A la demande de sa grand-mère (1), à dix ans, Manon Aurenche nous communique ses observations sur l’école anglaise dans laquelle elle vient d’entrer. Comment ne pas être admiratif devant ses qualités d’observation, de réflexion, d’expression !
Et il y bien une impression qui ressort : cette école publique municipale d’un quartier populaire de Londres, avec une population en majorité originaire du Pakistan ou du Bangladesh, la « Carlton school », est une école où on vit en relation. On peut s’y exprimer librement. La convivialité est active et encouragée. La diversité est reconnue. La condition, c’est le respect de l’autre. La caractéristique, c’est un climat de confiance.
Manon note :
« L’ambiance anglaise est très différente, car on a le droit de se lever et de parler pour discuter du travail en cours ».
« La maîtresse est tout le temps positive, très attentive aux problèmes des enfants et elle explique très bien ».
« On a, de temps en temps, des réunions de classe pour parler d’un thème, en particulier comme l’amitié ou : c’est quoi une bonne relation ? ».
« « La Rainbow Room (la salle Arc en Ciel) sert à calmer les enfants et à les faire s’expliquer en racontant chacun (e) leur vision du problème. Puis ils demandent à des enfants témoins de donner leur avis… ».
« A l’école, il y a des assemblées (assembly », c’est à dire des moments où toute l’école est réunie. Elles sont différentes à chaque fois. Par exemple, il y en a sur le chant dans lesquelles on chante. Une autre fois, sur le thème du harcèlement… »
Quand un enfant peut ainsi être reconnu, s’exprimer, participer, vivre en bonne entente, il peut être heureux. « J’aime beaucoup mon école anglaise », écrit Manon. « Elle et géniale ».
Depuis des décennies, le courant de l’éducation nouvelle œuvre pour promouvoir une école où l’on puisse apprendre dans un climat de confiance, de partage et d’entraide (2). Cette éducation est fondée sur des valeurs. Celles-ci sont inégalement actives dans les différentes sociétés, et parfois on doit avancer à contre-courant.
L’école anglaise, fréquentée par Manon, n’est pas, en soi, une « école nouvelle » . C’est une école publique d’un quartier populaire de Londres, mais elle participe à la même approche. Les cultures nationales sont différentes (3), mais, en France, de plus en plus de parents désirent que leurs enfants puissent apprendre dans une ambiance conviviale et créative. (4).
Bref, du bonheur à l’école. Ce témoignage tout simple de Manon nous dit : Oui, c’est possible !
J H
(1) Merci à Blandine Aurenche. Bibliothécaire, Blandine Aurenche a publié un article sur ce blog : « Susciter un climat de convivialité et de partage » : https://vivreetesperer.com/?p=1542
(3) En France, « Promouvoir la confiance dans une société de défiance » : https://vivreetesperer.com/?p=1306 Dans certains pays, l’enseignement public a muté vers une approche conviviale et créative. C’est le cas en Finlande comme l’expose « le film : Demain » : https://vivreetesperer.com/?p=2422
(4) Ce désir des parents s’expriment par exemple dans le développement rapide des écoles Montessori en France.
Manon à l’école anglaise
Je m’appelle Manon, j’ai 10 ans. J’ai déménagé à Londres en septembre avec ma famille. Je suis à l’école Anglaise de mon quartier. L’école Anglaise est assez différente de l’école Française dans son organisation et pour plein d’autres choses encore…
L’ambiance en classe est très différente car on a le droit de se lever et de parler pour discuter du travail en cours. De plus, si on n’y arrive vraiment pas on peut aller au bureau de la maîtresse et elle vient à notre table, elle nous aide et nous écoute pour voir ce que l’on a compris et regarde sur quoi nous bloquons. En Angleterre, les enfants sont plus attentifs car ils décident de leurs propres règles de classe, tout en respectant celles de l’école qui sont les mêmes pour toutes les classes. Bon, on doit quand même souvent se mettre en ligne sans parler. Pour le silence, il y a un signal : la maîtresse lève la main en l’air et tape 3 tape trois fois dans les mains et tous les enfants répètent après elle. La politesse est aussi très importante.
Ma maîtresse s’appelle Tina, elle a les cheveux violet/rose. Ma prof de sport s’appelle Sharon, elle a plein de tatouages et de piercings. Tout ça pour vous dire qu’à Londres le style n’a pas d’importance ! Nous, par contre, nous sommes tous en uniformes. Contrairement à la France, certaines filles musulmanes portent le voile.
Mais revenons à ma maîtresse ! Je sais qu’elle est allemande car elle m’a dit qu’elle aussi était arrivée à 14 ans en Angleterre sans savoir parler anglais. Elle est tout le temps positive, très attentive aux problèmes des enfants et elle explique très bien. Les maîtresses ne sont PAS SEULES dans la classe, elles ont des aides (Teacher Assistants) pour certains élèves qui ont besoin d’une aide vraiment spéciale et d’autres pour le reste de la classe. Donc, dans ma classe, il y a parfois 5 personnes en plus de la maîtresse ! On a de temps en temps des réunions de classe pour parler d’un thème en particulier comme « l’amitié ou c’est quoi une bonne relation ? ». Et puis, on peut comme cela travailler souvent en petits groupes !
Pour régler les problèmes dans la cour, les Teacher Assistants envoient les enfants dans une salle qui s’appelle la Rainbow Room (la salle arc-en-ciel). C’est une salle qui sert à calmer les enfants et les faire s’expliquer en racontant chacun(e) leur version du problème. Puis ils demandent à des enfants témoins de donner leur avis. Le problème est vite réglé. Ceux qui se sont mal comportés comprennent pourquoi car on leur explique et les autres sont contents d’être écoutés.
A l’école, il y a des assemblées (Assembly) c’est à dire des moments où toute l’école est réunie dans une même salle. Elles sont différentes à chaque fois. Par exemple, il y en a sur le chant dans lesquelles on chante… Une autre fois sur le thème du harcèlement. Elles servent aussi à célébrer les Goldens Stars tous les vendredi. Les Goldens Stars sont les élèves de la semaine qui sont récompensés car ils ont bien travaillé ou qu’ils se sont bien comportés en classe. Les assemblées apprennent aux enfants à prendre la parole en public mais c’est très impressionnant quand on ne parle pas encore anglais !
On commence l’école à 8H45 et on fini à 15H30 tous les jours même le mercredi et on a moins de vacances MALHEUREUSEMENT ! Mais ce qui est super c’est qu’après l’école on peut rester pour faire des afterschools : coding club, musique (j’ai pu commencer la guitare et jouer devant toute l’école à la fête de Noël), football, netball, mandarin, science, cours de cuisine en famille, art, girl’s sport, piscine, etc…
Bref, même si mes copines de France me manquent beaucoup et que je suis pressée de parler Anglais, j’aime beaucoup mon école anglaise, elle est géniale !
Aujourd’hui, je cueille le fruit d’une intuition, portée et mûrie, pendant presque 9 ans : un lieu pour les formations avec l’expression créative !
Coup d’œil dans le rétro, pour une réalisation née d’une intuition :
A PRH, nous disons l’importance de l’écoute de ses intuitions, et comment l’on passe d ‘une intuition à une décision puis à une réalisation !
Depuis mon démarrage comme formatrice (1), j’étais habitée d’un lieu, stable, pour exploiter tous les possibles du travail sur soi par l’expression créative, un des supports pédagogiques chers à PRH !
Pas facile de distinguer entre cette intuition de départ et du rêve, entre mes aspirations profondes et le possible dans le réel… C’est le temps qui a conforté cette intuition : elle ne m’a jamais lâchée ! Et comme cette caractéristique-là m’était déjà familière pour d’autres choix importants dans ma vie, elle m’a aidée à la prendre au sérieux. Pourtant, dans le paysage, pendant 5 ans, rien n’était disponible, ni convergent.
Peu à peu ce projet a pris force en moi, suffisamment pour que j’en parle nettement ! Et mon mari s’y est ouvert ; c’est devenu un projet de couple ; il se voyait le construire avec l’aide de proches.
Nous avions envisagé un premier lieu qui s’est avéré trop lourd pour nous et nous avons renoncé. Ce moment de déception me mit dans un arrêt intérieur pendant quelque temps mais le projet ne me lâchait pas….
Mon mari a entrevu un nouveau lieu…et c’est celui-là qui arrive à son accomplissement aujourd’hui. Il se compose d’une belle salle claire, ensoleillée, dans une ambiance – bois, chaleureuse ; il y a un grand espace, avec des zones différenciées offrant différentes postures de travail, en intérieur comme en extérieur dans un jardin, sans oublier de quoi se poser ou de se restaurer!
Sa configuration permet d’accéder à des supports encore plus diversifiés comme le bois, le béton cellulaire en plus de l’argile, et la peinture. Cet ensemble permet d’évoluer à son rythme et au rythme du travail intérieur en cours.
Outre les sessions par l’expression créative, des nouveautés s’y annoncent :
Ainsi , des journées découvertes avec l’expression créative, pourront s’y tenir pour découvrir PRH et pour découvrir cette approche de soi, par les formes, couleurs, matières…., et aussi des temps forts de relation d’aide, alliés à la possibilité de recourir à ces médiations.
Sa réalisation a été possible grâce à un chantier solidaire où s’échangeaient des services. Occasion pour certains d’apprentissages techniques, et pour tous, une belle expérience de convivialité !
Voici, avec du recul, quelques éléments de ma traversée intérieure… :
– Prendre au sérieux l’intuition, après l’avoir déchiffrée, sondée
– Y croire, malgré des moments de doute
– Une interdépendance pour la réalisation
– La difficulté d’accueillir « tout ça pour moi ? »….
– L’étonnement des convergences des aides
– Un arrêt intérieur : quelle promesse ? Qu’est ce qui pourra se vivre ici ?
– Une désappropriation
– La fatigue, le découragement devant la longueur du travail
– Et la joie présente !
A présent il existe ! En octobre s’y tiendra la première session PRH !
C’est une promesse de créativité sociale, culturelle, artistique, et ce, dans un petit village tranquille au pied des Vosges !
Bienvenue à qui voudra pousser la porte !
Prochaine session par l’expression graphique : Ma vie relationnelle, aujourd’hui, en février 2017
– Des journées découvertes avec l’expression créative, pour découvrir PRH et pour découvrir cette approche de soi, par les formes, couleurs, matières….
(1) Valérie Bitz est formatrice à PRH Personnalité et relations humaines. Pour découvrir l’activité de cette formation qui se donne pour but formation et développement, consulter le site : http://www.prh-france.fr
Merci à Valérie pour ses contributions sur ce blog :
Un message de Robert Waldinger, directeur de la « Harvard study of adult development »
Qu’est ce qui contribue le plus à notre bonheur ? C’est une question qui se pose à tout âge, et aussi dans les jeunes générations qui s’interrogent sur leur devenir. On peut entendre parfois un désir de richesse, de célébrité ou bien l’éloge d’un travail acharné. Une recherche menée à l’Université de Harvard éclaire singulièrement notre réponse à ces questions. Directeur du projet » Harvard study ofadult development », dans un exposé à Ted X (1), Robert Waldinger nous décrit une enquête exceptionnelle parce qu’elle s’effectue dans une longue durée. « Pendant 75 ans, nous avons suivi les vies de 724 hommes, année après année », en les interrogeant sur toutes les dimensions de leur vie : travail, vie de famille, santé…. Ainsi, depuis 1938, les chercheurs enquêtent auprès de deux groupes initiaux : « Le premier est entré dans l’étude alors que les jeunes gens étaient dans la deuxième année d’Harvard. Le deuxième était un groupe de garçons d’un des quartiers les plus pauvres de Boston ». Aujourd’hui, 60 de ces 724 hommes sont encore vivants. Les trajectoires de ces personnes sont extrêmement diverses. « Ils ont grimpé toutes les marches de la vie. Ils sont devenus ouvriers, avocats, maçons, docteurs… Certains ont grimpé l’échelle sociale du bas jusqu’au sommet et d’autres ont fait le chemin dans l’autre sens ». Répétée tous les deux ans, la recherche menée auprès d’eux a permis de collecter un ensemble de données approfondies et variées depuis des interviews en profondeur jusqu’à des informations médicales.
Quelles sont les données qui résultent des dizaines de milliers de pages d’information qui ont été ainsi recueillies ? A partir de là, Robert Waldinger peut répondre à la question portant sur les conditions qui favorisent le bonheur. « Le message le plus évident est celui-ci : les bonnes relations nous rendent plus heureux et en meilleure forme. C’est tout ». Ainsi, « les connexions sociales sont vraiment très bonnes pour nous et la solitude tue. Les gens qui sont les plus connectés à leur famille, à leurs amis, à leur communauté, sont plus heureux, physiquement en meilleure santé et ils vivent plus longtemps que les gens moins bien connectés ». L’isolement est vraiment un fléau.
Mais on peut aller plus loin. « Il y a une deuxième leçon que nous avons apprise. On peut se sentir seul dans une foule ou dans un mariage. Ainsi, ce n’est pas le nombre d’amis que vous avez ou que vous soyez engagé ou non dans une relation, mais c’est la qualité de vos relations proches qui importe ». Cette qualité de la relation ressort également d’une autre démarche de la recherche. « Une fois que nous avons suivi les hommes jusqu’à leur quatre-vingtième année, nous avons voulu revenir vers le milieu de leur vie, vers la cinquantaine » et voir si nous pouvions prédire ce qu’ils deviendraient plus tard. « Nous avons rassemblé tout ce que nous savions sur eux à cinquante ans. De fait, ce n’est pas le taux de cholestérol qui prédit comment ils allaient vieillir. C’est le niveau de qualité de leurs relations ». « Les gens qui étaient les plus satisfaits de leurs relations à cinquante ans étaient également ceux qui étaient en meilleure santé à quatre vingt ans ». Robert Waldinger ajoute un troisième observation. « les bonnes relations ne prolongent pas seulement la santé, mais aussi l’état du cerveau. La mémoire de ces gens restent en forme plus longtemps. »
Cependant, en conclusion, Robert Waldinger commente ainsi sa recherche. Ne recherchons pas le spectaculaire. C’est tout un processus qui est en cause, une attitude « tout au long de la vie ». « Cela ne finit jamais ». « Les gens de notre étude qui étaient les plus heureux dans leur retraite, étaient ceux qui ont activement remplacé leurs collègues de travail par de nouveaux amis ». « Les possibilité sont pratiquement sans fin. Ce peut être quelque chose d’aussi simple que de remplacer le temps d’écran par du temps vécu avec des gens, ou raviver une vieille relation en faisant quelque chose de nouveau ensemble, ou rappeler ce membre de la famille à qui vous n’avez pas parlé depuis des années.. »
Le bienfait des bonnes relations ; c’est « une sagesse qui estvieille comme le monde ». « Une belle vie se construit avec de belles relations ».
Cette recherche nous apprend beaucoup sur les fondements d’une vie humaine accomplie. Dans la conscience croissante de l’interconnection qui prévaut dans l’univers, c’est seulement dans la relation que l’être humain peut s’épanouir. Et d’ailleurs, la spiritualité a pu être définie comme une « conscience relationnelle » (2) avec soi, avec les autres, avec la nature et avec Dieu. L’emploi croissant du terme « reliance » (3) est également significatif.
Cependant, cette importance primordiale de la relation telle qu’on peut la constater dans cette recherche, nous paraît s’inscrire dans une dimension plus vaste. Nous nous référons ici à JürgenMoltmann, un théologien qui nous invite à reconnaître l’œuvre de l’Esprit dans la communauté de la création. « L’ « essence » de la création dans l’Esprit est… « la collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit dans la mesure où elles font connaître l’ « accord général ». « Au commencement était la relation » (Martin Buber) (4). A la fin de son exposé, « Robert Waldinger évoque « une sagesse qui est vieille comme le monde ». Dans l’Evangile, Jésus nous invite à nous aimer les uns les autres.
A une époque où se manifeste à la fois un progrès de l’individualisation et un désir de relation, Jürgen Moltmann évoque « la multiplicité dans l’unité ». « Les créatures font l’expérience de la « communion de l’Esprit Saint » aussi bien sous la forme de l’amour qui nous unit que sous celle de la liberté qui permet à chacune d’advenir à elle-même selon son individualité propre ». Il y a en nous, les humains, un besoin profond de relation et la recherche menée à Harvard confirme l’importance vitale de ce besoin. Jürgen Moltmann exprime bien cette réalité et l’inscrit dans une perspective plus vaste.
« Il n’y a pas de vie sans relations…. Une vie isolée et sans relations, c’est à dire individuelle au sens littéral du terme et qui ne peut pas être partagée, est une réalité contradictoire en elle-même. Elle n’est pas viable et elle meurt… La vie naît de la communauté, et là où naissent des communautés qui rendent la vie possible et la promeuvent, l’Esprit de Dieu est à l’œuvre. Instaurer la communauté et la communion est manifestement le but de l’Esprit de Dieu qui donne la vie dans le monde de la nature et dans celui des hommes » (5).
La recherche menée à Harvard nous montre le bienfaits d’un vécu en relation. Bien sûr, ce vécu dépend de plusieurs variables. Certains peuvent le désirer et ne pas y parvenir pour diverses raisons. Mais l’objectif est pertinent.
Dans certains contextes, pour vivre pleinement en relation, il y a des obstacles à surmonter (6). C’est pourquoi nous sommes appelés à susciter des environnements propices à cette dimension essentielle de la vie (7). Les conclusions que Richard Waldinger tire de la « Harvard study of adult development » sont pour nous un éclairage et un encouragement.
(3) Origine et évolution du terme sur Wiktionnaire : https://fr.wiktionary.org/wiki/reliance Céline Alvarez, dans un remarquable livre sur « Les lois naturelles de l’enfant » (Les Arènes, 2016) consacre un chapitre entier sur les bienfaits de la reliance dans une classe d’école maternelle mettant en œuvre une pédagogie d’inspiration montessorienne confirmée scientifiquement : « La puissance de la reliance » (p 353-374)
(4) Jürgen Moltmann . Dieu dans la création. Traité écologique de la création . Cerf, 1988 (p 25)
(5) Jürgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999 ( p 298)
(7) Rappelons ici le chapitre du livre de Céline Alvarez sur la reliance qui se réfère également à la recherche que nous venons de présenter. Sur ce blog, voir aussi : « Un environnement pour la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=2041 et une méditation de Guy Aurenche : « Briser la solitude » . https://vivreetesperer.com/?p=716
Au sortir de massacres séculaires, vers un âge doux portant la vie contre la mort.
A travers une culture encyclopédique, Michel Serres a développé une pensée créative et originale dans un style imagé. Il ouvre de nouvelles compréhensions plus vastes, plus profondes. Les ouvrages de Michel Serres nous entraînent dans une vision nouvelle du monde. C’est le cas dans son livre : « darwin, bonaparte et le Samaritain. Une philosophie de l’histoire » (1).
En page de couverture, quelques lignes explicitent le titre concernant ce regard nouveau sur l’histoire de l’humanité.
« Darwin raconte l’ouverture de Faune et de Flore. Devenu empereur, Bonaparte, parmi les cadavre sur le champ de bataille, prononça, dit-on, ces mots : « Une nuit de Paris réparera cela ». Quant au Samaritain, il ne cesse, depuis deux mille ans, de se pencher sur la détresse du blessé. Voilà trois personnages qui scandent sous mes yeux, trois âges de l’histoire.
Le premier âge est plus long qu’on ne croit, le deuxième est pire qu’on ne pense, le dernier meilleur qu’on ne dit.
Histoire ou utopie ? Il n’y a pas de philosophie de l’histoire sans un projet, réaliste et utopique. Réaliste : contre toute attente, les statistiques montrent que les hommes pratiquent l’entraide plutôt que la concurrence. Utopique : puisque la paix devint notre souci ainsi que la vie. Tentons de les partager avec le plus grand nombre. Voici un projet aussi réaliste et difficile qu’utopique, possible et enthousiasmant ».
Le livre se répartit en trois parties : « Premier âge, long : le Grand récit. Deuxième âge, dur : trois morts. Troisième âge, doux : trois héros. » et se termine par une réflexion sur « les sens de l’histoire ». Le regard de Michel Serres renouvelle notre vision du passé dans une approche si dense, si riche, si originale qu’elle ne peut être résumée. Nous mettrons l’accent sur l’émergence actuelle d’un nouvel âge, cet « âge doux » évoqué par l’auteur. Et nous commenterons cette prise de conscience.
Le Grand Récit
Au départ, l’auteur montre comment les progrès récents de la science, à travers une capacité nouvelle de dater les phénomènes, nous ouvrent à une mémoire de l’univers, à une mémoire de la terre dans laquelle l’histoire humaine vient s’inscrire. Une nouvelle synthèse peut ainsi s’élaborer. Nous voici en présence d’un « Grand Récit ».
C’est une situation nouvelle. Michel Serres dégage quelques caractéristiques fondamentales de ce temps long. « Le couple énergie-entropie régit le monde physique ; analogue, le couple vie-mort régit le monde vivant » (p 33). Ainsi, dans l’évolution, pendant que la vie irrésistible perpétue son développement, la mort frappe espèces et individus. Dans notre humanité, on observe une évolution analogue. « D’une part, l’énergie et la vie prennent des figures nouvelles comme l’invention et la paix, d’autre part, l’entropie et la mort réapparaissent en guerres et répétitions » et menacent l’existence de l’humanité (p 33).
Cependant, en regard, l’auteur distingue deux formes, deux pratiques : les pratiques dures qui mobilisent des hautes énergies et les pratiques douces qui font appel à des basses énergies, à l’échelle informationnelle. Parallèlement, Michel Serres oppose deux âges : un « âge dur » caractérisé par la violence et par la guerre, et un « âge doux » convivial et inventif en lutte contre la mort.
Un âge dur
Dans son regard sur la plus grande part de l’histoire humaine, Michel Serres fait ressortir les composantes d’un âge dur. C’est la prépondérance de la guerre avec les massacres qui l’accompagnent. Cette importance des conflits militaires ne nous avaient sans doute pas échappé, mais l’auteur éveille en nous une prise de conscience de cette réalité dévastatrice. « Toute notre culture baigne dans le sang versé au cours de violences qui s’enchainent et nous enchainent à la guerre perpétuelle » (p 47). Ainsi a-t-on calculé qu’au cours des derniers millénaires, moins de 10% des années ont été consacrées à la paix, c’est à dire à la vie (p 48). Et l’auteur évoque les massacres tels qu’ils apparaissent dans des textes littéraires comme l’Iliade et se manifestent dans des données chiffrées que nous ignorons bien souvent. Sait-on par exemple que les guerres de la Révolution Française et celles de Napoléon ont engendré la mort d’un million cinq cent mille français plus que le million trois cent mille victimes provoquées par la Première Guerre Mondiale entre 1914 et 1918… (p 79). Dans ce contexte, un culte a été voué à l’héroïsme patriotique. « Chacun doit donner sa vie pour sa patrie » ( p 53). Les religions ont participé à cette idéologie mortifère. Michel Serres nous rappelle les analyses de René Girard. La violence se manifeste jusque dans le sacrifice animal.
L’auteur nous amène également à entrevoir les rapports entre économie et violence. Et il nous invite à réfléchir au phénomène de ladette. « Avoir et Dû : voilà le titre de deux colonnes dans un bilan comptable. « Je dois » signifie à la fois une obligation morale et une dette à restituer » (p 64). Si la dette asservit les gens et les peuples, elle s’exprime aussi en termes religieux. C’est ici que Michel Serres met l’accent sur le pouvoir libérateur de la Passion du Christ. « A partir du Vendredi saint, nous n’aurons plus jamais de vains devoirs, ni de dettes… Ces péchés nous sont remis… » (p 67). Et plus encore, « le caractère intégral de la remise de nos dettes s’efface devant l’annonce triomphale que cesse le règne même de la dette, c’est à dire de la mort…De même que la Résurrection du Christ ne marque pas une vengeance sur ceux qui l’ont tué, mais positivement une victoire sur la mort elle-même » (p 67) ». Il y a là un tournant. Mais, dans un monde dominé par la violence et par la mort, le potentiel de la libération se fraye difficilement un chemin.
Et, de même, dans son inventaire des raisons d’espérer, l’auteur se refuse à croire à une méchanceté irrémédiable de l’homme. Les recherches (2) vont à l’encontre des théories et concepts abstraits prétendant l’homme, en général mauvais, en général, égoïste et violent, incapable d’empathie… En la plupart d’entre nous, une manière d’amour l’emporte sur la haine… l’humain est humain » (p 87).
Pendant des millénaires, la « thanocratie » a prévalu. « Déclinée trois fois dans la religion, longtemps sacrificielle, les armes, létales toujours, et l’économie, exploitant les faibles et blessant le monde, la mort me paraît le moteur de l’histoire » ( p 72). Il a fallu la menace d’anéantissement collectif éveillée par l’usage de la bombe atomique en 1945 à Hiroshima et Nagasaki pour qu’une prise de conscience s’effectue. Mais dans la période sombre qui a précédé, on peut entrevoir un mouvement de libération qui s’est frayé un chemin. Ce mouvement débouche aujourd’hui. Dans cette histoire, Michel Serres, évoque la part du christianisme : « Sa leçon majeure n’enseigne-t-elle pas l’incarnation, l’allégorie vive de la Naissance, enfin la Résurrection, soit une victoire non pas contre nos ennemis, comme pendant le règne de la Mort, mais contre la Mort elle-même ? Par ce rééquilibrage, un tout autre monde semble annoncé, promis, espéré… » (p 77).
Un âge doux
Nous voici aujourd’hui au début d’un nouvel âge : un âge doux. Michel Serres y voit la mise en œuvre de la néguentropie, selon Wikipedia : « Une entropie négative, un facteur d’organisation des systèmes physiques et, éventuellement sociaux et humains, qui s’oppose à la tendance naturelle à la désorganisation ». « Comme la vie produit des individus nouveaux, l’esprit inventif et novateur, effet de la néguentropie, devient source de nouveautés, produit à nouveau de la néguentropie. Puisque celle-là se trouve déjà là ensemencée dans l’Univers et au sein du réseau évolutif, l’âge de l’Esprit, doux par rapport aux hautes énergies, dites entropiques, perdure donc en tous temps, travaillant à se libérer d’un étranglement mortel » (p 92). « L’âge doux, celui des esprits, advient dès que ceux-ci se mettent à lutter contre la mort de manière efficace. Nous y sommes. De même qu’il y eut trois manières de s’entre égorger durement, armée, religieuse, économique, de même l’âge que j’appelle doux se décline de trois manières, portant sur la vie et l’esprit : médicale, pacifique et numérique » (p 93).
Un premier fait est le développement de la médecine et son efficacité accrue. C’est un état d’esprit. « En refusant les lois de la jungle, nos pratiques combattent l’évolution, la sélection naturelle » (p 103). « Il y a deux âges : assassin-victime ; malade-médecin » (p 104). Par sa faiblesse et le fait qu’il détienne, miraculeusement, parmi la violence usuelle, d’être pansé par et parmi les siens, le malade est un personnage emblématique décisif, rare, faible, mourant même, mais producteur d’humanité » (p 103).
Dans cette perspective, la parabole du Samaritain résonne avec une force particulière, comme une injonction révolutionnaire à l’encontre d’un univers de violence. L’émotion nous gagne lorsque nous entendons ces paroles. Michel Serres célèbre la figure du médecin : « Celle qui se penche sur les blessés ; celui qui écoute les plaintes de l’agonie ; celle qui s’incline ; l’attentive qui cherche à comprendre et peut-être guérira…. Non, il ou elle, n’est pas seulement le héros de ce temps, mais sans doute, celle et celui de toute l’histoire » (p 107).
Très concrètement, l’auteur met l’accent sur l’espace de paix qui s’est créé en Europe occidentale après 1945 au sortir d’une guerre dévastatrice. « De 1945 à 2015, comptons soixante-dix ans de paix, laps de temps exceptionnel, inconnu en Europe depuis au moins la guerre de Troie ». Bien sûr, il y a un abcès au Moyen-Orient, mais au total dans le monde, homicides et violences ne cessent de reculer. L’industrie du tabac est bien plus meurtrière que le terrorisme (p 122). On assiste à des changements profonds comme le recul de la peine de mort. « Sortant à peine de l’enfer, nous avons construit une sorte d’utopie dont nous ne pouvons connaître la nouveauté que par comparaison avec ce qui se passe alentour qui ressemble trait pour trait à ce qui se passait chez nous avant cette ère nouvelle ».
Cependant la paix est constamment à maintenir et à construire. L’auteur évoque une figure exemplaire, celle de François de Callières (1645-1717) qui publia un livre décisif : « De la manière de négocier avec les souverains ». Conseiller de Louis XIV, un roi qui ne cessa de faire la guerre – plus de trois cent mille morts- , François de Callières sait de quoi il parle. Il définit le rôle du négociateur : éviter au maximum les conflits. « Tout prince chrétien doit avoir pour maxime principale de n’employer la voie des armes pour soutenir et faire valoir ses droits qu’après avoir tenté et épuisé celle de la raison et de la persuasion (p 126). Promouvoir la paix, c’est aussi construire un vivre ensemble. Michel Serres évoque les réalisations coopératives du « socialisme utopique » qui ont porté du fruit alors que les théories prétendument « scientifiques » du socialisme ont durement échoué. « Pas un seul mort de leur fait, du concret, de la continuité » (p 134). Et aujourd’hui, on peut se réjouir de toutes les réalisations du mouvement associatif. L’auteur nous appelle à prendre en compte, à prendre en charge : « le personnage commun, banal, minuscule, individuel, faible, malade, infirme, virtuel, oui, miraculeux, si délaissé dans son fossé, si oublié dans sa bonté, si concret dans son humilité qu’il passe pour inexistant… » (p 135).
Ainsi, trois sens au terme « doux » : la vie prolongée par le biologiste et le médecin ; la paix nouvelle, mais qui dure, les basses énergies. Voici les trois composantes de l’âge doux » (p 138). Les nouvelles technologies qui ouvrent l’ère du virtuel s’inscrivent dans cet univers de basses énergies. Face aux puissants qui prédominent, face au déploiement de la violence, un texte biblique « prophétise exactement le troisième âge, celui là même que nous vivons aujourd’hui et qui, à l’écart du feu et des hautes énergies, destructrices, cultive les basses, l’information, les signaux, les signes, les paroles… que le tonnerre rend inaudible » : « Il y eut un grand ouragan, si fort qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, en avant de Yahvé, mais Yahvé n’était pas dans l’ouragan…Après le feu, le bruit d’une brise légère. Dès qu’Elie l’entendit, il se voilà le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la grotte. Alors une voix lui parvint qui dit… » (I Rois 19, 11-13) (p 139).
En se rappelant les effets démocratiques de l’imprimerie, l’émergence d’internet peut nous émerveiller. C’est là que Michel Serres évoque Petite Poucette, cette jeune fille emblématique des usages révolutionnaires d’internet qu’il a brillamment évoquée dans un précédent livre (3). « Face à l’aristocratie des puissants, des riches, des représentants, le portable dans la paume, Petite Poucette annonce : « Maintenant, tenant en main le monde… ». Elle a accès à tout. Tout lui appartient. « Troisième héroïne de l’âge doux, Petite Poucette monte ainsi sur la plus haute marche du podium, entre le médecin et le négociateur. Elle incarne une nouvelle démocratie du savoir dont l’utopie fait peur aux anciens… » (p 142).
Le paysage de la communication change. Tout se lie, tout se relie. « Il me paraît prévisible que la main du marché devra un jour adapter sa puissance relationnelle à celle, concrète, du monde et, sans doute, s’adapter, voire obéir à sa loi. Nous entrons dans un temps où se joue un « mano a mano » décisif pour notre survie entre l’homme individuel ou global et la planète entière » (p 147).
Quel avenir ?
Nous voyons bien aujourd’hui des menaces s’élever à l’encontre de la civilisation nouvelle en train de grandir (4). Michel Serres est bien conscient de ce danger. « Je ne suis ni sourd, ni aveugle aux forces atroces qui pendant cet âge si court s’opposent à la prégnance neuve de la paix ». Pour faire face aux attitudes passées qui remontent parfois, « nous devons trouver des stratégies propres à notre temps et délaisser celles que nous venons de quitter. Secourir, soigner, partager, négocier, dialoguer, suivre les trois modèles qui nous guident pour vivre dans notre âge… » (p 118).
Cependant, lorsqu’on voit la violence se propager jusque sur internet, on peut s’inquiéter. L’auteur est attentif à ce danger. « Libérer le nombre impose des risques… Combien de temps faut-il pour qu’une multiplicité désordonnée s’organise et forme une communauté d’autant plus nouvelle que ce type de libération, inattendu, n’a aucun équivalent dans le passé ? Peut-on éviter une violence interminable avant de parvenir à une cohésion ? Confirmé par l’advenue du troisième âge où le multiple se libère vraiment, mon utopie espère échapper à cet étau (p 145).
Ce livre ouvre pour nous une compréhension originale de l’histoire humaine. Il met en évidence une dynamique qui suscite l’espérance. Ainsi, Michel Serres nous y parle de survie dans un triple sens :
« Survivre : laisser survivre ou conserver
Survivre : mettre l’accent sur une nouvelle histoire, un nouveau sens de l’histoire
Survivre : vivre mieux que la vie, accéder avec joie à l’esprit.
Créer ces trois survies en compagnie du plus grand nombre possible, voilà le projet aussi réaliste, dangereux, difficile qu’utopique, possible et enthousiasmant » (p 161).
Une vision prophétique
Ces dernières années, le ciel s’est assombri. Des orages éclatent. Mais, comme en toute navigation, il importe de garder le cap. Dans ce temps de crise, on a besoin de ne pas perdre confiance, mais de discerner les courants porteurs, parfois peu visibles et souterrains. « Sans vision, le peuple meurt », nous dit un verset de la Bible (Proverbes 29.18). Le livre de Michel Serres nous communique une telle vision. C’est l’émergence d’un âge doux où la paix l’emporte sur la guerre et la vie sur la mort. Et, si on perçoit bien les menaces envers cette nouvelle manière de vivre, Michel Serres met en valeur la dynamique du processus.
Il se trouve que d’autres chercheurs mettent également en évidence un changement positif intervenu au cours de ces dernières décennies. Ainsi, d’une certaine façon, le livre de JérémieRifkin : « Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie » (5) converge avec le texte de Michel Serres. En effet, à partir d’une rétrospective historique approfondie, Jérémie Rifkin perçoit, dans ces dernières décennies, « la plus grande poussée empathique de l’histoire de l’humanité » . Et d’après la recherche de Ronald Inglehart sur les valeurs dans le monde (World values survey) (6), on enregistre depuis 1981, une évolution, certes diversifiée, mais rapide vers une valorisation de l’expression personnelle et la recherche d’une qualité de vie. Une autre recherche a montré l’expansion du courant des « culturels créatifs » (6) qui valorise ce qu’on pourrait appeler une sobriété heureuse et conviviale.
Jérémie Rifkin nous montre une évolution vers une pacification des esprits. Ainsi rejoint-il Michel Serres sans encourir le reproche qu’on peut parfois faire à celui-ci de présenter une catégorisation trop tranchée entre « âge dur » et « âge doux » . Il est également très attentif au potentiel de changement à travers et dans l’économie.
Dans son analyse, à plusieurs reprises, Michel Serres met en lumière l’incidence du récit évangélique et de la foi qui s’en inspire sur l’évolution des esprits Ces passages nous paraissent particulièrement importants. Au cœur de l’histoire, nous percevons la singularité, l’originalité, le potentiel de vie et d’espérance de cette inspiration. Si, pendant les siècles de l’âge dur, les institutions religieuses ont souvent pactisé avec l’idéologie ambiante, on voit bien ici combien les textes évangéliques ont joué le rôle de ferment. Et, aujourd’hui dans ce livre, ils contribuent à interpréter l’histoire.
Rappelons cette citation : « La leçon majeure du christianisme n’enseigne-t-elle pas l’incarnation, l’allégresse vive de la naissance, enfin la Résurrection, soit une victoire non plus contre les ennemis comme pendant le règne de la Mort, mais contre la Mort elle-même » (p 77).
Ici, Michel Serres est en phase avec Jürgen Moltmann, le théologien de l’espérance . Leurs pensées se rejoignent à plusieurs égards
Engagé très tôt dans une théologie écologique (7), Moltmann inscrit l’histoire de l’humanité dans celle de la nature.
« La nouvelle vision du monde écologique part de l’idée que la terre est notre maison. L’humanité fait partie d’un grand univers en évolution. La terre, notre maison, est vivante avec une communauté de vie singulière… La protection de la vitalité, de la diversité et de la beauté de la terre est une responsabilité sacrée…. Cela rejoint la richesse des traditions bibliques concernant la terre » (8).
Cependant, c’est aussi sur la question de l’attitude vis-à-vis de la mort que la pensée théologique de Moltmann appuie la recherche de Michel Serres. En effet, dans une civilisation dominée par la guerre et par la mort, cet « âge dur » qui nous a été décrit, la religion a pu se résigner dans une acceptation de la mort comme une fatalité, détournée vers une émigration de l’âme vers l’au delà. Au contraire, avec force, Moltmann proclame la lutte contre la mort. « La résurrection du Christ porte le « oui » de Dieu à la vie et son « non » à la mort et suscite nos énergies vitales. Les chrétiens sont des gens qui refusent la mort ( « Protest people against death »)….L’origine de la foi chrétienne est, une fois pour toutes, la victoire de la vie divine sur la mort. « La mort a été engloutie dans la victoire » (1 Corinthiens 15.54). C’est le cœur de l’Evangile. C’est l’Evangile de la vie ».
Et Jürgen Moltmann poursuit : « Cette théologie de la vie doit être le cœur du message chrétien en ce XXIè siècle. Jésus n’a pas fondé une nouvelle religion. Il a apporté une vie nouvelle dans le monde, aussi dans le monde moderne. Ce dont nous avons besoin, c’est une lutte partagée pour la vie, la vie aimée et aimante qui se communique et est partagée, en bref la vie qui vaut d’être vécue dans cet espace vivant et fécond de la terre » (9).
Comme Michel Serres, Jürgen Moltmann porte également attention aux émergences : « L’histoire présente des situations qui contredisent le Royaume de Dieu et sa justice. Nous devons nous y opposer. Mais il existe également des situations qui correspondent au Royaume de Dieu et à sa justice. Nous devons les soutenir et les créer lorsque c’est possible. Il existe ensuite dans le temps présent des paraboles du Royaume futur et nous y voyons ce qui arrivera au jour de Dieu. Nous entrevoyons déjà maintenant quelque chose de la guérison et de la nouvelle création de toutes chose que nous attendons. Nous le traduisons par une attente créatrice… » (10).
Si la vision de Michel Serres est particulièrement originale, elle est aussi en convergences avec la pensée de quelques autres penseurs contemporains. Son livre nous appelle à un regard nouveau. La pensée de Michel Serres nous ouvre à la reconnaissance d’une civilisation nouvelle en train d’apparaître et de s’étendre, cet « âge doux » déjà suffisamment avancé pour que Michel Serres puisse le décrire et le caractériser. Il y a dans ce discernement un aspect prophétique. Michel Serres nous invite à entrer dans une nouvelle manière de vivre.
(2) Lecomte (Jacques). La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité. Odile Jacob, 2012. Mise en perspective sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=674
(4) Menaces multiples et même, menaces de guerres, comme en traite Pierre Servent dans son livre : « Extension du domaine de la guerre » (Robert Laffont, 2016)
(8) « In the fellowship of the earth », p 80-85, in : Jürgen Moltmann. The Living God and the fullness of life. World Council of Churches, 2016. Présentation du livre sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=2413
(10) Moltmann (Jürgen) . De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte temps présent, 2012 (p 115) Présentation sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=572
Cosy, réconfort, joie partagée dans un bonheur simple… Il y a dans nos vies et notamment dans nos vies familiales, des moments où nous éprouvons très concrètement la joie d’aimer et d’être aimé, un bonheur sans mélange qu’il est bon de pouvoir exprimer avec reconnaissance. Hélène nous fait part d’un de ces moments de grâce où tout s’accorde harmonieusement…
J H
Réconfort intérieur
Notre Papi, aux couleurs argentées, au regard patient et sage, aux paroles souvent pleines d’encouragements, de maturité et faites d’expériences justes, enrichissantes et éclairantes : Nous l’aimons beaucoup !
Pour tout ce qu’il est et tout ce qu’il donne…pour son soutien et sa compréhension si précieuses à nos yeux.
A son âge , lui offrir un cadeau d’anniversaire demande réflexion, alors voilà nous voulions quelque chose à l’image du réconfort qu’il distille autour de lui…de jolis verres à vin, pour des moments en partage, et pour lui, oui pour lui, un plaid, doux, chaud, bleu gris, et qu’elle fut sa surprise en découvrant ce grand carré de tissus tout en s’enveloppant dedans : « une sensation d’extrême protection et de confort réconfortant ». « C’est mon doudou !! »
Et alors une partie des plus petits enfants sont venus se blottir tout contre lui, un moment d’une tendresse inouïe qui nous restera en mémoire. Papi nous t’aimons, et dans un bout de tissus nous te prenons nous aussi tous dans nos bras. Merci à toi !!