The way of life: un film sur la vie et l’œuvre de Jürgen Moltmann

Un hymne à l’amour et une vision d’espérance

Jürgen Moltmann, un des plus grands théologiens de notre époque, a aujourd’hui une audience universelle. Ainsi, l’équipe chinoise qui a réalisé une délicate et émouvante vidéo à l’occasion de son anniversaire à 93 ans (1), vient de réaliser un film sur son parcours de vie et de recherche (2). Ce film nous présente à la fois la vie personnelle de Jürgen Moltmann dans son contexte familial et son parcours de recherche et d’enseignement, la vision nouvelle d’une théologie en phase avec les aspirations de nos contemporains. (3) Ainsi apparait le témoignage d’un homme qui porte amour et foi dans le même mouvement. Et ce témoignage s’allie à une vision théologique nouvelle qui change notre regard et nous ouvre un horizon.

L’amour unit. Il rassemble. Il libère. Nous voyons là un fil conducteur dans le déroulement et l’inspiration de ce film. Celui-ci ne s’ouvre-t-il pas sur le thème de l’amour entre Jürgen et son épouse Elisabeth, décédée il y a trois ans, mais toujours là dans une « seconde présence » (4), un amour qui s’exprime dans une famille unie et ouverte. Et il s’achève sur le thème de l’amitié, une amitié qui a inspiré Jürgen Moltmann dans ses relations, professionnelles entre autres (5).

La théologie de Molmann est étroitement liée à la vie de celui-ci, au départ vécue dans le bombardement de Hambourg, dans la guerre et dans un camp de prisonniers, puis ensuite dans sa participation à un mouvement social et intellectuel, qui se manifeste à l’échelle internationale pour plus de liberté et de dignité humaine (6). De la souffrance ressentie dans les épreuves de son adolescence et de sa jeunesse et de l’engagement dans la foi qui s’en est suivi, procède l’inspiration des ses trois premiers livres : Théologie de l’espérance ; Dieu crucifié ; L’Eglise dans la puissance de l’Esprit.

L’amour ne se résout pas à ce qui opprime les hommes. La pensée de Moltmann elle-même met en évidence ce qui unit et ce qui construit. Elle emprunte le vrai, là où il se trouve. Elle rejette la domination et se plait dans la conversation. C’est ce qui apparaît à travers de nombreuses interviews au sujet de la vie et de la théologie de Moltmann. Les paroles de celui-ci ponctuent le déroulement du film. Elles sont éclairées à leur tour par des interviews. Une vision commune émerge dans une pluralité d’expressions. Et cette vision est reçue universellement comme en témoignent les auteurs de ce film dans un moment consacré à la réception de la théologie de Moltmann en Chine.

Le film est intitulé : « The way of life ». Il y a bien dans ce film l’expression d’une manière de vivre. Mais il y aussi une réponse théologique aux questionnements sur nos raisons de vive, notre raison d’être. Les premiers chrétiens, rapporte-t-on, se présentaient comme « The people of the way » (7), le peuple de la voie, une voie d’amour et de paix à la suite de Jésus. « The way of life », c’est bien la voie de la Vie. Le livre le plus récent de Moltmann s’intitule « The living God and the fullness of life » (8).

https://www.youtube.com/watch?v=23vndWJavAY&fbclid=IwAR1M9j2vUtC9SMveWgNUpVJZyl9RV9KXIjMwF6Wo9zFB7Rn_Pmo0bCi6oQo

Ce film éveille l’émotion. Jürgen respire la bonté. Il parle vrai. Il s’exprime avec son cœur. On ressent son empathie. Et d’autre part, ce film a été réalisé avec une remarquable délicatesse. On y ressent une affection respectueuse pour l’homme et pour le théologien, une reconnaissance pour la vision qu’il communique, une vision de foi et d’espérance en un Dieu, communion d’amour et puissance de vie. Alors les paroles portent et suscitent l’émotion. Elles répondent à nos questions et éveillent notre intelligence. Un théologien, Miroslav Volf rapporte un fait significatif. Il y a quelques années, Jürgen Moltmann intervenait à Pékin devant un public de 3000 personnes, la plupart n’étant ni théologien, ni chrétien. Et, à la fin, tous se levèrent dans une « standing ovation ».

Ce film est beau dans son déroulé et dans ses images. Il va profond en associant le témoignage et l’enseignement. Nous y voyons comme un petit chef d’œuvre.

Le film se déroule autour de cinq séquences successives intitulée : amour, souffrance, théologie, Chine, amitié. Nous essaierons d’apporter ici un aperçu de chaque séquence à partir de quelques interventions marquantes.

 

Amour

Ce film sur Jürgen Moltmann commence par une évocation de sa vie personnelle aujourd’hui. Il a cette vertu de ne pas hésiter à entrer dans l’intimité de Jürgen avec une grande délicatesse.

D’entrée, Jürgen évoque Elisabeth, son épouse, décédée de maladie en 2016, il y a trois ans. C’est un amour profond qui s’exprime là. « Elle est toute ma vie ». Au sortir d’années difficiles, la rencontre avec Elisabeth a été fondatrice. « Quand j’ai rencontré mon épouse et que j’en suis tombé amoureux, la joie de vivre est venue à moi et ne m’a jamais quitté ». Dès le départ, ce fut un compagnonnage intellectuel et théologique. « Je suis reconnaissant à Elisabeth mon épouse pour le développement de sa théologie féministe ». Effectivement, Elisabeth Moltmann Wendel a joué un rôle pionnier dans ce domaine et leurs deux pensées se sont enrichies mutuellement (9). A travers l’interview de Jürgen, on perçoit la peine qui demeure à la suite de son départ. « La peine accompagne l’amour. La nuit, la peine me submerge, mais Elisabeth s’approche de moi ». Ainsi regarde-t-il vers l’avenir en terme de retrouvailles avec Elisabeth dans la vie éternelle, mais, dès maintenant, Elisabeth est encore là, autrement. « Mon épouse Elisabeth est décédée en 2016 et je ressens encore la joie de sa présence. Je suis convaincu qu’elle est ressuscitée dans la vie éternelle. Elle est présente dans une seconde manière de présence ». Et ses proches l’accompagnent dans cette conviction.

Jürgen Moltmann avait déjà exprimé sa conviction d’une seconde présence de ceux qui nous ont quitté lors d’un récit à propos de la mort de son père dans son autobiographie (4). Voici un message précieux pour ceux qui vivent une expérience analogue.

Dans cette séquence, la vie intime de Jürgen se déroule dans une ambiance familiale et amicale imprégnée par un amour mutuel. On le voit dans le climat chaleureux de la célébration de son anniversaire et, très généreusement, dans les témoignages de ses quatre filles et de ses amis. Michael Weker, professeur de théologie qui fut son assistant, nous rapporte dans cet esprit la motivation actuelle de Moltmann. « Je pense que j’ai découvert votre secret. Chaque jour, vous avez à écrire. Et chaque mois, vous voyagez dans un pays différent ». Et Jürgen a confirmé.

Ainsi, dans cette séquence, tout parle d’amour : l’amour de Jürgen et d’Elisabeth, mais aussi cette chaleureuse ambiance familiale et amicale. Ce n’est pas hors sujet par rapport à la théologie de Moltmann. Cette théologie est étroitement liée à l’expérience humaine et elle est inspirée par la bonté et par la bienveillance. Dieu est amour. Tout est relié en Lui.

 

Souffrance

Pourquoi suis-je en vie ?

La seconde séquence du film rappelle la souffrance endurée par Jürgen Moltmann lors de la seconde guerre mondiale, une souffrance qui a bouleversé sa vie et qui a trouvé une réponse dans la consolation de Jésus. Cette séquence est donc intitulée : « Souffrance. Pourquoi suis-je encore vivant ? » C’est une question existentielle qui va éveiller la recherche de Jürgen Moltmann. Cette séquence commence par la désolation et elle s’achève par le bonheur familial qui a précédé le malheur.

A travers le témoignage de sa sœur et de son frère, nous découvrons une vie de famille unie, retranchée sur elle-même face à l’emprise nazie. Autour d’une mère optimiste et d’un père rigoureux, une vie enfantine heureuse nous est rappelée. Né en 1926, Jürgen Moltmann manifeste déjà une orientation intellectuelle. « Mon idéal était la physique atomique. Einstein et Heisenberg étaient mes héros ». C’est dans ce contexte que le malheur de la guerre a fait irruption.

A 16 ans, la classe d’âge de Jürgen est mobilisée dans la défense anti-aérienne. « Nous étudions le jour. La nuit, nous montions la garde auprès des canons, attendant la venue de la Royal Air Force. Ils ne venaient pas. Et puis ils vinrent. Hambourg fut bombardé pendant une semaine. Ce fut une tempête de feu. J’étais dedans, mais j’ai survécu tandis que beaucoup de mes amis et de mes camarades sont morts. Depuis ce temps là, je me pose la question : Pourquoi ne suis-je pas mort comme eux ? Pourquoi suis-je vivant ? »

Mobilisé ensuite dans la Wehrmacht, il parvient à se rendre. Pendant trois ans et demi, il vit enfermé dans des camps de prisonniers, en Belgique, en Ecosse, en Angleterre. « Dans ces années de désespoir, j’ai trouvé la foi dans une communauté chrétienne et l’espérance qui dépasse tout. Je suis devenu chrétien, essayant de comprendre le mystère de ma survie, de ma vie et je suis devenu théologien ». « Lorsque je fus relâché du camp de prisonnier, ce fut une libération et j’étais dans la joie ». Ainsi, c’est à partir des questions posées par la souffrance et le mystère de la vie que Jürgen Moltmann a commencé sa recherche théologique.

 

Théologie

La troisième séquence porte sur l’oeuvre théologique de Jürgen Moltmann. Elle s’appuie sur de bons connaisseurs, entre autres : Miroslav Volf (Universty of Yale), Richard Bauckam (University of St Andrews) et Michael Welker (Heidelberg University). Elle est ponctuée par des paroles de Moltmann. Elle commence par une mise en perspective des œuvres fondatrices : Théologie de l’espérance, Dieu crucifié, L’Eglise dans la puissance de l’Esprit. C’est toute l’originalité de l’œuvre de Moltmann qui apparaît.

 

Les premières œuvres

Jûrgen Moltmann : « After Auschwitz, the word of God is different from before. Theology is related to the life and death expérience of people » : « Aprés Auschwitz, la parole de Dieu n’est plus comme auparavant. La théologie est reliée avec l’expérience de la vie et de la mort des gens ».

Miroslav Volf : « Il parle de son engagement personnel dans la foi et a été capable d’articuler la foi avec la vie, personnelle et structurelle, économique et politique ».

Richard Bauckam : « Ce qui a touché Moltmann chez les chrétiens écossais qu’il a rencontré lors de sa captivité, a été leur sens du pardon. Il a été profondément influencé par la manière dont ils se sont comportés envers lui. Et les deux thèmes qu’il identifie comme venant de cette expérience, le premier d’entre eux : la souffrance naturellement, et aussi l’espoir dans la souffrance, l’ont mené à son premier grand livre : « la théologie de l’espérance ».

Moltmann enchaine en nous disant le contexte dynamique dans lequel ce livre a été écrit : Martin Luther King, John Kennedy, le socialisme à visage humain, le Concile Vatican II (6).

Moltmann : « A cette époque, nous nous sommes tournés vers l’autre facette pour montrer comment le Royaume de Dieu, dans la nouvelle création, pouvait nous influencer ici-même ».

Miroslav Volf : « Je pense que la vision de la promesse a été fondamentale dans la théologie de l’espérance. La théologie de l’espérance est fondée sur une conviction fondamentale, celle que le futur vient vers nous, non pas parce que le passé et le présent engendrent le futur, mais plutôt parce qu’il y a une possibilité de quelque chose de nouveau qui ne peut pas être simplement extrapolé de la condition dans laquelle nous sommes maintenant. C’est une idée très importante qui provient de la résurrection de Christ.

Autant que je puisse le comprendre, la théologie de l’espérance a été initiée par une conversation avec Ernst Bloch.

Moltmann : « Ernst Bloch et Franz Rosenschweig, le penseur juif qui a écrit « l’Etoile de la rédemption », nous apportent un trésor de bonnes idées théologiques. Ernst Bloch m’a encouragé dans la théologie de l’espérance ».

Richard Bauckam : « Le livre de Moltmann nous entraine vers une orientation eschatologique de la théologie. La première théologie de Moltmann a exercé une influence majeure sur le monde théologique et au delà sur le monde chrétien. Cela a été son orientation vers une espérance tournée vers le futur.

L’autre côté de la pièce, l’autre versant de son expérience l’ont mené vers son deuxième livre majeur : « Dieu crucifié ». La manière dont il a ressenti le compagnonnage de Jésus dans sa souffrance durant sa captivité, l’a conduit vers le Dieu crucifié, voyant Jésus comme le Dieu crucifié en solidarité avec tous ceux qui souffrent. Tels ont été les deux thèmes majeurs de sa théologie originelle. On ne peut envisager sa théologie en dehors de ces deux thèmes ».

Miroslav Volf : « Ce que j’ai appris du Dieu crucifié, c’est sa considération pour les victimes. La théologie générale a toujours envisagé la croix en quelque sorte comme une consolation (« solace ») par rapport aux diverses afflictions dont nous faisons l’expérience, Moltmann a élevé cette tonalité à un plus haut niveau lorsqu’il parle d’un Dieu souffrant. Ainsi la souffrance de l’histoire est portée dans l’esprit même de Dieu. Je pense que c’est une conséquence de la conception trinitaire de Dieu et de l’amour radical de Dieu tel qu’il s’engage dans le monde ».

         Moltmann : « J’ai envisagé la croix de Luther en parlant de Dieu comme une victime du pouvoir, de la violence et de l’injustice. Nous voyons dans la crucifixion du Christ le pouvoir du mal dans le monde. En Dieu crucifié, nous voyons l’amour, la patience et l’endurance de Dieu ».

Miroslav Volf : « Moltmann a suivi les évènements centraux de la dernière semaine de la vie du Christ et du commencement de l’Eglise. Ainsi la théologie de l’espérance est connectée avec la résurrection et a été suivie par ce qui a précédé la résurrection, c’est-à- dire : Dieu crucifié et ensuite par la Pentecôte : l’Eglise dans la puissance du Saint Esprit. Ainsi il y a une étroite cohérence entre les trois livres ».

Moltmann : « Le Saint Esprit dans la création et le Saint Esprit dans la vie et la voie de Jésus, le Saint Esprit est l’Esprit de vie. Le Saint Esprit pousse chaque chose à la perfection dans la nouvelle création ».

 

Une nouvelle approche théologique

Cet entretien sur les premières œuvres de Moltmann est suivi par diverses interventions qui mettent en évidence l’originalité de la nouvelle approche théologique de Moltmann.

Prof Ulrich Herrman : Les théologiens académiques sont souvent des savants de la religion. Jürgen Moltmann est un théologien qui parle de Dieu. C’est quelque chose de particulier, même dans la théologie protestante. C’est pourquoi il occupe une position spéciale.

Prof  Hong Tsin Lin (Graduate school of theology Taïwan). Hong Tsin Lin remarque combien Moltmann ne s’en tient pas à la lecture de ses cours. Il improvise. Suivre son enseignement, ce n’est pas seulement apprendre à connaître Dieu, mais aussi à connaître tout ce que Dieu a créé, connaître les gens, connaître les origines du monde.

Miroslav Volf : La théologie est l’intelligence de la foi. La foi n’est pas un catalogue de croyances auxquelles nous adhérons contre toute évidence. En fait, la foi est un acte existentiel engageant l’existence entière à vivre dans la lumière de qui est Dieu et avec la présence de Dieu dans nos vies. La vie des théologiens accompagne ce que les théologiens expriment.

Prof Xu Zhang (University of China). Dans la seconde moitié du XXè siècle, la théologie de Moltmann a inspiré la théologie de la libération, la théologie Minjung, la théologie coréenne, la théologie du Sud Est et de Taïwan

Michael Welker : Il est l’un des plus grands théologiens du XXè siècle parmi les grands noms de Karl Barth, Bonhoeffer et Tillich. Il a développé une théologie tournée vers le fond et non pas seulement sur la méthode. Et il a une merveilleuse intuition pour voir quels sont les contenus théologiques les plus utiles pour nos contemporains.

Prof Xu Hong Song (Minzu University of China) : Parmi les idées des années 1982, il a manifesté une vitalité et une créativité extraordinaire. Il a porté attention à de nombreux problèmes du monde occidental et au delà de l’humanité : problèmes de l’économie, de l’écologie, de l’oppression de la femme. Il a abordé ces problèmes en théologien avec sa sagesse pour monter la pertinence de la réflexion théologique.

Miroslav Volf : Moltmann a compris l’importance des émotions et la prend en compte dans sa théologie.

Prof Bin Yu (Minzu University of China) : Dans sa vision, il embrasse le progrès de l’humanité.

Prof Xu Hong Xong : la beauté du langage et des formes de sa théologie… seulement ceux qui ont une grande passion peuvent écrire ainsi.

Moltmann : « Le royaume de Dieu est si fascinant lorsqu’on considère le futur de l’histoire humaine et de l’histoire naturelle. Autrement nous voyons une catastrophe apocalyptique. Le Royaume de Dieu est un oui à ce monde et à la vie de ce monde.

Miroslav Volf : Moltmann proclame une théologie de solidarité avec les victimes, mais aussi une bonne nouvelle de guérison pour ceux qui persécutent. C’est l’amour inconditionnel de Dieu.

En cette fin de séquence, le professeur Klaus Dietz évoque l’audience internationale de Moltmann. A travers le monde, il y a 450 thèses de doctorat portant sur son œuvre.

Moltmann : La vie doit être aimée et vécue en dépit du danger et des catastrophes. En regardant le futur, nous devons dire oui à la vie.

 

Chine

La théologie de Moltmann a eu et a un retentissement mondial. Son accueil en Chine témoigne de cette dimension universelle. Et ce sont des théologiens chinois qui nous font le cadeau de ce film sur la vie et l’œuvre de Moltmann. La quatrième séquence est consacrée à la réception de Moltmann en Chine.

Miroslav Volf rapporte un événement particulièrement significatif. Il a participé avec Jürgen Moltmann à un grand forum à Pékin en 2010. Moltmann était un des principaux orateurs et c’est lui qui était appelé à délivrer la conférence plénière. Il y avait près de 3000 personnes. La plupart d’entre elles n’était ni des théologiens, ni  des chrétiens. Moltmann a fait un exposé où on pouvait reconnaître tous les aspects importants de sa théologie chrétienne. Quand il eut fini, tout le monde se leva et il y eut une « standing ovation ». « Les gens étaient excités et j’ai trouvé cela absolument stupéfiant ».

Dans cette séquence, plusieurs théologiens chinois marquent leur vif intérêt pour la théologie de Moltmann.

Ainsi le professeur Huilin Yang (University of China) nous montre en quoi et comment la théologie de Moltmann est importante en Chine. C’est une théologie décentrée, ouverte. Jürgen Moltmann développe une théologie écologique. Il y a une idée originale dans la théologie écologique de Moltmann. C’est aussi une théologie politique. Il s’agit de traiter justement les gens. Et cette attitude vaut dans la relation avec l’humain et la nature. Moltmann est un si grand penseur qu’il peut nous encourager à espérer dans l’avenir. Pour réfléchir ensemble, il est bon d’avoir un background en commun, une expérience commune. Ce peut être un événement traumatique. Pour Moltmann, c’est la guerre 1939-1945. Pour la génération de Huilin Yang, c’est la révolution culturelle. Ce traumatisme a engendré en retour le développement d’une pensée indépendante. Il y a des cadres imposés. Huilin Yang cite le philosophe français Alain Badiou. « Nous sommes obligés de penser ».

Dans ce paysage, il y a une longue relation de collaboration entre Moltmann et l’« Institute of sino-christian studies » . Avant même que l’Institut soit créé, cette collaboration était en route. Le premier livre traduit fut « Dieu crucifié » en 1994. La « théologie de l’espérance » fut célèbre à Hong Kong dans les années 1980. Un théologien, Milton Wan Wai-Yiu, nous rapporte comment ayant étudié la philosophie allemande en Grande-Bretagne, il a pu introduire la théologie de Moltmann à Hong Kong à travers des publications et des enseignements.

David Yeung Hee Nam, directeur de l’Institut des études sino-chrétiennes nous rapporte une longue et fructueuse collaboration avec Moltmann : il a étudié le Tao Te Ching (10), le livre de Lao Tseu, durant ces dernières années en essayant de prendre en compte les ressources du Tao Te Ching dans sa réflexion pédagogiques.

Jürgen Moltmann s’exprime à ce sujet en parlant du voisinage entre le Tao Te ching et la Bible : « J’ai donné une conférence à Taïwan. J’ai supervisé des recherches en ce domaine. Avec la compréhension du Tao Te Ching et la compréhension biblique de la création, je vois que les dirigeants doivent servir. Compassion et patience sont des vertus majeures ». La collaboration entre Moltmann et l’Institut des études sino-chrétiennes date de plus de vingt ans. « Il a beaucoup soutenu notre mouvement ». De nouveaux talents apparaissent.

 

Amitié

Ce film s’achève par une séquence sur l’amitié. Jürgen Moltmann a écrit de très belles pages sur l’amitié (5). Et on voit dans cette séquence combien l’amitié a été une trame de sa vie inspirant ses relations en tous domaines, et notamment dans sa vie professionnelle. Ce film commence par le thème de l’amour et s’achève par le thème de l’amitié.

Jürgen Moltmann : « Je crois à l’amitié entre les hommes et les femmes dans le mariage, entre les professeurs et les étudiants, entre les peuples du monde ».

Michael Welker rapporte sa relation d’amitié avec Jürgen Moltmann. Il a commencé ses études à Heidelberg, et puis admirant la « théologie de l’espérance » de Moltmann, il l’a rejoint comme jeune assistant. Il raconte comment Jürgen Moltmann a eu immédiatement avec lui une relation de dialogue et de partage, se fiant à lui, par exemple, pour la relecture de ses livres : « Nos relations ont été très libres sans aucune volonté de supériorité de la part de Moltmann. Cela a été une relation d’encouragement mutuel et d’amitié mutuelle ». Ainsi Michael Welker est bien placé pour nous parler de Jürgen Moltmann aujourd’hui : « Il est jeune de cœur, jeune d’esprit. C’est un brillant théologien, mais c’est aussi un être humain merveilleux ».

Très présent dans ce film, Miroslav Volf a aussi une relation profonde d’amitié avec Moltmann : « Jürgen Moltmann est le plus important partenaire en conversation que j’ai eu en développant ma propre théologie. Son œuvre sur la Trinité a été particulièrement importante pour moi, notamment dans son rapport avec le Dieu crucifié. Il m’a influencé, mais je pense que son influence a été très, très, significative au niveau de sa manière de faire de la théologie. Il est toujours concret, mais il recherche aussi les enjeux qui touchent les gens aujourd’hui et qui concernent des problèmes contemporains. Et il apporte la lumière de l’Evangile. Jürgen a été pour moi un père intellectuel… »

D’autres témoignages apparaissent comme celle de sa secrétaire encouragée dans son potentiel. Et on est ému par le témoignage de ses quatre filles.

Alors, on peut entendre, en conclusion, cette déclaration de Jürgen Moltmann comme l’expression d’une forte conviction : « Commencer une nouvelle vie, c’est selon Hannah Arendt, avoir la liberté de la commencer, de réaliser la possibilité de quelque chose de nouveau : Apporter la paix dans la guerre, la justice dans la violence, l’amour dans la haine.

Voilà ce qui est essentiel. Il y a un potentiel de créativité en chaque être humain et je désire éveiller cette créativité en toute personne ».

 

Une expression vivante en devenir

Ce film nous parle de la vie et de l’œuvre de Jürgen Moltmann. Nous y voyons la réception de cette oeuvre à travers les interviews de plusieurs théologiens. L’accent est mis sur les livres qui ont interpellé l’univers théologique dans les années 1960 et 1970 : « Théologie de l’espérance » et « Dieu crucifié ». Pour nous, nous sommes également particulièrement sensibles à ce que nous percevons comme un élargissement de la vision de Moltmann dans les années 1980 et 1990, et notamment les livres : « L’Esprit qui donne la vie » et « Dieu dans la création ». Nous y découvrons l’œuvre de Dieu dans le monde et dans l’humanité. Moltmann est un pionnier de la théologie écologique.

L’œuvre de Moltmann nous paraît immense, un véritable continent. Alors, elle peut être reçue différemment selon les parcours et les sensibilités de chacun. Elle ouvre des pistes nouvelles et diverses. Ainsi peut-on entendre la tonalité de l’écoute chinoise et la participation de Moltmann aux études sino-chrétiennes et son appréciation du Tao Te Ching. Ce film met en évidence l’audience mondiale de la théologie de Moltmann.

Les paroles de Jürgen Moltmann égrenées ici témoignent d’une pensée en marche ouverte à l’avenir. Ainsi, nous ne voyons pas seulement dans ce film une célébration. Nous voulons y voir aussi une expression vivante en devenir.

Ce film nous parle de la vie de Jürgen Moltmann. Sa théologie est étroitement liée à l’expérience, à son expérience et à celle des autres. Ainsi peut-elle faire écho auprès de tous.

Nous voyons dans ce film une expression de bonté, de bienveillance, de respect. C’est l’attitude de Jürgen Moltmann et c’est, d’un bout à l’autre, la manière dont on s’exprime à son sujet. Le film s’ouvre sur le thème de l’amour et s’achève sur le thème de l’amitié. Ainsi, osons nous dire que nous ressentons ce film comme un hymne à l’amour.

Ici, c’est le témoignage d’un théologien dont l’œuvre exprime l’amour de Dieu et la présence de l’Esprit.

Ici, c’est le témoignage d’une communauté vivante qui se reconnaît dans cette inspiration.

Ici, c’est le témoignage d’une équipe chinoise qui a réalisé un film d’une grande délicatesse et d’une grande beauté.

J H

 

  1. « Vivre la découverte théologique à l’échelle du monde. L’anniversaire de Jürgen Moltmann célébré en Chine » » : https://vivreetesperer.com/vivre-la-decouverte-theologique-a-lechelle-du-monde/
  2. « The way of Christ. A documentary of Jürgen Moltmann » https://www.youtube.com/watch?v=23vndWJavAY&fbclid=IwAR1M9j2vUtC9SMveWgNUpVJZyl9RV9KXIjMwF6Wo9zFB7Rn_Pmo0bCi6oQo
  3. Pour mieux connaître et comprendre la vie et l’œuvre de Jürgen Moltmann, on se reportera à son autobiographie : Jürgen Moltmann. A broad place. An autobiography. SCM Press, 2007 : « Une théologie pour notre temps. L’autobiographie de JürgenMoltmann » https://www.temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/ On pourra voir aussi le blog : « L’Esprit qui donne la vie. Réfléchir et méditer avec Jürgen Moltmann » : https://lire-moltmann.com
  4. « Par delà la séparation » https://vivreetesperer.com/par-dela-la-separation/
  5. Un très beau texte sur l’amitié, p 343-348, dans : Jürgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999. Ici : https://vivreetesperer.com/amitie-ouverte/
  6. « Genèse de la pensée de Jürgen Moltmann » https://vivreetesperer.com/quelle-vision-de-dieu-du-monde-de-lhumanite-en-phase-avec-les-aspirations-et-les-questionnements-de-notre-epoque/
  7. « Le peuple de la voie », dans : Harvey Cox. The future of faith https://www.temoins.com/quel-horizon-pour-la-foi-chretienne-l-the-future-of-faith-r-par-harvey-cox/
  8. Jürgen Moltmann. The living God and the fullness of life. World Council of churches, 2016. « Le Dieu vivant et la plénitude de vie » https://vivreetesperer.com/le-dieu-vivant-et-la-plenitude-de-vie-2/
  9. « Femmes et hommes en coresponsabilité dans l’Eglise. Dialogue théologique entre Elisabeth Moltmann-Wendel et Jürgen Moltmann » https://www.temoins.com/femmes-et-hommes-en-coresponsabilite-dans-leglise/
  10. Tao Te Ching sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dao_de_jing

 

 

Reconnaître et vivre la présence d’un Dieu relationnel

 

indexExtraits du livre de Richard Rohr : The divine dance

Dans un article précédent (1), nous avons présenté le livre de Richard Rohr : « The divine dance. The Trinity and your transformation ». (La danse divine. Dieu trinitaire et votre transformation). Il nous parle d’un Dieu qui est communion d’amour et présence relationnelle. De nombreux commentateurs convergent  pour voir dans ce livre, un ouvrage original qui ouvre un nouvel horizon.

En attendant une traduction de ce livre en français, en voici quelques extraits dans une traduction en français qui ne relève pas d’une compétence professionnelle, mais qui s’efforce de rapporter une pensée vive et profonde.

Ces extraits suscitent notre réflexion. Ils nous questionnent et ils nous interpellent. Ils éveillent notre méditation. Ils nous invitent à lire le livre de Richard Rohr pour poursuivre notre découverte et notre recherche.

 

La présence unifiante de Dieu est déjà là

Au cœur de l’expérience spirituelle, «  accepter que nous sommes acceptés et vivre en conséquence ».

Mais tant d’obstacles au sein même de l’univers religieux : «  Nous vivons dans l’autoaccusation…. nous sommes convaincus que nous sommes indignes… nous avons été tellement anesthésiés à la bonne nouvelle de l’Evangile que la question de notre union à Dieu a été résolue une fois pour toute »… Il y a aussi la résistance d’un ego et d’une autosuffisance.

Mais la grâce est là. « Vous ne pouvez pas créer votre union à Dieu. Elle vous est déjà donnée. La différence n’est pas entre ceux qui sont unis à Dieu et ceux qui ne le sont pas. Nous sommes tous unis à Dieu, mais seulement certains d’entre nous le savent ».

(p 109)

Une vie bonne, c’est une vie en relation

Lorsqu’une personne est séparée, isolée, seule, la maladie menace.

« La voie de Jésus, c’est une invitation à une vision trinitaire de la vie, de l’amour, et de la relation sur la terre comme au sein de la Divinité. Comme la Trinité, notre nature, c’est de vivre en pleine relation. Nous appelons cela l’amour. Nous sommes faits pour l’amour et, en dehors de cela, nous mourons très rapidement ».

« Dieu est entièrement relation », nous dit Richard Rohr. « Je décrirai le salut comme étant simplement le désir et la capacité d’être en relation »

(p 46-47)

 

Etre ensemble

Richard Rohr nous rapporte une affirmation qui est présente dans les quatre évangiles à la fois : « Quiconque vous accueille m’accueille, et quiconque m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé »  (1).

« Si vous avez grandi dans le christianisme, vous avez entendu souvent ce verset. Mais vous êtes vous arrêtè pour réfléchir à ce qui  vraiment arrivait là ? Jésus dit qu’il y a une équivalence morale entre vous, votre prochain, le Christ et Dieu. C’est une chaine étonnante entre les êtres qui n’est pas évidente pour un observateur occasionnel.

Cette nouvelle ontologie, cette nouvelle manière de parcourir la réalité, est le cœur et le fondement de toute la révélation, de toute la révolution chrétienne. Cela vient profondément remodeler notre compréhension de qui Dieu est et ou il se trouve. Et aussi de qui nous sommes et où nous sommes.

Est-ce que vous allez recevoir cette vision ? Dieu n’est pas là bas à l’extérieur, ce que la religion a envisagé depuis le début. On doit se demander : quelle est l’expérience nouvelle qui a permis à tous les quatre évangiles de parler d’une manière si peu conforme et cependant si assurée ? ».

(1) Matthieu 10.40 Marc 9.37 Luc 10.16 Jean 13.20

(p 164)

 

Reconnaître le champ de la force divine.

« Comme nous accordons nos cœurs à une vision plus vaste, nous commençons à faire l’expérience de Dieu presque comme un champ de force pour emprunter une métaphore à la physique…. Et nous sommes tous déjà dans ce champ de force, que nous le sachions ou pas, de la même façon que des hindous, des bouddhistes, des gens de toute race et de toute nationalité . Dieu ne commence pas et ne s’arrête pas à une frontière.

Quand vous vous ouvrez au flux de la réalité fondamentale à travers votre vie, vous êtes une personne universelle qui vit au delà de ces frontières que les êtres humains aiment créer. Paul l’exprime joliment : «  Notre citoyenneté est dans les cieux ».

En devenant plus âgé, je suis devenu prêt quotidiennement à accepter et à faire confiance au champ de force en sachant qu’il est bon, qu’il est totalement de notre côté et que je suis déjà à l’intérieur. Comment pourrions-nous être en paix autrement ?

C’est seulement dans cette acceptation et cette confiance de base que je puis cesser de me polariser sur telle ou telle chose dans mon mental ou même de me créer des problèmes mentaux.

( p 111)

 

A l’encontre d’un pouvoir dominateur, une puissance partagée

  « La Trinité nous dit que le pouvoir de Dieu n’est pas domination, menace, coercition. A la place, il est d’une nature totalement différente, ce à quoi les disciples de Jésus ne se sont pas encore ajustés. Si le Père ne domine pas le Fils,, si le Fils ne domine pas le Saint Esprit et si l’Esprit ne domine pas le Père et le Fils, alors, il n’y a pas de domination en Dieu. Toute puissance divine est une puissance partagée, ce qui devrait avoir complètement changé la politique et la relation chrétienne. Dans la Trinité, il n’y a pas de recherche de pouvoir sur,  mais seulement un pouvoir avec,  un don sans retenue, un partage, un lâcher prise et, ainsi, une confiance et une réciprocité infinie. Il y a là une puissance pour changer nos relations dans le mariage, la culture et même les relations internationales… »

(p 95-96)

 

Trois

« Il faut une personne pour être un individu. Il faut deux personnes pour faire un couple. Et il faut au moins trois personnes pour faire une communautéTrois (« trey ») crée la possibilité pour les gens d’aller au delà de leur intérêt personnel. C’est le commencement d’un sens du bien commun, d’un projet commun au delà de ce qui correspond aux intérêts personnels. Trois crée de la stabilité et de la sécurité qui est essentielle pour une communauté.

Parce que la réalité ultime de l’univers révélée dans la Trinité est une communauté de personnes en relation les unes avec les autres, nous savons que trois (« trey ») est le seul moyen possible pour les gens de se relier les uns aux autres avec l’individualité de chacun, la réciprocité de deux, la stabilité, objectivité et subjectivité de trois »   (d’après Dave Andrews)

(p 101)

 

Une confiance naturelle à l’exemple de l’enfant

« Tournons-nous vers l’exemple de l’enfant pour réaliser la vertu naturelle de l’espérance. Les experts en marketing nous disent que les enfants (et les chiens) sont encore plus efficaces que le sexe dans la publicité. Pourquoi ? Parce que les enfants et les chiens sont encore remplis par une espérance naturelle et l’attente qu’on répondra à leur sourire. Ils tendent à établir un contact direct à travers leur regard… C’est l’être pur, c’est le flux sans inhibition.

C’est pourquoi Jésus nous a dit d’être comme des enfants. Il n’y a rien qui arrête le pur flux qui s’exprime dans un enfant ou dans un chien. Et c’est pourquoi quiconque a une once d’humanité et d’amour en lui est sans défense vis à vis d’une telle présence »

C’est une évocation de la présence de Dieu. « Nous voyons dans ce flux toute attirance pour la beauté, toute admiration, toute extase,  toute la solidarité avec la souffrance. Quiconque qui s’ouvre pleinement au flux verra l’image divine même dans des lieux qui sont devenus laids ou défaits. C’est la vision universelle de la Trinité »

( p 81-82)

 

Tous solidaires

« Nous ne pouvons séparer Jésus du Dieu trinitaire. Cependant, le pratiquant moyen n’a jamais eu la chance d’accéder à une économie de la grâce bien plus vaste »…

Nous pensons dans une perspective de rareté. Elargissons notre horizon. L’espérance elle-même s’applique en premier au collectif. Nous avons cherché à susciter de l’espérance chez un individu isolé dans un cosmos, une société et une humanité voués à la désespérance et à la punition. Il est très difficile pour des individus de jouir de la foi, de l’espérance et de l’amour, et même de prêcher la foi, l’espérance et l’amour, qui seuls élèvent, si la société elle-même ne jouit pas de cette foi, de cette espérance et de cet amour. C’est une bonne partie de notre problème aujourd’hui. Nous n’avons pas donné au monde un message à la dimension  cosmique

Dieu, en tant que Dieu trinitaire, donne de l’espérance à la société dans son ensemble parce que cela découle de la nature même de son existence et non sur les conduites fluctuantes et instables des individus ».

(p 81)

 

Louange de la création

 Dans une œuvre créatrice, L’Esprit Saint tend à multiplier continuellement des formes toujours nouvelles de créativité et de vie. On dit que 2/3 des formes de vie existent sous les mers. Et un tiers d’entre elles n’ont jamais été entrevues par un œil humain . « Qu’est-ce qu’une forme de vie en dehors de nous pour le voir ? » peuvent s’imaginer des humains autocentrés. Leur valeur ne dépend pas de notre reconnaissance à leur sujet. Comme les psaumes le disent de nombreuses manières, « les cieux proclament la gloire de Dieu » (Psaume 19.1).

De fait, la grande majorité des animaux et des fleurs qui ont existé, n’ont jamais été observés par l’œil humain. Ils forment le cercle universel de la louange. Simplement en existant, en ne faisant rien, toute chose rend grâce à Dieu. Toute chose. En existant, simplement en existant. C’est le fondement. Si vous désirez être un contemplatif, c’est tout ce que vous avez besoin de savoir. Toute chose, en étant elle-même, donne pure gloire à Dieu…. »

Richard Rohr cite ensuite une écrivaine appréciée : Annie Dillard. « Nous sommes là pour témoigner de la création et pour l’encourager. Nous sommes là pour remarquer chaque chose de telle manière à ce que chaque chose se trouve remarquée. Ensemble nous remarquons chaque ombre d’une montagne,  chaque pierre sur la plage, mais tout particulièrement, les beaux visages et natures complexes des uns et des autres…Autrement, la création serait en train de jouer dans une maison vide ».

(p 187-188)

 

L’Ecriture en mouvement

« L’Ecriture est à la fois pleinement humaine et pleinement divine. Elle est toujours écrite par des humains dans une perspective humaine. Nous l’appelons « Parole de Dieu », mais la seule « Parole de Dieu » endossée sans équivoque dans les pages de la Bible, c’est Jésus, le Logos éternel.

Dans mon livre : « Des choses cachées. L’Ecriture comme spiritualité », j’ai décrit la Bible comme une progression graduelle allant de l’avant. Le narratif est en mouvement vers une théologie toujours plus développée de la grâce, jusqu’à ce que Jésus devienne la grâce personnifiée. Mais c’est un concept que le psychisme humain n’est jamais complètement prêt à accepter. Nous résistons et vous verrez aussi dans la majorité des textes bibliques ce que l’anthropologue René Girard appelle « un texte en travail », un texte souffrant….

C’est encore vrai dans le Nouveau Testament, où même les déclarations de Jean sur l’amour inconditionnel sont encore accompagnées de lignes qui semblent impliquer un amour conditionnel, ainsi : « Si vous obéissez à mes commandements » est formulé à plusieurs reprises…Psychologiquement, les humains ont réellement encore besoin de quelque amour conditionnel pour aller vers la reconnaissance et le besoin d’un amour inconditionnel.  Nous avons reçu la promesse d’un plein amour (grâce) ici et maintenant, mais c’est toujours trop à croire pour l’esprit et pour le cœur….

Le texte biblique reflète à la fois la croissance et la résistance de l’âme. L’Ecriture est une symphonie polyphonique,  une conversation avec elle-même où elle joue des mélodies et des dissonances, trois pas en avant, deux pas en arrière. Progressivement et finalement, les trois pas l’emporteront. Le texte se déplace inexorablement vers l’inclusivité, la grâce, l’amour inconditionnel et le pardon. J’appelle cela « l’herméneutique de Jésus ». Interprétez les Ecritures de la manière dont Jésus l’a fait. Il ignore, dénie ou s’oppose ouvertement à ses propres Ecritures, quand elles sont impérialistes, punitives, exclusivistes ou tribales. Vérifiez par vous-même…. »

( p 136-137)

 

Ouvrir notre horizon

Faut-il redouter les apports d’autres traditions religieuses ?

« Dans notre climat fortement polarisé, je sais que certains chrétiens ont appris pendant des générations à redouter tout ce qui ne vient pas « purement » de « nos » sources ». Cependant, « notre propre Ecriture  contient des exemples d’apports appréciés d ‘éléments de fois environnantes… Nous sommes peureux. Dieu, apparemment, est sans peur…Si la vérité est la vérité, si Dieu est un, alors il y a une réalité et il y a une vérité… Ne pourrait-on pas être heureux quand d’autres religions déduisent approximativement la même chose ?… »

Richard Rohr a vécu en Inde, berceau d’une tradition religieuse très ancienne. « Dans la théologie et dans le langage hindou, il y a trois qualités de Dieu et donc de toute réalité. J’ai entendu fréquemment ces mots : « sat, chit, ananda ».

Sat est le mot correspondant à l’Etre (Being). Dieu est l’Etre lui-même. L’Etre universel, la source de tout être, nous l’appelons le Père.

Chat est le mot pour conscience et connaissance. Dieu est conscience et esprit. Est-ce que cela ne rappelle pas le Logos ? Naturellement, notre concept biblique de Logos a été emprunté à la philosophie grecque. L’auteur de l’Evangile de Jean a déjà fait ce que je fais maintenant :  emprunter à une sagesse extra-biblique, extra-judaïque.

Et finalement, Ananda. Cela signifie : bonheur, béatitude. Est-ce que cela ne résonne pas comme la joie de l’Esprit Saint, le bonheur que vous pouvez expérimenter lorsque vous vivez sans résistance dans le flux. Vous ne savez pas d’où Il vient, ce que Jésus dit à propos de l’Esprit . Comme la grâce elle-même, ananda est un don qui vient de nulle part »…

Je n’ai pas à travailler dur pour reconnaître ici la dimension trinitaire :

Sat-Chit-Ananda.

Etre, connaissance, bonheur

Père, Fils, Esprit.

La vérité est une et universelle

(p 140-141)

 

S’ouvrir au mystère

« C’est seulement Dieu en nous qui comprend les choses de Dieu. Nous devons prendre cela très au sérieux et savoir comment il opère en nous, avec nous, pour nous, comme nous. L’échec dans l’accès à notre propre système de fonctionnement a rendu une part du christianisme très immature et superficiel avec des clichés de seconde main au lieu d’une expérience calme, claire et immédiate de la réalité. Cela nous a laissé du côté de l’argumentation plutôt que de l’appréciation… ainsi, tout ce qui reflète un mystère reste statique dans la forme de dogmes et de doctrines, hautement abstrait, densément métaphysique et largement non pertinent.

Pourquoi l’athéisme occidental se développe-t-il ? Pourquoi les chrétiens occidentaux produisent-ils le plus grand nombre d’athées ? Ce que crois, et j’ai dédié ma vie à renverser la tendance, c’est que nous n’avons pas porté le dogme et la doctrine au niveau de l’expérience intérieure. Aussi longtemps que l’enseignement reçu ne devient pas une connaissance expérientielle, nous continuons à créer une grande quantité de croyants désabusés ».

(p 123-124)

 

Guidance

« La vie de foi, c’est un chemin vigilant pour apprendre comment demeurer paisiblement dans un Amour ultime et dans une Source infinie. D’une façon très pratique, vous serez alors capables de découvrir avec confiance que vous êtes gardés et guidés. De fait, après quelque temps, vous pourrez avoir confiance que presque tout est en forme de guidance, absolument tout. Votre capacité à faire confiance à la réalité d’une guidance, va lui permettre de se révéler. Etonnante logique, mais ne l’écartez pas jusqu’à ce que vous ayez sincèrement essayé. J’ai confiance que vous en viendrez à voir que c’est vrai dans l’économie divine des choses…

Certes, votre jugement calculateur pourra douter. Quand vous doutez de la possibilité de telles choses, vous arrêtez le flux. Mais si vous demeurez dans la disposition de permettre et de faire confiance, l’Esprit en vous, vous permettra de lâcher prise avec confiance. Il y a une raison pour cela.  Je suis en train de vivre comme le fleuve s’écoule, porté par la surprise de son/mon déroulement. Je suis conduit. C’est bon…

S’il vous plait, n’entendez pas que j’adopte une approche fataliste, comme si vous ne pouviez travailler pour améliorer et changer la situation. En fait, c’est tout le contraire. Vous pouvez.

Mais ce que je suis en train de vous dire, c’est ce qui doit venir en premier à votre cœur et à votre âme doit être un oui et non un non, la confiance au lieu de la résistance. Et quand vous pourrez avancer avec vos ouis et vous permettre de voir Dieu dans tous les moments de votre vie, vous reconnaitrez qu’une telle énergie n’est jamais gaspillée, mais génère toujours de la vie et de la lumière »

(p 97-98)

Ces passages du livre de Richard Rohr et de Mike Morrell : « The divine dance » ouvrent des avenues pour notre réflexion et des pistes pour notre méditation. Si cette lecture suscite des échos, elle pourra inciter un éditeur à entreprendre une traduction en français.

(1)            Richard Rohr with Mike Morrell. The divine dance. The Trinity and your transformation. SPCK, 2016.  Mise en perspective sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=2758

 

Sur ce blog, dans le même esprit de stimulation et d’incitation, nous avons également présenté des extraits du dernier livre de Jürgen Moltmann : The living God and the fullness of life (Le Dieu vivant et la plénitude de vie) : https://vivreetesperer.com/?p=2758

 

 

Entrer dans la bénédiction

#

Bénir, c’est participer à l’œuvre de Dieu en répandant la paix : au sens de « shalom », une paix entendue, dans un sens très large : plénitude, harmonie, santé.

 

         En nous parlant ainsi de la bénédiction, Jean-Claude Schwab nous ouvre un horizon de vie.

         Récemment, on pouvait lire sur la lettre d’une entreprise de télécommunication (1), un message éclairant : « Allô provient de l’ancien mot anglais : hallow (sois béni), le salut des marins quand leurs bateaux se croisaient. Au fil du temps, le mot se transforme en hello. Ce sont les standardistes qui démocratisèrent l’usage du hello au téléphone qui devint phonétiquement notre allô français ». Aujourd’hui, à une époque où l’interconnexion est désormais une caractéristique majeure de notre existence, il est bon de se rappeler que le bon exercice de la communication dépend de la reconnaissance d’une dimension qui fonde une confiance réciproque. Tel était le cas de ces marins d’autrefois lorsqu’ils se saluaient en terme de bénédiction.

         Et, de même aujourd’hui, nous savons combien notre existence dépend de la qualité des relations qui donnent forme à notre environnement. Nous comprenons l’importance de notre manière de penser. Actuellement, de nombreuses recherches montrent les effets bénéfiques d’une pensée positive tant à l’égard des autres qu’à  l’égard de nous-même (2). Nous voyons là une disposition de la création qui trouve signification et vigueur dans la bénédiction.. Et d’ailleurs, dès le milieu du XXè siècles, des thérapeutes chrétiens comme Agnes Sanford et Norman Peale (3) ont témoigné d’une expérience des effets d’une pensée de bénédiction à  l’intention de tel ou tel.

         Lorsque nous croyons que Dieu est présent et agissant au cœur même de notre monde, nous voyons en lui la source de vie, la puissance d’inspiration qui porte tout ce qui va dans le sens de la vie.Il nous appelle à participer à son œuvre (4). Nous sommes tous appelés à entrer dans la bénédiction.

          Dans le passé, Jean-Claude Schwab, pasteur de l’Eglise Réformée en Suisse romande, a animé des sessions à Témoins dans le cadre de l’AFRAI, une association chrétienne se donnant pour but de manifester l’action de Dieu pour le développement et la restauration de la personne dans toutes ses dimensions (5) . Il anime également des sessions durant les vacances d’été (6). L’une d’entre elles a été consacrée au thème de la bénédiction. Dans un numéro du magazine Témoins, nous avions recueilli à ce sujet les propos de Jean-Claude Schwab qui nous fait entrer dans le mouvement de la bénédiction : affirmer la bénédiction ; reconnaître la bénédiction ; répandre la bénédiction,  comme une manière bienfaisante de penser et de vivre.

         Récemment, les numéros du magazine Témoins ont été numérisés et mis en ligne (7) sur le site de Témoins, le site de « la culture chrétienne interconfessionnelle ». On pourra donc y consulter cet article dans le cadre même du numéro dans lequel il a été publié (novembre-décembre 2000) (8).

#

J.H.

#

#

Entrer dans la bénédiction

 

         Bénir, c’est proclamer la paix, agir en faveur de la paix, établir un espace de paix.  Ici, on doit entendre le mot « paix » d’une façon très large, en retournant au terme hébraîque originel : Shalom.  Shalom signifie la plénitude, l’harmonie, la santé, tout ce qui concourt à l’accomplissement de l’homme. Mais ce terme exprime aussi la restauration de l’être, le salut. En proclamant la paix, la bénédiction exprime l’action de Dieu dans la création et dans la rédemption.

#

Affirmer la bénédiction

#

         Lorsque Jésus chasse les vendeurs du Temple, sa colère ouvre un espace pour la bénédiction (Mat 21. 12-16). Ce lieu n’était plus un espace de liberté et d’adoration, mais l’objet d’un envahissement. Cette situation évoque tout ce qui surgit en nous et fait opposition au moment où l’on veut faire place au silence, à l’intimité, à la rencontre. Les préoccupations, les sollicitations font barrage. A l’instar de la colère de Jésus, sans doute sommes-nous appelés parfois à poser des actes clairs, à laisser notre énergie s’exprimer pour rétablir les choses. Dans l’épisode rapporté de l’évangile, il ne faut pas moins que la colère de Jésus pour rétablir l’ordre originel, un espace sabbatique. Alors la rencontre peut avoir lieu. Les enfants expriment leur louange d’une façon toute simple et naturelle.  Les malades peuvent s’approcher pour être guéri. Le projet de Dieu se réalise.

         Mais, en même temps, les textes synoptiques nous disent qu’à la suite de cet incident, les ennemis de Jésus s’entendent pour le faire mourir. Ainsi, Jésus signe de sa mort cette œuvre de libération. C’est dire combien, à ses yeux, cet espace pour la bénédiction,au cœur de nos vies, est vital. Il a fallu l’action virulente de Jésus pour que les gens puissent s’approcher de Lui au temple. Jusque là, ils ne le pouvaient pas. Bien sûr, ils ont reçu de lui de grands bienfaits,  mais ceux-ci sont un effet de sa présence. Cette simple présence, sa proximité, est bénédiction. C’est à travers la présence de Dieu que s’établit le Shalom, plénitude et harmonie, puissance de restauration personnelle et relationnelle.

#

Reconnaître la bénédiction

#

         La présence et l’action bénissantes de Dieu sont à l’origine de l’univers, mais elles sont aussi à l’origine de ma vie. « C’est Toi qui m’a tissé dans le sein de ma mère. Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse » (Psaume 139. 13-14) « Tu m’as fait sortir du sein maternel. Tu m’as mis en sûreté sur les mamelles de ma mère » (Psaume 22.10).

         Ainsi, mon Dieu, Tu as pris soin de moi dès l’origine.  Tu m’as donné des signes d’amour qui m’ont permis de vivre.  Sans ces signes, je n’existerais pas. J’ai reçu ainsi la confiance originelle qui est le fondement du développement humain. Il y a eu des dérapages ensuite dans ma vie. Mais j’ai reçu ce fondement, cette grâce d’exister. Si je n’en suis pas conscient, je suis appelé à réaliser que la bénédiction est à l’œuvre pour moi, depuis mon origine. Cette prise de conscience est une bénédiction en soi, une nouvelle bénédiction.

         « Mon âme, bénis l’Eternel, n’oublie aucun de ses bienfaits ». Cette exhortation à soi-même (Psaume 103) m’appelle à bénir Dieu pour ma vie et, pour cela, à faire mémoire de ma vie. C’est une démarche importante à faire périodiquement. Il y a là un travail en quête de sens, en quête des traces de Dieu. Quel est le fil conducteur pour ma vie ? Je rends grâce pour le bien et, dans les côtés négatifs, je cherche à reconnaître la main de Dieu qui utilise tout. Quand il y a du sens, il y a quelqu’un qui est derrière. Je découvre ce quelqu’un qui est avec moi.  Il y a là une attitude à acquérir : savoir reconnaître la présence de Dieu à l’œuvre dans ma vie.

#

Répandre la bénédiction

#

         « Que l‘Eternel te bénisse et te garde. Que l’Eternel fasse luire sa face et qu’il t’accorde sa grâce.  Que l’Eternel tourne sa face vers toi et qu’il te donne la paix » (Nombres 6, 24-26) . La bénédiction d’Aaron, traditionnelle dans le judaïsme, nous introduit dans une attitude de bénédiction .

         « Bénissez, ne maudissez pas » nous rappelle Paul (Romains 12.14), en écho à la parole de Jésus (Matthieu 5.44). Ce précepte nous invite à une attitude intérieure. Bénir les gens autour de nous, c’est avoir un regard positif sur eux, leur souhaiter le meilleur, les mettre intérieurement en relation avec Dieu, invoquer sur eux sa protection.

         Pour exprimer à l’autre la bénédiction de Dieu, il faut apprendre à se rendre présent à lui, entrer dans le concret d’une relation.  Je me réfère à l’attitude de Jésus lorsqu’il guérit un sourd-muet dans l’évangile de Marc (ch 7. 23-25). En quelque sorte, Jésus apprivoise cet homme. Il le prend à part, il entre en proximité avec lui en le touchant.  Jésus soupire intérieurement, lève les yeux au Ciel et dit à l’homme : « Ouvre-toi ». Présent à lui-même dans son soupir, Jésus est présent au Père et exerce une présence de libération vis-à-vis de cet homme.

         Pour moi, la parole et la présence sont deux réalités qui doivent aller de pair. Ainsi, bénir l’autre explicitement, c’est se rendre présent à lui et dans l’humilité, se faire simplement le serviteur d’une Parole. Entrons ensemble dans la bénédiction de Dieu.

 

Propos recueillis auprès de Jean-Claude Schwab

#

(1)            La lettre. Ligne fixe. orange, mai-juin 2013

(2)            « La dynamique de la conscience et de l’esprit humain. Un nouvel horizon scientifique. D’après le livre de Mario Beauregard : « Brain wars ». http://www.temoins.com/etudes/la-dynamique-de-la-conscience-et-de-l-esprit-humain.-un-nouvel-horizon-scientifique.-d-apres-le-livre-de-mario-beauregard-brain-wars.html

(3)            Agnes Sanford inscrit la prière de guérison dans une compréhension des interrelations entre la pensée et le corps :       Sanford (Agnes). La lumière qui guérit . Delachaux et Niestlé, 1955. Norman Vincent Peale a découvert l’apport de la psychologie dans le développement spiritueL Il donne à un de ses livres intitulé au départ : « Puissance de la foi », le titre : « Puissance de la pensée positive » pour que celui-ci puisse s’adresser à tous et pas seulement aux croyants pratiquants. Peale (Norman Vincent).  La puissance de la pensée positive. Marabout, 1990

(4)            Sur ce blog, la contribution d’Odile Hassenforder : « Dieu, puissance de vie. Les projets de Dieu pour moi, pour l’humanité, pour l’univers sont des projets de bonheur et non de malheur ». https://vivreetesperer.com/?p=1405

(5)            Les interventions de Jean-Claude Schwab à Témoins ont été suivies par la publication de deux textes : « Voici une bonne nouvelle : habiter mon corps » :  http://www.temoins.com/developpement-personnel/voici-une-bonne-nouvelle-habiter-mon-corps/toutes-les-pages.html    et : « Au cœur du cyclone » : http://www.temoins.com/parole-ouverte/au-coeur-du-cyclone.html  On se reportera également à une récente contribution de Jean-Claude Schwab sur ce blog : « Accéder au fondement de son existence »  https://vivreetesperer.com/?p=1295

(6)            Jean-Claude Schwab participe activement à l’association : Expérience et Théologie : http://www.experience-theologie.ch/accueil/

(7)            La mémoire de Témoins : http://www.temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=959&catid=30

(8)            Témoins. Novembre/Décembre 2000  http://temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=993&catid=29

Odile Hassenforder : « Sa Présence dans ma vie ». Un témoignage vivant

 #

sa-presence-dans-ma-vie--parcours-spirituel.jpg

#Il y a cinq ans, en 2011, les Editions « Empreinte Temps présent » publient un recueil de textes d’Odile Hassenforder : « Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel » (1). L’éditeur présente ce livre en ces termes :

« Comment Dieu se rend-il présent à nos vies ? Comment garder confiance malgré les épreuves ? Odile Hassenforder nous guide dans cette recherche de plénitude et partage avec nous une expérience qui a changé sa vie, nous offrant ainsi un véritable condensé d’espérance.

Le livre alterne témoignage d’un riche vécu de foi-guérisons, groupes de prière, accompagnement spirituel-et méditations de textes bibliques. L’auteure y transmet avec talent ses compétences psychologiques et son expérience spirituelle. Elle nous convie à une dimension extra-ordinaire, qui donnera une nouvelle saveur à nos existences ».

 

Un livre qui parle au cœur et à l’esprit

Depuis sa parution, ce livre a fait l’objet de commentaires qui témoignent de la manière dont il parle au cœur et à l’esprit. En voici quelques uns :

Paul. Un ami médecin
« J’ai beaucoup apprécié la présentation de la vie et de la pensée d’Odile.
Oui, Odile a été une vraie témoin de l’amour de Dieu.
A aucun moment de sa maladie qui a été un très long chemin, je ne l’ai jamais sentie en révolte.
Elle puisait la Vie directement dans la Vie éternelle.
Elle reste pour moi un être qui a su vivre sa foi en pleine lumière ».

Anne. Professeur. Expérience charismatique
« Ayant eu le privilège de voir Odile juste avant son voyage vers le Père, moment où la vérité profonde de l’être se fait dense, je trouve que les pages que j’ai lues, donnent à ce moment un sceau d’éternité.
Pour moi, la parole prophétique qu’elle a prononcée en ma présence, se déroule sous mes yeux : « Le Seigneur continue son œuvre » à travers elle en nous la laissant proche de nous, sur notre table de chevet. Quel cadeau ! »

Véronique. Une amie d’une famille amie. Musicienne
« Merci d’avoir ouvert la malle aux trésors !
A la lecture de ces textes, j’ai été profondément touchée. Ils sont pour moi un enseignement précieux. Ils m’éclairent sur le chemin.
Beaucoup sont des témoignages magnifiques qu’Odile nous laisse comme des cadeaux de vie. Ils sont basés sur du concret, sur des faits de vie toujours à la lumière de la Parole de Dieu et débouchant sur une vraie réflexion qui ne cesse de m’interpeller, car je les lis, je les relis tranquillement ; la plupart se lisent facilement, parlant à la  fois au cœur et à l’esprit.
Je pense que beaucoup de gens peuvent être touchés à travers ces écrits ».

Henri. Cadre. Institution sociale.
« Très ressourçant. Source de méditation. Un livre qui invite à la louange. Un ouvrage bien présenté, facilement accessible. Superbe. Bien pour des tas de gens ».

Evelyne. Théologienne.
« Ce livre va être mon livre de chevet spi pour le mois à venir.
Je suis vraiment heureuse de partager cela. C’est vraiment bien que cet échange puisse être continué avec d’autres et fécond au delà de la séparation et de la transformation des liens ».

Fred. Animateur
« Ce livre nous permet de prendre conscience de la profondeur de la vie. Une œuvre qui donne à réfléchir, mais aussi qui incite à l’admiration et à la contemplation de la création. Un hymne à l’espoir. Un cri d’amour pour la vie ».

Françoise. Retraitée. Culture philosophique
« C’est avec beaucoup d’empathie, d’admiration et de reconnaissance que j’ai lu ce témoignage.
Ce qui me frappe, c’est l’intelligence de l’écriture ciselée par la vie, ciselée par la foi et comme tissées ensemble ».

Elisabeth. Cadre. Institution sociale
« J’ai lu ce livre à plusieurs reprises et je reprends des passages régulièrement. Ce livre est fascinant et admirablement bien écrit. Les remarques sont profondes et pleines d’éternité. On sent qu’Odile a vraiment vécu les différents passages, car c’est exprimé avec simplicité et vérité. J’y trouve tous les jours des encouragements. Cet ouvrage est pour moi une exhortation quotidienne ».

 

Un message qui passe à travers des rencontres

Il venait de passer une consultation d’oto-rhino, lorsque de retour auprès de l’assistante, celle-ci l’interrogea en évoquant le livre de Madame Hassenforder. Et, à sa grande surprise et à son grand bonheur, elle lui dit combien ce livre l’avait touchée (2). Une brève conversation en résulta.  « Grande lectrice », et même dans le passé, engagée dans des travaux d’édition, elle avait découvert « Sa présence dans ma vie » à la librairie « La Procure », en regardant les ouvrages présentés au public.

A la lecture de ce livre, elle a été touchée par la « sincérité » de son auteure : Odile Hassenforder. Ce livre l’a impressionnée parce qu’il invitait le lecteur à entrer dans « une autre dimension ». Il y a un chapitre dans cet ouvrage : « Dame confiance » qui apporte un témoignage concernant la confiance (3). Mais cet état d’esprit est présent dans la dynamique qui se manifeste dans la plupart des textes. Aussi, c’est bien ce terme que la lectrice a « mémorisé ». « J’ai compris qu’il suffisait d’un mot pour que la situation change de plan ».

Aujourd’hui, nous dit-elle, maintenant, j’hésite à dire « courage » aux gens. Mais aux personnes en difficulté, je dis : « bonne confiance ». Et « j’utilise cette expression au moment de la nouvelle année » et aussi aux anniversaires. Je souhaite « bonne confiance » dans les situations où il y a un mouvement de « bascule ». « Les personnes y sont extrêmement sensibles. Je sais que j’ai touché à quelque chose de beaucoup plus profond. Cette expression aide à prendre de la hauteur par rapport à la situation ». La confiance nous permet d’entrer dans une double dimension : « Se sentir en lien, et aussi pouvoir relire la situation avec un autre regard ».

Ainsi, ce livre, découvert sur un présentoir de librairie, a produit du fruit. « Je ne crois pas au hasard. Je crois aux rencontres. J’ai mémorisé ce livre. J’en ai extrait l’essentiel ». Et voyant combien j’étais concerné par ce livre, elle me dit une parole qui m’est allée droit au cœur : « Le message est passé ».

 

La vie et la pensée d’Odile Hassenforder

Ce livre nous présente des expériences de vie, des témoignages, des réflexions, des méditations. Mais quel a été le chemin de vie d’Odile Hassenforder. Pourquoi et comment a-t-elle écrit ? Comment ses textes ont-ils été rassemblés et publiés dans la forme de ce livre ? Voici l’introduction du livre qui répond à ces questions.

Odile Hassenforder a quitté la vie terrestre le 11 mars 2009. La célébration qui a suivi a manifesté l’amour et la reconnaissance qui lui étaient portés de toute part. Au long des années, non seulement elle a activement participé à des groupes et associations, mais elle a été en relation avec de nombreuses personnes dans une démarche d’entraide psychologique et spirituelle. Plusieurs d’entre elles ont ainsi témoigné comment Odile leur a permis de sortir d’une impasse, voire d’un gouffre. Cette attention, cet esprit d’entraide étaient fondés sur une expérience spirituelle enracinée de longue date, au cœur même de sa personnalité. Sa conscience de l’amour et de la bonté de Dieu se traduisait dans l’amour et l’attention qu’elle portait à tous ceux qui l’entouraient : sa famille, ses ami(e)s, de nombreuses relations. Son expérience de la grâce de Dieu et de sa puissance de vie lui a également permis de faire face, durant les dernières années, à une atteinte cancéreuse, dans un contexte où elle a bénéficié en retour de l’aide de nombreux amis et soignants. Dans les derniers jours, ils ont été témoins du rayonnement qui se dégageait de sa personnalité. Ses dernières paroles ont été des expressions de foi et d’amour.

Ces quelques observations ont simplement pour but de présenter celle qui vient aujourd’hui s’entretenir avec vous. En effet, dans les dernières années de sa vie, Odile a manifesté à plusieurs reprises son désir de transmettre une expérience et une réflexion qui se sont développées au cours de toute son existence. Ainsi a-t-elle exprimé dans plusieurs écrits un grand désir de communiquer un message d’amour et de vie. Sont repris ici quelques passages de ces textes que vous allez découvrir au fil des pages. «Ce que j’ai la joie de partager aujourd’hui est la découverte des bienfaits de Dieu : manifestation de sa bonté infinie que j’ai pu ressentir, de sa magnificence que j’ai pu reconnaître dans sa création, de sa présence dans l’énergie vitale de tout ce qui existe. (…) Cette joie de reconnaissance explose en moi. J’ai envie de la partager. La vie vaut la peine d’être vécue ! » (« Désir de partage »). Quelques années plus tôt, elle avait déjà exprimé la même intention et elle s’adressait ainsi à nous: « En pensant au lecteur qui parcourra ces lignes, mon souhait le plus profond, c’est qu’à travers cette lecture, il puisse, à son tour, louer Dieu pour les merveilles qu’il découvre en lui et dans sa vie » (« Être reconnaissant »). Ces mots ont été écrits dans les dernières années de la vie d’Odile, au moment où elle faisait face à la menace de la maladie. C’est dire la force de sa conviction. Mais comme on pourra le voir dans ce recueil, le cœur de ce message s’est affirmé très tôt à partir d’une expérience fondatrice et s’est ensuite décliné à travers toute une existence dans des expressions très variées.

Il importe de donner ici quelques points de repère à propos de la vie d’Odile. Début 2008, préparant une session œcuménique d’exercices spirituels ignaciens, Odile a indiqué elle-même quelques jalons de son itinéraire spirituel (« Parcours spirituel »). Elle exprime un événement capital en ces termes : « 1973. Rencontre de notre petit groupe de partage spirituel avec le renouveau charismatique catholique. Au même moment, un pasteur pentecôtiste « spirituel au delà des doctrines » prie avec son église pour ma guérison. Huit jours après ma première démarche, le dernier jeudi d’octobre 1973, à 23 heures, après une réunion de prière dans la crypte de Saint Suplice, je sors d’une seconde à l’autre d’une dissociation de personnalité. Baptême dans l’Esprit… Depuis ce jour, méditation quotidienne de la Bible ». Il y a là une expérience fondatrice qui a suscité une transformation majeure dans la vie d’Odile et qu’elle a décrite dans plusieurs textes publiés dans ce livre (« Expérience fondatrice »). Trente ans plus tard, elle s’y réfère encore dans ces quelques lignes : « Je ne me crois pas meilleure que les autres. Depuis le jour où Dieu s’est révélé à moi à travers une prière exaucée et où j’ai découvert que je recevais de lui une paix et une plénitude, je suis entrée dans un univers spirituel, une nouvelle dimension. Dans la relation avec Dieu, en Jésus-Christ, je suis assurée de sa sollicitude jusque dans l’éternité » (« Libre parole sur la venue du Dalaï Lama »).

A partir de cette expérience fondatrice, la vie d’Odile va prendre un nouveau cours. En effet, elle s’investit dans un groupe de prière interconfessionnel, « le Sénevé » où elle transmet son inspiration. Elle développe une activité de partage autour de la Bible. Elle allie formation psychologique, expérience spirituelle et un sens du dialogue empreint d’amour et de respect pour apporter une aide à des personnes en difficulté. Dans une position de responsabilité, elle participe également à l’animation de « Témoins », association chrétienne interconfessionnelle et à la production de son magazine. Sa vie familiale continue à se dérouler dans l’amour qu’elle porte aux siens. Ses petits-enfants étaient chers à son cœur. Elle poursuit une activité intellectuelle et culturelle dans une vaste gamme de centres d’intérêt comme en témoigne « Mosaïque itinéraire de lecture » qui exprime aussi sa recherche spirituelle. Elle manifeste également un penchant pour l’expression poétique. Durant les années 80 et 90, cette « vie en mouvement » s’exprime dans des textes qui manifestent ces orientations et aussi un approfondissement de sa vie spirituelle.

Dans la dernière décennie, la santé d’Odile fut attaquée sur plusieurs fronts. Face à la remontée de souvenirs traumatisants issus de son enfance et de son adolescence, elle s’engage dans une psychothérapie dont elle percevra les bienfaits. Bénéficiant d’une entraide spirituelle chaleureuse constamment présente et d’un suivi médical personnalisé, entre autres celui d’un médecin ami, jusqu’aux tout derniers mois, elle parvient à mener une vie presque normale malgré les angoisses liées aux poussées cancéreuses et à  l’appréhension des examens et des traitements lourds. C’est dans ce contexte qu’Odile tient un journal spirituel et écrit de nombreux textes concernant son expérience et sa vision de la « vie en Christ », de la « vie en Dieu ». C’est à partir de ces écrits personnels, expression de sa pensée en mouvement, sans qu’elle ait pu leur apporter une validation définitive, que de nombreux textes ont été extraits dans les mois qui ont suivi son départ, en l’occurrence par son mari.

Dans ce contexte difficile, « la force et la joie de vivre » qui s’y expriment témoignent à la fois de la profondeur et de la justesse de toute une vie et de la puissance de l’Esprit. Il y a là aussi une expression d’expériences nouvelles qui s’expriment avec une particulière intensité comme la conscience d’exister, vécue comme une grâce. Les proches et les amis qui ont entouré Odile durant ces années sont témoins de cette qualité d’être, inspirée par la vie divine. Plusieurs de ces textes exprimant « une confiance dans l’épreuve » viendront réconforter celles et ceux traversant des difficultés.

Le lecteur de ce livre découvrira par lui-même les accents majeurs de la spiritualité d’Odile. Il pourra suivre le développement de sa pensée, nourrie par les différentes cultures auxquelles elle a participé. Elle se présente d’ailleurs comme « une chrétienne interconfessionnelle quelque soit l’institution à laquelle je me rattache à tel ou tel moment » (« Ce que je crois »). En rapport avec son expérience initiale, un fil conducteur se déroule à travers tous ces textes : une expression, un ressenti de l’amour et de la bonté de Dieu qui se manifestent à notre intention (« Qui est Dieu ? »). Loin du volontarisme, du légalisme, du fondamentalisme, de tout ce qui entraîne culpabilité et agressivité, Odile plaide pour l’accueil de la grâce de Dieu : « Dire que je suis chrétienne, c’est dire que Christ est toute ma vie. Non pas un modèle que je m’efforce d’imiter, mais une relation constante à Dieu, par Christ ressuscité : il est la vie, la puissance de vie en moi quand je l’accueille par l’Esprit pour me conduire selon la justesse des lois de vie… » (« Ce que je crois »). Dans un autre texte, elle précise : « Notre attitude juste est celle de l’accueil de l’œuvre de Jésus en nous, décision qu’elle se fasse en nous par l’Esprit dans l’espérance, dans notre marche vers… » (« Accueillir l’œuvre de Christ en nous »). Cette attitude se nourrit d’une prière confiante et de la méditation de la Parole biblique (« Vivre en Christ. Vivre en Dieu »). Il y a là une dynamique personnelle qui s’inscrit dans un mouvement d’ensemble. «Dans la résurrection, une nouvelle ère est ouverte. Ce plan, que Dieu achèvera à la fin des temps, consiste à réunir tout ce qui est dans les cieux et sur la terre sous un seul chef : le Christ. Ainsi Jésus devient le Christ cosmique. (…) Son œuvre se réalise pour moi quand je la reçois : pardon et guérison pour une vie nouvelle dans la relation au Père et au Fils qui font leur demeure en moi, qui devient le temple de l’Esprit » (« Il est ressuscité! »).

Certaines formulations d’Odile peuvent paraître approximatives pour des théologiens professionnels. Elle n’a pas suivi d’études de théologie, mais sa pensée s’est formée en alliant expérience spirituelle, méditation quotidienne de la Bible et lecture de nombreux livres en rapport avec ses questionnements. Son expérience et sa réflexion sont étroitement reliées. Dans son parcours, elle a trouvé une inspiration féconde chez deux théologiens : Eloi Leclerc, auteur de Le Royaume caché, et, dans les dernières années, Jürgen Moltmann. On pourra voir dans la pensée de ce dernier un fondement théologique à la démarche d’Odile et à certaines de ses expressions.

La spiritualité a pu être définie comme « une conscience relationnelle avec Dieu, avec la nature, avec les êtres humains et avec soi-même ». Odile a toujours vécu en relation avec ceux qui l’entouraient et, plus généralement, elle a été attentive à la dimension sociale. Son amour de la nature et sa capacité d’y percevoir l’animation divine sont présents dans de nombreux textes. A maintes reprises, elle s’émerveille du spectacle de la nature à travers les fenêtres de son appartement, des arbres et du ciel. A la suite d’une visite, elle décrit avec une émotion sensible une grange restaurée et le jardin qui l’environne : «Au fur et à mesure de la visite, je me laissais imprégner par la joie profonde que suscite la reconnaissance pour l’harmonie de la vie perçue par-delà le visible ». Et elle conclut par cette parole qui va droit au cœur : « Bien sûr, il y a bien des malheurs dans le monde, mais il y a toujours des jardins avec des roses. Ces jardins sont une porte vers la vie » (« Quand tout s’agence »).

Elle exprime une vision que l’on peut résumer en ces mots : « Tout se tient. Unité et harmonie en Dieu ». Elle poursuit : « Assez curieusement ma foi en notre Dieu qui est puissance de vie, s’est développée à travers la découverte des nouvelles approches scientifiques qui transforment notre représentation du monde. Dans cette nouvelle perspective, j’ai compris que tout se relie à tout et que chaque chose influence l’ensemble. Tout se tient, tout se relie. Pour moi, l’action de Dieu s’exerce dans ces interrelations ». (« Dieu, puissance de vie »). Ainsi désire-t-elle s’inscrire positivement dans la création : « J’ai été secouée au plus profond de mon être, le jour où j’ai réalisé que Dieu m’appelait à participer à la gérance de sa création, à commencer par ma personnalité. Qui suis-je pour être ainsi « collaboratrice » du créateur ? (Psaume 8). Dieu continue à créer avec chacun de nous et avec moi. « Le Père céleste agit sans cesse », dit Jésus et il m’invite à participer à la nouvelle création mise en route dans sa résurrection… » (« Vers une personnalité unifiée »).

Dans la communion divine qui nous relie, ce livre exprime  un chemin de vie.

La construction de cet ouvrage traduit à la fois le mouvement de la vie d’Odile, son itinéraire au long des années, et l’expression de son vécu, de son ressenti, de sa pensée. De fait, ce livre n’est pas un récit en continu. C’est un recueil de textes dont chacun a son originalité et contient un message. Il pourra donc alimenter notre méditation, jour après jour, selon notre besoin ou notre aspiration du moment. A de nombreuses reprises, Odile exprime  son amour de la vie. Elle nous dit la source de cette attitude : « toi qui me donnes vie », « imprégnée de ta présence, puissance de vie en moi ». Ainsi ce livre a reçu pour titre : « Sa présence dans ma vie ».

Un témoignage vivant

Odile a quitté la vie terrestre le 11 mars 2009. Aujourd’hui, à travers ce livre, nous l’entendons encore nous parler et nous participons à ce dialogue. La communication, qui se poursuit ainsi, s’inscrit dans le cadre d’une communion qui, sur un autre registre, unit les vivants et les morts en Christ ressuscité. Avec le théologien Jürgen Moltmann (4), nous croyons que Jésus Christ, par sa résurrection, a brisé le pouvoir de la mort. En Christ ressuscité, il n’y a plus de mur de séparation entre les vivants et les morts. Dans la communion en Christ, les morts n’ont pas disparu. Ils ne sont pas « morts ». Ils manifestent une présence. Plus nous nous approchons du Christ, plus nous nous rapprochons aussi de ceux qui ont quitté la vie terrestre (5). Dans cet esprit, dans la communion en Christ ressuscité, dans l’inspiration de l’Esprit qui porte ce livre, Odile nous accompagne. Ce livre est un témoignage vivant.

J H

 

(1)            Hassenforder (Odile). Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte. Temps présent, 2011. Ce livre est en vente sur Amazon et à la Librairie 7ici. Nous reproduisons ici l’introduction de ce livre : « Odile Hassenforder : sa vie et sa pensée », p 11-17. Sur ce blog : Vivre et espérer, la pensée d’Odile est présente à travers la mise en ligne d’extraits de ce livre et de textes inédits : https://vivreetesperer.com/?s=Odile+hassenforder

(2)            « Confiance ! Le message est passé » : https://vivreetesperer.com/?p=1246

(3)            « Dame confiance » : https://vivreetesperer.com/?p=677

(4)            Jürgen Moltmann. Sa vie et sa pensée : « Une théologie pour notre temps » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695

(5)            Cette courte réflexion est textuellement inspirée par un chapitre de Jürgen Moltmann dans son livre : « In the end… The beginning » (Fortress Press, 2004), aujourd’hui traduit et publié en français : « De commencements en recommencements » (Empreinte Temps présent, 2012) : « The community of the Living and the Dead » p 135 : « When he « descended into hell » (the realm of the dead), as the creed puts it, Christ broke the power of the death and took the dead in his fellowship. So the community of Christ is in him a community of the living with the dead, and of the dead with the living. In the risen Christ, the wall of death has been broken down. So, in this community with Christ, the dead are not « dead » in the modern sense. They « have a presence »… The closer we come in Christ, the closer the dead come to us… ».

Sur ce blog, à plusieurs reprises, nous avons mis en ligne des articles à ce sujet : « Sur la terre comme au ciel » : https://vivreetesperer.com/?p=338

« Une vie qui ne disparaît pas » : https://vivreetesperer.com/?p=336

« Une théologie pour la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1917

« Vivants et morts, ensemble en Christ ressuscité » : https://vivreetesperer.com/?p=2221

« Par delà la séparation. Un témoignage de Jürgen Moltmann » : https://vivreetesperer.com/?p=2209

D’où me viendra le secours ? Une expérience de libération

Ma vision de Dieu a changé.

Un témoignage d’Odile Hassenforder

 Depuis que Dieu est intervenu dans ma vie, tout a changé pour moi. Comme la samaritaine, j’ai déclaré autour de moi que Jésus était le Messie ; comme l’aveugle de Siloé, je me suis prosterné devant mon Dieu. Dire qui est Dieu pour moi aujourd’hui, ce qu’il était pour moi il y a dix, vingt ans, c’est dire quelle était ma relation à Lui. Je ne puis décrire Dieu. « Personne ne l’a jamais vu », dit l’apôtre Jean en commençant son évangile. « Qui me voit, voit le Père, dit Jésus à Philippe. Tous les contemporains de Jésus qui l’ont approché n’ont pas reconnu en lui le Fils de Dieu ; seuls ceux qui ont eu une véritable rencontre avec lui, ont reçu la lumière, ont saisi la vérité. J’imagine très bien l’émotion qu’ont du ressentir la samaritaine, l’aveugle et tant d’autres. Aujourd’hui un jeune dirait : « ça fait tilt », un amoureux dirait : « j’ai eu le coup de foudre ». Ces expressions sont bien pâles pour exprimer le choc d’une telle découverte.

 

Un chemin.

Que m’est-il arrivé ce mois d’octobre 1973 ?
L’impossibilité de vivre m’entraînait à la mort, au suicide.

Pourtant, je me rappelle qu’à l’époque où je suis rentrée dans la vie professionnelle, je croyais ne jamais connaître le désespoir, malgré toutes les difficultés de vivre que j’avais, parce que Dieu était avec moi. Je ressentais une assurance intérieure.

J’avais eu la chance de rencontrer, à cette époque, un aumônier d’action catholique qui me suivit durant quatre ans dans une forme de psycho-thérapie spirituelle, si je puis m’exprimer ainsi. En plus de la messe quotidienne, je profitais d’un entretien spirituel toutes les trois semaines avec cet aumônier. En fait, je pouvais exprimer mes aspirations et mes incapacités. Je ne me rappelle pas du contenu précis d’un de ces dialogues. Plein de bon sens et de finesse psychologique, mon interlocuteur me montrait que Jésus m’entraînait dans une dynamique positive. Par la confession qui suivait, je remettais au Seigneur tout le négatif de ma vie et attendais de lui la force de poursuivre mon chemin. Cela été pour moi l’occasion d’une évolution psychologique très appréciable. Je me rend compte aujourd’hui que la situation était ambiguë : surmonter mes difficultés psychologiques et réaliser une image idéale de moi, plutôt que de saisir l’invitation de l’Esprit à entrer dans l’univers de Dieu. J’ai reçu ce dont j’avais besoin à l’époque. J’en remercie le Seigneur aujourd’hui en revoyant tout ce qu’Il a mis sur ma route, d’étape en étape, respectant le cheminement de mon être, proposant la nourriture adaptée à ce que je vivais.

Mon mariage a évidemment été un tournant dans ma vie. Mon mari m’a apporté la vie culturelle et intellectuelle à laquelle j’aspirais tant, mais aussi une vie de foi complémentaire à la mienne. Nous avons essayé de prier ensemble le soir. Notre prière s’est vite tarie. Ensemble nous avons fait partie de groupes de foyers, de Vie Nouvelle dans les années soixante. Nous allions régulièrement le dimanche dans une paroisse voisine de trois kilomètres de notre domicile. Nous faisions allègrement le trajet à pied, car nous recevions là l’annonce d’une vie élargie en Jésus-Christ, un sens à notre vie en Dieu.

A la naissance de notre fils, né prématuré à six mois et menacé de ne pas survivre, nous avons beaucoup prié, remettant à Dieu notre sort autant que celui de cet enfant. Je savais intellectuellement que les miracles existaient, mais ma foi était bien faible pour croire que Dieu pouvait intervenir pour moi. Tout en disant « que ta volonté soit faite », je pensais au déroulement de l’enterrement imminent et je ne prêtais pas attention aux paroles d’espérance de mon entourage. Par la suite, j’ai attribué la survie de notre enfant uniquement aux médecins et à la science. Ce n’est que maintenant que mon cœur est rempli de reconnaissance envers celui qui a toujours été auprès de moi et que je ne voyais pas. Oui, je constate maintenant, en revoyant ma vie passée, que le Seigneur m’a préservée de catastrophes irréversibles. Pourtant à cette époque, il devenait pour moi de plus en plus absent. L’alimentation de la foi s’estompait peu à peu.

Cependant les handicaps de ma personnalité réapparaissaient dans mon nouveau mode de vie de mère au foyer. Je n’ai pu profiter alors des joies de la maternité. Je n’ai pas pu faire face non plus à mes conditions de vie. Mon action militante ne parvenait plus à compenser mes problèmes. J’entrepris une psychothérapie lorsque je constatais qu’à deux ans mon fils présentait des troubles de personnalité. La seule chose qui était en mon pouvoir je devais le faire. Avant d’entreprendre une telle démarche, j’allais voir un prêtre ami, espérant que, par son intermédiaire, Dieu me sortirait de là. En fait, il me dit que Dieu pouvait agir à travers les sciences humaines. Il insista d’autant plus qu’il avait constaté la tristesse la tristesse profonde que dévoilait mon visage lorsque je ne me croyais pas observée. Je compris sûrement assez mal ce qui m’a été dit ce jour-là car je mis mon seul espoir dans la psychologie. L’année suivante, je confiais mon fils à la garde d’une voisine et je repris le travail social. La psychothérapie m’a été d’un grand secours pour mettre à jour les causes de mon inhibition et aussi me dégager de bien des angoisses et des défenses que mon inconscient avait forgées. Lors de ma première consultation, je me présentais comme vivant dans une sphère de plexiglace au milieu de la vie, mais en dehors d’elle.

L’annonce d’une nouvelle naissance en 69 a été pour moi une catastrophe, car je n’avais pas encore suffisamment acquis mon autonomie. La catastrophe a été bien plus grande encore lors de la fausse couche qui a suivi. J’ai vécu la mort d’un enfant. Seul l’oubli a pu atténuer la douleur. Je ne me souviens pas m’être adressée à Dieu. Il n’était plus pour moi qu’une entité qui animait ce grand univers où je n’étais que poussière. Il existait bien sûr, mais à la façon de l’horloger et je faisais partie de la mécanique. Les amis, dans ces circonstances sont souvent de bien peu de secours. Et ils ne peuvent donner que ce qu’ils ont. Du reste, ceux ou celles-ci devenaient rares car, fatigués psychologiquement, mon mari et moi, nous allions de moins en moins aux réunions de toutes sortes et bien peu de monde se souciait de notre absence. Les soutiens religieux disparaissaient. Le curé de la paroisse que nous fréquentions partit en 1967 et nous n’avions pas trouvé ailleurs une alimentation spirituelle malgré nos nombreuses recherches. Les groupes de foyers s’étaient dissous.

Peu importe les raisons et les circonstances qui ont provoqué une dissociation de ma personnalité. Je suis persuadée aujourd’hui que, si j’étais restée en relation avec Dieu, je n’aurais pas vécu ce drame. Il était tout de même là présent, mais je ne le savais pas. J’ai utilisé tout ce qui était en mon pouvoir pour surmonter ces moments de dépression, trou noir où tout disparaissait. Je ne manquais pas de volonté et l’énergie déployée pour surnager était deux fois plus grande que celle que je dépense aujourd’hui. L’ergothérapie, pensais-je, pourrait peut-être me sortir de cet état second où l’imaginaire et la réalité s’entremêlaient. Alors, je me mis à tapisser la chambre de mon fils, avec beaucoup de mal du reste, car je me trompais constamment dans mes mesures. La relaxation permettait à mon corps de ne pas craquer trop vite, comme la chimiothérapie soutenait le psychisme. Il me semblait que la folie se profilait derrière mon angoisse ; et le phénomène ne faisait que s’amplifier. Je rencontrais cependant la compréhension attentive et patiente de médecins tandis que plusieurs amies m’exprimaient leur affection. Mais que pouvaient les uns et les autres ? Je leur suis cependant reconnaissants de leur attitude qui a atténué ma souffrance et m’a permis de tenir plus longtemps. Du moins jusqu’au jour où j’avalais trop de somnifères. L’escalade continuait. Des forces internes s’entraînaient à me détruire .

C’est dans cet état, huit jours après mon sommeil prolongé, que je participais à un week-end avec des amis sur le thème : « vivre sa foi ». Quelle gageure ! Ce dimanche, pendant la prière, je tirais le signal d’alarme, et, dans mon désespoir, je criais : « Jésus, si tu es la Vie, donne-moi le goût de vivre ». Un ami bien intentionné présenta une parabole à sa manière : deux grenouilles se débattaient dans une jatte de lait : l’une, dans son désespoir, se laisse couler. Mais l’autre continue à s’agiter et une motte de beurre se forme grâce à laquelle elle pu surnager. Cela ne fit qu’augmenter mon désarroi : pourquoi les prêtres ne parlaient-ils que psychologie ? Aucune force humaine ne pouvait me sortir de là. En fait, mon médecin avait mieux compris ma situation lorsqu’il me parla de crise existentielle. Sur son conseil, j’ai lu un livre sur le bouddhisme. Là encore, il me semblait que je devais tirer de moi-même la force de passer au stade de l’esprit. Je ne pouvais pas. J’étais anéantie. Il fallait que la vie vienne à moi car je ne pouvais la susciter malgré tout le désir que j’en avais . J’avais parfaitement conscience de ma responsabilité envers mon fils de huit ans, très angoissé de ce qu’il vivait malgré mes efforts pour cacher mes problèmes et compenser au maximum.

 

Délivrance.

 Jésus a répondu à mon appel : je le sais maintenant car le hasard est devenu pour moi providence : « Pas un cheveu de votre tête ne tombe sans que je le veuille » . Ce n’est pas un hasard d’avoir trouvé un jour de vacances le pasteur d’une assemblée de Dieu, rencontré précédemment lors d’une réunion.

De cet entretien, je me rappelle :

° Jésus guérit, il peut vous guérir.

° Comment ?

° Quand je sème du blé, en fils de paysan, j’attends qu’il pousse. Je ne me demande pas comment il va pousser. C’est un fait d’expérience. De même, quand je prie Jésus, je sais qu’il répond. Je me place là sur un plan spirituel et non intellectuel.

En y réfléchissant maintenant, je réalise que je ne croyais plus alors à l’efficacité de la prière. Cet entretien fut le point de départ d’un renouveau pour moi.

Le retour de vacances fut difficile. Je me trouvais contrainte à m’absenter de plus en plus fréquemment de mon travail. Je m’y accrochais cependant pour ne pas sombrer. J’échappais de justesse à un accident de voiture que j’ai failli provoquer par ma faute. Alors, je réalisais que j’allais à la catastrophe. Face à moi-même, je me rendais compte avec une grande lucidité que j’avais un choix à faire. Deux possibilités se présentaient à moi. Je continuerai à lutter par mes propres forces tout en sachant que cela irait de mal en pis. Je pouvais aussi choisir le chemin de la vie. Je me détruis, pensais-je, parce que je ne peux vivre. J’ai envie de vivre . Alors je choisis la vie. C’est ainsi que je me déterminais pour Jésus, sans condition, prête à tout donner, mon indépendance entre autres, prête aussi à tout recevoir.

« Je n’en peux plus », c’est tout ce dont j’étais capable de dire. Je réalisais alors que la Parole de Dieu est efficace. Certaines citations de la Bible résonnaient en moi : « Dans la vallée de l’ombre de la mort » pour sûr, j’y étais. La suite du passage était moins évidente pour moi, bien que je l’ai mille fois entendue : « Tu es mon berger ». Ce jour-là, ce fut vrai. Je le sus dans tout mon être lorsque, à la suite de la prière, je ressentis une énergie vitale qui me donna force et consistance, puis un grand calme intérieur, puis la joie. C’était la première fois qu’on priait pour moi, avec conviction et non avec des formules, en résonance avec mes aspirations les plus profondes jamais exprimées. Ce qui était demandé se réalisait. C’était extraordinaire et merveilleux.

L’effet dura quarante-huit heures, puis les symptômes réapparurent. Je n’hésitais pas à retourner me désaltérer à la source. J’étais déterminée à continuer quoiqu’il arrive. En fait, j’ai osé réitérer ma démarche parce que la perche m’avait été tendue par le pasteur : « Dans votre état, il faudra prier plusieurs fois ». C’était l’expérience qui le disait. Tous les jours, les deux jours, j’ai ainsi demandé que l’on pria pour moi, cinq fois en une semaine. A chaque fois, la même énergie me donnait vie. Et ce dernier jeudi d’octobre, j’ai eu envie de m’associer à la prière d’un groupe charismatique catholique que je connaissais par ailleurs. Devant une assemblée nombreuse de cent ou cent cinquante personnes, j’exprimais tout haut l’assurance intérieure qui m’apparaissait : « Seigneur, je ne suis pas encore guérie mais je sais que tu vas me guérir et je t’en remercie ». Une prière murmurée en langues au centre de l’assemblée fut pour moi un soutien communautaire : ils savaient ce que je voulais dire et ils s’associaient  à ma prière et la soutenaient. Ce soir-là, à peine couchée, je sentis ma personnalité se remettre en place, en une fraction de seconde. Comme un puzzle, chaque partie de mon être prenait sa place : l’unité s’est faite en moi. J’entrais dans la réalité, j’étais bien. Et dès le lendemain, je dis à qui voulait l’entendre que j’étais guérie. « ça se voit », me répondit-on souvent. Et le dimanche, au lieu d’aller demander à l’assemblée la prière des frères, j’y ai rendu grâce à Dieu.

J’étais transformée. Ma situation n’avait en rien changée, elle ne m’écrasait plus. J’étais à l’aise dans ma peau comme jamais je ne l’avais été. Qu’il pleuve, qu’il vente, tout me réjouissait. La fatigue, physique que je continuais à ressentir, n’entachait nullement ma joie profonde. Je me disais en convalescence, voilà, c’est tout. Rien ne pouvait assombrir cette joie, même la grande souffrance provoquée par une de mes amies, qui, au lieu de se réjouir avec moi, me rejeta en m’accusant de mysticisme, ce dont elle avait peur pour elle-même, du moins l’ai-je compris ainsi et je ne lui en voulus pas.

 

Une vie en abondance.

J’avais demandé la vie. Je l’ai reçu en abondance, bien au delà de ce que je pouvais imaginer : la vie éternelle. « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jean 17,3). Je suis née à la vie de l’Esprit, je suis entrée dans l’univers spirituel ; le royaume de Dieu, dit Jésus. Ce fut une révélation pour moi. Il m’est arrivé ce que Jésus disait à Nicodème : « L’Esprit souffle où il veut. Tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Voilà ce qui se passe pour tout homme qui naît de l’Esprit ». La Trinité devenait une réalité aussi naturelle qu’avoir des parents. Jésus, par sa mort et sa résurrection, m’a tiré de la mort où m’entraînait le mal, pour me donner la vie éternelle en me réconciliant avec le Père. L’Esprit Saint qui les habite tout entier, ne faisant qu’un avec eux, m’anime de cette vie divine. « Celui qui doit vous aider, le Saint-Esprit, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera ce que je vous ai dit », a dit Jésus à ses disciples (Jean 17). Dieu se manifestait à moi aussi par l’amour qui m’envahissait. Je me suis sentie aimée au point où cet amour débordait de moi sur tous ceux que je rencontrais : j’aurais embrassé tout le monde si les convenances ne m’avaient retenue.

Simultanément, j’avais soif de connaître davantage. Je lisais ma Bible, surtout le Nouveau Testament. Et, assez curieusement, je comprenais beaucoup de choses qui m’étaient jusque là restées hermétiques.

Comme tout nouveau-né qui s’ouvre à la vie, je devais poursuivre mes découvertes. Avec deux autres ménages, nous avons formé un groupe de prière interconfessionnel qui, du reste, grandit très vite. Nous sommes allé voir ailleurs ce qui se passait, nous avons suivi des sessions et pris de nouveaux contacts. Par la suite, des difficultés et des déviations ont surgi dans ce groupe et nous avons du prendre du recul.

 

Vivre dans l’Esprit.

Aujourd’hui, la conviction de me savoir sauvée, c’est-à-dire vivre dans le règne de Jésus-Christ ressuscité, entraîne chez moi une attitude positive. Chaque matin, j’ouvre mon être à l’Esprit qui renouvelle toute chose. Je ne peux prévoir ce que je vais découvrir, je deviens disponible et disposée à voir sa présence lors d’une rencontre, au sein d’évènements. Je ressens le besoin d’exprimer cela à voix intelligible en une courte prière de quelques minutes dans une attitude active.

La lecture des Ecritures est une nourriture. De temps en temps, tel passage résonne en moi ; d’autres fois, me revient à la mémoire un verset à propos d’évènements que je vis, une question que je me pose, et j’y vois là une réponse. Je sais aussi que si je prends les promesses de Jésus pour moi, elles se réalisent pour moi. Cela a été le cas, par exemple, en ce qui concerne la confiance en Dieu. « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et toutes ces choses vous seront données par dessus » (Luc 12). Effectivement, je me suis rendu compte que mon être se transformait en considérant mes rêves ; ainsi dans un rêve représentant une scène de dévastation, je restais calme et sereine.

Jésus nous dit d’aimer notre prochain. Il nous aide à y parvenir. Il n’y a pas si longtemps, mon interlocuteur commençait  à m’énerver. Intérieurement, je dis : « Donne-moi de l’aimer, Seigneur » et je me rappelle que le plus petit est le plus grand dans le royaume des cieux, que Jésus a lavé les pieds de ses disciples. Et je réalisais ainsi que je devais être au service de celui  qui était là à côté de moi. Mon ressentiment disparut. Je m’intéressai à ce qui le préoccupait.

Je souhaite voir davantage comment Dieu se manifeste sous des formes bien diverses : à travers les autres, dans la nature, dans l’histoire. Après ces trois années de découverte, je m’aperçois que je marche à peine. Je suis heureuse de voir la vie éternelle devant moi comme en moi : c’est une louange constante que j’adresse au Seigneur, qui est en même temps adoration et contemplation.  Je lui rends grâce pour tout ce qu’il a fait pour moi.

Odile Hassenforder

Texte polycopié retrouvé dans ses archives

« Ma vision de Dieu a changé », p 27-36 dans : Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Empreinte temps présent, 2011

Voir aussi : Odile Hassenforder : « Sa présence dans ma vie » : un témoignage vivant : https://vivreetesperer.com/odile-hassenforder-sa-presence-dans-ma-vie-un-temoignage-vivant/