par jean | Juil 31, 2017 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
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        « Dans les derniĂšres annĂ©es de sa vie, Odile a manifestĂ© Ă plusieurs reprises son dĂ©sir de transmettre une expĂ©rience et une rĂ©flexion qui se sont dĂ©veloppĂ©es au cours de son existence. Ainsi a-t-elle exprimĂ© dans plusieurs Ă©crits son grand dĂ©sir de communiquer un message dâamour et de vie. « Ce que jâai la joie de partager aujourdâhui est la dĂ©couverte des bienfaits de Dieu : manifestation de sa bontĂ© infinie que jâai pu ressentir, de sa magnificence que jâai pu reconnaĂźtre dans la crĂ©ation, de sa prĂ©sence dans lâĂ©nergie vitale sur tout ce qui existe. Mon regard sâest Ă©clairĂ©. Mon attitude sâest adoucie. Mon cĆur sâest rempli de reconnaissance. « Le Royaume de Dieu sâest approché » dit JĂ©sus. Aujourdâhui, JĂ©sus est ressuscitĂ©. Nous pouvons vivre le rĂšgne de Dieu sur terre chacun et chacune Ă sa mesure. Cette joie de reconnaissance explose en moi. Jâai envie de la partager. La vie vaut la peine dâĂȘtre vĂ©cue ». Ainsi les Ă©crits dâOdile ont pu ĂȘtre recueillis et publiĂ©s dans un livre : « Sa prĂ©sence dans ma vie » (1).
Au cours des derniĂšres annĂ©es de sa vie terrestre, Odile a affrontĂ© les assauts rĂ©pĂ©tĂ©s dâun cancer. Câest dans cette condition quâelle sâinterroge sur la joie. Lorsque lâapĂŽtre Paul parle , Ă plusieurs reprises de la joie dans ses Ă©pĂźtres : « Soyez toujours joyeux ! », est-ce possible ? Comment parler authentiquement de notre vĂ©cu par rapport Ă la joie ? Odile parle ici de la joie Ă partir de sa foi et de son expĂ©rience.
La joie jusque dans lâĂ©preuve
Quand tout roule, que je me sens en forme, la vie est belleâŠLa joie est tout naturellement au rendez-vous. Chacun peut le constater. VoilĂ que les nuages arrivent, que des pĂ©pins pleuvent, ou simplement quâune mauvaise nouvelle sâannonce, alors patatras tout sâĂ©croule. Je me sens fatiguĂ©e avec un vague Ă lâĂąme qui risque fort de sâinstaller. Alors le commun des mortels constate dâun air rĂ©signĂ©Â : « Il y a des jours avec et des jours sans ».
Se laisser influencer par le climat ambiant, comme un bouchon voguant sur lâeau, ne me satisfait pas. Je souhaite tenir ma vie en mains dans la mesure de mes possibilitĂ©s. Je lis dans le livre des Proverbes des vĂ©ritĂ©s profondes que jâai pu observer dans ma vie : « Un esprit joyeux est un excellent remĂšde, mais lâesprit dĂ©primĂ© mine la santé » (Pr 17/22). « Un bon moral permet de supporter la maladie (Pr 18/14). Et aussi : « Si tu te laisses abattre au jour de lâadversitĂ©, ta force est bien peu de chose » (Pr 24/10). Alors comment dĂ©velopper cette force intĂ©rieure que je dĂ©sire ?
LâapĂŽtre Paul parle Ă plusieurs reprises de cette joie dans ses Ă©pĂźtres. « Soyez toujours joyeux ! ». Toujours ? Est-ce vraiment possible ? Allez donc dire cela Ă quelquâun dans la dĂ©tresse oĂč mĂȘme simplement dans la peine. Vous risquez fort dâĂȘtre renvoyĂ© « sur les roses » ! Dans lâĂ©pĂźtre aux Thessaloniciens, (5/17-18), Paul ajoute : « Priez sans cesse. Remerciez Dieu en toute circonstances : Telle est pour vous la volontĂ© que Dieu a exprimĂ© en JĂ©sus-Christ ».
Remercier en toutes circonstances ? Est-ce possible ? Comment ? Pourquoi ? Ne risquons-nous pas dâĂȘtre hypocrites ? Il faut reconnaĂźtre ses sentiments. Jâai mĂ©ditĂ© longuement la lettre adressĂ©e aux chrĂ©tiens de Philippes. Le mot : « joie » est mentionnĂ©e plus de dix fois, et « joyeux », tout autant. Pourtant Paul est en prison. EnchaĂźnĂ© dans des conditions matĂ©rielles pĂ©nibles, il parle de « dĂ©tresse », et, de plus, il est profondĂ©ment attristĂ©, meurtri mĂȘme, par lâattitude de certains, jaloux, hypocrites, dit-il, qui annoncent lâEvangile dans un esprit de rivalitĂ©.. Il semble toujours sur le qui-vive, car il voit lâinfluence nĂ©faste de la propagande judaĂŻsante pour ramener les chrĂ©tiens sous le joug de la « Loi ». En mĂȘme temps, lâapĂŽtre a une affection particuliĂšre et une profonde reconnaissance pour les chrĂ©tiens de Philippes. Ils ont pris part Ă sa dĂ©tresse et lâont secouru : soutien matĂ©riel qui soulage ses conditions de vie, mais aussi et surtout leur communion spirituelle dans leur collaboration Ă la diffusion de la Bonne Nouvelle. Il se rĂ©jouit de les savoir fidĂšles Ă lâEvangile, de leur progrĂšs dans la foi, de leur amour fraternel entre eux.
Alors, oĂč est la vĂ©ritĂ©Â ? Lâunivers de Dieu est bien paix et joie dans la justesse des commandements de Dieu. (Romains 14/17). Attention de ne pas devenir schizophrĂšne spirituel en sĂ©parant notre vĂ©cu : corps, Ă©motion, mental, des Ă©lans mystiques. Plus jâapprofondis ma relation à Dieu, plus je suis convaincu que Dieu a des projets de bonheur pour moi (JĂ©rĂ©mie 29/11), dans mon ĂȘtre tout entier (I Thes 5) et non pas uniquement spirituel. VoilĂ ce qui lui fait plaisir (Romains 12/1).
Alors joyeux dans lâadversitĂ©Â ? Je relis attentivement cette Ă©pĂźtre aux Philippiens. Comment lâapĂŽtre rĂ©agit-il devant lâattitude qui lâa tant blessĂ©e de ceux « qui, animĂ©s par un esprit de rivalitĂ© et de dispute, jaloux de ses succĂšs, se mettent Ă prĂȘcher Christ ».
Quâimporte, aprĂšs tout ! » dit Paul. Ce qui importe le plus, câest que Christ soit annoncĂ©, quelque soit le support de la communication. Alors sa douleur passe au second plan et sâadoucit Ă travers un intĂ©rĂȘt plus important.
Dans le Psaume 23 du bon berger, je constate : devant lâadversitĂ©, le Seigneur prĂ©pare un banquet pour moi, mâaccueillant comme un hĂŽte important : sa bontĂ©, sa gĂ©nĂ©rositĂ© mâaccompagnent tous les jours de ma vie.
Jâai compris quâen toute chose, Dieu me veut du bien. Dans toute adversitĂ©, il y a un germe de vie. Aussi, je comprends la parole de JĂ©sus : la semence doit mourir en terre pour donner une plante. A chaque dĂ©ception, le long de cette maladie a rebondissements, je me tourne vers lâEsprit Saint, le consolateur qui conduit dans la vĂ©ritĂ©.
Attentive Ă sa rĂ©ponse, je perçois ma voix intĂ©rieure me dĂ©signant lâattitude faussĂ©e qui est Ă guĂ©rir en moi : une rancune, une colĂšre intĂ©rieure, une blessure non guĂ©rie, une maniĂšre dâĂȘtre Ă amĂ©liorer⊠Parfois, câest une parole dite par telle personne, ou verset biblique, ou mĂȘme un Ă©vĂ©nement qui mâinterroge et mâĂ©claire. Ainsi, pas Ă pas, lâĆuvre divine a fait son chemin en moi, libĂ©rant ma personnalitĂ©. Je peux dire aujourdâhui quâĂ soixante-dix ans passĂ©s, je vis une profonde joie de reconnaissance de devenir de plus en plus moi mĂȘme dans la croissance de mes potentialitĂ©s qui Ă©taient bloquĂ©es par tant dâobstacles et dĂ©viations vĂ©cus dans le passĂ©.
Aujourdâhui devant tout le mal, je cherche le germe dâun bien meilleur. Sagesse et discernement spirituel souvent citĂ©s dans les Ă©pĂźtres de Paul dĂ©veloppent la maturitĂ© de mon ĂȘtre. Actuellement, je suis Ă©tonnĂ©e de vivre ce paradoxe dâune joie profonde et dâune grande paix en mĂȘme temps quâune douloureuse dĂ©ception. Cette derniĂšre, du reste, sâestompe quand un rayon de lumiĂšre me dĂ©voile lâespĂ©rance. Ce sentiment est subjectif bien sĂ»r . Il est perçu Ă lâextĂ©rieur quand mon interlocuteur au tĂ©lĂ©phone me demande des nouvelles tout en donnant une rĂ©ponse avant que je nâai le temps de parler : « Tu as une bonne voix, ça va bien ». Ouf, je nâai pas Ă exprimer mon dĂ©sarroi liĂ© au traitement renforcĂ© qui mâest prescrit. Alors la conversation peut se dĂ©rouler sur un ton joyeux qui me fortifie. Il mâarrive parfois dâencourager et mĂȘme de prier pour lâautre au bout du fil qui, lui, exprime sa souffrance, son dĂ©sarroi.
Dieu est grand, dâune bontĂ© infinie. Il imprime en moi sa paix et sa joie. La libertĂ© des enfants de Dieu mâest accordĂ©e. Joie . Reconnaissance.
Odile Hassenforder
(1) Odile Hassenforder. Sa prĂ©sence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte Temps prĂ©sent, 2011. Lâintroduction : « Odile Hassenforder : sa vie et sa pensĂ©e » est prĂ©sentĂ©e sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=2345 On y trouvera Ă©galement dâautres textes dâOdile ou des rĂ©fĂ©rences Ă sa pensĂ©e : https://vivreetesperer.com/?s=Odile+Hassenforder
Ce texte : « La joie jusque dans lâĂ©preuve » figure dans le livre sous le titre : « Soyez toujours joyeux » (p 145-148).
Lire aussi : « La joie, force de vie » (Méditation de Anne Faisandier)
(Texte précédent)
par jean | Juin 5, 2016 | ARTICLES, Vision et sens |
Ăclairages apportĂ©s par la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann
Dans son livre : « The living God and the fullness of life » (Le Dieu vivant et la plĂ©nitude de vie » (1), JĂŒrgen Moltmann nous parle de la puissance de vie, active dans le message du Christ qui se dĂ©clare « La rĂ©surrection et la vie », une force prĂ©sente chez les premiers chrĂ©tiens et qui peut tout autant se dĂ©ployer dans le monde dâaujourdâhui. JĂŒrgen Moltmann exprime Ă©galement une vision du monde en ce sens. Voici, Ă ce sujet, quelques brefs extraits de son livre, que, sans expertise dâune traduction professionnelle, nous avons rapportĂ© en français, en espĂ©rant que ce livre sera bientĂŽt traduit et publiĂ© dans notre langue. En lisant ces passages, on se reportera au texte anglais.
Le livre de JĂŒrgen Moltmann est trĂšs riche et trĂšs dense. Ces quelques passages ne sont pas reprĂ©sentatifs de lâensemble. Simplement, ils ont Ă©tĂ© retenus ici comme une invitation Ă la rĂ©flexion et Ă la mĂ©ditation.
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Dieu vivant, Dieu trinitaire
Le Dieu vivant ne peut ĂȘtre nul autre que le Dieu trinitaire. Le Dieu trinitaire vit une vie Ă©ternelle comme un amour mutuel au sein de Dieu. Lâhistoire du Christ est son histoire de vie pour nous, parmi nous et avec nous. Dans lâHistoire du Christ, sa vie Ă©ternelle absorbe en elle notre vie finie. Et, ceci Ă©tant, cette vie mortelle est alors dĂ©jĂ une vie Ă©ternelle. Nous vivons dans sa vie Ă©ternelle mĂȘme quand nous mourrons. (p 69)
Plus forte est la résurrection
Pourquoi le christianisme est-il uniquement une religion de la joie, bien quâen son centre, il y a la souffrance et la mort du Christ sur la croix ? Câest parce que, derriĂšre Golgotha, il y a le soleil du monde de la rĂ©surrection, parce que le crucifiĂ© est apparu sur terre dans le rayonnement de la vie divine Ă©ternelle, parce quâen lui, la nouvelle crĂ©ation Ă©ternelle du monde commence. LâapĂŽtre Paul exprime cela avec sa logique du « combien plus ». « LĂ oĂč le pĂ©chĂ© est puissant, combien plus la grĂące est-elle puissante ! » (Romains 5.20). « Car le Christ est mort, mais combien plus il est ressuscité » (Romains 8.34. Trad. de lâauteur). VoilĂ pourquoi les peines seront transformĂ©es en joies et la vie mortelle sera absorbĂ©e dans une vie qui est Ă©ternelle.
« Tout ce qui venait de la souffrance sâĂ©vanouissait rapidement
Et ce que mon oreille entendait nâĂ©tait rien dâautre quâun chant de louange » ( Werner Bergengruen) (p 100-101).
La vie éternelle nous est donnée
Si nous cessons de considĂ©rer la fin temporelle de la vie humaine, mais Ă la place, regardons Ă son commencement Ă©ternel, alors la vie humaine est entourĂ©e et acceptĂ©e par le divin et le fini fait partie de lâinfini. Cette vie actuelle, cette vie joyeuse et douloureuse, aimĂ©e et souffrante, rĂ©ussie et infructueuse, est vie Ă©ternelle. Dieu a acceptĂ© cette vie humaine et lâa interpĂ©nĂ©trĂ©e, rĂ©conciliĂ©e et guĂ©rie, qualifiĂ©e en immortalitĂ©. Nous ne vivons pas seulement une vie terrestre et, pas seulement une vie humaine, mais simultanĂ©ment, nous vivons aussi une vie qui est divine, Ă©ternelle et infinie.
« Celui qui croit a la vie Ă©ternelle » (Jean 6.47). Mais ce nâest pas la foi humaine qui acquiert la vie Ă©ternelle. La vie Ă©ternelle est donnĂ©e par Dieu. Elle est prĂ©sente dans chaque personne humaine, mais câest le croyant qui la perçoit. On la reconnaĂźt objectivement et on lâabsorbe subjectivement comme vĂ©ritĂ© dans sa propre vie. La foi est la joie dans la plĂ©nitude divine de la vie. Cette participation Ă la vie divine prĂ©suppose deux mouvements qui traversent les frontiĂšres : lâincarnation de Dieu dans cette vie humaine, et la transcendance de la vie humaine dans la vie divine. (p 73-74)
Dieu présent et proche
La foi chrĂ©tienne nâest pas tournĂ©e vers un Dieu lointain, mais elle se vit dans la prĂ©sence de Dieu qui nous entoure de tous cĂŽtĂ©s.
« Tu mâentoures par derriĂšre et par devant. Tu mets ta main sur moi. Une science aussi merveilleuse est au dessus de ma portĂ©e. Elle est trop Ă©levĂ©e pour que je puisse la saisir » (Psaume 139. 5-6). Il est vrai que nous ne pouvons voir Dieu. Cependant, ce nâest pas parce que Dieu est si loin, mais parce quâil est si prĂšsâŠÂ « Dieu est plus prĂšs de nous que nous ne pouvons lâĂȘtre de nous-mĂȘme », dĂ©clare Augustin. « En lui, nous avons la vie, le mouvement et lâĂȘtre » (Actes 17.28).
Mais cela nâest pas seulement vrai pour nous-mĂȘme. Cela sâapplique Ă tout ce que Dieu a crĂ©Ă©. Il nây a rien lĂ dedans qui Ă©chappe Ă la prĂ©sence de Dieu. Nulle part, nous ne pourrions ne pas rencontrer Dieu. En consĂ©quence, nous rencontrerons toute chose avec rĂ©vĂ©rence⊠Alors nous voyons toute chose dans la prĂ©sence de Dieu et la prĂ©sence de Dieu en toute choseâŠ
Au moment oĂč nous croyons cela, une spiritualitĂ© cosmique commence. Nous commençons Ă voir toute chose avec Ă©tonnement et nous sommes saisis par une profonde rĂ©vĂ©rence envers la vie⊠Dieu nous attend en toute chose quâIl a crĂ©Ă©e et nous parle Ă travers elles. Celui qui a des yeux pour voir le voit. Celui qui a des oreilles pour entendre lâentend. La crĂ©ation entiĂšre est un grand et merveilleux sacrement de la prĂ©sence de Dieu qui y rĂ©side. (p 170-171)
Marcher dans lâespĂ©rance
LâespĂ©rance ne signifie pas se fixer sur lâattente dâun temps meilleur dans le futur. Câest une attente tendue vers le jour nouveau. Lâespoir dâune vie en plĂ©nitude nous rend curieux et ouvre nos sens Ă ce qui vient nous rencontrer. En vertu de cette espĂ©rance, nous sommes ouverts Ă lâĂ©tonnement et nous nous ouvrons Ă lâĂ©merveillement Ă chaque nouvelle journĂ©e. Nous nous Ă©veillons parce que nous savons que nous sommes attendus. Dans la force de lâespĂ©rance, nous ne capitulons pas face Ă la puissance de la mort, de lâhumiliation et de la dĂ©ception. Nous poursuivons la tĂȘte haute parce que nous voyons au delĂ du jour actuel. La personne qui abandonne lâespoir dans la vie et se dĂ©sespĂšre se tient aux portes de lâenfer au sujet duquel Dante a Ă©crit : « Abandonnez toute espĂ©rance, vous qui entrez ici ». La personne qui garde lâespoir dans la vie est dĂ©jĂ sauvĂ©e. Cette espĂ©rance la garde en vie. Cette espĂ©rance la rend capable de vivre Ă nouveau. (p 169)
Une vision du futur
LâespĂ©rance eschatologique appelle le futur de Dieu « qui est Ă venir » (Apocalypse 1.4) dans le prĂ©sent, qualifiant ainsi le prĂ©sent pour ĂȘtre un prĂ©sent de ce futur, en conformitĂ© avec le Christ, « Celui qui est venu dans ce monde » comme lâexprime la confession de foi de Marthe (Jean 11.27). La proclamation de lâEvangile aux pauvres, la guĂ©rison des malades par JĂ©sus, et les bĂ©atitudes du Sermon sur la montagne sont des signes de la prĂ©sence du futur de Dieu dans ce monde. « Le royaume de Dieu est au milieu de vous ».
Dâautre part, lâespĂ©rance eschatologique ouvre chaque prĂ©sent au futur de Dieu. « Portes, relevez vos linteaux ; haussez-vous, portails Ă©ternels pour que le grand roi fasse son entrĂ©e. » (Psaume 24.7).
On imagine que cela puisse trouver sa rĂ©sonance dans une sociĂ©tĂ© ouverte au futur. Les sociĂ©tĂ©s fermĂ©es rompent la communication avec les autres sociĂ©tĂ©s. Les sociĂ©tĂ©s fermĂ©es sâenrichissent au dĂ©pens des sociĂ©tĂ©s Ă venir. Les sociĂ©tĂ©s ouvertes sont participatives et elles anticipent. Elles voient leur futur dans le futur de Dieu, le futur de la vie et le futur de la crĂ©ation Ă©ternelleâŠ
La vie dans la joie est dĂ©jĂ une anticipation de la vie Ă©ternelle. La bonne vie est dĂ©jĂ le commencement dâune vie rayonnante lĂ -bas. La plĂ©nitude de la vie ici pointe au delĂ dâelle-mĂȘme Ă la plĂ©nitude de la vie lĂ -bas. Dans la joie, en perspective de ce qui est espĂ©rĂ© dans le futur, nous vivons ici et maintenant, nous pleurons avec ceux qui pleurent et nous nous rĂ©jouissons avec ceux qui se rĂ©jouissent (Romains 12.15). La vie dans lâespĂ©rance nâest pas une vie Ă moitiĂ© sous condition. Câest une vie pleine qui sâĂ©veille aux couleurs de lâaube de la vie Ă©ternelle. (p 189-190)
Liberté : une attente créatrice
Si la foi chrĂ©tienne est une foi en la rĂ©surrection, alors elle est tournĂ©e vers lâavenir et peut ĂȘtre Ă©noncĂ©e comme la passion crĂ©atrice pour une vie future Ă©ternellement vivante. Ainsi elle transcende les limitations du prĂ©sent et elle traverse la rĂ©alitĂ© actuelle pour entrer dans les potentialitĂ©s de lâavenirâŠ
LâespĂ©rance chrĂ©tienne nâest pas une simple attente ou le fait dâ « attendre et voir ». Câest une attente crĂ©atrice des choses que Dieu a promis par la rĂ©surrection du Christ. Ceux qui attendent quelque chose avec passion se prĂ©parent Ă cette intention, eux et leur communautĂ©. Dans cette prĂ©paration, le chemin de Celui qui vient est prĂ©parĂ© Ă travers des essais pour correspondre Ă ce qui est anticipĂ©, avec toutes les capacitĂ©s et les potentialitĂ©s dont on dispose.
Ces correspondances avec lâavenir que Dieu a promis, sont des anticipations du futur. La personne qui espĂšre un monde de libertĂ© dĂ©sirera ici et maintenant une libĂ©ration par rapport Ă la rĂ©pression politique et lâexploitation Ă©conomiqueâŠLa personne qui espĂšre une vie Ă©ternellement vivante, sera dĂ©jĂ saisie, ici et maintenant, par cette vie « unique, Ă©ternelle et rayonnante » et rendra la vie vivante partout oĂč elle peut. La libertĂ© nâest pas une conscience de la nĂ©cessitĂ© (« Insight into necessity »), câest une conscience de la potentialitĂ© (« insight into potentiality »). La libertĂ© nâest pas une harmonie des formes actuelles de pouvoir. Câest leur harmonisation avec ce qui est Ă venir, comme lâannonce le prophĂšte EsaĂŻe : « LĂšve toi. Sois Ă©clairĂ©e, car ta lumiĂšre arrive. Et la gloire de lâEternel se lĂšve sur toi » (EsaĂŻe 60.1). (p 115)
Prier en liberté
JĂŒrgen Moltmann Ă©voque diverses attitudes corporelles mises en Ćuvre dans certains milieux pour la priĂšre (sâagenouiller, courber la tĂȘte, fermer les yeux) dont il sâinterroge sur le conception de Dieu et du rapport Ă lui quâelles expriment. En regard, il dĂ©crit lâattitude des premiers chrĂ©tiens.
Nous dĂ©couvrons une attitude dâadoration complĂštement diffĂ©rente parmi les premiers chrĂ©tiens tels quâils sont dĂ©crits dans les catacombes de Rome et de Naples. Ils se tiennent droits avec la tĂȘte levĂ©e et les yeux ouverts. Leurs bras sont Ă©tendus, leurs mains ouvertes et tournĂ©es vers le haut (1TimothĂ©e 2.8). Câest une attitude qui dĂ©note une grande attente et une ouverture Ă embrasser lâautre avec amour. Ceux qui sâouvrent Ă Dieu de cette maniĂšre sont manifestement des hommes et des femmes libres⊠Cette attitude Ă©tait traditionnellement utilisĂ©e dans les priĂšres pour la venue de lâEsprit Saint. Câest lâattitude des prĂȘtres orthodoxes dans lâĂ©piclĂšse de lâEsprit. Le mouvement pentecĂŽtiste moderne lâa adoptĂ©e dans son culte. Cela devient aussi lâattitude des personnes qui sont remplies par une espĂ©rance messianique et qui font face aux incertitudes de leur temps. « Redressez-vous et relevez la tĂȘte parce que votre dĂ©livrance approche » (Luc 21.28).
Dans le Nouveau Testament, prier nâest jamais mentionnĂ© dâune façon isolĂ©e, mais toujours en lien avec : observer, faire attention : « observer et prier » (« watch and pray »). Aussi, en termes mĂ©taphoriques, prier nâest jamais tournĂ© seulement vers le haut, mais toujours en mĂȘme temps dans un regard en avant. Ici, Dieu nâest pas craint comme celui qui a le pouvoir suprĂȘme, mais il est perçu  comme le grand espace (« broad place ») dans lequel une personne entre en priĂšre et peut se dĂ©velopper (Psaume 31.8 et 18.19). La premiĂšre attitude chrĂ©tienne dans lâadoration et la priĂšre montre que le christianisme est, dans sa forme sensorielle, une religion de libertĂ©. La posture debout devant Dieu est Ă©tonnante et incomparable. Les personnes qui prient, prient alors dans un esprit qui sâappelle : libertĂ©. Câest la libertĂ© en Dieu. (p 203)
La foi, participation à la puissance créatrice de Dieu
Dans la foi chrĂ©tienne, la libertĂ© ne signifie pas la conscience de la nĂ©cessitĂ© (« Insight into necessity »), ni un pouvoir indĂ©pendant et souverain de lâindividu sur lui-mĂȘme et ses capacitĂ©. Juste comme la foi dâIsraĂ«l est ancrĂ©e dans le Dieu de lâExode, la foi chrĂ©tienne est ancrĂ©e dans la rĂ©surrection du Christ. A travers la foi, hommes et femmes prennent conscience de leur libĂ©ration et entrent dans le vaste espace divin. A travers la foi, ils participent Ă la puissance crĂ©atrice de Dieu. « A Dieu, tout est possible » (Mat 19.26). Car « Tout est possible Ă celui qui croit » (Marc 9.23). La personne qui fait confiance Ă un Dieu qui libĂšre et ressuscite des morts, participe Ă travers lâEsprit de Dieu Ă lâabondance des potentialitĂ©s de Dieu. Paul met cela en Ă©vidence Ă partir de lâexemple dâAbraham quâil dĂ©crit comme un modĂšle pour une vie vĂ©cue dans la foi. « Il est notre pĂšre devant Dieu auquel il a cru, le  Dieu qui rend la vie aux morts et fait exister ce qui nâexistait pas⊠Il crut, espĂ©rant contre toute espĂ©rance » (Romains 4.16-18). Face au non ĂȘtre, la libertĂ© de Dieu se rĂ©vĂšle une puissance crĂ©atrice, et, en face de la mort, elle se montre une force qui donne la vie⊠Dans la foi, les ĂȘtres humains correspondent au Dieu crĂ©ateur, au Dieu qui donne la vie, et, dans le respect de Dieu, participent aux Ă©nergies divines. Cela va bien au delĂ des limites de ce qui paraĂźt humainement possible, comme lâindique la parole : « Tout est possible Ă celui qui croit ». Dans leur libertĂ© limitĂ©e, empreinte de finitude, les ĂȘtres humains dĂ©couvrent en Dieu des possibilitĂ©s insondables. Ainsi la libertĂ© de lâhomme ne peut ĂȘtre limitĂ©e par Dieu, mais, dans le nom de Dieu, elle se rĂ©vĂšle sans limites. (p 108)
(1)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Moltmann (JĂŒrgen). The living God and the fullness of life. World Council of Churches publications, 2016
Sur ce blog, voir aussi : « Dieu vivant, Dieu prĂ©sent, Dieu avec nous dans un monde oĂč tout se tient » : https://vivreetesperer.com/?p=2267
Et un renvoi aux articles de ce blog se rĂ©fĂ©rant Ă la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann : https://vivreetesperer.com/?s=Moltmann
par jean | Nov 15, 2024 | ARTICLES, Société et culture en mouvement |
Si lâactualitĂ© internationale nous parait sombre, avec Bertrand Badie, on peut nĂ©anmoins dĂ©couvrir lâapparition de nouveaux chemins vers la paix.
Nous ressentons lâinstabilitĂ© du monde. Nous entendons des bruits de guerre. Bien plus aujourdâhui, le massacre de la guerre est Ă nos portes, en Ukraine, Ă Gaza, au Liban. Et si nous regardons au passĂ©, la guerre est omniprĂ©sente. Si prĂšs de nous au XXe siĂšcle, deux guerres mondiales dĂ©vastatrices. Alors la guerre serait-elle une fatalitĂ©Â ? Notre esprit sây refuse, nous pouvons Ă©voquer des hommes qui ont ĆuvrĂ© pour la paix. Il y a quelques annĂ©es. Michel Serres Ă©crivait un livre : « Darwin, Bonaparte et le samaritain. Une philosophie de lâhistoire » (1) dans lequel il annonçait une Ă©mergence d la paix : « Au sortir de massacres sĂ©culaires, vers un Ăąge doux portant la vie contre la mort ». Si, depuis lors, de nouveaux conflits sont apparus, il est bon de voir un expert des relations internationales, Bertrand Badie, confirmer lâapparition dâune tendance nouvelle qui porte la paix et ainsi publier un livre en osant le titre : « Lâart de la paix » (2) en regard opposĂ© Ă lâouvrage cĂ©lĂšbre du gĂ©nĂ©ral chinois Sun Tsu qui, au VIe siĂšcle avant JĂ©sus-Christ, Ă©crivit un ouvrage intitulĂ©Â : « lâArt de la guerre ». Bertrand Badie ouvre un nouvel horizon : « La paix a changĂ© de nature. Longtemps cantonnĂ©e Ă lâĂ©tat de non-guerre, associĂ©e Ă des pĂ©riodes de trĂȘve obtenue par transactions gĂ©ographiques, Ă©conomiques, dynastiques, elle ne peut dĂ©sormais ĂȘtre Ă©tablie quâĂ la condition dâĂȘtre redĂ©finie comme un tout, considĂ©rĂ©e Ă lâheure de la mondialisation et des nouvelles menaces, notamment climatiques, qui pĂšsent sur notre planĂšte » (page de couverture).
AprĂšs avoir rappelĂ© la primautĂ© de la guerre dans la culture grecque et romaine, la maniĂšre dont elle a ponctuĂ© les relations europĂ©ennes, Bertrand Badie montre comment et en quoi la situation est en voie de changer. « Aucun dĂ©cor nâest figĂ©. Cette paix transactionnelle, soumise aux lois de la guerre, appartient Ă un temps qui est en train dâĂȘtre dĂ©passĂ©. Ăvidemment, nul ne saurait en dĂ©duire quâune paix impeccable lui succĂ©dera. Il sortira de la mondialisation ce quâon en fera, le meilleur comme le pire. Mais une chose est sure : la paix de demain ne sera plus celle dâhier. « Lâart de la paix » consiste Ă en dĂ©duire les traits futurs, et Ă dĂ©finir les chemins qui y mĂšnent en fonction de paramĂštres nouveauxâŠÂ » (p 23-24). Et dans ce livre, chapitre aprĂšs chapitre, Bertrand Badie aborde les nouvelles caractĂ©ristiques de cette paix nouvelle. La premiĂšre consiste Ă se remettre Ă lâendroit, Ă comprendre ces liens de dĂ©pendance passĂ©e pour tenter de sâen dĂ©faire (chapitre 1). Dans un monde dâappropriation sociale du politique, la paix est appelĂ©e Ă sâhumaniser, câest-Ă -dire Ă se rapprocher des besoins humains fondamentaux (Chapitre 2). En cela, elle est appelĂ©e Ă prendre une dimension de plus en plus subjective, intĂ©grant et respectant ce qui est construit par chaque ĂȘtre humain en termes de pensĂ©e, de ressenti, et de sens donnĂ© Ă ce qui lâenvironne (Chapitre 3). Elle se devra dâĂȘtre systĂ©mique, apprĂ©hendant les dĂ©fis qui lui sont opposĂ©s comme intimement liĂ©s entre eux, ne souffrant plus cette sectorisation de la pensĂ©e qui accrĂ©dite lâidĂ©e â insupportable aujourdâhui â quâil y a un champ stratĂ©gique ou gĂ©opolitique autonome (chapitre 4). Elle devra donc ĂȘtre globale, intĂ©grant pleinement lâidĂ©e que les vrais intĂ©rĂȘts sensibles Ă dĂ©fendre sont globaux et non plus nationaux (chapitre 5). Le livre se poursuit par la prĂ©conisation dâinstitutions adaptĂ©es, dâune diplomatie pragmatique, dâune vertu dâhospitalitĂ©, et dâun apprentissage de la paix.
Remettre la paix Ă lâendroit.
La non-guerre nâest pas la paix.
Bertrand Badie porte tout particuliĂšrement son attention sur lâhistoire europĂ©enne au cours de ces derniers siĂšcles parce que câest lĂ que sâest forgĂ© un mode de relation dâĂ©tat Ă Ă©tat qui sâest ensuite rĂ©pandu dans le monde entier. Câest en Europe que lâĂ©tat-nation est apparu, son invention Ă©tant formulĂ©e par Jean Bodin dĂšs 1576 comme Ă©tant « la puissance absolue et perpĂ©tuelle dâune rĂ©publique, nâobĂ©issant Ă nul autre âni grand, ni plus petit, ni Ă©gal Ă soiâ » (p 28). Câest âlâexclusivitĂ© de la puissance qui va faire la loiâ. « Lâintuition de Machiavel prenait tout son sens : Le pouvoir politique Ă©tait dĂ©sormais fondĂ© par des âprophĂštes armĂ©sâ : la dĂ©finition et le nouveau statut de la paix ne pouvaient que sâen ressentir, sâinstaller durablement dans lâĂ©tat de principe subordonné » (p 29). En 1651, dans son livre : « Le LĂ©viathan », Thomas Hobbes met en valeur un Ă©tat souverain qui nâa de compte Ă rendre Ă personne. DĂšs lors, âles princes sont dans une continuelle suspicionâŠâ. « LâĂtat-nation ne peut que recourir Ă la guerre⊠La paix sera seconde, entre-deux-guerres ». « La guerre devient le rouage fondamental de la concurrence entre souverains » (p 29-30). Câest la puissance qui parait la garantie et câest Ă©galement ainsi que lâon tend Ă lâhĂ©gĂ©monie. « La plus grande des puissances va briser la prĂ©tention souveraine et construire simultanĂ©ment sa paix et son hĂ©gĂ©monie » (p 32). On se souvenait de la « pax romana ». DiffĂ©rentes hĂ©gĂ©monies vont se succĂ©der, de la « pax britannica » Ă la « pax americana ». Lâauteur montre les limites et finalement les Ă©checs des hĂ©gĂ©monies.
On peut Ă©galement rechercher lâĂ©quilibre des forces. Cependant, lâexpĂ©rience de lâhistoire montre que « lâĂ©quilibre des forces, fragile par nature, nâest quâune illusion prĂ©caire ». Lâauteur mentionne le regard avancĂ© de lâabbĂ© de Saint-Pierre qui, dĂšs le XVIIIe siĂšcle, dans son « MĂ©moire pour rendre la paix perpĂ©tuelle, sut disqualifier lâĂ©quilibre de puissance comme panacĂ©e Ă toute paix » (p 37). Aujourdâhui, les temps changent. « Les rapports de puissances deviennent indĂ©chiffrables en une Ă©poque post-bipolaire faĂźte de fragmentation, dâinterdĂ©pendance, de multiplication de rĂ©gimes de puissanceâŠÂ ». « A lâĂ©quilibre de puissance, il convient dĂ©sormais dâopposer les vertus de lâintĂ©gration responsable » (p 37).
La transaction est longtemps apparue comme le mode classique de rĂ©solution des conflits. « Tous les rĂ©sultats convergeaient pour concevoir la paix comme le rĂ©sultat dâune relation gĂ©rĂ©e, que ce soit sur le mode dâarbitrage, de la mĂ©diation ou de la conciliation, et somme toute de la transaction » (p 37). Certes, lâidĂ©e de transaction a pu ĂȘtre « sanctifiĂ©e comme un art de la concorde ». « Elle est mĂȘme confortĂ©e par la lecture de la dĂ©mocratie fondĂ©e sur lâart du compromis, voire du marchandage » (p 38). Cependant, Bertrand Badie met en lumiĂšre les limites de la transaction. « Nul doute bien sĂ»r que la transaction a en soi une propriĂ©tĂ© dâapaisement⊠Mais tout principe de paix pourrait-il se rĂ©duire Ă la transaction et son ambition finale ne risque-t-elle pas de rĂ©duire les minoritĂ©s au silence ? OĂč place-t-on dans ce grand marchandage les principes de respect, de sĂ©curitĂ© humaine ou les grands enjeux de survie ? La transaction ne rĂ©duirait-elle pas inversement, la paix Ă la simple trĂȘve, comme pour en alimenter la prĂ©caritĂ©, voire la dĂ©naturation ? Surtout, a-t-elle aujourdâhui les mĂȘmes vertus et la mĂȘme efficacitĂ© quâhier ? La question mĂ©rite dâĂȘtre posĂ©e Ă une Ă©poque oĂč les traitĂ©s sont devenus rares et oĂč ceux qui ont pu ĂȘtre conclus sont restĂ©s sans effets ? » (p 39). Les limites et les dĂ©faites de la transaction apparaissent dans une longue histoire qui nous est retracĂ©e par lâauteur. « Cette grammaire de la nĂ©gociation sâest nourrie au fil du temps, nourrie de considĂ©rations territoriales et dynastiques. La mĂ©canique de la force et de la ruse jouait Ă plein rendement, mais ne servait que de trĂšs courtes fins, rĂ©duisant la paix Ă lâĂ©tat de trĂȘve » (p 40). Ce fut lâĂ©poque oĂč « sous lâeffet dâune bataille dĂ©cisive, le vainqueur imposait au vaincu une cession de territoire qui mettait fin ainsi Ă la guerre » (p 41). Ce procĂ©dĂ© devient de plus en plus inadaptĂ© aujourdâhui en raison de âla progressive appropriation sociale des territoiresâ. Aujourdâhui, « lâappropriation sociale des territoires se dĂ©fie de toute obĂ©dience institutionnelle » (voir les rĂ©sistances des palestiniens, des sahraouis, des Ă©rythrĂ©ens, des kurdes). « Les transactions territoriales disparaissent peu Ă peu et le annexions se font hors de tout accord de paix » (p 42). Au total, nous sommes entrĂ©s dans une nouvelle pĂ©riode. « Les accords de paix ne mettent plus fin aux guerres. Le constat est lĂ Â : les traitĂ©s perdent de leur force et de leur vertu dâantan » (p 46). Les accords eux-mĂȘmes paraissent instables.
Bertrand Badie conclut par deux observations. « En premier lieu, lâart de la transaction semble considĂ©rablement affaibli, indiquant que la paix suppose aujourdâhui une approche plus globale, plus inclusive, construite sur un ordre partagĂ© plutĂŽt que sur le partage de trophĂ©es. En second lieu, la cause de la paix reste piĂ©gĂ©e par cette vision de ânon-guerreâ qui la rabaisse sans cesse au statut de âtrĂȘveâ, empĂȘche la paix de sâaccomplir : Cette derniĂšre approche âempĂȘche la paix de sâaccomplirâ : elle se doit donc de rĂ©inventer son propre fondement » (p 47-48).
Penser la paix.
Placer le social avant la force
La mise en avant de la paix sâinspire de penseurs que Bertrand Badie nous indique. Ainsi, le grand philosophe grec Aristote exprime la conviction que « la paix est la condition de âlâhomme parfaitâ. « Aristote nâa pas une lecture nĂ©gative de la paix, mais lâassimile positivement au bonheur de lâhomme en sociĂ©té ». Plus tard, lâabbĂ© de Saint-Pierre, Rousseau et Kant sâinscriront dans son sillage (p 52). Dans la crise entrainĂ©e par la chute de Rome au dĂ©but du Ve siĂšcle, Saint Augustin sâinspire de la source chrĂ©tienne pour affirmer que « la paix transcende les relations inter-individuelles et procĂšde de lâamour divin, de lâamour-caritas ». La citĂ© des hommes, si « elle nâexclut pas la guerre puisquâune telle citĂ© est fondĂ©e sur lâamour de soi et le mĂ©pris de Dieu, ne saurait ĂȘtre dissociĂ©e de lâaspiration Ă la paix cĂ©leste, celle de la CitĂ© de Dieu qui est fondĂ©e sur le principe inverse, et donc, prĂ©cisĂ©ment sur ce âsouverain bienâ dont nous parlait Aristote » (p 53). Par la suite, au XVIIIe siĂšcle, dans lâinspiration de la philosophie des LumiĂšres, critique dâun pouvoir absolu, une Ćuvre sâimpose, celle dâEmmanuel Kant : âVers la paix perpĂ©tuelleâ (1795). « La guerre est conçue dĂ©sormais comme une donnĂ©e Ă surmonter. La paix accĂšde au rang dâimpĂ©ratif catĂ©gorique qui sâimpose Ă tous⊠cassant la dĂ©pendance du politique par rapport Ă la guerre ». « Parmi les âarticles prĂ©liminairesâ de lâouvrage figurent donc lâinterdiction pour un Ătat dâen âacquĂ©rir un autreâ, le rejet de toute armĂ©e permanente, la prohibition de toute immixtion dans la constitution dâun autre Ătat ». Le philosophe prolonge ces condamnations par trois articles dĂ©finitifs : « La constitution des Ătats doit ĂȘtre rĂ©publicaine, le droit des gens suppose un âfĂ©dĂ©ralisme dâĂtats libresâ et un droit cosmopolitique doit promouvoir lâhospitalitĂ© universelle » (p 60-61). La puissance Ă©mergente de cette pensĂ©e nous parait admirable. Bertrand Badie voit là  « des acquis dĂ©cisifs pour penser la paix, en mĂȘme temps principe en soi et fondamentalement humaine ». « Le politique ne saurait recourir Ă nâimporte quel moyen et perd sa posture dâantĂ©rioritĂ© comme Martin Luther King sut le rappeler dans sa lettre adressĂ©e depuis la prison de Birmingham, le 16 avril 1963. âOn ne gouverne pas seulement avec des instruments : il faut y ajouter des principesâ. Il sâen dĂ©gage autant de pistes pour lâavenir, prĂ©cisant le contour de cette paix humanisĂ©e. On voit poindre trois directions qui vont sâĂ©panouir Ă la faveur de la derniĂšre crise montante dâun pouvoir politique qui doit faire face au tournant de ce millĂ©naire, Ă lâessor de la mondialisation et Ă une rĂ©action populiste aujourdâhui rigoureuse : une paix dâutilitĂ© sociale, une paix de dĂ©veloppement social, une paix correctrice des souffrances sociales » (p 61).
Approcher une paix subjective
Chercher Ă comprendre lâAutre
Si on doit envisager la paix dans son rapport avec les phĂ©nomĂšnes de pouvoir, combien il est important de voir comment elle sâinscrit dans le tissu des relations humaines. « La paix ne sâaccomplit quâen Ă©tant clairement pensĂ©e comme un lot commun, et comprĂ©hensible, une âsympathie des Ăąmesâ. Cette sympathie suppose trois attributs dont nulle paix ne peut se dĂ©partir : lâintĂ©gration sociale nâest possible que si elle se conçoit dans lâinclusion, la reconnaissance et lâaltĂ©ritĂ©. A ce niveau, lâaffirmation et mĂȘme lâattention ne sont pas dĂ©cisives⊠La rĂ©ussite dĂ©pend totalement du reçu et donc du perçu : lâintersubjectivitĂ© nâa pas Ă©tĂ© suffisamment prise en compte en relations internationales. Et pourtant ce ressentiment â qui a une force belligĂšne et une charge si violente – nait de la rĂ©action de lâAutre, dont nous dĂ©pendons alors totalement. Lâart de la paix, ici, est clair et prĂ©cis : savoir crĂ©er la confiance chez lâAutre, savoir gĂ©rer et guĂ©rir sa mĂ©fiance » (p 70-71).
« Rien nâest possible sans lâinclusion. Si le mot de la paix est lâintĂ©gration, celle-ci suppose non seulement une vĂ©ritable universalitĂ©, mais aussi le sentiment partagĂ© dâune universalitĂ© rĂ©ellement accomplie » (p 71). Bertrand Badie met lâaccent sur lâimportance du ressenti. Ains, « le monde occidental a pu concevoir la plus belle des universalitĂ©s, mais celle-ci devient source de tension si elle nâest pas reçue partout comme telle ». Par exemple, si « la DĂ©claration universelle des droits de lâhomme est profondĂ©ment respectable », elle peut susciter des rĂ©serves parce quâelle a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e par une commission de rĂ©daction composĂ©e de personnalitĂ©s de haute probitĂ©, mais appartenant toutes Ă la civilisation occidentale (p 72) ; « Cette universalitĂ©, incertaine et incomprise, se retrouve dans lâordinaire des relations internationales contemporaines. Le sens et lâimportance de la dĂ©colonisation nâont jamais Ă©tĂ© admis, ni intĂ©grĂ©s. De nouvelles exigences sont apparues comme « intĂ©grer dans le nouveau jeu mondial des cultures qui rompaient avec lâhomogĂ©nĂ©itĂ© de lâEurope moderne, mais aussi de nouveaux acteurs revendiquant le droit Ă la co-gouvernance du monde et un accĂšs Ă©gal Ă lâĂ©laboration des normes internationales » (p 74). Lâinclusion requiert Ă©galement lâĂ©galitĂ© des genres. « LâidĂ©e mit du temps Ă cheminer dans un univers oĂč le couple âguerre et paixâ Ă©tait partout teintĂ© de masculinité ». Des rĂ©solutions du Conseil de sĂ©curitĂ© ont finalement reconnu la prĂ©sence des femmes (p 75). Ătre reconnu est une aspiration humaine fondamentale. Sur le plan collectif, sur le plan politique, « la reconnaissance dâĂtat a Ă©tĂ© conçue comme un procĂ©dĂ© juridique consistant Ă accepter que naisse, sur lâĂ©chiquier mondial, une situation de souverainetĂ© applicable Ă un territoire, un peuple, des autoritĂ©s constituĂ©es. Elle prend tout son sens si elle est multilatĂ©rale, et non le rĂ©sultat dâune volontĂ© individuelle et unilatĂ©rale dâun seul Ătat ». (p 76) Cependant, ce processus juridique et institutionnel prĂ©sente des limites ; « La reconnaissance subjective va bien au-delà  » (p 77). Elle requiert le respect et implique un principe dâĂ©galitĂ© comme le met en exergue la Charte des Nations Unies, lâapplication duquel Ă©tant par contre limitĂ©e comme en tĂ©moigne lâĂ©troitesse du Conseil de sĂ©curitĂ©. Câest lĂ que Bertrand Badie engage son analyse des mĂ©faits de lâhumiliation. « La cause profonde des guerres, ou tout simplement des crispations vindicatives, se trouve presque toujours, et de plus en plus aujourdâhui dans lâhumiliation vĂ©cue » (p 78). Les exemples abondent : la mĂ©moire de la Chine, les consĂ©quences du traitĂ© de Versailles, la gestion du passĂ© colonial⊠Il en rĂ©sulte parfois des actes de vengeance terribles. Bertrand Badie prĂ©cise cependant une distinction nĂ©cessaire entre « lâhumiliation comme perception individuelle ou collective structurant les schĂ©mas de pensĂ©e, et lâhumiliation comme stratĂ©gie, rĂ©cupĂ©rĂ©e et exploitĂ©e par les entrepreneurs politiques » (p 79). Lâhumiliation peut avoir des consĂ©quences variĂ©es comme ĂȘtre source dâune rage destructrice. « Croire que la paix nâest que âcelle des diplomates et des soldatsâ risque de nous faire passer Ă cĂŽtĂ© des dangers essentiels : son art est de plus en liĂ© Ă la reconnaissance dâun Autre collectif, Ă la capacitĂ© de retenir les peuples avant quâils ne sombrent dans lâhumiliation, Ă lâaptitude Ă gĂ©rer les Ă©motions collectives des sociĂ©tĂ©s voisines et encore plus de celles qui sont Ă©loignĂ©es » (p 82). Bertrand Badie invite à « assumer un principe dâaltĂ©ritĂ© comme lâexigence de comprĂ©hension qui en dĂ©rive » (p 82). Il identifie âdes postures belligĂšnesâ et pose une vision contrastĂ©e : « lâhumanitĂ© unique a dĂ» faire face Ă une diversitĂ© dâexpĂ©riences qui a conduit Ă une pluralitĂ© de sens et de comprĂ©hension de lâhistoire. Cette pluralitĂ© construit lâidentitĂ©. Elle doit ĂȘtre Ă tout prix respectĂ©e jusquâĂ en faire une piĂšce maitresse de lâart de la paix. Câest en y manquant que la plupart des conflits ont fait souche » (p 85). Pour ce faire, trois questions doivent dominer nos dĂ©marches analytiques et relationnelles. Dâabord, comment lâAutre perçoit-il le contexte que je partage avec lui ? Ensuite comment intellectuellement a-t-il une comprĂ©hension du mĂȘme contexte, enfin comment pense-t-il que jâinterprĂšte sa proptre perception ?… Aujourdâhui, la rĂ©ponse Ă ces trois questions ne facilitera la paix que si elle mobilise lâart de lâanthropologue, de lâhistorien et du linguisteâŠÂ » (p 86). La paix requiert la prise en compte dâun « entrecroisement de sens » (p 77).
Construire une paix systémique
Penser la paix comme un tout.
En regard de lâhistoire classique europĂ©enne, la guerre a changĂ© de visage. « La guerre a perdu son Ă©vidence dâantan ». « La guerre est devenue un jeu complexe et multiforme, affectant dâinnombrables acteurs et de multiples fonctions sociales dont lâEtat a le plus grand mal Ă conserver le monopole. Elle implique une pratique nouvelle de la paix, mobilise tant dâefforts inĂ©dits et de ressources variĂ©es quâelle ne dĂ©pend plus dâune simple mobilisation entre acteurs princiers. La guerre du Sahel, celle dâAfghanistan et du YĂ©men, celle qui ensanglante le Congo (RDC) depuis si longtemps ne sâĂ©teignent pas comme la guerre de Trente Ans, sous lâeffet dâune transaction diplomatique : cette paix insolite qui suppose maintenant moult concours devient ainsi par sa nature protĂ©iforme, une « paix systĂ©mique » (p 92).
La plupart des nouveaux conflits sont âdâessence intra-Ă©tatiqueâ. « La paix est aujourdâhui principalement dĂ©fiĂ©e par une trop grande faiblesse et parfois une simple disparition du contrat social » (p 94).
« Ces conflits intra-Ă©tatiques dĂ©rivent trĂšs souvent vers leur internationalisation, mais il reste que lâorigine de la dĂ©stabilisation se trouve dans une crise intĂ©rieure qui rend la construction de la paix solidaire dâune redĂ©finition, voire dâune rĂ©intĂ©gration complĂšte, des relations entre citoyens » (p 94). Lâauteur dĂ©crit de nombreuses situations oĂč sâaffrontent de nombreux acteurs locaux. « Il est clair, dans ces conditions, que le pari de la paix suppose que ses promoteurs parviennent Ă toucher, prioritairement et de maniĂšre sensible, tous les acteurs de la vie politique, Ă©conomique et sociale de maniĂšre Ă crĂ©er un scĂ©nario dâintĂ©gration suffisamment crĂ©dible et attirant pour lâensemble des parties. Il faut mĂȘme faire en sorte que lâacte dâintĂ©grer paraisse plus rĂ©munĂ©rateur que celui de combattre » (p 101). Bertrand Badie prĂŽne âune paix systĂ©miqueâ. « Plus que jamais, cette idĂ©e de paix actualisĂ©e se rapproche de celle de lâintĂ©gration » (p 107). Finalement, « la prioritĂ© est de viser la reconstitution du lien social Ă la base mĂȘme du jeu social en crise. Tant que celui-ci sera incertain (ou inexistant), les ferments de conflictualitĂ© auront libre cours. Si ce lien se construit, il peut favoriser une dynamique de confiance allant du bas vers le haut, entrainant peu Ă peu le mieux-ĂȘtre institutionnel par la force du mieux-ĂȘtre social » (p 108). « Il sâagit, pour gagner, de privilĂ©gier le local, vraie base de reconnaissance, de lâaide visible, de la rĂ©invention de lâautoritĂ© lĂ©gitime, et lâexpĂ©rience des bienfaits de la coopĂ©ration : en un mot, vrai laboratoire dâune paix rĂ©elle et non pas manipulĂ©e. Une telle orientation donne une part importante de responsabilitĂ© aux formes diverses de coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©es, aux ONG, aux agences multilatĂ©rales ou Ă celles qui sont perçues comme distinctes des politiques de puissance, dans le respect Ă©vident de la souverainetĂ© de chaque Ă©tat concernĂ©. Cette socialisation locale constitue le point de dĂ©part de la rĂ©invention inĂ©luctable des Ătats nationaux grossiĂšrement importĂ©s » (p 108-109).
Inventer une paix globale
Un terrain désormais planétaire
Il y a bien une vision nouvelle. Face aux privilĂšges des Ătats nationaux, une conscience mondiale apparait peu Ă peu se manifestant dans des organisations internationales de la SociĂ©tĂ© des Nations Ă lâOrganisations des Nations Unies. Bertrand Badie incite Ă stabiliser une paix institutionnelle, Ă savoir trouver de justes normes universelles. « On ne saurait transcender les particularitĂ©s et les rivalitĂ©s autrement quâen insĂ©rant les acteurs â et tout particuliĂšrement les Ătats – dans un ensemble de codes et de chaines organisationnelles qui stabilisent leurs rapports et donc permettent le maintien dâune paix durable (p 137). Certes, on peut observer une rĂ©sistance des souverainetĂ©s. Lâauteur plaide pour le multilatĂ©ralisme. De nouveaux chemins se cherchent tels quâun âmultilatĂ©ralisme socialâ destinĂ© Ă donner de nouvelles chances Ă la paix en contournant le souverainisme Ă©tatique, offrir davantage dâeffectivitĂ© aux agences onusiennes qui travaillent au quotidien sur les tissus sociaux, engageant les ONG dans leur sillage. Câest une sorte de dynamique par le basâŠÂ » (p 143). Le lecteur pourra suivre dans ces chapitres les politiques proposĂ©es par Bertrand Badie pour ârĂ©inventer une Ă©thique multilatĂ©rale, rĂ©former la notion de sĂ©curitĂ©, prĂ©venir le conflit plutĂŽt que le guĂ©rirâ.
Ce livre de Bertrand Badie nous introduit dans une vision nouvelle des relations internationales. A une Ă©poque oĂč retentissent les bruits de guerre et oĂč la paix nous apparait comme un bien dâautant plus prĂ©cieux quâelle nous parait menacĂ©e, il est bon dâentendre Bertrand Badie nous expliquer que la valeur primordiale de la paix sâest Ă peu imposĂ©e au cours des derniers siĂšcles alors que la guerre est longtemps apparue comme la norme dominante. Il nous introduit dans la pensĂ©e qui a concouru Ă imposer la paix. A ceux qui se sont distinguĂ©s par leur action aujourdâhui renommĂ©e en faveur de la paix tels que Gandhi, Mandela (3) et Martin Luther King, on pourra ajouter les Ăglises de paix constamment engagĂ©es (4). Si on peut assister aujourdâhui Ă des poussĂ©es de nationalisme comme la rĂ©cente Ă©lection prĂ©sidentielle amĂ©ricaine le manifeste, ce livre nous montre un mouvement dâensemble qui porte de nouveaux chemins de paix. Il est bon de pouvoir envisager un horizon nouveau.
J H
- Une philosophie de lâhistoire, par Michel Serres : https://vivreetesperer.com/une-philosophie-de-lhistoire-par-michel-serres/
- Bertrand Badie. LâArt de la paix. Neuf vertus Ă honorer et autant de conditions Ă Ă©tablir. Flammarion, 2024
- Mandela et Gandhi, acteurs de libération et de réconciliation : https://vivreetesperer.com/non-violence-une-demarche-spirituelle-et-politique/
- Les Ăglises pacifistes (SociĂ©tĂ© religieuse des amis âQuakersâ, Ăglise des frĂšres, MennonitesâŠ) WikipĂ©dia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ăglises_pacifistes
par jean | Déc 15, 2020 | ARTICLES, Société et culture en mouvement |
Sâil vous plait, un peu de communication dans une ambiance respirable lorsque les mĂ©dias se font rĂ©pĂ©titifs et amplifient lâĂ©cho des mauvaises nouvelles. Alors si parfois les contenus de facebook peut me paraĂźtre un peu superficiels, et si ma frĂ©quentation, dans un moment dâisolement oĂč le besoin de relation et dâinformation se fait sentir, peut comporter un danger dâaddiction, au total, câest finalement une ressource bĂ©nĂ©fique puisquâau fil du temps, un rĂ©seau assez divers a pu se dĂ©velopper. Et dâabord, lâĂ priori positif qui est privilĂ©giĂ© Ă travers le rĂŽle donnĂ© aux «like» Ă©duque mon regard et suscite une dĂ©marche dâapprĂ©ciation et de participation. Et puis, si les nouvelles importantes apparaissent immĂ©diatement, elles sont en quelque sorte filtrĂ©es par une rĂ©ception humaine . Alors, si « la pĂȘche » sur facebook me paraĂźt maigre assez souvent, il y des moments aussi oĂč jây trouve un texte, une vidĂ©o, une photo Ă partager et Ă rĂ©pandre. Et parfois, câest une piste, une ressource signifiante. Et puis, ne lâoublions pas, si je nâai pas rencontrĂ© physiquement la grande majoritĂ© de mes « amis » de facebook, une frĂ©quentation rĂ©guliĂšre de leurs messages me permet dâentrevoir leur vie et leur personnalitĂ©. Câest donc un regard amical que je porte. Jâai conscience que ce quâils communiquent peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un cadeau de leur part. Ils me font part de ce qui leur tient Ă cĆur.
Je suis venu Ă facebook individuellement, il y a une dĂ©cennie. A lâĂ©poque, je crĂ©ais les blogs : « Vivre et espĂ©rer » et « LâEsprit qui donne la Vie ». Je ressentais un besoin de partage et de relation. Jây suis arrivĂ© seul et, peu Ă peu, jây ai retrouvĂ© certains amis (C P) (1), certaines connaissances (D P), certains collĂšgues (L S C). Rencontres bienvenues, mais je ne suis pas arrivĂ© lĂ comme dâautres dans une situation de partage semi familial avec des amis qui forment « tribu ». Câest une diffĂ©rence avec dâautres. Jâai pu lire un point de vue sociologique qui distingue des rĂ©seaux oĂč on sâattache essentiellement Ă un objet partagĂ© et dâautres oĂč on partage non seulement des informations, mais les ressentis de la vie quotidienne, randonnĂ©es, vacances, questionnements et jusquâĂ lâĂ©vocation dâun bon repas. Ainsi Ă flickr.com, on partage et on commente des photos. A facebook, câest toute la vie sociale qui sâexprime. Mais on peut aussi garder une certaine discrĂ©tion. Câest mon cas. Ainsi, lâengagement dans facebook prend des formes diverses avec des ressentis et des retours diffĂ©rents. Cependant, quelque soit notre degrĂ© dâexpression, il y a des convictions fondamentales qui transparaissent. Sur ce blog, jâai dĂ©jĂ dĂ©jĂ prĂ©sentĂ© ma participation Ă facebook dans ses diffĂ©rentes dimensions (2). Dans cet article, je mâinterroge sur ma frĂ©quentation de facebook, aujourdâhui, au quotidien.
Un peu plus de 300 « amis » se sont enregistrĂ©s. Dans les quelques derniers jours, une cinquantaine dâentre eux se sont manifestĂ©. Il sây est ajoutĂ© lâapport substantiel de nombreux organismes qui diffusent leurs messages sur facebook. Les thĂšmes sont diffĂ©rents : Ă©cologique : Mondialisation, Reporterre, Colibris,
Brut, Forum Ă©conomique mondialâŠ.politique : Loopsider, Guardian, le Monde, PrĂ©sidence de la RĂ©publiqueâŠ.artistique : Aux amidonniers, RestaurArs et diffĂ©rentes galeriesâŠ. Ces contributions et celles des « amis » qui les relayent sont riches en contenus mĂ©ritant dâĂȘtre partagĂ©s.
Comment est-ce que je perçois les différents aspects de ma fréquentation ?
Une vie sociale
Il y a lâexpression de la vie de certains. Ils nous associent aux manifestations et aux ressentis de leur vie quotidienne. Si mon attitude personnelle Ă cet Ă©gard est la discrĂ©tion, jâapprĂ©cie ce partage comme une expression de confiance. Si des soucis et des deuils peuvent ĂȘtre exprimĂ©s, câest le plus souvent un bonheur partagĂ©. Une personnalitĂ© sâexprime en nous faisant part de sa vie familiale et personnelle. Et souvent, en mĂȘme temps, de ses convictions et de sa motivation profonde.
Ainsi L R nous rapporte les Ă©vĂšnements marquant de sa vie de couple et de sa vie de jeune maman. Dans les joies et les difficultĂ©s, elle manifeste une inspiration qui nous encourage dans lâamour et la persĂ©vĂ©rance.
D S rĂ©side en Provence. Il nous partage sa vie familiale dans ses vacances et ses dĂ©placements. Câest tout particuliĂšrement la vie de sa petite fille O, musicienne et amoureuse de la nature. A plusieurs reprises, D S sâest fortement engagĂ© pour la dĂ©fense des droits humains et la promotion dĂ©mocratique.
J C G ne nous entretient pas seulement avec ouverture et compĂ©tence de la culture actuelle. Pasteur, il est engagĂ© dans une expression de foi et dans la promotion des mĂ©dias protestants. Mais il nâhĂ©site pas Ă partager des Ă©chos de la saveur de sa vie personnelle.
M F R partage avec nous son amour de la nature dans la campagne française, sa pratique Ă©cologique et une expression discrĂšte de sa recherche du bon et du beau. De quoi Ă©veiller des affinitĂ©sâŠ
Il y a aussi des amis qui expriment leur existence dans une dimension internationale : V B partageant son annĂ©e entre la France et lâAustralie, P O et A O sur la cĂŽte Pacifique des Etats- Unis avec deux  enfants lumineux et un engagement chrĂ©tien.
Un Ă©cho Ă lâactualitĂ©
Facebook renvoie Ă©galement Ă lâactualitĂ© en faisant immĂ©diatement Ă©cho aux Ă©vĂ©nements Ă travers des voix nombreuses et diverses. Jâai pu y suivre la campagne prĂ©sidentielle. Aujourdâhui, je lis des commentaires ( B G D S). Comme mon public est divers, certaines rĂ©actions peuvent me dĂ©plaire, ainsi parfois des colĂšres qui se polarisent. Mais il est bon de pouvoir entendre des voix diffĂ©rentes Ă condition que lâagressivitĂ© ne prenne pas le pas. Emettre frontalement des avis contraires nâest souvent pas bien acceptĂ© dans ce contexte. Certains rĂ©ussissent Ă permettre un dialogue grĂące Ă une gestion Ă©clairĂ©e ( D P).
Le courant écologique est trÚs présent (F R) et nous pouvons y apprécier et y partager des ressources éclairantes.
La dimension spirituelle
Parmi les intervenants récents sur mon fil facebook, beaucoup ont une activité identifiable dans le champ chrétien. (Une vingtaine sur 50). Cela est sans doute une réponse à ma propre recherche spirituelle. A cet égard, à coté des expressions protestantes, je suis également le courant réformateur en milieu catholique (C P A S
C O M M J). JâĂ©vite les manifestations du fondamentalisme et du traditionalisme. Je nâentre pas dans les polĂ©miques suscitĂ©es par certaines interventions (H L). Je recherche avant tout une expression dâamour, de foi et de bienveillance  ce qui nâexclue pas un examen critique.
Depuis longtemps, jâ apprĂ©cie le blog dâune religieuse qui sait nous parler de lâamour de Dieu (Au bonheur de Dieu), trĂšs prĂ©sente sur facebook (M J). Et aujourdâhui une pasteure suisse (A C) sâexprime sur facebook dans une dynamique de vie et dâamour. Du QuĂ©bec, nous vient une contribution marquante. Câest le rĂ©seau Transcendarts animĂ© par P L. Jây trouve du sens et du bon sens, un message chrĂ©tien qui Ă©claire mon esprit. Il y a lĂ une connexion Ă laquelle participe Ă©galement un ami rencontrĂ© sur facebook, J C. Et puis est apparu Ă©galement un rĂ©seau au titre expressif : « En dehors de la boite religieuse » animĂ© par D F. Câest une heureuse critique du fondamentalisme, une critique intelligente et pertinente qui en montre les travers, les abus et les maux qui en rĂ©sultent. Mais câest aussi un trĂ©sor dâexpressions spirituelles et thĂ©ologiques. Pour la France, rappelons la page de TĂ©moins sur Facebook, carrefour dâune approche chrĂ©tienne interconfessionnelle. Une autre page exprime le mouvement de vie et dâespĂ©rance prĂ©sent dans Vivre et espĂ©rer.
Notre fil facebook manifeste Ă©galement une expression spirituelle qui sâexprime abondamment Ă travers de courtes expressions : parfois brĂšves expressions personnelles, mais surtout beaucoup de citations, et pour certains, des versets bibliques (C P). Certains expriment rĂ©guliĂšrement leur approche spirituelle (I I A). Ces affirmations portent les plus souvent une vĂ©ritĂ© expĂ©rientielle.  A certains moments, abondance et redondance de brĂšves affirmations peuvent lasser.
Sur un plan plus psychologique oĂč psychologie sâallie Ă spiritualitĂ©, notons lâapport du rĂ©seau gĂ©rĂ© par un remarquable psychothĂ©rapeute T A : « La paix, ça sâapprend ».
Dans ce vaste champ dâexpression sur facebook Ă©merge de temps Ă autre un élĂ©ment fondamental qui nous est rapportĂ© par tel ou tel et que nous diffusons Ă notre tour.
Généreuse beauté
 On ne se lasse pas de la beautĂ©. Elle est trĂšs prĂ©sente sur mon fil facebook , soit Ă travers des contributions personnelles, soit Ă travers des apports dĂ©diĂ©s. Ce sont des paysages. Et je recours Ă Flickr pour y participer. Il y a de belles photos personnelles qui traduisent lâamour de la nature (M F R V H P S..). Il y a aussi lâintervention dâoffices de tourisme. La France est si belle de la Provence Ă la Bretagne⊠Et puis des « amis » nous font part Ă©galement dâĆuvres artistiques (A S V B J EâŠ). De nombreuses galeries nous offrent des reproductions de peintures (Aux amidonniers etc..). Toute cette beautĂ© : photos de nature ou expressions artistiques, vient nous enchanter. Câest une contribution majeure de ma participation Ă facebook.
Voici donc ma pratique de facebook, une pratique parmi dâautres. Je reçois, mais jâai Ă cĆur Ă©galement de contribuer en partageant certains apports ou, en expression de mes convictions, des  textes de « Vivre et espĂ©rer », de « LâEsprit qui donne la vie » ou de « TĂ©moins » Je fais part aussi de superbes photos que je choisis sur Flick en pensant Ă©galement Ă leur apport symbolique.
Je vois sur facebook des interrelations dans le respect et dans la discrĂ©tion. Dans mon cheminement, ce qui me revient Ă ce sujet, câest la parole de Paul : « Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est aimable, tout ce qui mĂ©rite lâapprobation ⊠soit lâobjet de vos pensĂ©es » (Epitre aux Philippiens 4.8). Câest rechercher le bon, le bien et le beau. Le rechercher ensemble donne une force plus grande Ă ce mouvement.
Chacun dâentre nous ressent le besoin dâĂȘtre reconnu. Jây pense en Ă©tant gĂ©nĂ©reux dans mon attribution de « like » en poussant parfois, dans les bonnes occasions, jusquâĂ lâĂ©lan positif du petit cĆur rouge.
Au total,  il y a dans le partage de lâexpression sur Facebook une incitation Ă la gratitude et Ă la louange. Dâune certaine maniĂšre, facebook peut ĂȘtre une Ă©cole de bienveillance.  Puis-je y apprendre Ă manifester davantage attention, compassion, priĂšre. Si, pour moi, facebook est dâabord un espace de « bon voisinage » , il oriente mon regard au delĂ . Câest un chemin.
J H
- Nous mentionnons certains participants Facebook par leurs initiales
- Mon expérience de facebook : https://vivreetesperer.com/mon-experience-de-facebook/
par jean | Mai 5, 2021 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Une nouvelle vision du monde, une nouvelle maniÚre de croire à la suite de Jésus, mort et ressuscité
 Les grands penseurs du passĂ© nous inspirent encore aujourdâhui. Paul, au dĂ©part Saul de Tarse, puis souvent appelĂ© saint Paul ou lâapĂŽtre Paul fait partie de ces penseurs, bien quâil ait Ă©tĂ© aussi un homme dâaction, pionnier des premiĂšres communautĂ©s chrĂ©tiennes dans le monde grĂ©co-romain.
Mais pourquoi nous intĂ©resser Ă Paul aujourdâhui ? Dans un contexte ou le christianisme institutionnel dĂ©cline, non sans rapport avec un ordre patriarcal et hiĂ©rarchique, on regarde de plus en plus aujourdâhui vers la dynamique du christianisme dans les deux premiers siĂšcles, la pĂ©riode de lâ« invention du christianisme » selon le titre dâun ouvrage collectif consacrĂ© Ă ce thĂšme (1). On y remarque que la rĂ©fĂ©rence Ă JĂ©sus apparaĂźt trĂšs tĂŽt aprĂšs son dĂ©part, dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 50 dans les Ă©pitres de Paul, bien avant la rĂ©daction des Ă©vangiles. Paul ne crĂ©e pas seulement des Ă©glises dans le monde grĂ©co-romain, il se fonde sur la mort et la rĂ©surrection de JĂ©sus et lâinterprĂšte comme un Ă©vĂ©nement dĂ©terminant dans lâhistoire du monde. Quelle signification pour nous aujourdâhui ? Or, un grand exĂ©gĂšte britannique et par ailleurs, auteur de nombreux livres, N T Wright vient dâĂ©crire une biographie de Paul (2) qui rĂ©pond Ă nos questions.
Un nouveau monde en gestation
Au dĂ©part N T Wright dissipe un malentendu. Dans le passĂ© et jusque dans la jeunesse de lâauteur, beaucoup de chrĂ©tiens percevaient le christianisme dans une perspective de salut individuel : « aller au ciel au moment de la mort » ; ĂȘtre « sauvé » et ĂȘtre « glorifié », pour reprendre les termes de Paul, signifiait « aller au ciel ». CâĂ©tait une attente en rapport avec des « questions mĂ©diĂ©vales ». « Le cadre de la terre et du ciel a Ă©tĂ© une construction du haut Moyen Age ». Or, « Les chrĂ©tiens du premier siĂšcle nâattendaient pas que leurs Ăąmes quittent le monde prĂ©sent matĂ©riel ». Ce qui Ă©tait premier pour Paul et les nouveaux chrĂ©tiens, câĂ©tait « la venue conjuguĂ©e du ciel et de la terre dans un grand acte de renouveau cosmique dans lequel les corps humains seraient renouvelĂ©s pour prendre leur place dans ce nouveau monde » (p 8). Paul a une vision nouvelle de lâhistoire. Il parlait de lâhistoire comme ce qui arrive dans le monde rĂ©el : le monde de lâespace, du temps et de la matiĂšre. Il Ă©tait un juif qui croyait dans la bontĂ© de la crĂ©ation originelle et Ă lâintention du CrĂ©ateur de renouveler ce monde. Son Ă©vangile de salut portait sur le Messie dâIsraĂ«l comme cela avait Ă©tĂ© promis dans les psaumes. Ce que Dieu avait fait en JĂ©sus et Ă travers lui câĂ©tait un mouvement « ciel et terre » et non dâoffrir un espace extra-terrestre.
Le message de Paul
N T Wright nous rapporte la vie de Paul dans un univers multiculturel. Mais le message de Paul nâest pas une synthĂšse philosophique. Il se fonde sur un Ă©vĂ©nement, la mort et la rĂ©surrection de JĂ©sus, et il sâenracine dans la culture juive, dans une histoire. Cette histoire est « lâhistoire dâIsraĂ«l comme enfants dâAbraham, IsraĂ«l choisi par Dieu, choisi dans le monde, mais Ă©galement IsraĂ«l choisi pour le monde, IsraĂ«l, le peuple de la PĂąques sauvĂ© de lâesclavage, le peuple avec lequel Dieu a fait alliance, le peuple Ă travers lequel toutes les nations seront bĂ©nies » (p 18). A lâĂ©poque, des signes donnent Ă penser que pour beaucoup de juifs, la Bible nâĂ©tait pas dâabord un ensemble de rĂšgles et de prescriptions, mais un grand rĂ©cit ancrĂ© dans la crĂ©ation et dans lâalliance et avançant dans lâombre de lâinconnu (p 18). Et cette histoire nâĂ©tait pas terminĂ©e. Elle Ă©tait accompagnĂ©e de promesses et dĂ©bouchait sur une espĂ©rance : un nouvel exode, une nouvelle restauration (p 19). Dans la rĂ©vĂ©lation de JĂ©sus, mort et ressuscitĂ©, Paul envisage cette histoire dans une perspective universaliste. Ainsi va-t-il appeler les juifs comme les non-juifs Ă entrer dans le mouvement de JĂ©sus. Ainsi les Ă©pitres nous proposent un message Ă la dimension du monde entier. N T Wright Ă©voque plusieurs textes de la Bible qui inspirent cette approche. Ainsi le psaume 2 : « Tu es mon fils. Aujourdâhui je tâai engendrĂ©. Demande-moi et je te donne les nations en hĂ©ritage, pour domaine, la terre toute entiĂšre ». Paul croit quâĂ travers JĂ©sus, sa mort et sa rĂ©surrection, le Dieu Un a vaincu toutes les puissances nĂ©fastes exerçant une emprise sur le monde. Et le pardon est accordĂ© Ă tous. Cela signifie que tous les hommes, et pas seulement les juifs, sont libres pour adorer le Dieu Un. « Il nây a plus de barriĂšres entre juifs et non juifs » (p 79) ;
Des communautés nouvelles. Un nouveau genre de vie
 Les nouvelles communautĂ©s qui apparaissent rassemblent des juifs et des non-juifs dans un nouveau genre de vie. Elles dĂ©passent et traversent les frontiĂšres de « la culture, du genre, de lâethnie, du milieu social », elles sont contre-culturelles, une rĂ©alisation unique Ă lâĂ©poque. (p 91). Ce mouvement est « profondĂ©ment dĂ©pendant de « la prĂ©sence et de lâinspiration puissante du Saint Esprit », dans le dĂ©ploiement dâune grande Ă©nergie (p 93). Le nouveau genre de vie, qui apparaĂźt ici, sera, dans le long terme, le point de dĂ©part dâun changement des mentalitĂ©s et dâune rĂ©volution sociale politique, telle que nous la dĂ©crit lâhistorien britannique, Tom Holland, dans son livre : « les chrĂ©tiens. Comment ils ont changĂ© le monde » (4). « La vision de Paul Ă©tait celle dâune sociĂ©tĂ© dans laquelle chacun travaille pour tous et tous pour chacun » (p 427).
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GenĂšse dâune thĂ©ologie
 Cependant lâapport principal de ce livre ne nous parait pas lĂ . Ce livre nâĂ©tudie pas seulement la vie de Paul dans les diffĂ©rente Ă©tapes de sa vie, la fondation des communautĂ©s et la rĂ©daction des lettres quâil leur adresse : les Ă©pitres, mais il analyse lâinspiration de ces Ă©pitres dans leur apport retentissant. Ce quâil nous dit, câest que la pensĂ©e de Paul se fonde sur lâĂ©vĂ©nement de la vie, de la mort et de la rĂ©surrection de JĂ©sus, quâelle sâappuie sur le rĂ©cit biblique en proclamant lâaccomplissement du plan divin Ă long terme (p 119). « Le CrĂ©ateur du monde a rĂ©alisĂ© en JĂ©sus la chose quâil avait promise, accomplissant le rĂ©cit ancien qui remonte Ă Abraham et Ă David⊠Les Ă©checs sont maintenant surmontĂ©s. La mort du Messie a vaincu les puissances qui asservissaient Ă la fois les juifs et les gentils et sa rĂ©surrection a lancĂ© un nouvel ordre du monde « sur terre comme au ciel ». Il y a maintenant un seul peuple, le peuple du Messie (p 130).
Si ce message a Ă©tĂ© Ă©crit dans un lointain passĂ©, il nous paraĂźt quâil demeure actuel aujourdâhui. Il peut ĂȘtre entendu par ceux qui gardent une mĂ©moire malheureuse dâune religion qui se dĂ©tournerait du monde et trierait les personnes dans leur destinĂ©e. Il peut ĂȘtre entendu par nous tous en quĂȘte de boussole dans un monde incertain. A partir de la mort de la rĂ©surrection de JĂ©sus, câest une dynamique de vie qui sâexprime lĂ . La thĂ©ologie de lâespĂ©rance que nous apporte par ailleurs JĂŒrgen Moltmann (4) sâappuie sur cette dynamique. Elle sâinscrit dans cette perspective « eschatologique ». Elle met en valeur la « nouvelle crĂ©ation » qui est en route en Christ. Et comme lâexprime JĂŒrgen Moltmann, câest une religion tournĂ©e vers lâavenir. On retrouve ici la vision de Paul : une dynamique de vie.
J H
- Sous la direction de Roselyne Dupont-Roc et Antoine Guggenheim. AprĂšs JĂ©sus. Lâinvention du christianisme. Albin Michel, 2020
- N T Wright. Paul. A biography. Harper One, 2018
- Comment lâesprit de lâEvangile a imprĂ©gnĂ© les mentalitĂ©s occidentales et quoiquâon dise, reste actif aujourdâhui : https://vivreetesperer.com/comment-lesprit-de-levangile-a-impregne-les-mentalites-occidentales-et-quoiquon-dise-reste-actif-aujourdhui/
- JĂŒrgen Moltmann est trĂšs prĂ©sent sur ce blog. Un blog : Vivre par lâEsprit, est spĂ©cialement dĂ©diĂ© Ă son Ćuvre thĂ©ologique : https://lire-moltmann.com