Un usage de facebook

Un usage de facebook

L’usage d‘internet a transformĂ© entiĂšrement notre genre de vie dans la plupart de secteurs de notre activitĂ© du travail et de commerce Ă  l’information aux loisirs. On pourrait Ă©numĂ©rer les cas oĂč il s’est rĂ©vĂ©lĂ© ou se rĂ©vĂšle indispensable. Cependant, on peut sans doute se demander s’il n’y a pas lĂ  aussi un revers de la mĂ©daille. Effectivement, on redoute aujourd’hui la dĂ©pendance que l’usage d’internet peut susciter jusqu’à un effet d’addiction. C’est la crainte exprimĂ©e par Sophie Lavault, docteure en neurosciences et psychologie clinique. « L’hyper connectivitĂ© nous procure tant de shoots de dopamine qu’elle nous coupe du lien authentique avec nous-mĂȘmes et avec les autres ; sous l’emprise de nos Ă©crans, nous ne prenons plus le temps de ressentir, ni d’observer. DĂ©connectĂ©s de notre propre corps, nous le sommes de notre environnement naturel au point de dĂ©truire plutĂŽt que de prĂ©server ». Aussi a-t-elle Ă©crit un livre qui engage Ă  « revenir Ă  soi » (1). De mĂȘme, si on peut reconnaitre, pour une part, dans la montĂ©e des rĂ©seaux sociaux , une extension des liens sociaux et  une Ă©mergence de conscience commune, on peut Ă©galement redouter  y voir apparaitre la formation de clans, une agressivitĂ© mimĂ©tique, une violence numĂ©rique, une manipulation de l’information. Nous sommes interpellĂ©s.

On connait aujourd’hui l’extension et la rĂ©partition des rĂ©seaux sociaux dans le monde. Si Facebook est le rĂ©seau social le plus frĂ©quentĂ© dans le monde avec prĂšs de 3000 milliards d’utilisateurs actifs mensuels en 2023, en France, il totalise 40 millions d’utilisateurs actifs mensuels. Si il est en perte de vitesse parmi les plus jeunes, passant au cinquiĂšme rang des rĂ©seaux frĂ©quentĂ©s chez les 18-24 ans, il continue une lĂ©gĂšre progression chez les plus ĂągĂ©s (2).

Dans ce grand nombre d’usagers, chacun est singulier dans sa frĂ©quentation. Comme les interpellations vis-Ă -vis de l’utilisation d’internet s’adresse Ă  tous, chacun peut Ă©galement y apporter une rĂ©ponse personnelle. Nous nous sommes interrogĂ©s sur notre propre usage de Facebook.

 

Contexte de notre présence sur Facebook

Facebook se prĂ©sente ainsi : « Facebook est un rĂ©seau social grand public. Il permet Ă  ses utilisateurs de rester en contact avec leurs amis, familles, connaissances, en interagissant grĂące Ă  des publication, des commentaires, des likes, de participer Ă  des groupes en fonction de leurs intĂ©rĂȘts ».  Nous sommes entrĂ©s sur Facebook, il y a une douzaine d’annĂ©es, engagĂ© dans une recherche personnelle se traduisant par une Ă©criture pour un blog : « Vivre et espĂ©rer », et, Ă  l’époque, la mise en valeur de l’Ɠuvre du thĂ©ologien ; JĂŒrgen Moltmann dans un autre blog : « L’Esprit qui donne la vie ». ParallĂšlement, depuis des annĂ©es, nous participions au site de TĂ©moins, association chrĂ©tienne interconfessionnelle.  En entrant dans Facebook, nous souhaitions y trouver, pour une part, un espace de dialogue. Dans une condition de veuvage, pouvoir Ă©largir mon Ă©ventail de relations Ă©tait Ă©galement un souhait. Cependant, je ressentis trĂšs tĂŽt ma particularitĂ© d’arrivant relativement isolĂ©. De nombreux participants frĂ©quentaient Facebook avec un rĂ©seau bien constituĂ©, y partageant les apports de leurs loisirs, notamment de leurs vacances, parfois des rĂ©flexions ou des Ă©motions. J’en Ă©tais un spectateur bienveillant et reconnaissant pour la vie bonne qui s’y exprimait. Progressivement, je dĂ©couvris la vie des uns et des autres et Ă  travers les « j’aime », une attention plus ou moins mutuelle put s’instaurer.  A travers les demandes, le public sâ€˜Ă©largit puisqu’il compte aujourd’hui 530 amis. On doit dire ici Ă©galement que mon savoir-faire dans l’usage de Facebook est limitĂ©. Par exemple, je ne recours pas Ă  la messagerie : Messenger.

Aujourd’hui, depuis quatre ans, relĂ©guĂ© dans un Ehpad, Ă  la suite d’un covid, puis de l’épidĂ©mie et de l’impossibilitĂ© de retrouver mon genre de vie initial, mon isolement s’est accru. Mais Facebook s’avĂšre alors vĂ©ritablement secourable par l’accĂšs ouvert sur la nature et sur l’art par de magnifiques photos et par une ambiance bienveillante. Et il continue Ă  ĂȘtre une source d’information trĂšs efficace oĂč je puise abondamment tant pour mes choix de livres que pour ma participation Ă  TĂ©moins. A plusieurs reprises, j’ai relatĂ© sur ce blog, mon usage de Facebook (3). Ce furent des Ă©tapes dans  l’expression de mon ressenti.  Je rĂ©itĂšre ici avec un peu plus de recul.

 

Une ouverture à la beauté

Comment est-ce que je perçois les principaux apports de mon fil Facebook?

Un des apports majeurs, c’est une ouverture Ă  la beautĂ© au moins sous un double aspect : la beautĂ© de la nature et la beautĂ© des Ɠuvres d’art.  Nombreux sont les ami(e)s qui partagent des photos de paysage, aujourd’hui entre autres, L P , JM T ,  F S , N H , L P
Plus largement, ce sont des photos de nature, comme des fleurs. Je pense actuellement Ă  de superbes photos de montagne. On peut admirer aussi des photos d’un auteur de livres publiant de sublimes photos de paysages mĂ©ridionaux, de la Drome notamment, D Massivement, les organismes de tourisme de toutes les rĂ©gions de France diffusent de magnifiques photos de paysage. Je revisite ainsi un pays que j’ai aimĂ© et admirĂ©:  le golfe du Morbihan. Cependant circulent aussi de nombreuses peintures de paysage. J’ai dĂ©couvert ainsi le grand nombre et la variĂ©tĂ© des peintures de Claude Monet, Ă©bloui par l’expression de son ressenti, une beautĂ© toujours actuelle. Mais la proposition est variĂ©e et je trouve des perles dans les multiples expressions actuelles de l’art naĂŻf. Certains nous font connaitre des peintures peu connues d’autres pays europĂ©ens ( P S)

 

Expressions de vie

Le philosophe et sociologue, Charles Taylor, nous a montrĂ© comment nous sommes entrĂ©s dans un Ăąge de l’authenticitĂ© (4). « Les historiens et sociologues s’accordent pour reconnaitre un tournant majeur dans la vie sociale et culturelle des pays occidentaux dans les annĂ©e 60
L’individualisme s’est dĂ©sormais dĂ©placĂ© sur un axe nouveau sans abandonner les anciens pour autant. En plus de l’individualisme moral/spirituel et instrumental se rĂ©pand dĂ©sormais un individualisme « expressif ». Cette expressivitĂ©, cette expression de soi est trĂšs prĂ©sente sur Facebook. Certes, elle prend des formes diffĂ©rentes. Certains sont discrets, d’autres expriment leurs Ă©tats d’ñme.  Cependant, communiquer sur Facebook, c’est Ă©videmment exprimer ce qui vous tient Ă  cƓur sur diffĂ©rents registres. Mais cette expression est tournĂ©e vers le partage. Pour certains, cette expressivitĂ© se manifeste dans une manifestation de leur vie personnelle. Ainsi, une « amie » anglaise J E , partage non seulement de belles contributions picturales, mais elle nous associe Ă  sa vie quotidienne et Ă  son histoire familiale.   Sensible au visage de l’humain, elle aime partager des photos de ceux qui l’entourent.  D’autres expressions sont plus discrĂštes. Ainsi, MF R nous fait dĂ©couvrir la beautĂ© dans sa campagne, mais exprime aussi sa vision de la vie. Et P S  ne nous entretient pas seulement de la vie de sa province, mais il participe Ă  un site protestant et, de temps Ă  autres, laisse transparaitre ses opinions politiques.

 

Propositions spirituelles et religieuses

La part des relations chrĂ©tiennes, catholiques et protestantes ou autres, est ici importante au point oĂč il est difficile de toutes les mentionner. Il y a donc des commentaires journaliers d’évangile ( J T et M CT), de nombreux commentaires bibliques (Reg P,  Prot B,  L P), des messages d’ouverture chrĂ©tienne (C C  M J) des textes engagĂ©s concernant la vie des Ă©glises ( R P,  C P,  A S, Conf bapt, , H L
 ) Bien sĂ»r, il se trouve des rĂ©flexions thĂ©ologiques (  Transcend , P L , J C,  DF)  de libres expressions (M M, J C S,  MH M C, H RG ),  des tĂ©moignages d’acteurs engagĂ©s ( R G , B C) On peut ajourer Ă  ce groupe des acteurs spirituels comme Hum N et ses interviews en vidĂ©o,  D GQ et ses dialogues en quĂȘte spirituelle ou encore JP O.. On ajoutera ce qui tient aux relations entre psychologie et spiritualitĂ©.  La poĂ©sie est Ă©galement trĂšs prĂ©sente, notamment dans Ă©crits de Christian Bobin et de Jean LavouĂ©.  Ajoutons Ă  cette Ă©numĂ©ration trĂšs vaste et qui parait fastidieuse en l’absence des noms et des contenus, l’apport de B C qui se manifeste en terme d’un flux de vidĂ©os et de textes qui concernent Ă  la fois le religieux et le politique . L’offre est consĂ©quente et, dans cet ensemble, des affinitĂ©s peuvent s’établir.  De temps Ă  autre, une lueur vient nous Ă©veiller De plus, nous pouvons recueillir lĂ  nombre d’informations pour le site de TĂ©moins

 

Vie sociale, Ă©conomique et politique

La vie sociale, Ă©conomique et politique apparait Ă  travers la contribution de quelques ami(e)s et quelques publicitĂ©s d’organisme. Sur notre fil, ce secteur a une place seconde. Parmi les thĂšmes abordĂ©s, l’écologie occupe une place majeure. Les grands Ă©vĂšnements se rĂ©percutent trĂšs vite, notamment l’information concernant les dĂ©cĂšs de grandes personnalitĂ©s. Il me semble que les questions politiques se manifestent trĂšs diffĂ©remment selon les pĂ©riodes. Actuellement, leur prĂ©sence ne me parait pas Ă  la mesure des enjeux. Notons Ă  nouveau la richesse du flux de vidĂ©os et de textes communiquĂ©s par B C. C‘est un apport prĂ©cieux.

 

Les vidéos

Facebook comporte Ă©galement une rubrique vidĂ©os, mais celles-ci ne sont pas choisies par des « ami(e)s. Elles sont trĂšs variĂ©es quant Ă  leurs origines et Ă  leurs sujets. Ainsi elles concernent-elles la vie des animaux, les relations humaines, la psychologie, la philosophie, les sciences, le message chrĂ©tien dans ses diffĂ©rentes formes, voire un message musulman. La tonalitĂ© induit frĂ©quemment des sentiments positifs : les vidĂ©os de Thomas d’Ansembourg se proposent de nous aider Ă  comprendre notre maniĂšre de vivre en relation., les courts interviews rĂ©alisĂ©es par Human Nadj  auprĂšs de personnes tĂ©moignent d’un humanisme psychologique et spirituel dans une sphĂšre oĂč la culture musulmane est bien reprĂ©sentĂ©es, des vidĂ©os  nous montrent une entraide chez des humains ou des animaux, la prĂ©sentations d’initiatives humaine innovantes (Brut), des messages chrĂ©tiens de diffĂ©rents origine, notamment d’origine africaine entre autres l’Église mĂ©thodiste de Cote d’Ivoire,  le rĂ©cit d’expĂ©riences spirituelles, des messages qui nous apportent des visions nouvelle sur la conscience, la santĂ©, l’histoire africaine.. C’est un espace de dĂ©couverte. En ce moment, pourtant crucial, cette rubrique manifeste une grande discrĂ©tion sur le plan politique

 

Diversité

Notre description est incomplĂšte .  En prĂ©sentant notre fil, nous avons choisi d’énoncer les noms par des initiales par discrĂ©tion et dans l’impossibilitĂ© d’une exhaustivitĂ©. Il y a des thĂšmes prĂ©sents de temps en temps sur notre fil, notamment Ă  travers des publicitĂ©s d’organisme, comme la santĂ© par exemple.

 

Facebook comme cadeau

A l’heure oĂč les critiques se multiplient contre les rĂ©seaux comme propagateur de fausses nouvelles ou porteur de sĂ©grĂ©gation sociale, notre expĂ©rience personnelle nous permet de mettre en Ă©vidence la diversitĂ© des situations

Il y a bien un premier enseignement qui apparait. Si le dispositif du rĂ©seau prĂ©dispose, l’usage personnel de chacun est dĂ©terminant.

Si Facebook encourage finalement une interaction positive Ă  travers l’usage prĂ©dominant des « like », est-ce que nous-mĂȘme, nous sentons-nous heureux de manifester abondamment notre attention, notre estime, notre sympathie. Tout en gardant une volontĂ© de sincĂ©ritĂ©, j’ai choisi cette attitude, mĂȘme si elle me semble peu payĂ©e de retour. A travers ce que les gens disent d’eux-mĂȘmes et de leurs activitĂ©s sur le fil Facebook, nous finissons par les connaitre pour une part. Et nous pouvons leur ĂȘtre reconnaissant, car, en s’exposant, ils nous accordent une part de confiance dans le partage de leurs joies et parfois de leurs inquiĂ©tudes et de leurs peines. Cela me fait penser au coq d’un livre d’enfant qui de son clocher, disant aux gens du village : « je t’ai vu ». Et bien Ă  nous de faire le choix de la sympathie.   Nous nous rappelons ici une pensĂ©e d’Antonio Spadaro dans son livre : « Quand la foi passe par le rĂ©seau ». Il nous appelle, dans un esprit de convivialitĂ© et de fraternitĂ© Ă  faire Ă©voluer le net d’un lieu de « connexion » Ă  un lieu de « communion ». « La connexion en soi ne suffit pas Ă  faire du Net un lieu de partage pleinement humain. Travailler en vue d’un tel partage est la tĂąche spĂ©cifique du chrĂ©tien » (5). Il y a la une exigence qui m’interpelle et qui m’invite Ă  grandir spirituellement.

Cependant, il y a Ă©galement dans l’offre de Facebook des propositions qui suscitent L’admiration, l’émerveillement, la « awe » (6) et, en consĂ©quence, la reconnaissance, e la gratitude (7). Ce sont lĂ  deux rĂ©alitĂ©s Ă©minemment spirituelles et Ă©galement bienfaisantes   Certains paysages, certaines peintures nous paraissent admirables. Pour moi, cette admiration peut dĂ©boucher sur la louange et la reconnaissance. C’est la parole d’un psaume : « Que tes Ɠuvres sont grandes, O Éternel. Et je chante avec allĂ©gresse l’ouvrage de tes mains » (Ps 92).

Cette offre est d’autant plus prĂ©cieuse lorsqu’on vit dans un isolement relatif et qu’elle vient compenser des manques comme une accession difficile Ă  la nature

On peut ajouter que Facebook permet aussi d’esquisser une forme de dialogue Ă  travers des commentaires. C’est un germe de rĂ©flexion partagĂ©e

 

En manque

Certes, de nombreux messages appellent la rĂ©flexion.  D’autres suggĂšrent une mĂ©ditation. Mais, au total, sur notre fil, nous voyons peu de rĂ©flexions Ă©tayĂ©es, construites Nous y portons des extraits de textes des diffĂ©rentes rubriques de Vivre et espĂ©rer : histoires et projets de vie, expĂ©rience de vie et relation, culture et sociĂ©tĂ©, Ă©mergence Ă©cologique, vision et sens.  Et nous abondons en mĂȘme temps, notre page Facebook : Vivre et espĂ©rer.   Dans ces textes, nous nous sommes donnĂ©s pour but d’apporter, de la maniĂšre la plus accessible possible, un Ă©clairage qui puisse contribuer Ă  rendre plus justes , plus pertinentes, nos reprĂ©sentations, en pensant que ces reprĂ©sentations ont ensuite des effets sur nos actes. Ainsi prĂ©sentons-nous des livres français et Ă©trangers qui s’appuient sur l’expĂ©rience de leurs auteurs, mais aussi sur des apports sociologiques, psychologiques, scientifiques, philosophiques et thĂ©ologiques. Nous remercions les quelques-uns qui marquent leur apprĂ©ciation de cet apport, souvent ou de temps Ă  autre. Notre regret est que ces textes ne suscitent davantage d’attention dans un public qui, au total, apparait plutĂŽt comme cultivĂ© et spirituel.  En regard, nous nous rĂ©jouissons de l’attention que certains portent aux photos de nature extraites de notre collection de photos flickr

 

Se remettre en question

Lorsque Sophie Lavault nous met en garde vis-Ă -vis de l’hyperconnectivitĂ© et, en consĂ©quence un danger d’addiction et de dĂ©connexion avec soi-mĂȘme, lorsqu’on y rĂ©flĂ©chit, c’est notre propre usage d’internet qui est mis en question.  Je m’interroge sur mon usage de Facebook.  Certes, dans ma condition, il m’apporte un lien essentiel avec la nature et avec la vie sociale. Il suscite des sentiments qui fondent la vie comme la sympathie, l’émerveillement, la gratitude. Le danger rĂ©side dans une consultation accĂ©lĂ©rĂ©e : passer d’un post Ă  un autre sans prendre le temps suffisant pour le gouter.   Il y a un risque de banalisation qui entrainerait un Ă©moussement de notre Ă©merveillement. ou de notre attention. Lorsque Saint-ExupĂ©ry Ă©crit le « Petit Prince », il nous montre combien l’édification d’un lien requiert un apprivoisement lequel requiert du temps. Si nous passons trop rapidement d’une perle Ă  une autre, il y a danger de banalisation. « Ralentir pour sentir », c’est l’expression qui sert d’identifiant Ă  un « ami » de Facebook.  Je me suis rendu compte combien il Ă©tait bienfaisant de m’attarder sur une belle photo et de la contempler. La mĂȘme attitude vaut pour notre attention aux moments de vie qui nous sont prĂ©sentĂ©s sur Facebook et sur les sentiments qui y sont Ă©voquĂ©s. Dans quelle mesure, ma louange ou ma priĂšre sont-elles mobilisĂ©es ?

A deux reprises, sur ce blog, je me suis interrogĂ© sur mon usage de Facebook (3) Sans doute, la perception de cet usage varie selon la condition du moment. Aujourd’hui, je mesure le cadeau qui m’est fait, et qui, quelles qu’en soient les limites, m’appelle Ă  en faire un sage usage et Ă  en prendre soin.

J H

 

  1. Sophie Lavault. Revenir Ă  soi Comment le numĂ©rique nous dĂ©connecte de nous-mĂȘmes. Albin Michel. 2023
  2. Facebook : les chiffres essentiels : https://blog.digimind.com/fr/agences/facebook-chiffres-essentiels
  3. Mon expérience de Facebook 2017 https://vivreetesperer.com/mon-experience-de-facebook/            Facebook en question  2020 :  https://vivreetesperer.com/facebook-en-question/
  4. L’ñge de l’authenticité : https://www.temoins.com/lage-de-lauthenticite/
  5. Cyberespace et théologie : https://www.temoins.com/cyberespace-et-theologie/
  6. Ebloui par l’émerveillement : https://vivreetesperer.com/ebloui-par-lemerveillement/  Comment la manifestation de l’admiration et de l’émerveillement exprimĂ©es par le terme de « awe » peut transformer nos vies : https://vivreetesperer.com/comment-la-reconnaissance-et-la-manifestation-de-ladmiration-et-de-lemerveillement-exprimees-par-le-terme-awe-peut-transformer-nos-vies/
  7. La gratitude, un mouvement de vie : https://vivreetesperer.com/la-gratitude-un-mouvement-de-vie/

 

Pour vivre ensemble, il faut ĂȘtre orientĂ© vers l’avenir

Jean-Claude-Guillebaud : « Une autre vie est possible »

 Pour aller de l’avant, nous avons besoin d’un horizon. Et aujourd’hui, dans cette pĂ©riode difficile, et Ă  travers l’information dominante, nous sommes menacĂ©s par la morositĂ©. Pour certains, l’horizon paraĂźt bouchĂ©. Nous avons besoin de discernement et d’espĂ©rance. Comme correspondant de guerre, pendant plus de trente ans confrontĂ© Ă  des catastrophes, puis comme chercheur engagĂ© dans la comprĂ©hension de notre Ă©poque Ă  partir des sciences humaines, Jean-Claude Guillebaud a toute lĂ©gitimitĂ© pour nous interpeller en proclamant dans un de ses derniers livres : « Une autre vie est possible ». Sur ce blog, nous avons mis en valeur l’apport de cet ouvrage (1). Aujourd’hui, celui-ci est publiĂ© en livre de poche (2),  et, Ă  cette occasion, l’auteur s’adresse Ă  nous Ă  travers une courte vidĂ©o (3).

Son message s’ouvre sur un tĂ©moignage.  Dans les catastrophes auxquelles il a assistĂ©, il a vu des gens espĂ©rer et lutter. « Pendant des annĂ©es, j’ai appris l’espĂ©rance auprĂšs des gens qui vivaient dans des tragĂ©dies ». Et, Ă  ses retours en France, il Ă©tait d’autant plus affectĂ© par la « sinistrose », un Ă©tat d’esprit nĂ©gatif qui prĂ©valait dans certains milieux. Aujourd’hui encore, il constate dans la presse, dans les mĂ©dias, une amplification des malheurs, une « disposition aux catastrophes ». Et certes, l’information a pour mission de couvrir toute la rĂ©alitĂ©, mais il ne faudrait pas oublier de donner aussi les bonnes nouvelles. Il est important de dĂ©velopper le sens des proportions.

Jean-Claude Guillebaud nous appelle Ă  l’espĂ©rance. « Je suis pour ce que j’appelle un optimisme stratĂ©gique ». « Etre optimiste, cela ne veut pas dire que tout va bien. C’est justement lorsque les choses vont mal qu’on doit ĂȘtre capable de se tenir debout et d’ĂȘtre habitĂ© par l’espĂ©rance ». Et nous avons besoin d’un horizon. « La dĂ©mocratie, c’est le goĂŽt de l’avenir. On ne peut pas vivre ensemble sans un projet
Pour vivre ensemble, il faut ĂȘtre orientĂ© vers l’avenir ».

#

VoilĂ  une pensĂ©e qui en rejoint d’autres comme celle de JĂŒrgen Moltmann, le thĂ©ologien de l’espĂ©rance.  L’espĂ©rance, nous dit Moltmann, suscite notre motivation.  Peut-on agir si nous avons l’impression de nous heurter Ă  un mur ? Pour agir, nous avons besoin de croire que notre action peut s’exercer avec profit : « Nous devenons actifs pour autant que nous espĂ©rions
 Nous espĂ©rons pour autant que nous pouvons entrevoir des possibilitĂ©s futures. Nous entreprenons ce que nous pensons ĂȘtre possible ». Ce regard inspire notre comportement sur diffĂ©rents registres, dans la vie quotidienne, mais aussi dans la vie sociale . « Une Ă©thique de la crainte nous rend conscient des crises. Une Ă©thique de l’espĂ©rance perçoit les chances dans les crises ». « L’espĂ©rance chrĂ©tienne est fondĂ©e sur la rĂ©surrection du Christ et s’ouvre sur une vie qui est Ă  lumiĂšre d’un nouveau monde suscitĂ© par Dieu » (4)

J H

 

(1)            Guillebaud (Jean-Claude). Une autre vie est possible. Comment retrouver l’espĂ©rance ? L’Iconoclaste, 2012 . Mise en perspective sur ce blog : « Quel avenir pour le monde et pour la France . Choisir l’espĂ©rance, c’est choisir la vie ». https://vivreetesperer.com/?p=937

(2)            Guillebaud (Jean-Claude). Une autre vie est possible. Pocket, 2014

(3)            Vidéo de Jean-Claude Guillebaud : https://www.youtube.com/watch?v=aHqrGM9jZ1Q

(4)            Sur le blog : « l’Esprit qui donne la vie » : « EspĂ©rer et agir. Agir et espĂ©rer » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=900

 

 

Sur ce blog, voir aussi :

 

« Une théologie pour la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1917

 

« L’avenir inachevĂ© de Dieu » : https://vivreetesperer.com/?p=1884

 

« Pour une société collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1534

 

« Une vision de la liberté » : https://vivreetesperer.com/?p=1343

 

« Une rĂ©volution de l’ĂȘtre ensemble » : https://vivreetesperer.com/?p=1394

Hymne à la liberté

ConfrontĂ© Ă  toutes les formes de domination et d’oppression qui existent aujourd’hui dans le monde, nous pouvons considĂ©rer ces rĂ©alitĂ©s et ces menaces dans un mouvement ou nous pressentons qu’un nouveau monde est nĂ©anmoins en train d’apparaĂźtre et finira par l’emporter. Et dĂ©jĂ , en bien des lieux et en bien des moments, libertĂ© et fraternitĂ© ont remportĂ© la victoire. Nous pouvons envisager cette Ă©volution dans un regard animĂ© par l’espĂ©rance. Si Ă  PĂąques, on se remĂ©more la rĂ©surrection de JĂ©sus, de fait cette rĂ©surrection est aussi le point de dĂ©part d’un mouvement en cours ou, en Christ, un nouveau monde est en train de grandir et germe un univers oĂč Dieu sera tout en tous (1). « Voici que je fais toutes choses nouvelles » ( Ap. 21.5).

En voulant Ă©voquer par une photo, l’évĂ©nement de PĂąques comme une victoire de la vie,  nous avons pensĂ© Ă  une superbe photo d’une photographe espagnole, Gloria Castro, reprĂ©sentant un envol d’oiseaux : https://www.flickr.com/photos/glorinhabum/39600291525/in/faves-22263854@N03/

Et nous avons remarquĂ© qu’elle avait sous-titré : « Un canto a la  libertad », c’est Ă  dire : « Un hymne Ă  la liberté ».  Nous avons ensuite dĂ©couvert que ce titre correspondait Ă  un chant qui nous a paru admirable :

De fait, « Canto a la libertad » est l’Ɠuvre de Jose Antonio Labordeta, auteur compositeur interprĂšte, Ă©crivain et artiste aragonais. Il a composĂ© cet hymne Ă  la libertĂ© au moment oĂč la mort de Franco ouvrait les portes de l’Espagne sur de nouveaux horizons de libertĂ©. Sa chanson parlait de paix, d’égalitĂ©, de justice et d’effort collectif


Ce chant est devenu si populaire qu’à la mort de Jose Labordeta en 2010, un mouvement est apparu pour promouvoir cette chanson comme hymne officiel de la province d’Aragon (2)

Ce chant porte des paroles qui font sens (3) :

 

Il y aura un jour oĂč nous tous

En levant les yeux

Nous verrons une  terre

Porteuse de liberté .

 

En criant liberté

Les cloches sonneront

Depuis les clochers

Les chants déserts

Se remettront Ă  grainer

Des Ă©pis hauts

PrĂȘts pour le pain

 

Pour le pain qui durant des siĂšcles

Ne fut jamais partagé

Parmi tous ceux qui firent leur possible

Pour propulser l’histoire

Vers la liberté

 

Il sera aussi possible

Que ce magnifique matin

Ni toi ni moi ni un autre

Ne parvenions Ă  le voir

Parce qu’il faudra l’impulser

Pour qu’il puisse exister

 

Qu’il soit comme un vent

Qui arrache les buissons

Faisant surgir la vérité

Qu’il lave les chemins

Des siĂšcles de destruction

De la liberté

 

Un chant que nous pouvons Ă©couter en nous y associant

J H

 

Sur ce blog, voir aussi :

« Non violence : une démarche spirituelle et politique : https://vivreetesperer.com/?p=2739

« Agir et espérer. Espérer et agir » : https://vivreetesperer.com/?p=2720

« Prayer of the mothers » : un chant mobilisateur de Yael Deckelbaum pour la marche de femmes juives et arabes unies pour la paix » : https://vivreetesperer.com/?p=2681

« Une vision de la liberté » https://vivreetesperer.com/?p=1343

« La vision mobilisatrice de Martin Luther King : « I have a dream » https://vivreetesperer.com/?p=1493

 

(1)            On se reportera Ă  l’Ɠuvre de JĂŒrgen Moltmann portant thĂ©ologie de l’espĂ©rance sur ce blog ou sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : « EngagĂ©s dans le monde » : https://lire-moltmann.com/engages-dans-le-monde/

(2)            « Canto a la libertad » : son auteur : http://www.spainisculture.com/fr/obras_culturales/canto_a_la_libertad.html

(3)             « Traduction de Canto a la libertad » : https://greatsong.net/TRADUCTION-JOSE-ANTONIO-LABORDETA,CANTO-A-LA-LIBERTAD,101562678.html

 

Une boite Ă  soleil : reconnaĂźtre les petits bonheurs comme un flux de vie

 

 

De l’archĂ©ologie de la souffrance Ă  une psychologie des ressources

Par Jeanne Siaud Facchin

 

Dans notre existence quotidienne, savons-nous reconnaĂźtre les petits bonheurs qui se prĂ©sentent Ă  nous comme des Ă©pisodes qui nous rĂ©jouissent le cƓur, nous fortifient et peuvent nous construire dans une vision positive ? Dans un talk Ă  la confĂ©rence TEDx Vaugirard Road, Jeanne Siaud Facchin nous invite Ă  reconnaĂźtre les « petits bonheurs » et Ă  les mĂ©moriser dans tout notre ĂȘtre en dĂ©veloppant ainsi un comportement positif au lieu de vouloir arracher Ă  tout prix les mauvaises herbes de notre passĂ©. Et c’est pourquoi comme psychologue, elle intitule la vidĂ©o correspondante : « En finir avec l’archĂ©ologie de la souffrance » (1). Jeanne Siaud Facchin nous entraine ainsi avec dĂ©licatesse de cƓur et enthousiasme dans un parcours oĂč nous dĂ©couvrons le potentiel des petits bonheurs.

 

Jeanne Siaud Facchin commence par nous raconter une belle histoire, celle d’une petite fille qui voulait offrir un cadeau d’anniversaire Ă  son grand frĂšre. C’est l’histoire particuliĂšrement symbolique de la « boĂźte Ă  soleil ». Elle a trouvĂ© une boĂźte et toute la journĂ©e, elle a cherchĂ© Ă  y capturer du soleil. Et le soir, la boĂźte est Ă©clairĂ©e, car il se trouve, nous rapporte la conteuse Ă  la fin de l’histoire, qu’un vers luisant est venu s’y loger ! « Quelquefois dans la vie, c’est comme ça. On croit que ce n’est pas possible. Et pourtant ! ».

 

La vision  que nous apporte Jeanne Siaud Facchin n’est pas un rĂȘve. Elle est bien  connectĂ©e avec la rĂ©alitĂ©. Et c’est ainsi qu’elle introduit son exhortation par un rĂ©cit Ă©mouvant. Comme psychologue, elle reçoit un  jour un petit garçon qui vient de perdre son papa. Elle nous rapporte son dĂ©sarroi face Ă  cette situation tragique. Les savoirs thĂ©oriques ne sont d’aucun secours. Alors, elle se fie Ă  son intuition : « Je prend une grande respiration : je me relie Ă  ce que je ressens au plus profond de moi. Je m’entends lui dire : « Tu sais, au fond de toi, il y a un trĂ©sor. C’est tout l’amour que tu as partagĂ© avec ton papa, les moments de bonheur que tu as passĂ©s avec lui. Et ce trĂ©sor, la mort ne l’a pas emportĂ©. Tu l’auras toujours au fond de toi. Et tu pourras y puiser tout au long de la vie. C’est ta boĂźte Ă  soleil ». Elle a rencontrĂ©, par la suite, ce petit garçon devenu grand qui se souvenait du rĂ©confort qu’elle lui avait ainsi apporté : « Il avait ressenti quelque chose de chaud. Ça l’avait beaucoup aidé ».

 

A partir de cet exemple Ă©mouvant, Jeanne Siaud Facchin peut nous interpeller : « C’est pourquoi c’est si important d’avoir une boite Ă  soleil, d’avoir cette attention de la remplir Ă  chaque instant de sa vie. Tout le monde peut capturer du soleil, capturer ces micromoments de vie qui sont doux, agrĂ©ables, qui nous font chaud au cƓur, mais auxquels il faut ĂȘtre attentifs, car ils sont Ă©phĂ©mĂšres. Souvent on passe Ă  cĂŽtĂ©. Et pour graver ces petits bonheurs, il faut faire trĂšs attention
 On passe beaucoup de temps de notre vie Ă  attendre le Bonheur ou Ă  courir aprĂšs lui. Comme si un jour le Bonheur arrivait : « Bonjour, je suis le Bonheur »  Ce sont les petits bonheurs, les bonheurs ordinaires qui fabriquent le bonheur extraordinaire ».

Mais comment y prĂȘter attention ? Comment nous en imprĂ©gner ? Comment le mĂ©moriser pour nous en inspirer ? « Pour graver en soi les petits bonheurs, la seule chose dont nous ayons besoin, c’est notre corps. Le bonheur, ça s’attrape en ressentant, en ressentant vraiment. Le bonheur, ça se sent. Je m’arrĂȘte un instant, je me relie Ă  moi, aux Ă©motions qui sont lĂ  et je les ancre aux plus profond de moi ».

 

Trop souvent, nous vivons en marge de notre ĂȘtre profond. Alors Jeanne Siaud Facchin nous propose un exercice : « Et si on ramenait tous notre attention sur nos sensations
 Et puis tranquillement, je puis fermer les yeux, puis focaliser mon attention sur certains points de mon corps, tout ce que je peux sentir. Et juste lĂ , juste maintenant, est-ce que je me relie avec mes sensations ? Je dirige mon attention pour ĂȘtre mieux reliĂ© Ă  moi-mĂȘme et aux autres. Est-ce que je peux sentir que je suis lĂ , vraiment là ? Souvent, on le sait, mais dans notre tĂȘte, on est ailleurs ».

 

Cette attention positive reliĂ©e Ă  la sensation nous permet d’ĂȘtre vraiment prĂ©sent avec tout notre corps. Nous pouvons graver nos petits bonheurs dans une boĂźte Ă  soleil. « Et qu’est ce qui se passe dans notre cerveau quand on est totalement reliĂ© Ă  ce qu’on vient de vivre. Ce sont les neurosciences qui nous le disent. Notre cerveau dĂ©clanche la sĂ©crĂ©tion d’un cocktail d’hormones qui nous font du bien, qui nous apaisent. Bien sĂ»r, la boĂźte Ă  soleil n’empĂȘche pas les malheurs de l’existence. Elle ne peut pas empĂȘcher les souffrances. Mais elle permet de les amortir. Elle permet d’avoir des ressources pour aller y puiser, pour ne pas ĂȘtre « vidé » au sens propre, pour ne pas se laisser engloutir ».

 

« Et si c’était ça le chemin pour vivre mieux ! Si c’était cela la psychologie d’aujourd’hui ! C’est comme une bascule. On passe de l’archĂ©ologie de la souffrance Ă  la psychologie des ressources qu’on pourrait appeler une psychologie prĂ©ventive qui nous donne des clĂ©s pour notre vie, une psychologie qui nous apprend Ă  nourrir et cultiver des champs fertiles plutĂŽt que de s’épuiser Ă  tenter d’arracher de mauvaises herbes ».

 

« Parce que ce qui  est hallucinant, c’est qu’on continue Ă  fonctionner comme Ă  la prĂ©histoire. Notre cerveau est gĂ©nĂ©tiquement programmĂ© comme celui des hommes des cavernes. Notre amygdale, cette petite zone au fin fond de notre cerveau archaĂŻque et dont la fonction est de dĂ©coder les Ă©motions, se dĂ©clanche tout le temps face Ă  ce qui est perçu comme une menace, comme un danger, comme si notre vie en dĂ©pendait. Et alors, des milliers d’annĂ©es aprĂšs, on continue Ă  vivre dans un Ă©tat d’alerte permanent. On est polarisĂ© sur ce qui ne va pas. C’est ce qu’on voit en premier, en grand, c’est ce qui attire immĂ©diatement notre attention. C’est pour cela qu’il est tellement important, urgent de modifier le cĂąblage, la programmation. Il faut s’entraĂźner. Et la bonne nouvelle, c’est que notre cerveau est plastique, mallĂ©able ; ça s’appelle la neuro plasticitĂ©. Et grĂące Ă  la capture des petits bonheurs, on va restructurer notre cerveau, on va crĂ©er de nouvelles connexions, on va tracer de nouveaux chemins et c’est ça qui change tout. EntraĂźner notre cerveau Ă  se focaliser automatiquement sur ce qui va bien et comme cela, on remplit notre boĂźte Ă  soleil sans y penser ».

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Ce discours nous touche parce qu’on le sent bienfaisant et parce qu’il ouvre une voie. Il y a dans ce parler une force de conviction parce qu’il fait Ă©cho Ă  des expĂ©riences et des aspirations en nous, mĂȘme lorsque nous ne pouvons pas encore les exprimer comme cela.

Pour nous, nous sentons bien combien nous sommes fortifiĂ©s par les Ă©pisodes oĂč nous vivons un moment de bonheur et d’harmonie si nous savons l’inscrire dans notre parcours de vie. Et nous savons aussi combien il peut ĂȘtre rĂ©confortant de revisiter des souvenirs heureux. Tout cela se dĂ©veloppe d’autant mieux si nous sommes imprĂ©gnĂ©s de bienveillance et si notre attention est tournĂ©e vers le bon et le beau.

Ici, sur ce blog, nous Ă©voquons souvent la vie et la pensĂ©e d’Odile Hassenforder telle qu’elle nous en fait part dans son livre : « Sa prĂ©sence dans ma vie » (2). Dans son chemin spirituel, elle a reçu une inspiration qui l’a portĂ©e Ă  valoriser toutes les expĂ©riences positives. Certes, cette inspiration va au delĂ  d’une attention aux moments heureux, mais elle l’inclut. Face Ă  la maladie, elle nous parle de la joie d’exister. « Au fond de mon lit, en pleine aphasie due Ă  une chimio trop forte, j’ai reçu la joie de l’existence, un cadeau gratuit donnĂ© Ă  tout humain par Dieu. En rĂ©alisant cela, je dĂ©couvre le jaillissement de l’ĂȘtre divin qui nous partage ce qu’il est puisque nous sommes crĂ©Ă©s Ă  son image pour Ă©voluer Ă  sa ressemblance (p 172). C’est l’accueil de la vie : « Que c’est bon d’exister pour admirer, m’émerveiller, adorer. C’est gratuit. D’un sentiment de reconnaissance jaillit une louange joyeuse, une adoration du CrĂ©ateur de l’univers dont je fais partie, un Dieu qui veut le bonheur de ses crĂ©atures. Alors, mon « ego » n’est plus au centre de ma vie. Il tient tout simplement sa place, reliĂ© à  un tout sans prĂ©tention (Psaume 131). Je respire le courant de la vie qui me traverse et poursuit mon chemin comme il est Ă©crit dans un psaume : « Cette journĂ©e est pour moi un sujet de joie
 une joie pleine en ta prĂ©sence, un plaisir Ă©ternel auprĂšs de toi. Louez l’Eternel, car il est bon. Son amour est infini » (psaume 16.115) (p 180).

Et tout au long de ce parcours, Odile nous dit combien elle apprĂ©cie les petits bonheurs et s’en  nourrit. De sa fenĂȘtre, elle admire le paysage mouvant de la nature. « Mon fauteuil de mĂ©ditation matinale est orientĂ© Ă  l’est. J’aime admirer le lever du soleil, ces nuages qui s’élĂšvent, se colorent, passent du gris au rose, avancent plus ou moins vite selon le vent
 Pour ma part, de tels spectacles de la nature, de la simple pĂąquerette au coucher de soleil m’émeuvent. Je sens mon cƓur se dilater. J’appartiens Ă  cet univers visible, mais aussi invisible  » (p 213) Et un des chapitres du livre est consacrĂ© Ă  l’importance des rencontres ordinaires : « Des petits riens d’une grande portĂ©e » (p 183-184).

 

Chacun de nous peut rĂ©pondre Ă  sa maniĂšre Ă  l’évocation des petits bonheurs que nous dĂ©crit Jeanne Siaud Facchin. Mais qui n’apprendrait pas de son entretien un plus pour sa vie ? A partir d’une expĂ©rience toute simple : savoir apprĂ©cier et se nourrir de petits bonheurs, elle ouvre une approche nouvelle dans la dĂ©marche psychologique : « Passer de l’archĂ©ologie de la souffrance Ă  la psychologie des ressources ». Et d’expĂ©rience, on comprend bien ce qu’elle nous rapporte des effets du fonctionnement du cerveau archaĂŻque : la perception excessive de la menace et du danger. Alors,  comment ne pas l’écouter lorsqu’elle nous invite Ă  la « capture des petits bonheurs pour crĂ©er de nouvelles connexions et tracer de nouveaux chemins, ce qui change tout ».

 

J H

 

(1)            Sur le site TEDx Vaugirard Road (Bouger les lignes 12 juin 2014), Talk en vidĂ©o de Jeanne Siaud Facchin : « En finir avec l’archĂ©ologie de la souffrance » : http://www.tedxvaugirardroad.com/videos-2014/                  On pourra consulter aussi le site de Jeanne Siaud Facchin : http://www.jeannesiaudfacchin.com/index.php?lang=fr

(2)            Hassenforder (Odile). Sa Présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte Temps présent, 2011. Sur ce blog, articles en rapport avec ce livre : https://vivreetesperer.com/?tag=odile-hassenforder

 

 

Sur ce blog, voir aussi :

 

« Vivant dans un monde vivant
 ApartĂ© avec Thomas d’Ansembourg » : https://vivreetesperer.com/?p=1371

 

« Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand : Lytta Basset. Oser la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842

 

« Développer la bonté en nous. Un habitus de bonté » : https://vivreetesperer.com/?p=1838

 

« Des petits riens d’une grande portĂ©e. La bienveillance au quotidien » : https://vivreetesperer.com/?p=1849

 

« Comme les petits enfants : Accueil, confiance et émerveillement » : https://vivreetesperer.com/?p=1640

Une culture du soin pour un monde plus sain

Dans le mouvement de le transition intérieure, co-créer une culture régénératrice.

ConsĂ©quence d’une ambition dĂ©mesurĂ©e de l’humanitĂ© en recherche de richesse et de puissance, exploitant sans vergogne les ressources de la planĂšte, malgrĂ© des avertissements personnels et collectifs remontant Ă  plusieurs dĂ©cennies, la crise climatique appelle aujourd’hui un changement de cap, un changement de paradigme, un changement de vision. Ce changement radical requiert une mobilisation des esprits fondĂ©e sur une nouvelle maniĂšre de voir le monde et dĂ©bouche sur un changement Ă©conomique et social. C’est un processus qui s’effectue dans le temps. C’est pourquoi nous devons envisager une transition. Et lorsqu’il s’agit de promouvoir un nouvel Ă©tat d’esprit, une autre façon de sentir et d’agir, une nouvelle maniĂšre d’envisager l’avenir, on peut parler de « transition intĂ©rieure ». Michel Maxime Egger, Tylie Grosjean, Elie Wattrelet viennent d’écrire un « Manuel de transition intĂ©rieure » (1) publiĂ© en 2023 aux Editions Actes Sud en partenariat avec le mouvement Colibris dans la collection ‘Domaine du possible’. Ce livre, de prĂšs de 500 pages, est un ouvrage de rĂ©fĂ©rence qui se dĂ©cline en plusieurs sĂ©quences : fondements, mĂ©tamorphoses, intĂ©gration, praxis, ressources pour aller plus loin
 Et il affiche en premier un titre hautement significatif, le terme : « Reliance ». Comme dĂ©jĂ , Ă  plusieurs reprises (2), nous constatons que tout se tient, tout se relie et nous sommes invitĂ©s Ă  affronter les perturbations qui compromettent cette unitĂ© potentielle, dans un travail de reliance. Ce livre couvre un champ trĂšs vaste et nous nous arrĂȘterons ici sur un des aspects: « Une culture du soin pour un monde plus sain ».

Une culture du soin dans un monde plus sain (p 180-181).

Promouvoir la transition intĂ©rieure, « implique de remettre le soin au cƓur de notre façon d’ĂȘtre au monde en tant qu’individu, collectif et sociĂ©té ». Le mouvement de la transition accorde au soin une grande attention. « Il est alors possible de contribuer Ă  la co-crĂ©ation d’une sociĂ©tĂ© de soin, souvent nommĂ©e sociĂ©tĂ© du care » (3) Pour la politologue fĂ©ministe, Joan Tonto, « le care est une activitĂ© gĂ©nĂ©rique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpĂ©tuer et rĂ©parer notre monde de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible ». La philosophe Cynthia Fleury Ă©voque Ă©galement une « sociĂ©tĂ© du care ». Assez naturellement, la notion de soin renvoie au secteur de la santĂ© et de tous les mĂ©tiers associĂ©s au « prendre soin ». Cependant, ici on Ă©largit la perspective en englobant toutes les composantes de la sociĂ©tĂ©. Et, considĂ©rant le courant du dĂ©veloppement personnel, on y perçoit une approche trop individualiste « avec pour risque de s’adapter au monde tel qu’il est, sans jamais s’interroger sur son bien fondĂ©, sa lĂ©gitimitĂ©, ses travers et ses consĂ©quences  ». A l’inverse, dans la transition intĂ©rieure, les dĂ©marches visant Ă  prendre soin de soi, des autres, et du monde, sont clairement indiquĂ©es, dans la conscience critique et aussi politique de leur impact sur la toile du vivant ».

Co-créer une culture régénératrice (p 181-183).

Nous vivons dans l’ambiance d’une vie pressĂ©e qui ne favorise pas une vie pacifiĂ©e. « Une sociĂ©tĂ© qui fonctionne en sollicitant exagĂ©rĂ©ment les ĂȘtres humains et les Ă©cosystĂšmes qu’elle s’approprie gĂ©nĂšre forcĂ©ment des phĂ©nomĂšnes d’épuisement. Le consumĂ©risme saisit la biosphĂšre et l’ĂȘtre humain. Il les Ă©puise en excĂ©dant leurs limites et capacitĂ©s de rĂ©gĂ©nĂ©ration ». Comme nous nous inscrivons dans ce genre de vie, nous sommes influencĂ©s par ces travers jusque dans nos efforts pour y remĂ©dier. « Le monde de la transition n’échappe pas Ă  cette logique ; si le systĂšme nous extĂ©nue, nous pouvons aussi nous Ă©puiser Ă  tenter d’en sortir et de crĂ©er du neuf ». Comment vivons-nous ces dĂ©pressions et pouvons-nous en tirer parti ? « Un grand nombre de transitionnaires vivent leurs burn-out et d’autres soucis de santĂ© comme des signaux d’alarme, des opportunitĂ©s pour franchir des Ă©tapes d’évolution plus radicales. En dĂ©couvrant ‘le potentiel de mĂ©tamorphose’ des Ă©puisements, nous pouvons progressivement les accueillir et nous laisser transformer par eux, avec un soutien du collectif ». Cependant, il est important d’envisager Ă©galement les causes structurelles de ces Ă©puisements : « les logiques de rentabilitĂ© et de course Ă  la performance, qui sont inhĂ©rentes Ă  nos cultures modernes occidentales. Elles sont aussi Ă  dĂ©noncer et Ă  dĂ©construire ». Comme l’écrit Martine Simon, « L’enjeu d’obtenir des rĂ©sultats coĂ»te que coĂ»te domine dans notre culture tandis que l’enjeu de prendre soin est relĂ©guĂ© Ă  tenter de rĂ©parer les dĂ©gĂąts ». Dans une perspective inspirĂ©e par la permaculture, trois orientations : « prendre soin, prendre soin pour obtenir des rĂ©sultats, et obtenir des rĂ©sultats qui prennent soin ». Il n’y a pas de travaux de seconde zone. « Prendre la mesure de l’importance du care pour la vie humaine nous rappelle que nous dĂ©pendons tous des services d’autrui pour satisfaire des besoins primordiaux ».

Vers un soin de soi juste et engagé (p 183-187)

La conscience de l’importance de ‘prendre soin de soi’ s’est aujourd’hui rĂ©pandue. Les auteurs envisagent Ă©galement cette attitude dans une perspective plus large : « ‘Le prendre soin de soi’ doit ĂȘtre envisagĂ© dans ses dimensions politiques ». Certaines personnes y voient une passivitĂ© redoutable. « IdĂ©alement, le care intĂ©grerait et transcenderait Ă  la fois la lutte et le repos en dĂ©montant ainsi les frontiĂšres qui les sĂ©parent ». ‘Prendre soin de soi’ peut ĂȘtre vĂ©cu de diverses maniĂšres. Ce nouvel adage n’est pas sans travers : « Quand nous tentons de maintenir les apparences en renvoyant une image de rĂ©ussite ou d’individu autonome, quand nous cherchons Ă  nous remettre sur pied pour faire plus de la mĂȘme chose, nous peinons Ă  crĂ©er les conditions pour nous sentir mieux et contribuer Ă  un vĂ©ritable changement ». Nous voici ici appelĂ©s Ă©galement Ă  un rapport nouveau Ă  l’écoulement du temps. Le militantisme en faveur de la transition peut lui-mĂȘme ĂȘtre entachĂ© par une excitation dans la recherche d’une rapiditĂ© dans l’obtention des rĂ©sultats. « Dans nos projets novateurs, nous plaçons parfois inconsciemment la mĂȘme exigence de rentabilitĂ© ou la mĂȘme soif de reconnaissance qu’avant. C’est le cas aussi lorsque nous intĂ©grons les pratiques de transition intĂ©rieure avec fĂ©brilité : nous faisons beaucoup de choses pour apprendre Ă  ‘ĂȘtre’ ». « Il n’est pas toujours facile d’accepter que la pacification de notre relation au temps
 prenne justement du temps ». Les auteurs Ă©voquent, entre autre, « la notion de temps juste proposĂ©e par le journaliste Carl HonorĂ©. On peut notamment explorer diffĂ©rentes formes de ‘slow’ en adoptant des rythmes adaptĂ©s Ă  chaque contexte. Cela suppose, Ă  chaque instant, une Ă©coute de plus en plus fine de la vie qui s’exprime en nous et autour de nous. Cela demande aussi de connaĂźtre et choisir de consacrer du temps Ă  ce qui nous nourrit et nous rĂ©gĂ©nĂšre ».

Nous entrainer à l’ouverture du cƓur (p 188-192)

Etre ouvert de cƓur, c’est ĂȘtre attentif aux autres, c’est-Ă -dire ne pas s’enfermer dans un train de vie fondĂ© sur ses propres forces. C’est donc accepter de reconnaĂźtre notre vulnĂ©rabilitĂ©. « Quand on a appris Ă  se protĂ©ger en s’isolant, un lien est Ă  retisser pour se sentir Ă  nouveau en sĂ©curitĂ© avec l’autre. MĂȘme sans avoir vĂ©cu un traumatisme particulier, il importe de transformer les croyances qui associent la vulnĂ©rabilitĂ© Ă  la passivitĂ© et Ă  la faiblesse. Nous dĂ©couvrons alors trĂšs souvent, que son acceptation nous donne de la force. Accepter et reconnaitre notre vulnĂ©rabilitĂ© nous permet peu Ă  peu d’oser demander du soutien Ă  un entourage de confiance


Que ce soit au cƓur du soin, de la santĂ©, et plus gĂ©nĂ©ralement dans une relation avec les autres, Cynthia Fleury (4) nous invite Ă  poser une double exigence : « rendre la vulnĂ©rabilitĂ© capacitaire et porter l’existence de tous comme un enjeu propre dans toutes les circonstances de la vie ». En dĂ©fendant une approche plus globale du soin, elle encourage par exemple Ă  prendre en compte la vulnĂ©rabilitĂ© d’un patient « sans jamais la renforcer, ni la considĂ©rer comme synonyme d’incapacité ».

Dans un magnifique tĂ©moignage, Pascale FrĂšre, mĂ©decin spĂ©cialiste en hĂ©matologie, explique l’importance d’avoir pu s’ouvrir Ă  sa propre vulnĂ©rabilitĂ© au fil des Ă©preuves de la vie. Dans ses Ă©preuves, elle a compris que « le cƓur ouvert du soignant amenait autant de guĂ©rison que la technique d’exĂ©cution du geste, car la vie circulant chez le soignant contactait la mienne, cette part de douceur dont j’avais mĂȘme oubliĂ© l’existence ». Ces prises de conscience lui ont permis de « retrouver la voie d’une mĂ©decine humaniste, rĂ©invitant dans la relation thĂ©rapeutique une qualitĂ© de prĂ©sence tissĂ©e d’amour et de compassion ».

Nous rencontrer pour Ă©voluer ensemble vers de nouveaux comportements dans la voie de la transition intĂ©rieure requiert une ambiance « d’empathie et de douceur ». Ainsi « la richesse de ce qui est partagĂ© dans la profondeur se met au service tant des personnes que du collectif. L’empathie, cette posture qui nous rend « capable de nous mettre Ă  la place de l’autre », y contribue. L’éloge de la douceur vient nous Ă©veiller Ă  une rĂ©alitĂ© parfois encore mĂ©connue. « Dans cette sociĂ©tĂ© qui dĂ©valorise les enjeux du soin, il peut paraĂźtre dĂ©risoire d’encourager la douceur et la tendresse
 Comme si ces qualitĂ©s Ă©taient rĂ©servĂ©es Ă  la sphĂšre privĂ©e
 On n’aurait ni le temps, ni les moyens pour le reste du monde ». Pour Anne Dufourmantelle, « ĂȘtre doux avec les choses et avec les ĂȘtres
 c’est ne pas vouloir ajouter de la souffrance Ă  l’exclusion, Ă  la cruautĂ© et inventer l’espace d’une humanitĂ© sensible, d’un rapport Ă  l’autre qui accepte sa faiblesse  ». « Attenter Ă  la douceur est un crime sans nom que notre Ă©poque commet souvent au nom de ses divinitĂ©s : l’efficacitĂ©, la rapiditĂ©, la rentabilité ». « La philosophe et psychanalyste n’hĂ©site pas Ă  affirmer que le dĂ©ni du besoin de douceur se manifeste Ă  travers nos dĂ©pressions. « Le manque de douceur est endĂ©mique. Il a crĂ©Ă© un isolement aussi puissant qu’un charme ». « L’angoisse vient dans le corps quand il est dĂ©sertĂ© par la douceur »  Il y a donc dans la douceur une puissance de vie : « La douceur est une force de transformation secrĂšte prodiguant la vie, reliĂ©e Ă  ce que les anciens appelaient justement puissance ».

Stimuler l’entraide et l’altruisme (p 192-194)

La culture de la compĂ©tition fait obstacle Ă  la culture du care. Mais, en regard, il apparait aujourd’hui que l’entraide est un processus naturel puissamment rĂ©pandu dans la nature. Ainsi, Ă  partir de nombreuses recherches, dans un livre innovant, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle (5) ont montrĂ© que les ĂȘtres vivants ont une puissante tendance Ă  s’associer. « L’entraide est non seulement un principe du vivant, mais un mĂ©canisme de son Ă©volution » : « Les organismes qui s’entraident sont ceux qui survivent le mieux ». Les ĂȘtres humains n’échappent pas Ă  cette rĂ©alitĂ©. Ainsi, dans certaines catastrophes, on a pu observer des comportements d’entraide. En plus de l’entrainement Ă  l’entraide au « cƓur de l’engagement et de l’action, nous pouvons choisir dans les collectifs, des pratiques transformant ces gestes en rĂ©flexion ».

Cette propension Ă  l’entraide peut ĂȘtre envisagĂ©e dans la perspective de « reliance » qui est la trame de ce livre. « Quand nous nous appuyons dĂ©libĂ©rĂ©ment sur notre connexion Ă  la toile du vivant, nous pouvons de plus en plus prendre soin de nous en prenant soin du monde et prendre soin du monde en prenant soin de nous. Nous cultivons alors des habiletĂ©s au service de la vie qui rejaillissent aussi positivement sur nous, mĂȘme si c’est plus tard et de façon indirecte. Cette loi de la rĂ©ciprocitĂ© au cƓur de l’entraide, avec son mouvement cyclique, donner – recevoir – rendre, participe Ă  un Ă©quilibre vivant : nous sommes nourris en retour par cette façon d’ĂȘtre au monde. Il devient ainsi possible de co-crĂ©er et dĂ©ployer notre crĂ©ativitĂ© en composant avec les inĂ©vitables temps oĂč nos fragilitĂ©s affleurent ».

Accroitre notre résilience. Promouvoir la santé (p 195-200)

« Le mot « rĂ©silience » issu de la physique, de la psychologie et de l’écologie, Ă©voque la capacitĂ© Ă  affronter, supporter et traverser des chocs, des crises et des tensions extĂ©rieures en gardant son intĂ©grité ». La transition intĂ©rieure Ă©tudiĂ©e dans ce livre implique la rĂ©silience.

DĂ©velopper la rĂ©silience, c’est chercher Ă  entretenir un Ă©quilibre dynamique, c’est aussi changer notre regard sur la santĂ©.

Nous pouvons considĂ©rer une alternance entre des pĂ©riodes oĂč nous engageons toutes nos forces dans le soin et d’autres oĂč nous prenons soin de nous-mĂȘme. « L’articulation entre le chemin personnel, l’engagement pour le collectif, et le choix du mode de vie sera d’autant plus fluide qu’elle sera associĂ©e Ă  des temps d’intĂ©gration et de respiration ». « Selon les moments et les contextes, nous sommes amenĂ©s Ă  consacrer plus ou moins de temps et d’attention Ă  l’une ou l’autre voie de restauration des quatre liens Ă  soi, aux autres, au vivant, et au plus grand que soi. L’interconnexion profonde entre ces dimensions fera que chaque porte d’entrĂ©e vers un des liens pourra se mettre au service de la guĂ©rison des autres. Par ces aspirations, la transition intĂ©rieure permet d’évoluer en soutenant la vie en soi et autour de soi, d’une maniĂšre qui soit adaptĂ©e Ă  chaque contexte et Ă  chaque instant ».

Nous voici Ă©galement appelĂ©s Ă  changer notre regard sur la santĂ©. « Dans la mesure oĂč elle nous invite Ă  prendre soin de la santĂ© conjointe de la psychĂ© humaine et de l’ñme de la Terre, la transition intĂ©rieure implique un changement de regard sur la santé ».

Au total, nous sommes invitĂ©s Ă  envisager une approche globale, une approche holistique. « Pour l’Organisation mondiale de la santĂ©, (OMS), la santĂ© est un concept trĂšs large, dĂ©pendant de nombreuses variables. Plus qu’à l’absence de maladie, elle renvoie Ă  la recherche d’un bien-ĂȘtre Ă  la fois physique, psychique et social – nous ajoutons : Ă©cologique. PrivilĂ©gier une vision holistique permet de s’attacher au lien entre des symptĂŽmes : d’aller aux racines, de laisser une place Ă  la psychĂ©, aux systĂšmes familiaux et sociaux, aux Ă©cosystĂšmes plus ou moins dĂ©gradĂ©s dont dĂ©pend le patient, aux liens corps-Ăąme-esprit. Une approche globale et prĂ©ventive de la santĂ© ouvre aussi la possibilitĂ© de recrĂ©er – au besoin avec le soutien de collectifs et de thĂ©rapeutes – les conditions d’une bonne hygiĂšne de vie : alimentation saine et respectueuse, exercice physique ou encore qualitĂ© de sommeil prĂ©servĂ©e ».

C’est Ă©videmment « une approche nouvelle en regard d’une mĂ©decine classique qui Ă©volue encore souvent dans des champs trĂšs Ă©troits ». « La pandĂ©mie a mis en Ă©vidence les limites d’une approche de santĂ© publique centrĂ©e avant tout sur des dimensions techno-industrielles. Non seulement la politique de « tout au vaccin » n’était pas complĂ©tĂ©e par des invitations Ă  renforcer nos systĂšmes immunitaires, mais en plus elle rejetait des formes de soins alternatifs ».

Notre Ă©poque troublĂ©e compromet la santĂ© psychique. « Dans les temps qui viennent, il sera de plus en plus indispensable de prendre soin de notre santĂ© psychique sans recourir Ă  des camisoles chimiques. Un enjeu, durant cette transition, est d’apprendre Ă  composer avec deux tendances qui alimentent des cercles vicieux de mal-ĂȘtre : la pathologisation et la stigmatisation. Quand le mouvement d’alternance propre Ă  la vie n’est pas reconnu parce qu’il ne serait pas dans la norme, ses manifestations spontanĂ©es sont volontiers pathologisĂ©es ».

N’enfermons pas les gens dans des catĂ©gories. Ainsi Anne Dufourmantelle, en parlant des personnes dites « bipolaires », « dĂ©nonce Ă  la fois leur stigmatisation par le corps social et le traitement inhospitalier de leur « folie ordinaire » et de leur souffrance morale par la psychiatrie contemporaine  ». La psychanalyste rejoint d’autres praticiens qui s’engagent en faveur d’une Ă©thique mĂ©dicale et thĂ©rapeutique. L’anthropologie clinique met en Ă©vidence que « les formes pathologiques sont tributaires des formes symboliques Ă  l’Ɠuvre dans une culture ». De mĂȘme, si on perçoit aujourd’hui la diversitĂ© des fonctionnements neurologiques, « heureusement de plus en plus d’écoles alternatives s’ouvrent aujourd’hui Ă  la notion d’intelligences multiples et proposent des approches Ă©ducatives mieux adaptĂ©es Ă  ces diversitĂ©s ».

Cette vision d’une culture du soin dĂ©bouche sur une rĂ©flexion sur les modes d’accompagnement dans les cheminements de la transition intĂ©rieure. Comme nous avons pu le constater, cette vision est inspirĂ©e par des apports rĂ©cents de psychologues, de philosophes, de sociologues que nous avons dĂ©jĂ  souvent croisĂ©s sur ce blog. Ce texte vient donc Ă  nouveau rendre compte d’un mouvement de pensĂ©e et d’action qui se manifeste aujourd’hui de plus en plus et qui appelle notre comprĂ©hension et notre soutien

J H

  1. Michel Maxime Egger. Tylie Grosjean. Elie Wattelet. Reliance. Manuel de transition intérieure. Actes Sud Colibris. 2023 (Domaines du possible)
  2. Tout se tient. Relions-nous ; https://vivreetesperer.com/tout-se-tient/ La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. La recherche de David Hay : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/ Dieu vivant, Dieu prĂ©sent, Dieu avec nous dans un monde oĂč tout se tient :
  3. https://vivreetesperer.com/?s=dieu+vivant+dieu+pr%C3%A9sent
  4. La grande connexion : https://vivreetesperer.com/la-grande-connexion/
  5. Une voix différente. Pour une société du care : https://vivreetesperer.com/une-voix-differente/
  6. De la vulnérabilité à la sollicitude et au soin . Le soin est un humanisme https://vivreetesperer.com/de-la-vulnerabilite-a-la-sollicitude-et-au-soin/
  7. Face Ă  la violence, l’entraide, puissance de vie dans la nature et dans l’humanité : https://vivreetesperer.com/face-a-la-violence-lentraide-puissance-de-vie-dans-la-nature-et-dans-lhumanite/

Voir aussi :

Des Lumiùres à l’ñge du vivant : https://vivreetesperer.com/?s=corine+peluchon

Réenchanter notre relation au vivant : https://vivreetesperer.com/reenchanter-notre-relation-au-vivant/