Pour un processus de dialogue en collectivité : un chemin vers l’intelligence collective

 

Témoignage de Pascale Ribon, ingénieur

 

Nous savons, par expérience, combien il y a souvent des blocages dans la communication au sein des collectivités. Des oppositions tranchées s’installent et le dialogue social ne parvient pas à s’établir. Cette situation empêche la résolution des problèmes et l’élaboration de réponses constructives. Mais on peut observer aussi des dynamiques positives. Ingénieur, dirigeante de services publics au fil de son parcours, Pascale Ribon nous fait part de son expérience dans un entretien Ted X Saclay (1) : « Si gentillesse et bienveillance rimaient avec performance collective ». Pascale nous parle de son expérience avec beaucoup de simplicité et d’authenticité. On perçoit les fruits d’une attitude qui engendre le dialogue à travers le respect, l’attention et l’écoute. Ce dialogue débouche sur la mise en route d’une intelligence collective. Pascale Ribon nous décrit ce processus à partir de trois étapes de sa vie professionnelle.

 

 

L’approche innovante d’une jeune ingénieur

C’est tout d’abord la première fonction dans laquelle elle est entrée au sortir de ses études.

« J’étais jeune ingénieur. C’était mon premier poste. J’étais responsable d’un bureau d’étude d’ingénierie dans le domaine de l’eau, de l’assainissement et de la gestion des rivières. A l’époque, la norme, c’était de canaliser les rivières, donc, c’était un peu une catastrophe en terme d’écosystème ». Pascale va essayer de faire évoluer les représentations pour qu’on utilise des méthodes plus naturelles.

Et justement, on lui confie un projet qui concerne un effondrement des berges de la Seine. Elle raconte la confrontation qui s’est opérée. « Je devais présenter des préconisations techniques. Il n’y avait que des messieurs d’un certain âge en face de moi. J’étais la seule femme. J’ai présenté un projet 100% naturel avec des plantes. Il y a eu un grand blanc, et à la fin de ma présentation, je me suis fait renvoyer dans mes buts comme si j’étais totalement incompétente. Et j’ai bien compris à leur regard qu’ils se disaient. Comment a-t-on pu recruter à ce poste une jeune femme comme ça ? Ces histoires de petits poissons, de plantes, c’est bien une histoire de femme. Ce n’est pas une histoire d’ingénieur. J’ai bien compris ce jour là que je n’avais pas réussi à convaincre ».

Cependant Pascale va surmonter cette humiliation. Elle va persévérer et, peu à peu, les mentalités vont changer. « Je suis retourné un certain nombre de fois en gardant le sourire. Et puis surtout, on a travaillé ensemble avec des collègues. On a créé un réseau pilote. On a mobilisé les expériences étrangères et finalement, on a réussi à convaincre et à changer la norme en assez peu de temps ».

C’est par le dialogue qu’on parvient à faire évoluer les représentations et les comportements. En voici un exemple encourageant.

 

Dépasser un conflit social dans une Direction de l’équipement

Pascale Ribon a poursuivi son parcours professionnel. La voilà maintenant responsable d’un service public important : une Direction départementale de l’équipement : mille agents répartis dans une dizaine de sites.

Or voici qu’une décision de l’Etat vient remettre en cause le fonctionnement de celle-ci et donc les habitudes des employés. On imagine l’émotion suscitée par ce bouleversement. « L’Etat avait décidé de transférer une partie des missions aux conseils généraux et de réorganiser le reste. C’était la décentralisation. Bien sûr, les personnels ne perdaient pas leur travail, mais ils étaient remis en question d’une façon assez profonde. Certains allaient changer de statut. Ils allaient devoir changer d’employeur, changer de métier ».

Comme directrice, Pascale est directement confrontée à l’agitation suscitée par la crainte des employés. « Ce jour-là, les syndicats avaient organisé une manifestation pour exprimer leur opposition. Vous arrivez le matin. Vous êtes le directeur. Vous savez qu’une centaine de personnes vous attendent sur le parking, avec un mégaphone, avec beaucoup d’agressivité pour vous montrer qu’ils sont totalement contre la réforme que vous allez mettre en œuvre. Vous avez le choix. Vous pouvez aller vous garer discrètement dans une rue adjacente, monter directement dans votre bureau, dire à votre directeur des relations humaines qu’il s’en occupe parce que le dialogue social, c’est son boulot ! Et puis, vous avez des choses importantes à faire. Il y a surement une réunion qui va démarrer…

Mais vous pouvez aussi faire le choix d’aller discuter. Et ce matin là, c’est le choix que j’ai fait, même si c’était difficile. La barrière s’est ouverte. Je suis entrée sur le parking. Je me suis avancé vers les leaders du mouvement. Je les connaissais. J’avais l’habitude de travailler avec eux. Mais là, face à leur colère, ce n’était pas pareil. C’était difficile. Je voulais leur dire que les décisions qu’on allait prendre tiendraient compte de leurs contraintes. Je voulais leur dire que j’avais besoin qu’ils participent à les construire. Et surtout, je voulais qu’ils sentent que, pour moi, ils n’étaient pas des chiffres ou un tableau de bord, mais des personnes comme moi, avec leurs émotions, leurs contraintes personnelles, leur conscience professionnelle. Et donc, malgré ma peur, malgré leur agressivité, on a discuté, on a tissé doucement les fils de la confiance et puis on a arrêté la manifestation. Et on s’est mis au travail. On a travaillé pendant deux ans. Et finalement on a déployé la décentralisation au mieux des intérêts de chacun… »

Ainsi, comme l’exprime ce témoignage de Pascale, nous ne sommes pas soumis à une fatalité selon laquelle nous sommes impuissants face à des engrenages collectifs. Une conviction personnelle, portant une volonté de dialogue, peut entrainer un changement dans le déroulement des évènements et dans la vie des personnes concernées.

 

Introduire un esprit collaboratif dans une école d’ingénieurs

Pascale nous raconte une troisième expérience professionnelle. Parce qu’elle avait envie de contribuer à une évolution des mentalités vers plus d’esprit de dialogue et de confiance mutuelle, Pascale Ribon est devenue directrice d’une école d’ingénieurs : l’ESTACA (2).

« J’ai fait le pari que l’école, pour les étudiants, pouvait être la première entreprise à laquelle ils coopèrent, et que, dans cette entreprise là, on allait leur faire pratiquer concrètement l’intelligence collective de manière à ce que, par la suite, ils puissent essaimer et qu’ils puissent apporter cette manière de travailler dans les différentes entreprises où ils agiront plus tard.

C’est pour cela que les nouveaux locaux qu’on a inauguré l’année dernière à l’ESTACA étaient les plus ouverts et les plus décloisonnés possible pour que, finalement, les étudiants, les enseignants, les chercheurs, les personnels administratifs, les partenaires aient le plus possible l’occasion de se croiser, de se parler, de se connaître, et donc de coopérer, de faire des choses ensemble. C’est aussi pourquoi, lorsqu’on a travaillé sur le campus numérique, on a décidé que les étudiants aussi pourraient produire des contenus pédagogiques pour qu’ils apprennent à se soutenir et à s’entraider les uns les autres au delà de leurs cercles d’amis. C’est pour cela aussi que, sur plusieurs années, on a fait évoluer le système de distribution des moyens qui étaient attribués aux projets associatifs, aux projets des étudiants, en passant d’un système où c’était l’administration qui distribuait les moyens à un système où ce sont les étudiants qui font les choix. Il a fallu déconstruire un certain nombre de représentations, de comportements, en particulier ceux qui étaient liés à la peur de l’arbitraire, à la peur du copinage en lien avec le pouvoir, et puis en construire d’autres plus propices à la confiance ». Comme l’exprime ici Pascale, c’est bien nos représentations qui sont en question et que nous sommes appelés à changer. A cet égard, l’éducation, la formation sont des espaces stratégiques.

 

Le choix d’agir et d’influer sur les situations

Cependant, on en a bien conscience en écoutant Pascale, ce changement est guidé par une vision du monde, une vision de l’humain qui s’articule avec des valeurs comme la confiance et la bienveillance. Pascale Ribon s’exprime à ce sujet à partir de son expérience.

« A partir de ces trois expériences de ma vie professionnelle, je veux démonter un discours qu’on entend de plus en plus, et qui, pour ma part, m’insupporte. On change de plus en plus vite. Et, dans ce monde qui change de plus en plus vite, les entreprises seraient devenues des lieux de souffrance à cause des changements sur lesquels nous n’aurions aucune prise. Les responsables seraient ailleurs : la finance, la politique, la mondialisation, enfin à chacun son bouc émissaire. Et nous attendons un homme providentiel pour nous sauver. C’est l’époque. Finalement, la seule solution, la seule alternative à la dépression, à la démobilisation, ce serait la résistance, ce serait la révolte. Croire qu’on peut dire : « stop ».

Mais depuis le début de ma carrière, je travaille dans des organisations en changement. Comme vous, je pense. Et, depuis une vingtaine d’années, j’ai dirigé des organisations de taille variable, publiques, privées, de 100 à presque 1000 personnes, qui, toutes, étaient confrontées à des évolutions très importantes. Ce qui m’a guidé dans ces évolutions, dans ces fonctions, c’est la conscience que les entreprises, ce sont d’abord des gens, ce sont des communautés d’individus comme vous, comme moi. Et finalement, ce ne sont pas des décideurs lointains qui font notre quotidien professionnel, mais bien des gens que nous côtoyons directement, par leur comportement et par la qualité de leurs interactions les uns aux autres ». Et donc, ce qui se passe, dépend de nous pour une bonne part. « Chacun choisit chaque jour, soit de poursuivre son projet personnel en compétition avec les autres, voire en considérant que ce sont des obstacles à sa propre réussite, à son propre épanouissement personnel, ou, au contraire, de poursuivre un projet plus collectif, de construire ce que j’appelle un écosystème de développement, d’apprentissage dans lequel chacun va trouver grosso modo sa place, et au fur et à mesure poser les problèmes qui le concernent, y apporter des solutions les plus adaptées possible, construire finalement un environnement plus conforme à nos souhaits ».

En vous racontant l’histoire de la direction départementale de l’équipement de l’Eure et Loir, je voulais vous faire partager que, même dans des environnements très contraints, des environnements conflictuels, là où on pourrait penser qu’on n’a pas d’autres solutions que de s’effacer derrière des règles, des procédures, des décisions prises par d’autres, quand on pense qu’on n’a pas de marges de manœuvre, on garde toujours le choix. C’est cette liberté que nous avons prise ce jour là, les syndicats et moi-même. Nous avons pris le risque d’assumer nos marges de manœuvre. Nous avons pris le risque de la responsabilité, du dialogue, puis de la coopération, et donc, on a réussi à construire une forme d’intelligence collective et c’est grâce à cette intelligence collective que nous avons trouvé des solutions à un problème que nous n’étions pas prêts à résoudre ni les uns, ni les autres ».

 

Bienveillance et engagement personnel

Mais quels sont les ingrédients pour construire cette intelligence collective ? (3) A quelles qualités ce processus fait-il appel ? Qu’est ce qui nous est demandé ?

Pascale Ribon distingue deux ingrédients fondamentaux pour avancer dans ce sens.

« Le premier type d’ingrédient, c’est la bienveillance, l’empathie, je dirais même la gentillesse. Quand on parle de gentillesse, on entend : « On n’est pas chez les bisounours ! ». Mais je dis : Pourquoi pas ? Et ce n’est pas moi qui le dis. Ce sont les résultats d’une recherche commandée par Google. 200 équipes ont été auditées. Ils cherchaient à savoir qu’est ce qui suscitait la plus grande performance de certaines équipes. Ils ont testé beaucoup de critères. Et le critère principal auquel ils sont arrivés, c’est le niveau de gentillesse entre les membres (4). Et finalement, c’est assez instructif. Quand on a confiance les uns dans les autres, quand on sait qu’on peut compter sur les gens autour de soi, on prend des risques, on est innovant, on est créatif, on avance.

Pour construire cette intelligence collective, il y a un deuxième ingrédient. C’est l’engagement individuel. Ici. On peut évoquer la légende du colibri raconté par Pierre Rahbi (5). Cette légende dit qu’un jour, dans la foret, il y a eu un immense incendie. Et alors, l’ensemble des animaux assistait impuissant au désastre. Ils étaient atterrés, terrifiés. Il y a juste un petit colibris qui s’agite, qui prend de l’eau avec son bec, puis va jeter quelques gouttes d’eau dans le feu, et puis qui recommence. Cela agace le tatoo. « Mais arrête colibri ! Tu ne vas pas éteindre le feu ! ». Le colibri s’arrête, regarde le tatoo et lui dit : « Je sais. Je ne suis pas fou, mais je fais ma part ».

 

Le choix de la confiance

Lorsque Pascale, jeune ingénieur, commence à travailler dans un milieu insensible à la conscience écologique, elle a néanmoins persévéré et, petit à petit, elle a réussi à susciter une transformation des normes. Petit à petit, c’est un peu comme le goutte à goutte du colibri. Aussi peut-elle nous encourager.

« Vous aussi, je suis sur qu’il y a un incendie qui vous préoccupe. Il y a des choses que vous avez envie de voir changer. Mettez-vous en mouvement. Proposez des solutions. En plus, le temps joue pour vous. Des études disent que d’ici à cinq ans, 50% des métiers qui recruteront n’existent pas encore. Cela veut dire que les marges de manœuvre sont énormes. Et puis n’ayez pas peur de l’échec. On ne réussit jamais du premier coup. Il faut revenir, revenir. Les enfants tombent beaucoup avant de savoir marcher.

Ce qui est difficile en France dans cette dynamique là, c’est qu’on est nourri à la défiance. A la lecture des enquêtes internationales, on constate que la France est toujours en queue de peloton sur le thème de la confiance (6). Moins d’un français sur quatre considère qu’on peut globalement faire confiance aux autres. C’est presque 40% dans la moyenne des pays de l’OCDE. Et je ne vous parle pas des pays de l’Europe du nord où le pourcentage s’élève à 50%, 60%/. Les élèves, nos enfants, sont élevés dans un climat de défiance. Cela veut dire qu’on les « plombe » dans un monde où le niveau d’incertitude, de complexité va nécessiter de la coopération pour agir, donc de la confiance ».

 

Avec Pascale Ribon, nous voici au cœur des problèmes de notre époque. Dans une société en changement rapide (7), comment faire face aux transformations auxquelles nous sommes confrontés ? Cette question peut être éludée en regardant vers le passé, en refusant d’entrer dans la nouveauté ou en développant une agressivité qui se fixe sur des boucs émissaires. Pascale nous montre qu’il y a un autre chemin, que les problèmes peuvent être affrontés et résolus, que « oui, c’est possible ». Mais il y a une condition. C’est entrer en relation, dialoguer, faire confiance. Ce qui se passe, dépend de nous pour une bonne part. Elle nous appelle à « construire des écosystèmes de développement, d’apprentissage où chacun va pouvoir trouver sa place, et, au fur et à mesure, poser les problèmes qui le concernent, y apporter des solutions les plus adaptées possibles ». C’est le chemin d’une intelligence collective où nous allons pouvoir résoudre des questions jugées jusque là inaccessibles. Ce processus requiert de la confiance. En nous, cette confiance dépend de notre vision du monde, de notre vision de l’humain et donc d’une dimension spirituelle. Si elle se heurte à un climat opposé, elle peut néanmoins se répandre et engendrer une dynamique. Le témoignage de Pascale Ribon nous encourage et nous permet d’envisager les enjeux.

 

J H

 

(1)            « Et si gentillesse et bienveillance rimaient avec performance collective » (Pascale Ribon) (Ted X Saclay) mis en ligne avec le 23 janvier 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=6fmWo-znXVM

(2)            ESTACA : Ecole d’ingénieurs : Aéronautique, auto, spatial ferroviaire : http://www.estaca.fr

(3)            L’intelligence collective passe par un dialogue qui permet de développer des représentations plus adaptées : « Pour une intelligence collective » : https://vivreetesperer.com/?p=763

(4)            Diverses recherches montrent une influence positive de la bienveillance et de la gentillesse sur l’efficacité du travail » :    « Vers un nouveau climat de travail dans des entreprises humanistes et conviviales. Un parcours de recherche avec Jacques Lecomte » : https://vivreetesperer.com/?p=2318

(5)            La légende des colibris racontée par Pierre Rahbi inspire le Mouvement Colibris : https://www.colibris-lemouvement.org/mouvement/nos-valeurs

(6)            « Promouvoir la confiance dans une société de défiance ! » : https://vivreetesperer.com/?p=1306

(7)            « Un monde en changement accéléré. La réalité et les enjeux selon Thomas Friedman » : https://vivreetesperer.com/?p=2560

« Pourquoi et comment innover face au changement accéléré du monde ? » : https://vivreetesperer.com/?p=2624

 

Voir aussi

 

« La paix, ça s’apprend ! » : https://vivreetesperer.com/?p=2596

« Comment la bienveillance peut transformer nos relations ? » : https://vivreetesperer.com/?p=2400

« Thomas d’Ansembourg. Un citoyen pacifié devient un citoyen pacifiant » : https://vivreetesperer.com/?p=2156

« Appel à la fraternité » : https://vivreetesperer.com/?p=2086

« Un environnement pour la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=2041

« Susciter un climat de convivialité et de partage » : https://vivreetesperer.com/?p=1542

Pourquoi et comment innover face au changement accéléré du monde

 Prendre le temps de la réflexion avec Thomas Friedman

 41FhTpYNmkL._SX327_BO1,204,203,200_Nous savons tous que notre monde se transforme à une vitesse accélérée. Thomas Friedman, triple prix Pulitzer, une éminente distinction américaine pour le journalisme, a couvert la vie internationale pour le New York Times pendant des décennies. Il a suivi l’expansion de la mondialisation en analysant les progrès fulgurants des processus scientifiques et techniques de la communication. En 2005, il publie un premier livre : « The world is flat » (1) qui montre comment le monde est devenu interconnecté. A travers une enquête internationale, ce livre fait apparaître un âge nouveau, et, en 2016, dans la même orientation, il publie un ouvrage qui va faire date en mettant en évidence l’accélération du changement et en nous interpellant sur les moyens d’y faire face : « Thank you for being late. An optimist’s guide to thriving in the age of acceleration » (2). Ce livre vient d’être traduit en français sous le titre : « Merci d’être en retard. Survivre dans le monde de demain » (3). Voilà un ouvrage qui éclaire singulièrement la scène sociale, politique et économique qui prévaut aujourd’hui. Comment et en quoi le changement s’est-il accéléré ? Comment faire face aux déséquilibres induits par cette accélération ? En quoi l’accroissement de la puissance appelle en regard une élévation de la conscience et comment envisager cette conscientisation ?  Dès sa parution en anglais, nous en avons présenté ici une analyse (4). Cette fois dans sa traduction française, nous nous centrons sur un aspect que nous avons peu abordé précédemment. Dans un contexte où les grandes données changent, non seulement « la machinerie, le marché et la nature », mais aussi la géopolitique, bien analysée par l’auteur, comment mettre en évidence la voie positive des innovations ? Thomas Friedman est pour nous un guide remarquable, à travers une expertise qui résulte aussi bien d’observations sur le terrain que de consultations des acteurs et des inventeurs du changement, et ce, pendant des décennies et sur tous les continents. Et, pour ce livre même, il a enquêté pendant deux ans et demi pour l’écrire : « J’ai du m’entretenir deux ou trois fois avec les principaux technologues pour vérifier que j’étais bien à jour ; ça ne m’était jamais encore arrivé. Comme si je poursuivais des papillons au filet » (p 190).  Voici donc un éclairage précieux à un moment où nous en avons particulièrement besoin en France.

 

Promouvoir l’innovation sociale et la formation permanente

L’accélération du progrès technologique suscite une pression généralisée.  « Les accélérations ont creusé un grand écart entre le rythme du changement technologique, celui de la mondialisation, celui des contraintes sur l’environnement et la capacité des individus et des institutions à s’y adapter et à les piloter » (p 191). Pour faire face, il y a une seule manière : « se maintenir dans une stabilité dynamique », innover dans tous les domaines et, en particulier dans le domaine social et éducatif. Comme les technologies matérielles évoluent à toute allure (selon la loi de Moore), en regard, les technologies sociales devraient « comprendre plus intimement comment fonctionnent la psychologie de l’individu, les organisations, les institutions et les sociétés afin d’accélérer leur adaptabilité et leur évolution ». « Chaque société, chaque collectivité doit accélérer le rythme auquel elle réimagine et réinvente ses technologies sociales » (p 193).

 

Mais demain qu’en sera-t-il du travail ? L’auteur rappelle la période heureuse et équilibrée de l’après-guerre. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, « l’emploi moyennement qualifié et bien payé a disparu comme ont disparu les pellicules Kodak. Il reste des  emplois très qualifiés, très bien payés. Il reste des emplois peu qualifiés, mal payés » (p 196). Il n’y a plus de chemin tout tracé. L’initiative est nécessaire, car « l’exigence de performances augmente pour tout le monde, individus et institutions » (p 192). L’auteur trace des voies nouvelles. Non, il n’y a pas de fatalité à ce que les robots s’emparent de tous les emplois. Cela n’arrivera que si nous les laissons faire, si nous n’innovons pas rapidement dans les domaines du travail, de la formation, des start-ups, si nous ne relançons pas le tapis roulant qui conduit de la formation initiale au marché du travail et à l’apprentissage tout au long de la vie » (p 195). De fait, l’emploi ne disparaît pas nécessairement comme on pourrait le redouter. Il se modifie. « La question centrale est celle des compétences et non des emplois en tant que tels. Il y a une grande différence entre automatiser certaines tâches et automatiser un emploi jusqu’à se passer de toute intervention humaine » (p 199).  Et même, d’après un chercheur américain, « l’emploi augmente significativement dans les métiers  qui ont davantage recours aux ordinateurs » (p 200). Ainsi les emplois ne disparaissent pas. Ils changent et ils requièrent des compétences nouvelles pour lesquelles on a besoin de formation. « Nos systèmes éducatifs doivent être repensés pour maximiser ces nouvelles compétences et aptitudes : « Bases solides en écriture, lecture, programmation et mathématiques ; créativité, sens critique, communication et collaboration, ténacité, automotivation, réflexes d’apprentissage continu, goût d’entreprendre  et d’improviser et, ce, à tous les niveaux » (p 204).

 

Aujourd’hui, l’intelligence artificielle peut engendrer une « assistance intelligente », par exemple sous la forme de « plateformes web et mobiles permettant à tous les actifs d’accéder à une formation continue qualifiante sur un temps libre » (p 204). L’auteur nous donne un bel exemple de la mise en œuvre de l’assistance intelligente dans la reconversion du personnel d’un grand groupe en la fondant sur une offre de formation continue personnalisée (p 205-210). Aujourd’hui, de nombreux cursus apparaissent en ligne. Parmi les nombreuses initiatives en ce sens, la « Khan Academy » est une des plus connue. « Elle offre de courtes vidéos d’apprentissage accessibles sur You Tube dans tous les domaines. Non contente d’être devenue le premier assistant intelligent mondial de culture générale, l’entreprise s’est associée en 2014 au College Board, l’institution qui administre la préparation aux tests d’entrée à l’université et a créé une plateforme gratuite conçue pour aider les lycéens à combler  leurs lacunes (p 217-218). Ainsi, dans de nombreux domaines de la formation à la flexibilisation du travail et à la formation professionnelle, ces dispositions intelligentes ouvrent de nouvelles possibilités et élèvent le niveau de qualification.

 

Et voici encore une bonne nouvelle. Dans l’économie de demain, on aura également besoin de qualités affectives et relationnelles. « En dépit de tout ce que les machines savent faire aujourd’hui… il leur manque toujours une caractéristique humaine. Elles n’ont pas de compétences sociales. Or ces compétences ( coopération, empathie, adaptabilité) sont devenues indispensables dans le monde du travail actuelLes emplois riches en compétences sociales ont cru en plus grand nombre que les autres depuis 1980. De plus, les seuls emplois dont la rémunération a progressé régulièrement depuis 2000, exigent des compétences à la fois analytiques et sociales…Pour préparer les étudiants à ce changement, les établissements d’enseignement  devront modifier leurs cursus. L’accent est rarement mis sur les compétences sociales dans l’éducation traditionnelle » (p 229).

 

Contrôle ou chaos : un défi dans la vie internationale

Pendant la guerre froide, partagé en deux sphères d’influence, le monde était stable. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une nouvelle configuration. Le paysage a changé. « Le défi posé par les accélérations de l’après-après-guerre froide est particulièrement complexe. Il s’agit à la fois de dissuader les grandes puissances rivales comme autrefois, d’endiguer le Monde du Désordre, de juguler la désintégration des états fragiles dont les réfugiés menacent la cohésion de l’Union Européenne, de contenir et de désarmer les supercasseurs, tout cela dans un monde de plus en plus interdépendant. C’est pourquoi il est absolument vital de ré-imaginer (humblement) la géopolitique » (p 237).

Thomas Friedman nous décrit l’apparition et l’expansion d’un « Monde du Désordre » qu’il connaît bien pour l’avoir parcouru ces dernières années et mesurer les facteurs qui entrainent cet effondrement. « Les mondes du désordre ne se limitent pas aux zones de guerre du Moyen Orient. Ils s’étendent aux régions d’Afrique touchées par la désertification » (p 251). L’auteur nous montre comment de nombreux états sont en train d’imploser sous la pression du changement climatique et dans l’incapacité de suivre les accélérations technologiques et économiques. Il nous fait voir la détérioration des conditions de vie. Il met en évidence l’apparition et la diffusion de nouveaux comportements.

Ces pages sont émaillées par les descriptions du reporter qui va sur place et qui nous rapporte le vécu. Ainsi perçoit-on en direct les conséquences de la grande sécheresse qui frappe l’Afrique Sahélienne et engendre une émigration sauvage. C’est par exemple le spectacle de la ville d’Agadez au Niger où convergent des jeunes cherchant à traverser le Sahara pour gagner la Méditerranée. « Des dizaines de pick-up Toyota où s’entassent des centaines d’hommes jeunes se regroupent pour former une longue caravane qui les mènent en Lybie dans l’espoir d’embarquer pour l’Europe… Les passeurs, connectés aux réseaux de traite humaine qui maillent l’Afrique de l’Ouest, coordonnent le rassemblement clandestin des migrants cachés dans les caves d’Agadez à l’aide de l’appli mobile de messagerie WhatsApp… Le spectacle est hallucinant… » (P 254-255) . Le  constat global est alarmant. «  Le désordre et l’essor des supercasseurs au Moyen Orient et en Afrique… sont le produit d’états faillis incapables de suivre le rythme des accélérations et d’équiper leurs jeunes pour qu’ils réalisent leur potentiel. Ces tendances sont exacerbées par le changement climatique, l’explosion démographique et la dégradation de l’environnement qui sape l’agriculture dont vivent la majorité des populations africaines et moyen-orientales » (p 274).

 

En regard, Thomas Friedman trace quelques pistes d’intervention.

« Ce que les Etats-Unis et l’Occident peuvent faire et n’ont pas commencé à faire, c’est d’investir dans les… outils qui permettent aux jeunes de réaliser leur potentiel…. Et combattre ainsi l’humiliation, la seule et unique motivation à vouloir tout casser (p 275). « La meilleure contribution passe par le financement et le renforcement des écoles et des universités au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique Latine… Les îlots de raison peuvent d’élargir… » (p 177).

Amplifier les opportunités de formation, mais aussi « amplifier la possibilités pour les plus pauvres en Afrique notamment de rester sur leurs terres dans leurs villages est aussi important. L’auteur nous entretient à ce sujet des initiatives de Bill Gates et de Monique Barbut à la convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. Ce sont parfois des actions qui paraissent modestes, mais ont une grande portée. « A travers mon travail pour la Fondation », nous dit Bill Gates, « j’ai vu beaucoup de pauvres élever des poules et j’ai appris énormément à ce sujet. A l’évidence, quiconque vit  dans misère s’en sortira mieux en élevant des poules » ( p 278).

Monique Barbut partage l’idée de Bill Gates de réparer les fondations pour stabiliser le bas de la pyramide, de sorte que les gens ne soient pas contraints de « fuir ou de se battre ». Et cela passe par un soutien de l’agriculture de subsistance. « Cinq cent millions d’exploitations ont moins de trois hectares. Elles font vivre directement 2,5 milliards de personnes, soit un tiers de la population mondiale ». Pour combattre la désertification, elle veut promouvoir « la grande muraille verte », un rideau de projets de régénération des sols qui s’étend sur toute la frontière sud du Sahara pour retenir le désert et ancrer les populations dans leurs villages » (p 286).

Enfin , l’auteur souligne l’importance de la connectivité à haut débit sans fil. « Toutes les études montrent que relier les pauvres aux flux éducatifs, commerciaux, informationnels et de bonne gouvernance tire la croissance et permet aux gens  de générer des revenus sans quitter leurs pays » (p 281).

L’auteur nous entretient par ailleurs des problèmes de sécurité au regard de la politique étrangère des Etats-Unis.

 

Quelle politique pour une société en crise ?

Dans une société en crise, comment s’adapter à l’accélération du changement et répondre aux problèmes nouveaux ?

Thomas Friedman explore les enseignements que nous pouvons tirer de la nature parce que celle-ci se montre particulièrement capable de faire face à des situations nouvelles. « Adaptabilité, diversité, entreprenariat, propriété, durabilité, faillite, patience et couche arable… Parce qu’elle applique ces stratégies en vue d’entretenir sa résilience, la nature connaît la vertu des interdépendances saines qui veulent que les composants d’un système croissent ensemble au lieu de s’entrainer mutuellement dans leur chute » (p 293).

L’auteur voit dans la nature des processus d’adaptation dont il est possible de s’inspirer dans les politiques publiques. A partir de là, il traite de cinq applications à la gouvernance d’aujourd’hui :

1)   S’adapter sans se sentir humilié face à des étrangers en supériorité

2)   Accepter la diversité

3)   Assumer ses responsabilités et ses propres problèmes

4)   Trouver le point d’équilibre entre national et local

5)   Aborder la politique et la résolution des problèmes l’esprit ouvert : entrepreneurial, hybride, hétérodoxe et non dogmatique. C’est à dire combiner et améliorer toutes les idées ou idéologies susceptibles de produire énergie et résilience quelle qu’en soit l’origine » (p 295).

A l’image de la nature : reconnaissance de la diversité. Le pluralisme n’exige pas qu’on abandonne son identité et ses engagements, mais qu’on vive ses différences, même religieuses, non pas dans l’entre-soi, mais en relation à autrui. Le pluralisme réel est construit sur le dialogue, c’est à dire le langage et l’écoute, l’échange, la critique et l’autocritique… Le retour sur investissement dans le pluralisme va grimper en flèche et devenir le premier avantage compétitif d’une société, pour des raisons à la fois politiques et économiques… » (p 301).

 

Face au défi de cette grande mutation, de ce changement accéléré, Thomas Friedman propose une approche innovante.

« Il faudra innover au travail pour identifier précisément ce que les hommes font mieux que les machines et encore mieux avec les machines, et former de plus en plus de gens à ces nouveaux métiers.

         Il faudra de l’innovation géopolitique pour diriger ensemble un monde où le pouvoir de l’individu, celui des machines, des flux et  de la multitude renversent les états faibles, arment les destructeurs et mettent sous tension les états forts.

         Il faudra de l’innovation politique pour réformer l’offre traditionnelle gauche-droite des partis nés de la révolution industrielle… et répondre aux nouvelles exigences de la résilience sociale et à l’ère des trois grandes accélérations.

         Enfin, il faudra de l’innovation sociétale, construire de nouveaux contrats sociaux, offrir de la formation tout au long de la vie, étendre les partenariats public-privé afin d’arrimer et d’énergiser des populations plus diverses et de bâtir des collectivités plus dynamiques » (p 192).

 

Certains livres nous permettent de trouver des repères dans le nouveau monde qui est en train d’apparaître. C’était le cas récemment avec le livre de Jean Staune : « Les clés du futur » (5). Cet ouvrage de Thomas Friedman ouvre également notre regard. Voilà pourquoi, nous ajoutons ici ce commentaire de la traduction française à celui que nous avions écrit à partir de la version originale (4). Nous avons centré cette analyse sur les innovations en cours ou à venir. Voici une réflexion qui se déroule à l’échelle internationale, mais qui vaut aussi pour notre pays et qui vient y éclairer utilement le débat public. L’auteur met en évidence les dangers et les menaces qui résulte des difficultés d’adaptation au changement accéléré qui s’opère actuellement. Mais on peut tirer parti positivement de la nouvelle technologie : « Je suis émerveillé par le potentiel qu’offre l’assistance intelligente pour diminuer la pauvreté, découvrir de nouveaux talents et trouver des solutions.. » (p 338). « Si nous parvenons à obtenir le minimum de coopération politique permettant le développement des technologies sociales pour encaisser le choc, à maintenir notre économie ouverte et à améliorer la formation de la population active, je suis convaincu que jamais dans l’histoire de l’humanité, autant de gens n’auront eu à leur portée une vie décente » ( p 339).

Cependant, c’est de notre regard que dépend notre manière d’aller de l’avant. Et, dans l’édition originale, Thomas Friedman insiste sur la nécessité d’un renouveau moral et spirituel. Ainsi, nous incite-t-il à appliquer « la règle d’or » quelque soit la version selon laquelle elle nous a été transmise. « La règle d’or, c’est de ne pas faire aux autres ce qu’on ne voudrait pas qu’on vous fit ». C’est simple, mais cela produit beaucoup d’effet. Cela peut paraître naïf. Mais « Je vais vous dire ce qui est vraiment naïf. C’est ignorer ce besoin d’innovation morale à une époque où abondent des gens en colère, maintenant superpuissants. Pour moi, cette naïveté, c’est le nouveau  réalisme » (Version originale p 348).

Cette traduction rapide et bien écrite du livre de Thomas Friedman est particulièrement bienvenue dans la conjoncture actuelle. Elle porte comme sous-titre : « Survivre dans le monde de demain ». C’est l’évocation d’un appel qui monte dans notre société. De fait, la réponse de l’auteur va plus loin. Il trace un chemin pour vivre, comme ose l’affirmer le sous-titre de l’édition anglophone : « An optimist guide to thriving in the age of accelerations ». C’est un appel à la confiance.

 

J H

 

(1)            Thomas Friedman. The world is flat. A brief history of the twenty-first century. Farras, Strauss and Giroux, 2005                                 Voir « La grande mutation, les incidences de la mondialisation » sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/la-grande-mutation-les-incidences-de-la-mondialisation/  Ce livre a été publié en français en 2006 : « La terre est plate ». une brève histoire du XXIè siècle »

(2)            Thomas Friedman. Thank you for being late. An optimist’s guide to thriving in the age of acceleration. Allen Lane, 2016

(3)            Thomas Friedman. Merci d’être en retard. Survivre dans le monde de demain. Saint Simon, 2017. Traduction de Pascale-Marie Deschamps

(4)            « Un monde en changement accéléré. La réalité et les enjeux selon Thomas Friedman… » : https://vivreetesperer.com/?p=2560

(5)            Jean Staune. Les clés du futur. Réinventer ensemble la société, l’économie et la science. Plon, 2015                       « Comprendre la mutation actuelle de notre société requiert une vision nouvelle du monde » : https://vivreetesperer.com/?p=2373

Branché sur le beau, le bien, le bon

                                          

Le bonheur, un état d’esprit…

Témoignage et enseignement d’Elisabeth Grimaud, neuropédagogue

L’aspiration au bonheur est naturelle chez l’homme. Cette recherche prend des formes différentes. Elle est plus ou moins profonde, plus ou moins exigeante. Et, de même, les réponses se situent à différents niveaux et sur différents registres.          Neuropsycholinguiste, Elisabeth Grimaud nous apporte une approche empirique. Qu’est-ce qui nous rend plus heureux ? Comment identifier et développer les attitudes qui contribuent au bonheur ? Et, dans une personnalité humaine où différentes composantes interviennent, comment le cerveau participe-t-il à la réalisation du bonheur ? « Le bonheur est un état d’esprit », nous dit Elisabeth, « mais cela se travaille ». Cette approche met en avant l’expérience et elle rencontre la notre. Elle appelle une expression du ressenti. Elle aide à mieux comprendre les interrelations entre nos attitudes, nos pratiques et l’activité de notre cerveau, notamment à travers la production de neurotransmetteurs. Dans cette perspective, les activités qui mettent en œuvre le beau, le bien et le bon apparaissent comme ayant un rôle moteur dans la réalisation du bonheur.

Dans son « talk » à Ted X Roanne, Elisabeth Grimaud, chercheur  en psychologie cognitive (1), explique comment le cerveau correspond avec certaines attitudes à travers des secrétions qui suscitent du bien-être. Ainsi a-t-elle intitulé sa communication : « Programmez votre cerveau pour le bonheur » (2). Cependant, si cet exposé débouche sur une analyse scientifique, il procède à partir du témoignage de l’intervenante  nous rapportant la manière dont elle a ressenti sa visite d’un chef d’œuvre de l’architecture espagnole : l’Alhambra à Grenade. Elle nous fait part d’un enthousiasme communicatif. Cette expression chaleureuse nous invite à entrer dans une pratique du beau, du bien et du bon, à en percevoir les effets et à comprendre, en regard, les processus en cours dans le cerveau.

 

La visite de l’Alhambra 

Comment Elisabeth Grimaud a-t-elle vécu sa visite à l’Alhambra ? Auteur d’une recherche sur l’enseignement cérébral par les jeux, Elisabeth a donc participé à un colloque scientifique international à Grenade. Et c’est à cette occasion que le troisième jour, elle a pu visiter « ce monument extraordinaire : l’Alhambra » .

Elle a commencé par les jardins. Ainsi est-elle d’abord rentrée « dans une grande allée tapissée d’arbres ». « En avançant, je me suis sentie entrer dans un univers »… Puis, en arrivant, il y avait un parterre de fleurs. « Je suis passée à coté d’une rose. Je me suis arrêtée. Cette rose m’a frappée parce qu’elle avait une couleur intense. A ce moment là, j’étais avec la fleur et rien d’autre… J’ai continué la visite. Je me suis rendu compte qu’il y avait une odeur qui se dégageait. Cela sentait bon. Il y avait une odeur d’été. C’était du chèvrefeuille. Je ressentais du bien-être ».

« En continuant la visite, j’ai accédé au monument. Le palais de l’Alhambra est constitué de différents espaces et de différents bâtiments. Et ces bâtiments ont tous une spécificité. Ils sont immenses, et, en même temps, dans cette immensité, il y a du détail, infiniment de détails. La sculpture est partout. L’immensité se conjugue avec une précision extraordinaire. Pendant plusieurs heures, j’ai monté des marches et, à chaque fois, l’effort en valait la peine…

Quand je suis passé devant le magasin de souvenirs, j’ai eu envie d’acheter quelque chose pour mon conjoint, mes enfants. J’ai trouvé un livre où il y avait des photos correspondant à ce que j’avais vu, suscitant des émotions ressemblant à celles que j’avais ressenties. Quand je suis ressorti de ce magasin, j’étais heureuse. Je l’avais fait pour ceux que j’aime.

Et pendant toute cette visite, j’ai vécu ce que j’appelle le bonheur, ce que j’enseigne et dont je parle beaucoup ».

 

 

Correspondance entre le vécu et les activités cérébrales 

Elisabeth Grimaud revient ensuite sur ce vécu et en analyse les différents aspects en les mettant en relation avec les activités du cerveau. « Les différentes manières dont j’ai vécu ce bonheur s’expriment par l’émotion et s’expliquent grâce aux mécanismes du cerveau ». Ainsi, en terme de « d.o.s.e », elle énonce les différents neurotransmetteurs qui ont été émis par le cerveau : dopamine, ocytocine, sérotonine, endorphine. Et elle nous apprend en quoi l’apparition de chaque neurotransmetteur correspond à une de ces activités durant cette visite de l’Alhambra.

« La dopamine est le neurotransmetteur de la réussite. Je montais les marches parce qu’à chaque fois, je sentais que j’allais vers une réussite. Ce que j’allais voir méritait un effort.

Dans le magasin, il y a eu activation de l’ocytocine qui correspond à l’attachement, à la reliance. A chaque fois que vous vous reliez à quelqu’un : famille, enfants, un bon copain, vous êtes heureux. Qu’est-ce que cela fait du bien de se voir ! Ma famille n’était pas là. mais je pensais à eux. J’étais avec eux.

A la fin de mon parcours, j’avais coché toutes les cases du programme. J’étais contente de moi. J’étais satisfaite. La sérotonine correspond à cette satisfaction de voir la tâche accomplie.

Enfin, l’endorphine agit en contraste. Elle amortit la douleur. Vous êtes fatigué. Et à ce moment, vous ne le ressentez plus. Cette gestion de votre fatigue vous permet de continuer. Vous sentez à nouveau un peu de bien-être ».

Cette analyse nous permet de mieux comprendre ce qui se passe en nous dans nos propres expériences. Mais Elisabeth Grimaud nous invite également à développer notre capacité d’activer ces neurotransmetteurs.  Ils découlent de certaines activités mentales, mais ils peuvent aussi les stimuler. « Vous avez la possibilité d’activer les neurotransmetteurs et l’entrainement cérébral peut vous aider en ce sens ».

 

Le beau, le bien et le bon

Elisabeth Grimaud nous présente ainsi une approche à travers laquelle il est possible de développer une disposition au bonheur à travers une aptitude à produire les neurotransmetteurs correspondants. Mais dans quel esprit ? C’est ici qu’en évoquant son expérience de la visite de l’Alhambra, Elisabeth Grimaud nous invite à nous exercer dans le sens du beau, du bien et du bon. « Lorsque vous mettez en activité ces trois mots simples, tous les jours dans votre quotidien, vous activez un peu de cette dose de bien-être qui va vous apportez du bonheur ».

« Le beau, c’est savoir s’émerveiller. Lorsque j’étais avec cette rose, le l’ai sentie, je l’ai vue. Je me suis émerveillée.  Qu’est-ce que cela a suscité dans mon corps ? Cela a fait monter le niveau d’ocytocine qui permet à la dopamine d’être davantage présente et d’apporter du bien-être. Cet émerveillement peut s’opérer à partir de nos cinq sens.

Le bien, c’est le fait de s’appliquer et de s’impliquer. Lorsque vous vous appliquez et que vous vous impliquez, vous recevez de la sérotonine. C’est le plaisir et la fierté de la tâche accomplie. Cela peut se réaliser dans le quotidien jusque dans de tout-petits riens ».

Le bon, c’est entrer en relation. « Dans ma visite, lorsque je suis entré au magasin, je me suis tournée vers les autres en pensant aux miens. Quand on se tourne vers les autres, selon la psychologie positive, on augmente son propre niveau de bien-être ». On peut être aussi un ami pour soi-même. Elisabeth est sensible aux dangers du narcissisme et d’un développement autocentré. Ainsi met-elle l’accent sur les bienfaits de la relation.

Au total, « quand on considère l’augmentation du bien-être dans le corps, il se fait en étant en lien avec les autres, avec l’environnement par les cinq sens, avec ce que l’on fait. C’est avec le beau, le bien, le bon que vous développez votre bonheur au quotidien ».

 

Echos

Nous écoutons Elisabeth Grimaud comme une amie qui nous raconterait un moment heureux de sa vie. Et en même temps, elle nous éclaire sur les ressorts de nos émotions et de nos comportements. Quelque part, on ressent là une harmonie.

Ce commentaire ajoute ici un autre angle de vue qui nous paraît complémentaire.

La neuropédagogue met l’accent sur le rôle du cerveau et la manière d’en tirer parti à travers des comportements positifs puisqu’il les répercute en effets bienfaisants. Cependant, à notre sens, le cerveau n’est pas le maître du jeu. C’est notre pensée qui oriente. Nous nous émerveillons. Nous aimons. Et, comme dans le cas de la gratitude (3), ces émotions positives entrainent des réactions neuronales qui se traduisent en effets bienfaisants. Et de fait, il y a interaction. Une bonne habitude s’ancre et va s’amplifier à travers cet ancrage. On découvre aujourd’hui la puissance de la pensée. Avec le chercheur en neurosciences, Mario Beauregard, on peut voir que « l’esprit humain a une grande capacité d’influence au niveau du corps, du cerveau et de tous les systèmes physiologiques qui sont connectés » (4).

Cependant, nous vivons dans une culture qui a longtemps été influencée par un héritage philosophique et religieux où l’âme et le corps étaient séparés et le corps dévalorisé. On peut ajouter à cela un point de vue pessimiste sur la nature humaine (5). Ce contexte est réfractaire à une approche telle que celle qui nous est présentée ici.

Dans son livre : « Dieu dans la création » (6), Jürgen Moltmann (7) ouvre la voie d’une approche théologique globale, holistique : « Les recherches actuelles mettent en valeur les interactions entre le psychisme et le corps ». Ce phénomène est bien reçu dans la vision d’une anthropologie biblique où « l’homme apparaît toujours comme un tout ». « L’homme est une totalité qui s’exprime à travers son corps. La corporéité est la fin de toutes les œuvres divines ». « La présence de Dieu dans l’Esprit n’est plus localisée uniquement dans la conscience ou dans l’âme, mais dans la totalité de l’organisme humain ».

Nous faisons référence ici à l’expérience spirituelle d’Odile Hassenforder (8) en phase avec la vision interactive qui se développe aujourd’hui : « Ma foi en notre Dieu, qui est puissance de vie, s’est développée à travers la découverte des nouvelles approches scientifiques qui transforment nos représentations du monde. Dans cette nouvelle perspective, j’ai compris que tout se relie à tout et que chaque chose influence l’ensemble. Tout se tient. Tout se relie. Pour moi, l’action de Dieu s’exerce dans ces interactions ».

En entendant Elisabeth Grimaud nous parler de la prédisposition du cerveau à exercer des effets positifs en rapport avec la mise en œuvre du beau, du bien et du bon, on peut s’écrier avec un psaume (139. 14) : « Je te loue que je suis une créature si merveilleuse ».

Dans une épitre du Nouveau Testament (Philippiens 4. 8), on trouve cette recommandation : « Que tout ce qui est bon, tout ce qui est vrai, juste, agréable… soit l’objet de vos pensées ». Cette recommandation, cette expression de sagesse va de pair avec le « beau, le bien, le bon » au cœur du processus mis en valeur par Elisabeth Grimaud. Ainsi pourrait-on avancer que dans son exposé, on peut voir une rencontre entre neurosciences, psychologie positive et sagesse. C’est une rencontre qui s’effectue ici dans une expérience relatée avec simplicité et enthousiasme, de quoi éveiller en écho un accueil chaleureux.

 

J H

 

(1)            Elisabeth Grimaud, neuropsycholinguiste a créé une méthode scientifique d’entrainement cérébral : EnCéfaL (entrainement cérébral fonctionnel par les activités de loisir) : http://www.lafabriqueabonheurs.com/praticien-en-neuropedagogie-encefal/ Elle est l’auteur d’un livre : Beau, bien, bon (Marabout, 2017). Elle est interviewée à ce sujet (vidéo) dans le cadre d’un site : « Beau, bien, bon » où l’on trouve également de courtes vidéos : « Secrets d’optimisme » : https://www.youtube.com/channel/UCFtBeM9siMy8pnmJpyFfH5w/featured

(2)            La rencontre avec Elisabeth Grimaud à Ted X Roanne : « Beau, bien, bon, programmez votre cerveau pour le bonheur » (Nous en rapportons quelques extraits) https://www.youtube.com/watch?v=tKIYGevgAxA

(3)            La gratitude : un mouvement de vie : https://vivreetesperer.com/?p=2469

(4)            Comment nos pensées influencent la réalité ? Mario Beauregard : Pour une approche intégrale de la conscience : https://vivreetesperer.com/?p=2341

(5)            Lytta Basset : Oser la bienveillance https://vivreetesperer.com/?p=1842

Jacques Lecomte : La bonté humaine https://vivreetesperer.com/?p=674

(6)            Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988. Chapitre : « La corporéité est la fin de toutes les œuvres divines » (p 311-349)

(7)            Une théologie pour notre temps. L’autobiographie de Jürgen Moltmann : http://www.temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/

(8)            Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte Temps présent, 2011

Odile Hassenforder : « Sa présence dans ma vie » : un témoignage vivant : https://vivreetesperer.com/?p=2345

Ce matin …

 

En regardant le ciel au lever du jour.

Il fait sombre. Le ciel est très gris, parsemé de nombreuses taches noires. Les nuages paraissent nombreux au ¾ de la surface.

Un mince croissant de lune attire mon attention par sa luminosité.

C’est très beau.

photo 1

Dix, quinze minutes passent.

Je lève à nouveau les yeux sur un ciel un peu plus dégagé, mais sombre. Et… la lune au-dessus de la zone nuageuse signale un ciel totalement dégagé.

A l’horizon, le ciel commence à s’éclairer.

On peut deviner une source lumineuse à l’Est.

 

Bien sûr, nous savons tous que le soleil se lève. Drôle d’expression du reste, car nous savons que cet astre n’a pas bougé puisqu’on nous a appris que c’est la terre qui tourne.

 

Nous avons appris, mais nous avons aussi constaté qu’imperturbable chaque jour succède à la nuit.

 

Image de la FOI.

Nous avons appris

Nous savons par expérience

Que Dieu, auteur de la création

Est imperturbable : « fidèle et bon ».

Les nuages passent : les circonstances de la Vie.

 

25-30 minutes.

A l’Est, ciel rouge magnifique.

Toute la journée, le soleil va colorier différemment.

 

Odile Hassenforder

 

Pendant des années, Odile levée tôt le matin, voyait le ciel de son fauteuil, par la fenêtre orientée vers l’est.

 

 

Texte d’Odile publié dans son livre : Sa Présence dans ma vie. Empreinte Temps présent. 2011 (p 177)

Photo de lever de soleil prise récemment du même point de vue

 

Sur ce blog, précédent article d’Odile Hassenforder :

« La prière. Une expérience familière en Christ »

https://vivreetesperer.com/?p=2588

Autres articles :

https://vivreetesperer.com/?s=Odile+Hassenforder

Et si tout n’allait pas si mal !

 Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez

selon Jacques Lecomte

 71mvkBrqYOLEn 2016, le ciel s’est assombri. Des évènements inquiétants ont ponctué l’actualité. Et, en ce début d’année 2017, nous sommes en attente d’un horizon.  Il y a bien des signes contradictoires, mais choisir la vie, c’est discerner le positif pour tracer notre chemin.

Il y a le temps court et il y a le temps long. Dans l’immédiat, tout s’enchevêtre. Dans la durée, des tendances apparaissent. Il est bon de pouvoir distinguer ces tendances.

Comme le montre Yann Algan, dans son livre : « La fabrique de la défiance » (1), on enregistre en France un manque de confiance bien plus élevé que dans beaucoup d‘autres pays. Dans le désarroi actuel, cela se traduit en pessimisme, en cynisme, en rejet. Alors, on peut remercier ceux qui regardent au delà et affrontent la morosité ambiante pour mettre en évidence des évolutions positives dans la durée. Ainsi, le livre publié tout récemment par Jacques Lecomte vient exposer une réalité à même de nous encourager : « Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez » (2). Cet ouvrage vient à la suite d’une réflexion de fond que l’auteur a entreprise sur le potentiel de l’homme. Si les méfaits de l’histoire humaine sont affichés (3), l’homme n’est pas nécessairement voué au mal. Il montre aussi une aptitude à la bonté, des dispositions à l’altruisme, à l’empathie et à la générosité. Jacques Lecomte a pu ainsi écrire un livre sur « la bonté humaine » (4). Et, dans un autre ouvrage, à partir de l’analyse d’un grand nombre d’études, il met en évidence l’émergence d’attitudes et de pratiques nouvelles dans des « entreprises humanistes » où se développent un climat de travail plus collaboratif et plus convivial.

Dans une conférence rapportée en vidéo sur le thème : « Vers une société de la fraternité » (5), Jacques Lecomte, un des pionniers de la psychologie positive en France (6), présente sa démarche en commençant par nous raconter son parcours personnel. Brisé par le contexte familial de sa jeunesse, il en réchappé en rencontrant un environnement bienveillant et convivial. Il a vécu là une conversion chrétienne « qui a radicalement changé sa vie et où il a surtout compris que les forces de l’amour et de la bonté sont plus fortes que les forces de la violence et de la haine ». De cette expérience, il a compris que le meilleur peut sortir du pire et que le pire n’est pas une fatalité. A partir de là, Jacques Lecomte a développé un optimisme réaliste, un « optiréalisme ». C’est une disposition d’esprit qui permet de percevoir dans une situation, tout ce qu’elle porte de positif, en germe ou en activité, et, ainsi, de susciter une évolution favorable. Dans son livre : « Le monde va beaucoup mieux que vous ne croyez », Jacques Lecomte met en œuvre cette approche dans une évaluation de l’évolution du monde.

 

 

Le monde va mieux que nous le croyons

« Comment le monde pourrait-il aller mieux quand le chômage, la guerre, les attentats, le réchauffement climatique et tant d’autres mauvaises nouvelles font la une des médias ?… Pourtant les chiffres nous disent ceci : ces dernières décennies, sur l’ensemble du globe, la pauvreté, la faim, l’analphabétisme et les maladies ont fortement reculé comme jamais avantQuant à la violence, elle connaît, depuis plusieurs siècles, un inexorable déclin… En résumé, contrairement à une opinion largement répandue, l’humanité va mieux qu’il y a vingt ans, même s’il reste encore malheureusement de fortes zones sombres… Quant à la planète, elle est certes en moins bonne posture sur certains aspects, mais en meilleur état sur d’autres… «  (p 9-10). Chapitre après chapitre, l’auteur analyse la situation à partir des meilleures sources : « L’humanité vit mieux… Et en meilleure santé. Environnement : on avance… Jamais aussi peu de violence » (p 209-210).

Bref, l’auteur rompt avec la vision catastrophiste du monde qui nous influence bien souvent. Cette vision est suscitée par l’attrait de nombreux médias pour le sensationnel. Elle abonde là où manque la culture nécessaire pour trier les informations et distinguer ce qui relève du court terme et du moyen terme. Bien sur, nous souffrons personnellement de l’inquiétude qui nous atteint ainsi.

Certes, les responsables de l’information peuvent estimer qu’il est nécessaire d’alarmer pour sensibiliser. Mais cette attitude est bien souvent contre-productive. « Les prophètes de malheur nous démobilisent. Ils mènent souvent à des mesures politiques autoritaires » (p 15). « Fournir des informations catastrophistes sans présenter des moyens d’agir, pousse à l’immobilisme, voire au rejet des informations… » (p 31). La peur est mauvaise conseillère. « De nombreuses études montrent que les périodes d’anxiété sociale ont tendance à  accentuer le désir de soumission à l’autorité…  Le ressenti de menace est une cause d’autoritarisme au sein de la population. Ainsi, aux Etats-Unis, pendant les périodes menaçantes, les Eglises à tendance autoritaire bénéficient d’un afflux de conversions, alors que ce sont les Eglises non autoritaire  qui vivent ce phénomène pendant les périodes non menaçantes » ( p 43).

A l’inverse, il y a une manière de partager l’information à même de produire des effets positifs. Et il y a des faits significatifs qui font exemple. Ainsi, aujourd’hui, en apprenant que le trou d’ozone est en train des se refermer grâce à la mise en œuvre du protocole de Montréal (1987), nous voyons là « le premier succès majeur face à un problème environnemental mondial » (p 107), Manifestement, cette victoire suscite l’espoir et contribue à nous mobiliser dans la lutte contre le réchauffement climatique.

 

« Si nous voulons un monde meilleur, nous devons être conscient des progrès accomplis, et inspirer plutôt qu’accuser » (couverture). Ce livre est source d’encouragement. Il nous aide à réfléchir sur les modes de communication. Ainsi, l’ignorance des évolutions positives tient pour une part à une communication qui met en exergue les mauvaises nouvelles.

Cependant, ne doit pas aller plus loin dans l’analyse du catastrophisme. Comme le complotisme, cet état d’esprit n’est-il pas lié à une agressivité qui se déploie à la fois contre soi-même et contre les autres ? Et ne témoigne-t-il pas d’une absence d’espérance personnelle et collective ? Comme l’écrit le théologien Jürgen Moltmann, agir positivement dépend de notre degré d’espérance : « Nous devenons actif pour autant que nous espérions. Nous espérons pour autant que nous puissions entrevoir des possibilité futures. Nous entreprenons ce que nous pensons possible ». « Si une éthique de la crainte nous rend conscient des crises, une éthique de l’espérance perçoit les chances dans les crises ». Pour les chrétiens, « l’espérance est fondée sur la résurrection du Christ et s’ouvre à une vie à la lumière du nouveau monde suscité par Dieu » (7). Ainsi, quelque soit notre cheminement, notre comportement dépend de notre vision du monde. En ce sens, Jacques Lecomte ne se limite pas à nous offrir des données positives concernant la situation du monde à même de nous encourager, il conclut son livre par la vision d’ « une grande réconciliation ». « Une société plus fraternelle et conviviale est possible (5), dès lors que l’on y croit et que l’on s’engage à la faire advenir » (p 197).

 

J H

 

(1)            Algan (Yann), Cahuc (Pierre), Zybergerg (André). La fabrique de la défiance, Grasset, 2012. Sur ce blog : « Promouvoir la confiance dans une société de défiance » : https://vivreetesperer.com/?p=1306

(2)            Lecomte (Jacques). Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez ! Les Arènes, 2017

(3)            « Une philosophie de l’histoire, par Michel Serres. Au sortir de massacres séculaires, vers un âge doux portant la vie contre la mort » : https://vivreetesperer.com/?p=1306

(4)            Lecomte (Jacques). La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité. Odile Jacob, 2012. Sur ce blog : « La bonté humaine, est-ce possible ? » : https://vivreetesperer.com/?p=674

(5)            Conférence de Jacques Lecomte : « Vers une société de la fraternité », à l’invitation,  le 8 juin 2016 du Pacte civique et de la Traversée. Vidéo sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=KALjpMcwpWU&feature=youtu.be

(6)            http://www.psychologie-positive.net

(7)            Moltmann (Jürgen). Ethics of life. Fortress Press, 2012 (p 3-8)

 

Voir aussi :  « Quel avenir est possible pour le monde et pour la France? (Jean-Claude Guillebaud. Une autre vie est possible) » : https://vivreetesperer.com/?p=937

https://vivreetesperer.com/?p=942

https://vivreetesperer.com/?p=945