L’intelligence collective

https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/41KnLJgd0WL._SX312_BO1,204,203,200_.jpgUne inspiration motrice pour l’avènement d’une société post- capitaliste.

Un processus en développement selon Jean Staune

Avec le changement des modes de communication suscités par le développement d’internet, nous entrons dans une mutation de la société et de l’économie. Les conséquences se manifestent dans tous les domaines. Ainsi, à travers internet, les intelligences humaines sont en situation de pouvoir  converger. Au début de ce nouveau siècle, dans son livre : « World philosophie » (1), Pierre Lévy voit là le départ d’une intelligence collective. Quelques années plus tard, en 2004, aux Etats-Unis, paraît un livre de James Surowieki : « The wisdom of crowds » (2), traduit par la suite sous le titre : «La sagesse des foules » (3). Si les foules peuvent s’égarer, il y a aussi une avancée possible dans une prise en compte avisée du collectif. Bien gérée, une expression d’avis multiples peut se révéler beaucoup plus pertinente dans l’observation et la prévision que des expertises isolées. Un groupe d’individus multiples, variés est en mesure de prendre de meilleures décisions et de faire de meilleures prédictions que des individus isolés et même des experts. Certaines conditions doivent être réunies comme la diversité des participants, l’indépendance dans leur expression et un mode efficient d’agrégation des opinions.

La recherche sur l’intelligence collective se poursuit, notamment au MIT (Massachusetts Institute of technology) et elle a mis en évidence des résultats spectaculaires. Dans un livre récent, Emile Servan-Schreiber nous montre « la nouvelle puissance de nos intelligences » en terme marqué : « Supercollectif » (4). Il y a bien « Une force de l’intelligence collective » (5). Et nous en découvrons aujourd’hui toute l’originalité.

Ainsi, « l’intelligence d’un groupe n’est pas d’abord déterminé par le degré d’intelligence de ses membres, mais par la sensibilité aux autres (communication non verbale) et par l’équité du temps de parole qui tient un rôle capital. Les femmes enregistrent dans ce domaine, un score supérieur aux hommes. C’est dans les groupes où le nombre de femmes est le plus représenté que les scores sont les meilleurs » (6). Il y a là une leçon plus générale puisqu’elle met en valeur l’importance de la qualité des relations.

Emile Servan-Scheiber rappelle les fondamentaux du processus de l’intelligence collective. « Il y faut beaucoup de diversité ». Les biais individuels de chacun vont s’annuler à travers la confrontation  en permettant ainsi au meilleur d’émerger. « Il faut beaucoup d’indépendance d’esprit ». « Il faut récolter beaucoup d’information. Il faut agréger tout cela de façon objective… ». L’intelligence collective peut ainsi amener des transformations importantes. Ainsi, « il est établi que les entreprises les plus innovantes sont celles qui impliquent le plus d’employés dans l’effort d’idéation pour trouver de nouvelles idées ».

Dans son nouveau livre : « L’intelligence collective, clé du monde de demain » (7), Jean Staune rapporte comment, dans une approche d’intelligence collective, de nouvelles entreprises sont en train d’apparaître et de grandir, prémices d’une économie et d’une société post-capitaliste. Jean Staune est un pionnier et un découvreur (8). A travers la création de l’Université interdisciplinaire de Paris et la publication de plusieurs livres, il a ouvert une relation féconde entre sciences, religions et spiritualités. Mais enseignant et expert dans le domaine du management, et aussi penseur interdisciplinaire, il développe également une pensée prospective dans le champ de la vie économique et sociale. Ainsi, en 2015, son livre : « les clés du futur » (9) nous a permis d’entrer dans la compréhension de la mutation de la vie économique et sociale. Ce nouveau livre sur la mise en œuvre de l’intelligence collective dans des entreprises innovantes, se focalise dans un champ plus précis, le terrain où une nouvelle approche économique est en train de voir le jour et d’induire l’apparition d’une économie « post-capitaliste ». Au travers d’un livre de Jacques Lecomte (10), nous savions déjà comment des entreprises humanistes et conviviales se développent aujourd’hui et témoignent d’un état d’esprit nouveau. Ce livre de Jean Staune nous montre également qu’une nouvelle économie est en train de naître à travers des entreprises innovantes.

« Libérées », « conscientes », « apprenantes », inclusives », « hybrides », de nouvelles entreprises voient le jour, qui permettent de se réaliser en favorisant la créativité et en développant l’intelligence collective. Elles tiennent compte de toutes les parties prenantes concernées par leurs activités, et non des seuls actionnaires, et créent une triple valeur ajoutée : humaine, économique et environnementale… Une autre forme de capitalisme, d’organisation du travail, d’économie de marché est donc plausible » (couverture).

 

Face à un monde incertain, un monde « VUCA »

 Jean Staune évoque d’abord le contexte dans lequel ces entreprises apparaissent. C’est une société en pleine mutation qui se caractérise par une complexité croissante. Grâce à sa culture scientifique, Jean Staune nous apporte des connaissances qui nous permettent d’analyser les situations auxquelles les entreprises et nous-mêmes, sommes aujourd’hui confrontés, ce qui, face à une complexité croissante, requiert d’autant plus une intelligence collective.

Jean Staune nous parle ainsi d’un « monde VUCA » (p 62) . « VUCA est un acronyme pour volatility (« volatilité »), uncertain (« incertitude »),  complexity (« complexité ») et ambiguity (« ambiguité »). Ce terme rend compte d’un ensemble de caractéristiques du monde d’aujourd’hui qui peuvent être envisagés à partir de concepts appartenant à la nouvelle vision scientifique, celle qui s’est substituée à une approche déterministe, envisageant l’univers « comme une grande mécanique réglée par des lois immuables où n’existait aucun espace de liberté » (p 49).

° « Volatilité : notre monde est beaucoup plus sensible que le monde d’hier aux effets papillon, aux disruptions, aux ruptures brutales que constituent les bifurcations.

° Incertitude : la physique quantique nous montre qu’il existe une incertitude irrémédiable à la base de notre compréhension du réel. Le théorème de Gödel introduit une forme d’incertitude dans la logique mathématique en montrant son incomplétude. Cela nous permet de mieux comprendre et percevoir l’incertitude du monde que si nous avions gardé nos « lunettes » classiques.

° Complexité : nous avons montré comment la complexité du monde s’était fortement accrue, comment se multiplient autour de nous les boucles de rétroaction et les phénomènes d’auto-organisation qui rendent certains processus de décision purement et simplement impossibles à décrire.

° Ambiguïté : la physique quantique nous montre que quelque chose peut occuper deux états contradictoires en même temps. Elle met fin aux catégories classiques où les états de chose étaient bien séparés… Cette ambiguïté est partout… » (p 62-63).

« La complexité du monde actuel accroit l’incertitude. Nous participons à une mutation mondiale au moins équivalente à celle du passage du monde agraire au monde industriel, mais qui se déroule sur un rythme beaucoup plus rapide. Bien entendu, cette situation ne peut manquer d’engendrer de la crainte et du stress… Mais il faut bien comprendre qu’il n’y a jamais eu autant d’opportunités dans l’histoire humaine, car les bifurcations et les effets papillon peuvent se produire à la hausse comme à la baisse… » (p 64).

 

L’entreprise, un levier pour la transformation du système économique.

Si l’économie capitaliste a remporté un certain nombre de succès, on en perçoit aujourd’hui les limites et les travers. Dans la mutation actuelle, des dangers redoutables apparaissent tant sur le plan social que sur le plan écologique. « Une véritable refonte du système économique » est indispensable. Ne peut-elle pas advenir à partir même d’une transformation des unités qui assurent la production, des entreprises ? Jean Staune prône la mise en place d’une nouvelle forme de capitalisme « qui intègre l’intérêt de toutes les parties prenantes (stakeholders) et non seulement l’intérêt des actionnaires, des salariés, des clients et des fournisseurs de la firme » (p 27). « Hier, l’entreprise devait faire des profits pour ses actionnaires tout en fabricant de bons produits pour satisfaire ses clients. Demain, on ne demandera pas seulement à l’entreprise de respecter l’intérêt des différents parties prenantes concernées par son activité et de respecter l’environnement, mais aussi d’avoir une contribution sociale positive » (p 27).

« Ces exigences sont fortes, mais face à la pression du changement, c’est l’entreprise qui est la plus capable de réagir » (p 27). Aujourd’hui, l’horizon s’étend. C’est bien le cas à travers la Révolution numérique qui relie des centaines de millions, aujourd’hui des milliards d’internautes. Aujourd’hui, 3,5 milliards de requêtes sont adressées quotidiennement au navigateur Google. 4 milliards de vidéos sont consultées chaque jour sur You Tube » (p 16). Ainsi, les barrières s’abaissent, les cloisonnements s’effacent. On prend conscience de la globalité. C’est bien en ce sens qu’apparaît l’intelligence collective. Et, dans le même mouvement, les systèmes pyramidaux s’effondrent. « Il faut donc mettre en place la subsidiarité, c’est à dire permettre aux salariés à tous les niveaux hiérarchiques de prendre eux-mêmes des décisions sur un certain nombre de questions les concernant directement. Le rôle du dirigeant devient celui d’un chef d’orchestre » (p 30). « L’entreprise de demain se doit de développer son intelligence collective en interne pour augmenter son agilité, sa réactivité, son adaptabilité à un monde de plus en plus mouvant tout en développant en externe un véritable écosystème, qui, par son existence même, soutiendra le développement harmonieux de l’entreprise et assurera la fidélité, voire, osons le mot, l’amour de tous les acteurs du système envers elle » (p 20). Dans cet ouvrage, Jean Staune se focalise donc sur un domaine précis : « celui de la réforme de l’économie de marché et du capitalisme grâce à l’action et au développement d’un nouveau type d’entreprise » (p 34). Et, pour cela, il nous montre que des démarches crédibles existent déjà partout autour de nous et qu’elles peuvent apporter des résultats parfois extraordinaires ».

 

Les pionniers d’une nouvelle économie

Tout au long de son livre, Jean Staune égraine des portraits d’entrepreneur qui ont inventé de nouvelles manières de faire entreprise. En vendant des glaces, l’entreprise Ben and Jerry’s innove dans les approvisionnements et les relations humaines. « Ben and Jerry’s a ainsi posé les bases concrètes de la fameuse « théorie des parties prenantes » selon laquelle l’entreprise doit prendre en compte son impact global sur la société et essayer de le positiver au maximum pour toutes les parties prenantes et pas seulement ses clients, ses salariés, ses actionnaires » (p 69). De même, un militant écologiste, John MacKay, en créant les magasins bio : « Whole Foods Market » va aider l’agriculture biologique à se développer, et, contrairement à la gestion décentralisée généralement adoptée, il donne à ses équipes une grande autonomie tant pour les achats que pour les ventes (p 69-71).

On peut développer un capitalisme qui cherche autre chose que le profit. Jean Staune cite l’exemple du commerce équitable. Il met en évidence l’approche de Mohammed Yunus, prix Nobel de la paix, promoteur du microcrédit pour les pauvres et aussi du « social business ». En France, voici la manière dont Bertrand Martin redresse l’entreprise Sulzer Diésel France en permettant au personnel  d’entrer dans une approche commune de réflexion et de proposition. La mise en œuvre de cette intelligence collective a non seulement sauvé l’entreprise, mais lui a donné une grande impulsion (p 78-80). Dans une autre entreprise, une fonderie du nom de Favi, le nouveau directeur, François Zabrist, a libéré les travailleurs d’une tutelle tatillonne. « Le coût du contrôle est supérieur au coût du non contrôle » Il a donné aux équipe une autonomie leur permettant de répondre rapidement aux besoins des clients dans un secteur, celui de la sous-traitance automobile où le « juste à temps » est une exigence des constructeurs (p 81-84).

Dans toutes ces entreprises, il y a un esprit commun que Jean Staune rapporte en ces termes : « Ainsi se dessine le profil de l’entreprise capable d’être anti-fragile et de surfer sur la complexité. Une telle entreprise tient compte de toutes les parties prenantes impactées par son activité. Elle développe à tous les niveaux l’intelligence collective et la subsidiarité. Elle met en place des logiques d’économie circulaire, d’économie de la fonctionnalité, d’écologie positive. Elle ne se contente pas de polluer moins, mais veut restaurer son environnement tout en fonctionnant. Elle est toujours en mouvement, capable d’être là où personne ne l’attend, capable de se réinventer » (p 209).

 

Une transformation qui se répand jusque dans une grande entreprise traditionnelle : l’Office Chérifien des Phosphates

Ainsi, on peut entrevoir une transformation en train de s’opérer dans certaines entreprises. C’est un changement d’état d’esprit et ce changement commence à se répandre. Il gagne parfois des lieux où l’on ne l’y attendrait pas. Et c’est ainsi que Jean Staune nous fait connaître le changement en train de se réaliser dans une grande entreprise d’état marocaine : l’Office chérifien des phosphates.

Le phosphate est un des composants les plus importants des engrais. C’est donc une ressource majeure et le Maroc possède les plus grandes  ressources mondiales prouvées de phosphates.

C’est dire la place considérable que l’Office Chérifien des phosphates a pris dans la vie du Maroc. Or, l’Office Chérifien des Phosphates était une structure hiérarchique, « une organisation quasi militaire » (p 115). « L’entreprise souffrait d’un double manque de communication, à la fois transversale et verticale… Focalisée sur les ventes et non sur les marges, l’entreprise était en bien mauvaise situation financière » (p116-117). C’est alors, en 2006, qu’un entrepreneur novateur, Mostafa Terrab est arrivé et a engagé un processus de transformation globale de l’entreprise. Dans ce livre, Jean Staune consacre plus de cent pages à une étude de cas de cette innovation.

Qu’est-ce qui rend ce cas si intéressant ? Tout d’abord, l’ampleur de la transition qui se déroule au sein de cette entreprise. Il y a seulement une dizaine d’années, son organisation et son management en étaient à un stade pré-moderne, et elle a du effectuer une transition (qui est toujours en cours) vers le monde moderne, tout en se lançant d’une façon particulièrement intense dans une transition vers le monde post-moderne… Ensuite, parce que cette entreprise, qui est le premier exportateur du Maroc, joue un rôle social important. Mais la façon dont s’effectue cette redistribution est en train de changer radicalement. Selon la fameuse formule, elle évolue de « donner du poisson à quelqu’un » à « lui apprendre à pécher ». Enfin, ces deux grandes branches d’activité : l’extraction des minerais d’un côté, la production industrielle d’engrais de l’autre, ont un impact très important sur l’environnement. Or l’entreprise vise désormais, malgré le caractère chimique d’une grande partie de ses activités, à être exemplaire dans ce domaine. Ainsi, l’entreprise « coche toutes les cases » que nous avons mentionnées comme étant les caractéristiques de l’entreprise de demain : prendre en compte toutes les parties prenantes,  libérer l’intelligence collective, développer le « bonheur au travail » en interne, intégrer les questions environnementales et l’économie circulaire » (p 112)

Jean Staune va donc nous raconter les multiples facettes de cette transformation, les innovations qui s’y succèdent, la libération de l’intelligence collective à travers un nouvel espace où les énergies peuvent se déployer : « le Mouvement » apparu en 2016 (p 121). Les intentions : « être de plus en plus une entreprise apprenante (ou plus exactement une entreprise d’apprenants), être une entreprise digitale, enfin être une entreprise mondiale. Les deux premières intentions poussent clairement à une très forte transformation culturelle de l’entreprise ». L’entité de base du mouvement s’appelle « la Situation ». « La Situation est un groupe d’étude et de proposition qui se saisit lui-même d’un sujet pour faire une proposition concrète, et ce, dans n’importe quel domaine qui concerne l’entreprise » (p 122-123). Les groupes élaborent des propositions –

A travers cette étude de cas, qui occupe une place majeure dans ce livre, Jean Staune nous entraine dans la compréhension d’un processus riche en inventions, en transformations. Pour notre compréhension, il y ajoute des outils d’analyse. Ainsi, il nous apprend à voir dans cette grosse entreprise, l’existence de différents niveaux de réalité qui se côtoient :

« ° Le niveau de l’entreprise pré-moderne et bureaucratique

° Le niveau de l’entreprise moderne et la recherche de l’information, du big data et du contrôle en temps réel

° L’entreprise post-moderne basée sur la créativité : le Mouvement, l’autre organisation…

° L’université qui se situe dans une dimension totalement différente de l’entreprise, tout en interagissant en permanence avec elle, comme les différents niveaux de la réalité (par exemple : quantique, mécanique et virtuel) interagissent entre eux

° Les fondations et associations comme l’école 1337 ou encore un Think Tank comme le « Policy Center » (p 208-209)

 

Le potentiel de l’intelligence collective

 Face aux enjeux des mutations économiques, politiques et sociales en cours, Jean Staune met en valeur le potentiel de l’intelligence collective. Il intervient ici dans une conjoncture marquée par l’actualité, notamment par les revendications des gilets jaunes concernant le référendum d’initiative citoyenne et le débat entre philosophes sur l’évolution de la société. Toute conjoncture comporte des aspects immédiats et passagers qui peuvent susciter des humeurs.

Nous nous bornerons ici à mettre en valeur les grandes orientations qui se dégagent de ce livre.

En abordant la question de l’intelligence collective, Jean Staune en rappelle les conditions permettant d’éviter les dérives possibles à partir d’un livre de Patrick Scharnitzky : « Comment rendre le collectif (vraiment) intelligent » (p 237). On peut y ajouter que le bon fonctionnement de l’intelligence collective dans certaines entreprises est lié au climat qui règne dans celles-ci. Alors que dans un contexte social plus global, les passions sont beaucoup plus vives et dérégulantes. Des dispositions particulières sont nécessaires.

Dans ce chapitre, Jean Staune présente trois études de cas d’entreprises françaises où les performances en matière d’intelligence collective sont remarquables : le groupe Innov on  et la société Chronoflex dirigés par Alexandre Gérard, Clinitex dirigé par Thierry Pick, et la Camif dirigé par Emery Jacquillat (p 242-267).

La société Chronoflex intervient dans un marché de niche : la réparation de flexibles hydrauliques sur des chantiers. En 2009, à la suite de la crise, l’entreprise se retrouve dans une situation difficile. Son directeur, Alexandre Gérard, s’interroge, entend parler des entreprises libérées, et s’engage dans un processus de consultation qui débouche sur une réorganisation de l’entreprise : autonomie des équipes, conception nouvelle des responsables vers une approche d’animation, multiplication et diversification des responsables, processus de décision collective dans la conduite de l’entreprise et la définition des stratégies. Un tel changement passe aussi par une transformation du dirigeant de l’entreprise : Alexandre Gérard (11)

A Clinitex, Thierry Pick a développé son entreprise en se fondant à la fois sur une relation de proximité avec le client et un grand respect pour la personne humaine. Les collaborateurs participent à une procédure d’autoévaluation partagée et interviennent dans le recrutement. Les agences ont une grande autonomie. La rémunération n’est pas basée sur les résultats, mais sur la responsabilité. L’écart maximum de salaire est de 1 à 12 entre le « balayeur de base » et le dirigeant. Clinitex démontre qu’on peut être une entreprise à taille humaine avec plusieurs milliers de personnes.

En 2009, Emery Jacquillat « s’est lancé  dans un pari énorme : reprendre la CAMIF, l’ancienne centrale d’achat de la mutuelle des instituteurs qui venait de faire une faillite retentissante ». « Il s’agissait d’une grosse structure bureaucratique à l’ancienne . Emery Jacquillat n’avait aucune légitimité particulière à agir dans ce milieu. Il savait qu’il ne pouvait réussir sans l’existence d’un microsystème autour de l’entreprise. Il met en place un blog pour expliquer qui était la nouvelle équipe et surtout demander : « Qu’est-ce que les clients et le fournisseurs veulent que soit cette entreprise ? » C’est comme ça qu’a émergé, à une époque où elle était encore beaucoup moins à la une des médias, l’idée du « made in France ». Aujourd’hui, 73% du chiffre d’affaires provient des produits fabriqués en France, un chiffre absolument unique dans un secteur comme celui de l’ameublement, de la literie et des fournitures de maison » (p 259-266). Pour réussir, la CAMIF a mis en place graduellement toute une série de mécanismes pour co-construire ses produits. A tous les niveaux, on cherche à « créer du lien entre les hommes » Les collaborateurs comme les clients sont engagés dans une démarche participative. Et, par exemple en 2015, l’entreprise a décidé que le budget 2016 serait établi par un groupe de salariés bénévoles. L’exercice a réussi et suscité une grande motivation.

L’intelligence collective n’est pas un rêve. Ce n’est pas une idéologie. « Les extraordinaires aventures économiques et humaines que représentent Innov on, Clinitex, La CAMIF, les propos d’Alexandre Gérard, de Thierry Pick et Emery Jacquillat nous fournissent les réponses principales aux critiques des démarches d’entreprises libérées et d’intelligence collective. L’intelligence collective, ça marche ».

 

Vers une société nouvelle

Ce livre nous montre comment le système économique peut changer de l’intérieur. Il y a une évolution des mentalités. L’angle de la vision s’élargit. Les barrières s’affaissent. De plus en plus, on pense globalement. Des lors, peuvent apparaitre des entreprises « inclusives ». Ces entreprises ouvrent la voie à une société post-capitaliste. Si les expérimentations sont encore peu nombreuses, elles sont concluantes et participent à un mouvement qui s’amplifie.

Alors, dans un monde inquiet, menacé par le dérèglement climatique, traversé par des crispations et des tumultes politiques, Jean Staune nous ouvre une piste : l’émergence d’une intelligence collective dans une société participative.

A l’heure ou certains envisagent l’effondrement de nos sociétés, Jean Staune trace une voie. « Pourquoi je ne suis pas collapsologue ? Ce n’est pas par un optimisme béat. Tout ce que nous avons vu au cours de ce livre soutient avec force cette affirmation. Oui, il y a une énergie incroyable au fond de nous, l’énergie de l’intelligence collective qui a été, pour l’instant, si peu employée dans l’histoire humaine que nous pouvons justement être certain qu’elle recèle un potentiel incroyable… Tous les exemples que nous avons développés dans ce livre le montrent : il est possible d’effectuer des progrès inimaginables aux yeux des experts quand de simples personnes sans formation, mais avec une bonne connaissance de terrain, mettent leur intelligence en commun » (p 298).

Dans une nouvelle étape, on peut envisager que les réseaux sociaux démultiplient l’exercice de cette intelligence collective. «  Les réseaux permettent de créer des outils fondamentaux pour le monde de demain, comme le montre déjà l’exemple de Wikipedia… Comme le dit Vincent Lenhardt, grâce à nos réseaux sociaux, cette capacité d’intelligence collective est en train de réaliser « un véritable saut quantique ». Cette « Noosphère » envisagée par Teilhard de Chardin, cette « éruption » d’intelligence et de créativité, rendue possible par la connexion de tous les esprits de la planète, est aujourd’hui « à la portée de la main » (p 399). Oui, dans les remous actuels, Jean Staune sait voir ce qui est en train de se construire. « Face à toute cette montée du populisme, de toutes ces démonstrations de bêtise collective, à ces rumeurs qui se répandent », il voit « ces fragiles petites flammes qui s’élèvent ici et là et qui sont constituées de toutes les expériences que nous avons décrites ici » (p 301). C’est un commencement.

 

Emergence

Au fil de son œuvre intellectuelle et militante, Jean Staune nous apparaît comme un pionnier, un défricheur, un visionnaire. Dans son livre précédent : « les clés du futur (9), il réalisait une grande synthèse à partir de laquelle il mettait en évidence une voie de transformation économique et sociale. Ce nouveau livre sur l’intelligence collective a été écrit plus rapidement dans une période où l’actualité était agitée par les manifestations des gilets jaunes. L’auteur commente cette actualité. Il prend part au débat. On peut ne pas le suivre dans telle ou telle opinion. Mais, toujours, on se réjouit de voir qu’il apporte un fil conducteur pour voir plus grand, plus loin.

L’intelligence collective, c’est aussi une voie nouvelle à explorer dans le domaine politique. Et, justement, nous venons d’apprendre qu’une grande innovation est en train de se mettre en place aujourd’hui en ce domaine : la création  d’une « assemblée citoyenne pour le climat » fondée sur une mise en œuvre d’intelligence collective (12). C’est un évènement majeur. Cependant, nous avons centré notre analyse de ce livre sur la transformation du système économique.

Au terme de son livre, Jean Staune évoque Teilhard de Chardin dans sa vision annonciatrice de la « noosphère ». Comment ne pas y associer aujourd’hui la pensée théologique de Jürgen Moltmann dans sa vision d’un Esprit créateur partout à l’œuvre (13). C’est un éclairage qui nous parait en phase avec les dimensions nouvelles qui apparaissent aujourd’hui.

Au cœur même de sociétés déchirées, les prophètes de la Bible ont ouvert des espérances. Sur un autre mode, on peut voir dans ce livre une dimension prophétique. Face au péril actuel, Jean Staune ne s’enferme pas dans la perspective d’un effondrement. A partir de l’intelligence collective, il trace une voie de vie. Là aussi, en correspondance, nous pouvons évoquer la théologie de l’espérance dans laquelle Jürgen Moltmann nous invite à regarder vers l’avenir et à percevoir l’expérience de Dieu dans des expériences anticipatrices (14).

Au-delà de ce commentaire personnel, nous pouvons tous reconnaître dans ce livre une dynamique qui ouvre la compréhension, nous introduit dans un mouvement et nous invite à une mobilisation. Un avenir à construire !

J H

  1. Pierre Lévy. World Philosophie : le marché, le cyberespace, la conscience. Odile Jacob, 2000
  2. James Surowiecki. The wisdom of crowds. Why the many are smarter than the few and how collective wisdom shapes business, economies, societies and nations. Doubleday, 2004
  3. James Sorowiecki. La sagesse des foules. Jean-Claude Lattès . 2008
  4. Emile Servan-Scheiber. Supercollectif. La nouvelle puissance de nos intelligences. Fayard, 2018
  5. Emile Servan-Schreiber. La force de l’intelligence collective. Site : Marketing et innovation : https://visionarymarketing.com/blog/2018/10/intelligence-collective/
  6. Le rôle des femmes dans l’intelligence collective : https://www.facebook.com/28minutes/videos/2192573717736096/?v=2192573717736096
  7. Jean Staune. L’intelligence collective, clé du monde de demain. L’Observatoire, 2019
  8. Le site de Jean Staune : Naviguer dans un monde en mutation : http://www.jeanstaune.fr
  9. Jean Staune. Les clés du futur. Réinventer ensemble la société, l’économie et la science. Préface de Jacques Attali. Plon, 2015. Mise en perspective sur Vivre et espérer : https://vivreetesperer.com/comprendre-la-mutation-actuelle-de-notre-societe-requiert-une-vision-nouvelle-du-monde/
  10. Jacques Lecomte. Les entreprises humanistes. Les Arènes, 2016 Mise en perspective sur Vivre et espérer : https://vivreetesperer.com/vers-un-nouveau-climat-de-travail-dans-des-entreprises-humanistes-et-conviviales-un-parcours-de-recherche-avec-jacques-lecomte/
  11. « Alexandre Gérard : chef d’entreprise, pionnier d’une entreprise libérée » : https://vivreetesperer.com/alexandre-gerard-chef-dentreprise-pionnier-dune-entreprise-liberee/
  12. Comment Cyril Dion et Emmanuel Macron ont élaboré l’assemblée citoyenne pour le climat : (site Reporterre) : https://reporterre.net/Comment-Cyril-Dion-et-Emmanuel-Macron-ont-elabore-l-assemblee-citoyenne-pour-le-climat?fbclid=IwAR01yBCpZ93dJlt7fLOPYA5RAh_5Z1hgPc1ZmqJtDE0hW4U0qZ15V69LU20
  13. La pensée théologique de Jürgen Moltmann nous donne des clés pour interpréter le monde d’aujourd’hui et nous la suivons sur ce blog. Jürgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999
  14. « La force vitale de l’espérance » (p 109-116), dans : Jürgen Moltmann. De commencements en recommencements. Empreinte, 2012

 

Voir aussi sur ce blog :

Pour une intelligence collective. Eviter des décisions absurdes et promouvoir des choix pertinents. La contribution de Christian Morel : https://vivreetesperer.com/pour-une-intelligence-collective-eviter-les-decisions-absurdes-et-promouvoir-des-choix-pertinents/

 

 

 

Pour des oasis de fraternité

https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/41lLBAkJuXL._SX262_BO1,204,203,200_.jpgPourquoi la fraternité ?
Selon Edgar Morin

Edgar Morin vient de publier un petit livre : « La fraternité. Pourquoi ? » (1). C’est une alerte. C’est un appel. C’est, en quelque sorte, un manifeste. Et ce manifeste nous est adressé par un des plus grands penseurs de notre époque (2). Au fil des années, Edgar Morin ne nous rapporte pas seulement une vie militante et créative, mais, sociologue et philosophe, il est également un immense penseur, un penseur encyclopédique, un penseur pionnier, auteur d’une série de livres intitulée : « La Méthode » : apprendre à envisager la globalité et à reconnaître la complexité.

Au cours de décennies de recherche, Edgar Morin a écrit un grand nombre de livres couronnés par une audience internationale, puisque traduits en 28 langues. Alors pourquoi y ajoute-t-il aujourd’hui un livre engagé, en réponse aux inquiétudes suscitées par les tensions et les dérives qui se manifestent dans nos sociétés ?

Face aux périls

Dans une récente vidéo (3), Edgar Morin n’hésite pas à déclarer :
« Le pire est envisageable, mais le meilleur est encore possible ». C’est dire l’importance de l’enjeu, mais quelles sont donc les menaces ?

Si l’individualisme comporte des aspects positifs comme les possibilités ouvertes par l’autonomie personnelle, il entraine également une « dégradation des solidarités » (p 38). De même, la mondialisation a un « effet paradoxal » : « Elle crée une communauté de destin pour toute l’humanité en développant des périls globaux communs : la dégradation de la biosphère, l’incertitude économique et la croissance des inégalités, la multiplication des armes… » (p 41). Et puis, Edgar Morin dénonce également des modes de pensée qui engendrent des effets négatifs. Certes, « La domination d’une pensée qui sépare et compartimente, et qui, elle-même, ne peut accéder aux problèmes fondamentaux et globaux de la société » nous paraît ancienne, mais elle prend force lorsque « le mode de connaissance dominant devient le calcul, qui traduit toutes les réalités humaines en chiffres et ne voit dans les individus-sujets que de objets » (p 39). Ainsi, dans ces conditions, les trois moteurs couplés : sciences-techniques-économies conduisent aux catastrophes écologiques, au péril mortel des armes nucléaires et autres, aux déshumanisations de tous ordres » et, en même temps, aux dangers du transhumanisme » (p 51). En regard, Edgar Morin nous présente un ensemble de propositions. Cette voie nouvelle passe par un « changement de notre façon de connaître et de penser, réductrice, disjonctive, compartimentée pour un mode de pensée complexe qui relie, capable d’appréhender les phénomènes dans leur diversité et leur unité ainsi que leur contextualité » (p 52).

Cependant, si la conflictualité prend des formes nouvelles, elle s’inscrit dans une longue histoire. Il y a bien des maux terribles dans notre passé. La mise en garde vis à vis des périls actuels ne doit pas nous les faire oublier (4). Edgar Morin ne les évoque pas ici, mais il analyse les racines anthropologiques et idéologiques de la conflictualité.

La force de l’entraide

Le grand livre de Darwin, « De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la lutte pour l’existence dans la nature » (1859-1861) a été lu, à une époque, comme « confirmant le développement des plus agressifs et mieux adaptés à un monde conflictuel, et utilisé comme justification pseudo-scientifique du darwinisme social. Le penseur libertaire, Pierre Kropotkine, s’opposa vigoureusement à cette doctrine politique comme à l’interprétation dominante du darwinisme où le « struggle for life » devenait le déterminant de la solution au profit des meilleurs… » (p 17). Edgar Morin nous montre comment le darwinisme social a perdu son emprise. Aujourd’hui, on reconnait l’importance de la symbiose et des relations associatives. Face aux forces de conflit et de destruction, « les forces

d’association et d’union s’activent dans les écosystèmes » (p 21) Aujourd’hui, l’entraide est reconnue comme une force motrice (5).

La fraternité : une grande aspiration

Le fraternité, c’est une nécessité sociale, c’est aussi un besoin intérieur… Ainsi Edgar Morin ne trace pas uniquement un chemin collectif. Il raconte l’histoire de sa vie. Il exprime un ressenti. « De même que je n’ai jamais pu vivre sans amour, je n’ai jamais pu vivre sans fraternité… Il y a les grandes fraternités durables. Mais il y a aussi les fraternités provisoires. Ces fraternités dues à la rencontre, au hasard, à la communion, à l’adhésion enthousiaste, à des je-ne-sais quoi où deux êtres se reconnaissent plus que camarades, sont des moments solaires qui réchauffent nos vies dans leur cheminement dans un monde prosaïque (p 35-36).

Liberté, égalité, fraternité, belle devise (6) mais « la fraternité ne peut pas venir d’une injonction statique, supérieure, elle doit venir de nous (p 9). Elle peut s’appuyer sur une aspiration humaine. Les sources du sentiment qui nous portent vers autrui, collectivement (nous) ou personnellement (tu) sont les sources de la fraternité (p 11).

Mais Edgar Morin sait combien cette fraternité doit être entretenue, car elle est menacée par des forces opposée. Il y a opposition entre tout ce qui pousse à l’union -eros- et, d’autre part, tout ce qui pousse au conflit -polemos- ainsi que ce qui nous pousse à la destruction et à la mort -thanatos- » (p 25). Il y a interaction. Ainsi, « tout ce qui ne régénère pas, dégénère et il en est ainsi de la fraternité »

Des oasis de fraternité

Face à des menaces bien identifiées, Edgar Morin entrevoit « un bouillonnement d’initiatives privées, personnelles, communautaires, associatives qui font germer ici et là les ébauches d’une civilisation vouée à l’épanouissement personnel dans l’insertion communautaire… il y a là comme des oasis… (p 44). On retrouve dans la description d’Edgar Morin un foisonnement d’innovations, des fablabs (laboratoires de fabrication collaboratifs) à toute la gamme des initiatives écologiques et sociales. A cet égard, le film : « Demain » nous avait bien montré le sens de ce mouvement (7) . Ce blog rapporte des innovations de ce genre (8).

« Nous devons tout faire pour sauvegarder et développer la fraternité des oasis. Le déferlement des forces négatives en notre époque de régressions éthiques et politiques généralisées, rend de plus en plus nécessaire la constitution de ces oasis. Nous devons créer des ilots de vie autre, nous devons multiplier ces ilots, car, ou bien les choses vont continuer à régresser et les oasis seront des ilots de résistance de la fraternité, ou bien, il y aura des possibilités positives et ce seront les points de départ d’une fraternité plus généralisée dans une civilisation réformée » (p 36).

Montée d’une prise de conscience

Il apparaît de plus en plus aujourd’hui que le rationalité technique et scientifique ne suffit pas. La relation humaine est essentielle dans toutes ses dimensions éthiques : care, empathie, fraternité. C’est un mouvement général qui s’exprime également sur le plan spirituel. Si, de par son histoire personnelle et le cheminement de sa réflexion, agnostique, Edgar Morin n’entre pas dans la dimension religieuse, son éloge de la fraternité rejoint les croyants engagés en ce sens.

L’amour partagé est au cœur de l’Évangile. Il a cheminé parfois en sous-main dans des moments peu avenants de la chrétienté. Michel Clévenot a pu écrire une histoire de la pratique chrétienne sous le titre : « Les hommes de la fraternité » (9). Et, dans son grand livre : « Le Phénomène humain » (10), Pierre Teilhard de Chardin voit dans l’amour, le cœur du vécu chrétien : « L’amour chrétien, chose incompréhensible pour ceux qui n’y ont pas gouté. Que l’infini et l’intangible puissent être aimable ; que le cœur humain puisse battre pour son prochain d’une charité véritable : ceci paraît à bien des gens que je connais tout simplement impossible… Et cependant, que fondé ou non sur une illusion, ce sentiment existe, et qu’il est même anormalement puissant, comment en douter – rien qu’à enregistrer brutalement les résultats qu’il ne cesse de produire autour de nous… Et n’est-ce pas un fait enfin, celui là, je le garantis, que si l’amour de Dieu venait à s’éteindre dans l’âme des fidèles, l’énorme édifice de rites, de hiérarchie et de doctrines que représente l’Eglise retournerait instantanément dans la poussière dont il est sorti » (écrit en 1938-1940). Aujourd’hui, à travers la pensée théologique de Jürgen Moltmann (11), nous apprenons à reconnaître l’inspiration de l’Esprit dans la manifestation de la fraternité où qu’elle soit, souvent dans des espaces où la référence religieuse s’en est allée.

Sur ce blog, un précédent article annonçait la recherche actuelle de fraternité : « Appel à la fraternité ». Ce livre d’Edgar Morin, accessible à tous est la contribution d’un grand penseur à cette quête. L’engagement d’un homme de savoir dans cette cause nous paraît hautement significatif.

J H

  1. Edgar Morin. La Fraternité. Pourquoi ? Actes Sud, 2019
  2. Edgar Morin Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Edgar_Morin
  3. Entretien avec Edgar Morin 28 mars 2019 : https://www.youtube.com/watch?v=RghwWsPihs0
  4. Ne pas oublier l’âge dur dont nous sommes sortis depuis quelques décennies : Michel Serres  Darwin, Bonaparte et le samaritain. Une philosophie de l’histoire : https://vivreetesperer.com/une-philosophie-de-lhistoire-par-michel-serres/
  5. Face à la violence, l’entraide : le livre de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle : https://vivreetesperer.com/face-a-la-violence-lentraide-puissance-de-vie-dans-la-nature-et-dans-lhumanite/
  6. Une vision de la liberté, selon Jürgen Moltmann : https://vivreetesperer.com/une-vision-de-la-liberte/
  7. Le film « Demain » : https://vivreetesperer.com/le-film-demain/
  8. Le mouvement collaboratif, qui se développe actuellement, présente des facettes différentes : des communautés fraternelles, mais aussi des entreprises solidaires. Peu présent dans ce livre sur la fraternité, cet aspect économique doit être mis en valeur. La convergence est manifeste dans le livre d’Isabelle Delannoy : « L’économie symbiotique » . La présentation de ce livre est accompagnée de la mention des initiatives analysées sur ce blog : https://vivreetesperer.com/vers-une-economie-symbiotique/
  9. Michel Clévenot. Les hommes de la fraternité en 12 volumes « Les hommes de la fraternité. Une histoire post-moderne du christianisme » : https://www.religiologiques.uqam.ca/no9/cleve.pdf
  10. Pierre Teilhard de Chardin. Le phénomène Humain. Seuil (Points Sagesse) Citation : p 297-298
  11. Jürgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999 « Un Esprit sans frontières » : https://vivreetesperer.com/un-esprit-sans-frontieres/
  12. Sur ce blog : « Appel à la fraternité » avril 2015 : https://vivreetesperer.com/appel-a-la-fraternite/

L’imprimante 3D

Vers un nouveau paysage industriel, économique, social

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Peter est ingénieur dans une entreprise de haute technologie.

« En recherche d’un nouveau champ d’activité pour son entreprise, il a été amené à travailler sur une innovation en rupture : l’imprimante 3D ». En répondant à nos questions, il nous ouvre un horizon : l’apparition d’un nouveau paysage industriel, économique et social.

 

Emergence d’un nouveau mode de production

« L’imprimante 3D n’est pas une nouveauté. Elle existe depuis plus de 30 ans. La vraie nouveauté, c’est de l’utiliser dans une phase industrielle. C’est de faire de la « mass production » . Il y a trente ans, on s’en servait pour faire des prototypes, par exemple des concepts de voiture, de moteur. On s’en servait aussi pour faire de la recherche afin de bien comprendre et d’améliorer le fonctionnement et le potentiel de cette imprimante à des fins de réaliser des produits de qualité. Aujourd’hui, on entre dans la phase d’industrialisation pour faire des pièces de qualité qui soient équivalentes à la production classique.

Qu’est-ce que l’imprimante 3D ? Dans la fabrication traditionnelle, on part d’un bloc de matière. On retire de la matière pour réaliser une pièce . Dans l’imprimante 3D, on part de rien. On part d’une poudre et, pour réaliser une pièce, on va agglomérer cette poudre, couche après couche. On peut avoir différents types de matière initiale : polymère, métal, céramique, bois, béton. Ce qui domine, ce sont les polymères et le métal. Aujourd’hui, l’imprimante 3D est utilisée dans trois domaines principaux : l’aérospatial, le médical, la défense.

 

Vers une économie décentralisée et écologique

Les conséquence sont significatives parce qu’on va développer l’économie locale. L’imprimante 3D permet d’éviter les transports. On envoie le modèle 3D par internet dans les lieux de fabrication. On y dispose de la matière. La production s’effectue dans des micro-usines à partir de quelques imprimantes 3D. Les produits sont fabriqués localement. On n’a plus besoin d’importer des produits de pays lointains. La production pourra à nouveau se développer dans des pays, dits développés, en Europe, en Amérique, et aussi dans des pays pauvres, jusqu’ici peu industrialisés. Cependant, il y a besoin de compétence. Il n’y a plus de dépendance par rapport à des lieux jusque là privilégiés. On pourra de plus en plus travailler en dehors des métropoles et des zones industrielles et réindustrialiser des régions  aujourd’hui dépourvues.

Cette transformation va permettre également une personnalisation des produits, une adaptation aux clients. De même, les produits pourront être réparés. Les pièces pourront être changées. L’imprimante 3D favorise le remplacement des pièces. C’est une entrée dans le mouvement de l’économie circulaire qui est une des composantes de l’économie écologique. Moins de transport, moins de consommation d’énergie, tout cela va dans le sens de la transition écologique.

 

 L’imprimante 3D : un développement rapide

Aujourd’hui, l’imprimante 3D est très développée aux Etats-Unis. Initialement, ce fut une innovation française, mais elle a été reprise et développée aux Etats-Unis à partir des années 1990. Elle est également très développée en Asie : Japon, Corée, Chine. Et maintenant, elle se développe en Europe. En France, nous sommes encore très en retard : 3% du marché contre 6% en Angleterre, 9% en Allemagne… et 40% aux Etats-Unis. Nous avons besoin d’une aide de l’Etat pour une démocratisation de l’imprimante 3D. Il y a besoin d’un immense effort d’information, de formation et de conseil. Pour une approche prospective, on peut déjà envisager l’imprimante 4D qui permet de donner mouvement aux objets. Entre autres, l’imprimante 4D permettra de reconstituer les tissus humains de grands brulés.

Dans la transformation en cours, il y a encore en France un temps d’inertie. Mais on peut envisager que la France entre pleinement dans ce processus d’ici cinq ans.

L’imprimante 3D, ce n’est pas seulement une innovation technologique, c’est également un changement de société ».

Interview de Peter recueillie par J H

Sur ce blog, on pourra lire aussi :

« La troisième révolution industrielle » (Jérémie Rifkin) : https://vivreetesperer.com/face-a-la-crise-un-avenir-pour-l’economie/
« Un monde en changement accéléré » (Thomas Friedman) : https://vivreetesperer.com/un-monde-en-changement-accelere/
« Pourquoi et comment innover face au changement accéléré du monde » (Thomas Friedman) : https://vivreetesperer.com/pourquoi-et-comment-innover-face-au-changement-accelere-du-monde/
« Comprendre la mutation  actuelle de notre société requiert une vision nouvelle du monde » (Jean Staune)
https://vivreetesperer.com/comprendre-la-mutation-actuelle-de-notre-societe-requiert-une-vision-nouvelle-du-monde/
« Vers une économie symbiotique » (Isabelle Delannoy)
https://vivreetesperer.com/vers-une-economie-symbiotique/

Vers une personnalité unifiée

De plus en plus, quelque soient les tempêtes, nous percevons un mouvement d’unification dans le monde d’aujourd’hui (1) et, en abaissant les barrières entre les disciplines académique, ce mouvement affecte également notre usage du savoir (2). De plus en plus, l’être humain est envisagé dans une perspective globale, holistique. Le corps et l’esprit communique et interfère réciproquement comme le montre Denis Janssen dans son livre : « la guérison intérieure » (3). Dans le même mouvement, la médecine est appelée à reconnaître les interrelations entre les différents composants, les différents niveaux du corps et à s’engager dans une perspective intégrative (4). La spiritualité est, elle aussi, concernée au premier chef. On a pu la définir récemment comme une « conscience relationnelle », comme une relation avec soi-même, avec les autres, avec la nature et avec Dieu (5). La focalisation sur l’âme se détournant du corps, la méconnaissance de celui-ci, sont en train de s’éloigner. Tout est perçu en terme de relation. Comme le souligne Jürgen Moltmann dans sa théologie trinitaire, Dieu lui-même est communion d’amour, un amour qui se répand (6). La présence de Dieu se manifeste (7).

Cependant, dans ce monde en mutation, nous vivons en tension.  Les représentations du passé sont encore là et font souvent barrage.  Des attractions nouvelles nous bousculent parfois et nous dispersent. Les vicissitudes de la vie, les menaces concernant la santé sont toujours là avec les inquiétudes qu’elles génèrent.  Nous avons toujours, et même de plus en plus, besoin de vivre en relation avec une présence, la Présence divine, source de confiance et de vie. Ainsi, ce texte d’Odile Hassenforder : « Vers une personnalité unifiée », écrit, il y a une dizaine d’années, nous paraît toujours innovant. Il vient nous éclairer dans nos cheminements de vie. C’est un texte de réflexion qui a demandé à Odile un effort de synthèse. Et c’est aussi un témoignage, car Odile a écrit ce texte tout en étant confrontée à une dure maladie. Aussi bien, nous savons qu’à l’époque, elle en avait parlé à son médecin, pour elle, un ami.

Ce texte est paru en 2006 sur le site de l’association à laquelle Odile participait activement : Témoins (8). Il a été ensuite publié dans le livre : « Sa présence dans ma vie » (9). Ici, Odile exprime une vision globale d’un être humain en marche vers une personnalité unifiée, dans une perspective de plénitude (en anglais : wholeness) (11) , en Christ ressuscité, promise et offerte par Dieu.

J H

  1. Une prise de conscience de la globalisation qui remonte à la conception de la « Noosphère » selon Teilhard de Chardin : https://fr.wikipedia.org/wiki/Noosphère
  2. Michel Serres. Petite Poucette. Une nouvelle manière d’être et de connaître. Vers un nouvel usage et un nouveau visage du savoir : https://vivreetesperer.com/une-nouvelle-maniere-detre-et-de-connaitre-3-vers-un-nouvel-usage-et-un-nouveau-visage-du-savoir/
  3. Vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit : https://www.temoins.com/vers-une-nouvelle-medecine-du-corps-et-de-lesprit/
  4. Médecine d’avenir. Médecine d’espoir : https://vivreetesperer.com/medecine-d’avenir-medecine-d’espoir/
  5. La vie spirituelle comme une « conscience relationnelle ». la recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/
  6. Dieu, communion d’amour : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/
  7. Jürgen Moltmann. Reconnaître la présence de Dieu à travers l’expérience : https://vivreetesperer.com/reconnaitre-la-presence-de-dieu-a-travers-lexperience/ Richard Rohr. La danse divine (The divine dance) : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/   Une nouvelle manière de croire (Diana  Butler Bass) : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/
  8. Sur le site de Témoins : Vers une personnalité unifiée : https://www.temoins.com/vers-une-personnalite-unifiee/
  9. Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte, 2011 (p 207-211) Voir sur ce blog : Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Un témoignage vivant : https://vivreetesperer.com/odile-hassenforder-sa-presence-dans-ma-vie-un-temoignage-vivant/

 

Vers une personnalité unifiée

Les besoins, à différents niveaux, sont si nombreux que les multiples facettes de la relation d’aide sont toutes utiles. Pour ma part, depuis une trentaine d’années, j’ai fait bien du chemin. Dans les milieux charismatiques ou évangéliques, j’ai vu les merveilles de l’amour de Dieu, des miracles. J’ai aussi constaté qu’après amélioration, certaines personnes retombaient dans les mêmes ornières, malgré leur confiance en Dieu. Assistante sociale de profession, j’étais habituée à l’écoute et à la recherche de  solutions, sociales bien sûr, mais aussi psychologiques.

Découvertes psychologiques.

Peu à peu, tout en m’imprégnant de la Parole de Dieu, j’ai cherché à approfondir mes connaissances psychologiques en suivant diverses formations, en lisant des livres spécialisés ou en consultant des personnes compétentes. J’en ai tiré une importante leçon de vie. Quelle grande espérance de savoir que la découverte des racines de ses dysfonctionnements permet de reconstruire sa personnalité selon ses désirs profonds. De même, quelle libération de pouvoir mettre à jour ses projections ou les déviations d’une mentalité parfois marquées par un héritage ancestral… qui déforment la réalité, court-circuitent la communication et faussent la relation. Et, parallèlement, l’introduction de nouvelles représentations suscite un meilleur équilibre. C’est toujours une joie profonde de voir une personne prendre peu à peu sa vie en main.

Une approche du corps.

Observant l’influence du psychisme sur le corps, je me suis attachée, ces derniers temps, à creuser davantage mes connaissances physiologiques. Ainsi j’ai découvert que la maladie pouvait être une interpellation positive lorsqu’elle nous permettait d’aller plus loin dans la compréhension des racines de notre mal-être. Découvrir les causes permet de mieux remédier au mal. Le corps est heureusement doté  de capacités de régénération et de mécanismes d’auto-défense. Cependant, ces phénomènes peuvent céder face à de trop fortes agressions. La médecine globale, telle qu’elle se développe actuellement, cherche à remettre en ordre l’équilibre général: les circuits qui relient les différents organes à l’image de vases communicants. Tout se tient. Il y a un lien entre les glandes endocrines , les hormones, les réseaux nerveux, le flux sanguin et même les ondes énergétiques… La guérison devient alors la remise en ordre de l’harmonie  corporelle. Le traitement médical intervient comme un soutien positif pour remédier aux dysfonctionnements. Il ne s’agit plus de supprimer simplement les symptômes, mais de les considérer comme des panneaux de signalisation. Je loue le Créateur pour cette merveille qu’est notre corps dans sa complexité et dans ses potentialités (Ps .139).

La Vie circule.

Aujourd’hui, en essayant de faire une synthèse de mes découvertes, je réalise combien il y a interrelation entre les différents registres de notre être , du physique au spirituel en passant par les divers aspects de la vie psychique, de l’émotionnel au cognitif.

En lisant la Bible, j’y découvre une vision dynamique qui éclaire cette compréhension. Dans les Proverbes, par exemple, n’est-il pas indiqué que « D’aimables paroles sont bienfaisantes pour le corps (Pr. 16.24). Le cœur joyeux est un excellent remède (Pr. 17.22). La langue du sage apporte la guérison (Pr.12.18) ».

Ma pensée s’est peu à peu imprégnée d’une vision herméneutique et systémique : interprétation personnelle de chaque phénomène en le situant dans un ensemble au sein d’un système en mouvement et en évolution. Tout se tient. Avec émerveillement, je me rends compte que les textes bibliques font écho à ma manière de voir toute chose. Dieu Trinitaire nous a créés à son image pour devenir à sa ressemblance: une personne en relation. Par ailleurs, comme le montre les comparaisons employées par Jésus : l’eau vive, la sève, la lumière…la vie divine circule à tous les niveaux. Lorsque nous n’y mettons pas d’obstacles, nous pouvons en percevoir les effets bénéfiques. Le pardon des péchés fait tomber les barrières.  Dieu agit. Dieu régénère. Dieu guérit. Comme le dit l’Evangile en parlant de Jésus : « Une force sortait de Lui et les guérissait tous » (Luc 6.19, 8.46).

Notre participation à la création.

J’ai été secouée au plus profond de mon être, le jour ou j’ai réalisé que Dieu m’appelait à  participer à la gérance de sa création, à commencer par ma personnalité. Qui suis-je pour être ainsi « collaboratrice » du Créateur (Ps.8) ? Dieu continue à créer avec chacun de nous et avec moi.  Le Père Céleste agit sans cesse, dit Jésus, et Il m’invite à participer à la nouvelle création mise en route dans sa résurrection. En peu de mots ici, je voudrais dire comment je comprends le dernier verset des Psaumes comme une apothéose : « Que tout ce qui respire loue l’Eternel ! ». Toutes les expressions qui se traduisent par des mouvements, des énergies, des ondes… ne participent-elles pas à cette respiration ?

Une motivation forte.

Cette expression d’une vie qui nous dépasse et à laquelle nous participons, m’aide à accompagner positivement les personnes en difficulté. En effet, pouvoir imaginer que notre cheminement à chacun peut nous conduire vers une vie plus pleine et plus libre, est une forte motivation qui fait avancer. Ainsi une épreuve devient un tremplin pour rebondir dans l’espérance (Rom. 5.54), une invitation à faire le point pour réajuster sa vie, l’occasion d’accueillir la force divine (I Cor. 10.13) pour traverser cette crise et en sortir. En Christ ressuscité, la vie est plus forte que le mal  qui a perdu son pouvoir de destruction absolue (I Cor. 15). Le but poursuivi est de guider le cheminement de guérison vers l’harmonie de l’être tout entier en utilisant des approches différentes selon la personne intéressée, à sa mesure, en fonction de sa situation et de sa culture. Ce travail intérieur peut parfois se traduire par une transformation profonde du mode de vie (Rom. 12.1). Ainsi la vie porte davantage de fruits (Jean 15).

Une nouvelle dynamique.

Ainsi concrètement, il me paraît important d’apprendre à voir au quotidien ce qui est beau et bon autour de soi et en soi en développant ce que Paul appelle les fruits de l’Esprit (Gal. 5.23, Eph. 5.9, Col. 3.12…). Exprimer ses observations positives en les partageant avec d’autres, bénir en toutes circonstances (Mat. 5.45), voilà des attitudes qui développent en nous paix et joie, sentiment de plénitude dans la présence de Dieu (Rom. 14.17). Bien sûr, il serait mal venu d’imposer mes représentations, y compris par l’intermédiaire de versets bibliques. Chacun doit pouvoir exprimer ses souffrances comme son mal de vivre, mais à partir de là, il est possible de découvrir tout ce qui est positif dans sa vie et favoriser ainsi une dynamique nouvelle qui va avoir une influence bénéfique sur le psychisme et sur le corps. Ainsi j’encourage mon interlocuteur à manifester ses désirs profonds, et, ainsi à découvrir et à développer ses potentialités. C’est de cette façon qu’il pourra reconstruire librement sa vraie personnalité : « corps, âme, esprit » (I Th. 5.23). J’adhère à ce commentaire trouvé dans l’édition du Semeur de la Bible: Il s’agit de l’être humain, non en trois dimensions superposées, mais dans une globalité de la personne dans ses trois dimensions, pour vivre en contact, en relation: le corps dans sa présence au monde, l’âme, l’être intérieur dans sa relation au monde, l’esprit, l’être intérieur dans sa relation avec Dieu.

En marche.

Dans les limites de ce texte, il n’est pas possible d’illustrer, par des exemples concrets, ce panorama ou bien des nuances doivent être apportées. J’aime partager cette vision qui m’habite et suscite en moi un élan de vie. C’est le fruit d’une mise en place progressive de ma vie dans le projet d’un Dieu qui veut mon bonheur. Même dans les temps ou il me faut traverser la vallée de l’ombre, Il se tient à mes cotés et me reçoit à sa table en « invitée d’honneur » (Ps. 23). Sans ambition, ni prétention, simplement à ma mesure, je cherche à tenir ma place dans cette marche humaine que nous sommes appelés à effectuer ensemble en Eglise selon le projet divin (Eph. ch 1) . Cette vision, qui inspire ma vie, me permet d’affirmer à toute personne rencontrée que la vie vaut la peine d’être vécue.

Odile Hassenforder.

Voir aussi :

Médecine d’avenir. Médecine d’espoir : https://vivreetesperer.com/medecine-d’avenir-medecine-d’espoir/

Les progrès de la psychologie. Un grand potentiel de guérison : https://vivreetesperer.com/les-progres-de-la-psychologie-un-grand-potentiel-de-guerison/

La prière, selon Agnès Sanford, une pionnière de la prière de guérison : https://vivreetesperer.com/la-priere-selon-agnes-sanford-une-pionniere-de-la-priere-de-guerison/

Comment entendre les principes de la vie cosmique pour entrer en harmonie

Diversité, essence et communion

Temoins présente un article de soeur Joan BrownSelon Sœur Joan Brown

 Nous vivons dans un univers en évolution, dans un monde vivant. Avons-nous conscience d’en faire partie ou bien nous en détachons-nous pour le dominer, pour nous replier sur nous ou pour nous en évader ? Si nous entendons les principes de la vie cosmique, les lois de la vie, alors nous participerons à la vie qui nous est donnée et nous pourrons vivre en harmonie. Comment comprendre le rapport entre diversité et unité ? Comment participer au grand mouvement d’interconnexion et de reliance  constamment à l’œuvre ? Comprendre le monde, c’est nous comprendre nous-mêmes. Nous comprendre, c’est comprendre le monde et y participer. C’est une vision où s’allie la science et la spiritualité.

Aujourd’hui, les menaces qui mettent en danger les équilibres du vivant sur notre planète engendrent une prise de conscience écologique. Cette prise de conscience n’appelle pas seulement une transformation majeure de la vie économique, un changement de la production et de la consommation, mais aussi, dans le même mouvement, une transformation de notre genre de vie (1). Et donc, ce qui nous est demandé, c’est une nouvelle manière d’envisager la vie dans son essence même.

Dans l’Occident chrétien, à partir de la renaissance, en phase avec une certaine conception de Dieu, la nature a été soumise à une gouvernance autoritaire (2). Si, dans le même temps, le matérialisme s’est répandu, face à ces errements, à la fin du XXè siècle, des théologiens se sont dressés et nous ont proposé une nouvelle vision de Dieu et du monde. Ainsi, en 1985, Jürgen Moltmann, déjà reconnu comme le théologien de l’espérance, publie un livre : « Dieu dans la création » , qui porte déjà comme sous-titre, « Traité écologique de la création ». (3). Aux Etats-Unis, Thomas Berry (4), prêtre catholique engagé dans une intime compréhension des grandes cultures religieuses, de la Chine et l’Inde jusqu’aux traditions des peuples premiers, disciple de la pensée de Teilhard de Chardin, s’affirme comme un chercheur passionné à l’étude de la terre, comme un « écothéologien ». Un peu plus tard, en 2015, paraît « Laudato Si’ », la lettre encyclique du Pape François sur la sauvegarde de la maison commune (5).

La sœur franciscaine, Joan Brown (6), participe à l’inspiration de Thomas Berry et collabore avec Richard Rohr, fondateur et responsable du « Center for action and contemplation » à Albuquerque (New Mexico) (7). Elle participe à des mouvements alliant écologie et spiritualité comme les « sœurs de la terre » (« Sisters of earth ») (8). Dans l’Etat américain du Nouveau Mexique, elle anime et dirige un centre écologique et interconfessionnel : « New Mexico Interfaith Power and Light » (9). Le centre appuie les églises engagées dans la transformation écologique et participe à des actions environnementales. Dans le cadre d’un cycle de méditations : « Unité et diversité » publié du 2 au 8 juin dans le cadre des méditations quotidiennes diffusées par le « Center for action and contemplation », Joan Brown a écrit une contribution : « Diversité, essence et communion » (10).

Diversité, essence et communion

« Nous tous qui vivons, respirons et marchons sur cette Mère Terre, magnifique et sainte, nous tous, sommes appelés à comprendre les principes inhérents à l’énergie interdépendante et dynamique qui vibre dans chaque élément de la vie ».

Joan Brown distingue en effet trois mouvements qui ont émergé dès la première apparition de la vie, il y a 13,8 milliards d’années.

Ces mouvements, ces énergies, ces principes sont :

« la différenciation ou la diversité

La subjectivité, l’intériorité ou l’essence

La communion, la communauté et l’interconnexion ».

« Comprendre ces principes d’action est essentiel dans les temps critiques où  nous vivons, là où la diversité engendre des conflits, où la vie se déroule à un niveau souvent superficiel et où l’individualisme est rampant ». Ainsi, Joan Brown nous décrit ses principes d’action.

D’abord, chacun de nous – chaque être humain, chaque goutte d’eau, chaque molécule, chaque oiseau, chaque grain de sable, chaque montagne –  est distinct ou différent. Chacun, chacune est une manifestation distincte de l’énergie du Divin Amour. L’univers prospère et ne peut exister sans cette diversité. Ces différences même que nous évitons ou même détruisons, sont nécessaires à la vie  pour qu’elle se poursuive dans une multitude de formes magnifiques.

Joan Brown exprime ensuite un second principe cosmique, « plus facilement accessible aux gens de toute tradition religieuse ». Ce principe, c’est « l’intériorité ou l’essence ». Chaque créature est sainte. Chaque brin d’herbe, chaque sauterelle, chaque enfant est saint. La dégradation écologique, le racisme, la discrimination, la haine, le manque d’intérêt pour œuvrer en faveur de la justice et de l’amour, tout cela évoque un manque de respect, une incapacité d’honorer ce qui se tient devant moi… Pour aider les gens à gérer le changement climatique et à s’y adapter, ce qui est le sujet le plus critique de notre époque, je crois que nous devons nous mettre en contact avec l’essence sacrée de chaque chose qui existe, de chaque existence.

Le troisième principe cosmique est assez évident. « La communion ou la communauté est intimement liée à  la diversité/différenciation et à l’intériorité/essence. Joan Brown évoque une citation attribuée à un moine bouddhiste, Thich Nhat Hanh : «  Nous sommes ici pour nous éveiller, sortir de l’illusion de la séparation ». « La force gravitationnelle de l’amour entraine chaque être vivant et chaque chose à entrer en relation et en communion ».

Nous avons besoin d’une prise de conscience. « Si nous ne pouvons pas aimer notre prochain comme nous-même, c’est parce que nous ne nous représentons pas notre prochain comme nous-même », écrit Béatrice Bruteau, elle aussi « écospirituelle ». « Si nous sommes incapables de voir que nous sommes en communion avec l’autre, nous ne réaliserons pas que ce que nous faisons à nous-même, nous le faisons à l’autre et à la terre. De même, nous ne réalisons pas qu’en fin de compte, notre manque de compréhension se retourne contre nous en violence, que ce soit la peur des autres races et de la diversité ou la destruction de la terre parce que nous voyons le monde naturel comme un objet plutôt que comme un sujet avec une intériorité ».

C’est un appel à voir plus profond , plus grand. « Nous sommes appelé à être plus grand que ce que nous pouvons imaginer être en ce moment. Les principes cosmiques sont une nouvelle manière de comprendre, de voir et d’agir dans un monde qui parait déchiré par une mécompréhension de la beauté de la diversité, de la sainteté de l’essence et de la force évolutionnaire de la communion ».

 Nous ne attarderons pas sur l’arrière plan dans lequel nous voyons cette réflexion : la création en marche « souffrant des douleurs de l’enfantement »  (Rom 8.22) et la dynamique victorieuse de la libération divine en Christ ressuscité. Comme l’écrit Jürgen Moltmann, « le Christ ressuscité est le Christ cosmique. Il est présent en toutes choses. Finalement, il est aussi celui qui vient et qui remplira le ciel et le terre de sa justice ».

La nouvelle spiritualité de la terre éveille une « humilité cosmique ». Elle suscite également un amour cosmique tel que le staretz Sosima l’exprime dans le roman de Dostoevski : « les frères Karamazov » : « Aime toute la création, l’ensemble et chaque petit grain de sable. Aime les animaux, les plantes, chaque petite chose. Si tu aimes chaque petite chose, alors le mystère de Dieu en elle, te sera révélé. Une fois qu’il t’est révélé, alors tu le percevras de plus en plus chaque jour. Et, à la fin, tu aimeras l’univers entier d’un amour sans limites » (11)

Dans ce contexte, combien le regard de Joan Brown nous éclaire et nous apporte une manière nouvelle, une manière constructive de comprendre, de voir et d’agir dans ce monde.

J H

  1. « Vers une économie symbiotique » : https://vivreetesperer.com/vers-une-economie-symbiotique/
  2. « Vivre en harmonie avec la nature » : https://vivreetesperer.com/vivre-en-harmonie-avec-la-nature/
  3. Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988 Voir aussi : « Dieu dans la création » : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/
  4. Vie et œuvre de Thomas Berry : https://en.wikipedia.org/wiki/Thomas_Berry http://encyclopedie.homovivens.org/documents/thomas_berry
  5. « Convergences théologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/
  6. Sister Joan Brown : https://www.globalsistersreport.org/authors/joan-brown
  7. Center for action and contemplation : https://cac.org/about-cac/
  8. Sisters of the earth : https://www.sisters-of-earth.net
  9. New Mexico Interfaith Power and Light : https://www.nm-ipl.org
  10. « Diversity, Essence and communion » : https://cac.org/diversity-essence-and-communion-2019-06-07/
  11. Jürgen Moltmann. The living God and the fullness of life.World council of churches, 2016 « In the fellowship of the earth » p 80-85 https://vivreetesperer.com/le-dieu-vivant-et-la-plenitude-de-vie-2/

 

Voir aussi sur ce blog :

La danse divine (The Divine Dance) par Richard Rohr :  https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/

Face à la violence, l’entraide, puissance de vie dans la et dans l’humanité : https://vivreetesperer.com/face-a-la-violence-lentraide-puissance-de-vie-dans-la-nature-et-dans-lhumanite/

L’homme, la nature et Dieu. Tous interconnectés dans une communauté de la création : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/