? Jean Lavoué nous en explique l’origine. « Poiêsis » pour les grecs, signifie création… Pour Platon, l’art poétique est rattaché à l’ « enthousiasme ». Dans la Bible, le poète est le prophète. Pour les philosophes de l’Orient, la poésie rejoint la contemplation du sage ». Dans quelle acception, Jean Lavoué a-t-il adopté le mot ? « Il peut recouvrir ces différentes définitions, même si la source de mon questionnement concerne, de manière plus spécifique, ce qui touche à une réception encore inédite de l’annonce christique des évangiles, ce désir du Royaume, cet engendrement qui se sont entièrement saisi de la personne que l’on nomme Jésus. De ce Verbe, de cette Parole, de ce Logos qui, diront les écrivains de la Bonne Nouvelle, se sont emparés de lui » (p 12).

Mais l’auteur envisage un mouvement dans un horizon plus vaste : « Le Poème tel que je l’envisage, ne se réduit pas à lui. Il recouvre une réalité encore plus vaste. Certes, cet homme Jésus ne mit aucun obstacle à l’avènement en lui de cette réalité qui le dépassait. Toutefois, il ne cessa d’affirmer selon les évangiles synoptiques, qu’il n’était pas lui-même cette réalité. Mais, selon l’évangile de Jean, il va jusqu’à dire que le Père lui ne font qu’un… Pour tous ces témoins, il est indéniable qu’il se laissa entièrement envahir par le Souffle saint lui inspirant chacune de ses paroles et chacun de ses gestes » (p 12).

Jean Lavoué ouvre l’horizon : « C’est en fait le dynamisme créateur de cette Vie partout à l’œuvre dans l’univers que nous avons voulu traduire dans ce récit méditatif par le mot : Poème. La Vie, nul ne l’a jamais vue, mais elle se fait connaître par cette puissance créatrice qui ne cesse de tirer l’univers tout entier vers un accomplissement toujours plus complexe, toujours plus harmonieux. Et cela, malgré les pesanteurs et les ombres, voire les impasses qui semblent s’accumuler aujourd’hui sur le devenir de l’humanité (p 12).

L’auteur rappelle la conception grecque du Logos. Mais, à l’époque, ils avaient « une vision stable du cosmos, cohérente, hiérarchique et aux contours bien délimités ». Ce n’est plus cette vision qui est la notre aujourd’hui. « Les théories de l’origine de l’univers, de l’évolution, de la connaissance de la matière nous ont conduits à une nouvelle conception totalement interactive, systémique, de ce qui est, depuis les choses inanimées jusqu’aux êtres vivants. Tout et relié à tout. Tout est mouvement permanent, croissance, devenir. C’est cette immensité transformatrice et créatrice à l’œuvre partout dans le monde que nous appelons Poème. Son origine, nous la nommons Source ou Vie… » (p 13).

Jean Lavoué envisage la vie et l’œuvre de Jésus dans ce grand mouvement. « L’homme Jésus fut habité comme nul autre par le Poème. On pourrait dire aussi par le Souffle créateur qui agit en tout et en tous, mais qui s’empara de manière singulière de son être » (p 13). Dans l’immédiat, ce fut exprimé dans la culture de l’époque : « Les mots qui étaient à leur disposition étaient ceux de Logos pour ceux qui étaient de culture grecque, ou de Messie, c’est à dire de Christ, pour ceux qui s’inspiraient de la grande tradition hébraïque et biblique. Tout l’effort des théologiens des premiers siècles fut de tenter de définir en quoi et à quel point, cette dimension christique de Jésus, cette incarnation en lui du Logos, se confondait avec l’Etre créateur, avec Yahvé, avec Dieu » (p 13).

Le Poème, envisagé par Jean Lavoué correspond à la dimension « Christ » de Jésus telle que nous la reconnaissons dans la culture judéo-chrétienne. Mais, le dynamisme créateur de la Vie, dont ce mot est le signe, ne saurait se réduire à cette culture. Nous sommes à l’âge planétaire où nous prenons la mesure de la pluralité des formes d’expression spirituelle. Nous découvrons que notre destin est lié à celui de tous les êtres vivants et à l’ensemble de l’écosystème dont nous sommes les hôtes » (p 13).

Jean Lavoué plaide pour une réception plus universelle de ce dynamisme créateur. « Puisque chrétien et enraciné dans la tradition biblique, nous éclairerons cette compréhension pour nous du Poème… essentiellement à partir des éléments tirés de ce lieu exceptionnel de réalisation que constitue le témoignage évangélique. Mais nous essaierons aussi de faire en sorte que ce que nous exprimerons du poème, à partir de cet ancrage dont la vie de Jésus fut la terre d’accueil, puisse aussi éclairer bien d’autres espaces culturels et spirituels traduisant à leurs manières plurielles et différentes leur coopération avec le dynamisme du Souffle créateur » (p 14)

« Si l’homme Jésus devint souffle lui-même au yeux de ses disciples, n’est-ce pas le fait de cette confiance et de cette foi vitales qu’il éveillait en chaque être, en chaque chose, en chaque événement. C’est d’abord de cela qu’ils furent témoins. C’est pour les avoir eux-mêmes relevés, les avoir fait participer de manière très personnelle et intime, au dynamisme créateur du Poème de la Vie qu’ils le reconnurent. C’est ainsi qu’ils le définirent avec les termes qui se trouvaient à leur disposition comme ‘Christ’ : Oint en cette Source vitale par la grâce du Poème. C’est en cela qu’il accepta d’être, saisi qu’il fut par le Souffle saint, l’homme par excellence de la Parole : celui qui fait lever autour de lui les germes du Royaume… » (p 14-15).

« Pour relier tous ceux qu’il rencontrait, disciples ou inconnus, à cette même origine de la Vie, il aimait donner à cette dernière, le nom de Père, Abba : et avec ces deux premières lettres de l’alphabet hébraïque : alpha, bêta, il révélait déjà tout ce qui reliait le visible à l’invisible… Tous se trouvaient issus de la même source, plongés dans les mêmes eaux transformatrices du Poème… Dans d’autres traditions et dans d’autres cultures, cette vision de la Source originaire fut traduit par d’autres mots : Allah pour les uns, Atman pour les autres, Terre-Mère ou Gaia encore pour d’autres. Ces visions différentes ne sont pas exclusives les unes des autres » (p 16).

Jean Lavoué nous explique le but de son livre et la motivation qui l’a porté. « C’est cette puissance de nouveauté universelle que je cherche à honorer par ce livre – poème. Aujourd’hui encore, elle vient à toute femme, à tout homme, à l’humain en général, quelque soit le Dieu, la Source, la Vie, l’Energie auxquels il se réfère ou pas. C’est cela que nous voudrions avant tout suggérer » (p 16).

L’auteur nous dit alors comment il a réalisé son livre. « Il est le fruit d’intuitions, nourries par des lectures et vendangées dans les celliers du cœur. Des auteurs m’auront mis en chemin » (p 16). Jean Lavoué mentionne alors des théologiens et des auteurs spirituels dans une vaste gamme de Christoph Theobald, Raphaël Picon à Teilhard de Chardin et Richard Rohr. L’auteur précise également son usage du mot Poème. Ainsi, en faisant référence à l’homme Jésus, il nous dit « préférer au terme de Christ, qualifiant la manière spécifique dont il s’abandonna à la puissance agissante de son Père, celui de Poème, le faisant participer à une place singulière et unique, au dynamisme transformateur et créateur initié par le Souffle de la Vie dans la totalité de l’univers » (p 18).

Ce livre porte en sous-titre : « Pour une spiritualité des lisières ». Mais qu’entend-il par lisière ? La lisière c’est le lieu où « l’humain s’ouvre à l’infini qui le dépasse, un lieu mystérieux d’interaction et de transformation réciproque où l’un et l’autre communiquent et s’apprivoisent. De cet échange intime où se nouent la rencontre entre souffles divin et humain, toute spiritualité est l’expression singulière ; même si chacune d’elle attribue au mystère autour duquel elle gravite des noms différents voire si elle ne le nomme pas du tout comme c’est le cas pour une grande part de la quête contemporaine » (p 18). « C’est de la lisière dont l’Evangile est le signe dont il sera principalement question ici. Mais cela de manière non exclusive de telle sorte que la « spiritualité des lisières » pourrait aussi correspondre à une volonté de chercher à faire tomber tous les murs autant entre notre propre vérité et celle des autres qu’entre le divin et nous-mêmes » (p 18).

Paysages

Le Poème à venir nous appelle à une promenade où nous découvrons sans cesse des paysages nouveaux. Tandis que les chapitres se déroulent, tant de paragraphes nous appellent à une lecture méditative Voici donc quelques extraits de ce livre pour entrer dans cette lecture.

Un Père qui venait de l’avenir…

« Un homme, un poète, voici ce qu’il était. Il était venu, il y deux mille ans dans un bout de Palestine. Dans sa courte existence, il n’avait cherché qu’à incarner dans chacune de ses paroles, chacun de ses gestes, le souffle du Poème. Il affirmait que celui-ci venait de son Père. Et quand il parlait ainsi, on sentait bien que ce n’était pas pour lui un père biologique, un père du passé. Non, plutôt un Père qui venait de l’avenir. Une force qui le tirait en avant, qui l’entrainait dans les voies les plus risquées, le plus improbables pour annoncer, disait-il, un Royaume qui viendrait. Et il était d’ailleurs déjà là : son être tout entier rayonnait de cet amour qui refluait sur lui telle l’annonce d’un printemps » (p 22).

Le Souffle saint qui ne cherche qu’une chose : Leur permettre à tous de choisir la Vie.

« Quand le « poète » mourut, tous crurent que c’en était fini de son histoire. Or, celle-ci ne faisait au contraire que commencer. Ou plutôt , elle ne pourrait désormais que se prolonger. Car s’il incarna plus que tout le poème, il avait la vive conscience de ne pas en être l’origine. A cette Source, il donna le nom de Père. Et, n’est-ce pas celle-ci, aujourd’hui encore, qui œuvre en toute femme et tout homme de bonne volonté cherchant l’harmonie entre les peuples de la terre : quelque soient leurs croyances, leurs dieux, leurs fois, leurs cultures, leurs raisons. Sans tous ces particularismes, le Poème ne serait pas. Mais il les transcende tous. Comme ceux-ci n’existeraient pas sans lui.

Pourtant chacun croit pouvoir lui donner un nom, une forme, une assignation bien à eux, opposés à ceux revendiqués par les autres hommes. Mais, ce faisant, ils oublient le Souffle saint qui ne cherche qu’une chose, à travers toutes leurs langues, leurs cultes, leurs dialectes : les arracher au chaos et à la destruction ; leur permettre à tous de choisir la Vie » (p 23).

Porter secours à la planète, c’est porter secours à l’humain, à Dieu lui-même…

« Porter secours à la planète en feu, c’est porter secours à l’humain, à Dieu lui-même. Voilà ce qu’il leur faut entreprendre. Notre maison commune est aussi celle du Poème en nous. Notre seule résidence sur la terre. Notre seule chance de nous laisser habiter par lui. De l’inviter chez nous. De le laisser y faire sa demeure. Rien qu’il n’ait désiré d’un plus grand désir : laisser sa parole créatrice se déployer en tout être, en toute chose. Tandis que l’homme au contraire s’est dressé face à elle. Ce qu’ils avaient imaginé de puissance menaçante et de défi chez cet hôte qui n’était pourtant que bienveillance à leur égard, ils se l’approprièrent pour eux-mêmes. Ainsi devinrent-ils une menace le uns pour les autres ainsi que pour la planète dont ils se croyaient être à jamais les maîtres ». (p 28).

Ce Poème en avant de nous

« C’est l’un de ses amis qui écrivit un jour le prologue de notre propre vie. Et depuis, nous n’avons cessé de voir ce Poème en avant de nous. Souvent, entendant une nouvelle fois ce récit, nous croyions le connaître par cœur. Alors qu’il surgissait toujours neuf de l’horizon. Ceux qui restaient tournés vers le passé finissaient par l’oublier. Leur vie cessait soudain de chanter au rythme de son pas. Tandis que tout un peuple, par ailleurs, grandissait, se mettait en marche, s’élançait par les brèches ouvertes de sa promesse » (p 35).

Fondés dans la confiance et l’espérance

« Et c’est alors qu’ils s’éprouveraient « jubilescents ». Fondés dans la confiance et l’espérance que toute mort est vaincue. Qu’ils participent, de l’avènement d’une Vie qui n’a jamais cessé de venir vers eux pour être-avec-eux ressource d’espérance, soutien dans leurs avancées obscures. Pour être au plus fragile de leur humanité et dans toute l’épaisseur de leur finitude et de leur précarité, le signe d’une tendresse qui ne leur ferait jamais défaut. Et cela par la grâce d’un avenir ouvert qui ne leur a jamais manqué » (p 38).

Voici donc un livre qui nous propose une vision plus vaste de la dynamique évangélique, une vision plus fraiche à travers de nouveaux mots et de nouvelles images. Cette proposition peut éveiller quelques questionnements théologiques. Cependant, ce chant nouveau nous éveille et nous porte. C’est le murmure de l’eau vive. Le mouvement de Dieu en Jésus s’exprime dans un Souffle créateur. C’est « une puissance de vie universelle » que Jean Lavoué « cherche à honorer à travers son livre Poème » (p 16).

J H

 

  1. Jean Lavoué. Le Poème à venir. Pour une spiritualité des lisières. Préface de François Cassingena- Tréverdy. Mediaspaul, 2022 . Une superbe présentation du livre : « Pentecôte : le souffle des lisières » : https://www.golias-editions.fr/2022/06/02/pentecote-le-souffle-des-lisieres/
  2. Jean Lavoué. De l’absence jaillit la présence. Interview de Magali Michel dans La Vie : https://www.lavie.fr/christianisme/temoignage/jean-lavoue-de-labsence-jaillit-la-presence-3127.php