Incroyable, mais vrai ! Comment « Les Incroyables Comestibles » se sont développés en France

Interview de François Rouillay

En 2008, dans la ville anglaise de Todmorden, des gens ont commencé à planter et à cultiver des fruits et des légumes pour les mettre à la disposition de tous (1). Ce mouvement : « Incredible Edible » prend une grande ampleur et suscite un nouveau genre de vie. En 2011, François Rouillay découvre cette innovation et suscite, dans sa commune, Colroy-la-Roche en Alsace, une démarche analogue, un mouvement du cœur. Des gens se mettent à planter des fruits et légumes pour les partager avec tout le monde. A toute allure, ce mouvement : « les Incroyables Comestibles » se diffuse et se répand dans toute la France.

Au cœur de ce processus, François Rouillay témoigne de cette aventure et de l’esprit dans laquelle elle se développe. « Chacun est appelé à faire sa part ». « Soyez le changement que vous voulez voir dans ce monde ». C’est un « nouvel art de vivre, de produire et de consommer localement, de s’entraider, d’être dans un mouvement joyeux et solidaire, intergénérationnel ». L’expérience de Todmorden est relatée dans un livre récent (2). L’innovation se déploie sur un site internet : « Les Incroyables Comestibles. Bienvenue sur le site de l’abondance partagée » (3). Passer du chacun chez soi, du chacun pour soi, à un mouvement de partage où une créativité collective s’exprime en plantant et en cultivant des fruits et légumes pour les mettre à la disposition de tous, est-ce un rêve généreux, mais irréalisable ? L’expérience prouve que c’est une vision qui se réalise lorsque des gens prennent l’initiative, deviennent acteurs révélant ainsi des aspirations collectives qui se mettent en marche. « C’est un mouvement où des citoyens changent de regard, se prennent en main et se décident à créer ce nouveau monde, ce meilleur et à en faire l’expérience ». Ecoutons, à travers cette vidéo (4), le témoignage concret et émouvant de François Rouillay, cofondateur des « Incroyables comestibles ». Quelques notes extraites de cette interview nous aideront à poursuivre notre réflexion. Incroyable, mais vrai !

 

Comment l’aventure a commencé

 François Rouillay se présente comme « un père de famille » avec une passion particulière pour le jardinage et une autre passion : le partage, les démarches collectives qui rendent possible notre art de vivre sur les territoires, dans les communes, dans les villages, par l’échange, le dialogue, le partage. C’est ici à Colroy-la-Roche que nous avons commencé l’aventure, l’heureuse aventure des « Incroyables comestibles » au mois d’avril 2012… Dans cette maison, les enfants ont construit le premier bac de fruits et légumes à partager, un bac qui se trouve devant la maison. Et ce bac a suscité la création d’un autre bac par un voisin. Et puis un autre voisin a fait la même chose. Et puis le village d’à coté s’est engagé lui aussi… Maintenant on se développe dans toute la France et à l’étranger. Les « Incroyables Comestibles », c’est une démarche des gens, un mouvement du cœur et du partage dans des communes où on va planter des fruits et légumes, les cultiver et les offrir en partage à tout le monde. Et quand on devient collectif, on peut transformer les espaces urbains en jardins d’abondance puisqu’on en plante le plus possible partout.

C’est une démarche qui nous est venue d’Angleterre puisque tout a commencé en 2008 à Tormorden, près de Manchester, dans le nord de l’Angleterre, une petite ville dans une période difficile de désindustrialisation. Au mois de décembre 2011, je faisais de la veille sur la sécurité alimentaire, les populations et j’essayais de trouver des solutions au niveau collectif et j’ai découvert un article anglais sur cette nouvelle méthode. J’ai fait des recherches. Et j’ai découvert qu’on n’en parlait absolument pas dans la presse française. Cela faisait trois ans que cela existait et pas un mot dans la presse française. J’ai été stupéfait de voir qu’une méthode qui fonctionne, qui fonctionne tellement bien que Todmorden s’est développé dans 35 communes en Angleterre avec le soutien du prince Charles et que les gens sont ravis, restait inconnue chez nous. Rien en France. Et donc on s’est réuni en famille avec quelques amis. Et on s’est dit : c’est génial. Il faut le faire. Donc, on s’est lancé dans l’aventure. C’est comme cela qu’on a expérimenté ce mouvement qui est un mouvement collectif, citoyen, un mouvement qui vient des gens. Et on a commencé à le faire devant cette maison. Comme disait Gandhi, soyez le changement que vous voulez voir dans le monde,  on a commencé par nous même.

 

Colroy-la-Roche : les étapes d’un processus

 Le principe pour réaliser cette démarche citoyenne est très simple. On l’a expérimenté à Colroy-la-Roche. Même une seule personne peut démarrer. C’est étonnant ! Parfois, il y a des groupes qui démarrent à 30 ou 40, mais il y a des communes où cela a démarré avec une seule personne.

Quand on a démarré à Colroy la Roche, mon épouse a accepté de lancer l’appel de Colroy. L’étape 1, c’est de se prendre en photo durant la pancarte de la commune. On se prend en photo devant le panneau avec le visuel : Nourriture à partager : Incroyables Comestibles France. Et puis on prend aussi des râteaux, des binettes, des outils de jardinage, des arrosoirs. Et on prend aussi quelques fruits et légumes. Cette étape est très importante parce que c’est le point de départ d’un processus où les citoyens vont changer de regard. Ils vont acter l’intention délibérée d’engager un processus collectif sur le territoire, et cela dans le respect de la loi, dans une démarche de pacification. C’est autorisé à tout le monde de se prendre en photo devant une pancarte. C’est une démarche bienveillante.

On passe ensuite à l’étape 2. On va partager la photo sur les réseaux sociaux, sur un blog, sur un site internet et lancer l’appel aux autres à participer. Donc l’étape 2, c’est de la communication. Aujourd’hui, on la relaie en faisant passer l’information sur le site des « Incroyables Comestibles. France » et à nos amis anglais de Todmorden. Il y a une carte mondiale et, sur cette carte, on place une petite balise de la commune où des citoyens se lancent. On passe du local au global. Les gens se relient entre eux. Si en plus, on associe la presse quotidienne régionale, la radio, les gens autour de vous peuvent découvrir qu’il y a une démarche collégiale et ils proposent de vous rejoindre. C’est ce qui se passe régulièrement.

Ensuite, l’étape 3. Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde. On commence par soi-même. Chacun est invité à faire sa part. On met un bac devant la boite à lettres sur l’espace privé ouvert au public. Certaines personnes n’ont pas d’espace devant. Elles placent une jardinière sur le balcon. Dans un logement collectif, il n’y avait devant que 50 cm de terre avec des buissons. Des mamans et des enfants ont planté des framboisiers, avec : « nourriture à partager » et une petite information. Alors des voisins ont demandé : « Qu’est ce qui se passe ? ». « Oui, c’est sympa ! » Les gens se mettent à parler… Voilà l’étape numéro 3. Chacun fait sa part.

On arrive à l’étape 4. On passe à la dimension collective. On va organiser une réunion publique dans la salle des fêtes. On va sur des marchés. On va créer l’événement en allant à la rencontre des autres pour faire monter le mouvement collectif, ce mouvement citoyen. Et quand on arrive à susciter une certaine dynamique dans la commune, généralement les élus en ont entendu parler et souvent les conseils municipaux viennent à la rencontre.

Et dans l’étape 5, on tente de rallier le conseil municipal de manière à ouvrir l’espace public pour transformer la ville en parcours potager libre et gratuit.

Aujourd’hui, neuf mois auprès le dĂ©but de l’action, les « Incroyables Comestibles » fleurissent partout en France. On enregistre plus d’une action par jour en France et dans le monde. C’est tellement sympathique, c’est tellement efficace, un vĂ©ritable retour au bon sens de produire et de consommer localement, que parfois, le mĂŞme jour, tout se met en place jusqu’au maire et au conseil municipal qui viennent en soutien et qui proposent de coopĂ©rer ».

François Rouillay nous fait part ensuite de belles expériences dans son département, mais aussi dans d’autres régions de France. Il nous raconte des initiatives en arboriculture pour remettre en circuit des anciennes espèces et créer des vergers citoyens. Il nous rapporte une dynamique à laquelle des enfants participent activement : « Ces enfants ouvrent une voie pour ce nouvel art de vivre, de produire et consommer facilement, de s’entraider, d’être dans un mouvement joyeux et solidaire, intergénérationnel ».

 


 

Changer de système. De la pénurie à l’abondance

 

Dans un contexte de déclin industriel, les anglais à Todmorden ont intitulé le mouvement : « Incredible Edible Unlimited ». Il y a là une ambition : un horizon illimité. « Le cités industrielles en déclin renaissent de leurs cendres et se disent illimitées. La créativité est illimitée. On peut passer d’un système de pénurie à un système d’abondance. Tout cela par un simple changement de regard. Les anglais nous expliquent qu’ils ont quitté la croyance erronée qu’ils étaient victimes de génération en génération, et, du jour au lendemain,  en abandonnant le système de peur de l’autre, de peur du lendemain qui conduit à la loi du plus fort, de la compétition qui, on le voit bien, génère de l’exclusion, on quitte l’ancien système qui ne fonctionne plus et qui est en bout de course pour entrer dans un nouveau système qui est inclusif, accessible à chacun. Les handicapés, les enfants, les personnes âgées peuvent participer de manière simple à créer de l’abondance… C’est facile à comprendre : vous prenez une semence de comestible, vous la plantez dans le sol, la terre vous en rend cent fois plus. Vous en plantez mille, elle en rend cent mille. Et si vous êtes 15 000 à le faire le même jour, qu’est ce qui se passe ? Et bien, c’est ce qui s’est passé à Todmorden. Et aujourd’hui, c’est ce que nous mettons en place dans nos villes : 1 000 pommiers en une journée. Nous invitons les habitants à créer l’abondance sur les territoires. On a une démarche citoyenne qui est très simple : Nourriture à partager… Servez-vous librement ! C’est gratuit ! »

 

Changer de regard

        

Un petit logo représente un haricot qui germe. « C’est une invitation à une prise de conscience. De génération en génération, on nous a transmis cette croyance erronée qui est la peur du manque. Moi-même, j’ai perçu cela. Et donc, j’ai un tas d’exemples. Aujourd’hui, on s’aperçoit que c’est complètement faux. La terre est généreuse. On plante une graine. La terre nous en rend cent fois plus. Quand vous avez changé de regard et que vous avez commencé à faire l’expérience, vous voyez le monde totalement différent ».

Il y a une grande crise économique et financière en Europe. Il y a des collectivités entières avec des taux de chômage très élevés. Des populations ne profitent pas des bienfaits de la terre. « Si vous changez le regard, et que vous faites le lien entre ces populations et la terre, on peut passer de la pénurie à l’abondance. C’est ce que Todmorden a fait puisqu’en 4 ans. Todmorden est arrivé à 83% d’autosuffisance alimentaire. Maintenant, on peut le faire en 10 mois parce que Todmorden partage son expérience gratuitement avec tout le monde.

Le meilleur est à venir. Pourquoi ? Parce que nous avons décidé de le créer et de le vivre ensemble. En nous connectant et en nous reliant les uns aux autres avec la terre, nous en faisons l’expérience ici et maintenant.

 

Les enfants sont nos guides

 

La raison pour laquelle ce mouvement se développe partout et sans frontières, c’est que c’est simple à réaliser et que la terre est généreuse, si simple que même les enfants peuvent le faire.

Et les enfants aiment le faire. On dit que les enfants sont nos guides. Pourquoi les enfants sont nos guides ? Parce que quand vous confiez à des enfants la responsabilité de planter des semences pour faire un jardin à partager, les enfants vont jusqu’au bout.

D’abord, ils s’émerveillent de manière naturelle. Ils s’émerveillent de voir que cela pousse. Ils trouvent cela merveilleux. Ils vont arroser toutes les semaines.

Ce qui est extraordinaire, c’est que pour l’enfant lorsqu’on lui dit, c’est pour partager, il le croit immédiatement. Pour l’enfant, le partage, c’est quelque chose de naturel. L’abondance dans la nature est un phénomène naturel. C’est un changement de regard.

 

Fêter l’abondance. Partager un repas

 

Nos amis anglais nous disent : « Célébrate ! ». Faites la fête de l’abondance. Et, pour cela, il n’y a rien de mieux que de partager des fruits et des légumes, en mangeant ensemble. L’assiette, le repas, c’est ce qui nous unit ». François Rouillay évoque l’expérience des « soupes du partage ». On apporte ce qu’on a. « Ceux qui savent cuisiner vont apprendre aux autres à faire de délicieux potages ».

 

Une économie de proximité

 

Qu’est ce que vont penser les maraîchers locaux ? Vont-ils craindre une concurrence ? « Et bien non, c’est tout le contraire. Actuellement, nous sommes soutenus par les maraîchers locaux parce ce que c’est par le changement de regard qu’on va réactiver les circuits courts ». A Todmorden, l’économie est repartie. On recrée des emplois. Le changement repose sur trois plaques tournantes : la communauté (la participation citoyenne), l’éducation et la pédagogie avec en  priorité les enfants, l’économie locale. Si on relie ces trois pôles, « vous avez un cercle vertueux, un système complètement évolutif et accessible à chacun ».

 

Un horizon nouveau

 

«  La terre peut nourrir tous ses enfants sans problème. On se redonne un avenir. On se recrée un monde du possible, un monde de gentillesse, de bienveillance. Non nous ne sommes pas emprisonnés dans la pénurie. Nous sommes créateurs de ce monde où on peut vivre dans une forme d’abondance partagée.

Pierre Rabhi nous parle de « sobriété heureuse ». Il parle des 3 H : humus, humilité, humanité. C’est cela notre leitmotiv : guérir la terre, recréer l’humus et, en humilité, nourrir l’humanité ».

 

La montée d’une conscience nouvelle

 

Dans notre société en mutation où les menaces abondent, il est bon de mettre en évidence des courants et des mouvements à travers lesquels la collaboration et la solidarité se manifestent (5). Ce sont là des signes qui nous encouragent et nous éclairent. Le mouvement : « Incroyables Comestibles » fait partie de ces changements qui débouchent sur un nouveau genre de vie et qui témoignent d’une transformation en profondeur des mentalités. François Rouillay met en évidence la portée de ce changement. C’est à la fois une nouvelle forme d’économie fondée sur le partage et un nouveau genre de vie. Mais c’est aussi une conception nouvelle du monde. Ici, ce n’est plus la force et l’exclusion qui dominent, c’est la collaboration et l’inclusion (6). Ici l’homme ne se prétend plus maître et seigneur de la nature (7), mais il la respecte et considère avec reconnaissance les bienfaits d’une « terre généreuse » et le potentiel d’abondance qui lui est ainsi offert.

 

Nous voyons également dans ce mouvement une signification spirituelle qui transparaît dans cette interview à de nombreuses reprises. « Comme disait Gandhi, soyez le changement que vous voulez voir dans ce monde ». Cette réalité spirituelle est particulièrement sensible chez les enfants qui y sont prédisposés (8). François Rouillay nous montre comment les enfants participent avec enthousiasme à ce mouvement : « Ils s’émerveillent de manière naturelle… Pour eux, le partage, c’est quelque chose de naturel. L’abondance dans la nature est un phénomène naturel. C’est cela le changement de regard ».

Toutes ces observations évoquent pour nous le message des évangiles. Jésus ne donne-t-il pas les enfants en exemple ? Ne nous montre-il pas un Dieu qui exprime sa bonté dans la profusion de la nature ? Ne nous invite-t-il pas à une convivialité fraternelle dans des repas partagés ? Certes ce message a souvent été perdu de vue dans un héritage religieux en osmose avec une société menacée par la mort et marquée par la domination, la répression et l’exclusion. François Rouillay évoque le souvenir du manque présent encore aujourd’hui, mais en remontant dans le passé, on y rencontre des famines. Ainsi, si nous vivons aujourd’hui dans une période difficile, il y a néanmoins une évolution des esprits qui permet l’éclosion d’un nouveau genre de vie. Les mentalités évoluent. Ainsi reconnaît-on davantage aujourd’hui les dispositions positives et un chercheur comme Jérémie Rifkin a pu écrire un livre sur la reconnaissance et le développement de l’empathie (9). Si le christianisme occidental a été pollué pendant des siècles par l’idéologie mortifère du péché originel, une transformation intervient là aussi. A cet égard, le livre de Lytta Basset : « Osons la bienveillance » est particulièrement éclairant (10). En prenant en exemple certains épisodes de la vie de Jésus, elle nous montre comment la bienveillance peut s’exercer et se répandre aujourd’hui. Et cette vertu est bien présente dans le mouvement des « Incroyables comestibles ». Dans le contexte de notre réflexion personnelle, nous percevons  dans la dynamique de ce mouvement une inspiration de l’Esprit telle qu’elle nous est décrite par Jürgen Moltmann, théologien de l’Espérance (11). « Etre vivant signifie exister en relation avec les autres. Vivre, c’est la communication dans la communion… L’« essence » de la création dans l’Esprit, c’est la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit, dans la mesure où elles font reconnaître l’« accord général » ». La création et le développement des «Incroyables comestibles » nous apparaît comme un phénomène émergent. Moltmann apporte un éclairage sur la signification de l’émergence en y voyant un processus d’« auto-organisation » de la vie, un « saut qualitatif ». Il y perçoit «  une présence de l’Esprit divin qui pousse vers la transcendance et qui, dans l’apparition de nouveaux ensembles, anticipe la réalité future dans le Royaume de Dieu ».

Les « Incroyables Comestibles » nous apparaissent comme une remarquable « innovation sociale qui revêt une vraie portée socio-politique et socio-culturelle. Bien sûr, dans la crise de grande ampleur à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui, cette approche ne résout pas tous les problèmes. Elle apporte sa part, mais c’est une contribution substantielle. Elle participe à l’apparition d’une nouvelle économie et d’un nouveau genre de vie.  Telle qu’elle nous est décrite, elle apparaît comme « une Révolution tranquille » qui concerne à la fois l’économie, le social et la culture. Mise en évidence vécue et concrète d’une étonnante dynamique,  sens visionnaire, expression chaleureuse, bon sens et sagesse se conjuguent pour faire de cette interview de François Rouillay une ressource particulièrement précieuse,  une source d’enthousiasme dans un temps où nous devons faire face à beaucoup de morosité.

J H

 

(1)            La dynamique intervenue à Todmorden est relatée dans une vidéo sous-titrée en français accessible sur le site des « Incroyables Comestibles » http://lesincroyablescomestibles.fr

(2)            Les Incroyables Comestibles. Plantez des légumes. Faites éclore une révolution. L’incroyable histoire de Todmorden. Préface de François Rouillay. Postface de Gilles Daveau. Actes Sud/Colibris, 2015. Ce livre, traduit de l’anglais, relate l’histoire de Todmorden, mais, à travers la contribution de François Rouillay, il rend compte brièvement de l’histoire du mouvement en France et nous donne un état de la situation actuelle comme sa présence active dans quelques villes comme Albi, Bayonne, Besançon et La Rochelle.

(3)            Site des « Incroyables Comestibles » : http://lesincroyablescomestibles.fr

(4)            Interview de François Rouillay en vidéo (Le Chou Brave) : https://www.youtube.com/watch?v=ZfFbD9pBREA

(5)            Des courants et des mouvements novateurs porteurs de collaboration et de solidarité. Sur ce blog : « Une révolution de « l’être ensemble ». « Vive la co-révolution. Pour une société collaborative » (Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot) : https://vivreetesperer.com/?p=1394  « Pour une société collaborative » (Pippa Soundy) : https://vivreetesperer.com/?p=1534  Anne-Sophie Novel, militante écologiste et pionnière de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975       « OuiShare, communauté pionnière dans le champ de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1866 « Une jeunesse engagée pour une société plus humaine et plus durable » (Myriam Bertrand) : https://vivreetesperer.com/?p=1780 « Thomas d’Ansembourg : un citoyen pacifié devient un citoyen pacifiant » : https://vivreetesperer.com/?p=2156   « Discerner les voies pour une société plus humaine (« Les voies d’espérance ») » : https://vivreetesperer.com/?p=1992 « Appel à la fraternité » : https://vivreetesperer.com/?p=2086

(6)            « Dedans… Dehors ! Face à l’exclusion, vivre une commune humanité » : https://vivreetesperer.com/?p=439 « Dedans… Dehors ! Un chemin de liberté (Philippe Molla) : https://vivreetesperer.com/?p=444

(7)            « Vivre en harmonie. Ecologie, théologie et spiritualité (Jürgen Moltmann) » : https://vivreetesperer.com/?p=757

(8)            Sur le site de Témoins : « L’enfant est un être spirituel : une prise de conscience révolutionnaire  (Rebecca Nye) » : http://www.temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1106:l’enfant-est-un-être-spirituel&catid=14:developpement-personnel&Itemid=84        Sur ce blog : « L’enfant : un être spirituel » : https://vivreetesperer.com/?p=340

(9)            Sur le site de Témoins : « Vers une civilisation de l’empathie. A propos du livre de Jérémie Rifkin. Apports, questionnements et enjeux » : http://www.temoins.com/etudes/recherche-et-innovation/etudes/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux

(10)      Sur ce blog : « Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand. (Lytta Basset : Osons la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842

(11)       La pensée de Jürgen Moltmann est présenté sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com   Les citations présentes dans cet article sont extraites du livre : « Dieu dans la création » (Cerf, 1988) : p 15 et 25. Et de « Ethics of hope » (Fortress Press, 2012) p 126.

Non-violence : une démarche spirituelle et politique

Mandela et Gandhi, acteurs de libération et de réconciliation

Selon Eric et Sophie Vinson

518-zvi9UyL._SX319_BO1,204,203,200_ Vaincre une oppression à travers une action non-violente, est-ce possible ? Comment une telle lutte peut-elle l’emporter face à un grand pouvoir ? Lorsqu’on visite l’histoire du XXé siècle, on y rencontre de grands malheurs, mais aussi de grands mouvements de libération, qui ont remporté la victoire sans recourir à la violence. De grandes figures jalonnent ce parcours : Gandhi, Mandela, Martin Luther King (1). Sur un registre plus discret, d’autres mouvements ont œuvré pour la paix et la réconciliation à travers des rencontres bienveillantes. Ce fut le cas du Réarmement moral suscité par Frank Buchman, qui, après la seconde guerre mondiale a agi en faveur de la réconciliation franco-allemande et pour une transition pacifique vers l’indépendance dans certains pays d’Afrique (2). Aujourd’hui, l’aspiration à résoudre pacifiquement les conflits se poursuit. Ainsi se développe actuellement une approche de « Communication non- violente » (CNV), telle qu’elle a été conçue par un pionnier, Marshall Rosenberg (3). Cette approche peut s’appliquer dans diverses situations. Aujourd’hui, on prend conscience que « La paix, ça s’apprend », comme nous y invite un livre récent de Thomas d’Ansembourg (4).

Face à la violence, ce qui compte en premier, c’est un état d’esprit : un choix de paix, une volonté de bienveillance. Cette disposition est source de courage, de patience et de créativité. Elle transforme les relations. Gandhi et Mandela se rejoignent dans l’histoire par la manière dont ils ont remporté la victoire sur des forces d’oppression. Eric Vinson et Sophie Viguier-Vinson ont consacré un livre à cette dynamique de paix : « Mandela et Gandhi. La sagesse peut-elle changer le monde ? » (5). Effectivement, ces deux hommes, aujourd’hui célèbres, ne sont pas sans rapport. En effet, si l’engagement de Gandhi est chronologiquement antérieur à celui de Mandela, il y a entre eux une forte interconnexion à travers un champ commun : l’Afrique australe, un adversaire semblable : l’impérialisme colonial occidental, des modes d’action comparables : le primat de la non-violence avec une part d’inspiration chrétienne. Voici deux personnalités qui ont marqué le XXè siècle dans des séquences historiques différentes.

 

Itinéraires

Rappelons brièvement les itinéraires.

Gandhi demeure aujourd’hui encore une source d’inspiration. Car s’il s’inscrit dans un univers culturel spécifique, il anticipe également à travers une conscience de la non-violence et de l’écologie. Sa culture s’enracine dans un entre-deux entre l’Inde et l’Angleterre à la fin du XIXè siècle. Et lorsqu’il rejoint la communauté indienne de l’Afrique Australe, il y découvre la sujétion à laquelle cette communauté est soumise par le pouvoir local. A partir de 1906, à travers sa profession d’avocat, il s’engage dans des campagnes de « désobéissance civile » contre les discriminations. De retour en Inde à partir de 1915,  son action pour libérer le pays du pouvoir colonial va se dérouler pendant plusieurs décennies jusqu’aux années de l’après-guerre où l’indépendance l’emporte et où Gandhi est assassiné en 1948. Et pendant toutes ces années, Gandhi a mené la lutte en conjuguant plusieurs orientations : spirituelles, sociales, politiques et écologiques.

Né en 1918, Nelson Mandela grandit dans l’ambiance très libre d’une communauté rurale africaine. Lorsqu’il arrive en ville, il achève ses études d’avocat et commence à participer à la lutte contre l’apartheid menée par le Congrès national africain (ANC). Il prend une place grandissante dans ce combat et, en 1962, il est condamné à un emprisonnement de longue durée. Il va ainsi resté prisonnier pendant 27 ans, d’abord au pénitencier de Robben Island, puis bien plus tard, dans une condition plus libérale, jusqu’à sa libération en 1990. Dans sa négociation avec le pouvoir dominant, il parvient à imposer la fin de l’apartheid et à initier un processus politique non- violent à travers lequel, en 1994, il accède à la présidence par des élections démocratiques. Comme président, il va assurer la transition démocratique jusqu’en 1999. Les auteurs du livre écrivent à ce sujet : « C’est un immense et incomparable changement. Multiséculaire,  le régime fondé sur la discrimination raciale a donc pris fin, avec sa version la plus achevée : l’apartheid en place depuis 45 ans. Pas à pas, ce dernier va être remplacé par une démocratie représentative, égalitaire en droits. Le tout sans une guerre civile totale » (p 171) .

Ces notations très schématiques sur l’itinéraire de ces deux grandes personnalités, des géants de l’histoire, vont nous permettre d’aborder maintenant les caractéristiques de l’action non-violente et une initiative de réconciliation sans égale : la  Commission Vérité et Réconciliation organisée sous l’impulsion de l’archevêque Desmond Tutu. Au passage nous observerons les ressources spirituelles, morales et intellectuelles qui ont permis la victoire de cette action non-violente.

 

Une lutte non-violente

Dans la lutte menée contre la domination coloniale, Gandhi et Mandela ont mis en œuvre une action non-violente.

Gandhi a ouvert la voie. Pourquoi et comment Gandhi a-t-il choisi ce mode d’action ? Ce livre nous explique son cheminement. C’est tout d’abord une attitude d’inspiration spirituelle qui s’est développée dans son milieu familial et culturel. « C’est dans son cadre domestique que Gandhi est sensibilisé à la notion centrale dans le jaïnisme, d’ « ahima » qui revient  à « ne léser aucune vie », signifiant littéralement « non-nuisance » en sanskrit. Ce terme essentiel chez Gandhi, est le plus souvent rendu dans les langues occidentales par le terme de « non-violence ». Norme éthique et spirituelle, ce principe caractérise la voie mystique et ascétique, née du sous-continent indien… ». D’action en réaction, « la violence conduit à la souffrance de tous ». « La non-nuisance, et à fortiori l’altruisme aimant et compatissant permettent de rompre un cercle vicieux pour conduire à terme tous les êtres à la sagesse et au bonheur » (p 34). C’est dans cet état d’esprit : « un idéal de maitrise de soi bienveillante » qu’en 1888, Gandhi quitte sa patrie pour venir à Londres étudier le droit. Et, dans cette capitale-monde, il va poursuivre son cheminement spirituel dans la rencontre de différents courants religieux et philosophiques occidentaux, mais aussi orientaux. Ainsi raconte-t-il que le « Sermon sur la Montagne » lui alla droit au cœur. « Et moi, je vous dis de ne pas résister à celui qui vous maltraite… ». Ma jeune intelligence s’efforça d’unir dans un même enseignement la Gitâ, la Lumière de l’Asie et le Sermon sur la Montagne » ( p 47).  Et lorsque, avocat diplômé, il rejoint l’Afrique du Sud, en 1893, il va poursuivre ses lectures et trouver une inspiration chez des auteurs comme H.D. Thoreau, Ruskin et Tolstoï.

En Afrique du Sud, Gandhi subit quelques expériences humiliantes de discrimination. Cependant, la communauté indienne est prospère et ce n’est qu’au début du XXè siècle qu’elle se trouve menacée. En 1906, face à un projet de discrimination des asiatiques, Gandhi s’engage dans une action non-violente. Cette lutte va se poursuivre dans les années suivantes : marches de protestation, emprisonnements. Gandhi exprime cette désobéissance civile dans un terme indien : « satyagraha » : « idée de fermeté-vérité », de « force de la vérité ». Les auteurs notent la capacité de Gandhi de négocier en accordant une confiance qui a été parfois trahie . «  Un satyagrahi » n’a jamais peur de faire confiance à son adversaire… au nom de la confiance implicite dans la nature humaine qui fait partie de sa philosophie…Une logique comparable à celle de Mandela toujours soucieux de maintenir ou de rétablir un lien d’humanité, par delà les antagonismes politiques (p 98). De retour en Inde en 1915, Gandhi, accueilli en héro et baptisé Mahatma (la grande âme) s’engage sur plusieurs fronts : « Parallèlement aux actions non-violentes, il met en œuvre de  multiples leviers économiques, éducatifs, sanitaires, culturels, permettant aux personnes et communautés de véritablement rompre à long terme avec un système injuste » (p 103).

Le leadership de Gandhi dans les campagnes d’action non-violente menées par la communauté indiennes au début du XXè siècle en Afrique du Sud a exercé une grande influence à long terme et ce mode d’action a été repris par le Congrès National Africain et par Mandela après la seconde guerre mondiale dans la lutte contre l’apartheid institué en 1948.

Mandela a grandi en liberté dans un milieu rural inspiré par une spiritualité traditionnelle et par une foi chrétienne méthodiste. Puis il rejoint Johannesburg, la grande ville, en 1941 et ses études débouchent sur une profession d’avocat. Ses lectures sont variées et incluent des oeuvres marxistes. Son engagement dans la lutte menée par le Congrès National Africain (ANC) contre l’apartheid est de plus en plus marqué. Cette action s’exerce dans une pratique non violente telle qu’elle a été inaugurée par Gandhi dans ce pays et qu’elle a continué ensuite à inspirer l’organisation africaine. En 1952, une vaste mobilisation défiant le gouvernement emprunte ce mode d’action. Mandela expérimente pour la première fois la répression et l’incarcération.        « Il subit la brutalité des gardiens, mais goute aussi la camaraderie des codétenus. Alors que nous allions en prison, les voix des volontaires qui chantaient : « Nkosi sikelel iAfrika » (« Dieu bénisse l’Afrique ») faisaient vibrer les camions » (p 107). Mandela sort transformé de la campagne de 1952. « Elle m’avait libéré de tout sentiment de doute ou d’infériorité que je pouvais avoir… » (p 107).

Au début des années 60, dans un climat de grande tension, un débat s’ouvre où Mandela en vient à préconiser la création d’une branche militaire au sein de l’ANC. Il s’en explique par la suite en ces termes : « j’ai suivi la stratégie Gandhienne autant que j’ai pu, mais notre lutte arrive à un point où la force brutale de l’oppresseur ne pouvait plus être contrée par la seule résistance passive. Nous avons donc fondé une branche militaire. Mais, même alors, nous avons choisi le sabotage parce qu’il n’impliquait pas mort d’homme, et que cela ménageait le meilleur espoir pour les relations raciales à venir » (p 124). Mais très vite, il est arrêté à la fin de1962. Il est condamné à la prison à perpétuité. Il va rester en détention plus de 27 ans. Dès le début, il décide de résister et d’imposer le respect à ses surveillants. C’est une résistance non violente qui prend des formes multiples. Ses armes sont d’abord le droit. La fraternité, l’étude, l’autodiscipline s’inscrivent dans cette voie militante. Pour Mandela, cette détention est aussi une expérience intérieure. Et, « capitaine de son âme », Mandela va aussi le rester intellectuellement en lisant et en apprenant (p 131). Cependant, au fil des années, ses rapports avec l’administration pénitentiaire vont évoluer. Ce livre nous décrit l’influence d’une attitude non violente par rapport aux gardiens et l’évolution intérieure de Mandela. « La métamorphose du prisonnier Mandela a permis une humanisation contagieuse dont il a ensuite bénéficié. Il a lâché prise, s’est apaisé, a puisé au plus profond et s’est renforcé jusqu’à pouvoir s’ouvrir à  ses ennemis dont il partageait alors la vie. Et les regarder avec compassion, ce qui a déclenché en eux… un processus mimétique. Devenu plus attentif à son humanité, à son intériorité, en les cultivant, il a modifié ses qualités de présence et de relation, et, à long terme, cela a fait la différence comme si les autres cœurs environnants s’étaient mis peu à peu au diapason » (p 152).

Réconciliation, justice, réparation, pacification

 

La Commission Vérité et Réconciliation

A travers une lutte non violente, Gandhi et Mandela sont parvenus à obtenir la libération de peuples opprimés. Sous la direction de Mandela, l’Afrique du Sud a également évité les affres de la guerre civile.  Cependant, issu des souffrances du passé, un mal intérieur profond demeurait. « La politique d’apartheid a créé une blessure profonde dans mon pays et dans mon peuple. Il nous faudra des années et peut-être des générations pour guérir de ce mal terrible » écrit Mandela à la fin de ses mémoires ( p 177). Ici encore Mandela va jouer un rôle décisif : dépasser l’alternative tragique du maitre et de l’esclave théorisée par Hegel, selon le commentaire des auteurs du livre. C’est un humanisme spirituel. Barack Obama l’a souligné : Mandela « comprenait les liens qui unissent l’esprit humain… « l’ubuntu » incarne son plus grand don : celui d’avoir reconnu que nous sommes tous unis par des liens invisibles, que l’humanité repose sur un même fondement, que nous nous réalisons en donnant de nous-mêmes aux autres. Non seulement, il incarnait l’ubuntu, mais il avait aussi appris à des millions d’autres à découvrir cette vérité en eux. Il fallut un homme comme Mandela pour libérer non seulement le prisonnier, mais aussi le geôlier » ( p 178).

Dans ce contexte, une innovation va apparaître : la création de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) sous l’impulsion de l’archevêque anglican Desmond Tutu. C’est la mise en œuvre d’un processus de réconciliation et de guérison collective. Dans un contexte de médiation, puissamment porté par une dimension spirituelle et religieuse d’inspiration chrétienne, une expression concrète des victimes et des bourreaux va pouvoir advenir. « Les victimes sud-africaines pourront dire à haute voix les coups reçus, les peines vécues, et les bourreaux d’hier, le mal qu’ils ont fait, en tant qu’agents institutionnels du régime » (p 184). « La commission recueille les récits des forfaits subis entre 1960 et 1994 dans le cadre de l’apartheid et elle écoute leurs auteurs (perpetrators) sur la base du volontariat. De quoi établir la vérité des faits en permettant à ceux qui les ont perpétrés d’avouer publiquement pour les aider à se libérer de leur culpabilité » (p 185), cette confession pouvant déboucher sur une amnistie. Le processus va effectivement assainir le climat. « L’amnistie publique accordée d’un commun accord… et la « réconciliation » refondent l’Afrique du Sud d’après l’apartheid, constate le spécialiste du pays, PJ Salazar » (p 188).

Cette innovation spécifique est aussi un exemple pour l’humanité d’aujourd’hui. Dans un certain contexte, une forme de réparation, une réconciliation peut advenir dans un processus social de médiation. Les auteurs du livre ont une formule heureuse pour caractériser les fruits de ce processus : « C’est la refondation éthico-spirituelle d’une nation » (p 188). Ils nous aident également à en comprendre les ressorts.

La composante chrétienne, et plus généralement religieuse, de ce processus est évidente. Elle se manifeste notamment à travers le rôle majeur joué par Desmond Tutu, un pasteur-prêtre anglican, engagé de longue date, dans la lutte non violente contre l’apartheid et dans une vision spirituelle imprégnée d’œcuménisme et de dialogue interreligieux. Ainsi, au cours de l’histoire, si la religion a pu être un outil de domination suscitant le rejet, elle a été et elle est également une force de libération.

Un des fruits de ce processus est aussi l’éclosion d’une « justice réparative ». «  Cette forme de justice cherche à mobiliser tous et chacun, dans la quête de solutions pragmatiques permettant la réponse d’une vie commune apaisée… Elle résulte d’une combinaison de droit et de politique, de droit et d’anthropologie, de droit et de psychologie » explique le magistrat Garapon (p 191).

Ainsi, l’œuvre de la Commission Vérité et Réconciliation se situe à un confluent. Différents apports s’y croisent et s’y enrichissent mutuellement et des fruits diversifiés en résultent. En cette terre africaine, la sagesse locale de l’ubuntu, c’est la reconnaissance de l’interdépendance entre les hommes qui s’inscrit dans une transcendance. C’est une approche dans laquelle Mandela et Gandhi se rejoignent et que Desmond Tutu a pu exprimer en termes théologiques. C’est bien là aussi un apport à toute l’humanité.

Ainsi ce livre d’Eric et de Sophie Vinson se révèle une précieuse contribution. Il nous éclaire sur un aspect significatif de l’histoire du XXè siècle, un registre de lumière en regard des ravages engendrés par des idéologies totalitaires. Il nous montre le caractère réaliste d’une approche encore souvent méconnue : la non violence. Cette approche exigeante requiert une inspiration qui s’appuie sur des ressources spirituelles, religieuses, philosophiques. A travers une analyse historique fortement documentée, ce livre nous en fait part. Enfin cet ouvrage nous permet d’apprécier le rôle des personnalités ; la part des hommes dans l’histoire. Le leadership de Gandhi et de Mandela a permis à des peuples entiers d’accéder à une libération et d’échapper à des grands malheurs. En croisant les itinéraires de ces deux leaders, les auteurs nous permettent de mieux comprendre les ressorts de leur action. Et ils nous introduisent dans la dimension spirituelle de la politique. « Chacun à leur façon, Gandhi et Mandela manifestent une certaine manière de vivre et de faire de la politique. Ils s’imposent comme des figures singulières, en ce qu’ils connectent le débat démocratique avec une autre dimension de l’existence à la fois personnelle, universelle et transcendante ». ( p 249) (6). « D’autres figures historiques se sont inscrites dans cette démarche et forment une même famille, celle des démocrates spirituels, qui articulent démocratie et intériorité, intime et collectif, tradition et modernité. Ces hommes mobilisent le champ sémantique et pratique du spirituel »  (p 250). Voici  un livre qui appelle une large audience.

J H

 

(1)            Sur ce blog : « la vision mobilisatrice de Martin Luther King «  I have a dream » : https://vivreetesperer.com/?p=1493

(2)            La riche histoire du Réarmement moral et de son fondateur Frank Buchman est relatée sur la « free wikipedia ». C’est l’appel au changement personnel pour contribuer au changement du monde. En 2001, le mouvement prend un nouveau nom : « Initiatives et changement » : https://en.wikipedia.org/wiki/Moral_Re-Armament                 Acteur d’Initiatives et changement, Frédéric Chavanne œuvre pour la réconciliation des peuples, notamment dans la relation France-Maghreb. Sur ce blog : « Construire une société ou chacun se sentira reconnu et aura sa place » : https://vivreetesperer.com/?p=1240

(3)            Présentation de la Communication non violente par Marshall Rosenberg en trois vidéos : https://www.youtube.com/watch?v=f99Xvp3yFPg

(4)            « Une bonne nouvelle : la paix, ça s’apprend » : Présentation du livre de Thomas d’Ansembourg et de David Reybroucq : La paix, ça s’apprend. Guérir de la violence et du terrorisme.          https://vivreetesperer.com/?p=2596

(5)            Eric Vinson. Sophie Viguier-Vinson. Mandela et Gandhi. La sagesse peut-elle changer le monde ? Albin Michel, 2018       Voir aussi  une présentation sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/mandela-gandhi-sagesse-changer-monde/

(6)            Ce rapprochement entre Mandela et Gandhi apparaît à bien des gens sensibilisés à leur engagement. Des vidéos sur You Tube en témoignent. En 2017, aux Pays-Bas, une exposition : « We have a dream » a réuni Martin Luther King, Mandela et Gandhi : https://www.youtube.com/watch?v=48AzHI9_wrk

 

Une mobilisation démocratique face à la violence des pays inégaux

Un chemin vers la sécurité dans les pays mortifères

Selon Rachel Kleinfeld

 

Il y a dans le monde une violence meurtrière. Nous prenons part à la souffrance des peuples déchirés par la guerre : Syrie, Afghanistan, Irak. Les médias nous en parlent abondamment. Mais il y a aussi dans le monde d’autres pays où sévit une violence meurtrière. Les dégâts sont considérables, mais le fait est beaucoup moins connu. C’est pourquoi une intervention de Rachel Kleinfeld au sommet Ted 2019 (1) nous paraît particulièrement importante. Rachel Kleinfeld travaille dans un think tank international : le Fond Carnégie pour la paix internationale (Carnegie Endowment for international peace). Elle a pour mission de conseiller  les gouvernements pour les aider à remédier à la violence. Et là, elle a découvert qu’une bonne partie de la violence meurtrière qui sévit dans le monde passe inaperçue.  De fait, il y a dans le monde des pays inégalitaires qui sont marqués par une extrême violence. Mais cette situation n’est pas irrémédiable. Rachel Kleinfeld nous montre comment, en certains lieux, une mobilisation démocratique a rompu la spirale de la violence. Il y a « un chemin vers la sécurité dans les pays les plus mortifères (« A path to security for the world deadliest countries).

 

Les pays les plus dangereux

« Le Brésil est aujourd’hui le pays le plus violent au monde. Dans les trois dernières années, il ya plus de gens qui y sont décédés de mort violente qu’en Syrie. Et, au Mexique, il y a plus de gens qui y sont morts ainsi qu’en Irak ou en Afghanistan . Et, à la NouvelleOrléans, il y a plus de morts violents par habitant que dans un pays déchiré par la guerre comme la Somalie…. De fait, 18% seulement des morts violentes dans le monde sont causées par la guerre. Aujourd’hui, les probabilités de mourir de mort violente est plus grande si vous vivez dans une démocratie à niveau de vie moyen avec une grande inégalité de revenu et une forte polarisation politique.  Sait-on qu’il y a aux Etats-Unis quatre des cinquante villes les plus violentes du monde ? ». Rachel Kleinfeld nous amène ainsi à une prise de conscience. Nous découvrons une nouvelle forme de violence. C’est un défi, mais ce n’est pas une fatalité. Un petit nombre de gens peuvent faire beaucoup pour mettre fin à la violence dans nos démocraties. Et si le vote fait partie du problème, c’est aussi la clef de la solution.

 

Lorsque la violence meurtrière devient ordinaire.

Le méfait des privilèges

En comparant des statistiques, Rachel Kleifeld a découvert qu’il y a des journalistes assassinés dans des pays qui ne sont pas dépourvus économiquement. Mais ces pays sont marqués par une grande inégalité sociale et les privilèges d’une petite minorité qui tient le pouvoir en s’appuyant sur des groupes mafieux.

A partir de l’exemple du Vénézuéla où le nombre de morts violents par habitant est aujourd’hui le plus élevé du monde, Rachel Kleinfeld analyse un processus dans lequel le pouvoir politique se maintient au pouvoir à travers des groupes qui finissent par l’emporter sur les autorités légitimes : justice et police.  Dans ce processus, dans certains pays d’Amérique latine, en regard les pauvres cherchent à s’organiser, mais ce processus dégénère à son tour.

Rachel Kleinfeld pointe un autre aspect du problème. Généralement la violence est concentrée dans des quartiers démunis. « Elle affecte les gens du mauvais côté de la ville, les gens qui sont pauvres, marginaux, souvent colorés. Les classes moyennes habitent dans un meilleur environnement. Elles peuvent regarder de loin le phénomène de la perturbation sociale. « Nous nous disons que la plupart des gens qui sont tués sont eux-mêmes des gens probablement impliqués dans le crime ». On se rassure et on se désintéresse.

La violence meurtrière aujourd’hui n’est plus majoritairement le résultat d’une guerre. C’est la conséquence d’une politique pourrie dans certaines démocraties. Et là, les citoyens qui votent peuvent être la force la plus efficace pour le changement.

 

Lorsqu’une mobilisation démocratique renverse la violence.

Ici, Rachel Kleinfeld nous fait part d’un exemple remarquable de mobilisation démocratique.

En 1994, la corruption et le pouvoir de la drogue régnait en Colombie. Mais, à l’élection municipale de Bogota, une mobilisation  démocratique se réalisa et un candidat indépendant fut élu à la mairie par 2/3 des électeurs.

Le nouveau maire Mockus reprit en main la police qui  ne réagissait plus à la violence : « Ce sont juste des criminels qui tuent d’autres criminels ». Une police honnête finit par réémerger. Le maire développa également une politique de solidarité, demandant aux plus riches de verser volontairement 10% d’impôt de plus..

A la fin de la décennie, après deux mandats, l’homicide à Bogota avait diminué de 70%.

 

Comment renverser la violence ?

Que ce soit en Colombie ou aux Etats-Unis dans les endroits où règne la violence, les responsables peuvent agir et faire la différence.

« Ce que nous pouvons faire de plus important, c’est d’abandonner l’idée qu’il y a des vies qui sont moins importantes que les autres, que certains peuvent être tués ou assassinés parce qu’après tout ils sont coupables de quelque chose… Cette dévaluation de la vie humaine, une dévaluation que nous osons à peine nous avouer à nous même, est ce qui permet à la chute vers la violence de commencer ». Partout, les victimes de la violence sont des gens qui sont du mauvais côté de la ville au mauvais moment.

Ensuite, nous devons reconnaître que l’inégalité dans nos pays est aujourd’hui une cause de violence plus grande que la guerre. Entre autres, l’inégalité entraine une séparation entre les quartiers. « Nous devons payer des impôts et demander que nos gouvernants mettent de bons enseignants et une police bien entrainée dans les quartiers menacés. Nous savons aujourd’hui beaucoup de choses sur la manière de réduire la violence, par exemple mettre davantage de police qualifiée là où il y a le plus de violence. C’est la tâche des hommes politiques responsables.

Les régimes les plus violents tendent à être nourris et entretenus par la drogue Comprendre que le système a une dimension internationale. Des  régimes financiers à rendre plus transparents.

Cette violence n’est pas une fatalité. L’homicide a baissé au cours des siècles. Des victoires ont été remportées de la Colombie à New-York où l’homicide a baissé de 85% depuis 1990. Rachel Kleinfeld nous adresse un message d’action et et d’espoir. La violence a baissé pendant des siècles et elle pourrait baisser encore plus rapidement.

Certes, les situations varient. La dimension idéologique est une autre variable qui induit des formes différentes (2), mais il y a là une inspiration qui en rejoint d’autres et vaut dans différents contextes (3).

J H

  1. Rachel Kleinfeld TEDSummit 2019 A path to security for the world’s deadliest countries https://www.ted.com/talks/rachel_kleinfeld_a_path_to_security_for_the_world_s_deadliest_countries/transcript?utm_source=newsletter_daily&utm_campaign=daily&utm_medium=email&utm_content=button__2020-01-17
  2. « Un silence religieux » : https://vivreetesperer.com/un-silence-religieux/
  3. « Un environnement pour la vie. Comment la toxicomanie est liée à l’isolement social et peut trouver un remède dans un environnement positif » : https://vivreetesperer.com/un-environnement-pour-la-vie/ « Le secret d’une résistance non- violente efficace » : https://vivreetesperer.com/le-secret-dune-resistance-non-violente-efficace/

 

Barack Obama : un homme de bonne volonté

A la recherche d’une humanité plus solidaire.

 

Dans ce monde fragile et instable, le rôle des Etats-Unis d’Amérique, qui reste la première puissance mondiale, est évidemment considérable. Ainsi, dans une planète,  de plus en plus interdépendante, l’élection du président des Etats-Unis retient aujourd’hui l’attention de tous les habitants du monde, au moins de ceux qui ont conscience de cette interrelation. Ainsi, avions-nous vécu avec consternation la défaite d’Al Gore face à George W. Bush, il y a douze ans. Nous avions comme un  pressentiment que ce choix du peuple américain était dangereux. Hélas, la guerre d’Irak a suivi.

 

Ainsi, avons-nous salué la victoire de Barack Obama en 2008 avec d’autant plus d’enthousiasme qu’à notre sens ce choix ouvrait un nouvel horizon pour les Etats-Unis et pour notre planète. Dans cette « nation-monde » que sont devenus les Etats-Unis, microcosme de notre univers par la participation de cultures issues de l’Afrique, de l’Amérique latine et de l’Asie, cette élection marquait en effet une grande victoire contre la discrimination raciale et ouvrait un chemin vers la « modernité métisse » dont nous parle Jean-Claude Guillebaud dans une belle analyse du monde nouveau qui s’annonce (1). Dans le même mouvement, la politique internationale des Etats-Unis retrouvait le sens du respect mutuel. C’était aussi une victoire de valeurs qui élargissent la vie démocratique en mettant l’accent sur la solidarité dans la lutte contre des inégalités qui engendrent le malheur de beaucoup de gens et le désordre dans la société et dans l’économie. C’était aussi une prise de conscience écologique, le souci d’assurer le respect de la nature et la survie de la planète. Nous nous sommes expliqué sur la manière dont nous avons perçu le grand tournant qu’a été l’élection de Barack Obama. (2)

 

Depuis, les années ont passé, avec tout un lot de désillusions. Les commentateurs ont mis en évidence les limites de l’action engagée par ce président. Mais celui-ci a du faire face à la grande crise économique et aux forces conservatrices qui ont fait barrage dans d’autres instances. On peut enregistrer des désaccords, constater un passif, mais la longue bataille pour un élargissement de la protection de la santé et la relative victoire qui a été remportée, ont manifesté la persévérance de ce président. Et lorsque, à l’occasion de cette campagne, on peut prendre du recul, il apparaît que Barack Obama a poursuivi un dessein dans un contexte difficile avec les erreurs humaines qui sont le lot de chacun.

 

Ainsi, sans parti pris et sans nous attacher au détail d’un programme sur lequel nous n’avons pas à nous prononcer, nous avons à nouveau considéré les enjeux. Un examen des forces en présence nous a rappelé le clivage qui existe dans ce pays entre un choix de solidarité sociale et un individualisme conservateur. Et dans une relation profonde avec le message de l’Evangile, nous ne pouvons approuver un socle de pensée que l’on pourrait exprimer dans les termes : « Chacun pour soi et Dieu pour tous » !

 

Lorsqu’on considère la motivation de  Barack Obama, on constate à travers son parcours et son expression qu’il est imprégné des paroles du Christ qui nous appelle à porter attention aux pauvres et aux déshérités (3). Bien sûr, en admettant que le message chrétien peut être interprété avec des accents différents, nous sommes néanmoins attristé que Barack Obama suscite tant d’allergie dans plusieurs milieux chrétiens américains (4). On peut entendre en partie cette méfiance comme l’expression d’une mentalité qui est attachée à l’ordre et à l’autorité. A propos de cette élection, un commentateur chrétien, Jay Butcher (5), rappelle les paroles de Jésus sur l’exercice du pouvoir : « Vous savez que les chefs de nations les tyrannisent et que les grands les asservissent. Il n’en sera pas de même parmi vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur » (Matthieu 20 . 25-26). Lorsque nous regardons la personne de Barack Obama, sa sensibilité (6), son empathie, son respect vis à vis des autres, son intelligence compréhensive, on se dit qu’à sa mesure et dans son contexte, il s’efforce de suivre une éthique caractérisée par une attention à l’autre et un esprit de service. Ainsi, dans l’humanité qui se révèle à travers son parcours, on peut dire de lui qu’il est « un homme de bonne volonté ».  C’est un encouragement dans la recherche d’un monde plus humain et plus solidaire.

 

J H

 

(1)            Guillebaud (Jean-Claude).  Le commencement d’un monde. Vers une modernité métisse . Seuil, 2008. Mise en perspective : «Vers une modernité métisse » http://www.temoins.com/societe/vers-une-modernite-metisse-le-commencement-d-un-monde-selon-jean-claude-guillebaud./toutes-les-pages.html

(2)            « Le phénomène Obama . Un signe des temps » http://www.temoins.com/societe/le-phenomene-obama.-un-signe-des-temps/toutes-les-pages.html

(3)            Pendant la campagne, un site : « People of faith for Obama » a exprimé l’inspiration spirituelle du candidat : « Le président Obama est un chrétien engagé (« committed christian ») qui sait que la foi et les valeurs ne sont pas seulement un ancrage personnel. Elles sont aussi une force puissante pour le bien commun ». Ce texte met l’accent sur la solidarité et l’attention pour les plus défavorisés.  Voir la vidéo… http://www.barackobama.com/people-of-faith/  Diana Butler Bass, historienne, sociologue et théologienne, décrit Barack Obama comme témoignant d’une foi chrétienne où convergent la conviction passionnée de l’église afro-américaine, l’ouverture oecuménique du protestantisme contemporain et le christianisme social qui remonte à la fin du XIXè siècle. C’est une synthèse originale. http://www.freerepublic.com/focus/f-news/2948039/posts

(4)            Un site : « Pew forum of religion and public life » est une source régulière d’information statistique et sociologique sur les attitudes religieuses et la vie publique. La répartition des votes n’a pas beaucoup changé depuis la dernière élection présidentielle. Le candidat républicain recueille une majorité substantielle de votes chez les évangéliques blancs et chez les pratiquants assidus. Obama recueille une majorité substantielle de votes chez les protestants noirs, les catholiques hispaniques, les juifs et les personnes sans affiliation religieuse. http://www.pewforum.org/Politics-and-Elections/How-the-Faithful-Voted-2012-Preliminary-Exit-Poll-Analysis.aspx

(5)            «The best is yet to come » par Jay Butcher, du « London Institute for Contemporary Christianity. http://us5.campaign-archive1.com/?u=2d890204e49f49d788e3a0b12&id=d46d3887bd&e=6d2a513188

Cette sensibilité se manifeste dans une vidéo émouvante où Obama, remerciant ses jeunes supporters, essuie quelques larmes : http://www.youtube.com/watch?v=6pB6vqb2fnY

Une espérance fondatrice

Comment envisager la vie dans une dynamique de l’espérance ?

Dans une séquence sur la foi dans le monde d’aujourd’hui, Richard Rohr nous parle de l’espérance fondatrice. : « Fondational hope » (1). Elle s’inscrit dans l’amour de Dieu pour nous. « Le savant jésuite Teilhard de Chardin écrit que « l’amour est la structure physique de l’univers » . Notre manière de dire la même chose théologiquement est de rappeler que Dieu nous a fait à son image : « Let us create in our image » (Genèse 1 .26), dans l’image du Dieu triun, qui est amour, une source dynamique et renouvelée d’un flux infini et d’un accueil infini.

Nous pouvons également percevoir un sens. « Si Dieu est à la fois incarné et implanté, à la fois Christ et Esprit Saint, alors un dynamisme intérieur se déployant dans toute la création n’est pas seulement certain, mais il se meut  dans une direction positive. Un objectif divin est toujours devant nous, attendant d’être dévoilé. Les forts souhaits de mort , les tueries de masse, les suicides et le montant élevé de conflit émotionnel que nous expérimentons aujourd’hui dans notre monde est surement pour une part, un résultat de notre échec majeur à apporter à notre civilisation occidentale une compréhension positive et pleine d’espérance de notre propre « bonne nouvelle ». Et la bonne nouvelle doit être sociale et cosmique, et pas seulement à mon sujet, à propos de « moi ».

En quoi avons- nous besoin d’espérance ? « Une espérance fondatrice demande une croyance fondatrice dans un monde qui se déploie encore et toujours vers quelque chose de meilleur. C’est la vertu de l’espérance. Personnellement j’ai trouvé qu’il était presque impossible de guérir des individus dans le long terme si  l’arc cosmique entier n’était pas aussi une trajectoire vers le bien »

Il n’est pas toujours facile d’espérer. « Évidemment quelquefois, les souffrances et les injustice de notre époque rendent difficile de croire dans l’arc de l’amour. Steven Charleston, ancien de la tribu Chotaw et évêque de l’église épiscopale décrit en des termes pratiques comment cet amour et cette espérance fondatrice nous entoure sans cesse :

« Les signes sont tout autour de nous. Nous pouvons les voir surgir comme les fleurs sauvages après la pluie dans la prairie Les gens qui se sont endormis se réveillent. Les gens qui ont été heureux d’observer désirent participer. Les gens qui ne disaient jamais un mot, se mettent à parler. Le point de bascule de la foi est le seuil de l’énergie spirituelle où ce que nous croyons devient ce que nous faisons. Quand la puissance est libérée, rien ne peut l’arrêter, car l’amour est une force que rien ne peut contenir. Regardez et voyez les milliers de nouveaux visages qui se rassemblent, venant de toutes les directions. C’est le signe d’espérance que vous attendiez ».

Apprenons à  vivre l’espérance. « L’espérance nous fait voir littéralement la présence et l’action de ce qui est saint dans nos vies quotidiennes. Ce n’est pas un désir imaginaire à travers des lunettes en  rose. C’est une évidence solide de la puissance de l’amour qui se rend visible dans l’abondance ».

Ecoutons nouveau Steven Charleston : « Quelquefois, dans ce monde troublĂ© qui est le notre, nous oublions que l’amour est partout autour de nous. Nous imaginons le pire en pensant aux autres gens et  nous nous retirons dans nos coquilles. Mais essayons ce simple test : Tenez-vous tranquille dans un lieu frĂ©quentĂ© et observez les gens autour de vous. En peu de temps, vous commencerez Ă  voir l’amour et vous le verrez Ă  nouveau et Ă  nouveau. Une jeune mère parlant Ă  son enfant,  un couple riant ensemble en marchant cote Ă  cote, un homme âgĂ© ouvrant la porte Ă  un Ă©tranger – les petits signes d’amour sont partout. Plus vous regardez, plus vous verrez. L’amour est littĂ©ralement partout. Nous sommes environnĂ© par l’amour ».

Apprenons à contempler. « Il y a là un appel puissant à un regard de contemplation pour voir le monde autour de nous. Les signes d’amour abondent, nous rappelant la nature essentielle de Dieu.

J H

  1. Richard Rohr. A foundational hope  31 may 2021: https://cac.org/foundational-hope-2021-05-31/