Un chemin spirituel vers un nouveau monde

« S’élancer vers une nouvelle terre. Une approche contemporaine pour s’éveiller à demain et traverser les changements ».

https://youtu.be/CxrfhAgi_0s

A la sortie de la pandémie, le monde va-t-il reprendre ses habitudes, se réinstaller dans un système économique et social dont on voit bien qu’il va à sa perte. La crise du coronavirus va-t-elle permettre une accélération de « la transition vers des sociétés post-carbone respectueuses des limites de la biosphère, de la justice globale et des droits des générations futures ? » (1). Cependant, cette mutation globale requiert une profonde transformation des mentalités. Cette transformation appelle un cheminement spirituel qui  induise une évolution des comportements et la mise en pratique de valeurs nouvelles. C’est aussi, comme l’écrit Michel Maxime Egger dans un article du « Temps » (2), « le besoin d’un nouvel imaginaire qui puisse entrainer une mobilisation collective ».

Michel Maxime Egger est un sociologue et un théologien (chrétien orthodoxe) qui anime aujourd’hui le « Laboratoire de transition intérieure » de l’association suisse : « Pain pour le prochain ». Depuis plus de vingt ans, il milite pour le développement durable et des relations Nord Sud plus équitables. En 2004, il a fondé le réseau « Trilogies » (3) qu’il anime depuis « pour mettre en dialogue : traditions spirituelles, quête de sens, écologie et grands enjeux socio-économiques ». C’est une approche qui associe « le cosmique, l‘humain et le divin ». Dans cette perspective, Michel Maxime Egger a écrit plusieurs livres :

A partir de la spiritualité chrétienne, « La Terre comme soi-même. Repères pour une écospiritualité » (2015).

A partir de la profondeur de la psychè humaine : « Soigner l’esprit. Guérir la terre. Introduction à l’échopsychologie » (2015).

A partir de la spiritualité dans une approche interreligieuse : « Ecospiritualité. Réenchanter notre relation à la nature » (2018).

Michel Maxime Egger a préfacé récemment un livre de la grande militante écologiste américaine : Joanna Macy : « L’espérance en mouvement » Nous avons présenté cette œuvre sur « Vivre et espérer » (4).

Michel Maxime Egger intervient dans de nombreuses rencontres. Et ainsi, en mai-juin 2020, il a répondu à une interview rapportée dans une vidéo qui introduit un cycle de méditation : « meditatio écologie » « organisée par la « Communauté mondiale pour la méditation chrétienne ». L’horizon ouvert nous est annoncé par le titre  de cette vidéo : « S’élancer vers une nouvelle terre. Une approche contemporaine pour  s’éveiller à demain et traverser les changements » (1). Nous accompagnons ici cette interview en évoquant quelques unes de ses expressions. Mais la vidéo s’entend avec tant de clarté et avec tant de sympathie qu’elle se suffit à elle-même.

La première question porte sur la réaction personnelle : « Pouvez-vous nous dire dans un registre personnel comment vous voyez ce qui se passe aujourd’hui ? En quoi vous êtes touché de manière sensible et comment y faites vous  face ? » Chacun réagit selon  les conditions d’habitat et de travail, mais aussi selon les circonstances  familiales. Ici Michel Maxime Egger profite du confinement pour être présent à sa maman dans son départ au Ciel et accompagner son papa dans sa nouvelle solitude, une école de compassion. Et naturellement  les nouvelles limitations sont une invitation à « aller vers le dedans, revenir vers soi, descendre à l’intérieur de soi » : prière, méditation, contact avec la nature…

La seconde question est plus générale. « Qu’est-ce que cette crise du Covid 19  nous dit de notre manière de vivre aujourd’hui ? Quel lien avec la crise écologique ? Comment met-elle le doigt sur une fragilité et questionne-t-elle nos vies spirituelles ? »

Si on entend par apocalypse révélation et dévoilement, cette crise a une « dimension apocalyptique ». Nous sommes conviés à écouter, à entendre. A travers ses symptômes, le  coronavirus est un puissant  révélateur . « Il donne le fièvre et tue par suffocation. Le symbole d’un système qui réchauffe et asphyxie la planète par son obsession de la croissance, sa démesure consumériste et sa quête du produit sans fin. Ensuite par son origine : le Covid 19 vient d’animaux abominablement maltraités , et son développement est indissociable des perturbations climatiques et écosystémiques…. Enfin par sa diffusion et ses impacts : impressionnant d’observer comment un virus microscopique peut mettre le monde à l’arrêt et l’économie à terre. L’expression de la vulnérabilité d’un système globalisé dont l’interconnexion est à la fois la force et la faiblesse » (2)

Cependant, Michel Maxime Egger nous appelle également à redécouvrir des éléments essentiels. Et tout d’abord, « Nous sommes un avec le Vivant. Le Vivant est un ». Nous sommes ensemble dans une situation de profonde interdépendance Or « par notre domination, par notre arrogance, nous avons brisé cette unité ». C’est un appel à la réconciliation avec la Terre, avec le Vivant.

Cette crise nous rappelle que « nous ne sommes pas les maitres et possesseurs de la nature. La nature n’est pas qu’un stock de ressources, mais elle est au contraire la source de la vie, une source qui nous appelle au respect, à un respect profond » .

Un troisième élément que cette crise du coronavirus nous rappelle, c’est que « nous ne sommes pas tout puissants, mais profondément fragiles, profondément vulnérables. C’est un appel à redécouvrir l’humilité ».

Et puis, parce que nous avons été amenés à réduire notre consommation, « nous avons appris que le bonheur ne réside pas dans des biens en quantité, mais dans des biens de qualité. Et, bien que physiquement, nous ayons du garder nos distances, nous avons redécouvert l’importance des relations humaines, des relations d’entraide pour la coopération. Ainsi ce virus nous apprend à retrouver, d’une part, la solidarité, et, d’autre part, par la réduction de la consommation, la sobriété ».

« A quels changements, attitudes et actions sommes-nous appelés, individuellement et collectivement, en lien avec un chemin spirituel tel que celui de la méditation ? »

« J’entend dans cette crise un triple appel : un appel à un choix radical, un appel à une métanoïa, un appel à un engagement, ces trois  dimensions étant profondément interreliées »

« Choix radical : Je vis depuis longtemps avec cette idée que l’humanité est arrivée à une croisée des chemins, à une forme de carrefour. Nous avons en fait le choix, selon l’expression du sociologue Edgar Morin, entre le coté de l’abime et la métamorphose. Pour moi, cette crise du coronavirus a confirmé cette vision d’un carrefour de l’humanité ». « La grande question aujourd’hui : Est-ce que l’après sera un simple retour à l’avant ou au contraire aurons nous su, pu profiter de ce temps de ralentissement, de retour sur soi-même pour pouvoir faire des pas vers cette transition écologique et sociale qui est absolument nécessaire ». « J’ai souvent médité sur la phrase du Deutéronome (Deutéronome 30) dans le Premier Testament : « Je te propose vie et bonheur, mort et malheur. Choisis la vie pour que toi et ta postérité (les générations futures), vous viviez ». Mais de quelle vie parle-t-on ? D’une Vie avec un grand V, d’une vie connectée avec ce qui est vivant, d’une vie ralliée avec ce qui est Vivant, mais aussi à la source du Vivant, à ce Souffle, cet Esprit qui est à la source de toute chose, qui anime toute chose, qui anime la Création, qui est le mystère du Divin quelque soit le nom qu’on veuille lui donner. Evidemment, pour entrer dans cette  connection là, la méditation est un espace, un chemin privilégié. S’ouvrir à ce Souffle, à cet Esprit, à cette dimension, attire une métamorphose, une métanoia, un retournement. Se métamorphoser, c’est en quelque sorte mourir pour renaitre. Mourir à ce qui conduit à la mort… pour pouvoir  renaitre…renaitre au nouveau et donc à la vie, une vie plus forte que la mort, une vie animée par le souffle de l’Esprit et dont la résurrection du Christ a été une des manifestations et un des symboles et qui nous ouvre à une dimension d’inconnu. Ce choix de la vie, cette métanoia sont les fondements d’un engagement, à la fois personnel et collectif, pour la transition écologique et sociale, au  sens fort du mot transition : trans ire : aller au delà, parce qu’il ne s’agit pas simplement de corriger un système ou de l’améliorer, mais bien de changer le système, changer le paradigme pour opérer, ce que le pape François, dans son encyclique, Laudato Si, appelle une révolution culturelle courageuse.

 Quel encouragement, quelle perspective pourriez-vous nous donner pour s’élancer vers une nouvelle terre ?

Cette tâche est gigantesque, mais il est important de ne pas se décourager devant l’ampleur de la  tâche ! Michel Maxime Egger nous propose plusieurs pistes.

Ne pas rejeter les émotions que nous pouvons avoir comme la peur, la tristesse, le découragement, le sentiment d’impuissance, mais simplement les accueillir … Elles sont . Elles appartiennent à notre humanité. Mais ce qui est extrêmement important, c’est de ne pas nous laisser enfermer, dominer, submerger par ces émotions, et, pour cela, créer des espaces où ces émotions puissent s’exprimer, se partager pour pouvoir ensuite être transformées….

Deuxième piste : « le mot confiance ou le mot foi ». Et à coté de toutes ses failles, « il y a en l’être humain créé à l’image de

Dieu… un être capable d’amour, capable de relations harmonieuses avec les autres. Ce sont des qualités, des dimensions à reconnaître, à cultiver et ce à l’intérieur de chaque être humain.

Troisième piste : entrer dans la conscience que chacun de nous tient le fil d’un autre possible. Un fil parfois ténu, mais qui est bien là. Mais pour pouvoir tisser ce fil, c’est extrêmement important d’aller à la source de ce fil, se connecter à ce qui est le plus vivant, le plus vibrant en nous, c’est à dire en fait se connecter à notre  désir. Cela  prendra des formes différentes…il  ne pourra y avoir d’écologie intégrale durable si c’est une écologie du défaut. Ce  doit être une écologie du désir.

Quatrième piste : commencer là où nous sommes, par de petits pas … L’important, c’est de se mettre en mouvement….

Cinquième élément : croire que c’est possible. Et pour cela se rappeler que l’histoire est pleine de causes qui apparaissaient au départ impossibles et sans espoir et qui se sont réalisées. Pensons à l’abolition de l’esclavage, à la chute du mur, à la fin de l’apartheid. … Il y a eu des basculements systémiques et structurels…

Sixième piste : construire des appuis et des alliances. On a  besoin des autres. On ne peut pas réaliser la transition tout seul. Et pour cela, pour construire ces alliances, on a besoin de dialogue. On a besoin de s’écouter, on a besoin de coopérer. Passer du pouvoir sur au pouvoir de… c’est à dire on se met au service de quelque chose avec d’autres…

Septième piste. Comme l’a dit Joanna Macy, opérer le changement de cap en gardant le cap de la joie profonde. C’est à dire cultiver des énergies comme l’amour, comme la joie, comme l’enthousiasme. Ces énergies ne sont pas seulement des énergies renouvelables. Ce sont, bel et bien, des énergies inépuisables.

Huitième piste. Pour tout cela, il est nécessaire de créer à l’intérieur de nous un espace où va pouvoir agir à travers nous une force, un esprit, une énergie ( c’est tout le rôle de la méditation), qui n’est pas celle de notre égo, ce moi volontariste qui est aux commandes, une force qui va pouvoir agir en nous, nous traverser, agir à travers nous, une autre force, une autre  énergie , un souffle qui est aussi un souffle de la terre, un souffle du vivant, mais aussi un souffle du Vivant avec un grand V, un souffle de l’Esprit, le souffle du Mystère au delà de tout nom. Et quand on laisse ce Souffle agir, dans cette ouverture, c’est aussi une ouverture à l’avenir, a ce qui va advenir, dans la  confiance, dans une ouverture au fait que cette  terre, cette terre nouvelle vers laquelle on s’élance, on ne sait pas la forme qu’elle va prendre. Il y a là une dimension d’inconnu, une dimension d’inouï, une dimension d’improgrammable à respecter. Oui, cette terre nouvelle, on ne peut pas la programmer, mais elle va émerger de quelque chose qu’on ne connait pas encore.

Voici une pensée unifiante, tournée vers l’avenir, qui en rejoint d’autres, présentes sur ce blog, telle que celle de Jürgen Moltmann. Cette méditation s’inscrit  dans la réflexion que le vision écologique induit également sur ce blog . « Nous sommes un avec le Vivant. Le Vivant est un », nous dit Michel Maxime Egger.

J H

 

  1. Dans cette interview en vidéo, Michel Maxime Egger introduit Meditatio Ecologie sur le thème : « S’élancer vers une nouvelle terre. Une approche contemplative pour s’éveiller à demain et traverser les changement » : https://www.youtube.com/watch?v=CxrfhAgi_0s&feature=share&fbclid=IwAR1ynwSqVhbTPyTDqv8QudnoR6vkT8fNr7VSexdHr25Xv83SSwH2B407jPQ
  2. Michel Maxime Egger. Après le coronavirus, besoin d’un nouvel imaginaire. Le Temps, 6 mai 2020 : https://www.letemps.ch/opinions/apres-coronavirus-besoin-dun-nouvel-imaginaire?utm_source=facebook&utm_medium=share&utm_campaign=article&fbclid=IwAR0PcSdvtfQ1UN62KbGft6FFgTSpeKSIKpKI2WppO69zGTEkqv672oGM7kA
  3. Le site de Michel Maxime Egger : Trilogies. Entre le cosmique, l’humain et le divin : https://trilogies.org/auteurs/michel-maxime-egger
  4. L’espérance en mouvement. Vivre et espérer : https://vivreetesperer.com/lesperance-en-mouvement/

 

Voir aussi :

En route pour l’autonomie alimentaire : https://vivreetesperer.com/en-route-pour-lautonomie-alimentaire/
Vers une économie symbiotique : https://vivreetesperer.com/vers-une-economie-symbiotique/
L’homme, la nature et Dieu : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/
Comment entendre les principes de la vie cosmique pour entrer en harmonie : https://vivreetesperer.com/comment-entendre-les-principes-de-la-vie-cosmique-pour-entrer-en-harmonie/
Une approche spirituelle de l’écologie (Sur la Terre comme au Ciel) : https://vivreetesperer.com/une-approche-spirituelle-de-lecologie/
Un avenir écologique pour la théologie moderne
https://vivreetesperer.com/un-avenir-ecologique-pour-la-theologie-moderne/

Comment  dimension écologique et égalité hommes-femmes vont de pair et appellent une nouvelle vision écologique : https://vivreetesperer.com/comment-dimension-ecologique-et-egalite-hommes-femmes-vont-de-pair-et-appellent-une-nouvelle-vision-theologique/

Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, pape François, Edgar Morin : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/

 

Une révolution spirituelle. Une approche nouvelle de l’Au-delà

Cet Au-delà qui nous fait signe
Par Lytta Basset

Nous sommes confrontés à la mort. Nous pouvons nous interroger sur notre sort personnel. Mais le problème est crucial lorsqu’advient le départ d’un proche. Dans la séparation, c’est la communication qui est rompue. L’amour se manifestait dans le dialogue. Et soudain, celui-ci s’interrompt. Notre proche aurait-il disparu à jamais ? Dans cette épreuve, on cherche une réponse. Certains contextes ne s’y prêtent pas. Il y a des empêchements dans les mentalités environnantes : matérialisme ou prescription religieuse de la séparation entre les vivants et les morts. Et, parfois dans les dédales, on doit rechercher un passage, c’est-à-dire un éclairage fondé. Ce fut le cas dans le récit rapporté dans l’article : « Cette vie qui ne disparaît pas » (1). L’issue, à tonalité biblique, ce fut la théologie de Jürgen Moltmann (2), à travers son livre : « In the end, the beginning », traduit ensuite en français : « De commencements en recommencements ». A l’époque, on pouvait avoir accès également à un témoignage existentiel de Lytta Basset : « Ce lien qui ne meurt jamais » (3). Or, théologienne, accompagnatrice spirituelle et auteure de nombreux livres appréciés (4), Lytta Basset vient d’expliciter son premier témoignage dans un livre qui vient bouleverser la représentation dominante de la relation avec les défunts, esquissant en même temps un nouveau paysage spirituel : « Cet Au-delà qui nous fait signe » (5).

« Dans « Ce lien qui ne meurt jamais », Lytta Basset racontait comment elle avait fait l’expérience de contacts avec son fils ainé Samuel mort par suicide à l’âge de vingt- quatre ans. Mais la théologienne protestante, à la fois par discrétion et parce que sa formation ne l’avait pas préparée à de tels aveux, n’avait pas alors tout dit des circonstances qui l’avaient amenée à témoigner. Quinze ans plus tard, elle ose révéler ce qu’elle appelle « l’événement improbable » qui l’a « remise dans le courant de la vie ». Loin de toute motivation sensationnaliste, si elle s’est décidée à prendre la parole, c’est pour aider ceux qui traversent le deuil d’un enfant à ne plus se dire qu’on « ne s’en remet jamais ». Validant l’existence des VSCD – « vécus subjectifs de contact avec un défunt » – elle relit la littérature sur ces questions délicates, en faisant toujours le lien avec les différents récits évangéliques autour de la Résurrection » (page de couverture).

Ce texte n’est pas seulement un témoignage émouvant et réfléchi ouvrant la voie à un nouveau regard sur le rapport avec les défunts. C’est également, dans le même temps, un bilan des études portant sur notre appréhension de l’au-delà qui se sont multipliées au cours des dernières décennies depuis le livre pionnier de Raymond Moody, « La vie après la vie » en 1975. Il y a là, maintenant, un corps de connaissances considérable. Des termes nouveaux sont apparus comme : EMP (expérience de mort provisoire), VSCD (vécu subjectif de contact avec un défunt), TCH ( Trans communication hypnotique). Les expériences de mort provisoire sont aujourd’hui innombrables et le phénomène est universel. Nous découvrons dans ce livre l’importance du « vécu subjectif de contact avec les défunts ». « Le VSCD est rapide, crée un effet de sidération, comme si on ne pouvait y croire, puis de joie car le contact est direct. Il touche directement le cœur. On le reçoit comme une évidence » (p 19).

Cependant, si ce livre dresse un bilan de tout le savoir qui s’accumule depuis des décennies sur le rapport avec l’au-delà, il nous rend également un grand service en offrant une interprétation chrétienne de ces phénomènes. Or cela n’allait pas de soi. Les différentes églises ont bien une doctrine concernant la vie de l’au-delà. Mais ces doctrines palissent dans la conjoncture nouvelle. Pour certaines d’entre elles, elles véhiculent une conception menaçante du jugement, répartissant les destinées dans des cases, l’une d’entre elles entretenant un malheur perpétuel. D’autres érigent un mur de séparation entre les vivants et les morts. Le mouvement actuel disqualifie de telles croyances. Or, femme d’expérience, mais aussi théologienne, Lytta Basset corrige ces représentations et nous offre une vision chrétienne de la vie après la vie. Et de plus, elle sait parler à nos contemporains en quête existentielle. Plutôt que d’employer un vocabulaire théologique, elle parle de « la Vie », d’« expériences de la Vie » et de « perception du Vivant ». « Parce que un tel langage est plus accessible à notre société occidentale sécularisée, mais aussi parce qu’en réalité c’est aussi un langage biblique » (p 10). Elle s’adresse à tous ; c’est pourquoi, plutôt que le terme : « vie éternelle », elle emploie l’expression : « vie de toujours » (p 11). Elle se déclare marcher « vers ma propre vie de toujours, cette vie qui commence dès ici et n’a pas de fin » (p 11).

Comment recevoir ce grand courant de découverte d’une vie par delà la mort dans un vécu chrétien ? La réponse de Lytta Basset est d’autant plus précieuse qu’elle se fonde sur une grande culture biblique et sur une compétence de théologienne. Aussi envisage-t-elle ces phénomènes dans « le droit fil de la tradition chrétienne » (p 87). « Au gré de nombreuses lectures, aucune incompatibilité avec les témoignages du Nouveau Testament ne m’a sauté aux yeux. Quant à l’Evènement improbable, je n’ai à aucun moment pensé, imaginé ou cru qu’il puisse être en contradiction avec mon identité chrétienne. Bien au contraire, il m’a fait saisir l’ampleur illimitée de l’événement de Pâques » (p 88). Bien sûr, Lytta Basset se réfère aux paroles de Jésus, mais aussi aux enseignements de Paul et de Jean. Elle évoque des commentaires éclairants comme celui d’un pasteur au début du XXè siècle, P Valloton ou bien celui d’un expert canadien A Myre. P Valloton déclarait déjà que « Les faits physiques et psychiques sont les mêmes aujourd’hui qu’au temps d’Abraham, de Moïse, d’Elie, d’Elisée, d’Esaïe, de Jésus et, après lui, des apôtres ». Tout un chapitre est consacré ainsi à une interprétation des Ecritures, par exemple en terme de « langage corporel ». « L’apôtre Paul est certainement l’auteur du Nouveau Testament qui parle le plus de la vie invincible, et de la manière la plus explicite dans sa première lettre aux Corinthiens. Il s’agit de mourir aux forces de mort pour se préparer à vivre vraiment, et pour cela, il emploie dix-neuf fois le verbe « se réveiller » (p 93). Lytta Basset ouvre des correspondances entre les textes du Nouveau Testament, les connaissances issues des recherches sur l’univers de l’invisible et son expérience du deuil. « Un verset de Paul me touche particulièrement : « Vous avez été, dit-il, mis au tombeau – avec lui par l’immersion dans laquelle vous avez été réveillés – avec lui par la confiance dans l’énergie de Dieu qui l’a réveillé d’entre les morts. Je reconnais bien là le parcours rocailleux de mon deuil. Comme tant d’autres, j’ai eu le sentiment d’être mis au tombeau ave Samuel, d’être immergée et noyée dans sa mort… et de m’être laissée éveiller en faisant confiance en l’énergie divine – littéralement, ce « travail du dedans » que poursuit en moi le Vivant à mon insu » (p 94). Au total, Lytta Basset exerce un discernement. Elle prône le respect du parcours de chacun. Elle met en valeur l’importance de l’expérience et sa théologie en tient le plus grand compte.

Certes, on peut se demander comment le mouvement actuel s’inscrit dans l’histoire du monde et la diversité des cultures qui y participent, mais comme l’exprime Lytta Basset, il est urgent de répondre à la quête spirituelle qui se manifeste aujourd’hui. Et, par rapport à la reconnaissance de ce mouvement, il reste aujourd’hui, deux freins considérables.

« Celui des Églises d’abord ». « Je vois de l’intérieur, combien le protestantisme, traditionnellement, est peut-être encore le plus fermé… L’Eglise investie par une théologie rationaliste avait fermé la porte de l’au-delà » (p 249). Aujourd’hui, les mentalités évoluent. L’autre frein est sociétal. On entend de sombres affirmations qui sont infondées. (p 250).

Ce livre se clôt par une magnifique citation d’Esaïe : « l’Eternel  sera pour toi la lumière de toujours ».

 

Un langage universel pour dire la vie

 Cet ouvrage comporte de multiples facettes. Pour en donner un aperçu, nous choisissons ici un aspect de l’univers spirituel tel qu’il se dégage du chapitre : « Un langage spirituel pour dire la Vie » (p 171-189). « Un langage universel pour dire la Vie » : c’est Dieu qui nous parle. Comme l’auteure le rappelle, il nous a parlé à travers les prophètes, et, bien sûr, par le message du Nouveau Testament. Il ne cesse de nous parler par de multiples voies et dans des contextes variés. Si Lytta Basset met l’accent ici sur la communication autour de la mort, ce n’est qu’un aspect de l’expression divine qui se manifeste dans de nombreuses expériences de transcendance (6) telles que celles qui ont été recensées par Alister Hardy en Angleterre et ont été rapportées par David Hay dans son livre : « Something there » (7).

Le langage qui se manifeste ainsi parle également de Celui qui en est l’auteur. Le message « au nom du Vivant » (p 171), parle du Vivant, de son Être, de l’univers qu’il anime. Si Dieu est le Créateur de l’univers et que cette création est source d’émerveillement et de louange, Il anime également un monde invisible. Lytta Basset évoque ce monde à travers ce que le langage divin, « le langage universel pour dire la vie », y fait écho. Tout un paysage apparaît ainsi et il résulte d’une convergence dont Lytta Basset nous fait part. « J’ai été frappée, par mes lectures, par la convergence entre les expériences des prophètes bibliques et celles de nos contemporains. Les auteurs le répètent à l’envie : si cela arrive à n’importe qui, c’est que nous avons tous des « antennes », un « sixième sens », une « conscience intuitive extraneuronale »… qui se trouve plus ou moins développée ou étouffée en fonction des réactions de l’entourage. Ne nous croyons pas à l’abri de tels touchers divins. les témoignages concernent tous les âges, sexes, classes socio-professionnelles, religions, appartenances philosophiques… » (p 172) (8). C’est donc une expérience universelle, sans frontières. « Les témoins se sentent unis à Dieu, donc encore distincts et en même temps ne faisant qu’un avec lui. Même constat paradoxal pour leur relation à l’univers. Une personne a fait le rapprochement avec la parole de Jésus : « Moi et le Père nous sommes uns ». Lytta Basset met l’accent sur le rôle du corps dans la réception. « Si le langage de la Vie est intelligible pour tous, n’est-ce pas parce qu’il passe essentiellement par le corps ? Ou plutôt qu’il parle au corps ? » (p 173). Elle évoque la sensibilité des enfants. « Le langage de l’invisible est accessible d’emblée aux petits enfants ». (p 173). Nous voici en présence d’une réalité qui se manifeste dans des expériences multiples. « Le docteur R Moody s’est demandé comment comprendre que la sagesse des tibétains, les connaissances théologiques, la visions de Paul, les mythes platoniciens, les révélations du scientifique E Swedenborg, les témoignages des mourants et de ceux ayant vécu une EMP pouvaient se recouper si parfaitement entre eux. J’ai envie de dire : parce qu’il n’existe, au fond, qu’une Réalité d’où émane la multiplicité des formes de vie » (p 174-175).

Lytta Basset nous décline ensuite les caractéristiques communes qu’elle a relevées dans ces écrits et récits : l’omniprésence de la Lumière ; une lumière aimante ; la beauté de la vie ; une connaissance totale ; les retrouvailles avec un être aimé.

La lumière n’est-elle pas le symbole le plus universel pour dire cet Invisible sans lequel rien n’existe ? Le mot Dieu vient du sanscrit Dyau qui signifie précisément « jour, brillant, lumière, divinité ». Pour les tibétains, c’est la Luminosité fondamentale. Or cela revient dans de nombreux récits de mourants de la tradition orthodoxe, et déjà dans la littérature patristique : des visions de lumière, des apparitions de Jésus, de Marie, des saints et des apôtres « dans une lumière éclatante » et d’Anges très lumineux – rien à envier aux témoignages rassemblés par R Moody. Le théologien orthodoxe V Lossky note avec une grande justesse : « Si Dieu est appelé lumière, c’est qu’il ne peut rester étranger à notre expérience ». Une expérience qui ne date pas d’hier : la Bible hébraïque, notamment les Psaumes évoquent déjà l’omniprésence de la Lumière, par exemple le psaume 139.12 » (p 175). Lytta Basset nous rappelle également le témoignage de Paul dans ses récits de son vécu de l’apparition de Jésus dans une grande lumière. « Dans la ligne de l’inspiration paulinienne… les Pères grecs ont deviné que notre union au Vivant pouvait nous transformer sur terre et au delà. Car au delà du temps et de l’espace, nous ne formons qu’un seul être… ». Et elle rappelle les expériences, avec le ressenti de « ne faire qu’un avec tout l’univers ». Le message de l’évangéliste Jean est également significatif : « Dieu est lumière et de ténèbres, il n’y en a aucune en lui ». N’est-ce pas exactement ce qu’il a vu de ses propres yeux sur la montagne de la transfiguration ? » (p 177). « Clarté divine visible dans le corps d’un être humain, tel est le vécu des témoins de la transfiguration comme du réveil de Jésus le matin de Pâques »… Une lumière appelée à se répandre : Jésus déclare à es disciples : « Vous, vous êtes la lumière du monde. Une ville ne peut être cachée, située en haut d’une montagne ». Notons que R Moody a écrit que « les expérienceurs de tradition chrétienne identifiaient l’Être de lumière au Christ » (p 178).

Le deuxième élément omniprésent dans les récits, c’est qu’il s’agit d’une « lumière aimante ». « Une lumière aimante – d’un amour sans fin, sans limites et sans conditions. Est- ce un hasard si, pour Jean, non seulement « Dieu est lumière », mais « Dieu est amour » ? Ainsi rapporte-t-on que la lumière céleste rencontrée dans les expériences de mort provisoire est « une lumière totalement aimante et compatissante » (p 180). « Il suffit d’une fois et cela s’inscrit dans votre corps ». Cette affirmation résulte d’un constat de Lytta Basset elle-même puisqu’elle écrit « avoir vécu une expérience unique de l’amour de Dieu, il y a quarante ans » (p 180). « Plus fort que la lumière, l’amour pour moi qui en émanait reste indicible ». Lytta Basset cite ensuite des témoignages d’EMP qui vont dans le même sens : « C’est une lumière au delà de notre description. Et lorsque nous nous en approchons, elle nous enveloppe d’un amour inconditionnel » (p 181).

« Langage universel encore : la beauté de la Vie ». Les visions portent en effet une magnificence, notamment à travers de splendides paysages. Lytta Basset cite un témoignage : « L’amour exprime la beauté en couleurs… Tout est couleurs autour de moi et des nuances à l’infini… Les couleurs deviennent sonores et bientôt apparaissent des fleurs. C’est une plénitude de Lumière animée… Une symphonie vivante de couleurs de sons et de formes… La Grande Énergie Créatrice y est tempérée de douce beauté et tout y procède de l’amour » (p 182). Lytta Basset rapporte ainsi des visions de l’au-delà. Cependant, il existe également sur terre des expériences de transcendance dans laquelle la nature est perçue dans une forme d’extase (9). On entrevoit ici un fonds commun.

L’auteure nous parle également de « connaissance totale ». « La personne qui connaît fait partie de l’objet connu. Il n’y a pas l’extérieur et l’intérieur. On y est tout de suite ». (p 184). En commentaire, « Nous faisons déjà partie du Vivant – mais, redisons-le, sans jamais perdre notre identité, notre conscience individuelle ». Ici encore, ce même mode de connaissance globale apparaît également dans les expériences de transcendance au sein de la nature (9).

Lytta Basset termine cette revue par le thème de son livre : « Les retrouvailles avec un être aimé ». « Voilà une des questions les plus brulantes que se posent les personnes endeuillées : Est-ce que je le ou la reverrai ? La réponse est oui que ce soit par un VSCD ou une EMP, une TCH ou autrement, on retrouve ses proches, des ancêtres qu’on n’a pas connus sur terre, et même d’autres personnes qu’on rencontre pour la première fois. A en croire le visionnaire de l’Apocalypse, il n’y a pas de limites : au royaume de la vie invincible, la famille humaine est inépuisable » (p 186). Lytta Basset nous invite à écouter les paroles de Jésus : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures » (p 188).

 

En commentaire

La parution de ce livre s’inscrit dans une évolution. A partir d’une expérience inattendue, cet « événement improbable » qui a transformé la vie de Lytta Basset, une expérience aussi interpellante qu’émouvante, ne répond pas seulement aux questionnements des endeuillés, il vient bouleverser des représentations dominantes tant séculières que religieuses. Lytta Basset le sait bien puisqu’elle écrit dans son introduction, le mouvement qui l’encourage à écrire : « C’est que l’évolution des mentalités est perceptible. Une plus grande ouverture à l’Au-delà, aux réalités invisibles » (p 7). Cette évolution ne se manifeste pas seulement à travers un courant d’expériences et de témoignages, mais il apparait aussi dans des livres de chercheurs qualifiés psychologiquement et philosophiquement.    C’est ainsi que Vinciane Despret, philosophe et anthropologue à l’Université de Liège, également pionnière dans la recherche sur la conscience des animaux, publie, en 2015, un livre intitulé : « Au bonheurs des morts. Récits de ceux qui restent » (10). « Elle a mené une enquête sur la manière dont les morts entrent dans la vie des vivants. L’auteure s’est laissée instruire par les manières d’être qu’explorent les vivants, ensemble ». Elle a recueille ainsi une expression tâtonnante, mais très copieuse. Et elle rompt avec une théorie du deuil, dominatrice dans certains milieux psychologiques athées. « On doit faire le travail de deuil ». Fondé sur cette idée que les morts n’ont d’autre existence que dans la mémoire des vivants, elle enjoint à ces derniers de détacher les liens avec les disparus. Et le mort n’a d’autre rôle à jouer que de se faire oublier. Toutefois, cette conception laïque, « désenchantée » a beau avoir réussi à occuper le devant de la scène et à alimenter les discours savants, il n’en reste pas moins que d’autres manières de penser et d’entrer en relation avec les défunts continuent, certes sur des modes plus marginaux à nourrir des pratiques et des expériences » (p 12-13).

Un livre de Marie de Hennezelle paru en 2021 : « Vivre avec l’invisible » (11) vient confirmer l’évolution de l’état d’esprit dans l’opinion. Psychologue, Marie de Hennezelle est également l’auteure du livre : « les forces de l’Esprit » où elle raconte son accompagnement du président François Mitterrand jusqu’à sa mort. Elle présente ainsi son nouvel ouvrage : «  Qui n’a pas déjà eu ce sentiment d’être guidé par une force invisible ? Avons-nous alors hésité à en parler, par crainte de ne pas être compris, d’être jugé… ou pire ? Sachez que vous n’êtes pas seuls à avoir vécu cette expérience. En s’appuyant sur de nombreux témoignages, des récits édifiants et sa propre réflexion de psychanalyste, Marie de Hennezelle dévoile l’universalité du lien que nous entretenons avec l’invisible. Un lien intime, parfois poétique et qui prend bien des formes. Intuitions, rêves prémonitoires, synchronicités, dialogue avec un ange gardien ou une présence protectrice… les chemins vers la prescience d’un ailleurs, d’une possible proximité avec l’au-delà, sont innombrables » (page de couverture).

Le livre de Lytta Basset : « Cet Au-delà qui nous fait signe » s’inscrit ainsi dans une évolution des mentalités. Celles-ci cependant  nous montrent un contexte assez éloigné des conditions d’un milieu potentiellement croyant tel que Lytta Basset l’entrevoit. Cependant, il existe aujourd’hui un puissant courant de recherche sur les expériences vécues en relation avec l’au-delà. La prise de conscience correspondante est en train de s’étendre rapidement, et, comme en témoigne certains sondages, elle commence à atteindre l’opinion. Le bilan dressé par Lytta Basset est bienvenu. Cependant, il est vrai que ce problème est complexe et plonge ses racines dans une histoire contrastée. Les forces religieuses existantes sont tentées par un immobilisme doctrinal et par une obstruction à tout universalisme. Une évolution théologique se manifeste à travers un théologien comme Jürgen Moltmann qui évoque la communauté des vivants et des morts. Dans son livre sur l’au-delà Lytta Basset n’apporte pas seulement une réponse existentielle dans la sensibilité extrême qui est la sienne avec ses atouts comme avec ses limites, elle fonde une réflexion théologique chrétienne prenant en charge les découvertes sur l’activité des défunts. Comme nous avons cherché à en rendre compte dans cet article, elle nous communique une vision sur l’au-delà en phase avec l’inspiration chrétienne. Ce livre est pionnier.

J H

 

  1. Une vie qui ne disparaît pas : https://vivreetesperer.com/une-vie-qui-ne-disparait-pas/
  2. Sur la Terre comme au Ciel : https://vivreetesperer.com/sur-la-terre-comme-au-ciel/ La vie par delà la mort : https://lire-moltmann.com/la-vie-par-dela-la-mort/
  3. Lytta Basset. Ce lien qui ne meurt jamais. Albin Michel, 2007
  4. Oser la bienveillance : Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand : https://vivreetesperer.com/bienveillance-humaine-bienveillance-divine-une-harmonie-qui-se-repand/
  5. Lytta Basset. Cet Au-delà qui nous fait signe. Albin Michel, 2022. Interview de Lytta Basset sur son livre à la Procure : https://www.youtube.com/watch?v=lw4SjuV5_EI
  6. Expériences de plénitude : https://vivreetesperer.com/experiences-de-plenitude/
  7. La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. La recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui : https://www.temoins.com/?s=David+Hay&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes
  8. La sociologie du mysticisme. Selon Mike Sosterik : https://www.temoins.com/?s=exp%C3%A9riences+mystiques&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes
  9. La participation des expériences spirituelles à la conscience écologique : https://vivreetesperer.com/?s=exp%C3%A9riences+%C3%A9cologie&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes
  10. Vinciane Despret. Au bonheur des morts. Récits de ceux qui restent. La Découverte, 2015 https://www.editionsladecouverte.fr/au_bonheur_des_morts-9782359251258
  11. Marie de Hennezelle. Vivre avec l’invisible. Robert Laffond, Versilio, 2021. Interview de Marie de Hennezelle : https://www.youtube.com/watch?v=CktUE72Bn94

Comment la reconnaissance et la manifestation de l’admiration et de l’émerveillement exprimées par le terme : « awe », peut transformer nos vies

A certains moments, dans certaines circonstances, nous ressentons une irruption de beauté, un passage où nous sommes subjugués par un sentiment d’admiration et d’émerveillement, la manifestation d’une réalité qui nous dépasse. Dans la langue anglaise, il y a un terme qui désigne cette situation et l’émotion qui l’accompagne : « awe ». Certes, ce terme vient de loin et il véhicule des connotations différentes, mais, dans cette histoire, il s’est dégagé des ombres qui l’accompagnaient. Et aujourd’hui, cette « awe » attire l’attention des chercheurs en psychologie soucieux de contribuer au « Greater good », au meilleur bien. Il évoque aussi un ressenti de transcendance qui s’inscrit dans une histoire religieuse et qui, aujourd’hui, se manifeste dans un champ plus vaste jusqu’à une reconnaissance possible dans la quotidienneté. Dans ce contexte, vient de paraître un livre écrit par Dacher Keltner, professeur de psychologie à l’université de Berkeley (Californie), également directeur au « Greater Good Centre » (1) ; cet ouvrage nous rapporte une avancée de la recherche en ce domaine : « Awe. The new science of everyday wonder and how it can transform your life » (L’admiration. La nouvelle science du merveilleux au quotidien et comment elle peut transformer votre vie ») (2).

 

« Awe » : des significations en évolution

« Awe » est un terme apparu en vieil anglais au Moyen Age. A l’époque, il traduit un sentiment de crainte et même de peur, voire de terreur par rapport à une manifestation de puissance et d’étrangeté. On peut imaginer de telles réactions dans un contexte marqué par un climat de violence et un manque de savoir. A titre d’exemple, la foudre n’est plus perçue aujourd’hui comme hier. Comme l’a écrit le chercheur Rudolf Otto, l’expression du sacré peut être redoutée. Cependant, l’emploi du terme « awe » dans le vocabulaire chrétien a porté une signification différente, celle d’une admiration respectueuse vis à vis de la grandeur de Dieu, parfois décrite comme « une crainte révérencielle, manifestation de transcendance, un ressenti d’un dépassement ». Aussi, la traduction de « awe » en français manifeste toute une gamme de sens : admiration, émerveillement, ébahissement, extase, crainte révérencielle… Le phénomène varie en intensité. Il peut se manifester d’une manière bouleversante comme dans les « peak experiences » (les expériences de sommet ) décrites dès les années 1960 par Abraham Maslow, ou bien selon une autre terminologie par « un sentiment océanique ». Mais si ces expériences sont toujours remarquables, elles peuvent se manifester sur un mode beaucoup plus courant et familier comme le livre de Dacher Keltner vient nous le montrer abondamment.

 

L’évolution de la recherche en psychologie

Si la recherche concernant les expériences religieuses et spirituelles est marquée aux Etats-Unis par la personnalité du philosophe et psychologue américain Williams James au  début du XXe siècle, et si elle a été poursuivie par des personnalités comme Alister Hardy (3) en Angleterre dans les années 1970, la recherche concernant le phénomène de la « awe » est beaucoup plus tardive et s’inscrit dans un autre contexte. Dacher Keltner nous en présente le développement.

Dans les années 1980, la psychologie était dominée par la « révolution cognitive ». Dans ce contexte, chaque expérience humaine, du jugement moral à la manifestation des préjugés, était abordée dans une manière où notre pensée, comme un programme d’ordinateur, traitait les unités d’information dans un processus dépourvu d’émotions. Les émotions n’étaient pas prises en compte dans la compréhension de la nature humaine. Longtemps, les émotions ont été perçues comme inférieures et venant troubler notre raison, la part élevée de notre nature, considérée comme la plus haute manifestation de notre humanité. Les émotions fugaces et subjectives ne pouvaient être observées en laboratoire. C’est alors qu’un article de l’anthropologue Paul Eckman a renversé la vapeur en mettant en évidence l’importance des émotions et la nécessité ainsi que la possibilité de les étudier. Il avait auparavant parcouru la planète et démontré qu’il existait des émotions universelles, six au total : la colère, la peur, le dégoût, la joie, la tristesse, la surprise. Elles sont reconnaissables par des mimiques caractéristiques. De jeunes chercheurs s’engagèrent sur cette piste et ils élargirent le champ des émotions étudiées, y ajoutant l’amusement, la gratitude, l’amour et l’orgueil. Dans son laboratoire, Dacher Keltner a lui-même travaillé sur le rire, la gratitude, l’amour, le désir et la sympathie. En réaction par rapport à la révolution cognitive, une révolution de l’émotion était en cours. On a ainsi mis en avant l’étude d’une intelligence émotionnelle.

Ici Dacher Keltner s’interroge. Pourquoi l’étude de la « awe » ne s’est-elle pas inscrite dans ce grand mouvement de recherche alors que l’« awe » est une émotion qui est à la source de tant de choses humaines : « musique, art, religion, science, politique et intuitions transformatrices au sujet de la vie ». Les raisons de cette omission sont pour une part méthodologiques. La « awe » ne se prête pas à la mesure. Comment l’étudier dan un laboratoire ? Il y avait aussi une barrière théorique. Quand la science des émotions s’est développée, c’était dans le contexte de l’esprit du temps qui envisageait les émotions comme tournées vers la protection de soi, réduisant les dangers et accroissant les gains compétitifs pour les individus. En contraste, la « awe » semble nous orienter vers un dévouement porté au delà de soi, vers un service et un sacrifice. C’est le sentiment que les frontières entre nos mois individuels et les autres peuvent se dissoudre facilement, que notre vraie nature est collective. Ces qualités ne correspondaient pas à la conception de la nature humaine hyper individualiste, matérialiste, qui dominait à l’époque. Et de plus, certains craignaient d’engager leur pratique scientifique dans un domaine où les expériences peuvent s’exprimer en termes religieux.

 

Développement de la recherche sur la « awe »

Lorsque la recherche sur les émotions a commencé à aborder le champ des émotions positives, en 2003, Dacher Keltner et un de ses collègues, Jonathan Haig ont commencé à travailler pour élaborer une définition de la « awe ». A l’époque, il y avait seulement quelques articles concernant ce sujet. Il manquait une définition. Dave Keltner rapporte comment ils ont étudié une vaste littérature, de mystiques à des anthropologues et à un sociologue comme Max Weber. Et il en est résulté la définition suivante : la « Awe » est le sentiment de la présence de quelque chose d’immense qui transcende votre compréhension habituelle du monde ». L’immensité (« vastness ») peut être perçue tant dans l’espace que dans le temps ou bien encore dans le monde des idées « lorsqu’une épiphanie intègre des croyances dispersées en une thèse cohérente ». L’immensité peut être déstabilisante. Elle entraine la recherche de nouvelles formes de compréhension. La « awe » porte sur les grands mystères de la vie. Il y a des variations innombrables. Comment change-t-elle d’une culture à une autre, ou d’une période de l’histoire à une autre, ou d’une personne à un autre ? Ou bien même d’un moment de votre vie à un autre ? Le sens change selon les contextes, et ces contextes sont extrêmement divers.

Lorsqu’au début du XXe siècle, le grand psychologue américain William James s’engagea dans une recherche pour comprendre la « awe » mystique, il ne procéda pas à des expérimentations ou à des mesures. Il rassembla des récits : des récits personnels, à la première personne, de rencontres avec le divin, des récits de conversions religieuses, d’épiphanies spirituelles… Et en découvrant des configurations dans ces récits, il mit en lumière « le cœur de la religion dans son rapport avec la « awe » mystique, une expérience émotionnelle ineffable d’être en relation avec ce que nous considérons divin ».

Dacher Keltner s’est donc engagé avec le professeur Yang Bai dans une grande enquête internationale à l’échelle mondiale en vue de rassembler des récits de personnes décrivant une expérience de « awe » selon la définition choisie : « Etre en présence de quelque chose de vaste et de mystérieux qui transcende votre compréhension habituelle du monde ». Les participant venaient de toutes les religions ou de sans-religions. Ils appartenaient à des cultures différentes avec une grande diversité de conditions sociales et de conditions d’éducation. 2600 récits ont été traduits à partir de vingt langues.

(Ce chapitre et le précédent sont écrits à partir des pages du livre 4 à 12).

 

Les huit merveilles de la vie

Qu’est-ce qui allait ressortir de cette moisson ? Dacher Keltner a été heureusement surpris de pouvoir classer ces récits en huit groupes aboutissant à une taxonomie en huit merveilles. De fait, le champ des expériences de « awe » est très vaste et ne se réduit pas à des situations privilégiées comme l’admiration de la nature. Qu’est ce qui amène le plus communément les gens à ressentir de l’admiration ? C’est la beauté morale qui s’exprime dans des actions où se marquent une pureté et une bonté de l’intention. Une attention particulière est accordée au courage.

Une seconde merveille de la vie est l’effervescence collective, un terme introduit par le sociologue français Emile Durkheim dans son analyse du cœur de la religion. Il y aurait une force de vie qui porterait les gens dans une conscience collective, un sens océanique du « nous ». Les récits portent sur des évènements familiaux, religieux, sportifs, politiques…

La troisième merveille de la vie, c’est la nature. Les phénomènes naturels impressionnent. « Les expériences dans les montagnes, la vue des canyons, la marche parmi des arbres majestueux, une course à travers des dunes de sable, une première rencontre avec l’océan suscitent de la « awe ». Ces expériences s’accompagnent fréquemment du sentiment que les plantes et les animaux sont conscients, une idée répandue dans les traditions indigènes.

La musique apparaît comme la quatrième merveille de la vie, car elle transporte les gens dans de nouvelles dimensions de signification symbolique à travers l’expérience de concerts, de l’écoute tranquille d’un morceau de musique, du chant dans des temps religieux ou tout simplement avec d’autres. On connait l’importance de la musique dans la culture actuelle.

Les réalisations visuelles (« visual design ») apparaissent comme la cinquième merveille de la vie. L’auteur cite des constructions, de grands barrages, de belles peintures.

Des récits de « awe » spirituelle et religieuse manifestent la sixième merveille de la vie. On y trouve bien sûr des récits de  conversion.

L’auteur mentionne des récits de vie et de mort en y voyant une septième merveille de la vie. Le passage de la mort est évidemment un moment particulièrement crucial.

La huitième merveille de la vie se manifeste en terme d’épiphanies, c’est à dire de moments où nous comprenons soudainement des vérités essentielles sur la vie. A travers le monde, des gens ont été remplis d’« awe » par des intuitions philosophiques, des découvertes scientifiques, des idées métaphysiques, des équations mathématiques… Dans chaque cas, l’épiphanie unit des faits, des croyances, des intuitions et des images en un nouveau système de compréhension.

Toutes ces expériences de « awe » «  interviennent dans un royaume différent du monde banal du matérialisme, de l’argent, de la cupidité, et de la recherche de statut, un royaume au delà du profane que beaucoup appellent le sacré » (p 19) (p 10-19).

 

La spécificité de l’émotion de « awe »

Dacher Keltner revient sur le parcours du terme : « awe » et nous montre que la signification correspondante est désormais tout à fait distincte des significations qui lui ont été associées au départ. En effet, le terme « awe » remonte à un mot anglais apparu il y a 800 ans et qui renvoyait à la peur, la crainte, la terreur. Le contexte de l’époque était menaçant. Depuis la signification a évolué, mais qu’en est-il d’un héritage de peur ? La recherche sur les émotions permet de répondre aujourd’hui à cette question. Parmi les autres émotions, l’émotion de « awe » est spécifique. Dacher Keltner peut s’appuyer sur une analyse mathématique d’une nouvelle approche quantitative d’un ensemble d’expériences émotionnelles. Dans cette étude, son auteur, Alan Cowen, a pris en compte 27 espèces d’émotion. Ici, l’émotion de « awe » apparaît comme très éloignée de la peur et de l’anxiété. Au contraire, elle est proche de l’admiration, de l’intérêt, de l’appréciation esthétique ou du sentiment de beauté. « L’émotion de « awe » paraît intrinsèquement bonne ». Cette émotion se distingue d’un sentiment classique de beauté qui ne comporte pas une impression d’immensité et de mystère. L’émotion de « awe » s’accompagne de réactions du corps spécifiques, par exemple de l’expression faciale. « Notre expérience de la « awe » prend place dans un espace spécifique très loin de la peur et distincte du sentiment plaisant et familier de la beauté » (p 23) (p 19-23).

 

L’émotion de « awe » au quotidien

A partir de ces constats, Dacher Keltner s’est interrogé sur la fréquence des émotions de « awe ». L’enquête internationale avait collecté des récits témoignant d’une grande intensité de « awe ». L’expérience de « awe » est-elle beaucoup plus répandue ? Apparaît-elle dans nos vies quotidiennes ? Des recherches nouvelles, à partir de l’analyse de journaux personnels tenus au quotidien, apportent une réponse positive. « Dans nos vies quotidiennes, nous ressentons fréquemment des émotions de « awe » dans nos rencontres avec la beauté morale, et en second, la nature, et dans des expériences avec la musique, l’art et le cinéma « (p 25). La culture influence ces ressentis. Ainsi, aux Etats-Unis, ils sont beaucoup plus fréquents dans des contextes individualistes. Certains éprouvent, quelque part chaque semaine, un ressenti de « awe », en « reconnaissant l’extraordinaire dans l’ordinaire », une générosité, la senteur d’une fleur, la lumière dans un arbre, un chant. « De grands penseurs de Walt Whitman à Rachel Carson… nous appellent à prendre conscience combien une bonne part de notre vie peut apporter une émotion de « awe » (p 26).

 

Les contours de la « awe » ?

Après ces différentes approches de recherche, une enquête internationale, une cartographie des émotions et l’expression des gens sur leur expérience quotidienne, Dave Keltner peut nous répondre à la question : « Qu’est-ce que la « awe » ? « La « awe » commence avec les huit merveilles de la vie. Cette expérience se déroule dans un espace spécifique et diffère des sentiments de peur et de beauté. Notre expérience quotidienne nous en offre de multiples occasions ».

L’auteur nous parle des émotions « qui nous transportent hors d’un état focalisé sur nous-même, centré sur la menace et soucieux du statu quo, vers un royaume où nous sommes connectés à quelque chose de plus grand que nous-même » (p 28). Parmi les émotions qui nous décentrent de nous-même, l’auteur cite la joie, l’extase (où nous nous sentons nous dissoudre complètement alors que dans la « awe » nous restons conscients de notre moi, bien que faiblement), l’amusement

Cette « awe » nous tourne vers « quelque chose de plus grand que le soi » (« Something larger than the self » (p 31). Dacher Keltner relit le cours de l’histoire. Pendant des centaines d’années, la « awe » a inspiré la manière d’écrire sur la rencontre avec le divin. Avec Emerson et Thoreau, elle était au cœur d’une écriture sur la rencontre émerveillée de la nature. Elle a amené des chercheurs comme Herschel à la recherche astronomique. Albert Einstein a ainsi écrit : « la plus belle expérience que nous pouvions faire est celle du mystérieux. C’est l’émotion fondamentale qui se tient au berceau de l’art et de la science » (p 29). C’est aussi une émotion qui inspire la communion humaine. « Dans les moments de « awe », nous nous éloignons de l’impression que nous sommes seuls en charge de notre propre destin pour parvenir au sentiment de faire partie d’une communauté interdépendante et collaborante. Cette « awe » élargit ce que le philosophe Pete Singer appelle le cercle du soin (circle of care)… William James appelle les actions qui donnent naissance au cercle du soin ‘les saintes tendances de la « awe » mystique’… Cette « awe » éveille les meilleurs anges de notre nature » (p 40-41).

 

Comment la « awe » peut rendre la vie meilleure

Dave Keltner nous a montré que l’émotion de « awe » n’est pas un phénomène exceptionnel, mais que cette émotion peut apparaître à certains moments de la vie quotidienne avec des effets bénéfiques. Si il y a toujours un risque d’instrumentalisation, on peut donc imaginer des évènements et des processus favorisant cette émotion. C’est dans ce sens que travaille le centre du « Greater Good » à Berkeley. Le site correspondant publie de nombreux articles sur le thème de la « awe » et notamment cet article : « Huit raisons pour laquelle la « awe » rend la vie plus heureuse, en meilleure santé, plus humble et plus connectée aux gens autour de vous » (4).

« Un ensemble croissant de recherches suggère que faire l’expérience de la « awe » peut engendrer une vaste gamme de bienfaits, même davantage de générosité, d’humilité et d’esprit critique… Nous pouvons sous-estimer cette opportunité ». Une simple prescription peut avoir des effets transformateurs. Envisagez davantage d’expériences journalières de « awe », déclare Dacher Keltner.

Cet article énumère les bienfaits d’une expérience de « awe » en accompagnant d’exemples et de données chaque proposition :

° La « awe » peut améliorer votre humeur et vous rendre plus satisfait de votre vie.

° La « awe » peut être bonne pour votre santé.

° La « awe » peut vous aider à penser d’une manière plus critique.

° la « awe » peut réduire le matérialisme.

° La « awe » peut vous rendre plus petit et plus humble.

° La « awe » peut vous donner l’impression que vous avez plus de temps.

° La « awe » peut vous rendre plus généreux et plus coopératif.

° La « awe » peut vous rendre plus connecté aux autres gens et à l’humanité.

Cependant, précise cet article publié en 2018, la recherche sur ce thème n’est en fait qu’à son début et beaucoup de points restent à préciser ou à étudier. Paru en 2022, le livre de Dacher Keltner est un grand pas en avant.

 

Une vision nouvelle

A l’échelle internationale, des personnes ont donc été appelées à décrire une expérience de « awe » selon la définition : « Etre en présence de quelque chose de vaste et de mystérieux qui transcende notre compréhension habituelle du monde ». De fait, pour Dacher Keltner, la « awe » nous tourne vers quelque chose de plus grand que nous (something larger than the self). Et il relit ainsi le cours de l’histoire : « Pendant des centaines d’années, la « awe » a inspiré la manière d’écrire sur la rencontre avec le divin. Avec Emerson et Thoreau, elle était au cœur d’une écriture sur la rencontre émerveillée avec la nature ». Il reprend une citation d’Einstein : « La plus belle expérience que vous puissiez faire est celle du mystérieux. C’est l’émotion fondamentale qui se tient au berceau de l’art et de la science ».

Si il y a un lien entre « awe » et transcendance, il est significatif que le retard dans la recherche psychologique sur la « awe » puisse être attribuée pour une part à une conception de la nature humaine hyper individualiste et matérialiste qui dominait encore à la fin du XXe siècle et également à une crainte de compromission avec la religion. On notera que la psychologue américaine Lise Miller a dû également s’imposer dans sa recherche sur l’activité du cerveau et la spiritualité (5) comme dans celle sur la spiritualité de l’enfant (6). La reconnaissance nouvelle de ces recherches marque un tournant dans l’état d’esprit du milieu de la recherche. C’est un tournant significatif.

Le terme anglais : « awe » est polysémique et sa traduction en français est donc difficile. Dans notre texte, nous avons gardé le mot original. Une des significations correspondantes en français est l’émerveillement. Philosophe et théologien, Bertrand Vergely a montré en quoi l’émerveillement joue un rôle majeur dans notre vision du monde (7). « Qui s’émerveille n’est pas indifférent. Il est ouvert au monde, à l’humanité, à l’existence. Il rend possible un lien à ceux-ci ». Ce constat nous rappelle la manière dont la « awe » est perçue comme décentrement de soi pour une ouverture au monde et notamment aux autres humains. « Dans les moments de « awe », nous nous éloignons de l’impression que nous sommes seuls en charge de notre propre destin pour parvenir au sentiment de faire partie d’une communauté interdépendante et collaborante ».

Les résultats de l’enquête internationale manifestent, à travers leur diversité, des tendances communes, des expressions d’une spiritualité universelle. Cette universalité se constate également dans un tout autre domaine, celui des expériences de mort imminente (8).   Quoiqu’il en soit, en regard, nous exposons ici des tendances universalisantes dans le monde chrétien. Ainsi, l’historienne et théologienne américaine, Diana Butler Bass, dans son livre : « Grounded. Finding God in the world. A spiritual revolution » (9), écrit : « Ce qui apparaît comme un déclin de la religion indique en réalité une transformation majeure dans la manière où les gens se représentent Dieu et en font l’expérience. Du Dieu distant de la religion conventionnelle, on passe à un sens plus intime du sacré qui emplit le monde. Ce mouvement, d’un Dieu vertical à un Dieu qui s’inscrit dans la nature et dans la communauté humaine, est au cœur de la révolution spirituelle qui nous environne… ». Si le glissement de sens dans le terme « awe » est plus ancien, il s’inscrit aussi dans ce contexte. Dans son livre : « Grounded », Diana Butler Bass nous révèle la manière dont les gens trouvent un nouvel environnement spirituel dans un Dieu qui réside avec nous dans le monde : dans le sol, l’eau, le ciel, dans nos maisons et nos voisinages et dans nos espaces communs.

Pour interpréter l’évolution en cours et esquisser une réponse chrétienne, nous trouvons un éclairage théologique dans la pensée de Jürgen Molmann (10). « Dieu, le créateur du ciel et de la terre est présent par son Esprit cosmique dans chacune de ses créature et dans leur communauté créée… Grâce aux forces et aux possibilités de l’Esprit, le créateur demeure auprès de ses créatures, les vivifie et les mène vers son royaume futur… Dieu est à la fois transcendant et immanent ». Dieu est communion.

Comme Jürgen Moltmann, Richard Rohr partage cette vision (11) « La révolution trinitaire, en cours, révèle Dieu avec nous dans toute notre vie… Elle redit la grâce inhérente à la création, et non comme un additif additionnel que quelques personnes méritent… Dieu est celui que nous avons nommé Trinité, le flux (flow) qui passe à travers toute chose… Toute chose est sainte pour ceux qui ont appris à la voir ainsi… Toute impulsion vitale, toute force orientée vers le futur, toute poussée d’amour, tout élan vers la beauté, tout ce qui tend vers la vérité, tout émerveillement devant une expression de bonté, tout bond d’élan vital… tout bout d’ambition pour l’humanité et la terre, est éternellement un flux de vie du Dieu trinitaire… ».

« Cet élan vers la beauté, cet émerveillement devant une expression de bonté » ne sont-ils pas souvent propices à une émotion de « awe » ? Et si la « awe » est « le sentiment de la présence de quelque chose d’immense qui transcende notre compréhension habituelle du monde », si ce sentiment peut se manifester et se manifeste dans des vécus extérieurs à toute empreinte religieuse, il peut également être éclairé par l’approche théologique que nous venons de proposer. Et cette approche éclaire notre regard chrétien sur ces réalités.

Dans la tourmente qui se manifeste aujourd’hui dans le déchainement d’une violence patriarcale, il serait bon que nous ne perdions pas de vue les signes d’évolution positive qui sont apparus dans les toutes dernières décennies. Et, parmi ce signes, la mise en valeur de la gratitude (12) et de la « awe » dans le champ psychologique. Cette mise en évidence apparaît à la fois comme un progrès dans la civilisation humaine et comme un fait spirituel.

J H

 

  1. Greater Good Center : https://greatergood.berkeley.edu
  2. Dacher Keltner. Awe. The new Science of everyday wonder and how it can transform your life. Penguin Press, 2023
  3. L’œuvre d’Alister Hardy, dans : Participation des expériences spirituelles à la conscience écologique : https://vivreetesperer.com/la-participation-des-experiences-spirituelles-a-la-conscience-ecologique/
  4. Eight reasons why awe makes your life better : https://greatergood.berkeley.edu/article/item/eight_reasons_why_awe_makes_your_life_better?fbclid=IwAR3PMEJYCYR4hNPBOxfJhd1aMLDE-gtAUVQ_dquAsu25VZxS8GeT4GCB-70
  5. Lisa Miller. The awakaned brain : https://vivreetesperer.com/the-awakened-brain/
  6. Lisa Miller. L’enfant spirituel : https://vivreetesperer.com/lenfant-un-etre-spirituel/
  7. Bertrand Vergely. Avant toute chose, la vie est bonne : https://vivreetesperer.com/avant-toute-chose-la-vie-est-bonne/
  8. Lytta Basset. Une révolution spirituelle. Une nouvelle approche d l’Au-delà : https://vivreetesperer.com/une-revolution-spirituelle-une-approche-nouvelle-de-lau-dela/
  9. Diana Butler Bass. Une nouvelle manière de croire : https://vivreetesperer.com/une-nouvelle-maniere-de-croire/
  10. Deux approches convergentes : Diana Butler Bass et Jürgen Moltmann : https://vivreetesperer.com/dieu-vivant-dieu-present-dieu-avec-nous-dans-un-univers-interrelationnel-holistique-anime/
  11. Richard Rohr. La danse divine : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/
  12. La gratitude. Un mouvement de vie : https://vivreetesperer.com/la-gratitude-un-mouvement-de-vie/

Pour une conscience écologique

Une expérience de terrain

 

J’ai poursuivi mes études universitaires jusqu’au doctorat en écologie. J’ai mené mon travail de thèse dans un laboratoire du CNRS, dans le cadre d’un programme européen de recherche sur la biodiversité des plaines inondables, avec des équipes de recherche d’Umea en Suède, de Cambridge au Royaume-Uni et de Grenoble.

Cette thèse a été un réel voyage initiatique. J’ai été confrontée à l’immense complexité de la nature, à l’impossibilité de l’appréhender dans sa globalité et au constat, que « plus on sait… moins on sait« … car on prend conscience de l’immensité des connaissances qui nous échappent. Chaque question à laquelle on parvient à répondre, même partiellement, ouvre vers un horizon de milliers d’autres…

A cette époque, certains de mes collègues chercheurs participaient à des projets avec des non-chercheurs, notamment des techniciens de collectivités. Ils relataient souvent la difficulté de transmettre les connaissances scientifiques à des gens étrangers au monde de la recherche.

C’est ce qui m’a motivée à entreprendre un DESS en communication scientifique alors que je terminais ma thèse en parallèle. Après avoir obtenu ces deux diplômes, j’ai trouvé un premier poste comme directrice d’une association en charge de la gestion d’un espace naturel en bordure d’un grand fleuve.

 

Préserver la biodiversité.

 

Cette expérience a été difficile, mais très formatrice. J’ai notamment eu l’occasion de m’impliquer dans des projets de développement du territoire, avec les collectivités territoriales locales. Cette découverte a confirmé l’envie de m’orienter vers un travail dans la fonction publique territoriale. Après avoir quitté mon poste de directrice, j’ai donc passé le concours d’ingénieur territorial puis obtenu un poste comme chargée de mission patrimoine naturel dans une importante collectivité. Au sein d’une équipe d’une douzaine de personnes, je suis chargée de mettre en oeuvre la politique décidée par les élus en matière de biodiversité. Je travaille sur de nombreux projets en lien avec la restauration et la protection des milieux naturels, de la faune et de la flore. Mon travail consiste à financer et accompagner le montage des projets menés par différentes types de structures, principalement des associations ou d’autres collectivités (communes, communautés de communes,…).

 

Biodiversité… au bord d’une route ardéchoise

 

J’ai aussi la chance de mener certains projets en direct, notamment ceux qui concernent la trame verte et bleue. Ce terme traduit en fait une nouvelle stratégie qui émerge pour préserver la biodiversité. Jusqu’à il y a quelques années, les actions étaient surtout focalisées sur la protection de milieux naturels dits « remarquables », car constitués d’espèces ou d’habitats naturels rares ou menacés. Mais le constat mondial de l’érosion de la biodiversité, combiné aux avancées des connaissances scientifiques notamment de l’écologie du paysage, ont montré que les causes principales de cette érosion de la biodiversité était la disparition des milieux naturels, et leur fragmentation, résultant des activités humaines (infrastructures toujours plus nombreuses, urbanisation galopante, modification des pratiques agricoles et notamment intensification des cultures,…). Aujourd’hui, on change de stratégie en cherchant à reconnecter les milieux naturels entre eux, ou en préservant les connexions qui subsistent, afin de permettre aux espèces de se déplacer, ce qui leur est nécessaire pour accomplir les différentes phases de leur cycle de vie.

 

L’homme et la nature.

 

Mon travail est passionnant à de nombreux titres. Si l’on y réfléchit bien, il concerne en premier lieu les relations.

 

        Les activités humaines fragmentent les milieux naturels

 

La nature : un milieu interactif

 

Avant d’être un mouvement politique, l’écologie est la science qui étudie les interactions entre les différents compartiments du vivant. La nature qui nous entoure est caractérisé par un grand nombre d’interactions complexes, entre les espèces entre elles, entre les espèces et le monde physique… Beaucoup de choses sont reliées, et perturber ou supprimer un maillon de la chaîne affecte l’ensemble…

Le fonctionnement de la nature est dynamique… une dynamique dans l’espace et dans le temps. Les espèces se déplacent pour s’alimenter, se reproduire, migrer ; sous nos climats, les saisons s’enchaînent et chacune d’entre elles correspond à des processus du vivant particuliers ; les générations d’individus se succèdent à des échelles de temps très différentes selon les espèces (de la bactérie, à l’éléphant !). Bien que l’homme aime comprendre, acquérir de nouvelles connaissances, le fonctionnement de la nature nous reste encore bien mystérieux, et surtout échappe à notre contrôle.

 

       Des plantes carnivores en France… oui, ça existe ! (Drosera rotundifolia)

 

Des limites au contrôle de l’homme.

 

La nature rappelle à l’homme son incapacité à tout contrôler…. ce qu’il a parfois bien du mal à accepter. Nous avons essayé de « domestiquer » la nature. Nous avons canalisé les fleuves, construit des digues, mais les inondations continuent… car elles sont normales, et font partie des processus naturels qui créent la vie en transportant des sédiments, en créant de nouveaux milieux,… Mais nous avons essayé de contrôler ce processus, nous avons construit nos habitations en zones inondables, nous avons créé de nombreux barrages pour créer de l’électricité… Intentions louables et légitimes, mais décisions souvent excessives que nous avons prises sans en mesurer suffisamment les impacts… Par exemple, les nombreux barrages ont perturbé le transport des sédiments qui se trouvent piégés derrière… Comme conséquence, on a constaté des phénomènes d’érosion en aval des barrages, les rivières « s’enfoncent » et les niveaux de nappe phréatique en font de même… du coup, plus de sécheresse, besoin de plus d’irrigation, cercle vicieux…

 

       Les tourbières… des milieux fragiles mais essentiels

 

L’homme contrôle, domine, veut exercer un pouvoir sans limite, et quand le fonctionnement de la nature se rappelle à lui, sous forme catastrophique bien souvent, l’homme considère la nature comme « hostile »…. Il oublie sa responsabilité dans ces phénomènes.

Je trouve que ces constats, que je rapporte ici de manière rapide et caricaturale, peuvent amener des réflexions d’ordre plus spirituel… Soigner les relations, plus que la domination… Quand nous contrôlons les autres, de manière consciente ou inconsciente, nous sommes souvent confrontés à des retours de bâtons parfois violents…

La recherche de l’harmonie, entre humains, ou entre l’homme et la nature, demande un état d’esprit particulier : persévérance, humilité…

 

Au delà de l’immédiat, penser dans la durée.

 

Dans l’exercice de mon métier, je suis parfois découragée en me disant que ce je fais, c’est une goutte d’eau dans l’océan… Il faut déployer tellement d’énergie pour protéger quelques hectares ! On se heurte à tellement d’obstacles, un pas en avant, quatre en arrière… Malgré sa conscience de l’avenir, j’ai parfois l’impression que l’être humain ne se comporte pas plus intelligemment (voire moins) que les animaux. Il « consomme » les ressources à sa disposition, sans se préoccuper ou si peu, de ce qui va se produire lorsque ces ressources deviendront insuffisantes.

 

        Les rivières, une écologie dynamique !

 

Je crois qu’on touche là à une question un peu existentielle… Les processus écologiques se déroulent bien souvent à des échelles de temps qui dépassent la durée d’une vie humaine. Penser à l’avenir de notre planète (donc à celui de l’espèce humaine), c’est intégrer l’idée de sa propre mort et agir en sachant qu’on ne verra sans doute pas le résultat de son action. On touche à l’idée du temps, de l’éternité…

 

Céleste

 

Merci à Céleste, qui, à partir de son expérience, nous fait entrer dans une prise de conscience écologique. Les titres et l’accentuation de certains passages en caractères gras relèvent de la rédaction.

Les photos ont été prises par Céleste.
On peut la joindre à l’adresse mail suivante: despiedsetdesailes@gmail.com

« Animal » de Cyril Dion

Quand des voix innovantes et compétentes nous ouvrent de nouveaux chemins pour un monde écologique

https://youtu.be/b0HouR6CYK4

Réalisateur du film : « Demain » (1), qui, en son temps, ouvrit les esprits à une dynamique de société participative et écologique, Cyril Dion réalise aujourd’hui un second long métrage : « Animal », qui nous éveille à la vision d’un monde fondé sur la biodiversité.

Le film réalise le projet décrit dans la page de couverture du livre correspondant : « Imaginez que vous puissiez voyager sur quatre continents pour rencontrer certains des plus éminents et des plus passionnants biologistes, climatologues, paléontologues, anthropologues, philosophes, économistes, naturalistes et activistes qui cherchent à comprendre pourquoi les espèces disparaissent, pourquoi le climat se dérègle et surtout comment inverser la tendance ». Le livre : « Animal » (2) rapporte l’ensemble de témoignages, des informations et des idées recueillies « dans une série de rencontres effectuées lors du tournage du film ».

« Pendant 56 jours, Cyril Dion est parti avec une équipe de tournage et deux adolescents très engagés, Bella Lack et Vipulan Puvaneswaran (p 17), l’une anglaise et l’autre français de parents nés au Sri Lanka. Avec Cyril Dion, ces deux jeunes ont posé leurs questions. « Faire ce voyage avec eux fut une expérience merveilleuse et bouleversante. Pour autant, dans la retranscription des entretiens, j’ai choisi de mêler nos trois voix en une pour interroger nos interlocuteurs ». « Leur présence active a permis de mieux comprendre comment leur génération aborde un double défi écologique » (p 21). Le sous-titre du livre témoigne de cette intention : « Chaque génération a son combat. Voici le notre ».

« Si le climat est devenu un sujet incontournable, une autre crise écologique sans doute aussi grave est encore largement absente des conversations et de nombreuses politiques publiques : « la destruction accélérée du vivant » (p 14). Les chiffres sont accablants. De nombreuses espèces sont menacées ou en danger d’extinction. « Notre planète se dépeuple de ses habitants non humains sauvages » (p 15). Aussi, ce livre est un manifeste en faveur de la biodiversité, en faveur de la présence des animaux. Et il s’efforce de répondre aux questions correspondantes : « Pourquoi des espèces disparaissent-elles ? Que pouvons-nous faire pour l’éviter ? Et pourquoi y sommes-nous pour quelque chose ? (et la réponse est oui). Avons- nous le droit de faire ça ? A quoi servent toutes ces espèces ? Doivent-elles servir à quelque chose pour que nous décidions de les protéger ou d’arrêter des les éradiquer ? Comment renouer une relation féconde avec le vivant ? Quelle est notre place parmi les autres espèces ? Et, à quoi servons-nous dans l’univers du vivant ? » (p 17).

« Nous avons besoin de regarder en face ce que notre planète traverse… Nous avons besoin de lucidité, de courage, de solidarité, d’élan, de sens et de désir. De la lucidité peut naitre le choc et c’est ce choc qu’il nous appartient désormais de faire » (p 23). A travers l’expérience et l’expertise des personnalités interviewées, ce livre est si dense et si riche qu’il n’est pas possible d’en rendre compte. Nous essaierons seulement ici de rapporter quelques moments privilégiés où, parmi d’autres, un horizon se découvre, une perspective apparaît. Ce sont quelques brèves notations qui ouvrent notre esprit à une dimension nouvelle.

 

Pourquoi les espèces disparaissent ?
Rencontre avec Anthony Barnosky (p 27-36)

Anthony Barnosky, géologue, paléontologue et biologiste qui a enseigné, toute sa carrière, à l’Université de Berkeley, répond à nos questions (p 27-36). Il distingue cinq causes majeures de l’extinction des espèces : la destruction des habitats, la surexploitation des espèces, la pollution, les espèces invasives, et les changements climatiques » (p 29). La menace aujourd’hui réside non seulement dans des changements progressifs, mais dans l’apparition de « points de bascule » (p 32). A la suite de cet entretien, laissant de côté le dérèglement climatique, « un phénomène si considérable qu’il nécessiterait, à lui seul, un film ou un livre, la recherche de l’équipe s’est centrée sur la pollution, la surexploitation des espèces et la disparition des habitats ».

 

Se passer des pesticides
Rencontre avec Paul François (p 38-58)

Paul François est un agriculteur qui, suite à un grave accident avec un herbicide, a converti ses 240 hectares en agriculture biologique. A cette échelle, un tel changement est un exploit. Paul François nous raconte son changement de mentalité et de pratique. Il lui a fallu accepter la présence de l’herbe plutôt que de la supprimer systématiquement. Plutôt que d’acheter des produits chimiques, Paul François investit dans la mécanisation et dans la main d’œuvre. Et il a vu réapparaitre les hirondelles qui, en se nourrissant des insectes, remplacent les pesticides. Les abeilles reviennent également. En même temps, Paul François nous dit comment « il gagne mieux sa vie en bio qu’en conventionnel ». Suite à sa maladie professionnelle, Paul François a remporté une bataille juridique contre Monsanto. C’est dire son courage et sa persévérance. La transformation de son exploitation est un exploit remarquable.

 

Arrêter de parler et agir
Rencontre avec Afroz Shah (p 65-75)

Afros Shah est un jeune avocat indien qui a engagé la lutte contre le plastique répandu sur une grande plage à Mumbaï. Une grande mobilisation pour le nettoyage s’en est suivie. C’est une action de terrain. Voilà une action qui évoque la responsabilité qui incombe à chacun de nous. « C’est le raisonnement que s’est tenu Afroz. Et il se trouve qu’il est à l’origine, par son seul engagement, d’un considérable mouvement de nettoyage du plastique à Mumbaï, qui a inspiré des milliers et peut-être même des millions de personnes en Inde et dans de nombreuses régions du monde » (p 71).

 

La maternité d’un élevage intensif
Rencontre avec Laurent Hélaine et Philippe Grégoire
(p 77-96)

Cette visite à un élevage intensif suscite en nous un effroi et un écœurement. A cette occasion, la question de la consommation de la viande dans l’alimentation est posée. Cyril Dion ouvre la réflexion : « Si nous voulons réduire considérablement notre consommation de viande, il serait sans doute plus efficace de le faire à travers une mesure structurelle emblématique qui, à mon sens, ferait honneur à l’humanité : bannir l’élevage en cage, mais également en bâtiment fermé sans accès à l’extérieur comme le propose le référendum pour les animaux… Interdire ce type d’élevage aurait la vertu de cesser d’infliger ces terribles conditions de vie à des animaux, mais également de diminuer mécaniquement la quantité de viande que nous pourrions consommer » (p 95-96).

 

Des lois pour transformer la société
Rencontre avec Claire Nouvion et Matthieu Colléter
(p 98-125)

On parle ici des actions volontaires pouvant exercer une influence. On a besoin de lois pour changer la donne. Face aux lobbys, une conscience politique est nécessaire. Des associations s’emploient avec persévérance à obtenir des changements législatifs. C’est le cas de l’association Bloom où travaillent Claire et Matthieu, et qui intervient au niveau européen. Ainsi, elle est parvenue à gagner une bataille contre la pêche en eau profonde. C’est une victoire importante, mais il a fallu des années pour y parvenir alors que les nouvelles techniques de pêche ravageaient les fonds sous-marins. A ce propos, Cyril Dion nous décrit les coulisses des pouvoirs politiques. Il nous rapporte par exemple l’expérience innovante qui a été celle de la Convention citoyenne pour le climat (p 120-123). Et comme il y a activement participé, il nous en montre également les limites, tous les obstacles auxquels les propositions de la Convention se sont heurtées. « Les groupes d’intérêt privés ont une influence disproportionnée sur les décisions publiques ». Alors, une pression de l’opinion est particulièrement nécessaire. Mais pour l’emporter, « peut-être avons nous besoin d’un autre récit de ce que l’avenir pourrait être ».

 

Le récit de la croissance et les nouveaux indicateurs.
Rencontre avec Eloi Laurent
(p 127-145)

L’ancien récit « fondé sur la croissance économique et une certaine conception du progrès est en train de nous entrainer vers l’abime ». C’est ce que nous a longuement expliqué Eloi Laurent, économiste à l’OCDE et enseignant à Sciences Po Paris et à l’université de Stanford en Californie. Considérant la relation entre économie et écologie, Eloi Laurent a mis l’accent sur l’interaction entre la crise des inégalités et la question écologique en les considérant comme liées et jumelles » (p 127). Quel type de dynamique sociale conduit aux crises écologiques ? Quelle est la source du problème ? « Il est désormais absolument clair que la poursuite de la croissance économique telle qu’elle est conçue aujourd’hui, engendre la destruction des écosystèmes » (p 129). « Avec ‘Les limites de la croissance’, écrit au début des années 1970, l’équipe autour de Dennis et Donella Meadows avait une incroyable intuition de ce qui allait se passer » (p 130). Selon Eloi Laurent, les concepts de croissance et de décroissance ne sont plus pertinents. « Il faut se concentrer sur le bien-être humain. Ce qui compte pour les gens, c’est la santé et les liens sociaux ». Eloi Laurent propose la santé comme l’indicateur fondamental qui doit et qui va remplacer la croissance au XXIe siècle (p 153). « Malheureusement, que ce soit le lien social ou la santé, ces deux indicateurs sont mis à mal par l’organisation actuelle du monde ». Eloi Laurent répond également à des questions sur le capitalisme. Ce qui importe, à son avis, c’est que la puissance publique ne soit pas au service du marché » (p 137). Par ailleurs, des pays comme la Chine et l’URSS ont de très mauvais bilans écologiques indépendamment du capitalisme. Au contraire, Eloi Laurent cite « des petits pays gouvernés par des femmes, qui ont décidé de sortir de la croissance : la Nouvelle-Zélande, la Finlande, l’Islande et l’Ecosse… On peut tout à fait décider que la richesse, c’est la santé, l’éducation, la biosphère… C’est en partie ce qu’ont fait les pays nordiques » (p 138).

 

La nature n’existe pas
Rencontre avec Philippe Descola
(p 147-173)

Cyril Dion décrit ensuite son champ de recherche. « Pour élaborer les directions des projets économiques et politiques, il nous faut adhérer à une lecture (forcément subjective), commune du  monde… (p 143) Ce dont nous avons besoin n’est pas de prouver fièrement que nous sommes capables d’accomplir des exploits, mais de détourner le fleuve pour que tout le monde aille dans la même direction. Mais, pour cela, nous avons besoin d’un autre récit collectif que celui de la croissance. Qui donne suffisamment de sens et de perspective à l’humanité pour orienter différemment son destin » (p 145). A partir de cet instant, nous avons réorienté notre quête. « Plutôt que de continuer à chercher des réponses techniques aux cinq causes de l’extinction dans une logique quelque peu mécanique, nous nous sommes intéressés à ce qui pourrait devenir les fondements d’un autre récit. Pour cela, nous sommes allés rencontrer Philippe Descola, sans doute l’un des anthropologues vivants les plus respectés, disciple de Claude Lévy-Strauss et auteur du livre : « Par delà. Nature et culture » (p 146).

Philippe Descola critique le concept de nature. « La nature, c’est essentiellement, ce qui est en dehors de nous les humains ». Elle est ce qui nous permet de regarder de haut tout ce qui est non humain… » (p 151). « La nature est devenue un élément central du monde des Européens ». Ce terme n’existe pas dans d’autres langues. En Europe, nous avons voulu établir « une frontière entre les animaux humains et non humains fondée sur discontinuité morale et subjective » (p 152). Mais, affirme Philippe Descola, « les « signes symboliques du langage » ne sont pas les seuls moyens de communication. En Amérique, les gens pensent que les animaux non humains peuvent former des projets et réfléchir sur eux-mêmes, qu’ils ont une sorte de subjectivité que l’on pourrait appeler intériorité ». Et, pour communiquer avec les animaux, ils intègrent les signes que ceux-ci utilisent » (p 153). « Nous sommes connectés à tous les éléments du monde de façon inextricable » (p 154).

 

Nous faisons partie du monde vivant
Rencontre avec Dr Jane Goodhall (3), fondatrice de l’Institut Jane Goodhall et messagère de la paix auprès des Nations unies.
(p 174-192)

« A une époque où les femmes étaient découragées de poursuivre des études scientifiques… Jane a eu l’audace d’engager des recherches non conventionnelles – d’abord sans diplôme, puis en passant à l’Université de Cambridge – en menant la toute première étude sur les chimpanzés dans leur environnement naturel. Grâce à sa ténacité, elle a non seulement vécu une vie extraordinaire, mais elle a surtout changé notre façon de penser la relation entre les humains et les animaux » (p 171). Parce qu’elle était en phase avec la forêt, les arbres, les animaux, Jane a pu entrer en contact avec les chimpanzés et mettre en évidence leurs capacités, entre autres, l’utilisation d’outils, abolissant la frontière qui avait été établie entre cette espèce et les humains. Aujourd’hui, Jane nous appelle à une prise de conscience : « Tout au long de notre évolution, nous faisions simplement partie du monde animal. Mais maintenant que nous avons développé un intellect, et que nous savons que nous détruisons la planète, notre rôle devrait être celui de réparer les dommages ». Le message de la Genèse devrait être compris comme attribuant à l’homme un rôle d’intendant. « Un bon intendant prend soin de la terre. L’heure est maintenant venue d’utiliser notre fameux intellect pour changer les choses… » (p 188).

 

La bibliothèque du vivant
Rencontre avec Dino Martins
(p 196-221)

Le voyage de Cyril Dion s’est poursuivi dans l’exploration du vivant et la compréhension des écosystèmes. Cyril Dion et son équipe ont rendu visite à Dino Martins, biologiste et créateur du Mpala Research Center au beau milieu du Kenya. Dino Martins est aussi un entomologiste passionné par la biodiversité et « plus particulièrement par les plus petites créatures que sont les abeilles, les termites et les insectes en général dont il est un spécialiste mondial » (p 189). Dino les a accompagné dans son parc du Kenya à la découverte des éléphants, des girafes et des zèbres en liberté dans leur environnement naturel. Ce fut un émerveillement. En cette circonstance, Dino Martins a mis en évidence l’importance de la biodiversité. «  Si nous perdions trop d’espèces, la vie humaine deviendrait misérable et nous serions nous-mêmes confrontés à un risque d’extinction. Chaque espèce fait partie de cette toile de la vie où tout est interconnecté. La bibliothèque du vivant est ce qui nous maintient en bonne santé, nous nourrit, nous rend heureux » (p 198). Dino décrit la vie des écosystèmes. Comment les animaux communiquent entre eux ? Comment les différentes espèces participent à l’équilibre des écosystèmes ?
Grand observateur des fourmis, Dino nous montre leur activité incessante. Elles contribuent notamment à la dispersion des graines. « Sans elles, il n’y aurait pas de prairies. Er, sans prairies, pas d’animaux. Ces fourmis font partie de ces écosystèmes depuis des centaines de milliers d’années et elles en sont une des espèces clé » (p 214).
Dino manifeste son enthousiasme pour tout ce qui est vivant. La faune sauvage « nous rappelle la beauté, la vérité, l’amour. Voir des animaux se déplacer dans ce monde est l’une des choses les plus magiques qui soient et je ne me lasserai jamais de les observer » (p 209).

 

La cascade trophique et les superprédateurs
Rencontre avec Liz Hadley
(p 225-249)

L’exploration se poursuit dans une rencontre avec Liz Hadley, responsable de la réserve naturelle de Jasper Ridge en plein milieu de la Silicon Valley en Californie. Dans cette petite réserve, la diversité se manifeste à nouveau dans la variété des espèces qui s’équilibrent les unes les autres. Et, à cet égard, on nous montre le rôle que jouent les superprédateurs, comme par exemple les pumas « en régulant les populations de cervidés, permettent de contrer la maladie de Lyme issue des acariens qui s’attachent aux cerfs » (p 227).

 

Cohabiter avec les loups
Rencontre avec Baptiste Morizot et Jean-Marc Landry
(p 251-300)

Dans ce monde du vivant, comment les humains vont-ils se comporter, en terme de guerre ou de respect envers les espèces animales ? Aujourd’hui, en France, les loups reviennent et paraissent menaçants. Effectivement, les éleveurs sont inquiets lorsqu’ils voient les troupeaux attaqués. Cyril Dion est allé à la rencontre d’un éleveur et il a interrogé le philosophe Baptiste Morizot. Ce dernier s’est interrogé sur notre possible cohabitation avec les loups en expérimentant sur le terrain, pistant les loups et autres prédateurs, mais aussi en allant à la rencontre  des éleveurs » (p 249).
Ainsi Baptiste s’implique dans l’approche suivante. « C’est une situation dans laquelle les différents camps sont venus à cohabiter dans les mêmes territoires tout en ayant des intérêts contradictoires. Ils doivent apprendre des langages communs et trouver des moyens de se faire passer des messages, de traduire leurs comportements mutuels pour entretenir des relations moins toxiques » (p 270).
Baptiste Morizot a écrit un livre : « les diplomates ». Aujourd’hui, le monde vivant nous rappelle qu’il est bien vivant, qu’il n’a jamais été un décor et qu’il faut agir avec lui avec le même degré d’attention et de sérieux que nous le faisons avec les altérités humaines… Le grand enjeu aujourd’hui, c’est de leur rendre justice. Et donc de commencer à apprendre leur langage, à comprendre comment ils vivent pour inventer des modus vivendi. En ce sens, il s’agit de diplomatie » (p 295).

 

Coopérer avec le vivant
L’exemple du Bec Hellouin (4)
Rencontre avec Perrine et Charles Hervé-Gruyer
(p 201-215)

« Cohabiter avec le vivant, c’est non seulement le comprendre et le protéger, mais c’est aussi le moyen de collaborer avec lui ». Existe-t-il une façon d’habiter cette planète avec une logique de gagnant-gagnant avec le vivant ? Il y a bien une nouvelle logique qui émerge, notamment autour des dynamiques permaculturelles » (p 299).

« A la ferme du Bec Hellouin, on peut découvrir une des applications, de la permaculture à l’agriculture, les plus abouties du monde… La visite même du lieu est transformatrice… L’harmonie des formes, des couleurs, la diversité des cultures dans un espace si réduit, le soin apporté à la construction de chaque butte, de chaque mare, de chaque bâtiment a quelque chose de bouleversant… De cette organisation profondément intelligente peut jaillir la beauté conjuguée à l’efficacité créée par une forme de symbiose entre les différents systèmes qui coexistent » (p 300).

Charles nous raconte l’histoire de la ferme. « La création de la ferme a été une véritable aventure. Au départ, notre rêve était de vivre en harmonie avec la nature… Dans cette quête de beauté, nous avons composé l’ensemble un peu comme un tableau avec beaucoup de petits espaces… Sans le savoir, nous avons reconstitué un paysage complexe qui favorise les connexions. Puis quelque chose de magnifique s’est produit. On cherchait la beauté et la nature nous a offert un cadeau formidable : la productivité » (p 303). « Cette ferme fait 20 hectares », nous  dit Perrine, « mais nous nous contentons d’en cultiver 5, car nous faisons tout à la main ou avec un cheval de trait… Une culture sans engrais, sans pesticide, sans produit chimique ou de synthèse » (p 302). Charles nous décrit une trajectoire de découverte : « Au fil des ans, nous avons découvert qu’en faisant tout à la main, nous pouvions faire pousser plus de légumes en moins d’espace. Ce faisant, on libère les 9/10 du territoire pour installer des milliers d’arbres, des haies, des mares, des plantes aromatiques et médicinales. Autant de milieux différents, de niches écologiques qui permettent d’accueillir la faune et la flore sauvage. Nous avons progressivement observé la réapparition des insectes, des papillons, des vers de terre et des abeilles, mais aussi d’oiseaux en voie de disparition et de plantes indigènes… » (p 302). C’est vraiment une coopération avec la nature. « Au départ, on voulait produire notre nourriture en faisant le moins de mal possible à la planète. Mais un jour, on s’est dit que cette histoire ne tenait pas debout, que ce que nous voulions en réalité, c’est produire en faisant du bien à la planète. Depuis, nous faisons tous le jours le constat qu’on peut résoudre cette équation difficile qui consiste à cultiver une nourriture de qualité en réparant les blessures qu’on a infligé aux écosystèmes » (p 304).

 

Coopérer avec le vivant

Cyril Dion poursuit cette conversation sur la manière de coopérer avec le vivant en interrogeant François Léger, enseignant chercheur en agro-écologie, longtemps conseiller scientifique de la ferme du Bec Hellouin. A la demande des deux adolescents accompagnant Cyril Dion, la conversation a porté notamment sur la place des animaux dans le système agricole. Ce fut ensuite une rencontre avec Nicolas Vereecken, professeur d’agro-écologie et spécialiste des insectes. Notre intérêt pour les ruches et les abeilles domestiques ne doit pas nous faire oublier la vie et le rôle des abeilles sauvages qui jouent un rôle important dans la pollinisation. Là encore, il faut envisager la biodiversité. « Si vous n’aviez pas d’oiseaux, de frelons, d’araignées, la vie serait beaucoup plus difficile pour nous tous, surtout en été parce que vous auriez des surpopulations d’insectes que tous ces organismes aident à contrôler… La clé de l’écologie, c’est l’interdépendance et l’équilibre » (p 333).

 

Partout des initiatives

Les entretiens se poursuivent avec des personnalités exceptionnelles en des lieux qui parsèment la planète.
C’est la rencontre avec Lotus Vermeer qui est parvenue à rétablir la biodiversité et à ramener des espèces dans les Channel Islands sur la côte de Californie. C’est une rencontre avec Valérie Cabanes, juriste international qui travaille au contact des peuples indigènes et lutte pour les droits humains et pour le droit de la nature. C’est une rencontre avec le président du Costa Rica qui, par une politique volontariste, est parvenu à rétablir la couverture forestière dans son pays, de 20% dans les années 1980, à 70% aujourd’hui. C’est une rencontre avec Paulino et Paolo Rivera, membres d’une tribu autochtone au Costa Rica, ayant dû abandonner leur lieu d’origine et ayant réussi à planter une forêt dans leur nouvel habitat.

 

En mobilisation

En fin de parcours, Cyril Dion nous rappelle l’inimaginable défi écologique auquel nous sommes confrontés.
« Le péril est là et demande, toutes affaires cessantes, à nous mobiliser comme en temps de guerre »… « Le changement auquel nous devons parvenir, est culturel et structurel « (p 415).

Ce livre nous aide puissamment à penser le monde différemment et nous éclaire sur les pistes d’action. Tout informé que nous ayons pu être sur les questions écologiques, nous sortons différents de cette lecture. A travers les entretiens, nous avons découvert une multitude de situations et des réponses aux questionnements ainsi éveillés. Avec Cyril Dion et les deux adolescents qui l’ont accompagné, Bella et Vipulan, nous avons participé à une véritable exploration, à une grande épopée. A travers des flashs significatifs, nous avons rapporté cette lecture enthousiasmante qui vient accompagner un film impressionnant et mobilisateur (5). De quoi envisager ensemble un nouveau récit et un projet commun.

J H

  1. Le film « Demain » : https://vivreetesperer.com/le-film-demain/
  2. Cyril Dion Avec la collaboration de Nelly Pons. Animal. Chaque génération a son combat. Voici le nôtre. Actes sud. Colibris (Domaines du possible).
  3. A paraitre sur ce blog : Jane Goodhall : Une recherche pionnière sur les chimpanzés, une ouverture spirituelle, un engagement écologique.
  4. Cultiver la terre en harmonie avec la nature (la ferme du Bec Hellouin) : https://vivreetesperer.com/cultiver-la-terre-en-harmonie-avec-la-nature/
  5. Le film : Animal : https://www.youtube.com/watch?v=b0HouR6CYK4