par jean | Mar 13, 2016 | ARTICLES, Hstoires et projets de vie, Vision et sens |
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#Il y a cinq ans, en 2011, les Editions « Empreinte Temps prĂ©sent » publient un recueil de textes dâOdile Hassenforder : « Sa prĂ©sence dans ma vie. Parcours spirituel » (1). LâĂ©diteur prĂ©sente ce livre en ces termes :
« Comment Dieu se rend-il prĂ©sent Ă nos vies ? Comment garder confiance malgrĂ© les Ă©preuves ? Odile Hassenforder nous guide dans cette recherche de plĂ©nitude et partage avec nous une expĂ©rience qui a changĂ© sa vie, nous offrant ainsi un vĂ©ritable condensĂ© dâespĂ©rance.
Le livre alterne tĂ©moignage dâun riche vĂ©cu de foi-guĂ©risons, groupes de priĂšre, accompagnement spirituel-et mĂ©ditations de textes bibliques. Lâauteure y transmet avec talent ses compĂ©tences psychologiques et son expĂ©rience spirituelle. Elle nous convie Ă une dimension extra-ordinaire, qui donnera une nouvelle saveur Ă nos existences ».
Un livre qui parle au cĆur et Ă lâesprit
Depuis sa parution, ce livre a fait lâobjet de commentaires qui tĂ©moignent de la maniĂšre dont il parle au cĆur et Ă lâesprit. En voici quelques uns :
Paul. Un ami médecin
« Jâai beaucoup apprĂ©ciĂ© la prĂ©sentation de la vie et de la pensĂ©e dâOdile.
Oui, Odile a Ă©tĂ© une vraie tĂ©moin de lâamour de Dieu.
A aucun moment de sa maladie qui a Ă©tĂ© un trĂšs long chemin, je ne lâai jamais sentie en rĂ©volte.
Elle puisait la Vie directement dans la Vie Ă©ternelle.
Elle reste pour moi un ĂȘtre qui a su vivre sa foi en pleine lumiĂšre ».
Anne. Professeur. Expérience charismatique
« Ayant eu le privilĂšge de voir Odile juste avant son voyage vers le PĂšre, moment oĂč la vĂ©ritĂ© profonde de lâĂȘtre se fait dense, je trouve que les pages que jâai lues, donnent Ă ce moment un sceau dâĂ©ternitĂ©.
Pour moi, la parole prophĂ©tique quâelle a prononcĂ©e en ma prĂ©sence, se dĂ©roule sous mes yeux : « Le Seigneur continue son Ćuvre » Ă travers elle en nous la laissant proche de nous, sur notre table de chevet. Quel cadeau ! »
VĂ©ronique. Une amie dâune famille amie. Musicienne
« Merci dâavoir ouvert la malle aux trĂ©sors !
A la lecture de ces textes, jâai Ă©tĂ© profondĂ©ment touchĂ©e. Ils sont pour moi un enseignement prĂ©cieux. Ils mâĂ©clairent sur le chemin.
Beaucoup sont des tĂ©moignages magnifiques quâOdile nous laisse comme des cadeaux de vie. Ils sont basĂ©s sur du concret, sur des faits de vie toujours Ă la lumiĂšre de la Parole de Dieu et dĂ©bouchant sur une vraie rĂ©flexion qui ne cesse de mâinterpeller, car je les lis, je les relis tranquillement ; la plupart se lisent facilement, parlant Ă la fois au cĆur et Ă lâesprit.
Je pense que beaucoup de gens peuvent ĂȘtre touchĂ©s Ă travers ces Ă©crits ».
Henri. Cadre. Institution sociale.
« TrÚs ressourçant. Source de méditation. Un livre qui invite à la louange. Un ouvrage bien présenté, facilement accessible. Superbe. Bien pour des tas de gens ».
Evelyne. Théologienne.
« Ce livre va ĂȘtre mon livre de chevet spi pour le mois Ă venir.
Je suis vraiment heureuse de partager cela. Câest vraiment bien que cet Ă©change puisse ĂȘtre continuĂ© avec dâautres et fĂ©cond au delĂ de la sĂ©paration et de la transformation des liens ».
Fred. Animateur
« Ce livre nous permet de prendre conscience de la profondeur de la vie. Une Ćuvre qui donne Ă rĂ©flĂ©chir, mais aussi qui incite Ă lâadmiration et Ă la contemplation de la crĂ©ation. Un hymne Ă lâespoir. Un cri dâamour pour la vie ».
Françoise. Retraitée. Culture philosophique
« Câest avec beaucoup dâempathie, dâadmiration et de reconnaissance que jâai lu ce tĂ©moignage.
Ce qui me frappe, câest lâintelligence de lâĂ©criture ciselĂ©e par la vie, ciselĂ©e par la foi et comme tissĂ©es ensemble ».
Elisabeth. Cadre. Institution sociale
« Jâai lu ce livre Ă plusieurs reprises et je reprends des passages rĂ©guliĂšrement. Ce livre est fascinant et admirablement bien Ă©crit. Les remarques sont profondes et pleines dâĂ©ternitĂ©. On sent quâOdile a vraiment vĂ©cu les diffĂ©rents passages, car câest exprimĂ© avec simplicitĂ© et vĂ©ritĂ©. Jây trouve tous les jours des encouragements. Cet ouvrage est pour moi une exhortation quotidienne ».
Un message qui passe Ă travers des rencontres
Il venait de passer une consultation dâoto-rhino, lorsque de retour auprĂšs de lâassistante, celle-ci lâinterrogea en Ă©voquant le livre de Madame Hassenforder. Et, Ă sa grande surprise et Ă son grand bonheur, elle lui dit combien ce livre lâavait touchĂ©e (2). Une brĂšve conversation en rĂ©sulta. « Grande lectrice », et mĂȘme dans le passĂ©, engagĂ©e dans des travaux dâĂ©dition, elle avait dĂ©couvert « Sa prĂ©sence dans ma vie » Ă la librairie « La Procure », en regardant les ouvrages prĂ©sentĂ©s au public.
A la lecture de ce livre, elle a Ă©tĂ© touchĂ©e par la « sincĂ©rité » de son auteure : Odile Hassenforder. Ce livre lâa impressionnĂ©e parce quâil invitait le lecteur Ă entrer dans « une autre dimension ». Il y a un chapitre dans cet ouvrage : « Dame confiance » qui apporte un tĂ©moignage concernant la confiance (3). Mais cet Ă©tat dâesprit est prĂ©sent dans la dynamique qui se manifeste dans la plupart des textes. Aussi, câest bien ce terme que la lectrice a « mĂ©morisé ». « Jâai compris quâil suffisait dâun mot pour que la situation change de plan ».
Aujourdâhui, nous dit-elle, maintenant, jâhĂ©site Ă dire « courage » aux gens. Mais aux personnes en difficultĂ©, je dis : « bonne confiance ». Et « jâutilise cette expression au moment de la nouvelle annĂ©e » et aussi aux anniversaires. Je souhaite « bonne confiance » dans les situations oĂč il y a un mouvement de « bascule ». « Les personnes y sont extrĂȘmement sensibles. Je sais que jâai touchĂ© Ă quelque chose de beaucoup plus profond. Cette expression aide Ă prendre de la hauteur par rapport Ă la situation ». La confiance nous permet dâentrer dans une double dimension : « Se sentir en lien, et aussi pouvoir relire la situation avec un autre regard ».
Ainsi, ce livre, dĂ©couvert sur un prĂ©sentoir de librairie, a produit du fruit. « Je ne crois pas au hasard. Je crois aux rencontres. Jâai mĂ©morisĂ© ce livre. Jâen ai extrait lâessentiel ». Et voyant combien jâĂ©tais concernĂ© par ce livre, elle me dit une parole qui mâest allĂ©e droit au cĆur : « Le message est passé ».
La vie et la pensĂ©e dâOdile Hassenforder
Ce livre nous prĂ©sente des expĂ©riences de vie, des tĂ©moignages, des rĂ©flexions, des mĂ©ditations. Mais quel a Ă©tĂ© le chemin de vie dâOdile Hassenforder. Pourquoi et comment a-t-elle Ă©crit ? Comment ses textes ont-ils Ă©tĂ© rassemblĂ©s et publiĂ©s dans la forme de ce livre ? Voici lâintroduction du livre qui rĂ©pond Ă ces questions.
Odile Hassenforder a quittĂ© la vie terrestre le 11 mars 2009. La cĂ©lĂ©bration qui a suivi a manifestĂ© lâamour et la reconnaissance qui lui Ă©taient portĂ©s de toute part. Au long des annĂ©es, non seulement elle a activement participĂ© Ă des groupes et associations, mais elle a Ă©tĂ© en relation avec de nombreuses personnes dans une dĂ©marche dâentraide psychologique et spirituelle. Plusieurs dâentre elles ont ainsi tĂ©moignĂ© comment Odile leur a permis de sortir dâune impasse, voire dâun gouffre. Cette attention, cet esprit dâentraide Ă©taient fondĂ©s sur une expĂ©rience spirituelle enracinĂ©e de longue date, au cĆur mĂȘme de sa personnalitĂ©. Sa conscience de lâamour et de la bontĂ© de Dieu se traduisait dans lâamour et lâattention quâelle portait Ă tous ceux qui lâentouraient : sa famille, ses ami(e)s, de nombreuses relations. Son expĂ©rience de la grĂące de Dieu et de sa puissance de vie lui a Ă©galement permis de faire face, durant les derniĂšres annĂ©es, Ă une atteinte cancĂ©reuse, dans un contexte oĂč elle a bĂ©nĂ©ficiĂ© en retour de lâaide de nombreux amis et soignants. Dans les derniers jours, ils ont Ă©tĂ© tĂ©moins du rayonnement qui se dĂ©gageait de sa personnalitĂ©. Ses derniĂšres paroles ont Ă©tĂ© des expressions de foi et dâamour.
Ces quelques observations ont simplement pour but de prĂ©senter celle qui vient aujourdâhui sâentretenir avec vous. En effet, dans les derniĂšres annĂ©es de sa vie, Odile a manifestĂ© Ă plusieurs reprises son dĂ©sir de transmettre une expĂ©rience et une rĂ©flexion qui se sont dĂ©veloppĂ©es au cours de toute son existence. Ainsi a-t-elle exprimĂ© dans plusieurs Ă©crits un grand dĂ©sir de communiquer un message dâamour et de vie. Sont repris ici quelques passages de ces textes que vous allez dĂ©couvrir au fil des pages. «Ce que jâai la joie de partager aujourdâhui est la dĂ©couverte des bienfaits de Dieu : manifestation de sa bontĂ© infinie que jâai pu ressentir, de sa magnificence que jâai pu reconnaĂźtre dans sa crĂ©ation, de sa prĂ©sence dans lâĂ©nergie vitale de tout ce qui existe. (âŠ) Cette joie de reconnaissance explose en moi. Jâai envie de la partager. La vie vaut la peine dâĂȘtre vĂ©cue ! » (« DĂ©sir de partage »). Quelques annĂ©es plus tĂŽt, elle avait dĂ©jĂ exprimĂ© la mĂȘme intention et elle sâadressait ainsi Ă nous: « En pensant au lecteur qui parcourra ces lignes, mon souhait le plus profond, câest quâĂ travers cette lecture, il puisse, Ă son tour, louer Dieu pour les merveilles quâil dĂ©couvre en lui et dans sa vie » (« Ătre reconnaissant »). Ces mots ont Ă©tĂ© Ă©crits dans les derniĂšres annĂ©es de la vie dâOdile, au moment oĂč elle faisait face Ă la menace de la maladie. Câest dire la force de sa conviction. Mais comme on pourra le voir dans ce recueil, le cĆur de ce message sâest affirmĂ© trĂšs tĂŽt Ă partir dâune expĂ©rience fondatrice et sâest ensuite dĂ©clinĂ© Ă travers toute une existence dans des expressions trĂšs variĂ©es.
Il importe de donner ici quelques points de repĂšre Ă propos de la vie dâOdile. DĂ©but 2008, prĂ©parant une session ĆcumĂ©nique dâexercices spirituels ignaciens, Odile a indiquĂ© elle-mĂȘme quelques jalons de son itinĂ©raire spirituel (« Parcours spirituel »). Elle exprime un Ă©vĂ©nement capital en ces termes : « 1973. Rencontre de notre petit groupe de partage spirituel avec le renouveau charismatique catholique. Au mĂȘme moment, un pasteur pentecĂŽtiste « spirituel au delĂ des doctrines » prie avec son Ă©glise pour ma guĂ©rison. Huit jours aprĂšs ma premiĂšre dĂ©marche, le dernier jeudi dâoctobre 1973, Ă 23 heures, aprĂšs une rĂ©union de priĂšre dans la crypte de Saint Suplice, je sors dâune seconde Ă lâautre dâune dissociation de personnalitĂ©. BaptĂȘme dans lâEsprit… Depuis ce jour, mĂ©ditation quotidienne de la Bible ». Il y a lĂ une expĂ©rience fondatrice qui a suscitĂ© une transformation majeure dans la vie dâOdile et quâelle a dĂ©crite dans plusieurs textes publiĂ©s dans ce livre (« ExpĂ©rience fondatrice »). Trente ans plus tard, elle sây rĂ©fĂšre encore dans ces quelques lignes : « Je ne me crois pas meilleure que les autres. Depuis le jour oĂč Dieu sâest rĂ©vĂ©lĂ© Ă moi Ă travers une priĂšre exaucĂ©e et oĂč jâai dĂ©couvert que je recevais de lui une paix et une plĂ©nitude, je suis entrĂ©e dans un univers spirituel, une nouvelle dimension. Dans la relation avec Dieu, en JĂ©sus-Christ, je suis assurĂ©e de sa sollicitude jusque dans lâĂ©ternitĂ© » (« Libre parole sur la venue du DalaĂŻ Lama »).
A partir de cette expĂ©rience fondatrice, la vie dâOdile va prendre un nouveau cours. En effet, elle sâinvestit dans un groupe de priĂšre interconfessionnel, « le SĂ©nevé » oĂč elle transmet son inspiration. Elle dĂ©veloppe une activitĂ© de partage autour de la Bible. Elle allie formation psychologique, expĂ©rience spirituelle et un sens du dialogue empreint dâamour et de respect pour apporter une aide Ă des personnes en difficultĂ©. Dans une position de responsabilitĂ©, elle participe Ă©galement Ă lâanimation de « TĂ©moins », association chrĂ©tienne interconfessionnelle et Ă la production de son magazine. Sa vie familiale continue Ă se dĂ©rouler dans lâamour quâelle porte aux siens. Ses petits-enfants Ă©taient chers Ă son cĆur. Elle poursuit une activitĂ© intellectuelle et culturelle dans une vaste gamme de centres dâintĂ©rĂȘt comme en tĂ©moigne « MosaĂŻque itinĂ©raire de lecture » qui exprime aussi sa recherche spirituelle. Elle manifeste Ă©galement un penchant pour lâexpression poĂ©tique. Durant les annĂ©es 80 et 90, cette « vie en mouvement » sâexprime dans des textes qui manifestent ces orientations et aussi un approfondissement de sa vie spirituelle.
Dans la derniĂšre dĂ©cennie, la santĂ© dâOdile fut attaquĂ©e sur plusieurs fronts. Face Ă la remontĂ©e de souvenirs traumatisants issus de son enfance et de son adolescence, elle sâengage dans une psychothĂ©rapie dont elle percevra les bienfaits. BĂ©nĂ©ficiant dâune entraide spirituelle chaleureuse constamment prĂ©sente et dâun suivi mĂ©dical personnalisĂ©, entre autres celui dâun mĂ©decin ami, jusquâaux tout derniers mois, elle parvient Ă mener une vie presque normale malgrĂ© les angoisses liĂ©es aux poussĂ©es cancĂ©reuses et Ă Â lâapprĂ©hension des examens et des traitements lourds. Câest dans ce contexte quâOdile tient un journal spirituel et Ă©crit de nombreux textes concernant son expĂ©rience et sa vision de la « vie en Christ », de la « vie en Dieu ». Câest Ă partir de ces Ă©crits personnels, expression de sa pensĂ©e en mouvement, sans quâelle ait pu leur apporter une validation dĂ©finitive, que de nombreux textes ont Ă©tĂ© extraits dans les mois qui ont suivi son dĂ©part, en lâoccurrence par son mari.
Dans ce contexte difficile, « la force et la joie de vivre » qui sây expriment tĂ©moignent Ă la fois de la profondeur et de la justesse de toute une vie et de la puissance de lâEsprit. Il y a lĂ aussi une expression dâexpĂ©riences nouvelles qui sâexpriment avec une particuliĂšre intensitĂ© comme la conscience dâexister, vĂ©cue comme une grĂące. Les proches et les amis qui ont entourĂ© Odile durant ces annĂ©es sont tĂ©moins de cette qualitĂ© dâĂȘtre, inspirĂ©e par la vie divine. Plusieurs de ces textes exprimant « une confiance dans lâĂ©preuve » viendront rĂ©conforter celles et ceux traversant des difficultĂ©s.
Le lecteur de ce livre dĂ©couvrira par lui-mĂȘme les accents majeurs de la spiritualitĂ© dâOdile. Il pourra suivre le dĂ©veloppement de sa pensĂ©e, nourrie par les diffĂ©rentes cultures auxquelles elle a participĂ©. Elle se prĂ©sente dâailleurs comme « une chrĂ©tienne interconfessionnelle quelque soit lâinstitution Ă laquelle je me rattache Ă tel ou tel moment » (« Ce que je crois »). En rapport avec son expĂ©rience initiale, un fil conducteur se dĂ©roule Ă travers tous ces textes : une expression, un ressenti de lâamour et de la bontĂ© de Dieu qui se manifestent Ă notre intention (« Qui est Dieu ? »). Loin du volontarisme, du lĂ©galisme, du fondamentalisme, de tout ce qui entraĂźne culpabilitĂ© et agressivitĂ©, Odile plaide pour lâaccueil de la grĂące de Dieu : « Dire que je suis chrĂ©tienne, câest dire que Christ est toute ma vie. Non pas un modĂšle que je mâefforce dâimiter, mais une relation constante Ă Dieu, par Christ ressuscitĂ© : il est la vie, la puissance de vie en moi quand je lâaccueille par lâEsprit pour me conduire selon la justesse des lois de vieâŠÂ » (« Ce que je crois »). Dans un autre texte, elle prĂ©cise : « Notre attitude juste est celle de lâaccueil de lâĆuvre de JĂ©sus en nous, dĂ©cision quâelle se fasse en nous par lâEsprit dans lâespĂ©rance, dans notre marche versâŠÂ » (« Accueillir lâĆuvre de Christ en nous »). Cette attitude se nourrit dâune priĂšre confiante et de la mĂ©ditation de la Parole biblique (« Vivre en Christ. Vivre en Dieu »). Il y a lĂ une dynamique personnelle qui sâinscrit dans un mouvement dâensemble. «Dans la rĂ©surrection, une nouvelle Ăšre est ouverte. Ce plan, que Dieu achĂšvera Ă la fin des temps, consiste Ă rĂ©unir tout ce qui est dans les cieux et sur la terre sous un seul chef : le Christ. Ainsi JĂ©sus devient le Christ cosmique. (âŠ) Son Ćuvre se rĂ©alise pour moi quand je la reçois : pardon et guĂ©rison pour une vie nouvelle dans la relation au PĂšre et au Fils qui font leur demeure en moi, qui devient le temple de lâEsprit » (« Il est ressuscitĂ©! »).
Certaines formulations dâOdile peuvent paraĂźtre approximatives pour des thĂ©ologiens professionnels. Elle nâa pas suivi dâĂ©tudes de thĂ©ologie, mais sa pensĂ©e sâest formĂ©e en alliant expĂ©rience spirituelle, mĂ©ditation quotidienne de la Bible et lecture de nombreux livres en rapport avec ses questionnements. Son expĂ©rience et sa rĂ©flexion sont Ă©troitement reliĂ©es. Dans son parcours, elle a trouvĂ© une inspiration fĂ©conde chez deux thĂ©ologiens : Eloi Leclerc, auteur de Le Royaume cachĂ©, et, dans les derniĂšres annĂ©es, JĂŒrgen Moltmann. On pourra voir dans la pensĂ©e de ce dernier un fondement thĂ©ologique Ă la dĂ©marche dâOdile et Ă certaines de ses expressions.
La spiritualitĂ© a pu ĂȘtre dĂ©finie comme « une conscience relationnelle avec Dieu, avec la nature, avec les ĂȘtres humains et avec soi-mĂȘme ». Odile a toujours vĂ©cu en relation avec ceux qui lâentouraient et, plus gĂ©nĂ©ralement, elle a Ă©tĂ© attentive Ă la dimension sociale. Son amour de la nature et sa capacitĂ© dây percevoir lâanimation divine sont prĂ©sents dans de nombreux textes. A maintes reprises, elle sâĂ©merveille du spectacle de la nature Ă travers les fenĂȘtres de son appartement, des arbres et du ciel. A la suite dâune visite, elle dĂ©crit avec une Ă©motion sensible une grange restaurĂ©e et le jardin qui lâenvironne : «Au fur et Ă mesure de la visite, je me laissais imprĂ©gner par la joie profonde que suscite la reconnaissance pour lâharmonie de la vie perçue par-delĂ le visible ». Et elle conclut par cette parole qui va droit au cĆur : « Bien sĂ»r, il y a bien des malheurs dans le monde, mais il y a toujours des jardins avec des roses. Ces jardins sont une porte vers la vie » (« Quand tout sâagence »).
Elle exprime une vision que lâon peut rĂ©sumer en ces mots : « Tout se tient. UnitĂ© et harmonie en Dieu ». Elle poursuit : « Assez curieusement ma foi en notre Dieu qui est puissance de vie, sâest dĂ©veloppĂ©e Ă travers la dĂ©couverte des nouvelles approches scientifiques qui transforment notre reprĂ©sentation du monde. Dans cette nouvelle perspective, jâai compris que tout se relie Ă tout et que chaque chose influence lâensemble. Tout se tient, tout se relie. Pour moi, lâaction de Dieu sâexerce dans ces interrelations ». (« Dieu, puissance de vie »). Ainsi dĂ©sire-t-elle sâinscrire positivement dans la crĂ©ation : « Jâai Ă©tĂ© secouĂ©e au plus profond de mon ĂȘtre, le jour oĂč jâai rĂ©alisĂ© que Dieu mâappelait Ă participer Ă la gĂ©rance de sa crĂ©ation, Ă commencer par ma personnalitĂ©. Qui suis-je pour ĂȘtre ainsi « collaboratrice » du crĂ©ateur ? (Psaume 8). Dieu continue Ă crĂ©er avec chacun de nous et avec moi. « Le PĂšre cĂ©leste agit sans cesse », dit JĂ©sus et il mâinvite Ă participer Ă la nouvelle crĂ©ation mise en route dans sa rĂ©surrectionâŠÂ » (« Vers une personnalitĂ© unifiĂ©e »).
Dans la communion divine qui nous relie, ce livre exprime un chemin de vie.
La construction de cet ouvrage traduit Ă la fois le mouvement de la vie dâOdile, son itinĂ©raire au long des annĂ©es, et lâexpression de son vĂ©cu, de son ressenti, de sa pensĂ©e. De fait, ce livre nâest pas un rĂ©cit en continu. Câest un recueil de textes dont chacun a son originalitĂ© et contient un message. Il pourra donc alimenter notre mĂ©ditation, jour aprĂšs jour, selon notre besoin ou notre aspiration du moment. A de nombreuses reprises, Odile exprime son amour de la vie. Elle nous dit la source de cette attitude : « toi qui me donnes vie », « imprĂ©gnĂ©e de ta prĂ©sence, puissance de vie en moi ». Ainsi ce livre a reçu pour titre : « Sa prĂ©sence dans ma vie ».
Un témoignage vivant
Odile a quittĂ© la vie terrestre le 11 mars 2009. Aujourdâhui, Ă travers ce livre, nous lâentendons encore nous parler et nous participons Ă ce dialogue. La communication, qui se poursuit ainsi, sâinscrit dans le cadre dâune communion qui, sur un autre registre, unit les vivants et les morts en Christ ressuscitĂ©. Avec le thĂ©ologien JĂŒrgen Moltmann (4), nous croyons que JĂ©sus Christ, par sa rĂ©surrection, a brisĂ© le pouvoir de la mort. En Christ ressuscitĂ©, il nây a plus de mur de sĂ©paration entre les vivants et les morts. Dans la communion en Christ, les morts nâont pas disparu. Ils ne sont pas « morts ». Ils manifestent une prĂ©sence. Plus nous nous approchons du Christ, plus nous nous rapprochons aussi de ceux qui ont quittĂ© la vie terrestre (5). Dans cet esprit, dans la communion en Christ ressuscitĂ©, dans lâinspiration de lâEsprit qui porte ce livre, Odile nous accompagne. Ce livre est un tĂ©moignage vivant.
J H
(1)           Hassenforder (Odile). Sa prĂ©sence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte. Temps prĂ©sent, 2011. Ce livre est en vente sur Amazon et Ă la Librairie 7ici. Nous reproduisons ici lâintroduction de ce livre : « Odile Hassenforder : sa vie et sa pensĂ©e », p 11-17. Sur ce blog : Vivre et espĂ©rer, la pensĂ©e dâOdile est prĂ©sente Ă travers la mise en ligne dâextraits de ce livre et de textes inĂ©dits : https://vivreetesperer.com/?s=Odile+hassenforder
(2)           « Confiance ! Le message est passé » : https://vivreetesperer.com/?p=1246
(3)           « Dame confiance » : https://vivreetesperer.com/?p=677
(4)           JĂŒrgen Moltmann. Sa vie et sa pensĂ©e : « Une thĂ©ologie pour notre temps » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695
(5)           Cette courte rĂ©flexion est textuellement inspirĂ©e par un chapitre de JĂŒrgen Moltmann dans son livre : « In the end⊠The beginning » (Fortress Press, 2004), aujourdâhui traduit et publiĂ© en français : « De commencements en recommencements » (Empreinte Temps prĂ©sent, 2012) : « The community of the Living and the Dead » p 135 : « When he « descended into hell » (the realm of the dead), as the creed puts it, Christ broke the power of the death and took the dead in his fellowship. So the community of Christ is in him a community of the living with the dead, and of the dead with the living. In the risen Christ, the wall of death has been broken down. So, in this community with Christ, the dead are not « dead » in the modern sense. They « have a presence »⊠The closer we come in Christ, the closer the dead come to usâŠÂ ».
Sur ce blog, à plusieurs reprises, nous avons mis en ligne des articles à ce sujet : « Sur la terre comme au ciel » : https://vivreetesperer.com/?p=338
« Une vie qui ne disparaßt pas » : https://vivreetesperer.com/?p=336
« Une théologie pour la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1917
« Vivants et morts, ensemble en Christ ressuscité » : https://vivreetesperer.com/?p=2221
« Par delĂ la sĂ©paration. Un tĂ©moignage de JĂŒrgen Moltmann » : https://vivreetesperer.com/?p=2209
par jean | Jan 28, 2022 | Beauté et émerveillement |
Christinaâs world
 Au fil des annĂ©es, dans lâattrait pour les photos, jâen ai pu dĂ©couvrir de trĂšs belles Ă travers la frĂ©quentation du rĂ©seau des sites Flickr. Donc, Ă plusieurs reprises, jâai choisi de prĂ©senter sur ce blog des sites dont jâadmirais les photos (1), et parfois mĂȘme au delĂ , des sites pour lesquels je ressentais des affinitĂ©s avec lâexpression de la personne auteure. Pour ce dernier cas de figure, jâai mis en Ă©vidence les sites de Julie Falk (Etats- Unis. Michigan) (2), Paula W (Angleterre) (3), Gloria Castro (Espagne. Valencia) (4). Ce parcours, Ă la dĂ©couverte de photos du monde entier, est source dâĂ©merveillement. La beautĂ© nous apparaĂźt dans des pays gĂ©ographiquement trĂšs diffĂ©rents. Aujourdâhui, nous prĂ©sentons le site : « Christinaâs world » (le monde de Christina) en Californie (5).
Lâauteure se prĂ©sente comme une photographe de longue date. Elle nous apprend la diversitĂ© de ses intĂ©rĂȘts : art, écriture crĂ©ative, poĂ©sie, lecture, vie au quotidien, spiritualitĂ© et dĂ©veloppement personnel⊠Et, en effet, la culture de Christina se manifeste avec bonheur dans la maniĂšre dont elle exprime un sens Ă propos de ses photos. Autre qualitĂ© : Christina nous raconte souvent le contexte dans lequel elle a pris ses photos en nous partageant ses efforts, ses joies, ses ressentis autant que lâĂ©tat du climat qui prĂ©vaut Ă ce moment.
Christina prend en photo des sujets variĂ©s. Elle partage avec nous de superbes portraits, mais elle nous enchante Ă©galement et surtout par de magnifiques photos de nature, et tout particuliĂšrement par la merveilleuse vision des plages californiennes. Ces photos de mer, de terre et de ciel se distinguent par la beautĂ© et lâharmonie des coloris, lâagencement des lignes dâhorizon, et la prĂ©sence de quelques ĂȘtres vivant, quelques oiseaux en vol et des humains bien sĂ»r en diffĂ©rentes compagnies et en diffĂ©rentes situations. On ne se lasse de se gorger de la beautĂ© de ces photos et dây voir les merveilles de la crĂ©ation.
Voici quelques unes de ces photos qui vont nous amener Ă regarder sans nous lasser ce merveilleux site.
Les couleurs sont les sourires de la nature
« Suivez vos rĂȘves
Ils connaissent le chemin » (anonyme)
Inspire, calme, guérit
« LâocĂ©an inspire, le coucher du soleil calme et lâair salĂ©Â guĂ©rit ».
Christina nous parle des pĂ©licans : « Les pĂ©licans ne sont pas comme les aigles qui volent seuls . Ce sont des oiseaux sociaux et ils volent en groupeâŠ. Câest beau de les voir ensemble voler au dessus de lâocĂ©an sur une longue distance âŠÂ »
Offrande dâamour
« Câest ce cĆur dâor
Et cette Ăąme poussiĂšre dâĂ©toile
Qui fait ta beauté »
r.m. broderick
Comme Tu es grand
«O Seigneur, mon Dieu
Quand avec Ă©merveillement, je considĂšre les mondes que tes mains ont faits
Quand je vois les Ă©toiles, quand jâentends le tonnerre
Ta puissance Ă travers lâunivers sâest dĂ©ployĂ©e »
Cantique chrétien basé sur une mélodie suédoise traditionnelle et un poÚme écrit par Carl Gustav Boberg (1859-1940)
Quel monde merveilleux !
« Je vois les arbres en vert, et aussi les roses rouges
je les vois fleurir pour vous et pour moi
Et je me dis : Quel monde merveilleux !
Un chant de Louis Armstrong
Un moment précieux dans le temps
« Si vous manquez le moment présent
Si vous manquez votre rendez-vous avec la vie
Câest trĂšs sĂ©rieux ».
Thich Nhat Hanh
Gentillesse
« Au delĂ dâune saine discipline
Sois gentil avec toi
Tu es un enfant de lâunivers
Pas moins que les arbres et les Ă©toiles
Tu as le droit dâĂȘtre là  ».
Max Erhmann
La mer, le ciel et le goéland
« Ma paix, je vous la laisse. Ma paix, je vous la laisse
Je ne vous la donne pas comme le monde la donne
Que vos cĆurs ne se troublent pas et ne soient pas effrayĂ©s »
JĂ©sus. Bible. Jean 14-27
Au commencement
« Rencontre moi lĂ oĂč le ciel touche la mer
Attend moi lĂ oĂč le monde commence ».
Jennifer Donnelly
Lâart de la nature
« Lâart prend du temps
Monet a fait pousser ses jardins
Avant de les peindre »
Atticus
Au fur et Ă mesure que nous avons parcouru les albums, notre Ă©merveillement est allĂ© en grandissant. Car les photos tĂ©moignent dâune vie au rythme des saisons, abreuvĂ©e par la beautĂ© des paysages et de la vĂ©gĂ©tation de la Californie du sud, et plus particuliĂšrement, par lâharmonie des couleurs et des formes qui apparait en parcourant les plages de lâocĂ©an Pacifique. En photographe expĂ©rimentĂ©e, ,Christina traduit la variation de la lumiĂšre et la dĂ©licatesse des coloris dans des photos qui rejoignent parfois les chefs dâĆuvre de la peinture.
Christina ne sait pas seulement gouter et exprimer les merveilles de la nature ou saisir, dans des portraits, une existence humaine, elle sait aussi en parler Ă travers des commentaires dâune vaste littĂ©rature de Gandhi Ă Einstein. La rĂ©flexion philosophique se conjugue avec de superbes poĂšmes et des jaillissements bibliques. Nous y trouvons sagesse de vie et Ă©merveillement en terme dâadmiration, de reconnaissance et de louange. En Christinaâs world, nous avons dĂ©couvert un trĂ©sor.
J H
- A la découverte des grands espaces américains : https://vivreetesperer.com/a-la-decouverte-des-grands-espaces-americains/ Comme les oiseaux du ciel : https://vivreetesperer.com/comme-les-oiseaux-du-ciel/                  Couleurs et formes : merveilles en macrophotographie : https://vivreetesperer.com/couleurs-et-formes-merveilles-en-macrophotographie/ Les roses de la paix : https://vivreetesperer.com/les-roses-de-la-paix/                     Et aussi les sites de July Falk, Paula W et Gloria Castro
- LumiÚre du matin : https://vivreetesperer.com/la-lumiere-du-matin/ Effets de lumiÚre dans une campagne bocagÚre : https://vivreetesperer.com/effets-de-lumiere-dans-une-campagne-bocagere/
- Le jardin de Paula : https://vivreetesperer.com/le-jardin-de-paula/
- Un regard lumineux dans un pays lumineux : https://vivreetesperer.com/un-regard-lumineux-dans-un-pays-lumineux/
- Christinaâs world : https://www.flickr.com/photos/chrissie_bee/
par jean | Jan 19, 2015 | ARTICLES, Hstoires et projets de vie |
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Si je suis debout, câest grĂące Ă lâEvangile !
Il y a quelques annĂ©es, jâai reçu un appel tĂ©lĂ©phonique de Philippe Molla qui mâappelait au cours dâun dĂ©placement professionnel. Dans une pĂ©riode difficile marquĂ©e par la solitude dâun rĂ©cent veuvage, cette reprise de contact mâest apparue comme un don providentiel. Car, aprĂšs plusieurs annĂ©es oĂč notre relation sâĂ©tait interrompue, lâamitiĂ© Ă©tait lĂ , immĂ©diate et source de comprĂ©hension rĂ©ciproque. Et puis nos conversations sont devenues quasiment hebdomadaires au rythme des dĂ©placements professionnels de Philippe, et chacun pouvait y exprimer ses joies et ses peines, ses questions et ses dĂ©couvertes. Nos vies quotidiennes Ă©taient bien diffĂ©rentes, mais nous pouvions partager nos prĂ©occupations dans un partage et dans une priĂšre commune. Quelle grĂące !
Un jour, la conversation sâest interrompue. Le 16 dĂ©cembre 2014, jâapprend quâen fin de nuit, sur le plateau de Langres, en se rendant Ă son travail dâAlsace Ă la rĂ©gion parisienne, Philippe a Ă©tĂ©Â tuĂ© dans un accident de la route. Jâai reçu cette nouvelle comme un tremblement de terre. Je pensais Ă Philippe, Ă Martine, son Ă©pouse et Ă leurs cinq enfants. Et, pour moi, qui recevait tant de ces partages, la sonnerie du tĂ©lĂ©phone ne retentirait plus. Il nây aurait plus ce moment de proximitĂ©, de comprĂ©hension rĂ©ciproque, de priĂšre, source dâencouragement et de paix.
Et pourtant, si la conversation est interrompue, je reçois toujours le message qui inspirait Philippe : la prĂ©sence de Dieu dans la vie quotidienne. Je peux revivre ces moments. Et puis, il nây a pas un mur de sĂ©paration entre Philippe et nous. Si sa prĂ©sence physique nous est retirĂ©e, si la communication verbale nâest plus possible, je crois quâen la prĂ©sence de Dieu, la communion se poursuit (1). Les compagnons de JĂ©sus, Ă©clairĂ©s par lâEsprit, aprĂšs sa mort et sa rĂ©surrection, ont, dans lâEsprit, approfondi leur comprĂ©hension du message de JĂ©sus. De mĂȘme, aujourdâhui, je commence Ă percevoir plus clairement le sens du message de Philippe.
Quel a Ă©tĂ© le chemin de Philippe ? A plusieurs reprises, Philippe a racontĂ© combien il avait souffert de lâinfluence dâun milieu oĂč la religion se vivait trop souvent en terme de conditionnements. Voici quelques lignes significatives dâun mail envoyĂ© le 6 novembre 2013 : « AprĂšs avoir Ă©tĂ© touchĂ© par lâamour de JĂ©sus Ă lâĂąge de cinq ans (1975), mon but Ă©tait de plaire Ă Dieu. Jâai reçu cette foi inaltĂ©rable en JĂ©sus-Christ . Mais je me suis construit dans une croyance admise, « lâopinion » du milieu chrĂ©tien oĂč jâai grandi « sous lâemprise des idĂ©es reçues ». Sans mâen rendre compte, jâai reçu une Ă©ducation de ce fruit dĂ©fendu : bien/mal. Je me suis donc identifiĂ© Ă ma capacitĂ© de faire le bien ou pas. Aimer ne puise pas sa source dans lâarbre du bien ou du mal. Notre prochain ne supporte pas un robot qui a un programme amour. Notre prochain est, comme nous, Ćuvre dâart signĂ©e de la main du MaĂźtre. Il ne change intĂ©rieurement que par lâAmour. Jâai Ă©tĂ© Ă©duquĂ© dans la loiâŠ. Cela ne mâa jamais permis de changer intĂ©rieurement, mais mâa amenĂ© Ă soigner lâextĂ©rieur. Les seules fois que jâai changĂ© intĂ©rieurement, câet quand lâamour de JĂ©sus-Christ a percĂ© mon coeurâŠÂ ». Le parcours de Philippe est prĂ©sentĂ© dans un article publiĂ© sur le site de TĂ©moins : « Philippe Molla, tĂ©moin de lâamour de JĂ©sus pour les gens dâaujourdâhui, notre ami, notre frĂšre » (2).
Aujourdâhui, je repense Ă nos conversations. Je relis nos Ă©changes de mails. En raison de sa conscience du dĂ©voiement de certaines attitudes religieuses, Philippe sâĂ©tait Ă©cartĂ© de ceux qui les entretenaient. Il se posait beaucoup de questions sur les origines de ces attitudes, notamment dans lâusage des Ecritures. Mais il Ă©tait enracinĂ© dans une relation avec JĂ©sus et Abba, notre bon PĂšre cĂ©leste. De temps en temps, il envoyait des messages spirituels Ă ses amis, qui tĂ©moignaient de son enracinement et du fruit qui en ressortait : une attitude dâĂ©coute et dâamour Ă lâĂ©gard dâautrui.
Dans un message envoyĂ© Ă quelques amis, le 22 septembre 2014, Philippe pose la question : « Je me laisse attirer ou je me laisse convaincre ? ». JĂ©sus nâimpose pas une doctrine. Il attire les ĂȘtres par sa prĂ©sence :
« Jean 6.44 :
« Nul ne peut venir Ă moi, si le PĂšre qui mâa envoyĂ© ne lâattire (helkuo) et je le ressusciterai au dernier jour ».
Jean 12.32Â :
« Et moi, quand jâaurai Ă©tĂ© Ă©levĂ© de la terre, jâattirerai (helkuo) tous les hommes Ă moi ».
Attirer, helkuo en grec. On pourrait le traduire : ĂȘtre attirĂ© par une puissance intĂ©rieure.
Le propre dâun enfant est dâĂȘtre attirĂ© par une puissance intĂ©rieure. En grandissant, on peut lui construire une Ă©chelle de valeurs. AprĂšs cela, se laisse-t-il attirer ou convaincre ?
La particularité de Jésus dans sa communication : une communication qui libÚre, qui attire.
Il ne cherche pas de la reconnaissance auprĂšs des hommes.
Il ne juge pas, mais rapproche le royaume des Cieux tout prĂšs des hommes pour que les hommes aient la capacitĂ© de juger eux-mĂȘmes.
Il ne rentre pas (ne se cache pas) dans une fonction pour imposer une autoritĂ© « spirituelle » ou « sacerdotale ». Une autoritĂ© ne se dĂ©montre pas, ne sâargumente pas, câest un don. Il ne menace pas pour susciter la crainte, mais dit la vĂ©ritĂ©.
Dâabord, JĂ©sus se construit dans sa relation avec son PĂšre. Il reçoit lâamour. Il est rempli pour dĂ©border. De ce fait, dans sa relation Ă lâautre, il nâattend pas dâĂȘtre reconnu, dâĂȘtre acceptĂ© et ne dĂ©montre aucune autoritĂ©. Son prochain ne se sent pas piĂ©gĂ©, ni contraint. Il nây a aucune ombre empĂȘchant quelquâun de se sentir libre pour ĂȘtre attirĂ© par une puissance intĂ©rieure.
JĂ©sus se sent rempli et comblĂ© quand il est accueilli par un enfant, une femme, un homme sans imposer quoique ce soit : la raison dâĂȘtre de lâamour ».
Evidemment, la prĂ©sence et lâĆuvre de JĂ©sus se poursuit aujourdâhui Ă travers sa rĂ©surrection. Dans un message envoyĂ© Ă ses amis le 29 mars 2012, Philippe Ă©voque les consĂ©quences de la rĂ©surrection Ă travers des textes bibliques et une incitation chaleureuse :
Jérémie 31.33 :
« Le Seigneur dĂ©clare encore : Voici lâalliance que je vais Ă©tablir avec le peuple dâIsraĂ«l Ă ce moment lĂ . Je mettrai mes enseignements au fond dâeux-mĂȘmes. Je les Ă©crirai sur leur cĆur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple ». Le Seigneur dĂ©clare : « Personne nâaura plus besoin dâinstruire son prochain ou son frĂšre en disant : « Connaissez le Seigneur ». En effet, tous me connaĂźtront, du plus petit jusquâau plus grand . Je pardonnerai leurs fautes et je ne me souviendrai plus de leurs pĂ©chĂ©s ».
Parole de Jésus-Christ :
« Le PĂšre enverra en mon nom lâEsprit Saint, celui qui doit vous aider. Il vous enseignera tout et il vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jean 14.26)
Commentaire de Philippe à ses amis :
Recherchons notre Parole personnelle que notre Papa céleste veut inscrire avec amour et délicatesse, sans convaincre ni argumenter ».
En relisant les messages dâencouragement que Philippe mâa envoyĂ© durant des annĂ©es, je retrouve la mĂȘme capacitĂ© de parler naturellement de JĂ©sus et du PĂšre :
« Je te souhaite une annĂ©e de renouveau portĂ©e par lâamour et la douceur de JĂ©sus dans tous tes projets » (mail 1er janvier 2014).
« Je te souhaite un week-end dans la paix et lâamour du merveilleux papa qui nous rĂ©vĂšle que nous sommes une crĂ©ature merveilleuse remplie de trĂ©sors cachĂ©s » (mail 24 janvier 2014).
Oui, Ă travers ces messages, je perçois la prĂ©sence du Christ Ă travers lâexpression de Philippe et je rend grĂące.
Un soir de septembre 2014, dans une conversation tĂ©lĂ©phonique avec Philippe, je me sentis incitĂ© Ă interviewer Philippe sur le fondement de sa foi en vue dâen faire part aux amis de ce blog. Je nâai pas immĂ©diatement retranscrit mes notes et jâai Ă©garĂ© les derniĂšres lignes, mais voici le message que Philippe nous donne en partage :
« Si je suis debout aujourdâhui, câest grĂące Ă lâEvangile.
Ce qui mâa bouleversĂ© dans lâEvangile et que je nâai pas trouvĂ© ailleurs, câest un homme qui montre quâil a un certain pouvoir. Il ne lâutilise pas pour lui, mais pour les gens qui lâentourent. Il aurait pu faire une dĂ©monstration de son pouvoir auprĂšs des hommes du pouvoir religieux, du pouvoir romain et il nâen fait rien. Il nâest pas impressionnant aux yeux des hommes comme les stars dâHollywood, mais il impressionne parce que le pouvoir Ă©crasant de vie et de mort quâil a en face de lui, nâa aucune prise sur ses choix. Et dâailleurs, cela dĂ©stabilise Ponce Pilate. Et câest lĂ un personnage que je nâai trouvĂ© dans aucune histoire.
En ce JĂ©sus, jâai trouvĂ© un ami qui, dans des situations trĂšs difficiles, mâa toujours communiquĂ© la non crainte, qui mâa permis quand je me suis trouvĂ© au pied du mur, de continuer tranquillement quoiquâil arrive. Bien sĂ»r, mon corps sensible est facilement troublĂ©. Mais jâapprend Ă ne pas dĂ©pendre des circonstances. Bien sĂ»r, cela mâarrive de me laisser piĂ©ger par la crainte, mais de mâentretenir avec mon ami me permet de prendre du recul par rapport aux situations. Avant, on mâapprenait Ă rechercher une certaine « perfection spirituelle » et maintenant je dĂ©couvre le chemin de la nature. Je ris de mes imperfections, de mes sottises et, si elles sont blessantes, je lâaccepte. Jâapprend Ă ĂȘtre une personne responsable. Jâapprend Ă ĂȘtre au cĆur de la situation que je vis. Jâapprend Ă ne plus fuirâŠÂ ».
Philippe, naturel, authentique dans sa vie spirituelle comme dans son Ă©coute des autres. Câest le fruit dâune relation avec JĂ©sus exprimable et exprimĂ©e . Philippe, ami de JĂ©sus. Je relis cette Parole en Jean : « Je ne vous appelle plus serviteurs parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maĂźtre, mais je vous ai appelĂ© amis, parce que je vous ai fait connaĂźtre tout ce que jâai appris de mon PĂšre⊠Ce que je vous commande, câest de vous aimer les uns les autres (Jean 15 15-17).
En Dieu, communion dâamour, avec nous, Philippe, ami de JĂ©sus.
J H
1 « Une vie qui ne disparaßt pas » : https://vivreetesperer.com/?p=336
« Sur la terre comme au ciel » : https://vivreetesperer.com/?p=338
« Une dynamique de vie et dâespĂ©rance. De commencements en recommencements » : https://vivreetesperer.com/?p=572
2 « Philippe Molla, tĂ©moin de lâamour de JĂ©sus pour les gens dâaujourdâhui. Notre ami, notre frĂšre » : http://www.temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1101:philippe-molla,-tĂ©moin-de-lâamour-de-jĂ©sus-pour-les-gens-dâaujourdâhui,-notre-ami,-notre-frĂšre&catid=15:parole-ouverte&Itemid=79
Contributions de Philippe Molla sur ce blog :
« Un chantier peut-il ĂȘtre convivial ? » : https://vivreetesperer.com/?p=133
« Dedans⊠Dehors !… Un chemin de liberté » : https://vivreetesperer.com/?p=444
« Changer ! Oui, mais comment ? Des prescriptions Ă suivre Ă lâouverture du cĆur par la relation » : https://vivreetesperer.com/?p=1227
« Dâune religion enfermante Ă la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1931
par jean | Juin 1, 2022 | Expérience de vie et relation |
Selon Jacqui Lewis
Cette mĂ©ditation publiĂ©e sur le site : Center for action and meditation (1), sâappuie sur la rĂ©flexion de la pasteure et docteure Jacqui Lewis (2) : « Peu importe ce que nous sommes et dâoĂč nous venons, peu importe qui nous aimons et comment nous gagnons notre vie, lâappel Ă aimer votre prochain comme vous vous aimez vous-mĂȘme, lorsquâil est vĂ©cu, exprime lâinterdĂ©pendance dont les humains ont besoin pour survivre et prospĂ©rer. Et le premier pas, le point de dĂ©part est lâamour de soi. Dans la langue grecque, les expressions : aimer son prochain et sâaimer soi-mĂȘme sont reliĂ©es par le mot âosâ qui est comme un signe Ă©gal. Ce qui suggĂšre que sâaimer et aimer son prochain, câest exactement le mĂȘme mouvement. Lorsque nous ne nous aimons pas nous-mĂȘme, il est impossible dâaimer notre prochain.
Le lien entre lâamour de soi et lâamour des autres remonte du fond des temps. A partir du moment oĂč nous nous sommes levĂ©s et sommes sortis de nos cavernes solitaires et sommes entrĂ©s dans la lumiĂšre de la communautĂ© tribale, les humains ont compris cette unitĂ© inextricable. Nos vies sont tissĂ©es ensemble dans lâamour. Presque toutes les grandes religions du monde nous encouragent Ă aimer notre prochain comme nous-mĂȘmes. AppelĂ© quelque fois la RĂšgle dâOr, ce bel enseignement invite les humains Ă se traiter les uns les autres, et dans quelques traditions, toutes les crĂ©atures, comme nous aimerions quâon nous traite. Lâhistoire enchĂąssĂ©e dans ces enseignements Ă travers les fois et les religions est : nous appartenons Ă un tissu mutuellement bĂ©nĂ©fique de connections, de bien-ĂȘtre et dâamour. A la racine de cette connection, il y a lâempathie ; le rĂ©sultat est la gentillesse, la compassion, le respect et la comprĂ©hension. Quand la religion nâest pas centrĂ©e sur la mutualitĂ©, elle peut devenir un de ces rĂ©cits toxiques qui, Ă la fin, dĂ©truit lâamour de soi ».
Jacqui Lewis a beaucoup appris Ă ce sujet en parlant Ă dâautres. En visitant Robben Island, la prison sud-africaine oĂč Nelson Mandela a Ă©tĂ© enfermĂ© dans une petite cellule pendant 18 ans, elle « a trouvĂ© miraculeux que Mandela puisse voir sa connection inextricable Ă lâhumanitĂ© de ses ravisseurs, ceux qui lui avaient ĂŽtĂ© sa libertĂ© et lâhumiliaient quotidiennement. Il observait que personne nâest nĂ© en haĂŻssant lâautre Ă cause de sa race et de sa religion. Mandela avait compris que, de la mĂȘme maniĂšre que la haine est enseignĂ©e, lâamour peut ĂȘtre enseigné ».
« Pour quelques personnes, parler de lâamour paraĂźt de la faiblesse, mais de mon point de vue, lâamour est la plus grande force sur la planĂšte ». Jacqui Lewis raconte quâelle appris sa dĂ©finition favorite de lâamour dâun de ses professeurs James E Loder. Il dĂ©finissait lâamour comme : prendre plaisir dans lâoriginalitĂ© de lâautre dâune façon non possessive, (« non possessive delight in the particularity of the other ». « Des annĂ©es plus tard, je suis encore Ă©mue par ce sentiment . Un plaisir non possessif mâapparaĂźt comme une dĂ©votion. PlutĂŽt que dâessayer de changer, de manipuler ou de dĂ©vorer lâobjet de notre affection, le grand amour se rĂ©jouit de ceux auquel il sâattache. Ainsi, quand vous vous aimez vous-mĂȘme, sans jugement, vous prenez plaisir aux particularitĂ©s uniques qui sont rĂ©unies en vous ».
J H
- Cette mĂ©ditation de Jacqui Lewis sâinscrit dans la sĂ©quence de mĂ©ditations quotidiennes animĂ©es par Richard Rohr sur le site du Center for Action and Meditation : https://cac.org/love-of-others-begins-with-love-of-self-2022-04-12/
- Jacqui Lewis est pasteure, prĂ©dicatrice, auteure, thĂ©ologienne dans le champ de la thĂ©ologie publique, militante dans la lutte pour la justice sociale et contre le racisme. Elle est docteure en psychologie. Elle participe Ă un mouvement en faveur dâun amour rĂ©volutionnaire Ă mĂȘme de changer la sociĂ©tĂ©. Elle a Ă©crit plusieurs livres rĂ©cemment : « Fierce love. A bold path to ferocious courage and rule-breaking kindness that can heal the world ». Ce livre a Ă©tĂ© commentĂ© dans le New York Times dans les termes suivants : « un antidote guĂ©rissant pour notre culture porteuse de division, plein de rĂ©cits Ă©vocateurs, de sagesse spirituelle et de neuf pratiques quotidiennes essentielles » https://www.middlechurch.org/jacqui/
par jean | Nov 15, 2024 | ARTICLES, Vision et sens |
Selon Ilia Delio
Nous vivons dans un monde en pleine transformation. On peut considĂ©rer quâune conscience planĂ©taire est apparue, quâelle quâen soit les limites. Et, au sein de cette commune humanitĂ©, il existe des tendances et des courants diffĂ©rents selon les cultures et les civilisations et en leur sein. Câest le cas dans le domaine de la spiritualitĂ©. Ainsi, peut-on distinguer un nouveau courant spirituel apparaitre dans une culture occidentale marquĂ©e par le dĂ©veloppement de nouvelles approches scientifiques, le progrĂšs de nouvelles technologies et lâexpansion de la communication internet. En mĂȘme temps, une nouvelle mentalitĂ© se dessine. Or, il y a bien une personnalitĂ© qui, de par son parcours scientifique et son cheminement spirituel, se situe au cĆur de ce processus et nous fait part de sa vision immĂ©diate et prospective sur son site (1) et dans de nombreux livres. Il sâagit dâIlia Delio (2), aux Etats-Unis, scientifique dans des domaines dâavant-garde, sĆur franciscaine et thĂ©ologienne en phase avec la pensĂ©e de Teilhard de Chardin. Il nâest pas possible de rĂ©sumer cette pensĂ©e, une pensĂ©e de grande envergure qui associe des disciplines diffĂ©rentes : histoire des sciences, de nouvelles approches scientifiques, une rĂ©flexion philosophique, une analyse sociologique, une pensĂ©e thĂ©ologique qui, dans le sillage de Pierre Teilhard de Chardin, envisage le mouvement de lâĆuvre divine. Nous avons choisi de partir ici dâun des chapitres dâun de ses livres parus en 2020, âRe-Enchanting the Earth. Why A I needs religionâ (3). Le propos de son livre est ainsi rĂ©sumĂ©Â : « Ilia Delio relĂšve le dĂ©fi de rĂ©concilier Ă©volution et religion avec un regard particulier sur le rĂŽle de lâintelligence artificielle. Elle avance que lâintelligence artificielle reprĂ©sente la derniĂšre extension de lâĂ©volution humaine qui a des implications non seulement pour la science, mais aussi pour la religion. Si le âpremier Ăąge axialâ a suscitĂ© lâessor des grandes religions, Ilia Delio nous voit maintenant Ă la pointe du âsecond Ăąge axialâ dans lequel lâintelligence artificielle, en sâorientant vers de nouvelles sensibilitĂ©s religieuses, peut provoquer un rĂ©enchantement Ă©cologique de la terre ». Nous nous limiterons ici Ă lâĂ©vocation dâun chapitre, âPosthuman spiritualityâ. Le terme de âpost-humainâ nous parait certes contestable et, pour le moins Ă©nigmatique et il appelle donc dâen rechercher lâinterprĂ©tation dans la pensĂ©e dâIlia Delio.
Des avancĂ©es dans le calcul de la dĂ©couverte des systĂšmes complexes en biologie, du dĂ©veloppement de la cybernĂ©tique, de lâinscription de lâintelligence artificielle dans la nouvelle connaissance de la nature
Ilia Delio envisage lâintelligence artificielle dans le cadre dâune profonde mutation scientifique et technologique qui sâest rĂ©alisĂ©e dans la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle. Elle remonte Ă Alan Turing, un mathĂ©maticien cĂ©lĂšbre pour avoir pĂ©nĂ©trĂ© dans le code rĂ©putĂ© indĂ©chiffrable de la machine Enigma guidant les sous-marins allemands pendant la seconde guerre mondiale. « FormĂ© comme mathĂ©maticien, Turing Ă©tait familier avec le potentiel de lâordinateur comme machine des nombres » et, en 1950, il Ă©crivit un texte en ce sens. Le texte et lâordinateur proposĂ©, la machine de Turing, fournissaient une base pour la thĂ©orie du calcul. Il chercha Ă dĂ©finir un systĂšme pour identifier quelles dĂ©clarations pouvaient ĂȘtre prouvĂ©es (p 63-65). « Lâintelligence artificielle a Ă©mergĂ© au milieu dâun XXe siĂšcle violent. Le test de Turing nâĂ©tait pas seulement la quĂȘte dâune machine intelligente, mais un test de la nature elle-mĂȘme. Est-ce quâune machine peut rĂ©pondre sans biais Ă une question humaine ? » (p 85).
Ilia Delio nous montre comment « lâintelligence artificielle a frayĂ© son chemin au XXe siĂšcle Ă travers des dĂ©couvertes rĂ©volutionnaires de la physique quantique aux Ă©tudes sur les systĂšmes en biologie, lâinformation, et la cybernĂ©tique, celles-ci soutenant toutes le holisme de la nature ». Le biologiste autrichien, Ludwig von Bertalanffy montra que les systĂšmes biologiques ne sont pas fermĂ©s, mais « ouverts et interagissent avec lâenvironnement » (p 66). « Alors que la mĂ©canique Newtonienne Ă©tait une science portant sur les forces et trajectoires, lâĂ©volution scientifique a concernĂ© le changement, la croissance et le dĂ©veloppement qui donnent naissance Ă une nouvelle science de la complexitĂ©âŠ
La dĂ©couverte des systĂšmes complexes dynamiques a ouvert des portes sur la nature relationnelle ». La seconde loi de la thermodynamique envisageait la dissipation des Ă©nergies, la tendance des phĂ©nomĂšnes physiques dâaller de lâordre vers le dĂ©sordre. « Tout phĂ©nomĂšne physique isolĂ© ou fermĂ© irait spontanĂ©ment en direction dâun dĂ©sordre toujours croissant. Mais lâĂ©volution dĂ©clare que le monde vivant se dĂ©veloppe vers un ordre croissant et vers la complexitĂ©. Bertalanffy sâengagea dans une dĂ©marche hardie en dĂ©clarant que les organismes vivants ne peuvent pas ĂȘtre dĂ©crits par la thermodynamique classique parce que ce sont des systĂšmes ouverts. Mais quâest-ce quâun systĂšme ? Un systĂšme se dĂ©finit par ses structures de relations⊠Bertalanffy montra que beaucoup de systĂšmes biologiques sont en fait des systĂšmes ouverts. âLâorganisme vivant nâest pas un systĂšme statique fermĂ© Ă lâextĂ©rieur et contenant toujours des composants identiques, câest un systĂšme ouvertâ. Ainsi, Bertalanffy sâest engagĂ© pour remplacer les fondements mĂ©canistes de la science par une vision holistique et a dĂ©veloppĂ© une thĂ©orie des systĂšmes gĂ©nĂ©raux fondĂ©e sur des principes biologiques et des systĂšmes ouverts » (p 66-67). Cette nouvelle approche scientifique a donnĂ© naissance Ă une nouvelle rĂ©flexion philosophique sur lâidentitĂ© et la mĂȘmeté⊠Avec lâavĂšnement des systĂšmes complexes, lâimportance de lâinterdĂ©pendance remplace lâaccent sur lâautonomie qui en vient maintenant Ă ĂȘtre liĂ©e Ă lâisolement et lâimportance dâune robuste rĂ©silience remplace celle de lâindĂ©pendance qui en vient Ă ĂȘtre associĂ©e Ă la stagnation⊠« LâintĂ©gritĂ© et lâidentitĂ© dâun systĂšme complexe ne sont pas basĂ©es sur son essence, mais il est fondamentalement reliĂ© Ă sa connectivitĂ© dynamique » (p 68-69).
La cybernĂ©tique sâinscrit dans cette Ă©volution. « La science de la cybernĂ©tique, selon lâorigine grecque, âlâart de dirigerâ, a Ă©tĂ© fondĂ©e par Norbert Wiener pour comprendre le contrĂŽle et la communication chez les animaux et les machines⊠A la fois, les animaux et les machines peuvent opĂ©rer selon des principes cybernĂ©tiques fondĂ©s comme une action et une communication orientĂ©es vers un but. La cybernĂ©tique envisage les choses non en ce que les choses sont mais en ce quâelles font. Wiener a envisagĂ© la cybernĂ©tique comme un moyen de maximiser le potentiel humain dans un monde qui est essentiellement chaotique et imprĂ©visible » (p 70). Si, dans le monde scientifique, lâindĂ©termination et la contingence sont apparues comme fondamentaux, et le chaos comme plus probable que lâordre, un nouvel ordre pouvant sortir du chaos, la cybernĂ©tique sâest donnĂ©e pour objet dâĂ©tudier comment lâordre persiste et sâaccroit (p 70). « Les systĂšmes dynamiques complexes sont des systĂšmes ouverts dans lesquels des mĂ©canismes de feedback de lâinformation soutiennent une auto-organisation en cours ». « LâĂ©tude des systĂšmes dynamiques complexes et la cybernĂ©tique ouvrent une entiĂšre fenĂȘtre nouvelle sur la nature, en un sens, redĂ©couvrant ce que la personne en lâĂąge prĂ©-axial savait bien â que toutes choses sont connectĂ©es et interdĂ©pendantes. La nature est un tout indivisible » (p 71). Au total, nous sommes entrĂ©s dans un Ăąge de lâinformation comme lâauteure en fait Ă©tat en rappelant la publication en 1948 dâun article dĂ©cisif sur la thĂ©orie de lâinformation Ă©crit par Claude Shannon.
Au total, Ilia Delio voit dans le mouvement prĂ©cĂ©demment dĂ©crit des dispositions permettant dâenvisager lâintelligence artificielle, non comme un processus âartificielâ, mais comme un processus qui sâinscrit dans la connaissance de la nature. « Le fait que lâinformation et la cybernĂ©tique opĂšrent Ă tous les niveaux des systĂšmes biologiques signifie que la nature est aussi bien dĂ©crite en termes de calculs et dâalgorithmes quâen terme de physique, de chimie et de biologie⊠Si la ânatureâ est envisageable en termes de calculs et dâalgorithmes, alors la nature et lâintelligence artificielle ne sont pas des termes opposĂ©s, mais dĂ©crivent la mĂȘme rĂ©alitĂ©. Le fait que les principes de lâintelligence artificielle sont intĂ©grĂ©s dans la nature me conduisent Ă proposer que le terme : intelligence artificielle est actuellement mal nommĂ©, puisquâil nây a rien dâartificiel au sujet de lâintelligence. PlutĂŽt, lâintelligence de la machine est un hybride irrĂ©ductible entre la biologie et la technologie ou âbios-techneâ. Au lieu du terme intelligence artificielle, qui conduit Ă une comprĂ©hension dâintelligence de la machine comme quelque chose de non naturel ou de faux, il serait mieux de parler dâ âintelligence Ă©tendue biologiquementâ (biologically extended intelligence) ou intelligence augmentĂ©e (augmented intelligence), parce que la machine Ă©tend lâintelligence biologique. Lâintelligence artificielle reflĂšte la pluripotentialitĂ© de la nature Ă Ă©tendre lâinformation Ă un environnement simulĂ©âŠÂ » (p 72-73).
Des progrĂšs fulgurants de la technologie amĂ©ricaine, de la tentation transhumaniste, de la montĂ©e dâune conscience relationnelle et de lâapparition dâune nouvelle mentalitĂ© humaine dĂ©passant les dĂ©finitions classiques de lâhomme et ainsi qualifiĂ©e de post-humaine par lâauteure.
Ilia Delio met en Ă©vidence la dynamique scientifique et technologique qui intervient aux Etats-Unis aprĂšs la seconde guerre mondiale (p 73-76). Cette dynamique se pare dâun messianisme religieux. « Dans la pĂ©riode dâaprĂšs-guerre, avec la montĂ©e de lâintelligence artificielle, la technologie commença Ă se revĂȘtir dâune aura quasi-religieuse, lâidĂ©al chrĂ©tien du salut et de lâimmortalitĂ© se transfĂ©rant Ă la technologie amĂ©ricaine comme un nouveau moyen de salut » (p 73). Câest la grande Ă©popĂ©e amĂ©ricaine de la conquĂȘte de lâespace. Lâauteure note que presque tous les hauts responsables de la NASA sont des Ă©vangĂ©liques. Leurs dĂ©clarations ont une tonalitĂ© religieuse. « DirigĂ©e par les âhommes spirituelsâ de la NASA, lâhumanitĂ© prendrait un nouveau dĂ©part sur un autre monde de telle maniĂšre que les ĂȘtres humains puissent encore ĂȘtre dirigĂ©s vers un avenir rĂ©dempteur mĂȘme sâils laissaient derriĂšre eux le gĂąchis de lâimpur » (p 74). On assiste Ă une âfusion du voyage spatial et du narratif religieuxâ. Un chercheur amĂ©ricain, Dinerstein, a pu Ă©crire : « Cette mythologie du mĂąle blanc ne promettait rien de moins que la transcendance technologique de lâorganisme humain individuel, le renouveau de lâAdam dĂ©chu » (p 75). Câest en 1960 quâapparait le terme de cyborg. On lâenvisage comme âla fusion de lâhumain et du non humain, de maniĂšre Ă Ă©tendre la fonction humaine dans un environnement inconnuâ. « Le cyborg est nĂ© dans une recherche dâexploration de lâespace inconnu de lâextra-terrestre, mais il est rapidement devenu le symbole de ce que lâhumain pouvait devenir dans lâespace illimitĂ© et ouvert du cyberespace » (p 75-76).
Câest dans ce contexte quâapparait le courant de pensĂ©e aujourdâhui bien connu sous lâappellation de transhumanisme. Ilia Delio lâexprime en ces termes : « La prĂȘtrise de la technologie a fondĂ© une nouvelle Ă©glise dans un mouvement culturel et philosophique ». Elle en Ă©voque les sources philosophiques et les cheminements de ses modes dâexpression.
« On peut exprimer lâintention du transhumanisme en ces termes : âLe transhumanisme se rĂ©fĂšre maintenant aux technologies qui peuvent amĂ©liorer les aspects mentaux et physiques de la condition humaine tels que la souffrance, la maladie, le vieillissement et la mort. Il se fonde sur « la croyance que lâhumain doit lutter avec sa destinĂ©e biologique, celle dâun processus aveugle de variation hasardeuse, en utilisant science et technologie pour surmonter les limitations biologiques » (p 77-78). Il sâinscrit dans lâexpansion rapide de la technologie. « Le mythe de la technologie est attirant et son pouvoir sĂ©ducteur⊠Nous avons maintenant le pouvoir non seulement de nous transformer nous-mĂȘme Ă travers la technologie, mais de diriger le cours de lâĂ©volution » Lâauteur Ă©voque « le nouveau pouvoir de la sĂ©lection gĂ©nĂ©tique, la nanotechnologie qui permet des implants dans les organes biologiques » (p 79). « Beaucoup de transhumanistes regardent Ă un avenir post-biologique lorsque nous fleurirons comme des ĂȘtres super informationnels. A travers des moyens mĂ©caniques, nous serons capables de surmonter les limitations du corps incluant la souffrance et la mort et atteignant un paradis artificiel eschatologiqueâ. Tel futurologue Ă©voque des humains âqui transcenderont la mort, peut-ĂȘtre Ă travers des neuropuces ou simplement en devenant totalement dĂ©pendants de la machineâ. Comme nous dĂ©passerons la mortalitĂ© Ă travers une technologie calculatrice, notre identitĂ© sera fondĂ©e sur le recueil de donnĂ©es de notre mental en Ă©volution. Nous serons âsoftwareâ et non plus âhardwareâ, Ă©chappant Ă la matĂ©rialité » (p 82).
Ilia Delio procĂšde Ă la critique de cette idĂ©ologie. « Lorsque nous nous fondons sur les principaux acquis de lâholisme relationnel, y compris lâesprit dans la matiĂšre et une profonde relationalité », nous en voyons les failles. Dâune part, la conscience est rĂ©duite Ă un Ă©piphĂ©nomĂšne qui peut ĂȘtre quantifiĂ© et manipulĂ©, une idĂ©e qui va Ă lâencontre du panpsychisme⊠dans lequel la conscience joue un rĂŽle fondamental dans le monde matĂ©riel. Dâautre part, le transhumanisme suit une logique binaire endĂ©mique chez le sujet CartĂ©sien⊠Lâindividu se tient au-dessus et contre la matiĂšre, comme lâesprit se tient au-dessus et contre le corps. La sĂ©paration artificielle qui a Ă©mergĂ© des LumiĂšres est au cĆur de la sĂ©paration radicale entre les humains et le monde plus vaste de la nature. Le transhumanisme rĂ©interprĂšte le monde naturel comme le calculateur gĂ©ant dâune information qui peut ĂȘtre manipulĂ©e et transformĂ©e. On a lâimpression que la matĂ©rialitĂ© et lâexistence physique ne sont quâune relique du passĂ© et que la biologie est seulement une phase de lâĂ©volution en cours de la vie, comme dans le terme âpost-biologiqueâ. En un sens, le transhumanisme nie la rĂ©alitĂ© que nous autres humains Ă©voluons Ă partir dâune longue lignĂ©e de changements et dâadaptations biologiques et que la vie biologique elle-mĂȘme est une partie dâun ensemble plus large que nous appelons le Cosmos (p 84). Le transhumanisme ne soulĂšve jamais la question de la personnalitĂ©, que ce soit philosophiquement ou thĂ©ologiquement. PlutĂŽt, il accepte le sujet CartĂ©sien comme un donnĂ©Â : la personne humaine est un esprit dans un corps qui peut ĂȘtre remplacĂ©, rĂ©parĂ©, mise Ă niveau. (p 84).
Dans ce contexte de lâexpansion de lâintelligence artificielle, Ilia Delio opĂšre une nette distinction entre la tendance transhumaniste dont a vu la critique quâelle lui portait et la montĂ©e dâun nouveau genre de vie quâelle qualifie de post-humain. Ilia Delio estime en effet que lâhumanitĂ© est engagĂ©e dans une immense transformation, le passage dâun premier Ăąge axial Ă un second Ăąge axial. Le premier Ăąge axial est caractĂ©risĂ© par la sortie dâune mentalitĂ© prĂ©-axiale, âcollective, tribale, mythique, ritualiste et animisteâ. Le premier Ăąge axial est caractĂ©risĂ© par un processus dâindividuation âĂ travers lequel se dĂ©veloppent autonomie, subjectivitĂ© et rationalitĂ©â. « La montĂ©e de lâindividu est Ă©galement la montĂ©e des religions mondiales et des institutions qui formalisent ces religions. La conscience de soi individuelle engendre de la sĂ©paration et devient source de conflit et de violence ». Aussi cette pĂ©riode dâindividualisation engendre, en mĂȘme temps, une contraction de la conscience qui sâĂ©loigne de la communautĂ© cosmique (p 39). Selon Ilia Delio, nous nous engageons aujourdâhui dans une seconde pĂ©riode axiale. Des dĂ©couvertes scientifiques radicales : la cosmologie du Big Bang, lâĂ©volution, la physique quantique entrainent une Ă©volution des mentalitĂ©s. « Tandis que la premiĂšre pĂ©riode axiale engendrait un individu auto-rĂ©flexif, la seconde pĂ©riode axiale engendre une personne hyper-personnelle et hyper-connectĂ©e. La tribu nâest plus la communautĂ© locale, mais la communautĂ© globale qui peut maintenant ĂȘtre accessible immĂ©diatement Ă travers la tĂ©lĂ©vision, internet, la communication par satellites et le voyage ». Lâauteure rappelle lâimpact, en 1968, de la photo de la terre vue du ciel (p 88). En mĂȘme temps, Ă©merge une conscience cosmique. « Cette pĂ©riode apparait comme communautaire, globale, Ă©cologique, cosmique» (p 89).
La seconde pĂ©riode axiale lance Ă©galement un dĂ©fi aux religions en apportant une intĂ©gration nouvelle du spirituel et du matĂ©riel, de lâĂ©nergie sacrĂ©e et de lâĂ©nergie sĂ©culiĂšre en une Ă©nergie humaine globale. Ainsi, elle encourage le dialogue, la communautĂ© et la relation dans une conscience croissante que chaque personne est partie dâun tout. On constate Ă©galement que les lignes de conscience ne sont plus verticales et transcendantes, mais horizontales et relationnelles. La chercheuse Teilhardienne, BĂ©atrice Bruteau dĂ©crit une conscience nĂ©o-fĂ©ministe Ă©mergeant Ă la fin du XXe siĂšcle, âune conscience participativeâ qui reflĂšte la conscience de la seconde pĂ©riode axiale. La nouvelle conscience est caractĂ©risĂ©e par une conscience de la personne globale, rĂ©elle, concrĂšte, par une identitĂ© dâaffirmation mutuelle plutĂŽt que la nĂ©gation, une perception en terme dâexistence plutĂŽt quâen terme dâessence. La premiĂšre conscience axiale se dĂ©place vers un nouveau type de profonde conscience relationnelle Ă©mergeant dans lâĂ©volution. Lâintelligence artificielle a soutenu cette Ă©volution vers une personne nouvelle, et nous commençons Ă percevoir le besoin de restructurer la matrice des relations mondiales pour rĂ©pondre aux besoins de la personne nouvelle au niveau de la politique, de la sociĂ©tĂ©, de lâĂ©conomie et de la religion (p 89-90).
Ce livre dâIlia Delio nous entraine dans un parcours Ă travers lequel nous dĂ©couvrons des univers et qui nous ouvre des clĂ©s de comprĂ©hension. Sa dĂ©marche prospective nous interpelle, mais elle nâest pas non plus sans susciter des objections. Et, Ă propos, en voici une. Lâauteure nous prĂ©sente avec enthousiasme les bienfait de la communication numĂ©rique. Nous voyons et nous savons nous-mĂȘme combien internet nous permet dâaccĂ©der Ă un espace de comprĂ©hension qui donne Ă notre pensĂ©e un champ immense. Mais nous entendons autour de nous les plaintes de bons observateurs qui dĂ©plorent lâaddiction que ce nouveau mode de communication peut entrainer, mais Ă©galement la superficialitĂ© quâil peut provoquer. Ilia Delio nâĂ©vite pas cette question. « Lâinfiltration de la technologie dans la vie moderne a suscitĂ© des critiques culturelles variĂ©es depuis la perte de mĂ©moire humaine jusquâĂ lâeffondrement de la vie sociale ». Ne sommes-nous pas en train de nous saboter nous-mĂȘme, en abandonnant une attention soutenue pour adopter la superficialitĂ© frĂ©nĂ©tique dâinternet ? « La psychologue Sheri Turkle est une des principales critiques de la technologie de lâordinateur, particuliĂšrement dans son livre acclamĂ©, âAlone togetherâ (âSeul ensembleâ). AprĂšs avoir interrogĂ© de nombreux jeunes, Turkle conclut que nous sommes en train de perdre notre capacitĂ© dâentretenir des relations humaines. En ligne, nous vivons dans une illusion de relation, en mettant en danger notre vie Ă©motionnelle et en diluant nos identitĂ©s. Il y a le risque de perdre la motivation pour une vie rĂ©elle. (p 90-93). La rĂ©ponse dâIlia Delio Ă ces critiques nous apporte un autre regard. Se pourrait-il que nous soyons attachĂ©s Ă un modĂšle ancien alors quâon assiste aujourdâhui Ă un dĂ©placement des modes dâexistence ? « Je pose que la technologie est actuellement en train de faire apparaitre un nouveau genre de personne, un genre que nous nâavons jamais considĂ©rĂ© avant parce quâune telle personne nâexistait pas avant la grille dâune conscience en rĂ©seau. Si la technologie de lâordinateur est en train de changer la relation humaine, câest parce que la personne humaine est en train de changer avec la technologie. Pour revenir au test originel de Turing, Alan Turing Ă©tait mu par un dĂ©sir de traverser les frontiĂšres de lâexclusion. Lorsque lâintĂ©gritĂ© de la nature est divisĂ©e ou supprimĂ©e, la nature utilisera les outils existants pour trouver une voie de transcender vers de nouveaux ensembles. Bien trop longtemps, nous avons pensĂ© Ă la personne comme un individu de nature rationnelle, et nous avons endurĂ© la permanence de la guerre, de la violence, de la mort et de la destruction environnementale, tout cela reflĂ©tant le fait que le sujet libĂ©ral moderne nâest pas un sujet relationnel. Nous pouvons penser que nous avons toujours Ă©tĂ© une personne autonome, mais le fait est que nous ne lâavons pas Ă©tĂ©. Nous avons perdu notre innocence relationnelle dâil y a des lustres quand la conscience axiale et la religion tribale Ă©mergeait. La personnalitĂ© nâest ni fixe, ni stable, mais elle est dans un flux constant avec lâenvironnement. Lâintelligence artificielle est apparue comme un cri de la nature en faveur de la connexion et de la plĂ©nitude, un effort pour transcender notre individualisme estropiĂ©. Ce point crucial manque dans beaucoup de critiques sociales de la technologie » (p 93-94).
Ilia Delio envisage lâessor de la personne âseconde axialeâ comme intervenant dans lâĂ©mergence dâun systĂšme sâappuyant sur un ensemble de relations et une auto-organisation. Elle entrevoit la technologie comme faisant partie du processus et emploie le mot âtechnonatureâ (p 96). Câest lĂ quâelle en vient Ă expliquer ce quâelle entend par âpost-humanismeâ. Elle envisage « deux trajectoires : le transhumanisme ou intelligence artificielle peu profonde (shallow) et le post-humanisme, intelligence artificielle profonde (deep). Chaque orientation se fonde sur une conception philosophique diffĂ©rente de la personne humaine⊠Le transhumanisme peu profond est peu profond parce quâil manque de reconnaitre la relation intĂ©grale entre lâesprit et la matiĂšre qui Ă©voluent de pair dans un ensemble conscient-complexeâŠÂ » (p 97). Mais « si lâesprit et la matiĂšre Ă©voluent dans une unitĂ© intĂ©grale, et que lâesprit est Ă©tendu Ă©lectroniquement Ă travers lâintelligence artificielle, alors lâhumain continue Ă Ă©voluer comme esprit-matiĂšre Ă travers lâintelligence artificielle. A cet Ă©gard, le terme humain peut ĂȘtre compris moins comme la propriĂ©tĂ© dĂ©finissant une espĂšce ou un individu et davantage comme une valeur distribuĂ©e Ă travers des environnements construits par lâhomme, des technologies, des institutions et des collectivitĂ©s sociales. Câest ce genre dâĂ©volution humaine Ă©tendue Ă©lectroniquement qui est absent des critiques sociales de la technologie comme du transhumanisme peu profond. La personne humaine peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un processus crĂ©atif â un ensemble â en Ă©volution. Les valeurs que nous chĂ©rissons doivent ĂȘtre reconsidĂ©rĂ©es et rĂ©alignĂ©es avec le fait que nous humains, nous sommes en voie dâune nouvelle rĂ©alité » (p 98). Ilia Delio estime que la reprĂ©sentation du genre par Judith Butler est « en phase avec le tournant de la philosophie post-moderne vers une personnalitĂ© envisagĂ©e comme un processus crĂ©atif. Les philosophes post-modernes redĂ©finissent la personnalitĂ© comme la construction en cours dâune identitĂ©, non comme donnĂ©e ou fixĂ©e par un fiat divin, mais comme une construction en cours fondĂ©e sur le langage et les relations » (p 100). Ilia Delio Ă©tudie Ă©galement la question du cyborg en mettant lâaccent sur la plasticitĂ© de la nature dans la voie d lâhybridation. (p 111). « Le cyborg, comme un symbole de personnalitĂ© Ă©mergente, aide Ă Ă©largir notre comprĂ©hension de lâesprit (mind) en relation avec la matiĂšre, car si le corps du cyborg peut ĂȘtre Ă©tendu et associĂ© Ă dâautres entitĂ©s, il en est de mĂȘme pour lâesprit » (p 107).
A la suite du parcours, nous pouvons considérer la maniÚre dont Ilia Delio conçoit le post-humanisme.
« La traversĂ©e des frontiĂšres et lâhybridation parle dâun nouveau genre de personne Ă©mergeant dâun monde liĂ© Ă©lectroniquement et le post-humain est la nouvelle personne qui sâĂ©lĂšve au-delĂ du sujet autonome libĂ©ral de la modernitĂ©. Le post-humain reprĂ©sente une nouvelle matrice de la Conscience qui est en phase avec une pensĂ©e complexifiĂ©e et une personnalitĂ© co-crĂ©ative. LâidentitĂ© post-humaine correspond Ă la dynamique de la communication par lâordinateur, câest-Ă -dire une identitĂ© qui sâinscrit dans un feedback, de boucles, une instabilitĂ©, une spontanĂ©itĂ©, un chaos fonctionnel, et une crĂ©ativitĂ©. La vie est une construction en cours basĂ©e sur une information partagĂ©e Ă travers le processus dâune hyperconnectivitĂ© intĂ©grĂ©e Ă©lectroniquement. En consĂ©quence, le post-humain reprĂ©sente une percĂ©e de la conscience au-delĂ de lâindividualisme et du conflit. Câest une rĂ©orientation de la personnalitĂ© vers une complĂ©tude fondĂ©e sur des relations hybrides avec la machine et elle a la capacitĂ© de bousculer les ontologies de la diffĂ©rence et du biais pour aller vers un ĂȘtre partagĂ© et une communautĂ© co-crĂ©ative » (p 112).
Une spiritualité en gestation selon Ilia Delio. La spiritualité post humaine
En phase avec la rĂ©volution scientifique et technologique actuelle, Ilia Delio dĂ©veloppe une thĂ©ologie grandement inspirĂ©e par Teilhard de Chardin. Câest une voie originale avec les risques que cela comporte. Il sâagit donc de mieux comprendre cette rĂ©flexion. Cette tĂąche nâest pas facile, car elle requiert dâentrer dans un univers peu connu Ă priori par le rĂ©dacteur de ce texte et dâaborder, avec prudence, une pensĂ©e qui prĂȘte Ă controverse. Nous avions donc choisi un livre rĂ©cent dâIlia Delio dont le titre nous paraissait prometteur : RĂ©-enchanter la terre. Comment lâintelligence artificielle a besoin de la religion ? VoilĂ un titre attirant pour nourrir une rĂ©flexion prospective. Et comme ce livre, trĂšs Ă©tayĂ©, est particuliĂšrement dense, nous avons choisi un chapitre, âPosthuman Spiritualityâ, (une spiritualitĂ© post-humaine), ce sujet nous paraissant au cĆur de lâouvrage comme au cĆur de nos interrogations. Cependant, pour nous comme sans doute pour beaucoup de lecteurs, le concept de post-humain est peu intelligible et parait contestable Ă maints Ă©gards. Il nous a donc fallu une lecture approfondie pour dĂ©couvrir la maniĂšre dont Ilia Delio envisage cette situation post-humaine et par quels cheminements de pensĂ©e elle est parvenue Ă dĂ©finir les contours du post-humain. Ce fut un parcours difficile, mais un parcours qui nous a appris beaucoup sur les avancĂ©es de la pensĂ©e scientifique et sur le dĂ©veloppement de lâintelligence artificielle, ce que nous avons pu partager dans ce texte. Nous avons pu Ă©galement Ă©tudier la maniĂšre selon laquelle Ilia Delio interprĂšte les rĂ©percussions de cette Ă©volution pour dĂ©boucher sur la prĂ©sentation dâun milieu post-humain. Les objections ne manquent pas, mais nous voici maintenant en mesure dâenvisager la spiritualitĂ© post-humaine dans les termes de Ilia Delio.
Elle Ă©crit ainsi : « Lâintelligence artificielle a introduit des changements significatifs dans la culture, la philosophie, lâĂ©conomie et la mĂ©decine. Mais le changement le plus significatif apportĂ© par lâintelligence artificielle nâest pas apparent Ă nos yeux branchĂ©s sur lâordinateur, Ă moins que nous commencions Ă porter attention aux tendances qui Ă©mergent Ă partir dâune profonde connectivitĂ©. La tendance la plus significative qui Ă©merge dans notre Ăąge technologique est le besoin dâĂȘtre liĂ©s et connectĂ©s, ce qui est le domaine de la religion. Lâintelligence artificielle a rĂ©vĂ©lĂ© le dĂ©sir dâun nouvel esprit religieux et dâune nouvelle religion de la terre. Teilhard de Chardin anticipait lâĂ©mergence dâun nouvel esprit religieux au niveau de la noosphĂšre. Il indiquait que ce nouvel esprit religieux serait porteur de communautĂ© et dâinter-personnalisation, un dĂ©placement de la premiĂšre religion axiale vers une religion hyper-personnelle oĂč la personnalitĂ© se rĂ©aliserait Ă lâintĂ©rieur de lâensemble » (p 177). Ilia Delio rapporte plus prĂ©cisĂ©ment la pensĂ©e de Teilhard. « La pointe de nous-mĂȘme nâest pas notre individualitĂ©, mais notre personne. Et nous pouvons seulement trouver notre personne en nous unissant ensemble ». BĂ©atrice Bruteau, une disciple de Teilhard de Chardin, prĂ©cise : « Notre Je, notre personnalitĂ© nâest pas un produit de lâaction de Dieu, quelque chose de demeurĂ© aprĂšs que lâaction ait cessĂ©. PlutĂŽt, câest lâaction de Dieu dans la vĂ©ritable actualitĂ© de lâagir. âNousâ ne sommes pas une chose, mais une activité ». « Ătre une personne, câest ĂȘtre un centre crĂ©atif dâactivitĂ©, toujours dans le processus de devenir et de vivre vers un futur dâapprofondissement des relations » (p 178). Ilia Delio met lâaccent sur lâintensitĂ© des relations. « Cette recherche de connexion Ă un ensemble plus vaste parle Ă quelque chose de profond Ă lâintĂ©rieur de nous, une profondeur intĂ©rieure dâune rĂ©alitĂ© infinie ».
De nombreux premiers auteurs chrĂ©tiens ont reconnu cette prĂ©sence divine intĂ©rieure. Câest lâexpression de Saint Augustin : âVous ĂȘtes plus proche de moi que je ne le suis Ă moi-mĂȘmeâ⊠« La conscience de cette prĂ©sence divine intĂ©rieure a Ă©tĂ© perdue par le dĂ©veloppement de la scolastique et lâobjectivisation de lâexpĂ©rience religieuse. Cela a Ă©tĂ© suivi par le divorce entre la religion et la science et le principe Protestant qui caractĂ©rise Dieu comme le âTout autreâ (wholly other). La suspicion vis-Ă -vis de lâexpĂ©rience intĂ©rieure enleva la prĂ©sence de Dieu de lâĂąme et fit de Dieu un objet de foi, une posture rejetĂ©e par la science moderne et mise Ă lâombre par la philosophie moderne ». Ilia Delio montre les effets dĂ©lĂ©tĂšres de cette Ă©volution : « La transformation de Dieu en un âAutreâ objectif, une idĂ©e mentale Ă accepter ou rejeter, a dĂ©construit le monde occidental. En Ă©liminant la dimension religieuse de la matiĂšre et en transformant lâĂąme en une forme sĂ©parĂ©e, distincte du corps, la personne humaine fut artificiellement rĂ©duite Ă un Ă©lĂ©ment isolĂ© de matiĂšre attachĂ©e Ă un esprit » (p 179)
Comment lâintelligence artificielle, en rappelant quâIlia Delio emploie ce texte dans un sens large, peut-elle intervenir dans ce domaine ? « Le rapide dĂ©veloppement de la technologie de lâordinateur et la recherche dâune intelligence artificielle complexe signifient la recherche dâune expansion globale des connections sociales, lâexpansion de la conscience et lâexpansion de lâespritâŠÂ » Cependant, ce qui est particuliĂšrement requis, « câest un nouveau niveau dâamour, un niveau dâappartenance consciente les uns aux autres⊠une connexion cĆur Ă cĆur ».
« Nous appartenons les uns aux autres parce que nous sommes dĂ©jĂ Un en Dieu, mais Dieu cherche Ă devenir Un en nous parce que Dieu est amour au cĆur de la matiĂšre et aime des vies en relation mutuelle. Dieu cherche Ă devenir Dieu au cĆur de la matiĂšre, câest Ă dire, lâunitĂ© de Dieu grandit dans et Ă travers la riche diversitĂ© de sa crĂ©ation⊠Dieu et le monde sont engagĂ©s dans un processus de devenir quelque chose de plus âensembleâ parce que lâunivers est fondĂ© sur le centre dâamour Personnel incarnĂ©, le ChristâŠÂ » (p 182).
Ilia Delio rappelle la pensĂ©e thĂ©ologique de Teilhard de Chardin, une vision planĂ©taire de la religion oĂč âDieu et le monde sont dans une relation complĂ©mentaire et ont besoin lâun de lâautreâ. Teilhard Ă©voque âune synthĂšse du Christ et de lâuniversâ. Lâauteure cite le philosophe français Maurice Merleau-Ponty : « Dieu nâest pas simplement un principe dont nous sommes la consĂ©quence, une volontĂ© dont nous sommes les instruments⊠Il y a une sorte dâimpuissance de Dieu sans nous, et le Christ atteste que Dieu ne serait pas pleinement Dieu sans devenir pleinement homme ». La matiĂšre compte. « La matiĂšre a une profondeur sans fin parce que la conscience fait partie de la matiĂšre et Dieu est la profondeur ultime de la conscience » (p 182-183).
Ilia Delio Ă©voque un exemple qui nous parait particuliĂšrement rĂ©vĂ©lateur : « Dâune maniĂšre surprenante, Teilhard de Chardin portait peu dâattention Ă lâOrient. Lâesprit (mind) est chaque chose, ce que vous pensez, ce que vous devenez. Robert Geraci note quâau Japon toute vie est sacrĂ©e, de lĂ les robots participent Ă la saintetĂ© du monde naturel. Un regard positif sur la saintetĂ© de toute vie dĂ©veloppe une ouverture aux robots humanoĂŻdes et ouvre un avenir oĂč les robots peuvent servir les ĂȘtres humains sans que ceux-ci abandonnent leur corps pour des vies virtuelles » (p 184).
« Teilhard voit un monde en divinisation, ce quâil exprime dans le terme âChristogenĂšseâ, qui est le pouvoir du monde de devenir plus personnel Ă travers le pouvoir de lâamour. Lâintelligence artificielle peut jouer un rĂŽle critique dans le dĂ©veloppement dâun monde tournĂ© vers une personnalisation cosmique ou ChristogenĂšse, mais cela dĂ©pend de la maniĂšre dont nous dĂ©veloppons lâintelligence artificielle et pour quel but. Le post-humain connectĂ© Ă©lectroniquement peut jouer un rĂŽle critique dans lâavenir du monde, si la vie post-humaine est guidĂ©e par la dimension religieuse de la vie consciente intĂ©rieure » (p 184). « Sans la dimension intĂ©rieure religieuse de la personnalitĂ©, lâintelligence artificielle peut Ă©largir le fossĂ© entre les riches et les pauvres, aliĂ©ner les moins fortunĂ©s et abonder dans le salut des privilĂ©giĂ©s. Sans une unitĂ© intĂ©rieure et une nouvelle Ăąme du monde, nous nâavons de vĂ©ritable avenir ensemble. La clĂ© Ă la plĂ©nitude, Ă une nouvelle planĂšte de vie nâest pas dans la technologie. Il est dans la religion. Une conscience se dĂ©veloppe Ă travers la technologie. La religion doit changer elle aussi, stimulant le progrĂšs de la vie vers davantage dâĂȘtre et de vie » (p 185).
Ilia Delio a, par ailleurs, consacrĂ© un chapitre de son livre Ă la maniĂšre dont elle envisage cette transformation religieuse : « La seconde religion axiale » (p 157-175). Câest un accent sur « lâincarnation de Dieu dans un monde en transformation⊠Dieu sâĂ©lĂšve de pair avec lâĂ©mergence de la conscienceâŠTeilhard et dâautres penseurs comme Carl Jung qualifient le processus dâindividuation de âthĂ©ogenĂšseâ, indiquant que la personne humaine est un acteur dans la prĂ©sence de Dieu dans le monde » (p 175).
Au total, comme nous avons pu le constater au long de ce parcours, Ilia Delio nous permet de comprendre la radicalitĂ© des transformations en cours dans le champ scientifique et technique, la portĂ©e rĂ©volutionnaire de lâintelligence artificielle au sens large du terme, et les implications en terme de changement de mentalitĂ©, mais en regard, elle met lâaccent sur la nĂ©cessitĂ© dâun Ă©veil religieux : « Sans une dimension cosmique sacrĂ©e dans nos vies, et une voie de mobilisation des Ă©nergies spirituelles vers un foyer dâamour transcendant , nous nous abandonnons aux forces du capitalisme et du consumĂ©risme. En regard de lâintelligence artificielle, en ce XXIe siĂšcle, la religion apparait comme le facteur le plus dĂ©terminant, et, sans elle, nous serons en proie Ă la peur et Ă la vulnĂ©rabilité » (p 187).
Dans ce monde engagĂ© dans une transformation tumultueuse, nous cherchons des repĂšres. Nous avons conscience que ce monde en mouvement est aussi pluriel. Des voix diffĂ©rentes se font entendre selon les milieux, selon les pays, selon les civilisations. Leurs tonalitĂ©s sont parfois trĂšs diffĂ©rentes. Comme nous avons conscience de vivre dans un monde commun, il est dâautant plus important de sâĂ©couter.
Ainsi avons-nous pu remarquer lâoriginalitĂ© de la dĂ©marche dâIlia Delio aux Etats-Unis. Dâorigine franciscaine, nourrie par un christianisme de la fraternitĂ©, son itinĂ©raire professionnel lui fait dĂ©couvrir lâextrĂȘme avancĂ©e de la recherche scientifique et technique actuelle. Elle suit la montĂ©e de lâintelligence artificielle, au sens large du terme puisque, pour en parler, elle remonte Ă la machine de Turing au milieu du XXe siĂšcle. Et comme on peut ĂȘtre Ă©merveillĂ©e par les beautĂ©s naturelles, elle est impressionnĂ©e par les fruits du gĂ©nie humain, en lâoccurrence par les vertus de lâintelligence artificielle. En sâĂ©levant Ă une dimension cosmique, elle rejoint la pensĂ©e de Teilhard de Chardin laquelle inspire toute sa thĂ©ologie. Câest une thĂ©ologie qui va de lâavant, Ă partir dâune comprĂ©hension des changements de mentalitĂ© et de ce qui peut en ĂȘtre interprĂ©tĂ© positivement, mais aussi et surtout Ă partir dâune vision de lâincarnation de Dieu et de sa prĂ©sence dans un mouvement des consciences, prĂ©lude Ă la victoire de lâamour divin dans la conscience globale et unifiĂ©e de la NoosphĂšre telle que lâenvisage Teilhard de Chardin.
Cette perspective peut susciter des rĂ©serves. Nous avons hĂ©sitĂ© Ă en rendre compte, Ă la diffĂ©rence de la plupart des articles publiĂ©s sur ce blog. Nous avons effectivement en mĂ©moire la critique sĂ©vĂšre de Jacques Ellul vis-Ă -vis des techniques et ses mises en garde Ă lâencontre des sociĂ©tĂ©s techniciennes (4). La crise Ă©cologique Ă laquelle nous assistons aujourdâhui comme une menace inĂ©galĂ©e pour lâhumanitĂ© et pour la biosphĂšre rĂ©sulte bien dâun usage effrĂ©nĂ© des techniques manifestant lâhubris dâune caste dirigeante. On pourrait Ă©voquer Ă©galement lâenfer des guerres technologiques. Et si la misĂšre endĂ©mique demeure dans certains pays du monde, on peut constater que des pays, dits avancĂ©s, sont en proie Ă de nouveaux maux pouvant ĂȘtre imputĂ©s au rĂ©gime capitaliste. Les Etats-Unis connaissent aujourdâhui une poussĂ©e de violence dominatrice.
Ce sont lĂ des rĂ©alitĂ©s qui nâapparaissent pas ou peu dans lâĂ©vocation de lâĂ©popĂ©e scientifique et technique qui est advenue, un temps au moins, aux Etats-Unis et que nous dĂ©crit Ilia Delio. Lâaccent est mis sur lâintelligence artificielle, un phĂ©nomĂšne qui, de son lieu dâorigine, sâest rĂ©pandu Ă lâĂ©chelle mondiale et est devenu une rĂ©alitĂ© majeure, un processus incontournable qui appelle la rĂ©flexion et au sujet duquel la recherche dâIlia Delio apporte une contribution particuliĂšrement Ă©clairante. Cependant, aprĂšs le tour dâhorizon sur cette dynamique, le terme post-humain parait dĂ©calĂ©, et aussi inquiĂ©tant. Cette contribution dâIlia Delio nâen reste pas moins Ă©clairante. En montrant comment la rĂ©cente avancĂ©e de la recherche fait tomber les sĂ©parations et les catĂ©gorisations indues dâun vieux monde et combien la nouvelle communication numĂ©rique, adossĂ©e Ă une nouvelle intelligence, permet une interrelation inĂ©galĂ©e qui peut entrainer, en certains cas, des effets de communion, Ilia Delio nous parait apporter une contribution majeure Ă la rĂ©flexion collective.
Cependant, cette Ă©tude peut aussi nous amener au constat que dans le mĂȘme monde dâaujourdâhui, dĂ©jĂ un Ă certains titres, des rĂ©alitĂ©s diffĂ©rentes se cĂŽtoient, diffĂ©rentes en fonction de la culture et de lâhistoire, peut-ĂȘtre mĂȘme en fonction des diffĂ©rents Ăąges de lâhumanitĂ©. Puisque Elia Delio Ă©tudie lâhistoire de lâhumanitĂ© selon la grille des pĂ©riodes axiales, ne peut-on se dire que leurs apports ne sâexcluent pas entiĂšrement et peuvent se cĂŽtoyer et peut-ĂȘtre sâenrichir mutuellement. Ainsi, la reconnaissance des peuples autochtones nous rappelle la prĂ©sence de lâinvisible. La dĂ©fense des droits humains est un hĂ©ritage dâune partie de la premiĂšre pĂ©riode axiale. Et si Elia Delio met en avant une avancĂ©e scientifique et technique, lâusage de cette avancĂ©e peut varier selon les civilisations et ne se rĂ©sume pas Ă la forme amĂ©ricaine.
La contribution dâElia Delio se dĂ©ploie et se reçoit Ă©galement sur un registre religieux et spirituel. Et câest dâabord Ă ce titre que nous avons dâabord relevĂ© son apport. Certes, le fil biblique ne semble pas apparaitre au premier plan de sa rĂ©flexion. Cependant, câest bien sur le fondement Ă©vangĂ©lique de lâincarnation quâelle se fonde et son regard sur lâavenir, en Ă©voquant la NoosphĂšre imaginĂ©e par Teilhard de Chardin, nous parait correspondre Ă la vision chrĂ©tienne dâune communion finale en terme de Nouvelle Terre.
Cette prĂ©sentation dâune partie de lâapproche dâIlia Delio, puisque ce texte nâen aborde quâune portion limitĂ©e, pourra donc ouvrir notre rĂ©flexion dans diffĂ©rents domaines en permettant des comprĂ©hensions nouvelles, en induisant des interrogations et des critiques, en gĂ©nĂ©rant une imagination constructive, un cheminement spirituel. Cependant, Ă lâheure oĂč, comme le fait remarquer Brian McLaren dans son livre âLife after Doomâ (5), dans une crise conjointement Ă©cologique et sociale, lâhumanitĂ© est aujourdâhui menacĂ©e par diffĂ©rentes formes dâeffondrement, les dĂ©rĂšglements actuels sont bien imputables Ă un hubris de lâhumain et des signes de cette dĂ©mesure apparaissent dans lâexpansion scientifique et technologique qui constitue le fer de lance de lâĂ©volution vers ce quâIlia Delio appelle le post-humain. On pourrait Ă©galement mettre en Ă©vidence la crise de la civilisation amĂ©ricaine dans laquelle sâinscrit cette Ă©volution. Cette crise est illustrĂ©e par la rĂ©cente et dangereuse Ă©lection de Donald Trump Ă la prĂ©sidence des Etats-Unis. Et, dans cette circonstance, lâhistorien, Yuval Noah Harari met en lumiĂšre les risques de la promotion de lâintelligence artificielle par son entourage (6). Certes, Ilia Delio met lâaccent sur la nĂ©cessitĂ© dâun Ă©veil religieux pour Ă©clairer lâexpansion de lâintelligence artificielle, ce quâelle appelle âla mobilisation des Ă©nergies spirituelles vers un foyer dâamour transcendantâ. Sâil y a bien un potentiel en ce sens, encore faudrait-il quâil prenne corps rapidement. La thĂšse dâIlia Delio ne nous parait pas dĂ©pourvue dâambiguĂŻtĂ©s. Mais, dans son originalitĂ©, elle mĂ©rite dâĂȘtre connue pour enrichir le dĂ©bat.
J H
- Center for Christogenesis https://christogenesis.org/
- Ilia Delio, Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Ilia_Delio
- Ilia Delio. Re-enchanting the earth. Why AI needs religion. Orbis books, 2020
- Jacques Ellul Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Ellul
- Brian McLaren. Life after Doom. Wisdom and courage for a world falling apart. Hodder and Stoughton, 2024
- Les risques de lâintelligence artificielle, selon Yuval Noah Harari : https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/l-election-de-donald-trump-pourrait-signifier-la-chute-de-l-ordre-mondial-analyse-yuval-noah-harari-historien-aux-45-millions-de-livres-vendus_6883823.html