Branché sur le beau, le bien, le bon

                                          

Le bonheur, un état d’esprit…

Témoignage et enseignement d’Elisabeth Grimaud, neuropédagogue

L’aspiration au bonheur est naturelle chez l’homme. Cette recherche prend des formes différentes. Elle est plus ou moins profonde, plus ou moins exigeante. Et, de même, les réponses se situent à différents niveaux et sur différents registres.          Neuropsycholinguiste, Elisabeth Grimaud nous apporte une approche empirique. Qu’est-ce qui nous rend plus heureux ? Comment identifier et développer les attitudes qui contribuent au bonheur ? Et, dans une personnalité humaine où différentes composantes interviennent, comment le cerveau participe-t-il à la réalisation du bonheur ? « Le bonheur est un état d’esprit », nous dit Elisabeth, « mais cela se travaille ». Cette approche met en avant l’expérience et elle rencontre la notre. Elle appelle une expression du ressenti. Elle aide à mieux comprendre les interrelations entre nos attitudes, nos pratiques et l’activité de notre cerveau, notamment à travers la production de neurotransmetteurs. Dans cette perspective, les activités qui mettent en œuvre le beau, le bien et le bon apparaissent comme ayant un rôle moteur dans la réalisation du bonheur.

Dans son « talk » à Ted X Roanne, Elisabeth Grimaud, chercheur  en psychologie cognitive (1), explique comment le cerveau correspond avec certaines attitudes à travers des secrétions qui suscitent du bien-être. Ainsi a-t-elle intitulé sa communication : « Programmez votre cerveau pour le bonheur » (2). Cependant, si cet exposé débouche sur une analyse scientifique, il procède à partir du témoignage de l’intervenante  nous rapportant la manière dont elle a ressenti sa visite d’un chef d’œuvre de l’architecture espagnole : l’Alhambra à Grenade. Elle nous fait part d’un enthousiasme communicatif. Cette expression chaleureuse nous invite à entrer dans une pratique du beau, du bien et du bon, à en percevoir les effets et à comprendre, en regard, les processus en cours dans le cerveau.

 

La visite de l’Alhambra 

Comment Elisabeth Grimaud a-t-elle vécu sa visite à l’Alhambra ? Auteur d’une recherche sur l’enseignement cérébral par les jeux, Elisabeth a donc participé à un colloque scientifique international à Grenade. Et c’est à cette occasion que le troisième jour, elle a pu visiter « ce monument extraordinaire : l’Alhambra » .

Elle a commencé par les jardins. Ainsi est-elle d’abord rentrée « dans une grande allée tapissée d’arbres ». « En avançant, je me suis sentie entrer dans un univers »… Puis, en arrivant, il y avait un parterre de fleurs. « Je suis passée à coté d’une rose. Je me suis arrêtée. Cette rose m’a frappée parce qu’elle avait une couleur intense. A ce moment là, j’étais avec la fleur et rien d’autre… J’ai continué la visite. Je me suis rendu compte qu’il y avait une odeur qui se dégageait. Cela sentait bon. Il y avait une odeur d’été. C’était du chèvrefeuille. Je ressentais du bien-être ».

« En continuant la visite, j’ai accédé au monument. Le palais de l’Alhambra est constitué de différents espaces et de différents bâtiments. Et ces bâtiments ont tous une spécificité. Ils sont immenses, et, en même temps, dans cette immensité, il y a du détail, infiniment de détails. La sculpture est partout. L’immensité se conjugue avec une précision extraordinaire. Pendant plusieurs heures, j’ai monté des marches et, à chaque fois, l’effort en valait la peine…

Quand je suis passé devant le magasin de souvenirs, j’ai eu envie d’acheter quelque chose pour mon conjoint, mes enfants. J’ai trouvé un livre où il y avait des photos correspondant à ce que j’avais vu, suscitant des émotions ressemblant à celles que j’avais ressenties. Quand je suis ressorti de ce magasin, j’étais heureuse. Je l’avais fait pour ceux que j’aime.

Et pendant toute cette visite, j’ai vécu ce que j’appelle le bonheur, ce que j’enseigne et dont je parle beaucoup ».

 

 

Correspondance entre le vécu et les activités cérébrales 

Elisabeth Grimaud revient ensuite sur ce vécu et en analyse les différents aspects en les mettant en relation avec les activités du cerveau. « Les différentes manières dont j’ai vécu ce bonheur s’expriment par l’émotion et s’expliquent grâce aux mécanismes du cerveau ». Ainsi, en terme de « d.o.s.e », elle énonce les différents neurotransmetteurs qui ont été émis par le cerveau : dopamine, ocytocine, sérotonine, endorphine. Et elle nous apprend en quoi l’apparition de chaque neurotransmetteur correspond à une de ces activités durant cette visite de l’Alhambra.

« La dopamine est le neurotransmetteur de la réussite. Je montais les marches parce qu’à chaque fois, je sentais que j’allais vers une réussite. Ce que j’allais voir méritait un effort.

Dans le magasin, il y a eu activation de l’ocytocine qui correspond à l’attachement, à la reliance. A chaque fois que vous vous reliez à quelqu’un : famille, enfants, un bon copain, vous êtes heureux. Qu’est-ce que cela fait du bien de se voir ! Ma famille n’était pas là. mais je pensais à eux. J’étais avec eux.

A la fin de mon parcours, j’avais coché toutes les cases du programme. J’étais contente de moi. J’étais satisfaite. La sérotonine correspond à cette satisfaction de voir la tâche accomplie.

Enfin, l’endorphine agit en contraste. Elle amortit la douleur. Vous êtes fatigué. Et à ce moment, vous ne le ressentez plus. Cette gestion de votre fatigue vous permet de continuer. Vous sentez à nouveau un peu de bien-être ».

Cette analyse nous permet de mieux comprendre ce qui se passe en nous dans nos propres expériences. Mais Elisabeth Grimaud nous invite également à développer notre capacité d’activer ces neurotransmetteurs.  Ils découlent de certaines activités mentales, mais ils peuvent aussi les stimuler. « Vous avez la possibilité d’activer les neurotransmetteurs et l’entrainement cérébral peut vous aider en ce sens ».

 

Le beau, le bien et le bon

Elisabeth Grimaud nous présente ainsi une approche à travers laquelle il est possible de développer une disposition au bonheur à travers une aptitude à produire les neurotransmetteurs correspondants. Mais dans quel esprit ? C’est ici qu’en évoquant son expérience de la visite de l’Alhambra, Elisabeth Grimaud nous invite à nous exercer dans le sens du beau, du bien et du bon. « Lorsque vous mettez en activité ces trois mots simples, tous les jours dans votre quotidien, vous activez un peu de cette dose de bien-être qui va vous apportez du bonheur ».

« Le beau, c’est savoir s’émerveiller. Lorsque j’étais avec cette rose, le l’ai sentie, je l’ai vue. Je me suis émerveillée.  Qu’est-ce que cela a suscité dans mon corps ? Cela a fait monter le niveau d’ocytocine qui permet à la dopamine d’être davantage présente et d’apporter du bien-être. Cet émerveillement peut s’opérer à partir de nos cinq sens.

Le bien, c’est le fait de s’appliquer et de s’impliquer. Lorsque vous vous appliquez et que vous vous impliquez, vous recevez de la sérotonine. C’est le plaisir et la fierté de la tâche accomplie. Cela peut se réaliser dans le quotidien jusque dans de tout-petits riens ».

Le bon, c’est entrer en relation. « Dans ma visite, lorsque je suis entré au magasin, je me suis tournée vers les autres en pensant aux miens. Quand on se tourne vers les autres, selon la psychologie positive, on augmente son propre niveau de bien-être ». On peut être aussi un ami pour soi-même. Elisabeth est sensible aux dangers du narcissisme et d’un développement autocentré. Ainsi met-elle l’accent sur les bienfaits de la relation.

Au total, « quand on considère l’augmentation du bien-être dans le corps, il se fait en étant en lien avec les autres, avec l’environnement par les cinq sens, avec ce que l’on fait. C’est avec le beau, le bien, le bon que vous développez votre bonheur au quotidien ».

 

Echos

Nous écoutons Elisabeth Grimaud comme une amie qui nous raconterait un moment heureux de sa vie. Et en même temps, elle nous éclaire sur les ressorts de nos émotions et de nos comportements. Quelque part, on ressent là une harmonie.

Ce commentaire ajoute ici un autre angle de vue qui nous paraît complémentaire.

La neuropédagogue met l’accent sur le rôle du cerveau et la manière d’en tirer parti à travers des comportements positifs puisqu’il les répercute en effets bienfaisants. Cependant, à notre sens, le cerveau n’est pas le maître du jeu. C’est notre pensée qui oriente. Nous nous émerveillons. Nous aimons. Et, comme dans le cas de la gratitude (3), ces émotions positives entrainent des réactions neuronales qui se traduisent en effets bienfaisants. Et de fait, il y a interaction. Une bonne habitude s’ancre et va s’amplifier à travers cet ancrage. On découvre aujourd’hui la puissance de la pensée. Avec le chercheur en neurosciences, Mario Beauregard, on peut voir que « l’esprit humain a une grande capacité d’influence au niveau du corps, du cerveau et de tous les systèmes physiologiques qui sont connectés » (4).

Cependant, nous vivons dans une culture qui a longtemps été influencée par un héritage philosophique et religieux où l’âme et le corps étaient séparés et le corps dévalorisé. On peut ajouter à cela un point de vue pessimiste sur la nature humaine (5). Ce contexte est réfractaire à une approche telle que celle qui nous est présentée ici.

Dans son livre : « Dieu dans la création » (6), Jürgen Moltmann (7) ouvre la voie d’une approche théologique globale, holistique : « Les recherches actuelles mettent en valeur les interactions entre le psychisme et le corps ». Ce phénomène est bien reçu dans la vision d’une anthropologie biblique où « l’homme apparaît toujours comme un tout ». « L’homme est une totalité qui s’exprime à travers son corps. La corporéité est la fin de toutes les œuvres divines ». « La présence de Dieu dans l’Esprit n’est plus localisée uniquement dans la conscience ou dans l’âme, mais dans la totalité de l’organisme humain ».

Nous faisons référence ici à l’expérience spirituelle d’Odile Hassenforder (8) en phase avec la vision interactive qui se développe aujourd’hui : « Ma foi en notre Dieu, qui est puissance de vie, s’est développée à travers la découverte des nouvelles approches scientifiques qui transforment nos représentations du monde. Dans cette nouvelle perspective, j’ai compris que tout se relie à tout et que chaque chose influence l’ensemble. Tout se tient. Tout se relie. Pour moi, l’action de Dieu s’exerce dans ces interactions ».

En entendant Elisabeth Grimaud nous parler de la prédisposition du cerveau à exercer des effets positifs en rapport avec la mise en œuvre du beau, du bien et du bon, on peut s’écrier avec un psaume (139. 14) : « Je te loue que je suis une créature si merveilleuse ».

Dans une épitre du Nouveau Testament (Philippiens 4. 8), on trouve cette recommandation : « Que tout ce qui est bon, tout ce qui est vrai, juste, agréable… soit l’objet de vos pensées ». Cette recommandation, cette expression de sagesse va de pair avec le « beau, le bien, le bon » au cœur du processus mis en valeur par Elisabeth Grimaud. Ainsi pourrait-on avancer que dans son exposé, on peut voir une rencontre entre neurosciences, psychologie positive et sagesse. C’est une rencontre qui s’effectue ici dans une expérience relatée avec simplicité et enthousiasme, de quoi éveiller en écho un accueil chaleureux.

 

J H

 

(1)            Elisabeth Grimaud, neuropsycholinguiste a créé une méthode scientifique d’entrainement cérébral : EnCéfaL (entrainement cérébral fonctionnel par les activités de loisir) : http://www.lafabriqueabonheurs.com/praticien-en-neuropedagogie-encefal/ Elle est l’auteur d’un livre : Beau, bien, bon (Marabout, 2017). Elle est interviewée à ce sujet (vidéo) dans le cadre d’un site : « Beau, bien, bon » où l’on trouve également de courtes vidéos : « Secrets d’optimisme » : https://www.youtube.com/channel/UCFtBeM9siMy8pnmJpyFfH5w/featured

(2)            La rencontre avec Elisabeth Grimaud à Ted X Roanne : « Beau, bien, bon, programmez votre cerveau pour le bonheur » (Nous en rapportons quelques extraits) https://www.youtube.com/watch?v=tKIYGevgAxA

(3)            La gratitude : un mouvement de vie : https://vivreetesperer.com/?p=2469

(4)            Comment nos pensées influencent la réalité ? Mario Beauregard : Pour une approche intégrale de la conscience : https://vivreetesperer.com/?p=2341

(5)            Lytta Basset : Oser la bienveillance https://vivreetesperer.com/?p=1842

Jacques Lecomte : La bonté humaine https://vivreetesperer.com/?p=674

(6)            Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988. Chapitre : « La corporéité est la fin de toutes les œuvres divines » (p 311-349)

(7)            Une théologie pour notre temps. L’autobiographie de Jürgen Moltmann : http://www.temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/

(8)            Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte Temps présent, 2011

Odile Hassenforder : « Sa présence dans ma vie » : un témoignage vivant : https://vivreetesperer.com/?p=2345

Ce matin …

 

En regardant le ciel au lever du jour.

Il fait sombre. Le ciel est très gris, parsemé de nombreuses taches noires. Les nuages paraissent nombreux au ¾ de la surface.

Un mince croissant de lune attire mon attention par sa luminosité.

C’est très beau.

photo 1

Dix, quinze minutes passent.

Je lève à nouveau les yeux sur un ciel un peu plus dégagé, mais sombre. Et… la lune au-dessus de la zone nuageuse signale un ciel totalement dégagé.

A l’horizon, le ciel commence à s’éclairer.

On peut deviner une source lumineuse à l’Est.

 

Bien sûr, nous savons tous que le soleil se lève. Drôle d’expression du reste, car nous savons que cet astre n’a pas bougé puisqu’on nous a appris que c’est la terre qui tourne.

 

Nous avons appris, mais nous avons aussi constaté qu’imperturbable chaque jour succède à la nuit.

 

Image de la FOI.

Nous avons appris

Nous savons par expérience

Que Dieu, auteur de la création

Est imperturbable : « fidèle et bon ».

Les nuages passent : les circonstances de la Vie.

 

25-30 minutes.

A l’Est, ciel rouge magnifique.

Toute la journée, le soleil va colorier différemment.

 

Odile Hassenforder

 

Pendant des années, Odile levée tôt le matin, voyait le ciel de son fauteuil, par la fenêtre orientée vers l’est.

 

 

Texte d’Odile publié dans son livre : Sa Présence dans ma vie. Empreinte Temps présent. 2011 (p 177)

Photo de lever de soleil prise récemment du même point de vue

 

Sur ce blog, précédent article d’Odile Hassenforder :

« La prière. Une expérience familière en Christ »

https://vivreetesperer.com/?p=2588

Autres articles :

https://vivreetesperer.com/?s=Odile+Hassenforder

Une bonne nouvelle : la paix, ça s’apprend

 9782330063276FS         Nos sociétés sont traversées par des poussées de violence. Il y a là des phénomènes complexes qui peuvent être analysés en termes sociaux, économiques, culturels, politiques, mais également dans une dimension psychosociale, un regard sur les comportements. En dehors même de ces épisodes, dans la vie ordinaire, nous pouvons percevoir et éprouver des manifestations d’agressivité. A une autre échelle, au cours de l’histoire, nous savons combien la guerre a été un fléau dévastateur (1). Ainsi, affirmer la paix aujourd’hui, c’est garder la mémoire du malheur passé pour empêcher son retour, mais c’est aussi effectuer un pas de plus : réduire les sources de violence, pacifier les comportements.

Psychothérapeute, engagé depuis des années dans une campagne pour le développement de la personne, auteur de plusieurs livres, animateur d’un site (2), Thomas d’Ansembourg milite pour répandre des pratiques de paix. Dans cette interview en vidéo à la Radio Télévision Belge Francophone (3), il explique pourquoi il vient d’écrire un nouveau livre en ce sens : « La paix, ça s’apprend. Guérir de la violence et du terrorisme » (4). « Nous avons réagi, David (le co-auteur) et moi à l’attentat du Bataclan, vite relayé par l’attentat de Bruxelles. Nous avons réalisé qu’on ne peut se contenter de mesures de sécurité (renforcement de frontières et traitement de symptômes). Il nous est apparu que le terrorisme est un épiphénomène d’un malaise extrêmement profond de la société et qu’il était intéressant de voir ce qui génère un tel malaise. Dans nos pratiques, lui comme historien et moi comme accompagnant de personnes, nous avons réalisé que la paix, c’est une discipline. Cela ne tombe pas du ciel. C’est une rigueur, c’est un exercice. Cela demande un engagement, de la détermination et du temps, et, petit à petit, on atteint des états de paix qui deviennent de plus en plus contagieux. Et cela devrait s’apprendre, depuis la maternelle, dans toutes les écoles. Tel est le propos de ce livre. C’est de faire savoir. Mettons en place des processus pour pouvoir éduquer des populations à se pacifier ».

 

 

Pour une pacification intérieure 

« Depuis près de vingt-cinq ans que j’accompagne des personnes dans la quête de sens et la pacification intérieure, j’ai acquis cette confiance que la violence n’est pas l’expression de notre nature. C’est parce que notre nature est violentée que nous pouvons être violents. Quand mon espace n’est pas respecté, je puis être agressif. Quand mon besoin d’être compris et écouté, n’est pas nourri et respecté, je puis être agressif. Et il en va de même lorsque des besoins importants ne sont pas respectés. D’où l’importance d’apprendre à respecter notre nature et donc de la connaître ». Ainsi « apprendre la connaissance de soi dès l’école maternelle nous paraît absolument essentiel aujourd’hui. Jusqu’ici, cela me semblait un enjeu de santé publique, mais aujourd’hui cela me paraît aussi un enjeu de sécurité publique. Tout citoyen qui va à l’école a besoin d’apprendre qui il est, qu’est-ce qui le met en joie… mais aussi qu’est-ce qui le chagrine, qu’est-ce qui le met en colère. Il est bon de comprendre ce qui vous met en rage avant de faire exploser sa rage à la tête des autres. On a largement dépassé la notion de développement personnel. Il y a là un enjeu de santé publique. La plupart de nos gouvernants ne savent pas tout cela, ne connaissent même pas les outils correspondants et la plupart des médias dédaignent cette approche en la considérant comme du « bisounours » alors que ces outils sont des clés pour le vivre ensemble ».

 

Des outils pour le vivre ensemble

La paix peut s’apprendre à travers des outils. Thomas d’Ansembourg n’a pas souhaité réaliser un inventaire de tous les outils. Dans ce livre, il nous en présente trois qui sont particulièrement efficaces.

« La Pleine conscience » est une approche de méditation qui se dégage des rituels religieux traditionnels et qui peut être vécue d’une façon laïque et d’une manière spirituelle si on le souhaite. Elle permet de trouver un espace de fécondité, de créativité, d’alignement qui est très bénéfique pour le vivre ensemble ».

Thomas d’Ansembourg nous parle également de la communication non violente, une approche « qu’il enseigne depuis des années et qui est proposée dans de nombreux milieux depuis des classes maternelles jusqu’à des prisons en passant par des cockpits d’avion… C’est une approche pratico-pratique pour mieux vivre les relations humaines, dépasser les conflits, les querelles d’égo ».

Il y a une troisième pratique, celle de la bienveillance.

« Il y a plusieurs aspects de la bienveillance : accueillir l’autre tel qu’il est et non tel que je voudrais qu’il soit, être ouvert à son attitude et à sa différence, être disponible à une remise en question par son attitude. Cela demande de l’humilité, peut-être du courage. Et puis, il y a cette attitude positive de prendre soin, bien veiller sur l’autre, l’encourager dans son développement qui n’est pas forcément celui que j’aurais aimé avoir pour lui. Je pense par exemple à notre attitude avec les enfants, ne pas projeter sur eux nos attentes. Cela demande du travail sur soi. Ce n’est pas ingénu. Cela requiert une hygiène de conscience pour remettre en question nos projections, nos attentes, nos préjugés, des idées toutes faites, pour ouvrir notre cœur.

Le monde se transforme à vive allure. « Nous assistons à un métissage incroyable de la planète, de grands exodes en fonction du réchauffement climatique. C’est plus urgent d’apprendre à vivre ensemble, et pour cela, d’avoir des clés de connaissances de soi pour avoir une bonne estime de soi et une capacité d’accueillir la différence, des clés d’ouverture à l’autre et la cohabitation. Cela ne tombe pas du ciel. On voit bien qu’il y a des tentatives de repli et de méfiance. Ce n’est pas comme cela que nous allons grandir ensemble. Nous avons besoin d’approches pour vivre ensemble. On n’en trouve pas encore dans nos pratiques scolaires, ni même dans nos pratiques religieuses. Il y a de belles idées , mais cela appelle une pratique. Comment est-ce qu’on vit quand on est plein de rage et de colère ? On a besoin d’apprendre à vivre la rage et la colère pour la transformer. Grâce à la communication non violente, j’ai appris à faire des colères non violentes, à exprimer ma colère sans agressivité. Ce sont des apprentissages que l’on peut faire ».

 

Promouvoir la paix

Thomas d’Ansembourg porte une dynamique et il l’envisage sur différents registres. Ainsi peut-il souhaiter la création d’un ministère de la paix avec un budget, des formations, de la recherche scientifique en neurosciences, en relations humaines.

Et au plan de la transformation des relations quotidiennes, il a conscience de la puissance des outils existants. « Je sais que ces outils transforment la vie des gens. Je rencontre des personnes dont la vie a pivoté parce qu’ils ont appris à savoir qui ils sont, qu’est ce qui fait sens pour eux… ». Ainsi, « il y a des processus, il y a des clés efficaces. J’aimerais qu’ils soient fournis au grand public. Nous assistons à tellement de détresses dans notre société : solitudes, addictions, divorces douloureux, dépendances… Des outils magnifiques existent. Ne pas les faire connaître est une sorte de non assistance à personne en danger ».

 

Au milieu des drames de l’histoire, l’inspiration de la non violence apparaît comme un fil ténu, mais solide avec des moments de lumière qui sont entrés dans notre mémoire collective depuis les premières communautés chrétiennes jusqu’à  Gandhi et Martin Luther King.

Aujourd’hui, le mouvement pour la paix peut s’appuyer sur de nouvelles méthodes où s’allient une orientation d’esprit et des approches nourries par la psychologie, une conscience renouvelée du corps et les neurosciences. Ainsi, face aux routines traditionnelles, une motivation nouvelle peut apparaître en s’appuyant  sur l’efficacité démultipliée de  nouvelles méthodes. Dans ce livre et dans cette interview, Thomas d’Ansembourg nous apporte une bonne nouvelle : la paix, ça s’apprend ! La paix, c’est possible ! Une voie est ouverte. A nous de nous mobiliser…

 

J H

 

(1)            « Une philosophie de l’histoire, par Michel Serres » : https://vivreetesperer.com/?p=2479

(2)            Site de Thomas d’Ansembourg : http://www.thomasdansembourg.com

(3)            « La paix, ça s’apprend ! Il était une foi  01.02.2017 RTBF » https://www.youtube.com/watch?v=hP-_atpsfT0

(4)            David Van Reybroucq. Thomas D’Ansembourg. La paix, ça s’apprend. Guérir de la violence et du terrorisme. Actes sud, 2016

 

Sur ce blog, voir aussi :

Eclairages de Thomas d’Ansembourg :

« Face à la violence, apprendre la paix » : https://vivreetesperer.com/?p=2332

« Un citoyen pacifié devient un citoyen pacifiant » : https://vivreetesperer.com/?p=2156

« Femmes et hommes. Monde nouveau. Alliance nouvelle » : https://vivreetesperer.com/?p=1791

« Vivant dans un monde vivant » :                 https://vivreetesperer.com/?p=1371

 

La bienveillance selon Lytta Basset

« Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand (Oser la bienveillance) » : https://vivreetesperer.com/?p=1842

 

Martin Luther King

« La vision mobilisatrice de Martin Luther King.  « I have a dream »  : https://vivreetesperer.com/?p=1493

 

Une école où on vit en relation, c’est possible !

 

A la demande de sa grand-mère (1), à dix ans, Manon Aurenche nous communique ses observations sur l’école anglaise dans laquelle elle vient d’entrer. Comment ne pas être admiratif devant ses qualités d’observation, de réflexion, d’expression !

 

Carlton

 

Et il y bien une impression qui ressort : cette école publique municipale d’un quartier populaire de Londres, avec une population en majorité originaire du Pakistan ou du Bangladesh, la « Carlton school », est une école où on vit en relation. On peut s’y exprimer librement. La convivialité est active et encouragée. La diversité est reconnue. La condition, c’est le respect de l’autre. La caractéristique, c’est un climat de confiance.

 

Manon note :

 

« L’ambiance anglaise est très différente, car on a le droit de se lever et de parler pour discuter du travail en cours ».

 

« La maîtresse est tout le temps positive, très attentive aux problèmes des enfants et elle explique très bien ».

 

« On a, de temps en temps, des réunions de classe pour parler d’un thème, en particulier comme l’amitié ou : c’est quoi une bonne relation ? ».

 

« « La Rainbow Room (la salle Arc en Ciel) sert à calmer les enfants et à les faire s’expliquer en racontant chacun (e) leur vision du problème. Puis ils demandent à des enfants témoins de donner leur avis… ».

 

« A l’école, il y a des assemblées (assembly », c’est à dire des moments où toute l’école est réunie. Elles sont différentes à chaque fois. Par exemple, il y en a sur le chant dans lesquelles on chante. Une autre fois, sur le thème du harcèlement… »

 

Quand un enfant peut ainsi être reconnu, s’exprimer, participer, vivre en bonne entente, il peut être heureux. « J’aime beaucoup mon école anglaise », écrit Manon. « Elle et géniale ».

 

Depuis des décennies, le courant de l’éducation nouvelle œuvre pour promouvoir une école où l’on puisse apprendre dans un climat de confiance, de partage et d’entraide (2). Cette éducation est fondée sur des valeurs. Celles-ci sont inégalement actives dans les différentes sociétés, et parfois on doit avancer à contre-courant.

L’école anglaise, fréquentée par Manon, n’est pas, en soi, une « école nouvelle » . C’est une école publique d’un quartier populaire de Londres, mais elle  participe à la même approche. Les cultures nationales sont différentes (3), mais, en France, de plus en plus de parents désirent que leurs enfants puissent apprendre dans une ambiance conviviale et créative. (4).

Bref, du bonheur à l’école. Ce témoignage tout simple de Manon nous dit : Oui, c’est possible !

 

J H

 

(1)            Merci à Blandine Aurenche. Bibliothécaire, Blandine Aurenche a publié un article sur ce blog : « Susciter un climat de convivialité et de partage » : https://vivreetesperer.com/?p=1542

(2)            « Et si nous éduquions nos enfants à la joie. Pour un printemps de l’éducation » : https://vivreetesperer.com/?p=1872                                 « Pour une éducation nouvelle, vague après vague » : https://vivreetesperer.com/?p=2497

(3)            En France, « Promouvoir la confiance dans une société de défiance » : https://vivreetesperer.com/?p=1306         Dans certains pays, l’enseignement public a muté vers  une approche conviviale et créative. C’est le cas en Finlande comme l’expose « le film : Demain » : https://vivreetesperer.com/?p=2422

(4)            Ce  désir des parents s’expriment par exemple dans le développement rapide des écoles Montessori en France.

 

Manon à l’école anglaise

Je m’appelle Manon, j’ai 10 ans. J’ai déménagé à Londres en septembre avec ma famille. Je suis à l’école Anglaise de mon quartier. L’école Anglaise est assez différente de l’école Française dans son organisation et pour plein d’autres choses encore…

 

L’ambiance en classe est très différente car on a le droit de se lever et de parler pour discuter du travail en cours. De plus, si on n’y arrive vraiment pas on peut aller au bureau de la maîtresse et elle vient à notre table, elle nous aide et nous écoute pour voir ce que l’on a compris et regarde sur quoi nous bloquons. En Angleterre, les enfants sont plus attentifs car ils décident de leurs propres règles de classe, tout en respectant celles de l’école qui sont les mêmes pour toutes les classes. Bon, on doit quand même souvent se mettre en ligne sans parler. Pour le silence, il y a un signal : la maîtresse lève la main en l’air et tape 3 tape trois fois dans les mains et tous les enfants répètent après elle. La politesse est aussi très importante.

 

Ma maîtresse s’appelle Tina, elle a les cheveux violet/rose. Ma prof de sport s’appelle Sharon, elle a plein de tatouages et de piercings. Tout ça pour vous dire qu’à Londres le style n’a pas d’importance ! Nous, par contre, nous sommes tous en uniformes. Contrairement à la France, certaines filles musulmanes portent le voile.

 

Mais revenons à ma maîtresse ! Je sais qu’elle est allemande car elle m’a dit qu’elle aussi était arrivée à 14 ans en Angleterre sans savoir parler anglais. Elle est tout le temps positive, très attentive aux problèmes des enfants et elle explique très bien. Les maîtresses ne sont PAS SEULES dans la classe, elles ont des aides (Teacher Assistants) pour certains élèves qui ont besoin d’une aide vraiment spéciale et d’autres pour le reste de la classe. Donc, dans ma classe, il y a parfois 5 personnes en plus de la maîtresse ! On a de temps en temps des réunions de classe pour parler d’un thème en particulier comme « l’amitié ou c’est quoi une bonne relation ? ». Et puis, on peut comme cela travailler souvent en petits groupes !

 

Pour régler les problèmes dans la cour, les Teacher Assistants envoient les enfants dans une salle qui s’appelle la Rainbow Room (la salle arc-en-ciel). C’est une salle qui sert à calmer les enfants et les faire s’expliquer en racontant chacun(e) leur version du problème. Puis ils demandent à des enfants témoins de donner leur avis. Le problème est vite réglé. Ceux qui se sont mal comportés comprennent pourquoi car on leur explique et les autres sont contents d’être écoutés.

 

A l’école, il y a des assemblées (Assembly) c’est à dire des moments où toute l’école est réunie dans une même salle. Elles sont différentes à chaque fois. Par exemple, il y en a sur le chant dans lesquelles on chante… Une autre fois sur le thème du harcèlement. Elles servent aussi à célébrer les Goldens Stars tous les vendredi. Les Goldens Stars sont les élèves de la semaine qui sont récompensés car ils ont bien travaillé ou qu’ils se sont bien comportés en classe. Les assemblées apprennent aux enfants à prendre la parole en public mais c’est très impressionnant quand on ne parle pas encore anglais !

 

On commence l’école à 8H45 et on fini à 15H30 tous les jours même le mercredi et on a moins de vacances MALHEUREUSEMENT ! Mais ce qui est super c’est qu’après l’école on peut rester pour faire des afterschools : coding club, musique (j’ai pu commencer la guitare et jouer devant toute l’école à la fête de Noël), football, netball, mandarin, science, cours de cuisine en famille, art, girl’s sport, piscine, etc…

 

Bref, même si mes copines de France me manquent beaucoup et que je suis pressée de parler Anglais, j’aime beaucoup mon école anglaise, elle est géniale !

 

Manon Aurenche

Janvier 2017

Le cadeau d’une intuition

Un nouveau lieu pour l’expression créative  

Aujourd’hui, je cueille le fruit d’une intuition, portée et mûrie, pendant presque  9 ans : un lieu pour les formations avec l’expression créative !

Coup d’œil dans le rétro,  pour une réalisation née d’une intuition :

A PRH, nous disons l’importance de l’écoute de ses intuitions, et comment l’on passe d ‘une intuition à une décision puis à une réalisation !

Depuis mon démarrage comme formatrice (1), j’étais habitée d’un lieu, stable, pour exploiter tous les possibles du travail sur soi par l’expression créative, un des supports pédagogiques chers à PRH !

Pas facile de distinguer entre cette intuition de départ et du rêve, entre mes aspirations profondes et le possible dans le réel… C’est le temps qui a conforté cette intuition : elle ne m’a jamais lâchée ! Et comme cette caractéristique-là m’était déjà familière pour d’autres choix importants dans ma vie, elle m’a aidée à la prendre au sérieux. Pourtant, dans le paysage, pendant 5 ans, rien n’était disponible, ni convergent.

Peu à peu  ce projet a pris force en moi, suffisamment pour que j’en parle nettement ! Et mon mari s’y est ouvert ; c’est devenu un projet de couple ; il se voyait le construire avec  l’aide de proches.

Nous avions envisagé un premier lieu qui s’est avéré trop lourd pour nous et nous avons renoncé. Ce moment de déception me mit dans un arrêt intérieur pendant quelque temps mais le projet ne me lâchait pas….

Mon mari a entrevu un nouveau lieu…et c’est celui-là qui arrive à son accomplissement aujourd’hui. Il se compose d’une belle salle claire, ensoleillée, dans une ambiance – bois, chaleureuse ; il y a un grand espace, avec des zones différenciées offrant différentes postures de travail, en intérieur comme en extérieur dans un jardin, sans oublier de quoi se poser  ou de se restaurer!

Sa configuration permet d’accéder à des supports encore plus diversifiés comme le bois, le béton cellulaire en plus de l’argile, et la peinture. Cet ensemble permet d’évoluer à son rythme et au rythme du  travail intérieur en cours.

Outre les sessions par l’expression créative, des nouveautés s’y annoncent :

Ainsi , des journées découvertes  avec l’expression créative, pourront s’y tenir pour découvrir PRH et pour découvrir cette approche de soi, par les formes, couleurs, matières…., et aussi des temps forts de relation d’aide, alliés à la possibilité de recourir à ces médiations.

Sa réalisation a été possible grâce à un chantier solidaire où s’échangeaient des services. Occasion pour certains  d’apprentissages techniques, et pour tous, une belle expérience de convivialité !

Voici, avec du recul, quelques éléments de ma traversée intérieure… :

–          Prendre au sérieux l’intuition, après l’avoir déchiffrée, sondée

–          Y croire, malgré des moments de doute

–          Une interdépendance pour la réalisation

–          La difficulté d’accueillir « tout ça pour moi ? »….

–          L’étonnement des convergences des aides

–          Un arrêt intérieur : quelle promesse ? Qu’est ce qui  pourra se vivre ici ?

–          Une désappropriation

–          La fatigue, le découragement devant la longueur du travail

–          Et la joie présente !

A présent il existe ! En octobre s’y tiendra la première session PRH !

C’est  une promesse de créativité sociale, culturelle, artistique, et ce, dans un petit village tranquille au pied des Vosges !

Bienvenue à qui voudra pousser la porte !

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Prochaine session par l’expression graphique : Ma vie relationnelle, aujourd’hui, en février 2017

http://www.prh-france.fr/notre-offre/nos-formations/copy2_of_vie-relationnelle/ma-vie-relationnelle-aujourdhui

Et des nouveautés :

–          Des journées découvertes  avec l’expression créative, pour découvrir PRH et pour découvrir cette approche de soi, par les formes, couleurs, matières….

http://www.prh-france.fr/nos-activites-daccompagnement/offres-locales/stages-decouverte-et-acc-2016-2017-est.pdf

–          Des temps forts de relation d’aide, alliée à la possibilité de recourir à ces médiations

http://formateurs.prh-france.fr/nos-activites-daccompagnement/offres-locales/autres-rencontres-2016-2017-est.pdf

Valérie BITZ

(1)                         Valérie Bitz est formatrice à PRH Personnalité et relations humaines. Pour découvrir l’activité de cette formation qui se donne pour but formation et développement, consulter le site : http://www.prh-france.fr

Merci à Valérie pour ses contributions  sur ce blog :

Au cœur de nous, il y a un espace

https://vivreetesperer.com/?p=1820

Des expériences de transcendance, cela peut s’explorer

https://vivreetesperer.com/?p=1505

Et si je tentais d’explorer, par la peinture ou le graphisme, pour y voir plus clair

https://vivreetesperer.com/?p=1428

Pour une éducation nouvelle, vague après vague

 

Une avancée majeure : l’expérimentation de Céline Alvarez dans une classe maternelle à Genevilliers.

 

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Considérer l’enfant, l’adolescent, prendre en compte ses aspirations, lui permettre d’apprendre et de se développer en suivant son élan intérieur, créer une ambiance, un environnement favorable à cette dynamique : pendant tout le XXè siècle, des pionniers comme Maria Montessori, Dewey, Freinet, Decroly, ont cherché à promouvoir une éducation nouvelle face à un enseignement plus ou moins imposé d’en haut. Aujourd’hui, dans une part croissante de la société, un état d’esprit propice à l’initiative et à la créativité apparaît, se projetant naturellement sur la manière de concevoir l’éducation des enfants. La révolution numérique change de fond en comble les conditions de la transmission du savoir en le rendant accessible à tous (1). L’éducation apparaît de plus en plus comme une requête majeure de la société de la connaissance et de la nouvelle économie, et aussi comme la condition siné qua non d’une société plus démocratique. Ainsi, l’échec scolaire se révèle de plus en plus intolérable. En France, les dégâts sont particulièrement importants puisque 40% des élèves sortent du CM2 avec de graves lacunes. Ce sont les mêmes qui ne poursuivent pas une scolarité normale au collège et se retrouvent ensuite en difficulté dans la recherche d’une insertion professionnelle.

 

L’expérimentation menée par Céline Alvarez pendant trois ans dans une classe maternelle au sein d’une zone d’éducation prioritaire à Gennevilliers s’inscrit dans ce paysage. Si cette expérience s’est heurtée aux rigidités du système, à travers des résultats remarquables scientifiquement testés, elle a permis de valider une approche dont on perçoit l’exceptionnelle fécondité. Céline Alvarez milite donc aujourd’hui pour une promotion de cette approche chez des acteurs motivés. Et son livre : « Les lois naturelles de l’enfant » (2), à partir de l’expérience de l’auteur et de l’approche de la recherche, nous entraine dans une voie nouvelle.

 

Une expérimentation innovante pour un nouvel horizon

Les propos de Céline Alvarez mettent en évidence une forte motivation, un projet longuement réfléchi et muri, une action volontaire pour pénétrer dans l’enseignement public afin d’y expérimenter une nouvelle approche. Effectivement, en septembre 2011, elle parvient à prendre en charge une classe maternelle à Gennevilliers en zone d’éducation prioritaire. Et elle va poursuivre cette expérience pendant trois ans jusqu’à ce que des empêchements institutionnels viennent y faire obstacle. Quelles sont les grandes caractéristiques de son approche ?

 

 

Globalement, Céline Alvarez s’inspire de l’expérience pionnière de Maria Montessori. Celle-ci, doctoresse au début du XXè siècle, s’était elle-même appuyée sur les travaux de deux médecins français, Jean Itard et Edouard Seguin. « En 1907, Maria Montessori créa ce qu’elle appelait les « maisons d’enfants » qui regroupaient une quarantaine d’enfants de trois à cinq ans : le principe pédagogique essentiel de ces lieux de vie et d’apprentissage était l’autonomie accompagnée et structurée » (p 17). Céline Alvarez récuse une dépendance rigide vis à vis de cette méthode, mais, écrit-elle, « Lorsque j’ai découvert les écrits du Dr Montessori, ils m’ont rapidement passionnée justement pour cette démarche scientifique non dogmatique et évolutive . Ils étaient par ailleurs d’une justesse époustouflante, visionnaire et profondément humaine. J’ai alors étudié quotidiennement pendant plus de sept années ses travaux que j’ai enrichi de l’apport des connaissances scientifiques actuelles sur le développement humain et de la linguistique française »… C’est sur cette base que j’ai effectué mes recherches en axant mes réflexions sur le développement des compétences exécutives des enfants… sur les activités de langage…ainsi que sur les moments de regroupements indispensables pour la consolidation des fondamentaux. Enfin, et surtout, j’ai limité le nombre d’activités proposées aux enfants pour privilégier et renforcer le lien social… Cette reliance sociale fut un véritable catalyseur d’épanouissement et d’apprentissage » (p 18).

 

A l’approche de Maria Montessori si révolutionnaire à son époque en affirmant une conception nouvelle de l’enfant et de son potentiel et en lui offrant un environnement pédagogique, stimulant et respectueux, Céline Alvarez a ajouté une prise en compte de la recherche scientifique actuelle, et, dans le même mouvement, elle a fait de cette innovation une expérimentation accompagnée par une évaluation rigoureuse. « La première année malgré l’absence de cadrage institutionnel officiel, le cabinet du ministre et l’académie ont autorisé les tests visant à mesurer les progrès des enfants. Ces derniers ont été réalisé par le CNRS de Grenoble » ( p 18). Et, cette évaluation va rapidement mettre en évidence la réussite exceptionnelle de cette nouvelle approche pédagogique. Dès la fin de la première année scolaire, tous les élèves, sauf un, progressent plus vite que la norme, beaucoup connaissent des progressions très importantes… Certains des enfants qui avaient, en début d’année, un retard de plusieurs mois, voire de plusieurs années, ont non seulement rattrapé la norme, mais l’ont également dépassée sur certains domaines de compétences cognitives fondamentales ».

Il y avait là une grande réussite. Elle fut méconnue par le système bureaucratique puisqu’en juillet 2014, le Ministre de l’Education Nationale décida l’arrêt de l’expérience. Dès lors, Céline Alvarez a donné sa démission et poursuivi son action par d’autres voies et en pleine liberté. « Après les résultats extraordinaires et très prometteurs des enfants, je ressentais comme une grande urgence de partager très largement et avec une liberté et une rapidité que l’Education Nationale n’aurait pu m’offrir, les contenus théoriques ainsi que les outils pédagogiques qui avaient eu un impact si positif ».

 

Les lois naturelles de l’enfant

Déjà, au printemps 2014, Céline Alvarez avait fait connaître la dynamique de son expérience dans une intervention à TEDXIsèreRiver : « Pour une refondation de l’école guidée par les enfants » (3). Aujourd’hui, elle diffuse ses connaissances et son savoir-faire à travers un site particulièrement efficient, notamment grâce à la mise en ligne de nombreuses vidéos (4). Enfin un livre : « les lois naturelles de l’enfant »  (2), nous présente  une compréhension de l’enfant et une approche éducative fondée sur l’expérience et un recours méthodique à la recherche scientifique dans toute son extension et à l’échelle internationale.

Céline Alvarez présente ce livre en ces termes :  « Le livre que vous avez entre les mains… dégage les grands principes de l’apprentissage identifiés par la recherche, ainsi que les invariants pédagogiques qu’ils imposent. Nous verrons d’abord l’importance de nourrir l’intelligence extraordinaire de l’enfant dans les premières années de sa vie en lui offrant un environnement de qualité, riche, dynamique, complexe et en lui permettant d’être actif et de réaliser les activités qui le motivent. Nous abordons dans la deuxième partie, l’importance d’aider l’enfant à organiser et à s’approprier toutes ces informations qu’il perçoit du monde extérieur, notamment grâce à du matériel didactique lui présentant de manière très concrète les bases de la géographie, de la musique, du langage et des mathématiques. Nous verrons ensuite, dans une troisième partie qu’il est fondamental de permettre à l’enfant de développer ses potentiels embryonnaires au moment où ils cherchent à se développer, – ni avant, ni après. Et enfin, dans la quatrième partie de ce livre, nous aborderons une condition environnementale-clé : l’importance du lien humain. Les interactions sociales variées, chaleureuses, empathiques et bienveillantes sont en effet un des leviers les plus importants pour le plein épanouissement de l’intelligence humaine…» (p 28-29).

 

Un événement significatif

Lorsqu’on retrace l’histoire de l’innovation pédagogique en France au cours des dernières décennies, l’initiative de Céline Alvarez nous paraît tout à fait remarquable. En effet, elle est l’aboutissement d’une longue préparation théorique et pratique et d’une action consciente et persévérante. Dans un premier temps, elle parvient à franchir les obstacles institutionnels pour être ensuite empêchée, mais rebondir dans un mouvement plus large.

Cette initiative s’inscrit également dans un changement en cours des mentalités, l’éveil d’un nouvel état d’esprit. Si l’on prend en compte un certain nombre d’indicateurs, il y aurait aujourd’hui dans certains milieux une nouvelle vague en faveur d’une éducation nouvelle. Ce désir s’exprime par exemple dans des interventions diffusées par les cercles TEDx. On compte aujourd’hui en France environ 200 écoles Montessori, ce qui est un chiffre élevé sans aucune mesure avec celui qu’on aurait pu relever à la fin du XXe siècle. La référence à Maria Montessori (5) est elle-même significative. A travers son livre « L’enfant » (6) et sa conception du petit enfant comme « un embryon spirituel », elle éveille pour nous un éveil à une dimension plus profonde de l’être humain (7). Par ailleurs, le système classique, hiérarchisé, compartimenté, uniformisé est battu en brèche. Une association comme « Le printemps de l’éducation » témoigne de cet état d’esprit nouveau. L’innovation entreprise par Céline Alvarez participe à ce climat.

Mais elle ajoute à cet élan la mise en œuvre d’une recherche scientifique accompagnant et légitimant des pratiques nouvelles. Cette recherche confirme les intuitions des pionniers de l’éducation nouvelle en démontrant les bienfaits physiologiques et psychologiques de ces pratiques. La recherche pédagogique est présente en France depuis des décennies, mais ici on peut observer des conclusions tout à fait remarquables. Céline Alvarez fait appel tout particulièrement aux neurosciences, à la psychologie positive et à la linguistique. Si l’appel  à la recherche est toujours fructueux, il nous parait actuellement tout particulièrement bénéfique, non seulement en raison des avancées scientifiques, mais parce qu’un nouveau regard se manifeste aujourd’hui dans ces avancées (8). La mise en évidence de la précocité du développement de l’intelligence dans la petite  enfance, la mise en valeur de l’empathie (9), l’accent nouveau apporté par la psychologie positive (10) sont des acquis qui ont commencé à apparaître à la fin du XXè siècle (11). Ainsi, le titre ambitieux du livre de Céline Alvarez : « Les lois naturelles de l’enfant » peut s’appuyer sur un ensemble de découvertes qui vont de pair avec des valeurs qui se sont frayé un chemin à travers le XXé siècle, mais remontent bien plus loin encore.

Céline Alvarez attache ainsi une grande importance à la « reliance », c’est à dire « l’acte de relier ou de se relier, ou le résultat de cet acte », soit « le sentiment ou l’état de reliance ». La recherche met en évidence les effets extrêmement positifs da la reliance sur notre fonctionnement physiologique. « Lorsque nous nous mettons en lien avec autrui de manière généreuse, chaleureuse, empathique, tout notre organisme s’épanouit et se régénère avec une puissance extraordinaire… Ainsi, lorsque nous sommes chaleureux et bienveillant envers un enfant (mais également envers un adulte), nous agissons de manière puissamment positive tant sur sa santé que sur ses capacités cognitives, sociales et morales. Dans la classe maternelle de Gennevilliers, nous avons usé sans modération de ce levier : nous avons adopté une posture accueillante, chaleureuse et empathique, en veillant bien évidemment toujours à poser les limites claires d’un cadre structurant. A mon sens, cette posture fut, pour les enfants de la classe, un véritable catalyseur cognitif, moral et social » ( p 355).

L’auteur nous montre comment cette attitude a permis l’expression des tendances empathiques et altruistes des enfants. « Le jeune enfant est un être d’amour…Les enfants sont fondamentalement mus par des élans altruistes, généreux… » ( p 396). Ainsi Céline Alvarez n’hésite-t-elle pas à intituler la quatrième partie de son livre sur la mise en œuvre de la reliance dans sa classe maternelle : « Le secret, c’est l’amour ». « L’amour n’est pas le premier mot qui vient à l’esprit lorsqu’on aborde le sujet de l’apprentissage, et il s’agit là d’une erreur fondamentale…L’amour est le levier de l’âme humaine. Nous sommes câblés pour la rencontre chaleureuse et empathique avec l’autre et, lorsque nous obéissons à cette grande loi dictée par notre intelligence, alors tout devient possible » (p 352).

Ainsi, dans son approche comme dans ce livre, Céline Alvarez conjugue l’intelligence et le cœur. Nous savons par expérience combien le mal est présent dans ce monde. Nous oublions trop souvent qu’il peut y avoir en regard une contagion du bien. Et, tout autour de nous, nous rencontrons des formes positives de reliance. Ce livre nous parle d’éducation. Oui, une autre éducation est possible. Mais il a encore une portée plus vaste. Car, à partir d’une vie enfantine épanouie, il évoque aussi pour nous une vie autre . « Le secret, c’est l’amour ». C’est une espérance en marche.

 

Jean Hassenforder

 

(1)            « Petite Poucette » de Michel Serres. « Une nouvelle manière d’être et de connaître » : https://vivreetesperer.com/?p=820                                    « Une révolution en éducation. L’impact d’internet pour un nouveau paradigme en éducation » : https://vivreetesperer.com/?p=1565

(2)            Céline Alvarez. Les lois naturelles de l’enfant. Les Arènes, 2016. Un horizon pour l’éducation. La référence aux acquis scientifiques est fondée sur une remarquable bibliographie à l’échelle internationale. Voir en particulier les notes.

(3)            Céline Alvarez. Pour une refondation de l’école guidée par les enfants. Exposé à TEDxIsèreRiver (2014). Une intervention qui présente la dynamique de innovation : https://www.youtube.com/watch?v=nwVgsaNQ-Hw

(4)            Site présentant la démarche de Céline Alvarez : « les lois naturelles de l’enfant ». Un beau support de communication avec de nombreuses vidéos :     https://www.celinealvarez.org/notre-demarche

(5)            Liste des écoles Montessori en France : http://www.ecoles-montessori.com. Un site sur la vie, l’œuvre et le message de Maria Montessori : http://www.montessori-formations.fr/index.html  « L’enfant, être humain libre, peut nous enseigner à nous et à la société, l’ordre, le calme, la discipline et l’harmonie. Quand nous l’aidons, l’amour fleurit, un amour dont nous avons le plus grand besoin pour unir tous les hommes et créer une vie heureuse » Maria Montessori

(6)             Maria Montessori. L’enfant. Desclée de Brouwer, 2016 Première édition en 1936. Lu très tôt, dans notre première jeunesse, ce livre a été pour nous une découverte marquante.

(7)            Il y a quelques années, une recherche de Rebecca Nye a mis en évidence la présence d’une conscience spirituelle chez l’enfant. L’enfant nous dit-elle, a une « sensibilité innée à la la transcendance ». « Pendant l’enfance, la spiritualité consiste principalement à être attirée par l’interaction, à répondre au désir d’entrer en relation avec quelqu’un d’autre que soi, que ce soit les autres, Dieu, la création ou la sensation plus profonde d’être soi ». Des recherches ont mis en évidence une sensibilité des enfants à la présence de Dieu.  Ces découvertes viennent contredire des représentations longtemps dominantes qui méconnaissaient la vitalité spirituelle des enfants. Pendant des siècles de chrétienté, une mentalité répressive a dominé en prenant forme dans la théologie augustinienne du péché originel. A l’encontre de cette mentalité, aujourd’hui les paroles de Jésus sur l’enfant reprennent toute leur actualité et on en perçoit davantage la portée. Jésus a parlé des enfants comme ceux « dont les anges dans le ciel se tiennent constamment auprès de mon Père céleste » (Matthieu 18.10) . « Si quelqu’un accueille un enfant, ce n’est pas seulement moi qu’il accueille, mais aussi Celui qui m’a envoyé » (Marc 9.37). On voit là un univers où l’amour s’exprime, un univers appelé à s‘étendre. Voir le livre : Rebecca Nye. La spiritualité de l’enfant. Empreinte. Temps présent, 2015  http://www.temoins.com/lenfant-est-un-etre-spirituel/           Sur le site de Témoins, voir aussi : « Découvrir la spiritualité des enfants. Un signe des temps ? » : http://www.temoins.com/decouvrir-la-spiritualite-des-enfants-un-signe-des-temps/

(8)            « Quel regard sur la société et sur le monde ? Un changement de perspective » : https://vivreetesperer.com/?p=191

(9)            « Vers une civilisation de l’empathie ? A propos du livre de Jérémie Rifkin » : http://www.temoins.com/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux/

(10)      Sur ce blog : « La bonté humaine. Est-ce possible ? La recherche et l’engagement de Jacques Lecomte » : https://vivreetesperer.com/?p=674

(11)      Sur ce thème, voir aussi quelques articles récents mis en ligne sur ce blog : « Une belle vie se construit avec de belles relations » : https://vivreetesperer.com/?p=2491              « La gratitude : un mouvement de vie » : https://vivreetesperer.com/?p=2469

 

Sur ce blog, on pourra voir aussi :

« Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand » (Lytta Basset. Oser la bienveillance) : https://vivreetesperer.com/?p=1842