La danse divine (The divine dance) par Richard Rohr

 Une vision relationnelle de Dieu en réponse aux aspirations de notre temps

61deO2iFrxL._SX332_BO1,204,203,200_Les interrogations vis-à-vis de Dieu, tel qu’il est présenté dans la société occidentale en héritage de la chrétienté tournent souvent en désaffection. Mais dans cette représentation de Dieu, s’exprime l’écart entre une religion impériale et le premier accueil de l’Evangile. Face à cet écart, le livre de Richard Rohr, récemment paru aux Etats-Unis : « The divine dance » (1) apporte plus qu’une analyse : une proposition qui apparait comme une réponse vitale : une redécouverte du plein effet de la vie divine en terme de communion trinitaire. Cet ouvrage est écrit par Richard Rohr, un prêtre franciscain américain, animateur d’un Centre pour l’action et la contemplation (Center of action and contemplation), et, comme les commentaires sur son livre l’indiquent, en phase avec un réseau de personnalités chrétienne engagées dans le renouveau et l’innovation.

Ainsi, un des pionniers de l’Eglise émergente aux Etats-Unis, Brian McLaren, écrit à ce sujet : « Dans « La Danse divine », Richard Rohr et Mike Morrel explorent la vision trinitaire comme un chemin qui nous permet de dépasser une vision de Dieu qui pose problème. Ce livre magnifiquement écrit peut faire plus que changer des représentations perturbantes. Il peut changer entièrement notre manière de penser au sujet de Dieu ». Une écrivaine, Kristen Howerton, met en évidence l’originalité de cet ouvrage : « la Danse divine » est, pour notre génération, une redécouverte radicale de la Trinité en nous offrant une compréhension étendue du flux divin du Dieu trinitaire, et comment cela nous apporte un cadre de compréhension générale pour nos relations, notre sexualité, notre estime de soi et notre spiritualité. C’est une lecture éclairante pour tous les chrétiens qui ont lutté pour comprendre la Trinité par delà une doctrine impersonnelle… ».

Il y a des livres qui répondent à nos attentes et leur donnent un sens. Ainsi, Antoine Nouis, dans son livre : « Nos racines juives » (2) raconte comment il a retenu la réflexion d’un ami : « Vous savez, on ne choisit pas une théologie ; on est choisi par une théologie. Quand j’ai choisi Bultmann, je n’ai pas été convaincu par la vigueur des arguments, mais j’ai trouvé en lui un auteur qui m’aidait à penser ce que je croyais, qui mettait des mots sur ce que je savais vrai sans toujours savoir le formuler ». Ainsi, il nous arrive de trouver réponse à un ensemble de questionnements chez un auteur qui fait écho à notre recherche et à nos attentes. Ce fut le cas, en ce qui me concerne, lorsque j’ai rencontré Jürgen Moltmann (3). Et le livre de Richard Rohr éveille un écho en nous. Lui-même raconte comment, à l’occasion d’une retraite, il a découvert  « un livre hautement académique » sur la Trinité. Mais cette lecture a suscité un déclic. « Comme je lisais, en saisissant seulement quelques bribes de compréhension, je ne cessais  de me dire : « oui ! oui ! », aux mots et aux idées nouvelles. Je sentais la présence d’une grande tradition rencontrant la dynamique intérieure qui avait grandi en moi pendant trente-cinq ans… La Trinité n’était plus une croyance, mais une manière objective de décrire ma profonde expérience intérieure de la transcendance, ce que j’appelle ici « le flux » (« flow » (p 40-41). Ainsi, le souhait de Richard Rohr est que, si possible, ce livre ne soit pas seulement un apport de connaissances. « Ma prière et mon désir est que quelque chose que vous rencontrerez dans ces pages, résonne avec votre propre expérience de manière à ce que vous pouviez dire : « Je sens. Je sais que cela est vrai pour moi ».

Ecrit dans un style direct, découpé en courts chapitres (près de 70 !), ce livre nous entraine dans une découverte intellectuelle et existentielle. Cet ouvrage est trop riche pour donner lieu à un compte-rendu. Aussi rapporterons- nous simplement quelques chapitres significatifs.

 

Un changement de paradigme spirituel

En reprenant le terme : « paradigme » énoncé par Thomas Kuhn en histoire des sciences, Richard Rohr nous parle d’une profonde transformation en cours dans notre vision du monde.

« Au risque de paraître exprimer une grosse exagération, je pense que l’image chrétienne la plus courante de Dieu, en dépit de Jésus, est encore largement païenne et non transformée. L’histoire a si longtemps procédé à travers une image impériale et statique de Dieu qui vit principalement dans un splendide isolement par rapport à ce qu’il a créé. Dieu est largement perçu comme un spectateur critique. Et comme nous devenons toujours ce que nous voyons, nous avons désespérément besoin d’un changement dans notre espérance chrétienne concernant la manière dont nous communiquons avec Dieu… » (p 35-36).

« De fait, la révélation chrétienne, dans son intégralité, ne s’est traduite que très lentement dans les mentalités. Mais, aujourd’hui, le contexte est plus favorable. « La révolution trinitaire, en cours, révèle Dieu comme toujours avec nous dans toute notre vie, et comme toujours impliqué. Elle redit la grâce comme inhérente à la création, et non comme un additif occasionnel que quelques personnes méritent… Cette révolution a toujours été active comme le levain dans la pâte. Mais aujourd’hui, on comprend mieux la théologie de Paul et celle des Pères orientaux à l’encontre des images punitives plus tardives de Dieu qui ont dominé l’Eglise occidentale ».

« Dieu est celui que nous avons nommé Trinité, le « flux » (flow) qui passe à travers toute chose sans exception et qui fait cela depuis le début. Ainsi, toute chose est sainte pour ceux qui ont appris à le voir ainsi… Toute impulsion vitale, toute force orientée vers le futur, toute poussée d’amour, tout élan vers la beauté, tout ce qui tend vers la vérité, tout émerveillement devant une expression de bonté, tout bond d’élan vital, comme diraient les français, tout bout d’ambition pour l’humanité et la terre, est éternellement un flux de vie du Dieu trinitaire ». « Que nous le voulions ou pas… Ce n’est pas une invitation que vous puissiez accepter ou refuser. C’est une description de ce qui est en train de se produire en Dieu et dans toute chose créée à l’image et à la ressemblance de Dieu » (p 37-38). «  C’est une invitation à être paisiblement joyeux et coopératif avec la générosité divine qui connecte tout à tout. Oui, Dieu sauve le monde et Dieu est à l’œuvre même quand nous manquons de le noter, de nous en réjouir et de vivre pleinement notre vie unique » (p 38-39).

Richard Rohr nous rappelle des paroles dans les épitres :

« Il y a un seul Christ. Il est tout et il est en toute chose »

« Quand Christ sera pleinement révélé, et il est votre vie, vous aussi serez révélés avec Lui dans toute votre gloire »

Dans notre société, il y a un grand malaise qui tient à une fréquente déconnection : « Déconnection de Dieu, assurément, mais aussi de nous-même (notre corps), des uns des autres et de notre monde… Il en résulte un comportement de plus en plus destructeur.

Le don de Dieu trinitaire et l’expérience pratique, ressentie, de recevoir ce don, nous offre une reconnection bien fondée avec Dieu, nous-mêmes, les autres et le monde » (p 39).

 

L’importance majeure de la relation

L’influence de la pensée grecque sur notre propre civilisation a été considérable. Platon et Aristote exercent encore une grande influence sur nos représentations. Or, Aristote, en considérant les propriétés des choses, distinguait la « substance » et la « relation ». « Ce qui définissait la substance était ce qui induit la substance par rapport à tout le reste. Ainsi, un « arbre » est une substance tandis que « père » est une relation. Et Aristote mettait « la substance » tout en haut de l’échelle ». Ainsi la théologie occidentale a été influencée par la philosophie grecque. Alors Dieu a été défini en terme de substance ce qui entre en conflit avec la représentation relationnelle d’un Dieu trinitaire. Et cette conception a également influencé les comportements occidentaux. « Maintenant, nous voyons bien que Dieu n’est pas, n’a pas besoin d’être « une substance » dans le sens d’Aristote de quelque chose d’indépendant de tout le reste. En fait, Dieu est lui-même relation. Et, dans vie des hommes, l’ouverture à la relation induit une vie saine.

Ainsi « nous pouvons dire que Dieu est essentiellement relation. J’appellerai « salut », la disposition, la capacité et le vouloir d’être en relation » (p 46). « La voie de Jésus, c’est une invitation à un mode trinitaire de vie, d’amour et de relation  sur la terre comme c’est le cas dans la divinité. Comme la Trinité,  nous vivons intrinsèquement dans la relation. Nous appelons cela l’amour. Nous sommes faits pour l’amour. En dehors de cela, nous mourrons très rapidement. Et notre lignage spirituel nous dit que Dieu est personnel. « Dieu est amour » (p 47).

 

Percevoir l’image trinitaire

« Ceux d’entre nous qui ont grandi avec la notion prétrinitaire de Dieu ont vu probablement la réalité, consciemment ou inconsciemment, comme un univers en forme de pyramide avec Dieu au sommet du triangle et tout le reste en dessous… Mais si nous nous situons dans une perspective trinitaire, la figure représentative la plus appropriée est un cercle et même une spirale et non une pyramide. Laissons la dance du cercle inspirer notre imagination chrétienne… » (p 66-67). Nous ne sommes pas en dessous. Nous ne sommes pas exclus. Nous participons. « Nous ne sommes pas des outsiders ou des spectateurs, mais une part inhérente de la danse divine » (p 67). Le Dieu trinitaire partage sa vie avec nous. Dieu nous a inclus dans le flux divin.

Le mystère trinitaire peut également être perçu dans tout ce qui existe. Il peut être entrevu dans le code de la création. « Ce qu’à la fois les physiciens et les contemplatifs affirment, c’est que le fondement de la réalité est relationnel. Chaque chose est en relation avec une autre » (p 69). « Commencez par le mystère de la relation. C’est là où réside la puissance. C’est ce que les physiciens de l’atome et les astrophysiciens nous disent aujourd’hui » (p 70).

 

L’énergie divine

« Le Saint Esprit est la relation d’amour entre le Père et le Fils. C’est cette même relation qui nous est gratuitement donnée

Et cette même relation se manifeste dans une multitude de formes (p 186). « Tout ce qui conforte la relation est toujours l’œuvre de l’Esprit qui réchauffe, adoucit, répare et renouvelle tout ce qui est refroidi entre les chose et à l’intérieur… ». Au sein de la création, le Saint Esprit a deux grandes tâches. Il multiplie les formes de vie. Beaucoup d’espèces animales et végétales échappent à la présence humaine. « Elles forment le cercle universel de la louange simplement en existantSi vous désirez être contemplatif, c’est tout ce que vous avez besoin de savoir. Chaque chose en étant elle-même rend gloire à Dieu » (p 187). La deuxième tâche du Saint Esprit est de connecter toutes ces choses. Dans cette vie multiforme, « le Saint Esprit entretient l’harmonie et une mutuelle déférence » (p 188).

 

Maintenant tout est saint

« Une fois que vous avez appris à prendre votre place à l’intérieur du cercle de la louange et de la déférence mutuelle, toute distinction entre séculier et sacré, naturel et surnaturel s’efface. Dans l’économie divine, tout est utilisable, même nos fautes et nos péchés. Ce message nous est adressé de la croix et nous ne l’avons pas encore entendu. Tout est saint maintenant. Et la seule résistance à ce flux divin de sainteté et de plénitude est le refus humain de voir, de se réjouir et de participer » (p 189-190).

« Sans le libre flux du Saint Esprit, la religion devient un système de tri tribal, passant beaucoup de temps à définir qui est dedans, qui est dehors, qui a raison, qui a tort. Et, surprise, nous sommes toujours du côté de celui qui a raison » (p 192).

Richard Rohr met en évidence la réalité et la permanence de l’amour. « L’amour est juste comme la prière. Ce n’est pas tant une action que nous faisons qu’une réalité que nous sommes déjà. Nous ne décidons pas d’être aimant. Le Père ne décide pas d’aimer le Fils. Sa paternité est un flux du Père au Fils. Le Fils ne choisit pas de laisser passer son amour vers le Père ou l’Esprit. L’amour est son mode d’être… L’amour en vous dit toujours oui. Ce n’est pas quelque chose que vous pouvez acheter ou gagner. C’est la présence de Dieu en vous appelé le Saint Esprit… Vous ne pouvez pas diminuer l’amour que Dieu vous porte. Le flux est constant, total. Dieu est pour vous… » (p 193). Une pensée de la théologienne Catherine La Cugna résume tout : « La nature même de Dieu est de trouver la plus profonde communion et amitié possible avec chaque créature sur cette terre ». C’est la description de l’œuvre de Dieu.

La seule chose qui puisse vous tenir à l’écart de la danse divine, c’est la peur ou le doute ou quelque haine de soi. Qu’est-ce qui arriverait dans votre vie, juste maintenant, si vous acceptiez ce que Dieu a créé ? Voilà ce que vous ressentiriez soudain :

C’est un univers très sûr

Vous n’avez rien à craindre

Dieu est pour vous

Dieu bondit de joie vers vous

Dieu est à votre côté, honnêtement davantage que vous êtes à ses côtés » (p 193-194)

 

Pourquoi redécouvrir aujourd’hui la vie trinitaire ?

Pourquoi une redécouverte et un épanouissement de la théologie trinitaire aujourd’hui dans le monde? Si le livre de Richard Rohr éveille en nous un écho, c’est parce qu’il répond à nos aspirations et à nos questionnements dans le contexte culturel qui est le notre aujourd’hui. Comment perçoit-il lui-même l’actualité de sa vision ?

1 L’humilité de la transcendance

« Le processus actuel de l’individualisation débouche sur un sens très raffiné de l’intériorité, de l’expérience intérieure, du travail psychologique et de l’interface avec ce qu’une religion authentique dit réellement… L’approche trinitaire offre une phénoménologie beaucoup plus profonde de notre expérience intérieure de la transcendance… ».

2 Un langage théologique élargi

« La globalisation de la connaissance, une interface accrue avec d’autres religions mondiales (en particulier l’autre hémisphère du cerveau représenté à la fois par le christianisme oriental et les religions de l’Orient), un interface nouveau avec la science, tout cela demande que nous élargissions notre vocabulaire théologique ».

3 Une connaissance plus étendue de Jésus et du Christ

« En extrayant Jésus de la Trinité et en essayant de comprendre Jésus en dehors du Christ, nous avons créé une christologie très terrestre et basée sur l’expiation (atonement). Nous avons essayé d’aimer Jésus sans aimer (et même connaître le Christ et cela a créé une forme de religion malheureusement tribale et compétitive au lieu de celle de Paul : « Il y a un seul Christ. Il est tout et il est en tout ». Le Christ est une formulation cosmique et métaphysique. Jésus est une formulation personnelle et historique. Beaucoup de chrétiens ont la seconde formulation, mais sans la première, ce qui rend Jésus et le christianisme bien trop petit » (p 121-122).

 

Un livre majeur pour une voie nouvelle

Ce livre regorge de points de vue étayés par des connaissances et nourris par l’expérience. Certains de ces points de vue retentissent en nous et ouvrent un nouveau regard. Nos représentations se modifient.

Nous apprenons à mieux reconnaître la générosité divine et sa présence bienfaisante. Dans sa réalité trinitaire, l’amour de Dieu se révèle.

Nous retrouvons dans ce livre de grands thèmes de l’œuvre de Jürgen Moltmann  (3) qui, très tôt, en 1980, a publié un livre sur « La Trinité et le Royaume de Dieu » « en développant, dans un débat critique avec les tendances monothéistes de la théologie occidentale, une doctrine « périchorétique » de la Trinité qui souligne l’être-un des personnes divines, leur interpénétration et leur inhabitation mutuelle… Lorsque, dans la manière de comprendre Dieu, le concept de communauté-communion, de « mutuality » et de périchorèse vient au premier plan et reprend, relativise et limite le concept de la Seigneurie unilatérale, alors se modifie également la façon de comprendre les relations que le hommes sont appelés à vivre les uns avec les autres ainsi que leur rapport à la nature ». Et, ensuite, dans son livre : « Dieu dans la création » (première édition en allemand : 1985), Jürgen Moltmann a poursuivi sa réflexion : « Au concept trinitaire de la périchorèse mutuelle, correspond une doctrine écologique de la création. Le Dieu Trinité ne fait pas seulement face à sa création, mais y entre en même temps par son Esprit éternel, pénètre toute chose et réalise la communauté de la création par son inhabitation. Il en résulte une connexion nouvelle de la connexion de toute chose… Au concept trinitaire de la périchorèse mutuelle, correspond une compréhension nouvelle de la condition de l’image de Dieu qui est celle de l’homme. Dans la communauté mutuelle de l’homme et de la femme, ainsi que dans la communauté des parents et des enfants, il devient possible de reconnaître un être et une vie qui correspondent à Dieu… » (4). Jürgen Moltmann a écrit ensuite un livre au titre significatif : « L’Esprit qui donne la vie » (4). La pleine reconnaissance de l’Esprit découle également de la révélation trinitaire.

Si les parcours et les contextes de Richard Rohr et de Jürgen Moltmann sont différents, au point que nous ne voyons point dans le livre du premier des références aux livres du second, dans une diversité d’accents et de sensibilités, nous voyons également de profondes convergences dans leurs écrits. Ainsi,  dans son livre : « Dieu dans la création » (5), Moltmann écrit : « La périchorèse trinitaire (mouvement incessant de relation en Dieu qui se traduit dans l’expression : danse divine), doit être comprise comme l’activité suprême et en même temps comme la quiétude absolue de cet amour qui est la source de tout vivant, le ton de toutes les résonnances et l’origine du rythme et de la vibration des mondes dansants » (p 31). Et, comme Richard Rohr, Jürgen Moltmann met en  évidence l’importance majeure de la relation : « Si l’Esprit Saint est répandu sur toute la création, il fait de la communauté de toutes les créatures avec Dieu et entre elles, cette communauté de la création dans laquelle toutes les créatures communiquent chacune à sa manière entre elles et avec Dieu… Rien dans le monde n’existe, ne vit et ne se meut par soi. Tout existe, vit et se meut dans l’autre, dans les structures cosmiques de l’Esprit divin » (p 24-25). Ainsi, à partir de ces différents éclairages, nous pouvons avancer dans la joie de la découverte et de la reconnaissance de l’être et de l’œuvre du Dieu trinitaire.

La parution du roman de William Paul Young : « The Shack » qui nous a proposé une représentation imagée du Dieu trinitaire, ouvrage traduit en français sous le titre : « La cabane » (6) et ayant remporté un succès mondial, témoignait d’une sensibilité nouvelle. L’auteur de ce livre  a accordé une préface à « The divine Dance » : « La « danse divine », de pair avec des milliers d’autres voix qui s’élèvent aujourd’hui, renverse l’Empire et célèbre la Relation. Quand on a vu les profonds mystères révélés ici avec amour, on ne peut pas ne pas voir. Quand on a entendu, on ne peut retourner en arrière. La souffrance ne peut effacer le sourire du cœur. O Dieu, tu n’a jamais eu une idée médiocre de l’Humanité » (p 22). Voici un livre qui suscite la joie et la louange parce qu’il nous parle de l’amour inconditionnel de Dieu au cœur d’un univers relationnel.

J H

 

(1)            Richard Rohr with Mike Morrell. Foreword by William Paul Young. The divine dance. The Trinity and your transformation. SPCK, 2016

(2)            Antoine Nouis. Nos racines juives. Préf. De Marion Muller-Colard. Bayard, 2018

(3)            Vie et œuvre théologique de Jürgen Moltmann à travers son autobiographie : A broad place. Sur le site de Témoins : « Une théologie pour notre temps. L’autobiographie de Jürgen Moltmann » : http://www.temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/   Des écrits de Jürgen Moltmann présentés sur ce blog : Vivre et espérer et sur le blog : L’Esprit qui donne la vie : http://www.lespritquidonnelavie.com

(4)            Jürgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Une pneumatologie intégrale. Cerf, 1999. En annexe : Mon itinéraire théologique. Quelques extraits présentés ici (p 438)

(5)            Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988

(6)            William Paul Young. La cabane. J’ai lu, 2014 (18 millions de lecteurs à travers le monde)

Élucider le mystère de la conscience

Élucider le mystère de la conscience

Selon la définition du dictionnaire Le Robert, la conscience est ‘la connaissance immédiate de sa propre activité psychique’. Selon une recherche google, ‘la conscience est la présence constante et immédiate de soi à soi’. Cette définition se poursuit ainsi : ‘C’est la faculté réflexive de l’esprit humain, c’est-à-dire la capacité de faire retour sur soi-même. C’est la conscience qui permet à l’homme de se prendre lui-même comme objet de se penser, au même titre que les objets extérieurs’. La conscience est ainsi au cœur de l’existence humaine. Mais n’est-ce pas la réduire que de la limiter à cette existence ? Depuis quelques décennies, un mouvement s’opère pour en élargir le champ. Nous le ressentons à travers de nombreuses découvertes. Le titre du nouveau livre de Patrice Van Eersel est à cet égard très significatif en se portant à l’extrême : ‘Le soleil est-il conscient ? Et les dauphins ? Et les baobabs ? Et l’IA ? Et vous-même ?’ (1) Le bas de couverture explicite l’intention de l’auteur : « Elucider le mystère de la conscience ». On comprend que cet ouvrage est la résultante ultime d’une quête engagée depuis des décennies.

« Ecrivain à Libération et à Actuel, rédacteur-en-chef de Nouvelles Clés Patrick van Eersel a longuement enquêté sur différents sujets alternatifs qui ont débouché sur des livres : ‘La Source noire’ (1986) sur les Expériences de Mort Imminente ; ‘Le Cinquième Rêve’ (1993) pour les contacts avec les animaux et les dauphins.; ‘La Source blanche’ (1996) sur l’histoire des dialogues avec l’Ange ; ‘J’ai mal à mes ancêtres’ (2002) sur la psychogénéalogie ; ‘Mettre au monde’ (2008) sur de nouvelles façons d’envisager la naissance » (page de couverture). Plus récemment, en 2021, Patrice van Eersel a publié un livre intitulé ‘Noosphère’ qui présente le cheminement de la pensée de Teilhard de Chardin (2). Tous ces livres sont réalisés à partir d’interviews d’acteurs et d’experts. Au long de plusieurs décennies, Patrice van Eersel a fréquenté un grand nombre de découvreurs et c’est sur eux qu’il s’appuie pour écrire ce nouveau livre sur la conscience. Dans un entretien avec Anne Guesquière sur le site Métamorphoses, il raconte sa quête, de rencontre en rencontre, avec des personnalités remarquables (3). C’est un chemin de découverte relaté en page de couverture : « Cela parait fou, mais les faits sont là. La conscience parait habiter l’univers entier. Dans toutes les cultures anciennes, la conscience habite l’intégralité des êtres de l’univers. Les monothéismes puis les modernes l’ont progressivement réduite à une exclusivité humaine. D’universelle, elle est devenue le propre de nos cerveaux hyper-complexes. – et nous sommes supposés être ‘seuls dans l’immensité indifférente de l’univers d’où nous avons émergé par hasard’, comme dit le credo matérialiste. Or ce monopole glacé craque de tous les côtés » (page de couverture). A partir d’une immense culture qui s’est forgée dans la rencontre avec tous ceux qui mettaient en évidence des réalités et des compréhensions nouvelles, ‘une cinquantaine de scientifiques, thérapeutes, philosophes et témoins de l’extraordinaire’, Patrice van Eersel fait apparaitre des convergences, l’émergence d’un paysage nouveau. « C’est une révolution à double sens. D’une part descendant des sommets de la théorie, les découvertes de la physique quantique démontrent que la réalité intime de la matière présente des similarités troublantes avec ce que nous appelons ‘conscience’. D’autre part, remontant de la base, d’innombrables observations et expériences empiriques nous mettent en relation de résonance intelligente et sensible avec les animaux, mais aussi avec les végétaux, voire les minéraux, et peu à peu avec l’univers entier visible et invisible » (page de couverture). L’auteur entre alors dans une nouvelle vision : « Tout se passe avec une constante troublante comme si, à chaque niveau, la conscience ressemblait à une musique. Une musique issue d’un silence infiniment subtil » (page de couverture).

Nous trouvons dans ce livre la description de phénomènes déjà plus ou moins abordés au cours de notre parcours et exposés sur ce site https://vivreetesperer.com/ecospiritualite/. Il y a dans ce livre de 450 pages une abondance d’informations et une piste de réflexion qui se poursuit dans un va-et-vient d’un interlocuteur à l’autre. C’est dire que nous ne pouvons pas le présenter selon notre manière habituelle. Nous nous bornerons à en présenter quelques extraits.

 

Aux origines de la quête

En 1981, l’auteur part enquêter en Californie au sujet des expériences de mort imminente appelé à cette époque ‘Near death experiences’ (NDE). Il reconnait l’impasse des chercheurs voulant expliquer le phénomène par la neurochimie. Il rencontre les pionniers qui mettent en évidence le caractère extraordinaire du phénomène, le psychiatre Raymond Moody et le psychosociologue Kenneth Ring. Pour l’auteur, c’est un point de départ de cette recherche sur la conscience. « Quelque fut leur fascination, ce n’était pas la mort que ces chercheurs s’acharnaient à élucider. Comment était-il possible qu’au moment où leur cœur avait cessé de battre, certaines personnes aient pu connaitre une lucidité extraordinaire, unique dans leur vie, doublée le plus souvent du souvenir d’un bonheur si ineffable que leur existence s’en était trouvée changée à jamais, la peur de mourir les ayant définitivement quittés » ? (p 21).

« Cette impression se trouvait renforcée par toutes sortes de témoignages. Ces témoins-là rapportaient des expériences en tous points semblables aux EMI (Expérience de mort imminente)… sauf qu’ils n’avaient jamais couru le risque de mourir… Pour certains, le décollage hors corps vers la grande lumière d’amour et de connaissance s’était effectuée depuis le quotidien le plus banal, à la terrasse d’un café ou lors d’une balade en forêt » (p 21) (4).

Une autre convergence se dessinait. « De grands professionnels de la méditation, venus notamment du yoga, du zazen ou du tantrisme apportaient une contribution inattendue. Selon eux, la description de l’EMI correspondait à s’y méprendre à ce que leurs disciplines respectives nommaient ‘pur éveil’ ou ‘conscience cosmique’ » (p 21).

A la même époque, Patrice rencontre le mouvement naissant des soins palliatifs. La confrontation avec la mort l’interroge. Il sort bouleversé de sa participation à un séminaire animé par cette personnalité pionnière que fut Elisabeth Kübler-Ross. Il s’était trouvé avec une centaine de personnes en extrême souffrance. La compassion transformait toute l’assemblée en chœur de pleurs… « Ce que j’allais découvrir, c’est qu’accompagnés par une praticienne aussi chevronnée qu’Elisabeth Kübler-Ross, qui avait tenu la main de milliers de mourants, mes compagnes et compagnons de grande infortune réussissaient à traverser cette vallée de larmes pour atteindre l’autre rive » (p 23). C’était un nouvel état d’esprit. « J’étais donc revenu de ce séminaire avec la conviction que, sans les femmes fondatrices des soins palliatifs, sans leur incroyable capacité à réveiller l’humain moderne de sa transe technicienne, la recherche des hommes qui ont mis en évidence le phénomène des expériences de mort imminente aurait paru si fantasque, si déracinée du réel… qu’à mon avis, elle n’aurait pu être intégrée au corpus commun » (p 24).

 

L’apparition d’une convergence

En remontant dans son passé, Patrice van Eersel y voit la manière dont sa quête et apparue et s’est affirmée, nourrie par des rencontres qui ont révélé une multitude de convergences.

« Presque un demi-siècle s’est écoulé depuis mes premières explorations américaines. Et, tout à coup, prenant du recul, cela s’est imposé à moi comme le nez au milieu de la figure : si tous mes reportages pour Actuel, et plus tard Nouvelles Clés, puis Clés n’ont pas exclusivement tourné autour de l’énigme de la conscience, je peux dire que ce fut bien le cas de ceux qui ont vraiment compté pour moi. Depuis le musicien Jim Nollman qui joue de la guitare dans un canoé en concert avec les orques du Pacifique, jusqu’à l’astronaute américain Edgar Mitchell revenant de la lune amoureux de la terre, en passant par la nageuse et dessinatrice Gitta Mallasz, dernier témoin de l’aventure prophétique des Dialogues avec l’ange, ou du pianiste Ray Lema, découvrant comment les villages de la forêt congolaise sont régulés par des ‘roues rythmiques’, j’ai eu la chance immense de pouvoir rencontrer des dizaines d’hommes et de femmes passionnants et géniaux dont l’essentiel de la quête tournait finalement autour de l’énigme de la conscience » (p 15).

 

Un nouveau regard scientifique sur le monde : la mécanique quantique

Plusieurs mouvements convergent pour entrainer un changement de notre vision du monde et donc de notre représentation de la conscience

« Je suggère que pour la plupart de nos contemporains, la façon de se figurer la conscience a fortement évoluée au cours du dernier siècle avec la double poussée d’un mouvement ‘top down’ et d’un mouvement ‘bottom up’. Peut-on dire ce qui s’est passé quand ces deux mouvements se ont rencontrés ? Se pourrait-il que cela ait profondément changé l’ADN de nos sociétés ? » (p 186). L’auteur envisage le mouvement ‘bottom up’ comme celui qui se manifeste dans de nouvelles expériences humaines comme les visions suscitées par les psychadéliques, la découverte des ‘gymnosophies d’orient’, un nouveau regard sur la mort engendré par les expériences de mort imminente. Et d’autre part, il envisage ce qu’il intitule le mouvement ‘top down’ comme la nouvelle représentation du monde qui nous est communiquée par des scientifiques : la mécanique quantique.

« Aujourd’hui, malgré sa grande complexité mathématique originelle, le concept de ‘quantique’ s’est répandu du sommet vers le bas dans un mouvement ‘top down’, une vulgarisation décomplexée que l’on retrouve propagée dans toutes sortes de réseaux… » (p 75). Selon l’auteur, ‘la mécanique quantique reconstruit notre vision du monde de A à Z’. L’auteur a, très tôt, rencontré un chercheur en ce domaine, le physicien David Bohm. Il rapporte son propos : « Au bout de la logique quantique, toute solitude s’avère désormais partielle, voire illusoire : il n’existe plus d’entité ni d’individu isolé, l’univers entier est relié et se comporte comme un seule gigantesque interconnexion, cachée derrière une mosaïque infiniment morcelée des apparences ». L’auteur va encore plus loin dans cette représentation révolutionnaire « Pris dans un ‘tissu supral’, comme l’a baptisé Emmanuel Ransford, toile d’araignée invisible qui relie les milliards de billiards de trilliards de particules cosmiques, chacun de nous peut, s’il sait donner à sa vigilance une densité et une sérénité suffisantes, non seulement communiquer avec les organes qui composent son propre corps – pour les connaitre, les harmoniser et les soigner en leur envoyant ‘des intentions bienveillantes’ – mais entrer en contact avec les autres éléments de l’univers, sans limite dans l’espace-temps » (p 77). Certes, ce bouleversement des représentations rencontre des résistances. En effet, les enjeux sont immenses. « Deux millénaires et demi après Aristote, les axiomes de base de la science occidentale ne demeurent désormais valides que dans un périmètre restreint. L’essentiel devient flou. La matière n’existe plus en tant que ‘chose’, mais laisse la place à un ‘tissu relationnel’ obéissant à de probabilités aléatoires, qui s’étendent à l’univers entier » (p 78). « Même au bout d’un siècle, comment notre système des pensée cartésien-newtonien, matérialiste, mécaniste, réductionniste et individualiste jusqu’au bout des ongles, pourrait avaler pareille métamorphose » (p 78). Une question se pose également, ‘comment peut-on passer du micro au macro ?’. Cette interrogation s’exerce dans le champ de la biologie. Selon l’auteur, la logique quantique se manifeste très largement. « Ce qui est vrai pour nos technologies de pointe l’est a fortiori pour les processus autrement sophistiqués qui meuvent les organismes vivants… De plus en plus de biologistes, de généticiens, de thérapeutes abondent en ce sens… Depuis vingt ans, les publications se multiplient. Sur l’essentiel, les arguments convergent : aucun phénomène biologique – en première ligne, citons l’olfaction, la photosynthèse, la machinerie génétique et toute l’activité neuronale – ne serait explicable sans faire appel aux lois quantiques, ne serait-ce que pour des raisons de temps et de vitesse » (p 81). « Selon Morvan Salez, ‘nos molécules communiquent les unes avec les autres. Elles chantent ensemble’. N’est-ce pas dans cet esprit qu’un biophysicien a eu (l’idée de faire pousser des légumes dans le désert en stimulant leur métabolisme, non avec de l’eau, mais avec des musiques, c’est-à-dire des résonances, processus éminemment quantique » (p 80).

 

Le post-matérialisme nait du croisement de deux révolutions

Patrice van Eersel nous décrit un puissant mouvement de transformation culturelle. « Il y a un siècle des calculs sophistiqués de la haute physique théorique, ce que je propose d’appeler le mouvement ‘top-down’, est peu à peu descendu jusque dans la société civile, où il suscite une multitude de pratiques de tous acabits, généralement qualifiées de ‘quantiques’. En sens inverse, le mouvement ‘bottom-up’, fonde une foule d’expériences subjectives, psychédéliques dans les cas extrêmes, mais aussi de vécus spirituels ou mystiques, parfois dits paranormaux (l’EMI étant la plus connue), et a progressivement informé la société entière de bas en haut, jusqu’à son sommet, obligeant les élites intellectuelles à le prendre en considération, avec beaucoup de réticence d’abord, mais de façon irréversible » (p 109). L’auteur nous rapporte un exemple de cette diffusion des nouvelles manières de voir. Ainsi, début 2019, est-il invité au colloque ‘Etats de conscience aux frontières de la mort’ à la Faculté de médecine de Paris. C’est donc une entrée de l’examen du phénomène des EMI dans l’espace même de l’Université française. L’organisatrice du colloque, Laurence Lucas Skalli, psychiatre et psychanalyste, veut « inciter la médecine française à s’ouvrir au champ immense de l’étude de la conscience et de son impact sur la guérison » (p 109). « Laurence Lucas Skalli ne visait rien de moins que la fondation d’une association internationale qui sera bientôt baptisée ‘Conscience sans frontières’. Pour lancer ce projet, elle a réussi à convaincre… d’éminents universitaires et chercheurs qui vont intervenir dans ce colloque. Ces personnalités reconnues dans leur domaine de compétence ont donc accepté ‘de réfléchir ensemble au fait que, aux frontières de la vie, la conscience s’avère décidément plus insaisissable que tout ce que la science avait supposé jusque là’ ». Patrice découvre en même temps d’innombrables initiatives du même acabit à travers le pays. Dès lors, à lui qui travaillait sur ces questions depuis longtemps, il apparait « que notre société s’ouvre à nouveau comme quand dans les années 1980, sous l’égide de François Mitterand et de son amie Marie de Hennezelle, s’ouvrirent en France les premières unités de soins palliatifs » (p 118).

« La conclusion de cette semaine passionnante porte le nom philosophique ‘phénoménologie’. La phénoménologie ouvre la voie à une foule d’actions pratiques, puisqu’elle signifie qu’on ne cherche plus les causes premières ni l’essence des choses, mais que l’on se concentre sur le ressenti, le subjectif, l’intériorité » (p 112). Cette séquence se poursuit par des interviews de Patrice avec des thérapeutes engagés autour de la compréhension et la mise en valeur des EMI. Elle débouche sur une rencontre avec le chercheur québécois Mario Beauregard (5). Et avec lui, nous allons pouvoir envisager le postmatérialisme en mouvement.

Patrice van Eersel fut invité à un atelier sur les synchronicités auquel Mario Beauregard participait. Il nous raconte la vie de celui-ci. « Né dans une ferme, Mario Beauregard a grandi très proche de la nature… Il est encore gamin quand il vit une expérience mystique de fusion avec la forêt (5) qu’il n’oubliera jamais et fait naitre en lui le rêve d’exercer un métier qui lui permettrait de comprendre ce qui lui est arrivé. Il vivra plusieurs autres expériences spirituelles très fortes dont ‘une sortie du corps’ d’autant plus marquante qu’il est alors atteint d’une maladie très inquiétante que personne ne sait soigner. Un ‘être de lumière’ lui apparait alors, qui le rassure en lui annonçant qu’il survivra à ce qu’il doit considérer comme une forme d’initiation. Son rêve d’enfance se trouve galvanisé – il veut absolument comprendre ce que tout cela signifie et donc étudier la nature de la conscience ». (p 120). Il devient docteur en neurologie et docteur en neurobiologie. Il parvient à utiliser les grosses machines à imagerie de sa faculté pour observer des états modifiés de conscience. En 2006, son étude sur les cerveaux d’une communauté de carmélites en prière le rend célèbre. « Il établit que les pratiques spirituelles peuvent à ce point influencer le cerveau que de vieilles religieuses censées être atteintes de maladies neurologiques graves – car leurs réseaux corticaux s’avèrent passablement délabrés – tiennent en fait vaillamment le coup. Comme si leur esprit pouvait avoir sur leur corps des effets plus qu’insoupçonnés » (p 121). Ses recherches dérangent les autorités de la faculté de Montréal. En 2013, il rejoint l’Université d’Arizona où il travaille sous la houlette de Gary Schwartz, directeur du Laboratoire de recherche sur la conscience et la santé à Tucson. Ils décident d’organiser une rencontre internationale entre des scientifiques non conformistes. « L’accord principal n’a pas été long à émerger : l’approche matérialiste réductionniste a apporté à l’humanité des découvertes prodigieuses, mais elle en a profité pour faire passer sa méthodologie au niveau ontologique, c’est-à-dire qu’elle prétend avoir le dernier mot sur la nature du réel, qu’elle réduit à la matière. Comme si, en dehors de celle-ci, rien n’existait » (p122) (6). Le paradigme dominant actuel ne parvient pas à prendre compte en grand nombre de phénomènes nouvellement identifiés. « C’est le cas avec des phénomènes comme la perception extrasensorielle, la psychokinésie, la télépathie, la clairvoyance, les VSCD (Vécus Subjectifs de Contact avec un Défunt), les EMI, les sorties du corps ou la lucidité terminale. Mais la liste ne s’arrête pas là. Comment expliquer plus généralement l’intuition, le processus de création, l’hypermnésie ou le génie des autistes Asperger… » (p 124). En regard, différentes hypothèses sont envisageables. « Pour tenter d’expliquer que la conscience n’émerge pas, mais qu’elle est comme une donnée primordiale qui transcende ce que nous croyons savoir de la matière-énergie et de l’espace-temps, Robert Sheldrake, par exemple, plaide pour une approche ‘panpsychique’ – un terme repris à Francesco Patrizi, philosophe italien du XVIe, qui suppose que dans l’univers, toute entité fondamentale ou organisée a une forme de conscience. D’autres chercheurs se réfèrent plutôt au ‘monime neutre’ qui, de Spinoza à Bertrand Russell, avance l’idée que la conscience et la matière sont deux aspects complémentaires et irréductibles l’un à l’autre, de la même mystérieuse réalité fondamentale… » (p 125).

 

 

Communiquer avec les animaux

Le changement de vision relaté dans ce livre s’étend aux animaux et aux plantes. Comme nous avons pu déjà nous en rendre compte, ce livre échappe à un résumé tant par son étendue que par son bouillonnement. Les différents chapitres ne peuvent être rapportés de la même manière. Certains s’écrivent à partir de vécus rapportés par des personnalités originales. Ainsi les récits de rencontres avec les grands animaux marins comme les dauphins et les orques nous surprennent en nous entrainant dans un univers féérique où la communication parfois intime avec des hommes et des femmes se réalise à travers des rêves ou à travers la télépathie. L’auteur aborde également la communication animale telle qu’elle s’exerce au plan terrestre. Il cite les livres sur la subjectivité animale écrits par Viviane Despret, psychologue éthologue (7), comme ‘Habiter en oiseau’ ou ‘Penser comme un rat’.

« Nous vivons une époque étrange où, d’une part, se multiplient les initiatives de communication animale inter espèces, et où, de l’autre, nous exterminons, sans même y penser des millions d’animaux » (p 180). C’est à travers des interviews que l’auteur nous décrit des initiatives de communication animale.

Ainsi nous entretient-il de Karine lou Matignon, auteur du livre ‘Sans les animaux, le monde ne serait pas humain’, et de beaucoup d’autres. « Grande amie des chevaux, Karine en a sauvé un certain nombre de l’abattoir. Cette femme ultrasensible a consacré sa vie à tenter de faire comprendre les animaux à ses congénères… ». Elle constate des progrès dans cette compréhension : « Depuis que j’ai commencé à creuser ma piste, même en France, le pays le plus conservateur et le plus matérialiste que je connaisse, les mentalités ont énormément évolué. Quand, avec des dizaines d’experts, nous avons rédigé ‘Révolutions animales’, qui est une sorte d’encyclopédie, je me suis rendu compte qu’en soixante-dix ans, notre regard sur les animaux avait franchi plusieurs paliers.

L’un des premiers acteurs du changement a été Konrad Lorenz quand, dans les années 1950, il a exigé de pouvoir étudier les animaux hors des labos dans leur milieu de vie. C’est lui qui a inspiré Jane Goodhall (7) et les autres grandes primatologues. Si aujourd’hui, on peut aller jusqu’à parler sérieusement de ‘l’individualité de la fourmi’, du ‘blues de l’araignée’ ou de la ‘conscience du poisson’, j’ai envie de dire que c’est grâce à lui » (p 183).

Karine Lou Matignon est également une soignante. L’auteur rapporte un de ses récits. « Elle avait recueilli un pauvre vieux chat de gouttière tout mité. Mais ce chat était farouche. Il ne fallut pas moins de huit mois pour que sa protectrice puisse enfin poser la main sur lui… ‘Je l’ai caressé et il a léché ma main pour la première fois. J’étais toute contente… Un mois plus tard, une nuit, j’ai fait un rêve où il me disait ‘Je meurs’… Le lendemain, une voisine l’a découvert gisant devant son portail. Il avait tenu à me dire au revoir comme pour me remercier’ » (p 184). « En soi, le fait de communiquer par rêve ou par télépathie avec autrui, humain ou animal, n’a pas étonné Karine. Elle a ce don depuis l’enfance ».

Dans cette riche séquence sur les animaux, l’auteur a également rassemblé « huit toutes petites histoires de chien, de chat, de chouette et de perroquet » (p 287). Nous y avons noté l’histoire de ce chien qui allait s’assoir devant la porte d’entrée pour attendre sa maitresse rentrant du travail. En observant, on s’aperçut que ce manège n’était pas lié à une ouïe très fine. De fait, il commençait « à l’instant précis où sa maitresse décidait de rentrer chez elle » (p 189).

Cette séquence se termine par une enquête émouvante : l’expérience terrifiante que l’écrivaine Isabelle Sorente a vécu dans un élevage industriel de porcs, un processus horrible décrit en ces quelques mots ‘calcul ultrarationnel qui métamorphose en coulée de matière organique des êtres vivants – des mammifères proches de nous à plus d’un titre’. Cependant, un jour, il se produisit un évènement remarquable. « Un après-midi quand l’écrivaine, dans sa combinaison, s’apprête à sortir de cet espace de mort, des centaines de truies, enserrées dans l’acier, le sentent aussitôt et braquent leurs regards sur cette visiteuse étrangère bien repérée depuis plusieurs jours. Alors, elle se mettent à crier toutes ensembles. Un hurlement insensé. Comme si elles appelaient au secours ». L’auteur va plus loin dans son commentaire ; « comme si elles suppliaient Isabelle de ne pas oublier la ‘magie de sympathie’ qui met les vivants en résonance les uns avec le autres ».

« La plongée d’Isabelle Sorente pourrait bien nous rappeler une vérité que les temps civilisés nous ont fait oublier : les animaux connaissent la ‘magie de sympathie’ de façon innée. Mieux que nous parce que c’est ainsi qu’ils communiquent » (p 193).

 

L’expression des végétaux

La nature n’est pas passive. Elle n’est pas indifférente. Elle n’est pas muette Tout communique. Pout le monde végétal, c’est une grande découverte et elle est récente. Patrice van Eersel consacre une séquence à cette prise de conscience.

On peut désormais reconnaitre, capter et diffuser la musique émise par les végétaux. L’auteur nous raconte sa rencontre avec deux pépiniéristes installés dans les Landes, Jean et Frédérique Thoby. « Leurs jardins et leurs terres sont des merveilles où s’entremêlent toutes sortes de végétaux aux couleurs, aux parfums et aux goûts les plus variés, des plus petits légumes aux plus grandes fleurs ». C’est dans ce lieu qu’au cours d’une conférence, l’auteur a pu entendre la musique jouée par ces plantes. Ce fut un enchantement. « Une musique des plus étonnante. A la fois, impressionniste dans sa douceur – on la dirait composée par des elfes ou des fées – et expressionniste dans son phrasé très accidenté. Quand ce sont plusieurs plantes qui jouent en même temps, vous vous dites que le jardin d’Eden ne pouvait pas déployer des jeux d’harmonie plus surprenants » Mais comment cela fonctionne-t-il techniquement ? « Spontanément, cette musique n’est pas audible pour nos oreilles. Pour que sa subtilité apparaisse dans la portion du spectre sonore que capte notre ouïe, il faut qu’on ait branché sur les feuilles et dans les racines de la plante, les électrodes d’un biodynamiseur, une machine inventée par des ingénieurs ayant suivi les directives du physicien Joël Sternheimer… » (p 197).

L’auteur commente ainsi cette réalisation. « Les plantes ne jouent pas de la musique au sens strict… Ce qui est certain, c’est que, comme tous les êtres vivants, leur vitalité s’exprime à chaque instant par des activités électriques. Captées par des sondes, ces impulsions peuvent être traduites de toutes sortes de manières ; cependant, cette traduction musicale correspond, bel et bien et subtilement, aux plantes elles-mêmes. Elles y réagissent en effet illico, en modifiant leurs mélodies et harmonies dans un mouvement de feed-back – si la traduction ne leur plait pas, elles se taisent ». Des chercheurs ont établi que les activités électriques des végétaux émettaient en fait des ultrasons (dont la gamme des fréquences correspondait à celles qu’émettent aussi les chauve-souris). Mais le plus fou est que ces sons influencent le métabolisme des autres espèces, végétales mais aussi animales. Cette influence inter-espèce et même inter-règne, constitue en soi une énigme colossale (p 198).

Cependant, nous découvrons ensuite que des exploitations agricoles utilisent avec succès des ‘protéodies’, c’est-à-dire, à la suite des recherches de Joël Sternheimer, une mélodie de protéine. Le conférencier écouté par l’auteur, Jean Thoby, raconte qu’un de ses voisins viticulteurs ne parvenant pas à se débarrasser de l’oïdium malgré un usage massif de produits phytosanitaires a réussi à s’en débarrasser grâce à l’utilisation de leur biodynamiseur pendant un an. Il assure que « nous disposons aujourd’hui de centaines d’expériences prouvant, à grande échelle, que notre mode de culture est efficace et même très efficace, puisque que dans certaines exploitations, les rendements ont augmenté de 30 ou 40%, et cela alors que les agriculteurs n’utilisent plus le moindre gramme d’intrants chimiques ! » (p 200).

L’auteur poursuit en racontant une expérience spectaculaire, ‘L’homme qui fait pousser des tomates dans le désert’. Un jeune ingénieur, Pedro Ferrandez, voulant contribuer à prouver l’efficacité de l’approche de Joël Sternheimer expérimente la technique correspondante dans une culture de tomates de ses parents. Plusieurs protéodies de tomate sont utilisées, notamment celle d’une protéine active dans la floraison et une autre dans la résistance à la sécheresse. Résultats renversants : en pleine chaleur estivale de 2004, les feuilles des plantes qui ont reçu de la musique… restent vertes alors que les autres sont sèches. D’abord menée en Suisse, l’expérience fut ensuite invitée à faire ses preuves, dans une exploitation horticole sénégalaise où Joël démontre que les protéidies permettent de résister aux insectes et que l’on peut obtenir de très belles tomates avec dix fois moins d’eau » (p 297).

Patrice en vient à s’interroger également aux ressentis des plantes. Ainsi, il nous raconte comment deux chevaux très différents ont été guéris par l’expression musicale de fougères, bien vivantes. Or on constata que les expressions furent différentes en s’adaptant à la condition de chaque cheval. « Tout s’était donc passé comme si chacune s’adaptait à son patient. Donc qu’une communication s’était établie entre l’animal malade et la plante thérapeute. Comme si une communication s‘était manifestée entre l’individu végétal et l’individu animal. Par quel mystérieux jeu de résonance ? (p 213).

En s’interrogeant sur ‘la compassion des végétaux’, un univers revint à la mémoire de l’auteur, celui des Kogis, « une ethnie précolombienne restée intacte, protégée par les montagnes, où elle s’est réfugiée de plus en plus haut pour échapper aux envahisseurs » (p 51). On pouvait retrouver dans cette ethnie une mentalité humaine en osmose avec la nature telle qu’elle avait émergée au début de l’humanité. Pour les Kogis, « les choses étaient claires : soit tu comprends que la nature constitue un vaste corps, vivant et conscient, que tu dois respecter avec le maximum d’humilité, et alors tu peux poursuivre ta route, soit tu ne comprends pas et tu es malheureusement fichu » (p 52).

En s’interrogeant sur ‘la compassion des végétaux’, Patrice van Eersel se rappelle que pour les habitants de la Serra Nevada de Santa Marta, tout notre malheur écologique et climatique actuel vient de ce que nous sommes devenus sourds aux innombrables communications (notamment musicales) que tous les êtres vivants tissent entre eux à chaque instant et que les cultures anciennes semblaient entendre, au moins en partie, les imitant par exemple dans leurs chants de guérison, comme en témoignent encore certaines communautés en Australie, en Amérique latine et en Afrique » (p214).

 

Une nouvelle vision du monde

Pour rapporter ce livre et contribuer à en faire connaitre l’apport décisif, nous avons présenté quelques-unes des fenêtres ouvertes par cet ouvrage. A la simple lecture de ces échappées, on comprend la richesse phénoménale de cette enquête tant par l’ampleur de son champ, la richesse de la documentation, les rencontres avec un grand nombre de découvreurs, la persévérance de la réflexion. Le sujet est immense. Si on relit le titre ‘Le soleil est-il conscient ? Et les dauphins ? et les baobabs ? Et le cristal ? Et l’IA ? Et vous-même ?’, on se rend compte combien nos aperçus sont très loins d’avoir couvert ce grand continent. Ils encouragent seulement à lire cet ouvrage de bout en bout.

De même, la fin de l’ouvrage appelle une lecture réfléchie, pas à pas. L’auteur nous y propose des chemins d’interprétation et de discernement. Il y évoque, bien sûr, le péril actuel, « la mortelle mise en danger de notre biosphère » (p 318) et les moyens d’y faire face. Les dernières séquences ouvrent une voie.

« Pourquoi chanter relie la Terre au Ciel » (p 389). Ainsi Jill Purce, enseignante de méditation par le chant en Angleterre sait expliquer de quelle façon chanter pour ouvrir notre conscience sur les plus hautes sphères et nous faire accéder au cœur d’une guérison à la fois physique, émotionnelle et spirituelle » (p 398). Elle a exploré également de nombreuses voies spirituelles notamment auprès des Tibétains et des Amérindiens (p 381). « Le pouvoir absolu de la musique, c’est qu’elle est le dernier phénomène qui vient nous rassembler (religere en latin), ravivant le sentiment d’appartenance à un tout, que Spinoza nommait joie (p 401), conclut l’auteur.

La dernière séquence explore la dimension spirituelle et évoque la méditation et le silenc: « Et si la conscience jaillissait d’un silence très subtil » (p 403). Ici, Patrice van Eersel interview, entre autres, son ami, Jean-Yves Leloup, ‘prêtre orthodoxe, théologien très suivi’. L’auteur retient l’idée que, dans différents contextes, « on puisse remonter à la même source d’inspiration, mais avec des niveaux de conscience étalés sur un immense éventail ». Et, « Quel que soit ‘le niveau de conscience’ d’une personne visitée ou non par une inspiration supérieure, la question est surtout de savoir quelle est l’origine, la source de sa conscience. Si je prends le prologue de Saint Jean, je lis que le commencement est un Logos qui nous échappe.  C’est une pure lumière, une vacuité, un Silence. Et notre conscience nait de ce silence… Saint Jean précise aussi que ce Logos est créateur, habité d’Eros, de désir. C’est par lui que toute existence prend forme. La conscience est donc première » (p 429-420). Jean-Yves Leloup distingue la conscience des états de conscience qui s’étalent dans l’horizontalité alors que le retour à la conscience nous dresse dans une verticalité qui passe du Silence pour y retourner » (p 422). Il précise aussi que « la conscience n’est pas de l’ordre de la substance, mais de l’ordre de la relation… Le fond de l’Être, c’est une relation. Dans la tradition chrétienne, c’est ce que nous appelons la Trinité » (p 424).

La pensée de Jean-Yves Leloup prend en compte l’état du monde dans lequel nous vivons. « Nous sommes de plus en plus nombreux à penser que peut-être, la seule chose que nous puissions faire pour être utiles à l’humanité – et au cosmos, puisque tout est inter-relié – c’est de nous asseoir et de méditer plutôt que de nous activer. L’Internationale des consciences créée par Catherine Arno et Jean-Yves Leloup avec l’aide d’ Ines Weber et Abdennour Bidar, de l’association Sésame, se veut liée à la Terre, aux cinq continents, parce que partout il y a des femmes et des hommes, de chair et d’os, qui prennent le temps de s’asseoir, de se tenir en silence, de tenter de se relier à ce qui est la Source à la fois de la vie, de la conscience, de l’intuition, de l’amour. Ces gens qui méditent sont de plus en plus nombreux dans le monde et ont envie d’être reliés les uns aux autres ». Et de rappeler que « des recherches scientifiques ont permis de constater que là où plusieurs personnes méditaient, la violence baissait » (p 425-426).

Ce livre nos parait quasiment incomparable, car, de tous côtés, il y converge de connaissances nouvelles à partir d’interviews avec un grand nombre de découvreurs et de penseurs. Et de plus, l’auteur nous présente ces découvertes avec pédagogie. Ici, Patrice van Eersel nous fait partager sa quête sur la manière d’envisager la conscience aujourd’hui et il débouche sur une vision : « Oui, décidément oui cette dimension mystérieuse que nous appelons ‘conscience’ habite l’univers entier et pas seulement le cerveau et le cœur d’ ‘Homo sapiens’ (p 435).

 

Une vision chrétienne en réception de la perspective du livre de Patrice van Eersel

Patrick van Eersel nous apporte une nouvelle vision du monde : l’affirmation de la conscience à partir de convergence d’un grand nombre de faits et de ressentis qui vienne s’ajuster comme dans un puzzle. C’est une vision qui rompt avec une conception matérialiste et individualiste longtemps dominante telle qu’elle s’est exprimée dans ‘Le hasard et la nécessité’ de Jacques Monod. Cependant, peut-on dire qu’elle vient également corriger une pensée théologique qui s’était enfermée dans l’humain et était sortie de la création. La vision nouvelle de la conscience généralisée vient rebattre les cartes. Elle peut être bien accueillie par les théologiens que nous consultons sur ce blog : Jürgen Moltmann, auteur du livre ‘Dieu dans la création’ paru dans les années 1980, Richard Rohr, animateur du Centre pour l’action et la contemplation et auteur du livre ‘La Danse divine’ qui met en évidence la présence dans le monde d’un Dieu trinitaire et donc communion, Michel Maxime Egger, dont la pensée théologique s’inscrit dans la révolution écologique. Quelques extraits de auteurs viendront résonner avec la perspective émergente de Patrice Van Eersel.

En 2019, dans son livre : ‘The Spirit of hope’ (9), Jürgen Moltmann reprend le fil d’une pensée qui s’est développée pendant plusieurs décennies :

« Une approche historique montre qu’à partir du XVIe siècle, une volonté de puissance s’est imposée à partir d’une approche scientifique et d’une interprétation biblique. L’humanité est devenue « le centre du monde ». Seul l’être humain a été reconnu comme ayant été créé à l’image de Dieu et supposé soumettre la terre et toutes les autres créatures. Il devint ‘le Seigneur de la Terre’ et dans ce mouvement, il se réalise comme le maitre de lui-même… La vision de la nature a été la conséquence d’une représentation de Dieu… ‘Dieu a été pensé comme sans le monde, de la façon à ce que le monde étant sans Dieu puisse être dominé et que le monde puisse vivre sans Dieu’. Et le monde étant compris comme une machine, l’humain est menacé d’être considéré également comme une machine.

Mais, aujourd’hui, une compréhension écologique de la création est à l’œuvre. « Le Créateur est lié à la création non seulement intérieurement, mais extérieurement. La création est en Dieu et Dieu dans la création. Selon la doctrine chrétienne originelle, l’acte de création est trinitaire. Le monde est une réalité non divine, mais il est interpénétré par Dieu… » Ce qui ressort d’une vision trinitaire, c’est l’importance et le rôle de l’Esprit. « Dans la puissance de l’Esprit, Dieu est en toute chose et toute chose est en Dieu… » Au total, « l’Esprit divin est la puissance créatrice de la vie. Le Christ ressuscité est le Christ cosmique et le Christ cosmique est ‘le secret du monde’… » Aujourd’hui, « l’essentiel est de percevoir en toutes choses et dans la complexité et les interactions de la vie, les forces motrices de l’Esprit de Dieu et de ressentir dans nos cœurs l’aspiration de l’Esprit vers la vie éternelle du monde futur ».

Dans son livre : ‘la danse divine’, Richard Rohr en revenant aux sources du christianisme affirme une vision relationnelle de Dieu. « Dieu est celui que nous avons nommé Trinité, le flux (flow) qui passe à travers toute chose sans exception et qui fait cela depuis le début. Toute impulsion vitale, toute force orientée vers le futur, tout élan vers la beauté, tout ce qui tend vers la vérité… est éternellement un flux du Dieu trinitaire… Maintenant, nous voyons bien que Dieu n’est pas, n’a pas besoin d’être ‘une substance’ dans le sens d’Aristote et de quelque chose d’indépendant de tout le reste. En fait, Dieu est lui-même relation. Comme la Trinité, nous vivons intrinsèquement dans la relation. Nous appelons cela l’amour. Nous sommes faits pour l’amour. En dehors de cela, nous mourrons très rapidement… » Le mystère trinitaire peut être également entrevu dans le code de la création. « Ce qu’à la fois les physiciens et les contemplatifs affirment, c’est que le fondement de la réalité est relationnel. Chaque chose est en relation avec une autre ».

Dans un de ses livres ‘Ecospiritualité’, Michel Maxime Egger nous appelle à ‘réenchanter notre relation à la nature’. L’envergure de cette réflexion se marque à travers six grandes parties : Relier écologie, science et religion ; réenchanter la nature ; redécouvrir la sacralité de la terre ; être un pont entre la terre et le ciel ; transforme son cosmos intérieur ; devenir un méditant militant. « La prise de conscience écologique appelle une nouvelle conscience spirituelle, mais aussi un renouvellement des héritages religieux… » « Le préfixe ‘trans’ est un mot latin qui signifie par-delà. Il sied bien à l’écospiritualité. Celle-ci est transcendante, transreligieuse, transdisciplinaire, transmoderne… ».

L’auteur note également le rapport avec une évolution scientifique et nous retrouvons là la recherche de Patrice van Eersel. « L’écospiritualité se nourrit également des apports de la science postmoderne vulgarisés par des figures comme Frank Capra et Rupert Sheldrake. Ce vaste chantier a été ouvert par de nouvelles approches qui se sont développées au XXe siècle entre l’infiniment grand et l’infiniment petit » Michel Maxime Egger évoque lui aussi les voies du ‘panenthéisme’. « Le panenthéisme est une voie du tout en Dieu et de Dieu en tout. C’est l’approche de Jürgen Moltmann. C’est aussi la voie des théologiens orthodoxes, mais aussi de nombreux théologiens très divers de Teilhard de Chardin à Léonardo Boff… Le panenthéisme unit le divin et la nature sans les confondre… Au total, quel que soit la forme du panenthéisme, la nature est plus qu’une réalité matérielle obéissant à des lois physiques et chimiques. Elle est un mystère habité d’une conscience et d’une présence ».

Voici donc quelques pistes théologiques en regard de la réflexion de Patrice van Eersel sur la vision nouvelle du monde qu’il nous propose. Manifestement, la lecture de son livre est un point de départ indispensable pour une réflexion commune en vue de compréhension de la réalité telle qu’elle nous apparait aujourd’hui.

J H

  1. Patrice van Eersel. Le soleil est-il conscient ? Et les dauphins ? Et les baobabs ? Et le cristal ? Et l’IA ? Et vous même ? Elucider le mystère de la conscience. Guy Trédaniel, 2025
  2. Un horizon pour l’humanité : la noosphère. Selon Patrice van Eersel : https://vivreetesperer.com/un-horizon-pour-lhumanite-la-noosphere/
  3. Interview de Patrice van Eersel sur son livre au site : Métamorphoses : https://www.google.fr/search?hl=fr&as_q=métamorphose+patrice+van+Eersel+you+tube&as_epq=&as_oq=&as_eq=&as_nlo=&as_nhi=&lr=&cr=&as_qdr=all&as_sitesearch=&as_occt=any&as_filetype=&tbs=#fpstate=ive&vld=cid:382bdaf7,vid:dbqjd70KuRI,st:0
  4. La participation des expériences spirituelles à la conscience écologique : https://vivreetesperer.com/la-participation-des-experiences-spirituelles-a-la-conscience-ecologique/
  5. Comment nos pensées influencent la réalité ? : https://vivreetesperer.com/comment-nos-pensees-influencent-la-realite/
  6. Une nouvelle science de la conscience : https://vivreetesperer.com/la-nouvelle-science-de-la-conscience/
  7. Une vision nouvelle des animaux : https://vivreetesperer.com/une-vision-nouvelle-des-animaux/
  8. Jane Goodhall. Une recherche pionnière sur les chimpanzés : https://vivreetesperer.com/jane-goodall-une-recherche-pionniere-sur-les-chimpanzes-une-ouverture-spirituelle-un-engagement-ecologique/
  9. Un avenir écologique pour la théologie moderne : https://vivreetesperer.com/un-avenir-ecologique-pour-la-theologie-moderne/
  10. La danse divine : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/
  11. Ecospiritualité : https://vivreetesperer.com/ecospiritualite/

 

Voir aussi
Spiritualité et psychiatrie :
https://vivreetesperer.com/spiritualite-et-psychiatrie/
Lytta Basset. Une approche nouvelle de l’au-delà : https://vivreetesperer.com/une-revolution-spirituelle-une-approche-nouvelle-de-lau-dela/

Vers une personnalité unifiée

De plus en plus, quelque soient les tempêtes, nous percevons un mouvement d’unification dans le monde d’aujourd’hui (1) et, en abaissant les barrières entre les disciplines académique, ce mouvement affecte également notre usage du savoir (2). De plus en plus, l’être humain est envisagé dans une perspective globale, holistique. Le corps et l’esprit communique et interfère réciproquement comme le montre Denis Janssen dans son livre : « la guérison intérieure » (3). Dans le même mouvement, la médecine est appelée à reconnaître les interrelations entre les différents composants, les différents niveaux du corps et à s’engager dans une perspective intégrative (4). La spiritualité est, elle aussi, concernée au premier chef. On a pu la définir récemment comme une « conscience relationnelle », comme une relation avec soi-même, avec les autres, avec la nature et avec Dieu (5). La focalisation sur l’âme se détournant du corps, la méconnaissance de celui-ci, sont en train de s’éloigner. Tout est perçu en terme de relation. Comme le souligne Jürgen Moltmann dans sa théologie trinitaire, Dieu lui-même est communion d’amour, un amour qui se répand (6). La présence de Dieu se manifeste (7).

Cependant, dans ce monde en mutation, nous vivons en tension.  Les représentations du passé sont encore là et font souvent barrage.  Des attractions nouvelles nous bousculent parfois et nous dispersent. Les vicissitudes de la vie, les menaces concernant la santé sont toujours là avec les inquiétudes qu’elles génèrent.  Nous avons toujours, et même de plus en plus, besoin de vivre en relation avec une présence, la Présence divine, source de confiance et de vie. Ainsi, ce texte d’Odile Hassenforder : « Vers une personnalité unifiée », écrit, il y a une dizaine d’années, nous paraît toujours innovant. Il vient nous éclairer dans nos cheminements de vie. C’est un texte de réflexion qui a demandé à Odile un effort de synthèse. Et c’est aussi un témoignage, car Odile a écrit ce texte tout en étant confrontée à une dure maladie. Aussi bien, nous savons qu’à l’époque, elle en avait parlé à son médecin, pour elle, un ami.

Ce texte est paru en 2006 sur le site de l’association à laquelle Odile participait activement : Témoins (8). Il a été ensuite publié dans le livre : « Sa présence dans ma vie » (9). Ici, Odile exprime une vision globale d’un être humain en marche vers une personnalité unifiée, dans une perspective de plénitude (en anglais : wholeness) (11) , en Christ ressuscité, promise et offerte par Dieu.

J H

  1. Une prise de conscience de la globalisation qui remonte à la conception de la « Noosphère » selon Teilhard de Chardin : https://fr.wikipedia.org/wiki/Noosphère
  2. Michel Serres. Petite Poucette. Une nouvelle manière d’être et de connaître. Vers un nouvel usage et un nouveau visage du savoir : https://vivreetesperer.com/une-nouvelle-maniere-detre-et-de-connaitre-3-vers-un-nouvel-usage-et-un-nouveau-visage-du-savoir/
  3. Vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit : https://www.temoins.com/vers-une-nouvelle-medecine-du-corps-et-de-lesprit/
  4. Médecine d’avenir. Médecine d’espoir : https://vivreetesperer.com/medecine-d’avenir-medecine-d’espoir/
  5. La vie spirituelle comme une « conscience relationnelle ». la recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/
  6. Dieu, communion d’amour : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/
  7. Jürgen Moltmann. Reconnaître la présence de Dieu à travers l’expérience : https://vivreetesperer.com/reconnaitre-la-presence-de-dieu-a-travers-lexperience/ Richard Rohr. La danse divine (The divine dance) : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/   Une nouvelle manière de croire (Diana  Butler Bass) : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/
  8. Sur le site de Témoins : Vers une personnalité unifiée : https://www.temoins.com/vers-une-personnalite-unifiee/
  9. Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte, 2011 (p 207-211) Voir sur ce blog : Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Un témoignage vivant : https://vivreetesperer.com/odile-hassenforder-sa-presence-dans-ma-vie-un-temoignage-vivant/

 

Vers une personnalité unifiée

Les besoins, à différents niveaux, sont si nombreux que les multiples facettes de la relation d’aide sont toutes utiles. Pour ma part, depuis une trentaine d’années, j’ai fait bien du chemin. Dans les milieux charismatiques ou évangéliques, j’ai vu les merveilles de l’amour de Dieu, des miracles. J’ai aussi constaté qu’après amélioration, certaines personnes retombaient dans les mêmes ornières, malgré leur confiance en Dieu. Assistante sociale de profession, j’étais habituée à l’écoute et à la recherche de  solutions, sociales bien sûr, mais aussi psychologiques.

Découvertes psychologiques.

Peu à peu, tout en m’imprégnant de la Parole de Dieu, j’ai cherché à approfondir mes connaissances psychologiques en suivant diverses formations, en lisant des livres spécialisés ou en consultant des personnes compétentes. J’en ai tiré une importante leçon de vie. Quelle grande espérance de savoir que la découverte des racines de ses dysfonctionnements permet de reconstruire sa personnalité selon ses désirs profonds. De même, quelle libération de pouvoir mettre à jour ses projections ou les déviations d’une mentalité parfois marquées par un héritage ancestral… qui déforment la réalité, court-circuitent la communication et faussent la relation. Et, parallèlement, l’introduction de nouvelles représentations suscite un meilleur équilibre. C’est toujours une joie profonde de voir une personne prendre peu à peu sa vie en main.

Une approche du corps.

Observant l’influence du psychisme sur le corps, je me suis attachée, ces derniers temps, à creuser davantage mes connaissances physiologiques. Ainsi j’ai découvert que la maladie pouvait être une interpellation positive lorsqu’elle nous permettait d’aller plus loin dans la compréhension des racines de notre mal-être. Découvrir les causes permet de mieux remédier au mal. Le corps est heureusement doté  de capacités de régénération et de mécanismes d’auto-défense. Cependant, ces phénomènes peuvent céder face à de trop fortes agressions. La médecine globale, telle qu’elle se développe actuellement, cherche à remettre en ordre l’équilibre général: les circuits qui relient les différents organes à l’image de vases communicants. Tout se tient. Il y a un lien entre les glandes endocrines , les hormones, les réseaux nerveux, le flux sanguin et même les ondes énergétiques… La guérison devient alors la remise en ordre de l’harmonie  corporelle. Le traitement médical intervient comme un soutien positif pour remédier aux dysfonctionnements. Il ne s’agit plus de supprimer simplement les symptômes, mais de les considérer comme des panneaux de signalisation. Je loue le Créateur pour cette merveille qu’est notre corps dans sa complexité et dans ses potentialités (Ps .139).

La Vie circule.

Aujourd’hui, en essayant de faire une synthèse de mes découvertes, je réalise combien il y a interrelation entre les différents registres de notre être , du physique au spirituel en passant par les divers aspects de la vie psychique, de l’émotionnel au cognitif.

En lisant la Bible, j’y découvre une vision dynamique qui éclaire cette compréhension. Dans les Proverbes, par exemple, n’est-il pas indiqué que « D’aimables paroles sont bienfaisantes pour le corps (Pr. 16.24). Le cœur joyeux est un excellent remède (Pr. 17.22). La langue du sage apporte la guérison (Pr.12.18) ».

Ma pensée s’est peu à peu imprégnée d’une vision herméneutique et systémique : interprétation personnelle de chaque phénomène en le situant dans un ensemble au sein d’un système en mouvement et en évolution. Tout se tient. Avec émerveillement, je me rends compte que les textes bibliques font écho à ma manière de voir toute chose. Dieu Trinitaire nous a créés à son image pour devenir à sa ressemblance: une personne en relation. Par ailleurs, comme le montre les comparaisons employées par Jésus : l’eau vive, la sève, la lumière…la vie divine circule à tous les niveaux. Lorsque nous n’y mettons pas d’obstacles, nous pouvons en percevoir les effets bénéfiques. Le pardon des péchés fait tomber les barrières.  Dieu agit. Dieu régénère. Dieu guérit. Comme le dit l’Evangile en parlant de Jésus : « Une force sortait de Lui et les guérissait tous » (Luc 6.19, 8.46).

Notre participation à la création.

J’ai été secouée au plus profond de mon être, le jour ou j’ai réalisé que Dieu m’appelait à  participer à la gérance de sa création, à commencer par ma personnalité. Qui suis-je pour être ainsi « collaboratrice » du Créateur (Ps.8) ? Dieu continue à créer avec chacun de nous et avec moi.  Le Père Céleste agit sans cesse, dit Jésus, et Il m’invite à participer à la nouvelle création mise en route dans sa résurrection. En peu de mots ici, je voudrais dire comment je comprends le dernier verset des Psaumes comme une apothéose : « Que tout ce qui respire loue l’Eternel ! ». Toutes les expressions qui se traduisent par des mouvements, des énergies, des ondes… ne participent-elles pas à cette respiration ?

Une motivation forte.

Cette expression d’une vie qui nous dépasse et à laquelle nous participons, m’aide à accompagner positivement les personnes en difficulté. En effet, pouvoir imaginer que notre cheminement à chacun peut nous conduire vers une vie plus pleine et plus libre, est une forte motivation qui fait avancer. Ainsi une épreuve devient un tremplin pour rebondir dans l’espérance (Rom. 5.54), une invitation à faire le point pour réajuster sa vie, l’occasion d’accueillir la force divine (I Cor. 10.13) pour traverser cette crise et en sortir. En Christ ressuscité, la vie est plus forte que le mal  qui a perdu son pouvoir de destruction absolue (I Cor. 15). Le but poursuivi est de guider le cheminement de guérison vers l’harmonie de l’être tout entier en utilisant des approches différentes selon la personne intéressée, à sa mesure, en fonction de sa situation et de sa culture. Ce travail intérieur peut parfois se traduire par une transformation profonde du mode de vie (Rom. 12.1). Ainsi la vie porte davantage de fruits (Jean 15).

Une nouvelle dynamique.

Ainsi concrètement, il me paraît important d’apprendre à voir au quotidien ce qui est beau et bon autour de soi et en soi en développant ce que Paul appelle les fruits de l’Esprit (Gal. 5.23, Eph. 5.9, Col. 3.12…). Exprimer ses observations positives en les partageant avec d’autres, bénir en toutes circonstances (Mat. 5.45), voilà des attitudes qui développent en nous paix et joie, sentiment de plénitude dans la présence de Dieu (Rom. 14.17). Bien sûr, il serait mal venu d’imposer mes représentations, y compris par l’intermédiaire de versets bibliques. Chacun doit pouvoir exprimer ses souffrances comme son mal de vivre, mais à partir de là, il est possible de découvrir tout ce qui est positif dans sa vie et favoriser ainsi une dynamique nouvelle qui va avoir une influence bénéfique sur le psychisme et sur le corps. Ainsi j’encourage mon interlocuteur à manifester ses désirs profonds, et, ainsi à découvrir et à développer ses potentialités. C’est de cette façon qu’il pourra reconstruire librement sa vraie personnalité : « corps, âme, esprit » (I Th. 5.23). J’adhère à ce commentaire trouvé dans l’édition du Semeur de la Bible: Il s’agit de l’être humain, non en trois dimensions superposées, mais dans une globalité de la personne dans ses trois dimensions, pour vivre en contact, en relation: le corps dans sa présence au monde, l’âme, l’être intérieur dans sa relation au monde, l’esprit, l’être intérieur dans sa relation avec Dieu.

En marche.

Dans les limites de ce texte, il n’est pas possible d’illustrer, par des exemples concrets, ce panorama ou bien des nuances doivent être apportées. J’aime partager cette vision qui m’habite et suscite en moi un élan de vie. C’est le fruit d’une mise en place progressive de ma vie dans le projet d’un Dieu qui veut mon bonheur. Même dans les temps ou il me faut traverser la vallée de l’ombre, Il se tient à mes cotés et me reçoit à sa table en « invitée d’honneur » (Ps. 23). Sans ambition, ni prétention, simplement à ma mesure, je cherche à tenir ma place dans cette marche humaine que nous sommes appelés à effectuer ensemble en Eglise selon le projet divin (Eph. ch 1) . Cette vision, qui inspire ma vie, me permet d’affirmer à toute personne rencontrée que la vie vaut la peine d’être vécue.

Odile Hassenforder.

Voir aussi :

Médecine d’avenir. Médecine d’espoir : https://vivreetesperer.com/medecine-d’avenir-medecine-d’espoir/

Les progrès de la psychologie. Un grand potentiel de guérison : https://vivreetesperer.com/les-progres-de-la-psychologie-un-grand-potentiel-de-guerison/

La prière, selon Agnès Sanford, une pionnière de la prière de guérison : https://vivreetesperer.com/la-priere-selon-agnes-sanford-une-pionniere-de-la-priere-de-guerison/

La vie comme participation

Si nous sommes là, le sommes-nous par hasard, comme une pièce isolée, un peu de temps avant de disparaître ? Nous sentons bien qu’il n’en n’est pas ainsi, que nous nous inscrivons dans un courant de vie. Et plus encore, nous ne sommes pas des acteurs isolés. Nous participons à une communion de vie.

« La vie comme participation » (1), c’est le titre d’une séquence de méditations publiées par Richard Rohr sur le site du « Center for action and contemplation ». A plusieurs reprises (2), nous avons rapporté ici la pensée de Richard Rohr, théologien franciscain, qui nous invite à reconnaître la bonté et l’amour de Dieu à travers ses méditations. Son livre : « The divine dance », « La danse divine » (3) nous introduit dans la communion divine d’un Dieu trinitaire.

La séquence de « la vie comme participation » a été publiée du 5 au 10 septembre 2021. Nous en rapportons ici quelques extraits.

Participer au déroulement de la création

Richard Rohr a beaucoup réfléchi sur la conversion de Paul à Damas. La vie de celui-ci a profondément changé et son enseignement témoigne de cette transformation. Richard Rohr s’en inspire ici

« Avant la conversion, nous pensons que Dieu est au dehors (out there). Après la transformation, Dieu n’est plus au dehors  et nous ne regardons pas à la réalité. Nous regardons à partir de la réalité. Nous sommes maintenant au milieu de celle-ci. Nous faisons partie de celle-ci. Le tout est ce que j’appelle le mystère de la participation. Paul était obsédé par l’idée que nous sommes tous en train de participer à quelque chose. Je n’écris pas l’histoire par moi-même. Je suis un personnage dans l’histoire qui est en train d’être écrite en collaboration avec Dieu et le  reste de l’humanité. Cela change tout dans la manière dont nous voyons nos vies ». Nous n’avons plus à nous obséder sur manière dont nous avons écrit ou écrivons notre histoire. Richard Rohr rapporte une « théologie participative » : « Je suis employée, je suis choisi activement, je suis conduit ».  Cela ne  porte pas sur le fait de rejoindre une nouvelle dénomination ou d’avoir un moment d’extase. Après une conversion authentique, vous savez que votre vie n’est pas à propos de vous. Vous êtes à propos de la vie ». C’est l’idée de participer à la bonté et au déroulement continuel de la création de Dieu…. ».

 

Participer dans la bonté originelle

« Chacun et chaque chose sont créés dans l’image de Dieu. C’est la connexion objective ou « l’ADN divine » que Dieu donne également à toutes les créatures au moment de leur conception. Le philosophe Owen Barfield appelle ce phénomène  la « participation originelle ».

Richard Rohr  apprécie le terme de « bénédiction originelle  » apporté par Matthew Fox. La création est bonne comme Genèse 1 l’affirme clairement et avec insistance ». Alors, comment nous comporter en conséquence ? En s’appuyant sur la parole de Paul : « Il y a trois choses qui durent : la foi, l’espérance et l’amour » (1 Cor 13.13) ». Ces attitudes participent à la vie même de Dieu. « Elles nous sont données librement par Dieu, « infusées » en nous à notre conception ». « Nous sommes fait de la foi, de l’espérance et de l’amour de Dieu pour accroitre la foi, l’espérance et l’amour dans le monde ».

Richard Rohr entrevoit la foi, l’espérance et l’amour comme plantés profondément en notre nature, de fait « notre véritable nature » (Rom 5.5 ; 8.14-17). « La vie chrétienne consiste simplement à devenir ce que nous sommes déjà ». (1 Jean 3.1-2 ; Pierre 1.3-4). Mais nous sommes appelés à éveiller, permettre et développer cette identité profonde en lui disant consciemment oui et en nous appuyant sur elle comme une source fiable et essentielle. A nouveau, l’image doit devenir ressemblance. Nous devons participer au processus ».

 

Participer dans l’amour

Cette vie de participation, Paul la décrit en terme d’amour. Et Richard Rohr nous dit que, selon Paul, « l’amour n’est pas quelque chose que nous faisons, c’est quelque chose qui nous est fait et auquel nous participons » . Richard Rohr reprend l’expression : « tomber amoureux ». De même, l’amour est un comportement dans lequel nous tombons.  Ce n’est pas par notre volonté que nous pouvons créer l’amour. Ce Grand amour dans lequel nous tombons, Paul l’appelle « agape ». « Nous traduisons par amour inconditionnel ou amour divin ». « C’est un amour que nous recevons en don. Nous ne pouvons pas le fabriquer . C’est un amour auquel nous pouvons seulement participer. C’est une vie plus grande que la notre ». Selon Richard Rohr, le passage à cet état d’amour advient d’autant plus que nous arrivons au bout de nos forces et perdons le contrôle. Nous commençons alors à nous appuyer sur une puissance plus grande que la notre. Nous entrons dans une nouvelle manière de voir. « Pour Paul, l’amour est l’état où nous voyons parfaitement. Quand nous sommes dans l’amour, dans l’agape, nous sommes capables de « voir » correctement. … Nous n’aurons pas de jugements négatifs…Nous verrons ce qui se passe réellement…..

 

Une responsabilité collective

« Paul enseigne que nous sommes à la fois des saints et des pécheurs à un niveau collectif (« corporate level »). Notre sainteté s’inscrit dans la plénitude du Corps de Christ ».

 

Une moralité participative

« La bonne nouvelle d’une religion de l’incarnation, d’une moralité fondée sur l’Esprit, c’est que nous ne sommes pas motivés par une récompense ou une punition extérieure, mais par notre participation au mystère lui-même ».

« Le moralisme – comme opposé à une saine moralité – dépend de codes de pureté largement arbitraires, de rituels requis, et d’exigences de devoir qui sont formulés en terme de prérequis pour un éveil spirituel ». C’est compréhensible, écrit Richard Rohr. C’est plus facile de penser en terme de faire ou de ne pas faire que «  d’entreprendre une radicale transformation vers l’esprit et le cœur de Dieu ». « Il n’est pas étonnant que Jésus ait mis fortement en garde contre la publicité de la prière, des actes de générosité et du jeune dans son sermon sur la montagne (Matthieu 6. 1-18). Et pourtant, c’est ce que nous faisons encore !  »…..

Richard Rohr évoque une approche religieuse  carotte-baton   et une « gestion du péché » par un clergé. Et, à coté de cela, il y a de grands maux ravageurs comme le racisme, le sexisme, l’esclavage… les guerres..

« La bonne nouvelle d’une religion de l’incarnation, une moralité fondée sur l’Esprit, c’est que vous n’êtes plus motivé par une récompense extérieure ou une punition, mais par la participation au Mystère lui-même. On n’a plus besoin de carottes. « C’est Dieu, qui produit en vous le vouloir et le faire selon son projet d’amour » (Philippiens 2. 13). Nous faisons les chose parce qu’elles  sont vraies et aimantes et non parce que nous devons les faire ou parce que nous redoutons une punition ». La motivation vient du dedans et non pas du dehors.

 

La participation est le seul chemin

Richard Rohr évoque l’histoire de l’humanité et notamment la période  autour de 500 ans avant Jésus Christ où, selon Karl Jaspers, un philosophe allemand, une conscience axiale a émergé partout dans le monde avec les sages de l’Orient, les prophètes juifs et les philosophes grecs. Parmi le peuple d’Israël, s’est remarquablement manifestée une union intime et une participation de groupe autour de Dieu. Ils ont reconnu des personnalités individuellement éclairées comme Moïse et Esaie. « La notion de participation s’est élargie à  tout le peuple juif et au delà au moins pour beaucoup de prophètes juifs. Dieu sauvait le  peuple comme un tout. La participation était historique et sociale et pas seulement individuelle…. Il est surprenant que nous l’ayons oublié et ignoré en réduisant le salut à des personnes allant au ciel ou en enfer, ce qui est surement une régression par rapport à la notion de salut historique, collectif et même cosmique enseignée dans la Bible. Rappelez-vous, Dieu a toujours sauvé Israël et pas seulement Abraham ».

Ce tournant s’est poursuivi dans la venue de Jésus. « Les écritures juives et l’expérience elle-même ont créé une matrice dans laquelle une réalisation nouvelle pouvait se manifester (4). Jésus a apporté une participation finale et étendue au monde entier dans son propre enseignement très holistique. Cela a permis à Jésus de parler dans une union véritable avec lui-même, avec les proches, avec les étrangers, avec les ennemis, avec la nature, et, à travers tous ceux-ci, avec le Divin. Le champ de la participation était total. Qu’est-ce qu’une vraie bonne nouvelle pourrait être d’autre ? » .

J H

 

  1. Center for action and contemplation Richard Rohr : Life as Participation : https://cac.org/life-as-participation-weekly-summary-2021-09-11/
  2. La grande connexion : https://vivreetesperer.com/la-grande-connexion/ Enlever le voile : https://vivreetesperer.com/enlever-le-voile/  Comment  entendre les principes de la vie cosmique pour entrer en harmonie : https://vivreetesperer.com/comment-entendre-les-principes-de-la-vie-cosmique-pour-entrer-en-harmonie/      L’homme, la nature et Dieu : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/
  3. La danse divine (Divine dance) par Richard Rohr : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/ Reconnaître et vivre la présence d’un Dieu relationnel : https://vivreetesperer.com/reconnaitre-et-vivre-la-presence-dun-dieu-relationnel/
  4. La vie et son œuvre, selon NT Wright : https://vivreetesperer.com/paul-sa-vie-et-son-oeuvre-selon-nt-wright/

 

Dieu vivant : rencontrer une présence

Selon Bertrand Vergely. Prier, une philosophie

 

9782355362583 Nous avons de plus en plus conscience que l’approche intellectuelle dominante dans le passé tendait à diviser la réalité, à en opposer et en séparer les éléments plutôt que d’en percevoir les interrelations et une émergence de sens dans la prise en compte de la totalité. Ainsi, dans « Petite Poucette », Michel Serres met en évidence des changements que la révolution numérique suscite actuellement dans la manière d’être et de connaître (1). Il constate que l’ordre qui quadrillait le savoir est en train de s’effriter. Et il remet en cause les cloisonnements universitaires. « L’idée abstraite maitrise la complexité du réel, mais au prix d’un appauvrissement de la prise en compte de celui-ci ». Et, de même, dans une œuvre théologique de longue haleine, Jürgen Moltmann montre l’émergence d’une nouvelle approche intellectuelle et culturelle qui se départit du penchant dominateur à l’œuvre dans la prépondérance d’une pensée analytique généralisée. Ainsi, dans son livre : « Dieu dans la création » (2), paru en France en 1988, Jürgen Moltmann écrit : « Le traité de la création dans son rapport écologique doit s’efforcer d’abandonner la pensée analytique avec ses distinctions sujet-objet, et apprendre une pensée nouvelle communicative et intégrante. Dans cette critique de la pensée analytique, Moltmann évoque l’antique règle romaine de gouvernement : « divide et impera » (diviser et régner). Aujourd’hui, des sciences nouvelles comme la physique nucléaire et la biologie mettent en œuvre des approches nouvelles. « On comprend beaucoup mieux les objets et les états de chose quand on les perçoit dans leurs relations avec leur milieu et leur monde environnant éventuels, l’observateur humain étant inclus » (p 14). Cette approche préalable appuie une part de la réflexion de Bertrand Vergely dans son livre : « Prier, une philosophie » (3).

 

En effet, aux yeux de certains, la prière et la philosophie sont deux domaines séparés. Au contraire, Bertrand Vergely met en évidence les interrelations. Ainsi met-il en exergue une pensée de Wittgenstein : « La prière est la pensée du sens de la vie ». « Quand on considère les relations entre philosophie et religion, celles-ci s’opposent. Si on envisage philosophie et religion de l’intérieur, il en va autrement. Au sommet, tout se rejoint » (p 15). Et, de même, Bertrand Vergely montre qu’il n’est pas bon, de séparer l’action et la prière. Il ouvre des portes par rapport au déficit engendré par un exercice de la pensée autosuffisant et coupé de la réalité existentielle. « La modernité, qui poursuit un idéal de rationalité et de laïcité, divise la réalité en deux, avec d’un côté, l’action, et, de l’autre, la prière. Les choses sont-elles aussi simples ? » (p 10). De fait, « il y a quelque chose que nous avons tous expérimenté, à savoir la présence. Devenir présent à ce que nous sommes éveillant la présence en nous, on fait advenir la présence de ce qui vit autour de nous » (p 11)… Mettons nous à vivre dans le présent, on rentre dans la présence. En restant dans la présence, on rencontre ce qui demeure stable à travers le changement et le multiple… Présence emmenant loin au delà de soi vers le supra-personnel, le supra-conscient comme le dit Nicolas Berdiaeff. « Nul ne sait ce que peut le corps » dit Spinoza. La présence est en relation avec une présence qui dépasse tout, la divine présence… (p 12). D’où l’erreur de penser que la condition humaine est fermée. Quand on prie en allant de toutes ses forces dans son être profond, ce qui semble impossible devient possible » (p 13).

Bertrand Vergely nous parle à la fois en philosophe et en chrétien de confession et de culture orthodoxe. Ce livre nous emmène loin : « Prier ? Prier les dieux, Prier Dieu ? ; Quand la prière humanise ; Quand la philosophie spiritualise ; Quand la prière divinise ». Il témoigne d’une immense culture. Certes, nous pouvons parfois nous sentir dépassé par le langage philosophique. Mais l’auteur recherche l’accessibilité, notamment en découpant le livre en de courts chapitres. Il n’est pas nécessaire de le lire en continu. Et, dans cette présentation, nous ne couvrirons pas l’ensemble de l’ouvrage ; nous nous centrerons sur une démarche de l’auteur qui rejoint quelques autres, celles de Jürgen Moltmann et de Richard Rohr.

 

Dons et requêtes de la vie

 

Dans son approche, à de nombreuses reprises, Bertrand Vergely appelle à la conscience de la vie dans tout ce qu’elle requiert et tout ce qu’elle entraine. C’est ainsi qu’on débouche sur une démarche spirituelle et sur la prière.

Et, pour cela, on doit aussi se démarquer d’un monde dominé par notre intellect prédateur et sa rationalité morbide ».

« Transformer son intelligence. Laisser passer le Vivant, l’Unique en soi. On y parvient par la métanoïa, la sur-intelligence. Quand on vit, il n’y a pas que nous qui vivons. Il y a la Vie qui se vit en nous et qui nous veut vivant. Il y a quelque chose à la base de l’existence. Un principe agissant, une force, un premier moteur, comme le dit Aristote, une lumière qui fait vivre. (p 220)… Quand nous rentrons en nous-mêmes afin de savoir qui nous sommes, ce n’est pas un moi bavard que nous découvrons, mais un moi profond porté par la Vie avec un grand V. d’où la justesse de Saint Augustin quand, parlant de Dieu, il a cette formule : « la vie de ma vie » (p 221).

Répondons-nous oui à la vie ? Vivons-nous vraiment ? Ou bien sommes-nous prisonniers de principes auxquels nous nous assujettissons ? La morale et la religion peuvent ainsi s’imposer comme un esclavage. Au contraire, « la morale et la religion sont en nous et non à l’extérieur… C’est ce que le Christ rappelle. L’enfant, qui est la vie même, est le modèle de la morale et de la religion. Ce que n’est pas le pharisien qui ne se laisse plus porter par la vie qui est en lui… » (p 236).

« La Vie. La Vie avec un grand V. Ce n’est pas un terme grandiloquent. Il y a en nous une présence faisant écho à ce que nous avons de plus sensible, d’où la justesse de parler de divine présence.

C’est « une conscience profonde à la base de l’étonnante capacité que nous avons de demeurer le même à travers le temps et que Jankélévitch appelle l’ipséité ». C’est « une conscience vivante avec laquelle rien n’est désincarné, ni impersonnel, le moi étant lié au monde comme le Je est lié au Tu et le Tu au Je pour reprendre l’idée majeure qui guide la pensée de Martin Buber (p 237).

« Chaque fois qu’un sujet se met à être le monde au lieu d’être en face de lui, apparaît une expérience lumineuse, étincelante, faisant tout exister et quelque chose de plus. Une liberté supérieure, divine » (p 238).

 

Dieu vivant

 

On peut s’interroger sur les raisons de croire en Dieu en terme de réponse à une recherche de cause. « Quand la raison cherche à démontrer l’existence de Dieu par la raison banale, elle ne convainc personne… Quand une cause a été démontrée rationnellement, nul besoin d’y croire… » (p 225). La relation à Dieu est d’un autre ordre. Elle implique notre être profond. « Il faut exister pour comprendre quelque chose à l’existence de Dieu. Quand on est dans la raison  objective qui aborde le monde à distance, il est normal qu’il n’existe pas » (p 226)… Ainsi la foi implique et requiert une intensité de vie.

« Le monde occidental ne croit plus aujourd’hui que Dieu est la cause du monde. En revanche, quand Dieu est pensé comme sur-existence, il en va autrement. Il se pourrait que nous ne soyons qu’au début de la vie de Dieu et que son temps ne soit nullement passé. La preuve : quand on pense Dieu, on pense toujours celui-ci sur un mode théiste. Jamais ou presque sur un mode trinitaire. D’où deux approches de Dieu pour le moins radicalement différentes. Posons Dieu en termes théistes. Celui-ci est un principe abstrait sous la forme d’une entité dans un ciel vide. Il est comme la raison objective. Unique, mais à quel prix ! A part lui, table rase… Posons à l’inverse Dieu en termes trinitaires. Dieu n’est plus Dieu, mais Père, source ineffable de toute chose. Il n’est plus seul, mais Fils, c’est à dire passage du non manifesté au manifesté… Dans le visible et non dans l’invisible. Dans le théisme, on a affaire à un Dieu, froid, glacial même. Avec le Dieu trinitaire, on a affaire à une cascade de lumière, d’amour et de vie… (p 227-228).

Importance du passage. Des Hébreux au Christ, une continuité, un même souffle : diffuser la vie et non la mort, et, par ce geste, glorifier le Père, la source de vie, source ineffable. On est loin du Dieu qui ne fait qu’exister, du Dieu cause. Le Dieu qui cause le monde ne le transforme pas. Le Dieu qui sur-existe le transforme. Il fait vivre en appelant l’homme à la vie afin qu’il sur-existe en devenant comme lui hyper-vivant » (p 229).

 

Dieu vivant, communion d’amour, puissance de vie

 

En lisant le livre de Bertrand Vergely sur la prière, nous voyons de convergences avec le courant de la pensée théologique que nous avons découvert dans les ouvrages de Jürgen Moltmann, puis dans le livre de Richard Rohr : « The Divine Dance » (4).

Dans les années 1980, Jürgen Moltmann a été le pionnier d’une nouvelle pensée trinitaire qui nous présente un Dieu relationnel, un Dieu communion. Dans son livre le plus récent : « The living God and the fullness of life » (5), il écrit : « la foi chrétienne a elle-même une structure trinitaire parce qu’elle est une expérience trinitaire avec Dieu »… « Nous vivons en communion avec Jésus, le Fils de Dieu et avec Dieu, le Père de Jésus-Christ, et avec Dieu, l’Esprit de vie… Ainsi, nous ne croyons pas seulement en Dieu. Nous vivons avec Dieu, c’est à dire dans son histoire trinitaire avec nous » (p 60-62).

De même,  Robert Rohr nous parle de la révolution trinitaire comme l’émergence d’un nouveau paradigme spirituel. Et, comme Moltmann, pour exprimer Dieu trinitaire, il emprunte aux Pères grecs, l’image de la « danse divine ». « Tout ce qui advient en Dieu, c’est un flux, une relation, une parfaite communion entre trois, le cercle d’une danse d’amour ».

Et comme Bertrand Vergely nous appelle à rencontrer Dieu à travers l’expérience, à travers le vivant, Richard Rohr raconte comment, découvrant le plein sens de Dieu trinitaire, à travers un livre savant, il l’a ressenti comme une expérience intérieure. « La Trinité n’était pas une croyance, mais une voie objective pour décrire ma propre expérience de la transcendance et ce que j’appelle le flux. La conviction venait de l’intérieur. Quelque chose résonnait en moi ».

Le premier chapitre du livre de Jürgen Moltmann : « L’Esprit qui donne la vie » (6) s’intitule : « Expérience de la vie, expérience de Dieu ». C’est donner à l’expérience une place primordiale. « L’expérience de Dieu devient possible dans, avec et sous toute expérience quotidienne du monde dès lors que Dieu est dans toute chose et que toute chose est en Dieu, et que, par conséquent, Dieu lui-même, à sa manière, fait « l’expérience de toute chose ».

La pensée trinitaire donne toute sa place à la troisième composante divine, l’Esprit de Dieu, l’Esprit qui donne la vie. » (7) L’agir de l’Esprit de Dieu qui donne la vie est universel et on peut le reconnaître dans tout ce qui sert la vie » (p 8). Il y a unité dans « l’agir de Dieu dans la création,  le rédemption et la sanctification de toutes choses » (p 27). « Les recherches conduisant à une « théologie écologique », à une christologie écologique et à une redécouverte du corps ont pour point de départ la compréhension hébraïque de l’Esprit de Dieu et présupposent l’identité entre l’Esprit rédempteur du Christ et l’Esprit de Dieu qui crée et donne la vide ». C’est pourquoi l’expérience de l’Esprit, qui donne vie, qui est faite dans la foi du cœur et dans la communion de l’amour, conduit d’elle-même au delà des frontières de l’Eglise vers la redécouverte de ce même Esprit dans la nature, les plantes, les animaux et dans les écosystèmes de la terre » (p 28).

Richard Rohr nous parle également du Saint Esprit comme « la relation d’amour entre le Père et le Fils. C’est cette relation qui nous est gratuitement donnée. Ou mieux, nous sommes inclus dans cet amour » (p 196). Dans la création, l’Esprit engendre la diversité et, en même temps, il est Celui qui relie et qui rassemble. Richard Rohr nous fait part d’un texte significatif de Howard Thurman, un inspirateur de Martin Luther King. « Nous sommes dans un monde vivant. La vie est vivante (alive) et nous aussi, comme expression de la vie, nous sommes vivant et portés par la vitalité caractéristique de la vie. Dieu est la source de la vitalité, de la vie et de toutes les choses vivantes » (p 189).

L’univers est relationnel. Il est habité. « Il est parcouru par le flux de l’amour divin qui passe en nous » (p 56). C’est un flux de vie. Dieu est la force de vie qui anime toute chose et nous invite à reconnaître sa présence.

Tout au long de son œuvre, Jürgen Moltmann a développé une théologie de la vie fondée sur la résurrection et manifestée dans une approche trinitaire. Il l’exprime bien cette démarche dans le titre de son dernier livre : « Le Dieu vivant et la plénitude de vie (5). « Ce que je souhaite faire ici est de présenter une transcendance qui ne supprime, ni n’aliène notre vie présente, mais qui libère et donne vie, une transcendance dont nous ne ressentions pas le besoin de nous détourner, mais qui nous remplisse de la joie de vivre » (p X).

Richard Rohr nous apporte une vision enthousiaste et libératrice de la présence divine en un Dieu trinitaire. « Dieu n’est pas un être parmi d’autres, mais plutôt l’Etre lui même qui se révèle… le Dieu dont Jésus parle et s’y inclut, est présenté comme un dialogue sans entrave, un flux inclusif et totalement positif, la roue d’un moulin à eau qui répand un amour que rien ne peut arrêter » (p 43).

Cette reconnaissance de la vie divine rejoint celle à laquelle nous appelle Bertrand Vergely dans son livre : « Prier, une philosophie ».

« Il y a en nous une présence faisant écho à ce que nous avons de plus sensible et de plus profond, d’où la justesse de parler d’une divine présence ». « Laissons passer le vivant… Quand on vit, il n’y a pas que ce que nous vivons. Il y a la Vie qui se vit en nous et qui nous veut vivant » (p 237 et 220).

J H

 

(1)            « Une nouvelle manière d’être et de connaître ». (Michel Serres. Petite Poucette) : https://vivreetesperer.com/?p=836

(2)            Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988

(3)            Bertrand Vergely. Prier, une philosophie. Carnetsnord, 2017

(4)            Richard Rohr. With Mike Morrell. The Divine Dance. The Trinity and your transformation. SPCK, 2016. Mise en perspective sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=2758

(5)            Jürgen Moltmann. The living God and the fullness of life. World Council of Churches, 2016 Mise en perspective sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=2697 et https://vivreetesperer.com/?p=2413

(6)            Jürgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Une pneumatologie intégrale. Cerf, 1999

(7)            « Un Esprit sans frontières » : https://vivreetesperer.com/?p=2751

 

Voir aussi : « L’émerveillement est le fondement de l’existence. Propos de Bertrand Vergely » : https://vivreetesperer.com/?p=1089

Odile Hassenforder. « La grâce d’exister » : https://vivreetesperer.com/?p=50

Jean-Claude Schwab. « Accéder au fondement de son existence » : https://vivreetesperer.com/?p=1295