Playing for change

Une musique qui porte à travers le monde une aspiration à l’amour et à la beauté

Playing for change

Et si il y avait chez tous les humains une aspiration à l’amour et à la fraternité
Et si ils pouvaient se reconnaître semblables dans un besoin de solidarité et de fraternité
Et si un chant, une musique exprimant cette aspiration et ce besoin pouvait faire Ă©cho et se propager Ă  travers le monde
Et si ce chant, cette musique tissait un lien entre tous ceux qui l’accueillent et qui y participent
Et si ce chant, cette musique suscitait un nouveau regard, une transformation des esprits…

Il y a bien une réponse à ces souhaits :

C’est le mouvement « Playing for Change » qui s’exprime à travers un site (1) et des vidéos sur You Tube. Ici, le chant, la musique se manifestent conjointement à travers de multiples expressions dans le monde, dans de nombreux pays, en Amérique, en Afrique, en Asie. Ces expressions proviennent de gens différents : en lien avec leurs compatriotes, des musiciens dans un style très divers, parfois même des groupes d’enfants. Ainsi, de relai en relai, la mélodie circule d’un bout du monde à l’autre.

Les origines et le développement de Playing for Change

D’ou vient cette belle innovation ? L’histoire en est bien couverte par Wikipedia (2). Nous reprendrons ici le récit qui en est fait sur la RTBF (radio télévision belge francophone) (3). « Playing for Change » est un mouvement qui souhaite inspirer et connecter le monde au travers de la musique… « Playing for Change » est né en 2002 sous l’impulsion de Mark Johnson et de Whitney Kroenke, deux artistes et voyageurs qui sillonnaient à l’époque les rues des États-Unis à bord d’un studio mobile en quête de rencontres musicales inspirantes. « En 2005, Mark Johnson, alors qu’il marche dans les rues de Santa Monica en Californie entend la voix de Roger Rigley chanter « Stand by me » et décide, touché par cette voix unique, de lui proposer d’être le premier à enregistrer sur une version : « Autour du monde » de cette chanson.

Chaque vidéo fonctionne sur le même principe de rassembler des dizaines de musiciens et de chanteurs, issus de pays et de cultures différents, autour d’un même morceau. « Playing for Change » partage à travers leurs vidéos des messages d’amour, de partage et de respect, tout en mettant en avant des artistes et musiciens de très grande qualité… ». « Ce sont des artistes des rues dotés d’un grand talent. On y retrouve par exemple celui qu’on appelle Grandpa Elliott, un chanteur qui ne paie pas de mine avec sa salopette, son galurin, sa barbe blanche en bataille, son harmonica, sa gouaille et pourtant il vous séduira en quelques notes à peine ».

« Au vu du succès des différentes vidéos sur Youtube, les fondateurs de « Playing for Change » ont décidé de lancer une organisation à but non lucratif qui se consacre à la création d’écoles de musique et de programmes éducatifs aux quatre coins du monde… ».

 

Un message

« Playing for Change » puise ses chants dans le courant de l’expression musicale américaine et d’autres expressions connexes dans la seconde moitié du XXè siècle où s’y manifeste une extrême créativité. Cette musique s’exprime en différents genres musicaux qui s’enchainent, coexistent et peuvent se rejoindre. Elle est irriguée par différentes sources, mais tout particulièrement par la veine créatrice de la musique afro-américaine dans ses différentes composantes. « Playing for Change » peut ainsi reprendre des chansons très appréciées dans les années 1960 et 1970 et plus tard… A coté des chansons produites aux Etats-Unis, il met en valeur d’autre chants comme « Imagine » de John Lennon et « Redemption song » de Bob Marley. Et puis, au cours des années, le mouvement étant ancré internationalement, le répertoire a pu s’étendre culturellement. Toutes ces chansons viennent nous inspirer et nous encourager en prenant pour thème : l’amour, l’entraide, le respect, la fraternité, la paix, la libération…

A titre d’exemple, voici quelques chants mis en évidence par « Playing for change ».

« Lean on me » ( 4) est un chant emblématique de « Playing for change » puisque c’est l’écoute de ce chant qui a inspiré le fondateur de « Playing for change ». Créé 1972, ce chant nous invite à ne pas hésiter à demander un soutien, à pouvoir nous appuyer sur quelqu’un et à pouvoir compter sur lui. C’est un chant qui exalte l’amitié, l’entraide, l’espérance…
« Nous avons tous de la peine. Nous avons tous du chagrin. Si nous sommes sages, nous savons qu’il y a toujours un lendemain…
Appuies toi sur moi. Quand tu ne seras pas fort, je serai ton ami. Je t’aiderai à avancer.
Bientôt, j’aurais besoin de quelqu’un sur qui me reposer à mon tour. S’il te plait, ravale ta fierté si tu as besoin d’emprunter quelque chose. Car personne ne peut répondre à ton besoin si tu ne le montres pas.
Tu peux compter sur moi, mon frère quand tu as besoin d’aide
Nous avons tous besoin de quelqu’un sur qui nous reposer… ».
Ce sont des paroles qui portent. Ce sont des paroles qui réconfortent. Ce sont des paroles qui donnent espoir.
Lean on me : https://www.youtube.com/watch?v=LiouJsnYytI

« Everyday people » est sorti en 1969 (5). C’est un message qui proclame que les gens sont pareils quelque soit leur race et leur milieu social. C’est une protestation concrète contre les préjugés de tous genres. C’est un plaidoyer pour la paix et l’égalité : https://www.youtube.com/watch?v=-g4UWvcZn5U

« United » est un chant qui proclame l’unité de l’humanité. « Apprenons à vivre comme si nous étions un »… « Nous avons à rassembler le monde et apprendre à vivre comme si nous étions un ». C’est un chant diffusé en 2011 dans une collaboration avec les Nations Unies :
« United » : https://www.youtube.com/watch?v=6vT_7AX06UQ

« Love is all » (6) est un chant pop apparu en 1974.
Il proclame combien l’amour est une exigence :
« Chacun de nous est appelé à vivre avec d’autres et à les comprendre Aussi aime ton voisin comme tu aimes ton frère…
Tout ce dont vous avez besoin, c’est d’amour et de compréhension… Venez et montrez vos sentiments
L’amour est tout. L’amour est tout. »
La version de « Love is all » dans « playing for change » est admirable et émouvante parce qu’elle manifeste l’expression de nombreux enfants à travers le monde.
« Love is all » : https://playingforchange.com/videos/love-is-all/?fbclid=IwAR3VnVW5Lm3mXjRW6R9v-mM4FH9PnrtR_HtwWBK1FNCBOZncsMLxXqUcIis

En ces temps tourmentés, l’expression musicale de « Playing for change » vient nous rafraichir et nous encourager. Oui, à travers le monde, il y a des gens qui croient à l’amour et à la paix. Il y a dix ans, nous avions déjà présenté « Playing for Change » sur ce blog (7). C’est donc une nouvelle visite. Aujourd’hui, Playing for Change » poursuit son chemin, et, très présent sur internet, se manifeste dans une diversité internationale. Dans un contexte où on peut remonter au Gospel, « Playing for Change » évoque l’amour et la paix. Dans un regard éveillé à la présence de l’Esprit, on y voit ici son œuvre.

J H

  1. Playing for Change Re-imagine a world connected by music : https://playingforchange.com
  2. Playing for Change : wikipedia (francophone) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Playing_for_Change Wikipedia (anglophone) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Playing_for_Change
  3. RTBF Marin Jaumotte. Playing for Change, inspirer et connecter le monde à travers la musique : https://www.rtbf.be/culture/pop-up/detail_playing-for-change-des-chansons-pour-inspirer-et-connecter-le-monde-a-travers-la-musique-marion-jaumotte?id=10317571
  4. Lean on Me. (chanson de Bill Withers). Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lean_on_Me_(chanson_de_Bill_Withers)
  5. Everyday people . Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Everyday_People
  6. Love is all (Roger Glover song) . Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Love_Is_All_(Roger_Glover_song)
  7. Un hymne à l’unité. Playing for change. : https://vivreetesperer.com/un-hymne-a-l%E2%80%99unite-%C2%AB-playing-for-change-%C2%BB/

 

 

Un hymne à l’unité : « Playing for change »

https://www.lejournalinternational.fr/photo/art/default/7241281-11120090.jpg?v=1417794673

Un collectif : « Playing for change » sillonne le monde pour recueillir les voix des musiciens des rues et des chorales amateurs et les réunir en un seul enregistrement. Lorsqu’une même musique, un même chant parcourt le monde et surgit à travers le visage de musiciens aussi divers, on est saisi par une émotion toute particulière : une communion à travers la musique qui se propage à travers notre planète.

Des gens différents, des contextes différents, mais une voix commune. Les chants eux-mêmes entonnés par ces musiciens des rues ont déjà parcouru le monde. Ecoutons : « Stand by me » http://www.playingforchange.com/episodes/2/Stand_By_Me ou « One love » http://www.playingforchange.com/episodes/3/One_Love .

Ce dernier : un hymne à l’unité, débute sur une devise mise en exergue sur le site internet : « It’s time for the world to unite as a human race » (Il est temps pour le monde de s’unir comme étant la race humaine ». Le site internet : « Playing for change » nous introduit dans  ce mouvement et nous en présente les réalisations.

 

Quelle est l’origine de cette superbe manifestation et comment s’est-elle développée ?

« Playing for change » est un mouvement multimédia créé pour apporter une inspiration, connecter les hommes entre eux, répandre la paix dans le monde à travers la musique. Ce projet est né d’une foi commune : celle que la musique avait le pouvoir d’abattre les barrières et de surmonter la distance entre les gens. Peu importe d’où les gens viennent, de contextes géographiques, politiques, économiques, religieux et idéologiques différents, la musique a le pouvoir universel de nous transcender et de nous unir come appartenant tous à la race humaine. Avec cette vérité en tête : nous sommes là pour le partager dans le monde ».La devise du site internet témoigne de cet esprit : « Connecting the world through music » (Connecter le monde à travers la musique ».

« Ce mouvement a donc créé un studio d’enregistrement mobile pour pouvoir recueillir les expressions musicales à travers le monde. Et ce travail s’est réalisé dans un esprit de convivialité et de respect. « Nous nous sommes engagés à susciter des environnements dans lesquels les musiciens pourraient créer librement et dans lesquels il n’y aurait pas de barrière entre eux et ceux qui écouteraient et ressentiraient leur musique. Au cours des dernières années, une petite équipe a voyagé à travers le monde des rues et banlieues des grandes villes jusqu’aux villages africains et aux contreforts de l’Himalaya. A travers ce voyage, nous avons connecté le monde à travers la musique. L’album est une œuvre collective de plus de cent musiciens répandus sur les cinq continents ». Une carte témoigne de la variété des lieux. Ces chants, dans leur déroulé pluriel, à travers des environnements aussi variés,  témoignent d’un esprit d’unité. Et, de plus, « playing for change » œuvre aujourd’hui dans le monde en faveur de l’expression musicale de ceux qui n’y avaient pas accès.

Nous savons bien que l’unification du monde ne va pas sans déchirements et sans conflits. Il est d’autant plus important de reconnaître les mouvements qui sont à l’œuvre pour répandre un esprit d’unité à partir des aspirations et des initiatives qui surgissent actuellement chez tous  le gens du monde qui veulent bien se donner la main. (Voir sur le site de Témoins : « Playing for change. Un hymne à l’unité » http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/playing-for-change-un-hymne-a-l-unite.html )

 

Dans ce mouvement qui monte des profondeurs de l’humanité, nous pouvons reconnaître l’Esprit de Dieu.

« L’Esprit saint suscite une communauté de la création dans laquelle toutes les créatures communiquent chacune à sa manière entre elles et avec Dieu ». A l’encontre des forces contraires, le projet de Dieu est l’harmonie entre les êtres : « L’essence de la création dans l’Esprit est, par conséquent, la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit dans la mesure où elles font connaître « l’accord général »… Etre vivant signifie exister en relation avec les autres. Vivre, c’est la communication dans la communion » (Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Voir sur ce blog : « Vivre en harmonie »).

« Poussez vers l’Eternel des cris de joie, vous tous, habitants de la terre !

Faites éclater votre allégresse et chantez..

Que le monde et ceux qui l’habitent éclatent d’allégresse «  (Psaume 98). Car l’œuvre de Dieu est en voie de s’accomplir dans son amour et sa justice.

 

JH

Appel à la fraternité

Pour un nouveau vivre ensemble.

La France traverse aujourd’hui un passage difficile. Affectées par un chômage massif, des populations sont affectées par le précarité et le mal être. Les frustrations engendrent l’agressivité et la défiance. Dans un univers mondialisé, le manque de point de repères, la perte de cadres de vie stables, une fragmentation du tissu social engendrent l’insécurité qui se mue en crainte de l’autre, en peur de l’étranger. Tout est donc aujourd’hui en question : une économie qui peine à se renouveler, mais aussi les séquelles d’un passé, celui d’un pays hiérarchisé, marqué par la longue opposition des deux France issues de la Révolution française. Des personnalités et des associations viennent d’appeler à une mobilisation pour une société plus fraternelle (1). C’est une juste intuition. Sans vision, un peuple meurt (2). Pour permettre le vivre ensemble, nous avons besoin de référents nouveaux en terme de valeurs et de récits, et de pratiques nouvelles en terme d’attitudes et de comportements.

Mais nous dira-t-on, dans les conditions actuelles, appeler à la fraternité, en promouvant une dynamique, n’est ce pas faire preuve  d’un idéalisme éthéré ? On peut déjà répondre. La fraternité n’est pas un simple supplément d’âme, c’est une inspiration qui, en fin de compte, fonde la vie sociale. En effectuant pour cet article, une recherche documentaire sur internet, nous avons visionné une courte vidéo qui relate la fête de la fraternité organisée par Ségolène Royal, le 29 septembre 2008 (3). Le temps était dur puisque la crise économique venait d’éclater. Cette fête était mal perçue dans les arènes politiques. C’était une initiative à contre courant. C’était un pari d’espérance et aujourd’hui on peut en redécouvrir le caractère pionnier. Nous avons noté ainsi cette parole de Ségolène Royal : « On commence à comprendre qu’il faut changer radicalement de système autour de la fraternité. La fraternité pour moi, c’est encore mieux que la solidarité parce que c’est la fraternité qui la fonde et qui lui donne le sentiment d’humanité sans lequel la politique serait un simple métier sans âme, une simple transaction entre des intérêts bien compris. Parce que ce qui arrive de mauvais à l’autre où qu’il soit, finit par générer quelque chose de mauvais pour soi-même et aussi parce  que ce qui arrive de bon à l’autre, finit par créer du bonheur chez soi ».

Si notre société traverse aujourd’hui un passage difficile, l’appel à la fraternité témoigne d’une prise de conscience qui s’appuie sur la vitalité du tissu associatif et humanitaire en France, mais qui s’inscrit aussi dans un mouvement en profondeur à l’échelle internationale.

Ces évolutions en cours sont parfois bien visibles. D’autres sont en germination comme des « signaux faibles » (4) qui demandent attention. Dans son livre : « Chemin de guérison » (5), Frédéric Lenoir traite des différentes étapes de l’individualisme dans les sociétés modernes. Après la montée de l’autonomie dans des sociétés encore structurées, on est entré pendant quelques décennies dans une période où s’est affirmé un individualisme égocentré. Aujourd’hui, une nouvelle phase apparaît : de plus en plus, l’exercice de l’autonomie s’inscrit dans un désir croissant de relation, d’interrelation. Des études sociologiques mettent en  évidence le développement d’une culture nouvelle où la convivialité est désormais une pratique et une aspiration. Ainsi apparaît la notion de « Tiers lieu », un espace nouveau entre la vie institutionnelle et la vie privée. Des milieux conviviaux et informels apparaissent dans différents domaines (6), dans une dynamique internationale. Ce mouvement se répand et il y a aujourd’hui sur facebook, un  groupe intitulé : « Tiers lieu. Open source » (7). Dans le contexte du web qui permet le partage à grande échelle, dans les années récentes en France, à partir de nombreuses initiatives, un mouvement en faveur de l’économie collaborative (8) grandit rapidement. On peut ainsi apprécier l’essor rapide d’une communauté comme « OuiShare » (9). Cependant, il semble bien que les esprits bougent à tous les niveaux. Ainsi les sciences humaines sont plus attentives aux sentiments altruistes (10). La notion d’empathie, bien mise en évidence dans un grand panorama historique et sociologique de Jérémie Rifkin (11) gagne du terrain dans les consciences. Ces différents signes témoignent d’une évolution dans l’esprit du temps. Voici un contexte favorable pour la réception d’un appel à la fraternité.

« Dimanche 11 janvier s’est exprimée dans un immense élan collectif la prise de conscience qu’une société désunie est une société désarmée. Mais ce mouvement, pour être durable, doit s’organiser et impliquer chacun d’entre nous, bien au delà de notre conception actuelle de la démocratie qui privilégie l’action politique en négligeant l’action citoyenne. C’est pourquoi si l’on ne veut pas décevoir, le moment est venu de changer de paradigme en faisant de l’action politique le levier de l’action citoyenne comme nous y invite le pacte républicain qui projette la liberté et l’égalité vers la fraternité… C’est pourquoi nous appelons les plus hautes autorités de l’Etat, mais aussi les responsables locaux à affirmer avec force leur intention d’inscrire le volet fraternité de la République dans leurs toutes premières priorités… L’objectif est notamment de favoriser toutes les dynamiques individuelles, associatives et institutionnelles aptes à construire de nouvelles relations d’écoute, d’entraide et de respect entre les cultures, les âges et les territoires… Pour illustrer au plus vite cette ambition, il pourrait par exemple, comme le propose également l’observatoire de la laïcité, être organisé dès cette année, une semaine nationale de la Fraternité… » (1). On lira avec un particulier intérêt la liste des premiers signataires qui témoigne d’une grande diversité des participants et d’un engagement important du mouvement associatif dans ses différentes composantes (12).

Dans le même esprit, le journal « Libération » à publié une tribune (13) de deux personnalités : Abdennour Bidar, philosophe, spécialiste de l’Islam et Patrick Viveret, philosophe et sociologue. Ce texte va plus loin dan une analyse philosophique et spirituelle de l’enjeu. « Le défi de notre société est de se donner à elle-même un grand cap, un horizon d’espérance et d’action collective, une direction porteuse d’un véritable projet de civilisation et d’une véritable vision de l’homme. Au beau milieu de tous ces gouffres qui s’élargissent, un abime plus immense encore s’est ouvert qui menace de nous engloutir tous : celui de la différence entre les conceptions du sacré… Nous devons tout faire pour apprendre d’urgence à cultiver ensemble le sens et la jouissance concrète d’un sacré partageable. D’un sacré constitué et enrichi par tous nos héritages, que l’on soit croyant ou non croyant. Notre chance est que ce sacré partageable a déjà un premier nom, un visage dessiné, celui de la fraternité… La fraternité est une valeur républicaine et une valeur religieuse et une valeur ancienne et une valeur moderne, et une valeur à réinventer, dont il faut avoir enfin collectivement l’audace ».

Comment vivre ensemble entre êtres humains ? A travers l’histoire, on peut observer la mise en oeuvre de l’inspiration de l’Evangile telle que Michel Clévenot nous la rapporte dans sa série historique : « Les hommes de la fraternité » (14). Si, en Occident, le thème de la liberté a été moteur, aujourd’hui il mérite d’être explicité. Sur ce blog (15), le théologien Jürgen Moltmann nous fait entrer dans une dimension plus vaste de cette valeur. « Dans une perspective historique, on constate que la liberté s’est affirmé fréquemment en terme de lutte pour le pouvoir. Il y a des vainqueurs et des vaincus. Cela a été le  cas dans la société antique. La liberté apparaît comme une « maîtrise ». Celui qui comprend la liberté comme maîtrise ne peut être libre qu’au détriment des autres hommes… Au fond, il ne connaît que lui-même et ce qu’il possède. Il ne voit pas les autres comme des personnes… » . Mais la liberté peut être conçue différemment comme participation. « C’est le concept de la liberté communicative. C’est dans l’amour mutuel que la liberté humaine trouve sa réalité. Je suis libre et me sens libre lorsque je suis respecté et reconnu par les autres et lorsque, de mon côté, je respecte et reconnais les autres… Si je partage ma vie avec  d’autres, l’autre n’est plus la limite, mais le complément de ma liberté… La vie est communion dans la communication. Nous nous communiquons mutuellement de la vie… ». C’est bien là que la liberté rejoint la fraternité. Il y a des moments de l’histoire française où la fraternité a été prise en compte. Ce fut le cas en 1848.    Aujourd’hui, c’est la tempête en politique, mais nous sommes appelés à voir plus loin. L’appel à la fraternité est un point de repère qui se manifeste à partir de la société civile comme une aspiration à un autre genre de vie et comme une interpellation au monde politique pour une autre manière de faire société.

J H

 

(1)            Appel : Maintenant, construisons la fraternité : http://odas.net/IMG/pdf/appel_fraternite_2015_-.pdf

(2)            Proverbes 29.18

(3)            Sur youtube : Fraternité avec Ségolène Royal : https://www.youtube.com/watch?v=sOx5i95wPGM

(4)            Sur wikipedia : « En intelligence économique, les signaux faibles sont les éléments de perception de l’environnement, opportunités ou menaces qui doivent faire l’objet d’une attention anticipative, appelé veille.. » http://fr.wikipedia.org/wiki/Signaux_faibles

(5)            Frédéric Lenoir. Chemin de guérison. Fayard, 2012

Sur ce blog : « Un chemin de guérison pour l’humanité » : https://vivreetesperer.com/?p=1048

(6)            « Emergences d’espaces conviviaux et aspirations contemporaines. Troisième lieu (« Third place ») et nouveaux mode de vie » : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/recherche-et-innovation/etudes/emergence-despaces-conviviaux-et-aspirations-contemporaines-troisieme-lieu-l-third-place-r-et-nouveaux-modes-de-vie

(7)            Tiers lieux. Open source francophone. Sur facebook : https://www.facebook.com/groups/tilios/

(8)             A propos de l’économie collaborative : « Une révolution de l’être ensemble » (« Vive la co-révolution ! Pour une société collaborative : Anne-Sophie Novel et Stéphane Rioux ») : https://vivreetesperer.com/?p=1394

« Anne-Sophie Novel, militante écologiste et pionnière de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975

(9)            « Ouishare. communauté leader dans le champ de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1866

(10)      « Quel regard sur la société et sur le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=191

(11)      « Vers une civilisation de l’empathie. A propos du livre de Jérémie Rifkin » : http://www.temoins.com/etudes/recherche-et-innovation/etudes/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux

(12)      Sur le site de l’Observatoire national de l’action sociale délocalisée, liste des premiers signataires qui montre l’étendue du champ couvert : http://odas.net/L-Odas-soutien-l-appel-a-la-fraternite-lance-par

(13)      Sur le site de Libération : « Le 11 mars, faites de la    fraternité ! » (Abdennour Bidar, Patrick Viveret) : http://www.liberation.fr/societe/2015/03/10/le-11-mars-faites-de-la-fraternite_1218112 Patrick Viveret est l’auteur d’un recueil intitulé : « De la convivialité. Dialogue sur la société conviviale à venir ». Et un « Manifeste convivialiste » est paru en 2013 (Voir : note 15)

(14)      Michel Clévenot : les hommes de la fraternité. Voir : « Un historien de la fraternité » : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1993_num_19_2_2101

(15)      « Une vision de la liberté… La liberté comme maîtrise… La liberté comme participation… La liberté comme avenir… Egalité, liberté, fraternité… Vers une civilisation conviviale » : https://vivreetesperer.com/?p=1343

 

Voir aussi, sur le site de Témoins, la vision de Guy Aurenche : « La fraternité sauvera le monde » : http://www.temoins.com/societe/culture-et-societe/societe/la-fraternite-sauvera-le-monde.html

 

Tout se tient

https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/41konamFXZS._SX327_BO1,204,203,200_.jpgRelions-nous ! : un livre et un mouvement de pensée

 Les temps modernes se caractérisent par l’émancipation et l’autonomie de l’individu. Mais aujourd’hui, on ressent également les excès de l’individualisme. C’est ainsi qu’on appelle à plus de convivialité et plus de fraternité (1). Et de même, on prend conscience des méfaits de la domination de l’homme sur la nature à la suite de l’affirmation cartésienne. L’homme s’est extrait de la nature pour la dominer. Cette séparation produit aujourd’hui des fruits amers. Elle s’inscrit dans le développement d’une civilisation mécaniste. Mais aujourd’hui apparaît un mouvement en faveur d’un changement de paradigme. Face à une approche purement analytique qui débouche, en fin de compte sur un éclatement et un compartimentage des savoirs, une approche holistique se développe et on cherche actuellement une intégration dans la reconnaissance des interrelations. C’est l’avènement de l’écologie. Il y a aujourd’hui une nouvelle manière de connaître bien mise en évidence par de grands penseurs comme Michel Serres (2) et Edgar Morin (3). C’est la prise en compte de la complexité (3). Aujourd’hui, face au malaise engendré par la division, la séparation dans la vie sociale comme dans la vie intellectuelle, des mouvements se dessinent pour une nouvelle reliance. Ainsi un livre vient de paraître avec un titre significatif : « Relions nous ! » (4).

Ce livre se présente ainsi :

« Nous vivons une vraie crise de la reprĂ©sentation et donc une crise politique. Nous continuons Ă  interprĂ©ter le monde selon des concepts dĂ©passĂ©s… Aujourd’hui, le cĹ“ur des savoirs n’est plus la sĂ©parabilitĂ©, mais Ă  l’inverse, les liens, les interdĂ©pendances, les cohabitations.

Cinquante des plus éminents philosophes, scientifiques, économistes, historiens, anthropologues, médecins, juristes, écrivains… chacun dans leur domaine, éclairent magistralement cette transition à l’œuvre et émettent des propositions pour mieux la conforter ou l’émanciper. Cette constitution dessine, à la lumière des liens, un nouveau paysage de la pensée et donc, d’une certaine manière, un nouveau corps politique… » (page de couverture).

 

En transition vers une nouvelle vision du monde

Cofondateurs des éditions : « Les liens qui libèrent », Henri Trubert et Sophie Marinopoulos, dans le prologue de cet ouvrage, nous disent comment ils envisagent le changement profond qui est en voie de transformer notre vision du monde et de susciter l’émergence d’un nouveau paradigme : « Nous continuons à penser le monde selon des conceptions dépassées issues des temps modernes. Aujourd’hui, le cœur des savoirs, son mouvement infus n’est plus la séparabilité et ses différents attributs : séparation homme/nature, homme considéré comme maitre et possesseur de lui-même ; les diverses notions de propriété, temps linéaire, objectivité, chosification, causalité locale, identité, déterminisme, verticalité… ainsi que leurs conséquences sociales et politiques, à savoir l’imaginaire du progrès infini, l’économisme, le réductionnisme, le rationalisme, l’individualisme, le productivisme… Ce serait plutôt l’interdépendance ou mieux la transdépendance (chaque domaine étant lui-même traversé par un dehors) (p7-8). En termes plus accessibles, les auteurs décrivent ainsi la transition : « Nous passons d’une société constituée d’objets distincts gouvernés par des forces extérieures à une société de relations, de compositions ou d’interactions » (p 8). Ce mouvement ne date pas d’hier. « Il est un long processus, mais qui n’a pas encore réellement infusé notre société… autant que nos manières d’éprouver et d’habiter le monde » (p 8).

 

Un milieu Ă©mergent

Comment le courant de pensée qui a pris conscience de la nécessité de cette transition se manifeste-t-il aujourd’hui ?

Ce recueil de textes s’accompagne d’une initiative de rencontre entre les participants. Les propositions des uns et des autres pour une nouvelle civilisation sont appelées à se présenter dans un «  parlement » pour faire une « constitution des liens ». « La « constitution des liens »… a pour ambition de partager un nouveau paysage… » « Il s’agit d’ouvrir un nouvel horizon »… « Cette constitution est une matière vive à délibérer, amender ou enrichir… Il est urgent collectivement d’expérimenter, de faire vivre cette transition qui touche à la fois nos savoirs, mais également nos perceptions et nos émotions » (p 9). Il y a aussi un effort de diffusion vers le grand public. Début juin 2021, les participants ont été appelés à participer à une conversation au Centre Beaubourg.

Les auteurs de ce recueil sont cofondateurs des Ă©ditions : Les liens que libèrent. Ce mouvement s’inscrit dans l’orientation engagĂ©e de longue date par cette maison d’édition telle qu’elle se prĂ©sente sur son site (5) : « La maison d’édition LLL, Les Liens qui Libèrent, crĂ©Ă©e en association avec Actes Sud, se propose d’interroger la question de la crise des liens dans les sociĂ©tĂ©s occidentales. Depuis la fin du XIXè siècle, les liens sont reconnus constitutifs de toute expression de la rĂ©alitĂ©. Toute entitĂ© ou système se construit, se dĂ©veloppe, se diversifie par les interactions qu’il entretient avec son milieu… Que ce soit en biologie… en physique… en psychologie… en ethnologie, dans les domaines de l’économie, sociaux… ou bien entendu environnementaux. Or nos sociĂ©tĂ©s occidentales sont marquĂ©es du sceau de la dĂ©liaison… C’est cette vĂ©ritable crise de la dĂ©liaison de nos sociĂ©tĂ©s que nous nous efforcerons de questionner… ». Si nous envisageons diffĂ©remment les auteurs de catalogue des Ă©ditions LLB, nous apprĂ©cions particulièrement les livres de deux d’entre eux : JĂ©rĂ©my Rifkin (6) et Pablo Servigne (7).

 

Des intervenants nombreux et bienvenus

Ce livre aborde un champ très vaste puisqu’il traite de plus de trente domaines de savoir. On passe de l’agriculture à l’architecture, de l’art à la biologie, de la croissance et du bien être à la démocratie, de l’éducation à la langue et aux médias. Rien n’échappe à cette table des matières où apparaissent le monde végétal et le monde animal, les sciences du vivant, les neurosciences et la physique quantique, l’économie, la santé mais aussi la religion…

Parmi les intervenants, on découvre des personnalité reconnues comme Patrick Viveret, acteur pour le développement de la convivialité, Pablo Servigne, auteur d’un livre pionnier sur l’entraide (7), Philippe Meirieu, réputé pour son œuvre en éducation, Baptiste Morizot, inventeur d’une nouvelle manière de communiquer avec le monde animal, Delphine Horvilleur, une femme rabbin à la parole qui porte, Abdennour Bidar, connaisseur de l’Islam et artisan d’une spiritualité ouverte et relationnelle. Il y a au total 54 intervenants.

Les contributions sont courtes et denses et s’accompagnent de propositions. Pour certaines, elles s’expriment dans un vocabulaire spécialisé et requièrent un effort du lecteur. C’est une observation qui a été également formulée par un(e) des journalistes en discussion avec Abdennour Bidar dans un dialogue sur France Inter à propos d’un colloque organisé à Beaubourg sur ce livre (8). Au total, nous dit Abdennour Bidar, il y a là un effort pour mettre en dialogue les uns et les autres. Si les participants participent à une culture commune, il peut y avoir également des différends entre eux. Le but de la conversation est de « construire des désaccords » et de « trouver des terrains d’entente ». Comment développer une espérance commune ? Il nous faut « construire une manière commune de résister au risque de l’effondrement intérieur lorsqu’on ressent la menace d’un effondrement de civilisation ». Cet appel au dialogue est au cœur du chapitre écrit par Abdennour Bidar et Delphine Horvilleur sur la religion. Comment favoriser le dialogue  entre athées, agnostiques, croyants ?

 

En regard de ce changement civilisationnel, une transformation spirituelle

Ce livre : « Relions-nous » témoigne d’une transformation profonde, intellectuelle et sociale. C’est un processus qui s’amplifie.

En regard, nous pouvons voir aussi une transformation spirituelle en cours aujourd’hui. Il y a dix ans déjà, dans son livre : « La guérison du monde » (2012) (9), Frédéric Lenoir évoquait une contestation de la vision « mécaniste » du monde, en faveur d’une vision « organique ». Et il observait une évolution dans les attitudes. « Si l’affirmation de l’individu est au cœur de la société moderne, il décrit trois phases successives dans la manifestation de l’autonomie : « L’individu émancipé, l’individu narcissique et l’individu global ». Dans cette troisième phase, un formidable besoin de sens se manifeste.

Cette montée de la spiritualité s’exprime en termes relationnels. Ainsi, au terme d’une remarquable enquête, dans son livre : « Something there » (10), David Hay définit la spiritualité, comme « une conscience relationnelle dans une relation avec soi-même, avec les autres , avec la nature et avec la présence divine ».

 

En regard, une théologie renouvelée

En regard de cette civilisation émergente, apparait une théologie émergente. La théologie pionnière de Jürgen Moltmann ouvre des horizons en phase avec cette civilisation émergente (11). Et justement, elle joue un rôle d’avant garde parce que elle relie les apports de traditions séparées et trop souvent étanches les unes aux autres. C’est le cas dans la théologie de l’espérance qui prend en compte la tradition juive du prophétisme ou la nouvelle théologie trinitaire et la théologie de la création qui accueille une dimension de la tradition orthodoxe (12). En affirmant sa veine écologique et l’œuvre de l’Esprit, Jürgen Moltmann associe sa voix à celles que nous venons d’entendre.

« La pensée moderne s’est développée en un processus d’objectivisation, d’analyse, de particularisation et de réduction. L’intérêt et les méthodes de cette pensée sont orientés vers la maitrise des objets et des états de chose. L’antique règle romaine de gouvernement : « Divide et impera » imprègne ainsi les méthodes modernes de domination de la nature… A l’opposé, certaines sciences modernes, notamment la physique nucléaire et la biologie, ont prouvé à présent que ces formes et méthodes de pensée ne rendent pas compte de la réalité et ne font plus guère progresser la connaissance. On comprend au contraire beaucoup mieux les objets et les états de chose quand on les perçoit dans leurs relations avec leur milieu et leur monde environnant… La perception intégrale est nécessairement moins précise que la connaissance fragmentaire, mais plus riche en relations… Si donc on veut comprendre le réel comme réel et le vivant comme vivant, on doit le connaître dans sa communauté originale et propre, dans ses relations, ses rapports, son entourage… Une pensée intégrante et totalisante s’oriente dans cette direction sociale vers la synthèse, d’abord multiple, puis enfin totale… » (13).

Cette approche relationnelle inspire la nouvelle théologie trinitaire. « Dans le passé, on pensait en terme de « substances » plutôt qu’en terme de relations. Dans le nouveau mode de pensée, la Trinité est envisagée en terme de relations et de mouvements… Le renouveau de la pensée trinitaire s’inscrit dans une inspiration profondément biblique et en continuité avec les premiers siècles de l’Eglise… Les personnes divines habitent l’une dans l’autre. Dans cette interrelation, Dieu invite les êtres humains à entrer dans une unité ouverte… Dieu n’est pas un « Dieu solitaire qui soumet ses sujets comme des despotes terrestres l’on fait en son nom ». C’est un Dieu vivant, relationnel dans son être même et dans son rapport avec les créatures » (14).

Et de même, Dieu n’est pas un Dieu lointain qui a créé le monde une fois pour toute et le considère de l’extérieur… « Dieu n’est pas seulement le créateur du monde, mais l’Esprit de l’univers. Grace aux forces et aux possibilités de l’Esprit, le Créateur demeure auprès de ses créatures, les vivifient, les maintient dans l’existence et les mènent dans son royaume futur »… « L’Esprit saint suscite une communauté de la création dans laquelle toutes les créatures communiquent chacune à sa manière entre elles et avec Dieu » (15).

La même approche relationnelle apparaît chez d’autres théologiens présents sur ce site. Ainsi Richard Rohr, franciscain américain, a écrit un livre inspirant : « la Danse Divine » (16) en évocation du Dieu trinitaire. Rappelant qu’Aristote mettait la « substance » » tout en haut de l’échelle et que cette conception a influencé la théologie occidentale, Richard Rohr écrit : « Maintenant nous voyons bien que Dieu n’a pas besoin d’être une « substance », Dieu lui-même est relation… Comme la Trinité, nous vivons intrinsèquement dans la relation. Nous appelons cela l’amour. En dehors de cela, nous mourrons rapidement ».

Bertrand Vergely, philosophe de culture orthodoxe, appelle à la conscience de la Vie dans tout ce qu’elle requiert et entraine. « Quand on vit, il n’y a pas que nous qui vivons. Il y a la Vie qui vit en nous et nous veut vivant. Il y a quelque chose à la base de l’existence… Quand nous rentrons en nous-même, nous découvrons un moi profond porté par la vie avec un grand V » (17).

Aujourd’hui, dans cette nouvelle conscience relationnelle, monte une nouvelle manière de croire.

C’est ce qu’exprime une historienne et théologienne américaine, Diana Butler Bass : « Ce qui apparaît comme un déclin de la religion organisée, indique en réalité une transformation majeure dans la manière dont les gens se représentent Dieu et en font l’expérience. Du Dieu distant de la religion conventionnelle, on passe à un sens plus intime du sacré qui emplit le monde. Ce mouvement d’un Dieu vertical à un Dieu qui s’inscrit dans la nature et dans la communauté humaine, est au cœur de la révolution spirituelle qui nous environne » (18). Nous voyons des convergences entre la pensée de Diana Butler Bass et de Jürgen Moltmann que nous exprimons dans le titre d’un article : « Dieu vivant, Dieu présent, Dieu avec nous dans un monde où tout se tient » (19).

La prise de conscience écologique requiert et suscite une nouvelle approche théologique où la relation est première, une écothéologie. A cet égard, l’œuvre de Michel Maxime Egger nous paraît particulièrement éclairante. Depuis la publication d’un livre fondateur : « La Terre comme soi-même » (Labor et Fides, 2012), Michel Maxime Egger poursuit son engagement comme auteur et militant, comme sociologue, théologien et acteur spirituel (20).

Comment ce changement dans les représentations se manifeste-t-il dans le vécu quotidien ? A ce sujet, le témoignage écrit par Odile Hassenforder en 2008 nous paraît particulièrement significatif : « Assez curieusement, ma foi en notre Dieu qui est puissance de vie s’est développée à travers la découverte de nouvelles approches scientifiques qui transforment notre représentation du monde. Dans une nouvelle perspective, j’ai compris que tout se relie à tout et que chaque chose influence l’ensemble. Tout se tient. Tout se relie. Pour moi, l’action de Dieu s’exerce dans ces interrelations. Dans cette représentation, Dieu reste le même, toujours présent, agissant à travers le temps. Je fais partie de l’univers. Je me sens reliée à toute la création. Alors, dans un tel contexte, je conçois facilement que Jésus- Christ ressuscité relie l’humanité comme l’univers au Dieu Trinitaire… » (21).

Voici un parcours qui nous a mené de la prise de conscience par un milieu d’experts, de l’importance des relations dans tous les domaines de la pensée, des sciences à la philosophie et dans toutes les pratiques humaines, de l’agriculture à l’éducation et à la santé, à un mouvement spirituel et théologique. « Relions nous ! » Cependant le recueil, qui porte ce titre, aborde la religion sous un angle particulier : favoriser le dialogue entre différents interlocuteurs. Et pourtant, il y a bien plus à dire. La prise de conscience des interrelations est un mouvement qui nous concerne tous jusque dans l’essentiel de nos vies. C’est un mouvement qui monte et s’amplifie dans le registre spirituel et dans le champ religieux. « Tout se tient. Tout se relie ». Relions-nous…

J H

 

(1) Appel à la fraternité : https://vivreetesperer.com/appel-a-la-fraternite/ Pour des oasis de fraternité : https://vivreetesperer.com/pour-des-oasis-de-fraternite/

(2) Michel Serres. Petite Poucette : https://vivreetesperer.com/une-nouvelle-maniere-detre-et-de-connaitre-3-vers-un-nouvel-usage-et-un-nouveau-visage-du-savoir/

(3) Convergences écologiques : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/

(4) Relions nous. La constitution des liens. L’an1. Les liens qui libèrent, 2021

(5) Les liens qui libèrent : http://www.editionslesliensquiliberent.fr/unepage-presentation-presentation-1-1-0-1.html

(6) Vers une civilisation de l’empathie (Jérémie Rifkin) : https://www.temoins.com/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux/

Un avenir pour l’économie : La troisième civilisation industrielle (Jérémie Rifkin) : https://vivreetesperer.com/face-a-la-crise-un-avenir-pour-l’economie/

Le New Deal Vert (Jérémie Rifkin) : https://vivreetesperer.com/face-a-la-crise-un-avenir-pour-l’economie/

(7) L’entraide. L’autre loi de la jungle. Pablo Servigne : https://vivreetesperer.com/?s=Entraide&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes

(8) Comment recréer du lien. Un grand face à face sur France inter : https://www.youtube.com/watch?v=E7_eZ-5QMys

(9) Frédéric Lenoir . La guérison du monde : https://vivreetesperer.com/un-chemin-de-guerison-pour-lhumanite-la-fin-dun-monde-laube-dune-renaissance/

(10) David Hay . Something there. La vie spirituelle comme une « conscience relationnelle » : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/

(11) Une théologie pour notre temps. L’autobiographie de Jürgen Moltmann : https://www.temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/

(12) L’évolution de la théologie de Moltmann. Une théologie qui relie : D Lyle Dabney : The turn to pneumatology in the theology of Moltmann https://place.asburyseminary.edu/cgi/viewcontent.cgi?referer=https://www.google.fr/&httpsredir=1&article=1474&context=asburyjournal

(13) Voir : Convergences écologiques : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/

(14) Dieu, communion d’amour : https://lire-moltmann.com/dieu-communion-damour/

(15) Dieu dans la création : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/

(16) Richard Rohr. La danse divine. https://vivreetesperer.com/?s=La+danse+divine&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes

(17) Bertrand Vergely Prier. Un philosophie https://vivreetesperer.com/dieu-vivant-rencontrer-une-presence/

(18) Une nouvelle manière de croire : https://vivreetesperer.com/une-nouvelle-maniere-de-croire/

(19) Dieu vivant. Dieu présent. Dieu avec nous dans un monde où tout se tient : https://vivreetesperer.com/dieu-vivant-dieu-present-dieu-avec-nous-dans-un-univers-interrelationnel-holistique-anime/

(20) L’espérance en mouvement : https://vivreetesperer.com/lesperance-en-mouvement/

Un chemin spirituel vers un nouveau monde :  https://vivreetesperer.com/un-chemin-spirituel-vers-un-nouveau-monde/

(21) Odile Hassenforder. Dieu, puissance de vie : https://vivreetesperer.com/dieu-puissance-de-vie/

Une révolution spirituelle. Une approche nouvelle de l’Au-delà

Cet Au-delĂ  qui nous fait signe
Par Lytta Basset

Nous sommes confrontés à la mort. Nous pouvons nous interroger sur notre sort personnel. Mais le problème est crucial lorsqu’advient le départ d’un proche. Dans la séparation, c’est la communication qui est rompue. L’amour se manifestait dans le dialogue. Et soudain, celui-ci s’interrompt. Notre proche aurait-il disparu à jamais ? Dans cette épreuve, on cherche une réponse. Certains contextes ne s’y prêtent pas. Il y a des empêchements dans les mentalités environnantes : matérialisme ou prescription religieuse de la séparation entre les vivants et les morts. Et, parfois dans les dédales, on doit rechercher un passage, c’est-à-dire un éclairage fondé. Ce fut le cas dans le récit rapporté dans l’article : « Cette vie qui ne disparaît pas » (1). L’issue, à tonalité biblique, ce fut la théologie de Jürgen Moltmann (2), à travers son livre : « In the end, the beginning », traduit ensuite en français : « De commencements en recommencements ». A l’époque, on pouvait avoir accès également à un témoignage existentiel de Lytta Basset : « Ce lien qui ne meurt jamais » (3). Or, théologienne, accompagnatrice spirituelle et auteure de nombreux livres appréciés (4), Lytta Basset vient d’expliciter son premier témoignage dans un livre qui vient bouleverser la représentation dominante de la relation avec les défunts, esquissant en même temps un nouveau paysage spirituel : « Cet Au-delà qui nous fait signe » (5).

« Dans « Ce lien qui ne meurt jamais », Lytta Basset racontait comment elle avait fait l’expĂ©rience de contacts avec son fils ainĂ© Samuel mort par suicide Ă  l’âge de vingt- quatre ans. Mais la thĂ©ologienne protestante, Ă  la fois par discrĂ©tion et parce que sa formation ne l’avait pas prĂ©parĂ©e Ă  de tels aveux, n’avait pas alors tout dit des circonstances qui l’avaient amenĂ©e Ă  tĂ©moigner. Quinze ans plus tard, elle ose rĂ©vĂ©ler ce qu’elle appelle « l’évĂ©nement improbable » qui l’a « remise dans le courant de la vie ». Loin de toute motivation sensationnaliste, si elle s’est dĂ©cidĂ©e Ă  prendre la parole, c’est pour aider ceux qui traversent le deuil d’un enfant Ă  ne plus se dire qu’on « ne s’en remet jamais ». Validant l’existence des VSCD – « vĂ©cus subjectifs de contact avec un dĂ©funt » – elle relit la littĂ©rature sur ces questions dĂ©licates, en faisant toujours le lien avec les diffĂ©rents rĂ©cits Ă©vangĂ©liques autour de la RĂ©surrection » (page de couverture).

Ce texte n’est pas seulement un témoignage émouvant et réfléchi ouvrant la voie à un nouveau regard sur le rapport avec les défunts. C’est également, dans le même temps, un bilan des études portant sur notre appréhension de l’au-delà qui se sont multipliées au cours des dernières décennies depuis le livre pionnier de Raymond Moody, « La vie après la vie » en 1975. Il y a là, maintenant, un corps de connaissances considérable. Des termes nouveaux sont apparus comme : EMP (expérience de mort provisoire), VSCD (vécu subjectif de contact avec un défunt), TCH ( Trans communication hypnotique). Les expériences de mort provisoire sont aujourd’hui innombrables et le phénomène est universel. Nous découvrons dans ce livre l’importance du « vécu subjectif de contact avec les défunts ». « Le VSCD est rapide, crée un effet de sidération, comme si on ne pouvait y croire, puis de joie car le contact est direct. Il touche directement le cœur. On le reçoit comme une évidence » (p 19).

Cependant, si ce livre dresse un bilan de tout le savoir qui s’accumule depuis des décennies sur le rapport avec l’au-delà, il nous rend également un grand service en offrant une interprétation chrétienne de ces phénomènes. Or cela n’allait pas de soi. Les différentes églises ont bien une doctrine concernant la vie de l’au-delà. Mais ces doctrines palissent dans la conjoncture nouvelle. Pour certaines d’entre elles, elles véhiculent une conception menaçante du jugement, répartissant les destinées dans des cases, l’une d’entre elles entretenant un malheur perpétuel. D’autres érigent un mur de séparation entre les vivants et les morts. Le mouvement actuel disqualifie de telles croyances. Or, femme d’expérience, mais aussi théologienne, Lytta Basset corrige ces représentations et nous offre une vision chrétienne de la vie après la vie. Et de plus, elle sait parler à nos contemporains en quête existentielle. Plutôt que d’employer un vocabulaire théologique, elle parle de « la Vie », d’« expériences de la Vie » et de « perception du Vivant ». « Parce que un tel langage est plus accessible à notre société occidentale sécularisée, mais aussi parce qu’en réalité c’est aussi un langage biblique » (p 10). Elle s’adresse à tous ; c’est pourquoi, plutôt que le terme : « vie éternelle », elle emploie l’expression : « vie de toujours » (p 11). Elle se déclare marcher « vers ma propre vie de toujours, cette vie qui commence dès ici et n’a pas de fin » (p 11).

Comment recevoir ce grand courant de dĂ©couverte d’une vie par delĂ  la mort dans un vĂ©cu chrĂ©tien ? La rĂ©ponse de Lytta Basset est d’autant plus prĂ©cieuse qu’elle se fonde sur une grande culture biblique et sur une compĂ©tence de thĂ©ologienne. Aussi envisage-t-elle ces phĂ©nomènes dans « le droit fil de la tradition chrĂ©tienne » (p 87). « Au grĂ© de nombreuses lectures, aucune incompatibilitĂ© avec les tĂ©moignages du Nouveau Testament ne m’a sautĂ© aux yeux. Quant Ă  l’Evènement improbable, je n’ai Ă  aucun moment pensĂ©, imaginĂ© ou cru qu’il puisse ĂŞtre en contradiction avec mon identitĂ© chrĂ©tienne. Bien au contraire, il m’a fait saisir l’ampleur illimitĂ©e de l’évĂ©nement de Pâques » (p 88). Bien sĂ»r, Lytta Basset se rĂ©fère aux paroles de JĂ©sus, mais aussi aux enseignements de Paul et de Jean. Elle Ă©voque des commentaires Ă©clairants comme celui d’un pasteur au dĂ©but du XXè siècle, P Valloton ou bien celui d’un expert canadien A Myre. P Valloton dĂ©clarait dĂ©jĂ  que « Les faits physiques et psychiques sont les mĂŞmes aujourd’hui qu’au temps d’Abraham, de MoĂŻse, d’Elie, d’ElisĂ©e, d’EsaĂŻe, de JĂ©sus et, après lui, des apĂ´tres ». Tout un chapitre est consacrĂ© ainsi Ă  une interprĂ©tation des Ecritures, par exemple en terme de « langage corporel ». « L’apĂ´tre Paul est certainement l’auteur du Nouveau Testament qui parle le plus de la vie invincible, et de la manière la plus explicite dans sa première lettre aux Corinthiens. Il s’agit de mourir aux forces de mort pour se prĂ©parer Ă  vivre vraiment, et pour cela, il emploie dix-neuf fois le verbe « se rĂ©veiller » (p 93). Lytta Basset ouvre des correspondances entre les textes du Nouveau Testament, les connaissances issues des recherches sur l’univers de l’invisible et son expĂ©rience du deuil. « Un verset de Paul me touche particulièrement : « Vous avez Ă©tĂ©, dit-il, mis au tombeau – avec lui par l’immersion dans laquelle vous avez Ă©tĂ© rĂ©veillĂ©s – avec lui par la confiance dans l’énergie de Dieu qui l’a rĂ©veillĂ© d’entre les morts. Je reconnais bien lĂ  le parcours rocailleux de mon deuil. Comme tant d’autres, j’ai eu le sentiment d’être mis au tombeau ave Samuel, d’être immergĂ©e et noyĂ©e dans sa mort… et de m’être laissĂ©e Ă©veiller en faisant confiance en l’énergie divine – littĂ©ralement, ce « travail du dedans » que poursuit en moi le Vivant Ă  mon insu » (p 94). Au total, Lytta Basset exerce un discernement. Elle prĂ´ne le respect du parcours de chacun. Elle met en valeur l’importance de l’expĂ©rience et sa thĂ©ologie en tient le plus grand compte.

Certes, on peut se demander comment le mouvement actuel s’inscrit dans l’histoire du monde et la diversité des cultures qui y participent, mais comme l’exprime Lytta Basset, il est urgent de répondre à la quête spirituelle qui se manifeste aujourd’hui. Et, par rapport à la reconnaissance de ce mouvement, il reste aujourd’hui, deux freins considérables.

« Celui des Églises d’abord ». « Je vois de l’intérieur, combien le protestantisme, traditionnellement, est peut-être encore le plus fermé… L’Eglise investie par une théologie rationaliste avait fermé la porte de l’au-delà » (p 249). Aujourd’hui, les mentalités évoluent. L’autre frein est sociétal. On entend de sombres affirmations qui sont infondées. (p 250).

Ce livre se clôt par une magnifique citation d’Esaïe : « l’Eternel  sera pour toi la lumière de toujours ».

 

Un langage universel pour dire la vie

 Cet ouvrage comporte de multiples facettes. Pour en donner un aperçu, nous choisissons ici un aspect de l’univers spirituel tel qu’il se dégage du chapitre : « Un langage spirituel pour dire la Vie » (p 171-189). « Un langage universel pour dire la Vie » : c’est Dieu qui nous parle. Comme l’auteure le rappelle, il nous a parlé à travers les prophètes, et, bien sûr, par le message du Nouveau Testament. Il ne cesse de nous parler par de multiples voies et dans des contextes variés. Si Lytta Basset met l’accent ici sur la communication autour de la mort, ce n’est qu’un aspect de l’expression divine qui se manifeste dans de nombreuses expériences de transcendance (6) telles que celles qui ont été recensées par Alister Hardy en Angleterre et ont été rapportées par David Hay dans son livre : « Something there » (7).

Le langage qui se manifeste ainsi parle également de Celui qui en est l’auteur. Le message « au nom du Vivant » (p 171), parle du Vivant, de son Être, de l’univers qu’il anime. Si Dieu est le Créateur de l’univers et que cette création est source d’émerveillement et de louange, Il anime également un monde invisible. Lytta Basset évoque ce monde à travers ce que le langage divin, « le langage universel pour dire la vie », y fait écho. Tout un paysage apparaît ainsi et il résulte d’une convergence dont Lytta Basset nous fait part. « J’ai été frappée, par mes lectures, par la convergence entre les expériences des prophètes bibliques et celles de nos contemporains. Les auteurs le répètent à l’envie : si cela arrive à n’importe qui, c’est que nous avons tous des « antennes », un « sixième sens », une « conscience intuitive extraneuronale »… qui se trouve plus ou moins développée ou étouffée en fonction des réactions de l’entourage. Ne nous croyons pas à l’abri de tels touchers divins. les témoignages concernent tous les âges, sexes, classes socio-professionnelles, religions, appartenances philosophiques… » (p 172) (8). C’est donc une expérience universelle, sans frontières. « Les témoins se sentent unis à Dieu, donc encore distincts et en même temps ne faisant qu’un avec lui. Même constat paradoxal pour leur relation à l’univers. Une personne a fait le rapprochement avec la parole de Jésus : « Moi et le Père nous sommes uns ». Lytta Basset met l’accent sur le rôle du corps dans la réception. « Si le langage de la Vie est intelligible pour tous, n’est-ce pas parce qu’il passe essentiellement par le corps ? Ou plutôt qu’il parle au corps ? » (p 173). Elle évoque la sensibilité des enfants. « Le langage de l’invisible est accessible d’emblée aux petits enfants ». (p 173). Nous voici en présence d’une réalité qui se manifeste dans des expériences multiples. « Le docteur R Moody s’est demandé comment comprendre que la sagesse des tibétains, les connaissances théologiques, la visions de Paul, les mythes platoniciens, les révélations du scientifique E Swedenborg, les témoignages des mourants et de ceux ayant vécu une EMP pouvaient se recouper si parfaitement entre eux. J’ai envie de dire : parce qu’il n’existe, au fond, qu’une Réalité d’où émane la multiplicité des formes de vie » (p 174-175).

Lytta Basset nous décline ensuite les caractéristiques communes qu’elle a relevées dans ces écrits et récits : l’omniprésence de la Lumière ; une lumière aimante ; la beauté de la vie ; une connaissance totale ; les retrouvailles avec un être aimé.

La lumière n’est-elle pas le symbole le plus universel pour dire cet Invisible sans lequel rien n’existe ? Le mot Dieu vient du sanscrit Dyau qui signifie précisément « jour, brillant, lumière, divinité ». Pour les tibétains, c’est la Luminosité fondamentale. Or cela revient dans de nombreux récits de mourants de la tradition orthodoxe, et déjà dans la littérature patristique : des visions de lumière, des apparitions de Jésus, de Marie, des saints et des apôtres « dans une lumière éclatante » et d’Anges très lumineux – rien à envier aux témoignages rassemblés par R Moody. Le théologien orthodoxe V Lossky note avec une grande justesse : « Si Dieu est appelé lumière, c’est qu’il ne peut rester étranger à notre expérience ». Une expérience qui ne date pas d’hier : la Bible hébraïque, notamment les Psaumes évoquent déjà l’omniprésence de la Lumière, par exemple le psaume 139.12 » (p 175). Lytta Basset nous rappelle également le témoignage de Paul dans ses récits de son vécu de l’apparition de Jésus dans une grande lumière. « Dans la ligne de l’inspiration paulinienne… les Pères grecs ont deviné que notre union au Vivant pouvait nous transformer sur terre et au delà. Car au delà du temps et de l’espace, nous ne formons qu’un seul être… ». Et elle rappelle les expériences, avec le ressenti de « ne faire qu’un avec tout l’univers ». Le message de l’évangéliste Jean est également significatif : « Dieu est lumière et de ténèbres, il n’y en a aucune en lui ». N’est-ce pas exactement ce qu’il a vu de ses propres yeux sur la montagne de la transfiguration ? » (p 177). « Clarté divine visible dans le corps d’un être humain, tel est le vécu des témoins de la transfiguration comme du réveil de Jésus le matin de Pâques »… Une lumière appelée à se répandre : Jésus déclare à es disciples : « Vous, vous êtes la lumière du monde. Une ville ne peut être cachée, située en haut d’une montagne ». Notons que R Moody a écrit que « les expérienceurs de tradition chrétienne identifiaient l’Être de lumière au Christ » (p 178).

Le deuxième élément omniprésent dans les récits, c’est qu’il s’agit d’une « lumière aimante ». « Une lumière aimante – d’un amour sans fin, sans limites et sans conditions. Est- ce un hasard si, pour Jean, non seulement « Dieu est lumière », mais « Dieu est amour » ? Ainsi rapporte-t-on que la lumière céleste rencontrée dans les expériences de mort provisoire est « une lumière totalement aimante et compatissante » (p 180). « Il suffit d’une fois et cela s’inscrit dans votre corps ». Cette affirmation résulte d’un constat de Lytta Basset elle-même puisqu’elle écrit « avoir vécu une expérience unique de l’amour de Dieu, il y a quarante ans » (p 180). « Plus fort que la lumière, l’amour pour moi qui en émanait reste indicible ». Lytta Basset cite ensuite des témoignages d’EMP qui vont dans le même sens : « C’est une lumière au delà de notre description. Et lorsque nous nous en approchons, elle nous enveloppe d’un amour inconditionnel » (p 181).

« Langage universel encore : la beauté de la Vie ». Les visions portent en effet une magnificence, notamment à travers de splendides paysages. Lytta Basset cite un témoignage : « L’amour exprime la beauté en couleurs… Tout est couleurs autour de moi et des nuances à l’infini… Les couleurs deviennent sonores et bientôt apparaissent des fleurs. C’est une plénitude de Lumière animée… Une symphonie vivante de couleurs de sons et de formes… La Grande Énergie Créatrice y est tempérée de douce beauté et tout y procède de l’amour » (p 182). Lytta Basset rapporte ainsi des visions de l’au-delà. Cependant, il existe également sur terre des expériences de transcendance dans laquelle la nature est perçue dans une forme d’extase (9). On entrevoit ici un fonds commun.

L’auteure nous parle également de « connaissance totale ». « La personne qui connaît fait partie de l’objet connu. Il n’y a pas l’extérieur et l’intérieur. On y est tout de suite ». (p 184). En commentaire, « Nous faisons déjà partie du Vivant – mais, redisons-le, sans jamais perdre notre identité, notre conscience individuelle ». Ici encore, ce même mode de connaissance globale apparaît également dans les expériences de transcendance au sein de la nature (9).

Lytta Basset termine cette revue par le thème de son livre : « Les retrouvailles avec un être aimé ». « Voilà une des questions les plus brulantes que se posent les personnes endeuillées : Est-ce que je le ou la reverrai ? La réponse est oui que ce soit par un VSCD ou une EMP, une TCH ou autrement, on retrouve ses proches, des ancêtres qu’on n’a pas connus sur terre, et même d’autres personnes qu’on rencontre pour la première fois. A en croire le visionnaire de l’Apocalypse, il n’y a pas de limites : au royaume de la vie invincible, la famille humaine est inépuisable » (p 186). Lytta Basset nous invite à écouter les paroles de Jésus : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures » (p 188).

 

En commentaire

La parution de ce livre s’inscrit dans une évolution. A partir d’une expérience inattendue, cet « événement improbable » qui a transformé la vie de Lytta Basset, une expérience aussi interpellante qu’émouvante, ne répond pas seulement aux questionnements des endeuillés, il vient bouleverser des représentations dominantes tant séculières que religieuses. Lytta Basset le sait bien puisqu’elle écrit dans son introduction, le mouvement qui l’encourage à écrire : « C’est que l’évolution des mentalités est perceptible. Une plus grande ouverture à l’Au-delà, aux réalités invisibles » (p 7). Cette évolution ne se manifeste pas seulement à travers un courant d’expériences et de témoignages, mais il apparait aussi dans des livres de chercheurs qualifiés psychologiquement et philosophiquement.    C’est ainsi que Vinciane Despret, philosophe et anthropologue à l’Université de Liège, également pionnière dans la recherche sur la conscience des animaux, publie, en 2015, un livre intitulé : « Au bonheurs des morts. Récits de ceux qui restent » (10). « Elle a mené une enquête sur la manière dont les morts entrent dans la vie des vivants. L’auteure s’est laissée instruire par les manières d’être qu’explorent les vivants, ensemble ». Elle a recueille ainsi une expression tâtonnante, mais très copieuse. Et elle rompt avec une théorie du deuil, dominatrice dans certains milieux psychologiques athées. « On doit faire le travail de deuil ». Fondé sur cette idée que les morts n’ont d’autre existence que dans la mémoire des vivants, elle enjoint à ces derniers de détacher les liens avec les disparus. Et le mort n’a d’autre rôle à jouer que de se faire oublier. Toutefois, cette conception laïque, « désenchantée » a beau avoir réussi à occuper le devant de la scène et à alimenter les discours savants, il n’en reste pas moins que d’autres manières de penser et d’entrer en relation avec les défunts continuent, certes sur des modes plus marginaux à nourrir des pratiques et des expériences » (p 12-13).

Un livre de Marie de Hennezelle paru en 2021 : « Vivre avec l’invisible » (11) vient confirmer l’évolution de l’état d’esprit dans l’opinion. Psychologue, Marie de Hennezelle est également l’auteure du livre : « les forces de l’Esprit » où elle raconte son accompagnement du président François Mitterrand jusqu’à sa mort. Elle présente ainsi son nouvel ouvrage : «  Qui n’a pas déjà eu ce sentiment d’être guidé par une force invisible ? Avons-nous alors hésité à en parler, par crainte de ne pas être compris, d’être jugé… ou pire ? Sachez que vous n’êtes pas seuls à avoir vécu cette expérience. En s’appuyant sur de nombreux témoignages, des récits édifiants et sa propre réflexion de psychanalyste, Marie de Hennezelle dévoile l’universalité du lien que nous entretenons avec l’invisible. Un lien intime, parfois poétique et qui prend bien des formes. Intuitions, rêves prémonitoires, synchronicités, dialogue avec un ange gardien ou une présence protectrice… les chemins vers la prescience d’un ailleurs, d’une possible proximité avec l’au-delà, sont innombrables » (page de couverture).

Le livre de Lytta Basset : « Cet Au-delà qui nous fait signe » s’inscrit ainsi dans une évolution des mentalités. Celles-ci cependant  nous montrent un contexte assez éloigné des conditions d’un milieu potentiellement croyant tel que Lytta Basset l’entrevoit. Cependant, il existe aujourd’hui un puissant courant de recherche sur les expériences vécues en relation avec l’au-delà. La prise de conscience correspondante est en train de s’étendre rapidement, et, comme en témoigne certains sondages, elle commence à atteindre l’opinion. Le bilan dressé par Lytta Basset est bienvenu. Cependant, il est vrai que ce problème est complexe et plonge ses racines dans une histoire contrastée. Les forces religieuses existantes sont tentées par un immobilisme doctrinal et par une obstruction à tout universalisme. Une évolution théologique se manifeste à travers un théologien comme Jürgen Moltmann qui évoque la communauté des vivants et des morts. Dans son livre sur l’au-delà Lytta Basset n’apporte pas seulement une réponse existentielle dans la sensibilité extrême qui est la sienne avec ses atouts comme avec ses limites, elle fonde une réflexion théologique chrétienne prenant en charge les découvertes sur l’activité des défunts. Comme nous avons cherché à en rendre compte dans cet article, elle nous communique une vision sur l’au-delà en phase avec l’inspiration chrétienne. Ce livre est pionnier.

J H

 

  1. Une vie qui ne disparaît pas : https://vivreetesperer.com/une-vie-qui-ne-disparait-pas/
  2. Sur la Terre comme au Ciel : https://vivreetesperer.com/sur-la-terre-comme-au-ciel/ La vie par delà la mort : https://lire-moltmann.com/la-vie-par-dela-la-mort/
  3. Lytta Basset. Ce lien qui ne meurt jamais. Albin Michel, 2007
  4. Oser la bienveillance : Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand : https://vivreetesperer.com/bienveillance-humaine-bienveillance-divine-une-harmonie-qui-se-repand/
  5. Lytta Basset. Cet Au-delà qui nous fait signe. Albin Michel, 2022. Interview de Lytta Basset sur son livre à la Procure : https://www.youtube.com/watch?v=lw4SjuV5_EI
  6. Expériences de plénitude : https://vivreetesperer.com/experiences-de-plenitude/
  7. La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. La recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui : https://www.temoins.com/?s=David+Hay&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes
  8. La sociologie du mysticisme. Selon Mike Sosterik : https://www.temoins.com/?s=exp%C3%A9riences+mystiques&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes
  9. La participation des expériences spirituelles à la conscience écologique : https://vivreetesperer.com/?s=exp%C3%A9riences+%C3%A9cologie&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes
  10. Vinciane Despret. Au bonheur des morts. RĂ©cits de ceux qui restent. La DĂ©couverte, 2015 https://www.editionsladecouverte.fr/au_bonheur_des_morts-9782359251258
  11. Marie de Hennezelle. Vivre avec l’invisible. Robert Laffond, Versilio, 2021. Interview de Marie de Hennezelle : https://www.youtube.com/watch?v=CktUE72Bn94