Branché sur le beau, le bien, le bon

                                          

Le bonheur, un état d’esprit…

Témoignage et enseignement d’Elisabeth Grimaud, neuropédagogue

L’aspiration au bonheur est naturelle chez l’homme. Cette recherche prend des formes différentes. Elle est plus ou moins profonde, plus ou moins exigeante. Et, de même, les réponses se situent à différents niveaux et sur différents registres.          Neuropsycholinguiste, Elisabeth Grimaud nous apporte une approche empirique. Qu’est-ce qui nous rend plus heureux ? Comment identifier et développer les attitudes qui contribuent au bonheur ? Et, dans une personnalité humaine où différentes composantes interviennent, comment le cerveau participe-t-il à la réalisation du bonheur ? « Le bonheur est un état d’esprit », nous dit Elisabeth, « mais cela se travaille ». Cette approche met en avant l’expérience et elle rencontre la notre. Elle appelle une expression du ressenti. Elle aide à mieux comprendre les interrelations entre nos attitudes, nos pratiques et l’activité de notre cerveau, notamment à travers la production de neurotransmetteurs. Dans cette perspective, les activités qui mettent en œuvre le beau, le bien et le bon apparaissent comme ayant un rôle moteur dans la réalisation du bonheur.

Dans son « talk » à Ted X Roanne, Elisabeth Grimaud, chercheur  en psychologie cognitive (1), explique comment le cerveau correspond avec certaines attitudes à travers des secrétions qui suscitent du bien-être. Ainsi a-t-elle intitulé sa communication : « Programmez votre cerveau pour le bonheur » (2). Cependant, si cet exposé débouche sur une analyse scientifique, il procède à partir du témoignage de l’intervenante  nous rapportant la manière dont elle a ressenti sa visite d’un chef d’œuvre de l’architecture espagnole : l’Alhambra à Grenade. Elle nous fait part d’un enthousiasme communicatif. Cette expression chaleureuse nous invite à entrer dans une pratique du beau, du bien et du bon, à en percevoir les effets et à comprendre, en regard, les processus en cours dans le cerveau.

 

La visite de l’Alhambra 

Comment Elisabeth Grimaud a-t-elle vécu sa visite à l’Alhambra ? Auteur d’une recherche sur l’enseignement cérébral par les jeux, Elisabeth a donc participé à un colloque scientifique international à Grenade. Et c’est à cette occasion que le troisième jour, elle a pu visiter « ce monument extraordinaire : l’Alhambra » .

Elle a commencé par les jardins. Ainsi est-elle d’abord rentrée « dans une grande allée tapissée d’arbres ». « En avançant, je me suis sentie entrer dans un univers »… Puis, en arrivant, il y avait un parterre de fleurs. « Je suis passée à coté d’une rose. Je me suis arrêtée. Cette rose m’a frappée parce qu’elle avait une couleur intense. A ce moment là, j’étais avec la fleur et rien d’autre… J’ai continué la visite. Je me suis rendu compte qu’il y avait une odeur qui se dégageait. Cela sentait bon. Il y avait une odeur d’été. C’était du chèvrefeuille. Je ressentais du bien-être ».

« En continuant la visite, j’ai accédé au monument. Le palais de l’Alhambra est constitué de différents espaces et de différents bâtiments. Et ces bâtiments ont tous une spécificité. Ils sont immenses, et, en même temps, dans cette immensité, il y a du détail, infiniment de détails. La sculpture est partout. L’immensité se conjugue avec une précision extraordinaire. Pendant plusieurs heures, j’ai monté des marches et, à chaque fois, l’effort en valait la peine…

Quand je suis passé devant le magasin de souvenirs, j’ai eu envie d’acheter quelque chose pour mon conjoint, mes enfants. J’ai trouvé un livre où il y avait des photos correspondant à ce que j’avais vu, suscitant des émotions ressemblant à celles que j’avais ressenties. Quand je suis ressorti de ce magasin, j’étais heureuse. Je l’avais fait pour ceux que j’aime.

Et pendant toute cette visite, j’ai vécu ce que j’appelle le bonheur, ce que j’enseigne et dont je parle beaucoup ».

 

 

Correspondance entre le vécu et les activités cérébrales 

Elisabeth Grimaud revient ensuite sur ce vécu et en analyse les différents aspects en les mettant en relation avec les activités du cerveau. « Les différentes manières dont j’ai vécu ce bonheur s’expriment par l’émotion et s’expliquent grâce aux mécanismes du cerveau ». Ainsi, en terme de « d.o.s.e », elle énonce les différents neurotransmetteurs qui ont été émis par le cerveau : dopamine, ocytocine, sérotonine, endorphine. Et elle nous apprend en quoi l’apparition de chaque neurotransmetteur correspond à une de ces activités durant cette visite de l’Alhambra.

« La dopamine est le neurotransmetteur de la réussite. Je montais les marches parce qu’à chaque fois, je sentais que j’allais vers une réussite. Ce que j’allais voir méritait un effort.

Dans le magasin, il y a eu activation de l’ocytocine qui correspond à l’attachement, à la reliance. A chaque fois que vous vous reliez à quelqu’un : famille, enfants, un bon copain, vous êtes heureux. Qu’est-ce que cela fait du bien de se voir ! Ma famille n’était pas là. mais je pensais à eux. J’étais avec eux.

A la fin de mon parcours, j’avais coché toutes les cases du programme. J’étais contente de moi. J’étais satisfaite. La sérotonine correspond à cette satisfaction de voir la tâche accomplie.

Enfin, l’endorphine agit en contraste. Elle amortit la douleur. Vous êtes fatigué. Et à ce moment, vous ne le ressentez plus. Cette gestion de votre fatigue vous permet de continuer. Vous sentez à nouveau un peu de bien-être ».

Cette analyse nous permet de mieux comprendre ce qui se passe en nous dans nos propres expériences. Mais Elisabeth Grimaud nous invite également à développer notre capacité d’activer ces neurotransmetteurs.  Ils découlent de certaines activités mentales, mais ils peuvent aussi les stimuler. « Vous avez la possibilité d’activer les neurotransmetteurs et l’entrainement cérébral peut vous aider en ce sens ».

 

Le beau, le bien et le bon

Elisabeth Grimaud nous présente ainsi une approche à travers laquelle il est possible de développer une disposition au bonheur à travers une aptitude à produire les neurotransmetteurs correspondants. Mais dans quel esprit ? C’est ici qu’en évoquant son expérience de la visite de l’Alhambra, Elisabeth Grimaud nous invite à nous exercer dans le sens du beau, du bien et du bon. « Lorsque vous mettez en activité ces trois mots simples, tous les jours dans votre quotidien, vous activez un peu de cette dose de bien-être qui va vous apportez du bonheur ».

« Le beau, c’est savoir s’émerveiller. Lorsque j’étais avec cette rose, le l’ai sentie, je l’ai vue. Je me suis émerveillée.  Qu’est-ce que cela a suscité dans mon corps ? Cela a fait monter le niveau d’ocytocine qui permet à la dopamine d’être davantage présente et d’apporter du bien-être. Cet émerveillement peut s’opérer à partir de nos cinq sens.

Le bien, c’est le fait de s’appliquer et de s’impliquer. Lorsque vous vous appliquez et que vous vous impliquez, vous recevez de la sérotonine. C’est le plaisir et la fierté de la tâche accomplie. Cela peut se réaliser dans le quotidien jusque dans de tout-petits riens ».

Le bon, c’est entrer en relation. « Dans ma visite, lorsque je suis entré au magasin, je me suis tournée vers les autres en pensant aux miens. Quand on se tourne vers les autres, selon la psychologie positive, on augmente son propre niveau de bien-être ». On peut être aussi un ami pour soi-même. Elisabeth est sensible aux dangers du narcissisme et d’un développement autocentré. Ainsi met-elle l’accent sur les bienfaits de la relation.

Au total, « quand on considère l’augmentation du bien-être dans le corps, il se fait en étant en lien avec les autres, avec l’environnement par les cinq sens, avec ce que l’on fait. C’est avec le beau, le bien, le bon que vous développez votre bonheur au quotidien ».

 

Echos

Nous écoutons Elisabeth Grimaud comme une amie qui nous raconterait un moment heureux de sa vie. Et en même temps, elle nous éclaire sur les ressorts de nos émotions et de nos comportements. Quelque part, on ressent là une harmonie.

Ce commentaire ajoute ici un autre angle de vue qui nous paraît complémentaire.

La neuropédagogue met l’accent sur le rôle du cerveau et la manière d’en tirer parti à travers des comportements positifs puisqu’il les répercute en effets bienfaisants. Cependant, à notre sens, le cerveau n’est pas le maître du jeu. C’est notre pensée qui oriente. Nous nous émerveillons. Nous aimons. Et, comme dans le cas de la gratitude (3), ces émotions positives entrainent des réactions neuronales qui se traduisent en effets bienfaisants. Et de fait, il y a interaction. Une bonne habitude s’ancre et va s’amplifier à travers cet ancrage. On découvre aujourd’hui la puissance de la pensée. Avec le chercheur en neurosciences, Mario Beauregard, on peut voir que « l’esprit humain a une grande capacité d’influence au niveau du corps, du cerveau et de tous les systèmes physiologiques qui sont connectés » (4).

Cependant, nous vivons dans une culture qui a longtemps été influencée par un héritage philosophique et religieux où l’âme et le corps étaient séparés et le corps dévalorisé. On peut ajouter à cela un point de vue pessimiste sur la nature humaine (5). Ce contexte est réfractaire à une approche telle que celle qui nous est présentée ici.

Dans son livre : « Dieu dans la création » (6), Jürgen Moltmann (7) ouvre la voie d’une approche théologique globale, holistique : « Les recherches actuelles mettent en valeur les interactions entre le psychisme et le corps ». Ce phénomène est bien reçu dans la vision d’une anthropologie biblique où « l’homme apparaît toujours comme un tout ». « L’homme est une totalité qui s’exprime à travers son corps. La corporéité est la fin de toutes les œuvres divines ». « La présence de Dieu dans l’Esprit n’est plus localisée uniquement dans la conscience ou dans l’âme, mais dans la totalité de l’organisme humain ».

Nous faisons référence ici à l’expérience spirituelle d’Odile Hassenforder (8) en phase avec la vision interactive qui se développe aujourd’hui : « Ma foi en notre Dieu, qui est puissance de vie, s’est développée à travers la découverte des nouvelles approches scientifiques qui transforment nos représentations du monde. Dans cette nouvelle perspective, j’ai compris que tout se relie à tout et que chaque chose influence l’ensemble. Tout se tient. Tout se relie. Pour moi, l’action de Dieu s’exerce dans ces interactions ».

En entendant Elisabeth Grimaud nous parler de la prédisposition du cerveau à exercer des effets positifs en rapport avec la mise en œuvre du beau, du bien et du bon, on peut s’écrier avec un psaume (139. 14) : « Je te loue que je suis une créature si merveilleuse ».

Dans une épitre du Nouveau Testament (Philippiens 4. 8), on trouve cette recommandation : « Que tout ce qui est bon, tout ce qui est vrai, juste, agréable… soit l’objet de vos pensées ». Cette recommandation, cette expression de sagesse va de pair avec le « beau, le bien, le bon » au cœur du processus mis en valeur par Elisabeth Grimaud. Ainsi pourrait-on avancer que dans son exposé, on peut voir une rencontre entre neurosciences, psychologie positive et sagesse. C’est une rencontre qui s’effectue ici dans une expérience relatée avec simplicité et enthousiasme, de quoi éveiller en écho un accueil chaleureux.

 

J H

 

(1)            Elisabeth Grimaud, neuropsycholinguiste a créé une méthode scientifique d’entrainement cérébral : EnCéfaL (entrainement cérébral fonctionnel par les activités de loisir) : http://www.lafabriqueabonheurs.com/praticien-en-neuropedagogie-encefal/ Elle est l’auteur d’un livre : Beau, bien, bon (Marabout, 2017). Elle est interviewée à ce sujet (vidéo) dans le cadre d’un site : « Beau, bien, bon » où l’on trouve également de courtes vidéos : « Secrets d’optimisme » : https://www.youtube.com/channel/UCFtBeM9siMy8pnmJpyFfH5w/featured

(2)            La rencontre avec Elisabeth Grimaud à Ted X Roanne : « Beau, bien, bon, programmez votre cerveau pour le bonheur » (Nous en rapportons quelques extraits) https://www.youtube.com/watch?v=tKIYGevgAxA

(3)            La gratitude : un mouvement de vie : https://vivreetesperer.com/?p=2469

(4)            Comment nos pensées influencent la réalité ? Mario Beauregard : Pour une approche intégrale de la conscience : https://vivreetesperer.com/?p=2341

(5)            Lytta Basset : Oser la bienveillance https://vivreetesperer.com/?p=1842

Jacques Lecomte : La bonté humaine https://vivreetesperer.com/?p=674

(6)            Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988. Chapitre : « La corporéité est la fin de toutes les œuvres divines » (p 311-349)

(7)            Une théologie pour notre temps. L’autobiographie de Jürgen Moltmann : http://www.temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/

(8)            Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte Temps présent, 2011

Odile Hassenforder : « Sa présence dans ma vie » : un témoignage vivant : https://vivreetesperer.com/?p=2345

Le cadeau d’une intuition

Un nouveau lieu pour l’expression créative  

Aujourd’hui, je cueille le fruit d’une intuition, portée et mûrie, pendant presque  9 ans : un lieu pour les formations avec l’expression créative !

Coup d’œil dans le rétro,  pour une réalisation née d’une intuition :

A PRH, nous disons l’importance de l’écoute de ses intuitions, et comment l’on passe d ‘une intuition à une décision puis à une réalisation !

Depuis mon démarrage comme formatrice (1), j’étais habitée d’un lieu, stable, pour exploiter tous les possibles du travail sur soi par l’expression créative, un des supports pédagogiques chers à PRH !

Pas facile de distinguer entre cette intuition de départ et du rêve, entre mes aspirations profondes et le possible dans le réel… C’est le temps qui a conforté cette intuition : elle ne m’a jamais lâchée ! Et comme cette caractéristique-là m’était déjà familière pour d’autres choix importants dans ma vie, elle m’a aidée à la prendre au sérieux. Pourtant, dans le paysage, pendant 5 ans, rien n’était disponible, ni convergent.

Peu à peu  ce projet a pris force en moi, suffisamment pour que j’en parle nettement ! Et mon mari s’y est ouvert ; c’est devenu un projet de couple ; il se voyait le construire avec  l’aide de proches.

Nous avions envisagé un premier lieu qui s’est avéré trop lourd pour nous et nous avons renoncé. Ce moment de déception me mit dans un arrêt intérieur pendant quelque temps mais le projet ne me lâchait pas….

Mon mari a entrevu un nouveau lieu…et c’est celui-là qui arrive à son accomplissement aujourd’hui. Il se compose d’une belle salle claire, ensoleillée, dans une ambiance – bois, chaleureuse ; il y a un grand espace, avec des zones différenciées offrant différentes postures de travail, en intérieur comme en extérieur dans un jardin, sans oublier de quoi se poser  ou de se restaurer!

Sa configuration permet d’accéder à des supports encore plus diversifiés comme le bois, le béton cellulaire en plus de l’argile, et la peinture. Cet ensemble permet d’évoluer à son rythme et au rythme du  travail intérieur en cours.

Outre les sessions par l’expression créative, des nouveautés s’y annoncent :

Ainsi , des journées découvertes  avec l’expression créative, pourront s’y tenir pour découvrir PRH et pour découvrir cette approche de soi, par les formes, couleurs, matières…., et aussi des temps forts de relation d’aide, alliés à la possibilité de recourir à ces médiations.

Sa réalisation a été possible grâce à un chantier solidaire où s’échangeaient des services. Occasion pour certains  d’apprentissages techniques, et pour tous, une belle expérience de convivialité !

Voici, avec du recul, quelques éléments de ma traversée intérieure… :

–          Prendre au sérieux l’intuition, après l’avoir déchiffrée, sondée

–          Y croire, malgré des moments de doute

–          Une interdépendance pour la réalisation

–          La difficulté d’accueillir « tout ça pour moi ? »….

–          L’étonnement des convergences des aides

–          Un arrêt intérieur : quelle promesse ? Qu’est ce qui  pourra se vivre ici ?

–          Une désappropriation

–          La fatigue, le découragement devant la longueur du travail

–          Et la joie présente !

A présent il existe ! En octobre s’y tiendra la première session PRH !

C’est  une promesse de créativité sociale, culturelle, artistique, et ce, dans un petit village tranquille au pied des Vosges !

Bienvenue à qui voudra pousser la porte !

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Prochaine session par l’expression graphique : Ma vie relationnelle, aujourd’hui, en février 2017

http://www.prh-france.fr/notre-offre/nos-formations/copy2_of_vie-relationnelle/ma-vie-relationnelle-aujourdhui

Et des nouveautés :

–          Des journées découvertes  avec l’expression créative, pour découvrir PRH et pour découvrir cette approche de soi, par les formes, couleurs, matières….

http://www.prh-france.fr/nos-activites-daccompagnement/offres-locales/stages-decouverte-et-acc-2016-2017-est.pdf

–          Des temps forts de relation d’aide, alliée à la possibilité de recourir à ces médiations

http://formateurs.prh-france.fr/nos-activites-daccompagnement/offres-locales/autres-rencontres-2016-2017-est.pdf

Valérie BITZ

(1)                         Valérie Bitz est formatrice à PRH Personnalité et relations humaines. Pour découvrir l’activité de cette formation qui se donne pour but formation et développement, consulter le site : http://www.prh-france.fr

Merci à Valérie pour ses contributions  sur ce blog :

Au cœur de nous, il y a un espace

https://vivreetesperer.com/?p=1820

Des expériences de transcendance, cela peut s’explorer

https://vivreetesperer.com/?p=1505

Et si je tentais d’explorer, par la peinture ou le graphisme, pour y voir plus clair

https://vivreetesperer.com/?p=1428

Pour une éducation nouvelle, vague après vague

 

Une avancée majeure : l’expérimentation de Céline Alvarez dans une classe maternelle à Genevilliers.

 

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Considérer l’enfant, l’adolescent, prendre en compte ses aspirations, lui permettre d’apprendre et de se développer en suivant son élan intérieur, créer une ambiance, un environnement favorable à cette dynamique : pendant tout le XXè siècle, des pionniers comme Maria Montessori, Dewey, Freinet, Decroly, ont cherché à promouvoir une éducation nouvelle face à un enseignement plus ou moins imposé d’en haut. Aujourd’hui, dans une part croissante de la société, un état d’esprit propice à l’initiative et à la créativité apparaît, se projetant naturellement sur la manière de concevoir l’éducation des enfants. La révolution numérique change de fond en comble les conditions de la transmission du savoir en le rendant accessible à tous (1). L’éducation apparaît de plus en plus comme une requête majeure de la société de la connaissance et de la nouvelle économie, et aussi comme la condition siné qua non d’une société plus démocratique. Ainsi, l’échec scolaire se révèle de plus en plus intolérable. En France, les dégâts sont particulièrement importants puisque 40% des élèves sortent du CM2 avec de graves lacunes. Ce sont les mêmes qui ne poursuivent pas une scolarité normale au collège et se retrouvent ensuite en difficulté dans la recherche d’une insertion professionnelle.

 

L’expérimentation menée par Céline Alvarez pendant trois ans dans une classe maternelle au sein d’une zone d’éducation prioritaire à Gennevilliers s’inscrit dans ce paysage. Si cette expérience s’est heurtée aux rigidités du système, à travers des résultats remarquables scientifiquement testés, elle a permis de valider une approche dont on perçoit l’exceptionnelle fécondité. Céline Alvarez milite donc aujourd’hui pour une promotion de cette approche chez des acteurs motivés. Et son livre : « Les lois naturelles de l’enfant » (2), à partir de l’expérience de l’auteur et de l’approche de la recherche, nous entraine dans une voie nouvelle.

 

Une expérimentation innovante pour un nouvel horizon

Les propos de Céline Alvarez mettent en évidence une forte motivation, un projet longuement réfléchi et muri, une action volontaire pour pénétrer dans l’enseignement public afin d’y expérimenter une nouvelle approche. Effectivement, en septembre 2011, elle parvient à prendre en charge une classe maternelle à Gennevilliers en zone d’éducation prioritaire. Et elle va poursuivre cette expérience pendant trois ans jusqu’à ce que des empêchements institutionnels viennent y faire obstacle. Quelles sont les grandes caractéristiques de son approche ?

 

 

Globalement, Céline Alvarez s’inspire de l’expérience pionnière de Maria Montessori. Celle-ci, doctoresse au début du XXè siècle, s’était elle-même appuyée sur les travaux de deux médecins français, Jean Itard et Edouard Seguin. « En 1907, Maria Montessori créa ce qu’elle appelait les « maisons d’enfants » qui regroupaient une quarantaine d’enfants de trois à cinq ans : le principe pédagogique essentiel de ces lieux de vie et d’apprentissage était l’autonomie accompagnée et structurée » (p 17). Céline Alvarez récuse une dépendance rigide vis à vis de cette méthode, mais, écrit-elle, « Lorsque j’ai découvert les écrits du Dr Montessori, ils m’ont rapidement passionnée justement pour cette démarche scientifique non dogmatique et évolutive . Ils étaient par ailleurs d’une justesse époustouflante, visionnaire et profondément humaine. J’ai alors étudié quotidiennement pendant plus de sept années ses travaux que j’ai enrichi de l’apport des connaissances scientifiques actuelles sur le développement humain et de la linguistique française »… C’est sur cette base que j’ai effectué mes recherches en axant mes réflexions sur le développement des compétences exécutives des enfants… sur les activités de langage…ainsi que sur les moments de regroupements indispensables pour la consolidation des fondamentaux. Enfin, et surtout, j’ai limité le nombre d’activités proposées aux enfants pour privilégier et renforcer le lien social… Cette reliance sociale fut un véritable catalyseur d’épanouissement et d’apprentissage » (p 18).

 

A l’approche de Maria Montessori si révolutionnaire à son époque en affirmant une conception nouvelle de l’enfant et de son potentiel et en lui offrant un environnement pédagogique, stimulant et respectueux, Céline Alvarez a ajouté une prise en compte de la recherche scientifique actuelle, et, dans le même mouvement, elle a fait de cette innovation une expérimentation accompagnée par une évaluation rigoureuse. « La première année malgré l’absence de cadrage institutionnel officiel, le cabinet du ministre et l’académie ont autorisé les tests visant à mesurer les progrès des enfants. Ces derniers ont été réalisé par le CNRS de Grenoble » ( p 18). Et, cette évaluation va rapidement mettre en évidence la réussite exceptionnelle de cette nouvelle approche pédagogique. Dès la fin de la première année scolaire, tous les élèves, sauf un, progressent plus vite que la norme, beaucoup connaissent des progressions très importantes… Certains des enfants qui avaient, en début d’année, un retard de plusieurs mois, voire de plusieurs années, ont non seulement rattrapé la norme, mais l’ont également dépassée sur certains domaines de compétences cognitives fondamentales ».

Il y avait là une grande réussite. Elle fut méconnue par le système bureaucratique puisqu’en juillet 2014, le Ministre de l’Education Nationale décida l’arrêt de l’expérience. Dès lors, Céline Alvarez a donné sa démission et poursuivi son action par d’autres voies et en pleine liberté. « Après les résultats extraordinaires et très prometteurs des enfants, je ressentais comme une grande urgence de partager très largement et avec une liberté et une rapidité que l’Education Nationale n’aurait pu m’offrir, les contenus théoriques ainsi que les outils pédagogiques qui avaient eu un impact si positif ».

 

Les lois naturelles de l’enfant

Déjà, au printemps 2014, Céline Alvarez avait fait connaître la dynamique de son expérience dans une intervention à TEDXIsèreRiver : « Pour une refondation de l’école guidée par les enfants » (3). Aujourd’hui, elle diffuse ses connaissances et son savoir-faire à travers un site particulièrement efficient, notamment grâce à la mise en ligne de nombreuses vidéos (4). Enfin un livre : « les lois naturelles de l’enfant »  (2), nous présente  une compréhension de l’enfant et une approche éducative fondée sur l’expérience et un recours méthodique à la recherche scientifique dans toute son extension et à l’échelle internationale.

Céline Alvarez présente ce livre en ces termes :  « Le livre que vous avez entre les mains… dégage les grands principes de l’apprentissage identifiés par la recherche, ainsi que les invariants pédagogiques qu’ils imposent. Nous verrons d’abord l’importance de nourrir l’intelligence extraordinaire de l’enfant dans les premières années de sa vie en lui offrant un environnement de qualité, riche, dynamique, complexe et en lui permettant d’être actif et de réaliser les activités qui le motivent. Nous abordons dans la deuxième partie, l’importance d’aider l’enfant à organiser et à s’approprier toutes ces informations qu’il perçoit du monde extérieur, notamment grâce à du matériel didactique lui présentant de manière très concrète les bases de la géographie, de la musique, du langage et des mathématiques. Nous verrons ensuite, dans une troisième partie qu’il est fondamental de permettre à l’enfant de développer ses potentiels embryonnaires au moment où ils cherchent à se développer, – ni avant, ni après. Et enfin, dans la quatrième partie de ce livre, nous aborderons une condition environnementale-clé : l’importance du lien humain. Les interactions sociales variées, chaleureuses, empathiques et bienveillantes sont en effet un des leviers les plus importants pour le plein épanouissement de l’intelligence humaine…» (p 28-29).

 

Un événement significatif

Lorsqu’on retrace l’histoire de l’innovation pédagogique en France au cours des dernières décennies, l’initiative de Céline Alvarez nous paraît tout à fait remarquable. En effet, elle est l’aboutissement d’une longue préparation théorique et pratique et d’une action consciente et persévérante. Dans un premier temps, elle parvient à franchir les obstacles institutionnels pour être ensuite empêchée, mais rebondir dans un mouvement plus large.

Cette initiative s’inscrit également dans un changement en cours des mentalités, l’éveil d’un nouvel état d’esprit. Si l’on prend en compte un certain nombre d’indicateurs, il y aurait aujourd’hui dans certains milieux une nouvelle vague en faveur d’une éducation nouvelle. Ce désir s’exprime par exemple dans des interventions diffusées par les cercles TEDx. On compte aujourd’hui en France environ 200 écoles Montessori, ce qui est un chiffre élevé sans aucune mesure avec celui qu’on aurait pu relever à la fin du XXe siècle. La référence à Maria Montessori (5) est elle-même significative. A travers son livre « L’enfant » (6) et sa conception du petit enfant comme « un embryon spirituel », elle éveille pour nous un éveil à une dimension plus profonde de l’être humain (7). Par ailleurs, le système classique, hiérarchisé, compartimenté, uniformisé est battu en brèche. Une association comme « Le printemps de l’éducation » témoigne de cet état d’esprit nouveau. L’innovation entreprise par Céline Alvarez participe à ce climat.

Mais elle ajoute à cet élan la mise en œuvre d’une recherche scientifique accompagnant et légitimant des pratiques nouvelles. Cette recherche confirme les intuitions des pionniers de l’éducation nouvelle en démontrant les bienfaits physiologiques et psychologiques de ces pratiques. La recherche pédagogique est présente en France depuis des décennies, mais ici on peut observer des conclusions tout à fait remarquables. Céline Alvarez fait appel tout particulièrement aux neurosciences, à la psychologie positive et à la linguistique. Si l’appel  à la recherche est toujours fructueux, il nous parait actuellement tout particulièrement bénéfique, non seulement en raison des avancées scientifiques, mais parce qu’un nouveau regard se manifeste aujourd’hui dans ces avancées (8). La mise en évidence de la précocité du développement de l’intelligence dans la petite  enfance, la mise en valeur de l’empathie (9), l’accent nouveau apporté par la psychologie positive (10) sont des acquis qui ont commencé à apparaître à la fin du XXè siècle (11). Ainsi, le titre ambitieux du livre de Céline Alvarez : « Les lois naturelles de l’enfant » peut s’appuyer sur un ensemble de découvertes qui vont de pair avec des valeurs qui se sont frayé un chemin à travers le XXé siècle, mais remontent bien plus loin encore.

Céline Alvarez attache ainsi une grande importance à la « reliance », c’est à dire « l’acte de relier ou de se relier, ou le résultat de cet acte », soit « le sentiment ou l’état de reliance ». La recherche met en évidence les effets extrêmement positifs da la reliance sur notre fonctionnement physiologique. « Lorsque nous nous mettons en lien avec autrui de manière généreuse, chaleureuse, empathique, tout notre organisme s’épanouit et se régénère avec une puissance extraordinaire… Ainsi, lorsque nous sommes chaleureux et bienveillant envers un enfant (mais également envers un adulte), nous agissons de manière puissamment positive tant sur sa santé que sur ses capacités cognitives, sociales et morales. Dans la classe maternelle de Gennevilliers, nous avons usé sans modération de ce levier : nous avons adopté une posture accueillante, chaleureuse et empathique, en veillant bien évidemment toujours à poser les limites claires d’un cadre structurant. A mon sens, cette posture fut, pour les enfants de la classe, un véritable catalyseur cognitif, moral et social » ( p 355).

L’auteur nous montre comment cette attitude a permis l’expression des tendances empathiques et altruistes des enfants. « Le jeune enfant est un être d’amour…Les enfants sont fondamentalement mus par des élans altruistes, généreux… » ( p 396). Ainsi Céline Alvarez n’hésite-t-elle pas à intituler la quatrième partie de son livre sur la mise en œuvre de la reliance dans sa classe maternelle : « Le secret, c’est l’amour ». « L’amour n’est pas le premier mot qui vient à l’esprit lorsqu’on aborde le sujet de l’apprentissage, et il s’agit là d’une erreur fondamentale…L’amour est le levier de l’âme humaine. Nous sommes câblés pour la rencontre chaleureuse et empathique avec l’autre et, lorsque nous obéissons à cette grande loi dictée par notre intelligence, alors tout devient possible » (p 352).

Ainsi, dans son approche comme dans ce livre, Céline Alvarez conjugue l’intelligence et le cœur. Nous savons par expérience combien le mal est présent dans ce monde. Nous oublions trop souvent qu’il peut y avoir en regard une contagion du bien. Et, tout autour de nous, nous rencontrons des formes positives de reliance. Ce livre nous parle d’éducation. Oui, une autre éducation est possible. Mais il a encore une portée plus vaste. Car, à partir d’une vie enfantine épanouie, il évoque aussi pour nous une vie autre . « Le secret, c’est l’amour ». C’est une espérance en marche.

 

Jean Hassenforder

 

(1)            « Petite Poucette » de Michel Serres. « Une nouvelle manière d’être et de connaître » : https://vivreetesperer.com/?p=820                                    « Une révolution en éducation. L’impact d’internet pour un nouveau paradigme en éducation » : https://vivreetesperer.com/?p=1565

(2)            Céline Alvarez. Les lois naturelles de l’enfant. Les Arènes, 2016. Un horizon pour l’éducation. La référence aux acquis scientifiques est fondée sur une remarquable bibliographie à l’échelle internationale. Voir en particulier les notes.

(3)            Céline Alvarez. Pour une refondation de l’école guidée par les enfants. Exposé à TEDxIsèreRiver (2014). Une intervention qui présente la dynamique de innovation : https://www.youtube.com/watch?v=nwVgsaNQ-Hw

(4)            Site présentant la démarche de Céline Alvarez : « les lois naturelles de l’enfant ». Un beau support de communication avec de nombreuses vidéos :     https://www.celinealvarez.org/notre-demarche

(5)            Liste des écoles Montessori en France : http://www.ecoles-montessori.com. Un site sur la vie, l’œuvre et le message de Maria Montessori : http://www.montessori-formations.fr/index.html  « L’enfant, être humain libre, peut nous enseigner à nous et à la société, l’ordre, le calme, la discipline et l’harmonie. Quand nous l’aidons, l’amour fleurit, un amour dont nous avons le plus grand besoin pour unir tous les hommes et créer une vie heureuse » Maria Montessori

(6)             Maria Montessori. L’enfant. Desclée de Brouwer, 2016 Première édition en 1936. Lu très tôt, dans notre première jeunesse, ce livre a été pour nous une découverte marquante.

(7)            Il y a quelques années, une recherche de Rebecca Nye a mis en évidence la présence d’une conscience spirituelle chez l’enfant. L’enfant nous dit-elle, a une « sensibilité innée à la la transcendance ». « Pendant l’enfance, la spiritualité consiste principalement à être attirée par l’interaction, à répondre au désir d’entrer en relation avec quelqu’un d’autre que soi, que ce soit les autres, Dieu, la création ou la sensation plus profonde d’être soi ». Des recherches ont mis en évidence une sensibilité des enfants à la présence de Dieu.  Ces découvertes viennent contredire des représentations longtemps dominantes qui méconnaissaient la vitalité spirituelle des enfants. Pendant des siècles de chrétienté, une mentalité répressive a dominé en prenant forme dans la théologie augustinienne du péché originel. A l’encontre de cette mentalité, aujourd’hui les paroles de Jésus sur l’enfant reprennent toute leur actualité et on en perçoit davantage la portée. Jésus a parlé des enfants comme ceux « dont les anges dans le ciel se tiennent constamment auprès de mon Père céleste » (Matthieu 18.10) . « Si quelqu’un accueille un enfant, ce n’est pas seulement moi qu’il accueille, mais aussi Celui qui m’a envoyé » (Marc 9.37). On voit là un univers où l’amour s’exprime, un univers appelé à s‘étendre. Voir le livre : Rebecca Nye. La spiritualité de l’enfant. Empreinte. Temps présent, 2015  http://www.temoins.com/lenfant-est-un-etre-spirituel/           Sur le site de Témoins, voir aussi : « Découvrir la spiritualité des enfants. Un signe des temps ? » : http://www.temoins.com/decouvrir-la-spiritualite-des-enfants-un-signe-des-temps/

(8)            « Quel regard sur la société et sur le monde ? Un changement de perspective » : https://vivreetesperer.com/?p=191

(9)            « Vers une civilisation de l’empathie ? A propos du livre de Jérémie Rifkin » : http://www.temoins.com/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux/

(10)      Sur ce blog : « La bonté humaine. Est-ce possible ? La recherche et l’engagement de Jacques Lecomte » : https://vivreetesperer.com/?p=674

(11)      Sur ce thème, voir aussi quelques articles récents mis en ligne sur ce blog : « Une belle vie se construit avec de belles relations » : https://vivreetesperer.com/?p=2491              « La gratitude : un mouvement de vie » : https://vivreetesperer.com/?p=2469

 

Sur ce blog, on pourra voir aussi :

« Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand » (Lytta Basset. Oser la bienveillance) : https://vivreetesperer.com/?p=1842

 

La gratitude : un mouvement de vie

 

 « Le pouvoir de la gratitude »

D’après les propos de Florence Servan-Schreiber

 

Et si nous reconnaissions aujourd’hui tout ce que nous avons reçu des autres et qui fait que nous sommes là, vivant, tout ce qui nous a permis de grandir en amour, en joie, en compréhension, en confiance (1). Et si nous exprimions cette reconnaissance dans un mouvement de vie bienfaisant à la fois pour ceux à qui nous l’exprimons, mais aussi pour nous-même. Car au cœur de ce mouvement, il y a une dynamique à la fois personnelle et collective où nous pouvons percevoir l’inspiration de l’Esprit. C’est dire combien il est bon d’entendre parler de gratitude, d’en découvrir la portée et les effets. C’est pourquoi l’intervention de Florence Servan-Schreiber à Ted X Paris sur « le pouvoir de la gratitude », accessible en vidéo sur internet (2) est particulièrement bienvenue. Cet exposé est remarquable parce qu’il allie une compétence de psychologie ayant accès aux meilleures sources et une démarche personnelle exprimée dans un esprit de recherche, de dialogue, de conviction et d’authenticité. Cousine de David Servan-Schreiber (3), un médecin particulièrement innovant, dont en sait l’intelligence et le courage dans sa lutte contre la maladie, Florence s’est formée à la psychologie transpersonnelle en Californie et elle s’inscrit aujourd’hui dans le courant de la psychologie positive à la fois par sa pratique et par ses écrits qui en diffuse les apports auprès du grand public (4). Cependant, dans cet exposé, Florence Servan-Schreiber s’implique personnellement et elle nous décrit comment elle a vécu la découverte de la gratitude, une dimension bien souvent méconnue dans certains contextes culturels.

 

 

Florence commence son « talk » en nous parlant de son cousin, David Servan-Schreiber, un jeune psychiatre, qui, à 30 ans, menacé par un cancer au cerveau, « a mobilisé toutes les connaissances, toute son énergie pour essayer de voir comment, dans ces circonstances, il pouvait vivre, non seulement le plus longtemps possible, mais surtout le mieux possible ». On sait qu’en conséquence, il a adopté de nouvelles pratiques de vie. « Mais ce que l’on sait moins, parce qu’il ne l’a pas publié, c’est l’attention qu’il a porté aux détails et aux petites choses de la vie. Jusqu’à son dernier souffle, David a été un phénomène de gratitude ». Ainsi, la gratitude, c’est une disposition extrêmement concrète. « La gratitude, c’est un sentiment de reconnaissance lorsque nous réalisons la saveur ce que nous vivons. C’est, par exemple, un rayon de soleil sur la joue. C’est l’odeur d’un bébé surtout quand c’est le sien… C’est le fait de se déplacer pour vous apprendre des choses… ». Pourquoi David m’a-t-il mis sur la voie de tout cela ? Parce que nous parlions beaucoup de psychologie ensemble. Parce que, aux Etats-Unis, il existe des laboratoires entiers qui étudient les circonstances et les conséquences de la gratitude ».

Ainsi, depuis douze ans, au centre de recherche « Greatergood » de l’Université de Berkeley, Robert Emmons (5) travaille dans le courant de la psychologie positive pour essayer de comprendre, le processus de la gratitude et les effets que cela peut avoir sur nous. Florence nous rapporte les conclusions de ses recherches.  « D’abord, sur le plan psychologique, quand nous savons nous émerveiller des petites choses… ne serait-ce que la température qu’il fait dans cette salle, le fait que nous ayons pu arriver à l’heure… ne serait-ce que cela… Et bien, nous nous sentons plus heureux, plus relié aux autres, plus vivants. Ensuite, les bénéfices sur le plan relationnel, sont, en tout premier, de nous sentir beaucoup moins seul parce que la gratitude provient toujours de quelque chose ou de quelqu’un qui est à l’extérieur de nous. C’est un sentiment qui nous rend humble, qui nous donne envie de donner à notre tour ».

Et puis, il y a aussi des conséquences positives sur le plan physiologique. Florence évoque une recherche menée depuis 1986 dans un centre universitaire au Minnesota (USA). Un chercheur a émis l’hypothèse d’un lien entre le fait d’éprouver de la gratitude, de savoir s’émerveiller et la longévité. Mais comment trouver deux populations comparables en tous points, excepté l’attitude à tester ? « Ils ont trouvé dans un couvent où on conserve 150 ans d’archives. La première chose qu’on demande aux jeunes femmes entrant au couvent à l’âge de 20 ans, c’est d’écrire une lettre qui les présente, qui raconte leur vie. Elles refont la même chose à 40 ans et à 70 ans. Et parallèlement, les dossiers médicaux ont été archivés. On a remis ces lettres à des sémanticiens qui étudient la teneur du vocabulaire et on leur a demandé de quantifier la nature des mots qui expriment de l’émerveillement, de l’optimisme et de la gratitude. Et ensuite on a corrélé la densité de gratification de ces femmes avec leur état de santé et la durée de leur vie. On s’est aperçu que plus il y avait de termes qui expriment de la gratitude et de l’émerveillement, plus elles ont vécu longtemps. Et ainsi, on a trouvé un écart de sept ans entre les deux groupes contrastés. Dans des enquêtes menés dans d’autres milieux, on a obtenu les mêmes résultats ».

 

Cette valorisation du positif n’est pas toujours bien reçue dans certaines formes de culture, en particulier en France. « Moi, je suis née à Paris. J’ai grandi à Paris. Ici, cela ne va pas de soi de parler de ce qui va bien, de ce qui nous émerveille. Mais à force d’avoir fréquenté David, d’avoir lu toute cette documentation, j’ai quand même voulu essayer. Chercheur à l’Université de Pennsylvanie (et leader dans le courant de la psychologie positive), Martin Seligman (6) nous propose une méthode adaptée. Il suffit de repérer dans sa journée trois situations : moments, interactions, goûts, sensations qui vous ont fait du bien et pour lesquelles vous avez envie de dire : « Alors là, merci ! », pour faire progresser son niveau de bonheur d’une façon durable ».

Florence nous raconte comment, rentrée à la maison, elle parle de tout cela à table avec son mari et ses trois enfants qui, à ce moment là, ont entre 8 et 14 ans. « Si on sait repérer 3 kifs (7) dans sa journée, on vivra plus longtemps, on vivra en meilleure santé, on sera plus heureux. On s’est lancé. Ce n’est pas facile pour tout le monde. Notre rapport avec la gratitude est un peu différent. Pour Léon, le plus jeune, c’était très difficile. Mais une des plus grande fierté de maman, c’est qu’aujourd’hui, Léon a 14 ans et qu’il a adopté cette pratique. Il peut vous dire les 3 kifs de sa journée. Quand on fait cela avec les gens qu’on connaît, avec les gens avec lesquels on travaille, il se passe quelque chose de particulier, parce que ce n’est pas un sujet courant de conversation. Si cela vous touche, cela me touche. Il y a une règle. Un kif, cela ne se commande pas, cela ne se critique pas si on le fait publiquement. On écoute les autres et, éventuellement, on peut y ajouter le sien ».

 

Mais on peut aller plus loin. Si on n’a pas envie de parler, on peut avoir, sur sa table de nuit, un carnet de kifs, un journal de gratitude qui permet de tout noter avant de se coucher. Robert Emmons s’est aperçu que si c’est la dernière chose que je fais dans la journée, le sommeil est plus profond, le sommeil est plus long et,

si on souffre de douleurs chroniques, les douleurs se dissipent.

Et ensuite, il y a le niveau suivant. C’est « la lettre de gratitude ». Quand nous sommes habités par un sentiment de reconnaissance, le cerceau ne peut pas éprouver en même temps du ressentiment et de la colère. Pendant un an, je n’ai fait aucun cadeau. Le seul cadeau que j’ai fait pour l’anniversaire de mes amis, c’est de leur écrire une lettre de gratitude. J’ai donc revisité mes relations et je me suis rendu compte de la chance que j’avais. « Si tu n’étais pas dans ma vie, voilà ce que je ne serais pas ». Cela permet de mesurer la profondeur de la relation avec les amis ». On peut aller plus loin encore. « Martin Seligman a suggéré des visites de gratitude. Vous préparez la lettre, vous prenez rendez-vous et vous lisez votre lettre. J’ai écrit une lettre de gratitude à mon mari. Nous sommes ensemble depuis 25 ans. En 25 ans de vie commune, ma liste des reproches est facile à faire. Mais là, il ne s’agit pas de cela. « Si tu n’étais pas dans ma vie,  si je ne t’avais pas rencontré ce jour là, voilà ce que je ne serais pas devenu, tout ce qui m’aurait manqué… ».

 

« Voilà ce quoi cela sert la gratitude.  C’est simplement vivre exactement la même vie, mais en mieux. Je ne change pas les personnages. Je ne change pas le décor. Et cela devient extraordinairement utile lorsque cela ne va pas, lorsque la vie ne vous donne pas ce que vous voulez, vous donne le contraire de ce que vous voulez, lorsque le temps que vous avez à passer avec quelqu’un que vous aimez est compté, alors, en appliquant ce filtre là, on réalise, malgré tout cela, la chance que l’on a ».

 

Le message que nous communique Florence sur « le pouvoir de la gratitude » passe d’autant mieux qu’il est le fruit d’une expérience personnelle et qu’il nous est communiqué avec beaucoup de convivialité, de simplicité et d’authenticité. Ce message parle à notre intelligence, mais il parle aussi à notre cœur.

Les sources citées par Florence Servan-Schreiber s’inscrivent dans le courant de la psychologie positive. Et lorsqu’on va à la rencontre de ces sources sur internet, à travers les personnalités de Roger Emmons (5) et de Martin Seligman (6) et des centres de recherche où ils travaillent, on découvre une approche de recherche qui porte un véritable changement de paradigme en psychologie. Comme le déclare Martin Seligman (6), il s’agit de ne plus se focaliser uniquement sur ce qui ne va pas, mais de prendre en compte également ce qui va pour le mettre en valeur et en tirer des enseignements. Ce développement de la psychologie positive (8), témoigne d’une évolution actuelle dans les mentalités qui rend possible un changement de regard. C’est le passage d’un regard pessimiste sur la nature humaine et peu sensible au potentiel humain à un regard qui met en valeur un processus reconnaissant et développant le positif dans l’existence humaine. Ce mouvement est profond. Dans son livre : « Vers une civilisation de l’empathie » (9), Jérémie Rifkin nous montre comment nous sortons d’une idéologie qui a assombri la psychologie à la prise de conscience d’un potentiel jusque là méconnu. Et ce mouvement commence à se faire sentir en France dans le champ des sciences humaines (10).

Ce changement nous paraît se manifester également dans une transformation profonde qui est en train de s’opérer dans le champ religieux. Comme le fait remarquer la théologienne Lytta Basset, la conception du péché originel, telle que l’a développé Saint Augustin, a assombri le christianisme occidental pendant des siècles en induisant la culpabilisation et la peur. Lytta Basset nous invite à sortir de cette emprise dans un livre : « Oser la bienveillance » (11) qui montre combien celle-ci est au cœur d’un message évangélique bien entendu.

Avec du recul, on comprend mieux ce qui a été et est contesté dans l’héritage religieux traditionnel. Cependant, les idéologies adverses qui ont prospéré, sont, elles aussi, en perte de vitesse. Ainsi, un nouveau regard sur le monde est en train d’apparaître dans une vision holistique. On a pu définir la spiritualité comme « une conscience relationnelle » qui s’exerce dans le rapport ave soi-même, avec les autres, avec la nature et avec Dieu (12). En christianisme, Jürgen Moltmann ouvre des pistes nouvelles dans une théologie de l’Esprit attentive à l’émergence et la présence de Dieu dans l’immanence et une théologie de l’espérance ouverte aux potentialités de l’avenir (13).

Dans un contexte où les anciennes barrières s’affaissent et où une interconnexion s’opère, Martin Seligman s’inspire des valeurs fondamentales ancrées dans les traditions religieuses et spirituelles de l’humanité (6). Parler de la gratitude, c’est s’inscrire dans une inspiration spirituelle qui irrigue les siècles. En termes chrétiens, la gratitude et l’émerveillement se rejoignent à travers les psaumes dans l’expression de notre relation à Dieu. C’est une reconnaissance continuelle. « Mon âme bénis l’Eternel ! N’oublie aucun de ses bienfaits » (Ps 103.2). Il y a des vies qui sont animées par un mouvement de gratitude et d’émerveillement. C’est ce qui apparaît dans le témoignage d’Odile Hassenforder dans son livre : « Sa présence dans ma vie » (14). A travers les épreuves, ce mouvement apparaît constamment comme une présence de vie. « Que c’est bon d’exister, pour admirer, m’émerveiller, adorer. C’est gratuit. Je n’ai qu’à recevoir, en profiter, goûter sans culpabilité, sans besoin de me justifier (Justifier quoi ? de vivre ?). D’un sentiment de reconnaissance jaillit une louange joyeuse, une adoration au créateur de l’univers dont je fais partie, au Dieu qui veut le bonheur de ses créatures… Comme il est écrit dans un psaume : Cette journée est pour moi un sujet de joie. Une joie pleine en sa présence, un plaisir éternel auprès de toi, mon Dieu… Louez l’Eternel, car il est bon. Son amour est infini » (Ps 16.118). La vie est vraiment trop belle pour être triste. Alleluia » (p 174).

Notre commentaire vient témoigner en faveur de l’importance du thème de la gratitude. A travers son expérience personnelle et sa compétence psychologique, Florence Servan-Schreiber nous invite à une découverte, celle d’un mouvement du cœur et de l’esprit qui se révèle bienfaisant pour chacun en nous reliant les uns aux autres.

 

Jean Hassenforder

 

(1)            Sur ce blog, un poème : « Nos vies dépendent l’une de l’autre » : «… Je tisse le lange de l’être qui naît. Sans lui, rien ne serait… Si tu ne m’avais dit : « avance ». D’autres attendent que tu crées. Rien ne serait… »  https://vivreetesperer.com/?p=12

(2)            « Le pouvoir de la gratitude. Florence Servan Schreiber à TED X Paris. Salon 2012 » (Vidéo sur You Tube) https://www.youtube.com/watch?v=nZUfJpVxUNI

(3)            Le parcours de David Servan-Screiber est impressionnant. Une formation originale et créative en psychiatrie et dans le domaine des neurosciences, principalement aux Etats-Unis. Atteint d’un cancer au cerveau au début des années 90, il va expérimenter un ensemble de pratiques innovantes qui vont lui permettre de résister à la maladie pendant 20 ans et qu’il va mettre au service de tous dans un ensemble d’écrits. Une créativité qui se manifeste également à travers des avancées comme l’EMDR. Un article dans Wikipedia rend bien compte de cette exceptionnelle contribution. https://fr.wikipedia.org/wiki/David_Servan-Schreiber

(4)            Formée à la psychologie transpersonnelle aux Etats-Unis, Florence Servan-Schreiber développe en France des pratiques innovantes et, par ses activités et ses écrits, elle participe à la diffusion des idées nouvelles. Au cours des dernières années, elle met en valeur les apports de la psychologie positive, notamment à travers plusieurs livres. https://fr.wikipedia.org/wiki/Florence_Servan-Schreiber     Voir aussi « L’hyper pouvoir de l’amour. Florence Servan-Schreiber. Vidéo TED X Lille 2015)   https://www.youtube.com/watch?v=ES0qIGoXtCA

(5)            Robert Emmons est professeur de psychologie à l’Université de Californie et expert mondial dans le domaine de la gratitude. Il travaille au Centre de recherche : « Greater Good The science of a meaningful life ». Ce centre travaille, entre autres, sur des sujets comme l’empathie, la compassion, le pardon, l’émerveillement. Une excellente communication avec de nombreuses vidéos. Une ressource où l’on viendra puiser. http://greatergood.berkeley.edu/topic/empathy

(6)            Professeur à l’Université de Pennsylvanie, psychologue éminent, Martin Seligman est pionnier de la psychologie positive. Cette approche scientifique s’appuie notamment sur des « valeurs millénaires dans toutes les traditions du monde : sagesse/connaissance, courage, humanité, justice, tempérance, transcendance ». https://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_Seligman Sur Ted, une interview de Martin Seligman sur la psychologie positive : https://www.ted.com/talks/martin_seligman_on_the_state_of_psychology?language=fr

(7)            Kif est un mot qui s’est introduit récemment dans le langage courant. « Un « kif » ou « kiff » est une passion, un plaisir personnel ou simplement un moment de bonheur ». Wikipedia nous rapporte l’origine et la popularisation de ce thème. https://fr.wikipedia.org/wiki/Kiffer

(8)            Le courant de la psychologie positive est bien présent aujourd’hui en France. On pourra consulter le site : « Psychologie positive » animé par Jacques Lecomte : http://www.psychologie-positive.net

Sur ce blog, présentation du livre de Jacques Lecomte sur « la bonté humaine » : https://vivreetesperer.com/?p=674

(9)            Sur ce blog : « la force de l’empathie » : https://vivreetesperer.com/?p=137                                     Le livre de Jérémie Rifkin sur l’empathie mis en perspective sur le site de Témoins : « Vers une civilisation de l’empathie… » : http://www.temoins.com/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux/

(10)      « Quel regard sur la société et sur le monde ? Un changement de perspective » : https://vivreetesperer.com/?p=191

(11)      « Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand » (« Oser la bienveillance » par Lytta Basset)  https://vivreetesperer.com/?p=1842

(12)      « La vie spirituelle comme « une conscience relationnelle ». La recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui » : http://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/

(13)      « Une théologie pour notre temps. L’autobiographie de Jürgen Moltmann » : http://www.temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/     Un blog concernant la pensée théologique de Jürgen Moltmann : http://www.lespritquidonnelavie.com

(14)      Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte Temps présent, 2011

Présentation : http://www.temoins.com/sa-presence-dans-ma-vie-odile-hassenforder-temoignages-d-une-vie-et-commentairres-de-lecteurs/

Sur ce blog, nombreuses expressions d’Odile Hassenforder : https://vivreetesperer.com/?p=2345 

Ainsi, une attitude de gratitude et d’émerveillement dans les petites choses : « De petits riens de grande portée. La bienveillance au quotidien » : https://vivreetesperer.com/?p=1849

 

La gratitude et le bonheur sous un autre aspect :

« Une boite à soleil. Reconnaître les petits bonheurs comme un flux de vie. De l’archéologie de la souffrance à une psychologie des ressources, par Jeannne Siaud Fachin » (TED X Paris Vaugirard Road) : https://vivreetesperer.com/?p=2002

En marche vers Compostelle

 

En mai 2016, Alain est parti avec un ami marcher en suivant le chemin de Compostelle associé au pèlerinage qui a fleuri au cours de l’histoire et se poursuit aujourd’hui sous d’autres formes. Il nous fait part de son vécu et de son ressenti en répondant à quelques questions.

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Alain, qu’est ce qui t’a poussé à accomplir cette marche ?

« C’est un projet qui était depuis longtemps dans un coin de ma tête. C’est un horizon un peu mythique, n’est ce pas ? Un ami, arrivant à la retraite, voulait marquer par cette marche, son entrée dans un nouveau mode de vie. Sa proposition de l’accompagner a été pour moi l’élément déclencheur ; nous sommes partis ensemble sur le ‘Camino’ ».

 

Comment cette marche s’est-elle déroulée ?

« De Puy-en-Velay à Pampelune en quatre semaines… Nous sommes partis au printemps, avec le concours d’une très belle nature explosant de vie, de fleurs innombrables.

Par ailleurs, cette marche s’est déroulée en conformité avec mon attente ; aspirant avoir des moments de solitude et bien que partant à deux, j’ai parcouru en solitaire la plupart du chemin ».

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Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté ?

Cela a été pour moi une occasion unique, exceptionnelle de pouvoir vivre une longue période détaché des obligations la vie quotidienne. J’ai pu quitter un certain quotidien pour entrer dans un autre espace de réflexion, de prière, de disponibilité à l’Esprit. Cela a été un temps exceptionnel pour  m’ouvrir à une nouvelle configuration propice à la prière et à la réflexion.

Ce qui m’a frappé, c’est qu’au bout d’une semaine, j’ai perçu, presque physiquement, une libération de la fatigue induite par la vie quotidienne ; s’échappait le poids déposé par les préoccupations passées.

 

Par ailleurs, en partant je m’étais promis de ne surtout pas « perdre » ce temps précieux. Je voulais l’utiliser pour monter comme à l’assaut du Ciel, pour prier, pour louer. Or, au bout de trois semaines, je me suis rendu compte que plutôt que d’aller à l’assaut du Ciel, j’étais appelé à accueillir la présence de Dieu, un Dieu déjà là. Je me suis rendu compte que je n’avais pas à être un virtuose spirituel, mais plutôt à ressentir que Dieu est déjà là et que déjà il m’aime. C’est alors que ma conscience s’est ouverte à des réalités jamais perçues auparavant. Une clairvoyance s’est faîte sur des aspects importants de ma vie. Ainsi, j’ai vécu la quatrième semaine en méditant ce reçu ».

 

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Y a-t-il eu quelques moments marquants pour toi ?

« Se sentir invité dans la « maison nature », rencontrer la beauté et la diversité des fleurs ! J’en retiens une perception accrue de la beauté.

Par ailleurs je me souviens de quelques moments  marquants : au matin, traversant un sous bois, j’assiste à un exceptionnel concert d’oiseaux, une véritable explosion de chants accompagnée de centaines d’instruments… J’ai le sentiment d’être invité à communier avec eux dans ce chant de louange.

A une autre moment, alors que je reçois un texto qui m’attriste beaucoup, instantanément un oiseau se met à chanter avec un éclat jusqu’alors jamais entendu, comme s’il me reprenait et me disait avec autorité : Alain, ne te laisse pas abattre, ne te laisse pas aller au découragement, regarde en haut, la Vie est là !

Autant de moments ressentis de façon très intimes et donc très difficiles à transmettre…

Sur le chemin en France, les rencontres de pèlerins étaient peu nombreuses, mais directes, très faciles, sans barrières ; si l’échange ne durait jamais longtemps, une même appartenance se partageait ».

 

Sans titre'''''

 

Ce parcours a-t-il été à l’origine de découvertes spirituelles ?

« Dans une chambre d’hôte, j’avais acheté un petit livre rassemblant des textes spirituels ; parmi eux j’ai été très touché par une prière de Charles de Foucault. Elle exprimait un besoin d’absolu dans la relation, un désir d’abandon dans la confiance en Dieu,  un appel à se donner, mais aussi à recevoir. Comme pour tellement de pèlerins avant moi, ce chemin offre un espace de rencontre avec soi-même, de révélation de soi et de Dieu.

Même l’ami avec qui j’ai fait ce chemin, bien que n’ayant pas d’attente spirituelle, s’interroge sur sa présence sur ce chemin : « J’aurais pu marcher sur des routes très diverses, mais si j’ai marché sur le chemin de Compostelle, cela doit avoir une signification… ».

 

Entretien avec Alain G

 

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Pour une conscience planétaire

« Blueturn » : la terre vue du ciel
Selon Jean-Pierre Goux

Nous avons de plus en plus conscience du caractère exceptionnel de cette terre qui accueille notre humanité et qui est maintenant notre « maison commune » (1). Les photos de la terre vue du ciel participent au développement de cette vision. Dans une intervention à la rencontre FED X Vaugirard Road 2016 sur le thème : « Penser l’invisible », Jean-Pierre Goux nous présente un parcours de près de vingt ans dans lequel il a milité pour une meilleure visibilité de ces photos : « Voir la terre comme vous ne l’avez jamais vue » (2). En découvrant combien le regard sur cette planète peut être chargé d’émotion et porter un potentiel de grâce et d’amour, on suit avec passion l’aventure de Jean-Pierre Goux d’autant plus que celui-ci la retrace avec beaucoup d’humour et d’émotion.

Pour commencer, Jean-Pierre Goux nous présente une photo de la terre vue du ciel dans sa globalité. « Vous avez tous vu cette photographie au moins sur la couverture de vos livres d’histoire, et sans doute bien ailleurs, car cette photo est la plus reproduite de toute l’histoire de l’humanité. Pourquoi ? Elle est unique. C’est la seule qu’on ait de la terre toute éclairée ». Ou, du moins, c’est la seule qu’on avait jusqu’à l’année dernière. « En effet, elle a été prise en 1972 par les astronautes de la mission Apollo 17, la dernière des missions Apollo. Dans les missions précédentes, la terre n’était jamais complètement éclairée. Elle s’appelle : « Blue marble ». Donc c’est la première photo qu’on a eu, mais c’est aussi la dernière ».

C’est une photo qui a tout changé, nous dit Jean-Pierre Goux. « Pour la première fois , l’humanité voyait sa maison. Elle découvrait que la terre était ronde. On le savait. On nous l’avait dit. On en qavait la preuve. Cette photo nous a aussi fait comprendre que notre planète était magnifique, mais qu’elle était aussi fragile, perdue dans une identité noire et lugubre. Elle nous adonné envie de la protéger. Cette photo a démarré un mouvement qu’on appelle la conscience planétaire. Elle est intervenue en 1972 quand les problèmes environnementaux devenaient globaux et a contribué au développement du mouvement écologiste. Malheureusement, les effets de cette photo se sont estompés avec les décennies ».

J P Goux nous raconte alors comment il en est venu à s’interroger personnellement sur cette photo. « Mon histoire avec la terre a démarré, il y a une vingtaine d’années, en 1996. Un ami d’école d’ingénieurs, qui faisait un stage à l’aérospatiale, m’offre un livre qui a changé ma vie. Je n’imaginais pas à l’époque qu’il allait m’emmener aussi loin. Ce livre, il s’appelait : « Clairs de terre ». Il a été édité par l’association des « explorateurs de l’espace » (une association des anciens astronautes). En feuilletant ce livre, j’ai vu des photos de la terre vue de l’espace, à couper le souffle. Mais ce qui m’a surtout intrigué, c’étaient les textes qui étaient à côté de ces photos. C’étaient des citations d’astronautes d’une poésie extraordinaire qui semblaient avoir été saisis par la grâce, mais surtout par un amour que je n’avais jamais autant vu pour la terre. Je me suis dit qu’il y avait là quelque chose à exploiter pour changer les choses et rendre le monde meilleur… ». Ainsi, pendant des dizaines et des dizaines de citations, on voit des hommes et des femmes de toutes nationalités manifester un amour incommensurable pour la terre.       Quelque chose paraissait les avoir touché. Cet effet a été étudié  et porte le nom d’ « overview effect » (3). Il a été montré scientifiquement que l’effet combiné de l’apesanteur, de la peur, du silence, et de l’exposition au grand large de la terre tournant avec un rythme lancinant, crée toutes les conditions pour une expérience mystique, extatique, une expérience qui a marqué à vie ceux qui l’ont vécue. Ces astronautes étaient persuadés que la terre est un être vivant, interconnecté et qu’il fallait absolument le préserver… Le seul problème, c’est qu’il n’y avait que 500 personnes qui avaient vécu cette transformation !!!

 

 

A cette époque, Al Gore était vice-président des Etats-Unis, très investi dans l’écologie. En 1998, deux mois après le protocole de Kyoto, et se demandant comment sensibiliser les gens au défi du changement climatique, « Une nuit, inspiré par « Blue marble » et ce que cette photo avait changé quand il était plus jeune, il eut le rêve d’envoyer une sonde dans l’espace pour filmer la terre en temps réel et diffuser les images sur internet pour que les gens voient le visage illuminé de Gaïa ». En réponse, la Nasa s’engagea dans ce projet.

« Le problème, c’est que pour avoir ces images, c’est très compliqué parce que, si vous voulez avoir en temps réel des images de la terre complètement éclairée, il faut être sur l’axe terre-soleil, parce que c’est le seul axe où la terre est complètement éclairée. Si vous êtes trop près du soleil, la force du soleil vous attire. Si vous êtes trop près de la terre, la force de la terre vous attire. En fait, il n’y a qu’un point qui correspond entre les deux, le point de Lagrange L1 où les deux forces s’annulent. Mais il est à 1,5 million kilomètres de la terre. La Nasa a relevé le défi et construit un satellite adéquat. Cependant Al Gore ayant été défait aux élections présidentielles américaines en 2000, le projet fut interrompu par le nouveau pouvoir politique. Jean-Pierre Gout, alors chercheur mathématicien aux Etats-Unis, fut profondément déçu, car il attendait de cette initiative un renouveau de la sensibilisation à la conscience planétaire. Mais il ne perdit pas confiance et continua à suivre les évènements. En 2013, il découvre que l’administration Obama relance le projet sous une autre forme. C’est le projet « Discovr ». L’exécution est confiée à la firme « Space X ». En juin 2015, le satellite atteint sa destination.  Et, en septembre 2015, un site web commence à diffuser des photos de la terre au rythme de 10 à 20 photos par jour. Cependant cette performance n’est pas vraiment mise en valeur. « Personne n’a parlé de ces photos. Personne ne les a utilisées. Aucun « overview effect » n’a été déclenché. Un grand désarroi m’a habité. Tout ça pour ça ! ».

 

Et puis, à nouveau, Jean-Pierre Goux est inspiré. Il prend contact avec un ami, le même qui lui avait passé le livre : « Clairs de Terre ». Cet ami accepte de travailler avec lui, via internet « On a passé des nuits à voir ce qu’on pouvait faire avec ces images , via internet. Un soir : eurêka ! Si on disposait plusieurs images de la terre prises sous différents angles et qu’on les projetait sur une sphère en les interpolant, on devrait pouvoir créer cette fameuse vidéo à laquelle j’aspirais. On y a travaillé plusieurs nuits et, un soir, on a vu la terre tourner pour la première fois devant nos yeux. On était émerveillé ! ».

Les deux chercheurs ont décidé de tester les réactions des gens. Ils ont mis la vidéo sur internet et ils l’ont taggée : la  Nasa. « Quelques heures après, on a reçu un mail de la Nasa qui nous félicitait en nous demandant comment on avait réalisé cette vidéo : Quand on a été en contact avec le responsable de la mission « Discovr », cela a été pour nous un des moments les plus forts de notre parcours… ».

Jean Pierre-Goux a réalisé son rêve et nous le communique. « Ce rêve, c’est qu’on s’approprie tous ces images en partageant le sentiment d’un bien collectif qu’on doit protéger. On a créé un projet : « Blueturn » (le tournant bleu) et sur le site : blueturn.earth (4), on peut trouver toutes ces images, toutes ces vidéos. Avec ces images, on espère générer un nouvel enthousiasme autour de cette planète et surtout des projets artistiques, méditatifs et éducatifs inédits. On espère que ces projets pourront plonger chacun de nous dans un « overview effect » et nous amener au prochain niveau de conscience planétaire. Quand les astronautes de la mission Apollo 17 ont pris la photo « Blue marble », ils ne savaient pas ce qui allait se passer. Nous non plus. Ces images sont les vôtres. A vous de jouer ! ». Nous participons à ce mouvement.

 

J H

 

(1)            « Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/?p=2151

(2)            « Voir la terre comme vous ne l’avez jamais vue ». Talk de Jean-Pierre Goux au colloque : « Penser l’invisible » organisé par Ted X Vaugirard Road. 13 juillet 2016                                https://www.youtube.com/watch?v=Boe8F09OvWI

(3)            Overview effect : Description sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Overview_effect  On pourra également consulter des vidéos exprimant l’expérience d’acteurs anglophones : https://www.youtube.com/watch?v=CHMIfOecrlo

(4)            Blueturn.earth : Blueturn : the whole earth experience : http://blueturn.earth