Ebloui par l’émerveillement

Ebloui par l’émerveillement

« Awe and amazement »

Un autre regard

Sur son site : “Center for action and contemplation”, Richard Rohr nous entraine dans une séquence sur les bienfaits de l’admiration et de l’émerveillement dans la vie spirituelle. Cette séquence est intitulée : « awe and amazement » (1)

Le sens du terme de « awe »  a évolué dans le temps à partir d’un vocabulaire religieux où la révérence était accompagnée par une forme de crainte. Aujourd’hui, ce terme évoque admiration et émerveillement. Depuis le début de ce siècle, le phénomène correspondant est  l’objet d’une recherche. Aujourd’hui, la « awe » attire l’attention des chercheurs en psychologie. Le ressenti de transcendance, qui s’est inscrit dans une histoire religieuse, est reconnu aujourd’hui dans le champ plus vaste de la quotidienneté. Ainsi, Dacher Keltner, professeur de psychologie à l’Université de Berkeley, a écrit un livre : « Awe. The new science of everyday wonder and how it can transform your life” (L’admiration. La nouvelle science du merveilleux au quotidien et comment elle peut transformer votre vie » (2).

 

Vouloir être surpris

« Willing to be amazed »

Richard Rohr se réfère à Abraham Joshua Heschel et il affirme que la « awe », l’admiration, l’émerveillement, l’’éblouissement sont des expériences spirituelles fondatrices. « Je crois que l’intuition religieuse fondatrice, première, basique est un moment de « awe » », un moment d’admiration et d’émerveillement. Nous disons : « O Dieu, que c’est beau ! ». Pourquoi évoquons si souvent Dieu lorsque nous avons de tels moments ? Je pense que c’est reconnaitre que c’est un moment divin. D’une certaine manière, nous avons conscience que c’est trop bon, trop beau… quand cette « awe », l’admiration éblouie, sont absents de notre vie, nous bâtissons notre religion sur des lois ou des rituels, essayant de fabriquer des moments de « awe ». Cela marche parfois… ».

Richard Rohr met ensuite en valeur les bienfaits de l’admiration et de l’émerveillement. « Les gens dont la vie est ouverte à l’admiration et l’émerveillement ont une « plus grande chance de rencontrer le saint , le sacré (« holy ») que quelqu’un qui va seulement à l’église, mais ne vit pas d’une manière ouverte. Nous avons presque domestiqué le sacré en le rendant si banal ». Richard Rohr marque sa crainte que cela se produise dans la manière dont nous ritualisons le culte. « Jour après jour, je vois des gens venir à l’église sans aucune ouverture à quelque chose de nouveau et de différent. Et si quelque chose de nouveau et de différent arrive, ils se replient dans leur vieille boite. Leur attitude semble être : « je ne serai pas impressionné par l’admiration et l’émerveillement ». Je ne pense pas que nous allions très loin avec cette résistance au nouveau, au Réel, au surprenant. C’est probablement pourquoi Dieu permet que nos plus belles relations commencent par un engouement pour une autre personne – et je n’entends pas seulement un engouement sexuel, mais une profonde admiration et considération. Cela nous permet de prendre notre place comme apprenant et étudiant. Si nous ne faisons pas cela, il ne va rien arriver ».

Plus largement, Richard Rohr évoque la pensée de l’écrivain russe, Alexandre Soljhenitsyne. « Il écrivait que le système occidental, dans son état actuel d’épuisement spirituel, ne paraissait pas attractif. C’est un jugement significatif. L’esprit occidental refuse presque à être encore en émerveillement. Il est seulement conscient de ce qui est mauvais et semble incapable de rejoindre ce qui est encore bon, vrai et beau. Le seul moyen de sortie se trouve dans une imagination nouvelle et une nouvelle cosmologie, suscitée par une expérience de Dieu positive. Finalement, l’éducation, la résolution de problèmes et une idéologie rigide sont toutes, en elles-mêmes, inadéquates pour créer une espérance et un sens cosmique. Seule « une grande religion » peut faire cela et c’est probablement pourquoi Jésus a passé une si grande partie de son ministère à essayer de réformer la religion ».

Richard Rohr peut ensuite évoquer ce qu’apporte une religion saine. « Elle nous donne un sens fondamental de « awe », un émerveillement éveillant la transcendance… Elle réenchante un univers autrement vide. Elle éveille chez les gens une révérence universelle envers toutes choses. C’est seulement dans une telle révérence que nous pouvons trouver confiance et cohérence. C’est seulement alors que le monde devient une maison « home » sure. Alors nous pouvons voir la réflexion de l’image divine dans l’humain, dans l’animal, dans le monde naturel entier, qui est alors devenu intrinsèquement surnaturel ».

 

Nous sommes ce que nous voyons

« We are what we see”

Selon Richard Rohr, la contemplation approfondit notre capacité à nous étonner, à être surpris. « Les moments d’admiration et d’émerveillement (awe and wonder) sont les seuls fondements solides pour notre sentiment et notre voyage religieux ». Le récit de l’Exode noue en apporte un bon exemple : « Ce récit commence avec l’histoire d’un meurtrier (Moïse) qui s‘enfuit des représailles de la loi et rencontre « un buisson paradoxal qui brule sans être consumé ». Touché par une crainte révérentielle (awe), Moïse enlève ses chaussures et la terre en dessous de ses pieds devient une terre sacrée » (holy ground » (Exode 3.2-6). Parce qu’il a rencontré « Celui qui est » (Being itself) (Exode 3.14). Ce récit manifeste un modèle classique répété sous des formes différentes dans des vies différentes et dans le vocabulaire de tous les mystiques du monde ».

Certes, il y a des obstacles. « Je dois reconnaitre que nous sommes généralement bloqués vis-à-vis d’une grand impression de « awe » comme nous le sommes vis-à-vis d’un grand amour ou d’une grande souffrance. La première étape de la contemplation porte largement sur l’identification et le relâchement de ces blocages en reconnaissant le réservoir d’attentes, de présuppositions, et de croyances dans lesquelles nous sommes déjà immergés. Si nous ne voyons pas ce qu’il y a dans notre réservoir, nous entendrons toutes les choses nouvelles de la même manière ancienne et rien de nouveau n’adviendra »… La contemplation remplit notre réservoir d’une eau pure et claire qui nous permet de réaliser des expériences en étant libérés de nos anciens schémas ».

De fait, ajoute Richard Rohr, nous ne nous rendons pas compte qu’au moins partiellement, notre réaction enthousiaste ou colérique , peureuse n’est pas entrainée uniquement par la personne ou la situation en face de nous. « Si la vue d’un beau ballon dans le ciel nous rend heureux, c’est que nous sommes déjà prédisposés au bonheur. Le ballon à air chaud nous fournit juste une occasion. Et presque n’importe quoi d’autre aurait produit la même impression. Comment nous voyons déterminera largement ce que nous voyons et si cela provoque en nous de la joie ou, au contraire, une attitude de repli émotionnel. Sans nier qu’il y ait une réalité extérieur objective, ce que nous sommes capable de voir dans le monde extérieur, et prédisposé en ce sens, est une réflexion en miroir de notre monde intérieur et état de conscience sur le moment. La plupart du temps, nous ne voyons pas du tout et opérons sur le mode d’un contrôle de croisière.

Il semble que nous, humains, sommes des miroirs à deux faces reflétant à la fois le monde intérieur et le monde extérieur. Nous nous projetons nous-mêmes sur les choses extérieures et ces mêmes choses nous renvoient au déploiement de notre propre identité. La mise en miroir est la manière dont les contemplatifs voient de sujet à sujet plutôt que de sujet à objet ».

 

Une « awe », émerveillement ébloui, qui connecte

« An awe that connects »

Richard Rohr fait appel à Judy Cannato qui met l’accent sur la surprise, l’ébahissement comme point de départ de la contemplation. « Dans son livre : « Le pleur silencieux », la théologienne allemande Dorothee Sölle écrit : « Je pense que chaque découverte du monde nous plonge dans la jubilation ; une surprise radicale qui déchire le voile de la trivialité ». Quand le voile est déchiré et que notre vision est claire, alors émerge la reconnaissance que toute vie est connectéeune vérité qui n’est pas seulement révélée par la science moderne, mais qui résonne avec les mystiques anciens. Nous sommes tous un, connectés et rassemblés dans un Saint Mystère, au sujet duquel, dans toute son ineffabilité, nous ne pouvons demeurer indifférents »

Or, d’après Sölle, la surprise, l’ébahissement est un point de départ. « Elle maintient qu’une surprise radicale est le point de départ pour la contemplation. Souvent, nous pensons que la contemplation appartient au domaine du religieux, à un stade ésotérique de prière avancée que seuls les gens spirituellement doués possèdent. Ce n’est pas le cas. La nature de la contemplation telle que je la décris ici est qu’elle demeure à l’intérieur de chacun de nous.

Pour utiliser une parole familière, la contemplation consiste à avoir un long regard amoureux vis-à-vis du réel.  La posture contemplative qui découle d‘une surprise radicale, d’un ébahissement, nous attrape dans l’amour – l’Amour qui est le Créateur de tout ce qui est, le Saint Mystère qui ne cesse de surprendre, qui ne cesse de prodiguer l’amour en nous, sur nous, autour de nous ».

Mais comment reconnaitre et nous approcher du « réel » ? Judy Cannnato nous répond en ce sens. « La contemplation est un long regard d’amour sur ce qui est réel. Combien de fois ne sommes-nous pas trompés par ce qui imite le réel ? Vraiment nous vivons dans une culture qui affiche le faux et prospère dans une fabrication scintillante. Nous sommes tellement bombardés par le superficiel et le trivial que nous pouvons perdre nos appuis et nous abandonner à un genre de vie qui nous vide de notre humanité… Quand nous nous engageons dans une pratique de surprise radicale (« radical amazement »), nous commençons à distinguer ce qui est authentique de ce qui est frelaté.

Saisis par la conscience contemplative et enracinés dans l’amour, nous commençons à nous libérer de nos conditionnements culturels et à embrasser la vérité qui demeure au cœur de toute réalité : nous sommes un ».

Ainsi la contemplation n’est pas réservée à une élite religieuse ou spirituelle, elle donne à voir à tous. « Ce qui devient plus apparent aujourd’hui, c’est que nous devons devenir des contemplatifs, pas seulement dans la manière où nous réfléchissons ou prions, mais dans la manière où nous vivons éveillés, alertes, engagés, prêts à répondre aux gémissements de la création ».

 

La dignité de toutes choses

« The dignity of all things”

 Le rabbin Abraham Joshua Heschel est connu pour son action prophétique et pour son engagement en faveur d’une surprise radicale. Le théologien Bruce Epperly explique :

« Au cœur de la vision mystique d’Heschel, il y a l’expérience d’une surprise radicale. La merveille est essentielle à la fois pour la spiritualité et la théologie. La « awe », émerveillement ébloui, donne le sens de la transcendance. Elle nous permet de percevoir les signes du divin dans le monde. La merveille mène à la surprise radicale dans l’univers de Dieu. Créé à l’image de Dieu, chacun de nous est surprenant. La merveille mène à la spiritualité et à l’éthique. Comme Heshel le déclare : « Simplement être est une bénédiction. Simplement vivre est saint. Le moment est la merveille ».

Comment cette sensibilité affecte-t ’elle notre vision du monde ? Elle fonde la vision du monde d’Heshel. « Le monde se présente à moi de deux manières : comme une chose que je possède ; comme un mystère qui se présente à moi. Ce que je possède est une bagatelle ; ce qui se présente à moi est sublime. Je prends soin de ne pas gaspiller ce que possède ; je dois apprendre à ne pas manquer ce qui se présente à moi.

Nous traitons ce qui est accessible à la surface du monde ; Nous devons également nous tenir en révérence (« awe ») vis-à-vis du mystère du monde »

Reprenons donc notre approche de la « awe », de l’émerveillement ébloui.

« La « awe » est plus qu’une émotion. C’est une manière de comprendre, une entrée dans un sens plus grand que nous. Le commencement de la « awe », c’est reconnaitre la merveille, s’émerveiller ». Et « le commencement de la sagesse est la « awe », cet émerveillement ébloui et révérenciel. « La « awe » est une intuition de la dignité de toutes choses. C’est réaliser que les choses ne sont pas seulement ce qu’elles sont, mais qu’elles se tiennent là, quelqu’en soit l’éloignement, pour signifier quelque chose de suprême.

L’« awe » est un sens du mystère au-delà de toute chose. Elle nous permet de sentir dans les petites choses le début d’un sens infini, de sentir l’ultime dans le commun et le simple ; de sentir le calme de l’éternel dans la précipitation de ce qui passe. Nous ne pouvons pas comprendre cela par l’analyse ; Nous en devenons conscient par la « awe ». Voilà aussi un éclairage pour la foi : « la foi n’est pas une croyance, l’adhésion à une proposition. La foi est un attachement à la transcendance, au sens au-delà du mystère… La « awe » précède la foi. Elle est à la racine de la foi… »

C’est dire combien la « awe » est fondamentale. « Si notre capacité de révérence diminue, l’univers devient pour nous un marché. Un retour à la révérence est le premier prérequis pour un réveil de la sagesse, pour la découverte du monde comme une allusion à Dieu ».

 

La pratique spirituelle de la « awe ».

« The spiritual practice of awe”

Comment pouvons-nous vivre dans un état d’esprit d’émerveillement porteur d’une pratique spirituelle ? La question est posée à Cole Arthur Riley, écrivain et liturgiste. Il nous décrit « la « awe » comme une pratique spirituelle ». « Je pense que la « awe » est un exercice à la fois dans le faire et l’être. C’est un muscle spirituel de l’humanité que nous pouvons empêcher de s’atrophier si nous l’exerçons habituellement. Je m’assois dans la clairière derrière ma maison écoutant le chant des hirondelles rustiques se mêlant au bruit des voitures accélérant. J’observe le courant de lait dans mon thé et les petites feuilles danser librement hors de leur enclos… Quand je parle de merveille, j’entends la pratique de contempler le beau. Contempler le majestueux – le sommet enneigé des Himalayas, le soleil se couchant sur la mer – mais aussi les petits spectacles du quotidien… Plus que dans les grandes beautés de nos vies, la merveille réside dans notre présence d’attention à l’ordinaire. On peut dire que trouver la beauté dans l’ordinaire est un exercice plus profond que grimper dans les montagnesRencontrer le saint, le sacré dans l’ordinaire, c’est trouver Dieu dans le liminal, la marge d’où nous pourrions inconsciemment l’exclure… »

Arthur Riley décrit comment l’émerveillement développe la capacité de nous aimer, d’aimer notre prochain, d’aimer l’étranger. « L’émerveillement inclut la capacité d’être en « awe », en émerveillement vis-à-vis de nous-même » Arthur Riley nous incite à être attentif à la vie quotidienne. « Qu’à chaque seconde, nos organes et nos os nous soutiennent est un miracle. Quand nos os guérissent, quand nos blessures se cicatrisent, c’est un appel à nous émerveiller de nos corps – leur régénération, leur stabilité et leur fragilité. Cela fait grandir notre sentiment de dignité. Être capable de s’émerveiller du visage de notre prochain, avec la même « awe », le même émerveillement que nous avons pour le sommet des montagne ou la réflexion du soleil, c’est une manière de voir qui nous empêche de nous détruire les uns les autres ». L’émerveillement, ce n’est pas nous dissoudre, mais nous sentir vivement dans notre connexion avec chaque créature. « Dans un saint émerveillement, nous faisons partie de l’histoire ».

 

Le privilège de la vie elle-même

« The privilege of life itself”

 Ici Richard Rohr s’est adressé à Brian McLaren pour lequel l’émerveillement, la « awe » sont essentiel pour rencontrer la création. « Les premières pages de la Bible et les meilleures réflexions des scientifiques actuels sont en plein accord. Au commencement, tout a commencé quand l’espace et le temps, l’énergie et la matière, la gravité et la lumière sont apparus dans une soudaine expansion. A la lumière du récit de la Genèse, nous dirions que la possibilité de l’univers s’est épanchée dans l’actualité comme Dieu, l’Esprit créateur, prononçait l’invitation première, originale : Qu’il en soit ainsi ! (« Let it be »). Et, en réponse, qu’est-ce-qui est arrivé ? La lumière, le temps , l’espace, la matière, le mouvement, la mer, la pierre, le poisson, le moineau, vous, moi, nous réjouissant de ce don inexprimable, ce privilège d’être ici, d’être en vie », Brian McLaren évoque la beauté qu’on peut entrevoir dans la diversité des dons et des talents. Comme les autres auteurs présents dans cette séquence, il exprime son admiration pour la création. «  Est-ce que nous ne nous sentons pas comme des poètes qui essaient d’exprimer la beauté et la merveille de cette création ? Est-ce que nous ne partageons pas une commune stupeur en envisageant notre voisinage cosmique et en nous éveillant au fait que nous sommes réellement là, réellement vivant, juste maintenant ? ». Brin McLaren nous entraine dans l’admiration et l’émerveillement vis-à-vis des merveilles de la montagne et de la mer jusqu’à « regarder avec délice un simple oiseau, un arbre, une feuille ou un ami et à sentir qu’ils murmurent au sujet du créateur, de la source de tout ce que nous partageons ».

En exprimant cette admiration, cette « awe » vis-à-vis de toutes les merveilles qu’on peut entrevoir, Brian McLaren, théologien engagé, ne perd pas de vue les maux de nos sociétés et la nécessité de nous y confronter (3). Mais, dans sa vision enthousiaste, il s’appuie sur un fondement biblique. « La Genèse » signifie : commencements. Elle parle à travers une poésie profonde, à plusieurs couches, et des histoires anciennes et sauvages. La poésie et les récits de la Genèse révèlent des vérités profondes qui nous aident à être plus pleinement vivants aujourd’hui. Elles osent proclamer que l’univers est l’expression de Dieu lui-même. La parole de Dieu agit. Cela signifie que toute chose, partout, est toujours sainte, spirituelle, ayant de la valeur, signifiante. Toute matière importe. La Genèse décrit la grande bonté qui apparait à la suite d’un long processus de création. Cet ensemble harmonieux est si bon que le Créateur prend un jour de congé, juste pour s’en réjouir. Ce jour de repos en réjouissance nous dit que le but de l’existence n’est pas l’argent ou le pouvoir ou la renommée, ou la sécurité ou quoique ce soit moins que ceci : participer à la bonté, à la beauté et à la vitalité de la création.

 

Un autre regard

Les représentations du monde sont multiples en étant influencées par de nombreux facteurs et, tout particulièrement par ce que nous entendons des évènements. Cette séquence inspirée par Richard Rohr est intitulée : « awe and amazement » ; elle nous apprend à nous émerveiller, tout éblouis par les merveilles qui se présentent à nous, à ciel ouvert, mais aussi au départ dissimulées, cachées à nos yeux parce que nous n’y prêtons pas attention. Ce mouvement d’émerveillement exprimé par le terme « awe », dont le sens s’est déplacé à travers l’histoire de « crainte révérentielle » dans un contexte religieux à un émerveillement ébloui accompagné par un sentiment d’ouverture à la transcendance, doit être aujourd’hui pleinement reconnu. Par-delà des apparences souvent trompeuses ou l’assujettissement à de sombres situations, nous sommes appelés à reconnaitre dans la contemplation une Réalité spirituelle, une présence divine. Cet éclairage, et parfois cette illumination peuvent nous surprendre. Cependant, ce sentiment d’admiration, cette « awe », ne sont pas réservés à des moments privilégiés. On peut les éprouver dans le quotidien et même en regardant de belles photos comme l’écrit le rabbin Hara Person dans un texte final : « une part de beauté » (« A slice of beauty »). Bref, au total, nous sommes conviés à un autre regard.

Sans expertise professionnelle de la traduction, rapporté par J H

 

  1. Awe and amazement. Avec la présentation et la référence des six textes constituant la séquence : https://cac.org/daily-meditations/awe-and-amazement-weekly-summary/
  2. Comment la manifestation de l’admiration et de l’émerveillement exprimée par le terme « awe » peut transformer nos vies : https://vivreetesperer.com/comment-la-reconnaissance-et-la-manifestation-de-ladmiration-et-de-lemerveillement-exprimees-par-le-terme-awe-peut-transformer-nos-vies/
  3. Reconnaitre aujourd’hui un mouvement émergent pour la justice dans une inspiration de long cours : https://vivreetesperer.com/reconnaitre-aujourdhui-un-mouvement-emergent-pour-la-justice-dans-une-inspiration-de-long-cours/

 

On pourra lire aussi :

La participation des expériences spirituelles à la conscience écologique : https://vivreetesperer.com/la-participation-des-experiences-spirituelles-a-la-conscience-ecologique/

Avoir de la gratitude :

https://vivreetesperer.com/avoir-de-la-gratitude/

L’espérance en mouvement

L'espérance en mouvementAffronter la menace environnementale et climatique pour une nouvelle civilisation écologique

Joanna Macy Chris Johnstone Michel Maxime Egger

 Les éditions Labor et Fides nous offre une collection dédiée à la question écologique. « Les études des scientifiques convergent. La civilisation industrielle basée sur la consommation industrielle des ressources entame désormais une confrontation ultime avec les limites du système terre dont elle dépend. Les dérèglements et dégradations en cours provoquent des dommages et catastrophes naturelles de plus en plus graves et des souffrances intolérables à un nombre croissant d’êtres humains. La collection « Fondations écologiques » dirigée par Philippe Roch et Michel Maxime Egger, propose des ouvrages cherchant à dégager les concepts, les valeurs et les moyens propres à fonder une civilisation respectueuse des limites écologiques d’un côté, et de la diversité des aptitudes et des aspirations humaines de l’autre » ( p 4).

En 2018, est paru dans cette collection, un livre de deux personnalités écologiques anglophones : Joanna Macy et Chris Johnstone : « L’Espérance en  mouvement. Comment faire face au triste état de notre monde sans devenir fou » (1). Ce livre est préfacé par Michel Maxime Egger, un pionnier francophone de l’écospiritualité et de l’écopsychologie (2). En suivant cette préface (au thème repris dans une vidéo)  (3), nous entrerons dans la perspective de la transition écologique et nous apprécierons l’appel de ce livre dans toute son originalité.

https://www.youtube.com/watch?v=CRk5dpvoUDQ

Vers un nouveau paradigme : écologie extérieure et écologie intérieure.

« Il ne s’agit pas seulement de protéger le milieu naturel, mais de transformer le paradigme  culturel, psychologique et spirituel qui sous-tend le modèle productiviste et consumériste qui détruit la planète…Pour cela, l’économie extérieure ne suffit pas… Cette écologie doit être complétée par une écologie intérieure et verticale… Cette nouvelle approche de l’écologie centrée sur l’approche de relations réharmonisées avec la terre et tous les être qui l’habitent, a pris de plus en plus d’ampleur ces vingt dernières années … Elle se décline selon deux axes : l’écopsychologie qui explore les relations profondes entre la psyché humaine et la terre… et l’écospiritualité qui ouvre explicitement à une dimension de mystère et d’invisible, de transcendance et de sacré, non réductible aux noms et aux formes multiples –doctrinales symboliques et rituelles – que leur donnent les traditions religieuses instituées » ( p 9-10).

 

Une visionnaire : Joanna Macy

  Joanna Macy, l’auteure du livre : « L’Espérance en mouvement », est « l’une des grandes figures de la « révolution tranquille » qui apparait aujourd’hui. Elle est l’une des rares à participer à la fois aux deux courants de l’écopsychologie et de l’écospiritualité ». Michel Maxime Egger nous présente les grandes étapes de sa vie, les « cercles expansifs » de son parcours.

Le premier cercle recouvre ses racines judéo-chrétiennes. « Si elle a vécu Dieu comme « une présence chaude et enveloppante » pendant son enfance, la théologie universitaire va transformer cette présence en vide et la foi chrétienne en injonctions morales ». Elle s’éloigne ( p 12).

Le deuxième cercle est sa formation universitaire. « Joanna a fait une formation en théorie générale des systèmes. Cela lui a donné des outils conceptuels forts pour une compréhension holistique et organique des problèmes de la planète ». Elle a vu dans cette approche « la plus importante révélation cognitive de notre temps, de la physique à la psychologie ». « Elle montre que nous tissons notre monde en une toile vivante qui forme notre demeure qu’il ne tient qu’à nous de perpétuer » ( p 13).

« Le troisième cercle est la découverte du bouddhisme à travers la rencontre avec des maitres tibétains ». Dans les années 60, elle participe à des actions humanitaires dans des régions bouddhistes. « Le bouddhisme lui a appris la nécessité de regarder la souffrance en face. Plus encore, il lui a permis de développer les ressources intérieures pour assumer cette dernière, vivre avec elle et la transformer en force de vie. Il l’a également ouverte à l’expérience de la compassion comme réponse organique à l’interdépendance de  toutes choses qui constitue la loi de la toile de la vie ». Cette inspiration spirituelle va l’accompagner dans son engagement écologique.

Cet engagement se poursuit sans l’approche de l’écologie profonde, une identification avec les réalités naturelles. « Une manière de rompre avec une posture anthropocentrique et de prendre conscience de l’unité ontologique de l’être humain avec la terre et les êtres qui la peuplent » ( p 14).

Enfin, on peut percevoir un cinquième cercle dans son engagement pour la surveillance des déchets nucléaires. « L’énergie atomique  constitue le symbole par excellence de la nature brisée et de la séparation de l’être humain avec la Terre ».

« Pour Joanna Macy, les cinq cercles n’en font qu’un. Elle voit entre eux de fortes convergences : la pensée et la pratique bouddhiste entrent en interaction avec les valeurs du mouvement vert et les principes gandhiens, la psychologie humaniste avec l’écoféminisme, l’économie durable avec la théorie des systèmes, l’écologie profonde et la nouvelle science paradigmatique » ( p 15).

 

Le Travail qui relie

« C’est riche des apports de tous ces cercles que Joanna Macy va, à partir du milieu des années 80, développer « le Travail qui relie », une méthodologie puissante de transformation personnelle et collective pour contribuer au changement de cap » ( p 16).

Car c’est bien à un changement de cap que Joanna Macy nous appelle à l’encontre de deux autres scénarios : « On fait comme d’habitude » et : on se prépare à subir « la grande désintégration ». Tout ce livre a pour but de renforcer « notre contribution au changement de cap en faisant tout notre possible » ( p 29-30).

Michel Maxime Egger porte son regard d’analyste, d’interprète et de témoin sur l’approche du « Travail qui relie ». « le but essentiel du travail qui relie est d’amener les gens à découvrir et à faire l’expérience de leurs connexions naturelles avec les êtres qui les entourent ainsi qu’avec la puissance systémique et autorégénératrice  de la grande toile de la vie, cela afin qu’ils puissent trouver l’énergie et la motivation de jouer leur rôle dans la création d’une civilisation durable » (Joanna Macy) ( p 12). L’objectif est d’aider les personnes à éveiller et développer leurs ressources – intérieures et sociales –  pour passer du déni à la réalité, de l’apathie au désir d’agir, de l’impuissance à l’empowerment, de la compétition à la coopération, du désespoir à la résilience, du moi ego-centré au soi relié »…

Cette série de passages est le cœur de ce que Joanna Macy appelle « l’espérance en mouvement » qui constitue le titre de cet ouvrage… « L’espérance vient de l’intérieur. Ele jaillit du cœur profond, telle une aspiration à accomplir le non encore advenu de l’histoire. L’espérance est en cela intrinsèquement liée au processus de la personne qui grandit en humanité et réalise son potentiel cosmique, humain et divin » ( p 17).

Le « Travail qui relie » se présente comme une spirale qui se déploie organiquement selon quatre temps :

S’enraciner dans la gratitude

Honorer sa souffrance pour le monde

Changer de vision

Aller de l’avant

C’est cette approche que présente Joanna Macy dans ce livre.

A travers la gratitude, « reconnaître les dons de la vie donne des forces ». A travers cette analyse, l’auteure rejoint la recherche psychologique dans ses découvertes récentes (4).

Honorer notre souffrance pour le monde, c’est accepter nos émotions face aux malheurs du monde, ne pas les refouler. C’est accepter de voir la réalité en face et ne pas nous réfugier dans le déni. C’est accepter d’entrer en relation avec les victimes dans une attitude d’empathie et de compassion. L’auteure nous appelle à reconnaitre et à accepter notre souffrance pour le monde. « Quand nous entendons les pleurs de la terre en nous, non seulement nous nous libérons des résistances, mais nous permettons la circulation des flux de reliance qui nous connectent avec le monde. Ces canaux agissent comme un système racinaire qui nous donne accès à une force et à une reliance qui perdurent aussi anciennes que la vie elle-même » (p 112). Dans cette pratique d’acceptation de la souffrance du monde, Joanna Macy fait largement appel aux ressources de la tradition bouddhiste. On pourrait de même se reporter à la compassion divine telle qu’elle se manifeste dans l’inspiration chrétienne.

En nous invitant ensuite à porter un nouveau regard, Joanna Macy élargit notre conscience comme l’indiquent les titres des différents chapitres :  une conscience de soi élargie ; un pouvoir d’un autre genre ; une expérience plus riche de la communauté ; une vision élargie du temps.

Et puis, nous pouvons ensuite aller de l’avant : Joanna Macy nous parle d’inspiration, d’imagination, d’intelligence collective, de confiance, de reliance. « Nous vivons à un moment où le corps vivant de notre terre est attaqué. Cependant, l’agresseur n’est pas une force étrangère, mais notre propre société de croissance industrielle. Dans le même temps, un processus de récupération extraordinaire est en cours, une réponse créative vitale que nous appelons le changement de cap. En relevant le défi de jouer le meilleur rôle possible, nous découvrons ce trésor qui enrichit nos vies et participe à la guérison du monde. Une huitre en réponse au traumatisme fait pousser une perle. Et nous, nous faisons pousser pour l’offrir ainsi, notre don de l’espérance en mouvement » (p 290).

 

Le mouvement de l’espérance

Dans son œuvre militante pour une nouvelle civilisation écologique, Michel Maxime Egger a écrit de nombreux livres. Et, aux éditions Jouvence, il a publié un livre accessible à tous : « Ecospiritualité. Réenchanter notre relation à la nature » (5). Voici ce qu’il écrit à propos de l’espérance : « L’espérance vient de l’intérieur. Elle jaillit du cœur profond,  telle une aspiration pour faire advenir le non encore advenu de l’histoire… C’est là qu’intervient la foi. Non pas comme une adhésion à un système de croyances, mais comme le fruit de l’expérience intime du divin. Ma foi est la connaissance que « la vie va vers la vie » et que « la mort n’est pas la fin de tout »… « Elle donne du sens, le courage de vivre et de s’engager, une confiance fondamentale en la vie, en l’Esprit, en la capacité de l’humain à changer » (p 115)

Si l’espérance monte ainsi du cœur profond, nous y voyons un mouvement général de l’Esprit qui fait lever cette espérance, une dynamique qui nous porte ensemble vers l’avenir. En termes chrétiens, la théologie de l’espérance développée par Jürgen Moltm

ann nous permet d’entrer dans cette dynamique et d’y reconnaître l’œuvre de Dieu. « La promesse de Dieu ouvre le futur et donne ainsi le courage d’aller vers l’avant ». « La promesse que l’avenir de Dieu s’ouvre à nous donne naissance à une mission dans l’histoire, de telle sorte que cet avenir puisse être anticipé dans le contexte des possibilités que nous découvrons » (6) « Le Dieu qui a ressuscité Jésus est le créateur d’une existence nouvelle de tout ce qui est créé ». « La résurrection est le premier acte de la nouvelle création de ce monde transitoire en une forme nouvelle vraie et durable ».  Dieu renouvelle la terre. Si aujourd’hui le monde est encore exposé aux forces de mort – et combien ne le voit-on pas aujourd’hui ! –  il est appelé à devenir la maison de Dieu ( 7). La pensée de Jürgen Moltmann et du pape François dans l’encyclique Laudato si’ se rencontrent (8).

Une perspective analogue est exprimée par Michel Maxime Egger : « L’Esprit est toujours à l’œuvre agissant à l’intérieur de la Création. Le récit allégorique de l’Apocalypse, qui clôt la Bible,  raconte l’histoire – invisible, souterraine, spirituelle – qui se joue sous la surface de l’histoire apparente, pleine de bruits et de fureurs. Cette histoire visible – avec ses nœuds, ses fils coupés, brisée et enchevêtrés qui symbolisent les souffrances, violences, et désordres de la Création – représente l’envers de la toile de la vie que le divin continue  de tisser –silencieusement et amoureusement –  avec nos vies et celles de toutes les créatures. Cela, dans l’attente que les êtres humains opèrent la mutation de conscience, le retournement intérieur nécessaire pour permettre au motif harmonieux de l’endroit de se manifester ».

« L’écospiritualité invite chacun et chacune à s’ouvrir à une telle vision d’espérance et à effectuer cette transformation. Elle souhaite ainsi nourrir le désir de nous engager pour la transition vers une société écologique, juste et résiliente ». ( p 117).

Ainsi, le livre de Joanna Macy et Chris Johnstone : « L’espérance en mouvement » est bien nommé. Cette espérance est en marche aujourd’hui à travers des voies à la fois diverses et convergentes (9).

J H

  1. Joanna Macy, Chris Johnstone. L’espérance en mouvement. Comment faire face au triste état de notre monde sans devenir fou. Préface de Michel Maxime Egger. Labor et Fides, 2018
  2. Michel Maxime Egger est sociologue, écothéologien et acteur engagé de la société civile en Suisse. Il est l’auteur de plusieurs livres. Il a fondé le réseau : Trilogies « pour mettre en dialogue traditions spirituelles, quêtes de sens, écologie et grands enjeux socio-économiques de notre temps ». Il chemine dans la spiritualité chrétienne orthodoxe. http://trilogies.org/auteurs/michel-maxime-egger
  3. Vidéo de Michel Maxime Egger présentant le travail qui relie https://www.youtube.com/watch?v=CRk5dpvoUDQ
  4. « La gratitude : un mouvement de vie » : https://vivreetesperer.com/la-gratitude-un-mouvement-de-vie/
  5. Michel Maxime Egger. Ecospiritualité. Réenchanter notre relation avec la nature. Jouvence, 2018
  6. « Une théologie pour notre temps… Chapitre : une théologie de l’espérance : https://lire-moltmann.com/une-theologie-pour-notre-temps/
  7. « Dieu dans la création » : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/
  8. « Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/
  9. Entre autres, chemins écologiques sur ce blog :                          « Vers une économie symbiotique » : https://vivreetesperer.com/vers-une-economie-symbiotique/              « L’homme, la nature et Dieu » : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/                « Comment entendre les principes de la vie cosmique pour entrer en harmonie : https://vivreetesperer.com/comment-entendre-les-principes-de-la-vie-cosmique-pour-entrer-en-harmonie/                                                                                   « Une approche spirituelle de l’écologie (Sur la Terre comme au Ciel) : https://vivreetesperer.com/une-approche-spirituelle-de-lecologie/

Aspects politiques et économiques de l’écologie :

« La course pour la terre » : https://vivreetesperer.com/la-course-pour-la-terre/

« Le New Deal Vert » : https://vivreetesperer.com/le-new-deal-vert/

 

Ecothéologie et pentecôtisme

Ecothéologie  et pentecôtisme

Dans la prise de conscience écologique, une nouvelle vision théologique est apparue au point de porter un nom : écothéologie. Michel Maxime Egger nous en a montré les différents visages (1). Nous savons aussi comment le théologien Jürgen Moltmann a sous-titré son livre : « Dieu dans la création » paru dès 1988 : « Traité écologique de la création » et  poursuivi ensuite constamment son œuvre en ce domaine (2). En 2015, le pape François publie dans ce domaine une encyclique retentissante : « Laudato si’ » (3). Dans la dernière décennie, ce mouvement est également apparu dans le champs pentecôtiste, du moins chez certains théologiens anglophones. Sachant l’expansion actuelle du pentecôtisme dans le monde, ce fait est important d’autant que certaines manifestations politiques du pentecôtisme dans certains pays ont pu être contestées. A J Swoboda est pasteur et professeur de théologie, notamment à la faculté Fuller (4). Il se déclare un environnementaliste pentecôtiste : « Le soin porté à la création est un aspect intégral de l’œuvre relationnelle du Saint Esprit dans le monde » (5). A J Swoboda a écrit sur cette questions plusieurs livres qui font référence : « Tongues and trees. Towards a Pentcostal Ecological Theology » (6) ; « Introducing Evangelical Ecotheology. Foundations in Scripture, Theology, History and Praxis ». Aussi a-t-il édité un recueil d’écrits théologiques : « Blood cries out. Pentecostals, Ecology and the Groans of Creation » (Pentecostals, Peacemaking and Social Justice) (7).

Le ‘Jour de la Terre’

L’instauration d’un ‘Jour de la Terre’ aux Etats-Unis en 1970, initiative suivie internationalement, témoigne d’une éclosion de la prise de conscience écologique. C’était un jour de méditation et d’action pour restaurer la relation humaine avec la terre. Le fondateur et le visionnaire du ‘jour de la Terre’ fut John McConnell Jr. Dans son livre : « Blood cries out », (7) A J Swoboda nous décrit cette personnalité dans son parcours spirituel, nous signifiant par là que la préoccupation écologique a pu être présente en quelqu’un fortement marquée par une inscription familiale pentecôtiste. Les parents de McConnell ont été membres fondateurs de la charte des assemblées de Dieu en 1914. Son propre grand-père fut même un participant au grand réveil de la Rue Azuza à Los Angeles en 1906. Ainsi le ‘Jour de la Terre’ a commencé avec de fortes convictions religieuses. McConnell ,voyant la crise écologique à travers sa culture religieuse, « envisageait un jour où les chrétiens pourraient montrer la puissance de la prière, la valeur de leur charité et leur préoccupation pratique pour la vie et les gens de la terre ». Ce rappel historique est une entrée en matière qui légitime une approche théologique pentecôtiste de l’écologie.

 

Univers écologique et univers pentecôtiste : tout est relation

Brandon Rhodes était étudiant à l’université d’Oregon (Etats-Unis) et il y fréquentait deux univers : l’écologie et le pentecôtisme (6). Dans la communauté pentecôtiste, il se voit proclamer l’importance de la relation : « Le Royaume de Dieu porte entièrement sur les relations ». A travers leur vie ensemble, les étudiants pentecôtistes « apprenaient à voir et à nommer l’œuvre de l’Esprit dans leur vie et dans leurs relations quotidiennes ». Cependant, dans ses études en écologie, Brandon Rhodes s’éveillait à « l’interconnexion de toutes choses, comme les champignons qui s’emploient à constituer un réseau relai entre les arbres de la forêt. Quand un feu, une sécheresse ou une tronçonneuse frappe un arbre, la forêt entière en frisonne de conscience. En écologie, la relation, c’est tout. Cette prise de conscience a profondément influencé la manière dont je voyais la terre ». « La Création brille de vie, de relation et déborde d’un saint mystère ». « Avec le temps, cette résonance entre l’écologie et le pentecôtisme me devint tout-à-fait évidente. Le Royaume de Dieu porte entièrement sur la relation et il en va de même pour l’écologie. Le royaume de Dieu dans l’Esprit est écologique et vice versa. Je le ressentais d’une manière palpable dans cet environnement verdoyant des montagnes de l’Oregon ».

 

A la recherche d’une rencontre entre la réflexion théologique et l’expérience

Brandon Rhodes constata pourtant que le pastorat pentecôtiste percevait rarement la connexion entre les deux approches, et plus généralement la valeur de l’écologie. Ce fut donc avec joie qu’il accueillit la parution du livre de A J Swoboda, un ouvrage qui établissait un pont par dessus la division entre écologie et pentecôtisme. Et, encore mieux, il rencontra l’auteur  habitant dans le même voisinage. Le livre de Swoboda : « Tongues and trees : toward a pentecostal ecological theology » formule sa thèse de doctorat pour un public plus large. Cependant, Brandon Rhodes s’interroge sur le format académique qui peut donner l’impression que le message descend d’en haut vers des réalités sociales qui montent d’en bas. « Le défi majeur pour Swoboda est de transmettre des idées académiques de haut en bas vers une tribu à la base, celle de l’église pentecôtiste. A J Swoboda trace bien quelques pistes comme « imposer les mains à la terre pour sa guérison, ou bien prêcher des eschatologies créationnelles ». Mais Brandon Rhodes reste en partie sur sa faim.

« Un épilogue plus développé en terme de pratiques pentecôtistes, expériences écologiques, incursions liturgiques, comportements mystiques à l’intention de l’église locale aurait idéalement arrondi ce travail ».

 

Un témoignage et un parcours de recherche

 Brandon Rhodes partage avec nous sa vision de foi. « Le pentecôtisme, ce n’est pas seulement une manière de prêcher, chanter, se rassembler et prier. C’est fondamentalement développer des cœurs ouverts à l’activité de l’Esprit. C’est une imagination active se demandant où Jésus peut être à l’œuvre à travers l’Esprit ».

« Cependant ce comportement pentecôtiste tourné vers l’Esprit refuse d’être commodément institutionnalisé, planifié, préemballé pour une consommation ecclésiale ».

« Swoboda semble appeler l’écothéologie à nourrir notre capacité de voir la création comme une arène où se montre la vie de Dieu. Si je le lis fidèlement en pentecôtiste, il désire nous amener à devenir des magiciens verts plutôt que des écothéologiens – des guides mystiques à même de nous faire voir la magie dont ce monde est abreuvé par le Saint Esprit. L’Esprit holistique, baptisant la création, vers où « Tongues and Trees » dirige le pentecôtisme, est vivant et actif dans le monde ». Brandon Rhodes nous appelle « à avoir des yeux pour le voir et à répondre dans la repentance ».

 

Aperçus

 Suite à son analyse, Brandon Rhodes présente un résumé détaillé du livre : « Tongues and Trees ». En voici quelques extraits.

Swoboda présente les apports des différentes dénominations à l’écothéologie. En ce qui concerne le pentecôtisme, il perçoit certaines dispositions favorables. « D’abord, le pentecôtisme met l’accent sur ce que Miroslav Wolf appelle : « la matérialité du salut » ce qui historiquement s’est prêté à une attention pour des questions de justice sociale – une disposition qui s’ouvre tout naturellement à honorer le monde matériel et, dans de nombreux cas, là où la dégradation écologique accroit les injustices existantes. Deuxièmement, l’accent pentecôtiste sur l’Esprit se prête au témoignage biblique de l’Esprit de Dieu vivifiant et même baptisant toute la création. Ainsi nous devons attendre les charismes non seulement de l’église charismatique, mais du reste du royaume de la création.

Swoboda résume son bilan des écothéologies charismatiques en deux points majeurs : « D’abord si l’Esprit de Dieu crée et vit dans la création et le peuple de Dieu, les deux sont en voie de restauration à la relationalité. La relationalité est la force même de la théologie et de la pratique pentecôtiste. Ultimement, c’est la force des théologies Esprit/création. L’accent pentecôtiste sur une église interconnectée – par – l’Esprit, nous enjoint de joindre la ‘conversation’. J’ai trouvé dans mon enseignement de l’écologie l’interconnexion de la terre elle-même. Deuxièmement, Swoboda conclut de cette recherche que notre tâche future est de nourrir une imagination pneumatologique concernant le « care » écologique.

Le développement de l’approche écologique transforme notre vision du monde. Elle nous incite à considérer qu’il y plus grand que nous et que nous nous inscrivons dans un tissu de relations. Cette vision nous invite à entrer dans une vision spirituelle où la Pentecôte apparaît comme une figure privilégiée. On comprend qu’un théologien pentecôtiste assume l’approche écologique en espérant que cette attitude se répande dans sa dénomination comme elle s’étend dans d’autres églises.

Rapporté par J H

 

  1. Ecospiritualité : https://vivreetesperer.com/ecospiritualite/
  2. Dieu dans la création : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/
  3. Convergences écologiques :Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, pape François et Edgar Morin : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/
  4. A J Swoboda Ph D : https://www.bushnell.edu/faculty/a-j-swoboda/
  5. A J Swoboda : I am a pentecostal environmentalist : https://faithandleadership.com/aj-swoboda-im-pentecostal-environmentalist
  6. Book Review, Tongues and trees. Toward a pentecostal ecological theology : https://christandcascadia.com/2014/08/01/book-review-tongues-and-trees-toward-a-pentecostal-ecological-theology/
  7. A J Swoboda. Blood cries out : https://www.amazon.com/Blood-Cries-Out-Pentecostals-Peacemaking/dp/1625644620

Développer la bonté en nous, un « habitus de bonté »

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Du bon grain et de l’ivraie.

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Quel est notre regard sur nous-même tel qu’il est influencé par notre parcours psychologique et notre héritage religieux (1) ? Comment recevons nous la parabole du bon  grain et de l’ivraie rapportée par l’évangile de Matthieu ? Le commentaire de Michèle Jeunet, Sœur Michèle au Cénacle de Versailles (2) nous invite à choisir la bonté : « bonté du grain, bonté de la terre, bonté du monde, bonté de l’homme qui sème, bonté de Dieu ».

         « Nous sommes dans le fondamental de la création. « Dieu vit que cela était bon » (Genèse 1). Et nous sommes dans le fondamental d’une création en histoire. Non pas un monde tout fait, statique, immobile. Ce qui est semé est pour une croissance, une création  continuée        Croire en ce qui est bon en nous, croire que ce qui a été semé par Dieu en nous est bon et le développer au maximum, en y mettant toute notre énergie, notre créativité. « C’est le développement de la bonté en nous, un « habitus » de bonté qui fera se  dessécher l’ivraie ».

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J H

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Évangile de Matthieu au chapitre 13 verset 24 à 30

Il en va du Royaume des Cieux comme d’un homme qui a semé du bon grain dans son champ.

Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi est venu, il a semé à son tour de l’ivraie, au beau milieu du blé, et il s’en est allé.

Quand le blé est monté en herbe, puis en épis, alors l’ivraie est apparue aussi.

S’approchant, les serviteurs du propriétaire lui dirent :

« Maître, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il s’y trouve de l’ivraie ? »

Il leur dit :

« C’est quelque ennemi qui a fait cela ».

Les serviteurs lui disent :

« Veux-tu donc que nous allions la ramasser ?

Non, dit-il, vous risqueriez, en ramassant l’ivraie, d’arracher en même temps le blé.

Laissez l’un et l’autre croître ensemble jusqu’à la moisson ; et au moment de la moisson je dirai aux moissonneurs : Ramassez d’abord l’ivraie et liez-la en bottes que l’on fera brûler ; quant au blé, recueillez-le dans mon grenier. »

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Développer la bonté en nous

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« Il est des titres qui sont trompeurs. Est-ce vraiment la parabole de l’ivraie ?

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         Cette parabole est d’abord en continuité de celle du semeur. Le semeur a semé du bon grain dans un terrain qui est bon. S’il sème ce qui est bon, c’est que lui-même est bon. Une sainte,  Thérèse Couderc,  disait de lui : « il est bon, il est plus que bon, il est la bonté ». Bonté du grain, bonté de la terre, bonté du monde, bonté de l’homme qui sème, bonté de Dieu. Nous sommes dans le fondamental de la création : « Dieu vit que cela était bon » Gn 1. Et nous sommes dans le fondamental d’une création en histoire. Non pas un monde créé tout fait, statique, immobile. Ce qui est semé est pour une croissance, une création continuée : grain puis épi, puis blé. Entre semailles et moisson, il y a le temps de l’histoire, le temps de la liberté de veiller à la croissance de ce qui est bon. Responsabilité qui est nôtre. Etre veilleur pour que la vie semée par Dieu vienne à maturité. Ce n’est pas du tout fait de toute éternité, immobile mais c’est une semence riche d’avenir, un don à faire qui périrait s’il ne peut s’épanouir grâce à la bonne terre de nos vies, de nos réponses humaines, don et accueil qui vont ensemble porter à maturité la nouveauté de l’épi.

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         Ce titre trompeur est en cohérence avec la réaction des serviteurs qui se focalisent sur l’ivraie, leur question sur son origine et surtout leur doute : « N’est-ce pas du bon grain que tu as semé ? ». Leur doute qui frise le soupçon.  Mais leur question n’est-elle pas la nôtre ? Leur doute et leur soupçon ne sont-ils pas les nôtres ? Cette question du mal qui nous taraude tous, qui est souvent un obstacle à la foi. La réponse du propriétaire est la même que celle de la Genèse. C’est un ennemi qui a semé de l’ivraie. La Genèse parle d’un serpent qui insinue le doute sur le don qui est fait, qui insinue le doute sur la bonté du donateur.

Que faut-il donc faire ? Arracher au risque de détruire la bonté des épis de blé ? Ce serait faire le jeu de l’ennemi.

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         Le propriétaire fait une autre option. Celle de la confiance dans le blé semé et dans la terre qui participe à la nouveauté de l’épi. Confiance dans l’épi assez fort pour ne pas se laisser étouffer par l’ivraie. Dans nos vies, il y a du bon grain et de l’ivraie. N’est-ce pas une erreur de se focaliser sur l’ivraie ? L’homme de cette parabole nous conseille un autre chemin. Croire en ce qui est bon en nous, croire que ce qui a été semé en nous par Dieu est bon et le développer au maximum, en y mettant toute notre énergie, notre créativité. C’est le développement de la bonté en nous, un « habitus » de bonté qui fera se dessécher l’ivraie. Et non un arrachage volontariste qui risque de dessécher la vie en nous.

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Michèle Jeunet

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(1)            Nos représentations sont influencées encore aujourd’hui par notre héritage religieux qui, pour une part, laisse des traces de peur par rapport à Dieu et de condamnation par rapport aux hommes. C’est le contraire de la bonne nouvelle de l’Evangile. Dans un livre récent : « Oser la bienveillance » (Albin Michel, 2014), la théologienne Lytta Basset met en évidence les effets négatifs de la conception du péché originel. Elle décrit « la généalogie et l’impact de cette notion profondément nocive qui remonte à Saint Augustin et qui  contredit les premiers Pères de l’Eglise. Elle montre comment ce pessimisme radical est totalement étranger à l’Evangile. Tout au contraire, les gestes et paroles de Jésus nous appelle à développer un autre regard sur l’être humain, fondé sur la certitude que nous sommes bénis dès le départ et le resterons toujours. Appuyé sur le socle de cette Bienveillance originelle, chacun de nous peut oser la bienveillance, envers lui-même et envers autrui et passer ainsi de la culpabilité à la responsabilité » (texte en couverture). On pourra lire aussi sur ce blog une mise en perspective d’un livre de Jacques Lecomte : La bonté humaine, altruisme, empathie, générosité. Odile Jacob, 2012 https://vivreetesperer.com/?p=674

(2)            Homélie de Sœur Michèle : le bon grain et l’ivraie (9 décembre 2013).  Sur le blog : aubonheurdedieu-soeurmichele : http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/article-homelie-de-soeur-michele-le-bon-grain-et-l-ivraie-mt-13-24-30-121518838.html

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Voir aussi sur ce blog : « geste d’amour » (Odile Hassenforder) : https://vivreetesperer.com/?p=1204

Dans le livre d’Odile Hassenforder : « Sa présence dans ma vie », on pourra lire un chapitre : La bonté de Dieu (p 87-91)

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Sur ce blog, deux autres contributions de Michèle Jeunet :

Quelle est notre image de Dieu ? https://vivreetesperer.com/?p=1509

Se sentir aimé de Dieu https://vivreetesperer.com/?p=1752

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De bonnes ressources dans le recueil de textes rassemblés par Michèle Jeunet dans un livre récemment paru : Michèle Jeunet. Méditer une Parole de liberté. Catéchèses bibliques et lectio divina. Editions Croix du Salut, 2013. « Il s’agit pour moi d’aider les gens à ouvrir la Bible pour qu’elle soit vraiment un lieu de méditation qui éclaire leur vie et leur fasse découvrir un Dieu Ami de leur vie, présent au cœur de leur existence ».

 

La joie jusque dans l’épreuve

 

         « Dans les dernières années de sa vie, Odile a manifesté à plusieurs reprises son désir de transmettre une expérience et une réflexion qui se sont développées au cours de son existence. Ainsi a-t-elle exprimé dans plusieurs écrits son grand désir de communiquer un message d’amour et de vie. « Ce que j’ai la joie de partager aujourd’hui est la découverte des bienfaits de Dieu : manifestation de sa bonté infinie que j’ai pu ressentir, de sa magnificence que j’ai pu reconnaître dans la création, de sa présence dans l’énergie vitale sur tout ce qui existe. Mon regard s’est éclairé. Mon attitude s’est adoucie. Mon cœur s’est rempli de reconnaissance. « Le Royaume de Dieu s’est approché » dit Jésus. Aujourd’hui, Jésus est ressuscité. Nous pouvons vivre le règne de Dieu sur terre chacun et chacune à sa mesure. Cette joie de reconnaissance explose en moi. J’ai envie de la partager. La vie vaut la peine d’être vécue ». Ainsi les écrits d’Odile ont pu être recueillis et publiés dans un livre : « Sa présence dans ma vie » (1).

Au cours des dernières années de sa vie terrestre, Odile a affronté les assauts répétés d’un cancer. C’est dans cette condition qu’elle s’interroge sur la joie. Lorsque l’apôtre Paul parle , à plusieurs reprises de la joie dans ses épîtres : « Soyez toujours joyeux ! », est-ce possible ? Comment parler authentiquement de notre vécu par rapport à la joie ? Odile parle ici de la joie à partir de sa foi et de son expérience.

 

La joie jusque dans l’épreuve

Quand tout roule, que je me sens en forme, la vie est belle…La joie est tout naturellement au rendez-vous. Chacun peut le constater. Voilà que les nuages arrivent, que des pépins pleuvent, ou simplement  qu’une mauvaise nouvelle s’annonce, alors patatras tout s’écroule. Je me sens fatiguée avec un vague à l’âme qui risque fort de s’installer. Alors le commun des mortels constate d’un air résigné : « Il y a des jours avec et des jours sans ».

Se laisser influencer par le climat ambiant, comme un bouchon voguant sur l’eau, ne me satisfait pas.  Je souhaite tenir ma vie en mains dans la mesure de mes possibilités. Je lis dans le livre des Proverbes des vérités profondes que j’ai pu observer dans ma vie : « Un esprit joyeux est un excellent remède, mais l’esprit déprimé mine la santé » (Pr 17/22).  « Un bon moral permet de supporter la maladie (Pr 18/14). Et aussi : « Si tu te laisses abattre au jour de l’adversité, ta force est bien peu de chose » (Pr 24/10). Alors comment développer cette force intérieure que je désire ?

L’apôtre Paul parle à plusieurs reprises de cette joie dans ses épîtres. « Soyez toujours joyeux ! ». Toujours ? Est-ce vraiment possible ? Allez donc dire cela à quelqu’un dans la détresse où même simplement dans la peine. Vous risquez fort d’être renvoyé « sur les roses » ! Dans l’épître aux Thessaloniciens, (5/17-18), Paul ajoute : « Priez sans cesse. Remerciez Dieu en toute circonstances : Telle est pour vous la volonté que Dieu a exprimé en Jésus-Christ ».

Remercier en toutes circonstances ? Est-ce possible ? Comment ? Pourquoi ? Ne risquons-nous pas d’être hypocrites ? Il faut reconnaître ses sentiments. J’ai médité longuement la lettre adressée aux chrétiens de Philippes. Le mot : « joie » est mentionnée plus de dix fois, et « joyeux », tout autant. Pourtant Paul est en prison. Enchaîné dans des conditions matérielles pénibles, il parle de « détresse », et, de plus, il est profondément attristé, meurtri même, par l’attitude de certains, jaloux, hypocrites, dit-il, qui annoncent l’Evangile dans un esprit de rivalité.. Il semble toujours sur le qui-vive, car il voit l’influence néfaste de la propagande judaïsante pour ramener  les chrétiens sous le joug de la « Loi ». En même temps, l’apôtre a une affection particulière et une profonde reconnaissance pour les chrétiens de Philippes. Ils ont pris part à sa détresse et l’ont secouru : soutien matériel qui soulage ses conditions de vie, mais aussi et surtout leur communion spirituelle dans leur collaboration à la diffusion de la Bonne Nouvelle. Il se réjouit de les savoir fidèles à l’Evangile, de leur progrès dans la foi, de leur amour fraternel entre eux.

Alors, où est la vérité ? L’univers de Dieu est bien paix et joie dans la justesse des commandements de Dieu. (Romains 14/17). Attention de ne pas devenir schizophrène spirituel en séparant notre vécu : corps, émotion, mental, des élans mystiques. Plus j’approfondis ma relation  à Dieu, plus je suis convaincu que Dieu a des projets de bonheur pour moi (Jérémie 29/11), dans mon être tout entier (I Thes 5) et non pas uniquement spirituel. Voilà ce qui lui fait plaisir (Romains 12/1).

Alors joyeux dans l’adversité ? Je relis attentivement cette épître aux Philippiens. Comment l’apôtre réagit-il devant l’attitude qui l’a tant blessée de ceux « qui, animés par un esprit de rivalité et de dispute, jaloux de ses succès, se mettent à prêcher Christ ».

Qu’importe, après tout ! » dit Paul. Ce qui importe le plus, c’est que Christ soit annoncé, quelque soit le support de la communication. Alors sa douleur passe au second plan et s’adoucit à travers un intérêt plus important.

Dans le Psaume 23 du bon berger, je constate : devant l’adversité, le Seigneur prépare un banquet pour moi, m’accueillant comme un hôte important : sa bonté, sa générosité m’accompagnent tous les jours de ma vie.

J’ai compris qu’en toute chose, Dieu me veut du bien. Dans toute adversité, il y a un germe de vie. Aussi, je comprends la parole de Jésus : la semence doit mourir en terre pour donner une plante.  A chaque déception, le long de cette maladie a rebondissements, je me tourne vers l’Esprit Saint, le consolateur qui conduit dans la vérité.

Attentive à sa réponse, je perçois ma voix intérieure me désignant l’attitude faussée qui est à guérir en moi : une rancune, une colère intérieure, une blessure non guérie, une manière d’être à améliorer… Parfois, c’est une parole dite par telle personne, ou verset biblique, ou même un événement qui m’interroge et m’éclaire. Ainsi, pas à pas, l’œuvre divine a fait son chemin en moi, libérant ma personnalité. Je peux dire aujourd’hui qu’à soixante-dix ans passés, je vis une profonde joie de reconnaissance de devenir de plus en plus moi même dans la croissance de mes potentialités qui étaient bloquées par tant  d’obstacles et déviations vécus dans le passé.

Aujourd’hui devant tout le mal, je cherche le germe d’un bien meilleur. Sagesse et discernement spirituel souvent cités dans les épîtres de Paul développent la maturité de mon être.  Actuellement, je suis étonnée de vivre ce paradoxe d’une joie profonde et d’une grande paix en même temps qu’une douloureuse déception. Cette dernière, du reste, s’estompe quand un rayon de lumière me dévoile l’espérance. Ce sentiment est subjectif bien sûr . Il est perçu à l’extérieur quand mon interlocuteur au téléphone me demande des nouvelles tout en donnant une réponse avant que je n’ai le temps de parler : « Tu as une bonne voix, ça va bien ». Ouf, je n’ai pas à exprimer mon désarroi lié au traitement renforcé qui m’est prescrit. Alors la conversation peut se dérouler sur un ton joyeux qui me fortifie. Il m’arrive parfois d’encourager et même de prier pour l’autre au bout du fil qui, lui, exprime sa souffrance, son désarroi.

Dieu est grand, d’une bonté infinie. Il imprime en moi sa paix et sa joie. La liberté des enfants de Dieu m’est accordée. Joie . Reconnaissance.

 

Odile Hassenforder

 

(1) Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte Temps présent, 2011.  L’introduction : « Odile Hassenforder : sa vie et sa pensée » est présentée sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=2345 On y trouvera également d’autres textes d’Odile  ou des références à sa pensée : https://vivreetesperer.com/?s=Odile+Hassenforder

Ce texte : « La joie jusque dans l’épreuve » figure dans le livre sous le titre : « Soyez toujours joyeux » (p 145-148).

 

Lire aussi : « La joie, force de vie » (Méditation de Anne Faisandier)

(Texte précédent)