L’avenir inachevĂ© de Dieu. Pourquoi c’est important pour nous !

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Interview de JĂŒrgen Moltmann

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Dans son Ɠuvre thĂ©ologique inspirĂ©e par la parole biblique et en phase avec les questionnements de notre temps, JĂŒrgen Moltmann rĂ©pond Ă  beaucoup de nos interrogations et c’est pourquoi sa pensĂ©e est trĂšs prĂ©sente sur ce blog (1). L’Ɠuvre de Moltmann est considĂ©rable (2). Dans cette interview, il rĂ©pond Ă  des questions qui  lui sont posĂ©es en prĂ©lude Ă  une confĂ©rence nationale thĂ©ologique organisĂ©e par le « Trinity College » aux Etats-Unis (3).

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moltmann
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Pour entrer plus profondĂ©ment dans la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann, on se reportera au livre : « De commencements en recommencements. Une dynamique de l’espĂ©rance » (4). Nous renvoyons Ă©galement au blog : « L’Esprit qui donne la vie » qui se donne pour but de prĂ©senter la pensĂ©e de Moltmann en termes accessibles Ă  tous (5).

Nous prĂ©sentons ici les grands thĂšmes de son interview dans une transposition en français qui cherche Ă  rendre compte de l’orientation de sa pensĂ©e Ă  partir d’extraits de ses propos.

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Dans la fin, un commencement

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Les derniers mots de Dietrich Bonhoeffer, avant d’ĂȘtre conduit Ă  la potence, ont Ă©té : « C’est la fin. Pour moi, le commencement de la vie ». Dans la fin, il y a un commencement nouveau. Si vous cherchez un nouveau commencement, il viendra Ă  vous. Je suis convaincu que, dans la fin, il y a un nouveau commencement qui est cachĂ©. J’ai fait cette expĂ©rience dans ma vie Ă  ses dĂ©buts dans le gigantesque incendie de Hambourg et le camp de prisonniers oĂč j’étais dĂ©tenu. Dans la fin, vous devez regarder en avant et ne jamais abandonner.

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L’eschatologie : la puissance de vie de l’espĂ©rance.

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L’eschatologie est un mot qui peut paraĂźtre Ă©trange. En fait, ce mot traduit la puissance de vie de l’espĂ©rance, une force qui permet de se relever aprĂšs une dĂ©faite et de recommencer. JĂŒrgen Moltmann montre un culbuto : ce petit bonhomme qui se redresse Ă  chaque fois qu’on le met par terre.

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L’eschatologie, un regard vers l’avenir

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L’eschatologie ne concerne pas seulement l’avenir, mais elle porte aussi sur la prĂ©sence actuelle de cet avenir. Si l’avenir, c’est la nouvelle crĂ©ation et la rĂ©surrection des morts, alors cette prĂ©sence est dĂ©jĂ  remplie par l’expĂ©rience de la rĂ©surrection. Nous expĂ©rimentons cette prĂ©sence de vie avant la mort dans l’esprit de la rĂ©surrection : ĂȘtre nĂ© Ă  nouveau dans une espĂ©rance vivante selon le Nouveau Testament. Cela nous donne la certitude de ressusciter aprĂšs la mort. Ainsi ce n’est pas une spĂ©culation. Ce n’est pas un dĂ©sir non fondĂ©, une imagination issue de notre dĂ©sir (« wishful thinking ». C’est le pouvoir de tenir bon.

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Non au catastrophisme

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Si nous nous attendons Ă  une catastrophe Ă  la fin du monde, comment pourrions-nous sauvegarder le monde d’aujourd’hui ? AprĂšs nous, le dĂ©luge ! Nos attentes modĂšlent toujours notre expĂ©rience du prĂ©sent et les dĂ©cisions que nous prenons. C’est pourquoi l’attente apocalyptique d’une catastrophe Ă  la fin de l’Histoire est particuliĂšrement dangereuse, car elle dĂ©truit ce qui doit ĂȘtre prĂ©servĂ© au nom de Dieu, ici et maintenant.

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Une espĂ©rance Ă  l’Ɠuvre dans l’histoire humaine.

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Les aspirations humaines Ă  un Ă©panouissement de l’humanitĂ© constituent une attente ancienne qui est importante parce qu’elle reprĂ©sente un pont entre l’histoire humaine et la nouvelle crĂ©ation du monde. L’espĂ©rance chrĂ©tienne s’inscrit dans l’Histoire : travailler pour un monde meilleur ici et maintenant. Il y a un but dans l’Histoire parce que l’unicité  de Dieu s’incarne en Christ. Christ est le royaume de Dieu en personne. Il ne vient pas dans le temps, il le transforme. Suivre Christ, c’est travailler pour le royaume, partager sa mission messianique d’apporter l’Evangile aux pauvres, de guĂ©rir les malades, de libĂ©rer les opprimĂ©s.

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Comment JĂŒrgen Moltmann lit la Bible

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Dans la Bible, il y a la prĂ©sence de la Parole de Dieu dans un langage humain. Je ne dirai pas que chaque mot dans la Bible est une parole de Dieu. La Bible est un tĂ©moignage humain Ă  la prĂ©sence de la Parole de Dieu. Je lis et j’écoute ce que disent les psaumes, les prophĂštes, les apĂŽtres et les Ă©vangĂ©listes. J’y pense. Je compare. Puis je converse avec les auteurs pour trouver une solution Ă  mes problĂšmes. J’ai un grand respect pour la prĂ©sence de Dieu dans la Bible. J’ai aussi du respect pour ma conscience et le travail de mon intelligence. Je cherche une solution par rapport Ă  mes questions.

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Comment JĂŒrgen Moltmann Ă©labore sa pensĂ©e thĂ©ologique.

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La premiĂšre vertu thĂ©ologique est la curiositĂ©. Quand je rĂ©flĂ©chis sur un thĂšme, par exemple l’espĂ©rance, j’applique cette perspective Ă  diffĂ©rents sujets. Par exemple : A quoi ressemble la crĂ©ation dans une perspective d’espĂ©rance ? Ou bien  comment envisager l’histoire humaine sur ce registre ? Et comment considĂ©rer l’ĂȘtre humain sous cet angle ? C’est une approche un peu centrĂ©e, mais elle permet de dĂ©couvrir de nouvelles choses. De mĂȘme si vous pensez Ă  la souffrance de Christ et de Dieu sur la croix, vous pouvez, Ă  partir de lĂ , explorer le thĂšme de la souffrance. Dix ans plus tard, j’ai dĂ©veloppĂ© une doctrine sociale de la TrinitĂ©. La vie sociale, la sociabilitĂ© humaine devraient reflĂ©ter l’image de Dieu comme un Dieu relationnel, trois en un, trine .

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La représentation du temps

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Notre expĂ©rience du temps est celle d’un temps qui passe, un temps transitoire qui s’écoule nous laissant dĂ©pourvu. C’est ce que l’on dĂ©signe par le terme de « chronos » Mais Christ ne vient pas dans le temps. Il vient pour transformer le temps. Il transforme le temps en « kairos », une vie pleine, un temps qui dure en sa prĂ©sence. Nous faisons l’expĂ©rience de chronos. Ce que nous attendons dans l’Esprit de Dieu, c’est kairos. Ce que nous attendons, c’est une vie Ă©ternelle .En Christ, nous expĂ©rimentons un passage de chronos Ă  kairos. Chronos est en train de s’éloigner. Kairos est en train de venir.

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Le Royaume de Dieu : une réalité holistique.

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Dans le Royaume de Dieu, le divin et l’humain, le cĂ©leste et le terrestre s’entrelacent et s’interpĂ©nĂštrent. C’est la vision des prophĂštes d’IsraĂ«l et des apĂŽtres. Aucun aspect de la vie n’est sĂ©parĂ© de Dieu. Si on se focalise sur le salut de l’ñme, alors on nĂ©glige le salut social et le salut de la nature. Nous avons besoin d’une comprĂ©hension holistique du Royaume de Dieu qui est prĂ©sent partout. « Voici, je fais toutes choses nouvelles », peut-on lire dans le chapitre 21 de l’Apocalypse. C’est la promesse d’une nouvelle crĂ©ation.

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Le jugement dernier

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Dans le Nouveau Testament, il y a deux courants de pensĂ©e Ă  propos du jugement. D’une part, Matthieu et Marc, d’autre part l’apĂŽtre Paul. Ce dernier a globalement une pensĂ©e universaliste. A la fin, « toutes langues confesseront que JĂ©sus est Seigneur Ă  la gloire de Dieu le PĂšre ». Face Ă  ces diffĂ©rences d’apprĂ©ciation, on doit donc se former son propre jugement. Je pense que le jugement final n’a pas grand chose Ă  voir avec le Bien et le Mal, ou les bons et les mĂ©chants mais bien plus avec les victimes et les bourreaux. Nous devrions attendre ce jugement final avec joie parce que ce sera la victoire de la justice de Dieu. Cette justice, n’est pas une dĂ©nonciation : ceci est bon et ceci est mauvais, mais c’est une justice crĂ©atrice. Elle apporte la justice Ă  ceux qui ont souffert de la violence et elle apporte la justification aux pĂ©cheurs pour transformer les pĂ©cheurs en personnes justes. C’est un grand chantier thĂ©ologique que de christianiser la reprĂ©sentation du jugement final.

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Nous ne sommes pas Ă©trangers sur cette terre.

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L’espĂ©rance chrĂ©tienne, ce n’est pas d’aller au ciel, mais c’est la « rĂ©surrection de la chair et la vie du monde Ă  venir ». Le monde Ă  venir, c’est une nouvelle terre et un ciel nouveau, une situation oĂč la terre et le ciel se rencontrent. Cette espĂ©rance, ce n’est pas quitter le monde pour aller au ciel, parce que cette conception dĂ©tache les gens de la terre, de ce qui se passe ici et maintenant. Si notre patrie, notre « chez moi », n’est pas dans ce monde, mais au ciel, nous n’avons plus Ă  nous soucier de la terre. Nous sommes des hĂŽtes de passage, des Ă©trangers sur cette terre. Alors nous pouvons faire ce que nous voulons : exploiter la terre, dĂ©truire la terre. Cela n’est pas l’espĂ©rance chrĂ©tienne. C’est une autre religion.

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Le christianisme : non pas la condamnation, mais la vie

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Qui sommes-nous pour condamner quelqu’un ? Est-il possible de dire Ă  propos d’un fils incrĂ©dule: malheureusement, il ira en enfer. Je ne suis pas universaliste, car il y a quelques personnes que je n’aimerais pas retrouver. Mais Dieu peut l’ĂȘtre. Naturellement, il ne va pas abandonner une de ses crĂ©atures, mĂȘme si elle est pervertie. Il ne va pas abandonner sa crĂ©ature, mais la transformer. La religion chrĂ©tienne, ce n’est pas la condamnation. C’est la vie, la puissance de la vie, la puissance de l’amour.

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Une bonne nouvelle

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Nous recevons ces propos de JĂŒrgen Moltmann comme une bonne nouvelle. Dans un monde religieux oĂč, dans telle ou telle configuration, on peut percevoir de l’étroitesse de vue et de la violence, ces propos nous proposent une vision unifiante, pacifiante, une dynamique d’espĂ©rance et de vie.   « Que le Dieu de l’EspĂ©rance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi pour que vous abondiez en espĂ©rance par la puissance du Saint-Esprit ! ». JĂŒrgen Moltmann Ă©voque cette citation de l’épĂźtre aux Romains (15, 13) au dĂ©but d’un chapitre de son livre : « De commencements en recommencements ». Il Ă©crit : « L’avenir n’est pas un aspect du christianisme mais l’élĂ©ment de la foi qui se veut chrĂ©tienne
La foi est chrĂ©tienne lorsqu’elle est la foi de PĂąques. Avoir la foi, c’est vivre dans la prĂ©sence du Christ ressuscitĂ© et tendre vers le futur royaume de Dieu. C’est dans l’attente crĂ©atrice de la venue de Christ que nous faisons les expĂ©riences quotidiennes de la vie
 La foi qu’un autre monde est possible rend les chrĂ©tiens durablement capables de se tourner vers l’avenir » (6).

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J H

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(1)            Pourquoi ce blog ? https://vivreetesperer.com/?page_id=2  Sur ce blog, articles en rapport direct avec la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann : https://vivreetesperer.com/?tag=jurgen-moltmann

(2)            On pourra suivre le développement de la pensée théologique de Moltmann dans son autobiographie : « A broad place ».  Mise en perspective de ce livre : « Une théologie pour notre temps » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695

(3)            Interview de JĂŒrgen Moltman dans une vidĂ©o prĂ©sentĂ©e par le « Trinity Institute » Ă  l’occasion d’une 37Ăš confĂ©rence thĂ©ologique nationale aux Etats-Unis : « God’s unfinished future. Why it matters now » : http://www.trinitywallstreet.org/video/gods-unfinished-future-jurgen-moltmann-interview  Cette interview, rĂ©alisĂ©e au domicile de JĂŒrgen Moltmann dans son cadre familier  n’exprime pas seulement quelques rĂ©flexions profondes. Elle nous permet aussi d’entrer en contact avec une personnalitĂ© empathique.

(4)            Moltmann (JĂŒrgen). De commencements en recommencements. Une dynamique d’espĂ©rance. Empreinte Temps prĂ©sent, 2012. PrĂ©sentation sur ce blog : « Une dynamique de vie et d’espĂ©rance »  https://vivreetesperer.com/?p=572

(5)            Voir le blog : « L’Esprit qui donne la vie. RĂ©flĂ©chir et mĂ©diter avec JĂŒrgen Moltmann » : http://www.lespritquidonnelavie.com/

(6)            In : « De commencements en recommencements » p 110

Une Ă©motion Ă  surmonter : la peur

Une approche psycho-spirituelle de Thomas d’Ansembourg

Si on compte sept Ă©motions de base parmi lesquelles la peur, la colĂšre, la tristesse, la joie, la peur est l’une de celles qui est la plus difficile Ă  gĂ©rer. Dans une sĂ©rie de courtes vidĂ©os interview chez les « dominicains de Belgique », Thomas d’Ansembourg dont on sait sur ce blog combien son apport (1) est innovant et encourageant, parle de plusieurs Ă©motions et ici de la peur (2). Son enseignement est prĂ©cieux.

https://youtu.be/ujFSylfXkJA

La peur, un indicateur Ă  prendre en compte

 « La peur est une des Ă©motions les plus rĂ©currentes. Elle indique bien sĂ»r un besoin de sĂ©curitĂ©. Lorsque nous avons peur, c’est que nous ne nous sentons pas en sĂ©curitĂ©. Le besoin de sĂ©curitĂ© est fondamental pour tout ĂȘtre vivant et, bien sur, particuliĂšrement pour nous, ĂȘtres humains qui sommes assez fragiles et donc, nous avons besoin de savoir comment prendre soin de notre besoin de sĂ©curitĂ© qui peut se vivre sur diffĂ©rents plans. Ce peut-ĂȘtre un besoin de sĂ©curitĂ© physique, un besoin de sĂ©curitĂ© matĂ©rielle ou un besoin de sĂ©curitĂ© affective et relationnelle ».

Thomas d’Ansembourg envisage la peur comme un clignotant (un clignotant sur un tableau de bord), « un clignotant par rapport Ă  un besoin qui n’est pas satisfait, le besoin de sĂ©curité ». « Pour pouvoir dĂ©passer la peur, cela nous demande de pouvoir l’écouter ». Thomas nous invite Ă  visualiser cette attitude d’écoute par le geste de rapprocher une chaise, « pouvoir nous asseoir Ă  cotĂ© de notre peur » et dialoguer avec elle. « Viens ici ma peur. Qu’est ce que tu as Ă  me dire ? C’est quoi ton message ? ». « Et la plupart du temps, si j’écoute, je vais recevoir son message : j’aurais besoin de faire confiance dans la vie, de faire confiance dans les gens, de faire confiance Ă  mon ‘enfant’, de faire confiance Ă  moi ». Elargir notre champ de. discernement
 « Assez souvent, la peur renseigne sur un besoin d’estime de soi. L’estime de soi, ce n’est pas un petit besoin. 90% de la population Ă©prouve un besoin d’estime de soi. C’est un besoin que j’ai eu moi-mĂȘme Ă  travailler en entrant en thĂ©rapie : trouver une juste estime de moi. Pour ce qui est d’avoir peur de la pression sociale des jugements, des critiques et d’arriver Ă  trouver sa façon, son autonomie, nous avons besoin d’apprendre ».

La peur peut ĂȘtre apprivoisĂ©e Ă  travers des dialogues rĂ©guliers. « La peur est comme un chien de garde dans une maison. Elle nous avertit d’un danger. Peut-ĂȘtre que tu vas trop vite, peut-ĂȘtre trop lentement. Fais attention Ă  ceci. Fais attention Ă  cela. On va Ă©couter le message du chien de garde. Cela, c’est le dialogue intĂ©rieur. Et ensuite, j’ai compris le message et alors je renvoie la peur parce que j’ai compris.

Ce qui est prĂ©cieux, ce n’est pas de ne pas avoir peur. C’est ne pas avoir peur d’avoir peur. Nous pouvons acquĂ©rir une plus grande capacitĂ© de cohabiter avec cette Ă©motion, Ă  la dĂ©passer. Le risque, c’est que le chien de garde prenne toute la place. Beaucoup de gens sont terrorisĂ©s par la peur. Ecouter le message, ajuster le comportement, reconnaĂźtre la peur pour sa fonction, cela ne tombe pas du ciel. Ce sont des apprentissages Ă  faire petit Ă  petit ».

 

Une confiance à développer

 Thomas d’Ansembourg nous propose une vision positive : « Dans mon expĂ©rience d’accompagnement des personnes
 je rĂ©alise que l’enjeu est de taille : Nous avons Ă  faire confiance dans la beautĂ© et la bontĂ© de la Vie. La maman qui a peur de tout, qui a peur que tout arrive, qui interdit aux enfants de sortir, est bien intentionnĂ©e, mais elle est tellement terrorisĂ©e qu’elle n’a pas confiance dans la vie. Elle pourrait Ă©touffer ses enfants et casser leur confiance en soi. Elle a donc besoin, pour encourager leur confiance en soi, de retrouver elle-mĂȘme la confiance en elle. J’ai besoin d’apprendre Ă  faire confiance dans la Vie. La Vie ne veut pas du mal. La Vie veut du bien. Et donc, il y a une dimension spirituelle de la peur. Plus nous entrerons dans une connaissance profonde de nous-mĂȘme, la dimension du souffle qui nous habite, la dimension d’appartenance Ă  ce projet magnifique qui va bien au delĂ  de nous et qu’on appelle la Vie, plus nous frĂ©quenterons les rĂ©gions qu’on appelle Dieu, mais qu’on peut appeler l’Infini ou le Tout,  plus nous sentirons que tout cela est soutenant, aimant et nous veut du bien. Inversement, en pensant Ă  ma pratique, quand on n’a pas conscience de cela, quand nous nous sentons seuls, coupĂ©s, sans appartenance, alors nous commençons Ă  avoir peur de tout. Il y a donc une dimension d’ouverture psycho-spirituelle qui nous permet
 de tabler profondĂ©ment de tout son ĂȘtre sur le fait que la vie nous veut du bien et d’entrer dans une voie d’expansion de nous-mĂȘme ».

 

Des chemins différents

 L’interviewer pose alors une question Ă  Thomas d’Ansembourg : « Certains d’entre nous ont plus peur que d’autres . Comment peut-on expliquer cela ? C’est notre histoire personnelle ? Ce sont nos blessures ? ». « Il y a tout un cocktail d’élĂ©ments dans ce genre de choses : notre histoire personnelle, la maniĂšre dont on a grandi. Il y a les modĂšles qu’ont donnĂ© les parents (plutĂŽt inquiets ou plutĂŽt confiants
). Cela est trĂšs impressionnant, cela fait impression ». Les parents peuvent se demander « quels modĂšles ils donnent Ă  leurs enfants : modĂšles de peur ou modĂšles de confiance, d’expansion, d’ouverture » 

« Arrivons-nous complĂštement indemnes ?… Je trouve intĂ©ressant d’ouvrir cette possibilitĂ©. Peut-ĂȘtre que je peux observer cela pour le dĂ©manteler petit Ă  petit. Nous avons un libre examen. Et si nous prenons conscience de nos peurs, nous pouvons les dĂ©manteler » . L’interviewer Ă©voque la psychologie transgĂ©nĂ©rationnelle. « Effectivement, nous pouvons reproduire des scĂ©narios qui ont Ă©tĂ© vĂ©cu par nos grands-parents, nos arriĂšre grands-parents et mĂȘme des grands oncles. Donc c’est intĂ©ressant de ne pas subir l’avenir, de ne pas dire : je suis comme cela, je ne changerai pas. Non, nous avons un pouvoir de transformation considĂ©rable si nous portons les choses Ă  la conscience et c’est cela l’enjeu  »

 

Un message de confiance

« L’idĂ©e que je porte chĂšrement dans mon cƓur, c’est que nous avons la capacitĂ© de traverser les dĂ©fis qui nous gĂȘnent. J’en suis convaincu. L’image de l’oiseau sur la branche peut nous aider. L’oiseau sur la branche n’a pas tellement confiance dans la branche parce qu’elle pourrait casser Ă  tout moment, car fragile, un peu pourrie
 L’oiseau a surtout confiance dans sa capacitĂ© de reprendre son envol si jamais la branche tombe. C’est Ă  cela que j’invite les personnes : prendre conscience dans notre capacitĂ© Ă  reprendre notre envol, Ă  rouvrir nos ailes Ă  dĂ©passer les risques, si jamais risque il y avait.

LĂ , il y a vraiment la capacitĂ© d’un citoyen beaucoup plus inspirĂ© et donc inspirant, un citoyen beaucoup plus pacifiĂ© et donc pacifiant parce qu’il a acquis cette confiance en soi, qu’il n’est plus dans le stress, l’agitation qui gĂ©nĂšrent tellement de confusion aujourd’hui. »

La peur s’exprime parfois collectivement. Ainsi l’interviewer Ă©voque le racisme. N’est-ce pas la peur de l’altĂ©ritĂ©, de la diffĂ©rence ? « Oui, bien sur, c’est une forme de peur : racisme, intĂ©grisme, radicalisme, retour Ă  la lettre du texte, aux traditions du passé  Tout cela c’est la peur de l’ouverture, du cheminement, de l’éveil, de la transformation
 C’est une difficultĂ© Ă  accepter la nouveautĂ©, le changement, la vie telle qu’elle et non pas telle qu’on voudrait qu’elle soit, accepter le cours des choses, ĂȘtre joyeux de ce qui est plutĂŽt que de ce qui n’est pas… Donc on voit bien qu’il y a un travail psycho-spirituel de connaissance de soi, d’élargissement du discernement, d’ancrage dans nos valeurs, d’ouverture Ă  la vie spirituelle qui peut nous aider Ă  dĂ©passer la peur sans la nier, mais Ă  la dĂ©passer, pour mieux vivre, une vie plus valide, plus gĂ©nĂ©reuse  ».

Cette interview de Thomas d’Ansembourg est une ressource qui vient nous aider Ă  affronter nos ressentis de peur. Elle est accessible et ouverte Ă  tous. Le message chrĂ©tien nous invite Ă©galement Ă  ne pas craindre et Ă  faire confiance. « Ne crains pas » est un des appels les plus rĂ©pandus dans la parole biblique. Il est trĂšs prĂ©sent dans l’Évangile. Ainsi parle JĂ©sus : « Ne crains pas. Crois seulement » (Marc 5.36)(3). Ici, le remĂšde Ă  la peur, c’est la confiance, cette derniĂšre Ă©tant prĂ©sente dans l’étymologie du mot croire (4). Sur ce blog, on trouvera un tĂ©moignage d’Odile Hassenforder qui raconte, combien, dans une Ă©preuve de santĂ©, elle a Ă©tĂ© encouragĂ©e par quelqu’un qui ne disait pas aux autres : « bon courage », mais « confiance », « Dame confiance »  (5). L’élan de vie dont parle Thomas d’Ansembourg rejoint cette inspiration. Cette interview sur la peur comme Ă©motion nous entraine dans une dĂ©marche psycho-spirituelle.

J H

  1. Thomas d’Ansembourg, sur le blog : Vivre et espĂ©rer : « Face Ă  la violence, apprendre la paix » (avec des liens aux autres interviews de Thomas d’Ansembourg sur ce blog) : https://vivreetesperer.com/face-a-la-violence-apprendre-la-paix/
  2. Interview de Thomas d’Ansembourg sur la peur  chez les dominicains de Belgique : https://www.youtube.com/watch?v=ujFSylfXkJA
  3. « Ne crains pas. Crois seulement » Un commentaire : https://passlemot.topchretien.com/ne-crains-pas-crois-seulement-mc-536-la-foi-nechou/
  4. A propos du verbe croire : https://www.rabbin-daniel-farhi.com/ambiguite-du-verbe-croire/1021
  5. « Dame confiance » sur : Vivre et espérer : https://vivreetesperer.com/dame-confiance/ Un écho à cet article : « Un message qui passe à travers les rencontres » : https://vivreetesperer.com/odile-hassenforder-sa-presence-dans-ma-vie-un-temoignage-vivant/

Avant toute chose, la vie est bonne !

https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/51auQ7srgSL._SX195_.jpgSi tu vis, c’est beau que tu existes !

L’émerveillement est le fondement de l’existence.

Propos de Bertrand Vergely

Dans son livre : « Retour Ă  l’émerveillement » (1), Bertrand Vergely ouvre notre regard et notre horizon : « Qui s’émerveille n’est pas indiffĂ©rent. Il est ouvert au monde, Ă  l’humanitĂ©, Ă  l’existence. Il rend possible un lien Ă  ceux-ci » (p 9). InvitĂ© par le rĂ©seau Picpus (2) dans le cadre d’une sĂ©ance : « Lire aux Eclats », dans une courte intervention enregistrĂ©e en vidĂ©o, Bertrand Vergely revient sur cet ouvrage (3) . Et, en termes passionnĂ©s, il nous communique sa vision de la vie. C’est une vision qui rompt avec le marasme ambiant, une invitation Ă  la vie et l’espĂ©rance (4).

Ainsi, en quelques mots, nous retrace-t-il son parcours. Venant d’une enfance heureuse et Ă©clairĂ©e, il s’est trouvĂ© ensuite confrontĂ© Ă  « un monde en colĂšre, malheureux, triste, rĂ©volté ».  (Dans mon enfance et ma premiĂšre jeunesse), j’ai vĂ©cu dans un monde qui Ă©tait marquĂ© par la joie de vivre, par une mĂšre formidable. J’ai grandi dans la beautĂ© de l’église orthodoxe. J’ai eu le sentiment incroyable de la beautĂ© de la vie  »

Et ensuite, ce fut un choc : « J’ai dĂ©barquĂ© avec effroi dans un monde qui ignorait tout de la beautĂ© de la vie, dans un monde trĂšs en colĂšre contre l’existence. J’ai vu des gens tellement fĂąchĂ©s Ă  l’égard de l’existence qu’ils Ă©taient totalement fĂąchĂ©s avec Dieu
 J’ai Ă©tĂ© sidĂ©rĂ© par le nihilisme, le dĂ©sespoir de notre Ă©poque ». Dans cette colĂšre, Bertrand Vergely perçoit aussi une recherche de sens : « Qu’est ce que nous faisons sur terre ? Pourquoi est-ce que nous sommes là ? D’oĂč venons-nous ? OĂč allons-nous ? Est-ce que l’homme a une identité ? Est-ce qu’il est porteur de quelque chose ?

Et, comme philosophe, il entre en mouvement pour y rĂ©pondre. « Il faut absolument dire Ă  ce monde que la vie vaut la peine d’ĂȘtre vĂ©cue. J’ai revisitĂ© la tradition philosophique. J’ai essayé  d’expliquer pourquoi il fallait absolument revenir aux fondamentaux de l’existence. J’ai essayĂ© de dire une chose que Platon a trĂšs bien expliquĂ© au livre 6 de « La RĂ©publique », c’est que l’émerveillement est le fondement de l’existence. En termes mĂ©taphysiques, Platon a exprimĂ© une vĂ©ritĂ© qui est une vĂ©ritĂ© religieuse. L’essence du monde, c’est la beautĂ©. C’est cela qui tient le monde en Ă©quilibre ».

Pourquoi Dieu a-t-il crĂ©Ă© le monde ? Parce que c’est beau ! Si tu vis, c’est beau que tu existes ! Pourquoi fait-on des enfants ? Parce que c’est beau ! Nous venons de la beautĂ©. L’émerveillement devant la beautĂ©, c’est ce qui donne du sens au monde ».

Alors, dans un milieu marqué  par le pessimisme, Bertrand Vergely interpelle ses interlocuteurs. « Tu vas avoir une vie Ă  construire. Tu vas avoir des enfants Ă  Ă©lever. Qu’est ce que tu vas leur dire ?: « Tu viens de rien. Tu vas vers rien. Tu es porteur de rien » ou bien : « Tout est foutu, mais il faut y aller quand mĂȘme ». Et, en regard, il proclame : « Moi, je dis une chose. Tu viens de choses extraordinaires. Tu vas vers des choses extraordinaires. Tu es porteur de choses tout Ă  fait extraordinaires ».

Bien sĂ»r, dans la vie, il y a des difficultĂ©s Ă  traverser, des Ă©preuves Ă  affronter.  Mais, « avant toute chose, la vie est bonne ! Avant toute chose, il est magnifique que nous soyons là ! Ensuite, on peut discuter parce qu’il arrive quantitĂ© de choses dans l’existence. Et, Ă  un moment, tout n’est pas merveilleux, tout n’est pas magnifique ! » . Alors, pour faire face, « il convient de retrouver nos racines ». « Il est trĂšs important de retrouver les sources de notre existence » (5). « Nous sommes dans un monde qui a perdu la connaissance de lui-mĂȘme ». A certains moments, « nous avons Ă©tĂ© Ă©merveillĂ©s par la vie ». « Nous avons en nous une part d’émerveillement ». « Si nous luttons contre le mal qui existe Ă  l’intĂ©rieur du monde, c’est parce que, quelque part, nous avons en nous ce souvenir de l’émerveillement ». Saint Augustin a dit : « Si tu ne te souvenais pas de ton bonheur, tu ne te souviendrais pas de toi mĂȘme ».

Bertrand Vergely nous invite Ă  revisiter « la magnifique tradition biblique, Ă©vangĂ©lique oĂč Dieu crĂ©e le monde ». «  D’abord, il y a un Dieu. On ne vient pas de rien. On vient d’une volontĂ© qui veut que le monde soit et d’un Dieu qui se rĂ©jouit que le monde soit ». Il y a « quelque chose de magnifique qui veut que la joie se perpĂ©tue ». « Vivre, c’est cĂ©lĂ©brer l’existence ! ».

Ce sont lĂ  des propos percutants. On aime entendre ce parler direct dans la bouche d’un  philosophe, auteur de nombreux livres concernant la  philosophie. Celle-ci n’est plus seulement une affaire d’intellectuels ou de spĂ©cialistes, elle est aujourd’hui de plus en plus en prise avec les questions de la vie quotidienne. Et Bertrand Vergely poursuit Ă©galement une rĂ©flexion sur le bonheur (6). Les propos que nous venons d’entendre nous invitent Ă  revisiter son livre : « Retour Ă  l’émerveillement ».  Bertrand Vergely nous appelle Ă  entrer dans une dynamique de vie (7). « Avant toute chose, la vie est belle ! Il est magnifique que nous soyons là ! La vie vaut la peine d’ĂȘtre vĂ©cue ! ».

J H

 

(1)            Vergely (Bertrand). Retour Ă  l’émerveillement. Albin Michel, 2010 (Essais clĂ©s). Voir sur ce blog : « Emerveillement. Un regard nouveau » : https://vivreetesperer.com/?p=17 Bertrand Vergely est l’auteur de nombreux livres. Il expose sa pensĂ©e Ă  travers une interview dans un livre rĂ©cent : « Regards sur notre monde ». Entretiens d’Anne Christine Fournier avec RĂ©my Brague, Jean-Luc Marion, Edgar Morin, Eric de Rosny, Bertrand Vergely. (Mame, 2012)

(2)            « RĂ©seau Picpus, mouvement picpusien des jeunes, est nĂ© Ă  l’intuition de religieux de la  CongrĂ©gation des SacrĂ©s-CƓurs de Picpus qui ont souhaitĂ© offrir Ă  des Ă©tudiants et jeunes professionnels un espace d’enrichissement mutuel Ă  partir de leurs attentes. Ainsi, Ă  partir d’un panel d’entrĂ©es possibles (artistiques, culturelles, spirituelles) s’ouvre l’occasion d’une appropriation personnelle de la foi ». Ce rĂ©seau est trĂšs actif sur internet en y prĂ©sentant de nombreuses vidĂ©os : gospel, rencontre avec des personnalitĂ©s
. http://www.reseau-picpus.com/

(3)            VidĂ©o : Echange et dĂ©bat avec Bertrand Vergely dans le cadre de la sĂ©ance : « Lire aux Eclats » du dimanche 11 dĂ©cembre 2011 Ă  partir de son livre sur l’émerveillement. Mise en ligne le 18 fĂ©vrier 2012 :

 

(4)            Sur un autre plan, cette révolte contre la pessimisme ambiant et cette dynamique de vie se trouvent dans le récent livre de Jean-Claude Guillebaud : « Une autre vie est possible ». Mise en perspective sur ce blog : « Quel avenir pour la France et pour le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=937

(5)            Dans un article prĂ©cĂ©dent : « La vie est un cadeau », nous rapportons l’expĂ©rience d’Odile Hassenforder qui, face Ă  une dure Ă©preuve de santĂ©, a continuĂ© Ă  recevoir la vie comme un cadeau en puisant Ă  la source : un Dieu bon, puissance de vie : https://vivreetesperer.com/?p=1085.

(6)            Vergely (Bertrand). Petite philosophie du bonheur. Milan, 2012

(7)            Dans la mĂȘme perspective, nous trouvons une inspiration dans la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann qui nous fait entrer dans une thĂ©ologie de l’espĂ©rance qui met en Ă©vidence une puissance de vie.  L’Esprit de Dieu est « l’Esprit qui donne la vie » . Voir le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com « Le Dieu vivant appelle toujours Ă  la vie, que nous vivions ou que nous mourions. Sa proximitĂ© vivifie toujours et partout ». Moltmann (JĂŒrgen). De commencements en recommencements Une dynamique d’espĂ©rance. Empreinte, 2012. PrĂ©sentation sur ce blog : « Une dynamique de vie et d’espĂ©rance » : https://vivreetesperer.com/?p=572

Le miracle de l’existence

 Un éclairage de Bertrand Vergely

Se peut-il que nous soyons entrainĂ© par la routine des affaires courantes, l’emprise exercĂ©e par le flot des Ă©vĂšnements au point d’oublier ce qui nous fonde : notre propre expĂ©rience ? Se peut-il que dans le tourbillon du quotidien nous n’y prĂȘtions pas attention, nous ne percevions pas le flux de la vie qui nous est donnĂ©e sans compter, et, dans le mĂȘme mouvement, notre participation au monde des vivants ?

Lorsque cette conscience d’exister survient, elle peut ĂȘtre dĂ©crite comme une expĂ©rience fondatrice. C’est donc un dĂ©voilement de sens, c’est une joie libĂ©ratrice. Ce peut ĂȘtre une expĂ©rience bouleversante.

Dans son livre : « Sa prĂ©sence dans ma vie », Odile Hassenforder nous raconte comment, face Ă  l’adversitĂ©, elle a vĂ©cu cette expĂ©rience.

« Au fond de mon lit, en pleine aplasie due Ă  une chimio trop forte, j’ai reçu la joie de l’existence. Un cadeau gratuit donnĂ© Ă  tout humain par Dieu  ». « EpuisĂ©e, au fond de mon lit, incapable de toute activité  lĂ , inutile, je soupire : « qui suis-je ? ». LĂ , d’une seconde Ă  l’autre, je rĂ©alise cette chose extraordinaire : « j’existe ». C’est gratuit. Cela m’est donnĂ© gratuitement. Je suis partie intĂ©grante de la crĂ©ation : une Ă©toile dans le firmament, une pĂąquerette dans la prairie, peu importe. Etoile ou pĂąquerette, j’existe ». «  Une joie immense m’envahit au plus profond de moi-mĂȘme comme une louange Ă  notre Dieu. Il est grand, il est beau. Il est bon  » (1).

 

 

Le miracle d’exister

 Ainsi, cette expĂ©rience traduit un Ă©merveillement. Bertrand Vergely, philosophe et thĂ©ologien orthodoxe (2), a Ă©crit un livre ; « Retour Ă  l’émerveillement » (3). Et, dans ce livre, il magnifie la conscience de l’existence. Tout se tient. La conscience de notre existence est associĂ©e Ă  la conscience de celle des ĂȘtres et des choses.

« Les ĂȘtres, les choses ne sont pas des abstractions. Ils existent en chair et en os. Ils sont palpables, tangibles, et ils sont lĂ  parce qu’ils sont porteurs du fait inouĂŻ de l’existence. Ils auraient pu ne pas ĂȘtre, mais ils sont et leur existence s’exprime par leur rĂ©alitĂ© concrĂšte, tangible, charnelle. L’existence parle de transcendance et la transcendance parle du miracle d’exister. Tout existe parce que tout est miraculeux. Ayant conscience du miracle de l’existence, on a conscience de l’existence. On existe. On fait exister les autres et le monde autour de soi » ( p 44-45).

 

Nous Ă©merveiller de l’existence des autres. Un appel au respect et Ă  la considĂ©ration

Cette conscience du miracle de l’existence n’induit pas seulement une transformation et une libĂ©ration personnelle. Elle fonde une harmonie sociale. « Il aurait pu ne rien y avoir. Il y a quelque chose et non rien. Miracle. Les autres qui existent, les animaux, les plantes, l’univers nous parlent de ce miracle. Ils nous parlent de notre miracle. Nous sommes aussi miraculeux qu’eux. Prenons en conscience. Nous rentrons dans la considĂ©ration des autres et de l’univers. Nous devenons attentifs, respectueux. Parfois, nous avons envie d’aimer l’humanité «  ( p 43).

Ce respect, cette attention fonde la vie morale. « On est moral lorsqu’on est saisi dans le trĂ©fonds de soi-mĂȘme par un sentiment d’infini respect pour l’existence, pour les hommes, pour la vie
 La morale nous met directement en relation avec le principe transcendant et miraculeux de l’existence, ce principe s’exprimant dans tout ce qu’elle peut avoir de charnel. C’est ce que dit fort bien Simone Weil : « Il est donnĂ© Ă  peu d’ĂȘtres de dĂ©couvrir que les ĂȘtres et les choses existent ». Elle parle de la conscience morale et explique que celle-ci passe par une expĂ©rience charnelle » (p 44).

 

L’existence fonde la pensĂ©e.

 Bertrand Vergely met Ă©galement en Ă©vidence un lien entre la conscience d’exister et la pensĂ©e.

Ainsi, Ă©voque-t-il Pascal, le philosophe. « Il a compris ce qu’est la pensĂ©e. Celle-ci est une affaire de conscience et non de raisonnement. On pense quand on a conscience du miracle de l’univers. Nous ne sommes rien dans l’univers ou quasiment rien. Nous devrions ne pas exister, un rien suffit pour nous anĂ©antir. Or nous existons. Il y a lĂ  un miracle. Quelque chose qui vient d’ailleurs, d’au delĂ  de nous, nous permet d’exister          . On s’en rend compte en faisant justement l’expĂ©rience d’exister (p 46).

Nous ne sommes pas englouti par le vide abyssal. « Face au vide, il y a le fait d’exister malgrĂ© un tel vide, fait quelque part plus immense encore que l’immense
 Plus vaste que l’infini spatial, il y a l’infini d’existence. Il faut qu’il y ait de l’existence pour qu’il y ait de l’espace
 En ayant conscience d’exister, nous comprenons tout, mĂȘme l’espace. Nous prenons alors la bonne mesure des choses
 Le rĂ©el n’est pas une chose et encore moins un vide, c’est une existence et, mieux encore, un infini d’existence auquel seule la conscience a accĂšs.. On pense quand on parvient Ă  un tel niveau
 On dĂ©voile la profondeur du rĂ©el ainsi que des ĂȘtres humains. On se met Ă  avoir une relation juste Ă  ceux-ci » ( p 47).

 

La pensĂ©e juste est celle de l’homme vivant

 La pensĂ©e peut-elle s’exercer positivement en dehors des contingences de l’existence ? Y a-t-il une raison pure ? Le philosophe Kant rĂ©pond Ă  cette question dans « la critique de la raison pure ». Il comprend qu’il faut replacer la pensĂ©e dans le cadre de l’homme vivant. En finir avec ces pensĂ©es qui prĂ©tendent tout penser une fois pour toutes. Cesser donc de faire, par exemple, de Dieu une pensĂ©e qui prĂ©tend tout penser afin de faire de lui une pensĂ©e vivante  qui fait progresser. Remplacer le Dieu de l’idĂ©ologie par le Dieu qui fait avancer et vivre » (p 53).

Bertrand Vergely met en scĂšne les dĂ©rives du dogmatisme et du scepticisme qui se rĂ©pondent et s’engendrent mutuellement dans le champ de la religion et de la philosophie. A l’opposĂ© de ces discours systĂ©matiques, il y a une pensĂ©e en phase avec l’existence.

« Quand la pensĂ©e vit, quand elle est la pensĂ©e d’un homme existentiel, elle est au cƓur d’un croisement entre le ciel et la terre, elle est la rencontre entre l’esprit et la rĂ©alitĂ© concrĂšte, incarnĂ©e. Ici, pas besoin de dogmatisme pour affirmer l’esprit, ni de scepticisme pour corriger le dogmatisme afin de revenir dans la rĂ©alité  L’esprit rend tĂ©moignage de la rĂ©alitĂ© concrĂšte comme la rĂ©alitĂ© concrĂšte rend tĂ©moignage de l’esprit. Rien ne s’oppose, tout se croise » (p 52).

Une pensĂ©e fĂ©conde et Ă©quilibrĂ©e s’enracine dans l’existence. « Kant a vu, comme Pascal, que la pensĂ©e est en proie Ă  un conflit entre dogmatisme et scepticisme. Ce conflit vient de ce que la pensĂ©e est vĂ©cue de façon passionnelle. Cette approche passionnelle vient de ce que l’on ne la vit pas. On n’a pas de relation avec celle-ci. On ne la vit pas
Qui est vivant noue des relations au monde en confrontant sans cesse ce qu’il pense et ce qu’il vit, ce qu’il vit et ce qu’il pense. Quand tel est le cas, fini les illusions de la raison pure. Fini donc le scepticisme pour corriger une telle façon de penser » (p 52).

Il y a des expĂ©riences oĂč la prise de conscience d’exister transforme notre regard sur la vie. Nous avons rapporté  l’expĂ©rience d’Odile. Comme l’écrit Bertrand Vergely, prendre conscience de son existence, c’est aussi prendre conscience de celle des autres et, au delĂ , d’un rapport avec la nature et avec Dieu. C’est ce que David Hay, dans son livre majeur : « Something there » met Ă©galement en Ă©vidence en dĂ©finissant la spiritualitĂ© comme « une conscience relationnelle » (4). Et la recherche montre que les expĂ©riences spirituelles tĂ©moignent d’une activation du sens relationnel, d’une manifestation de la transcendance et d’un profond et immense Ă©merveillement (4).

Dans son livre, Bertrand Vergely nous entraine dans l’émerveillement. Comme dans ces quelques pages concernant le miracle de l’existence, il nous apprend Ă  en voir toutes les dimensions. Il dĂ©voile le miraculeux  qu’on peut entrevoir dans le quotidien. C’est le mot d’Einstein : « Il y a deux façons de voir la vie. L’une, comme si rien n’était un miracle. L’autre comme si tout Ă©tait miraculeux » .

Si la conscience d’exister est source d’émerveillement et ouvre notre regard, l’existence de l’homme est, elle aussi, extraordinaire. « L’homme a des sources extraordinaires. Sophocle, dans Antigone, n’hĂ©site pas Ă  le dire : « Entre tant de merveilles au monde, la grande merveille, c’est l’homme ». L’homme n’est pas rien. Il vient de loin. Il est appelĂ© Ă  aller loin. Il est porteur de grandes choses » (p 51).

J H

 

 

 

 

 

L’intelligence collective

https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/41KnLJgd0WL._SX312_BO1,204,203,200_.jpgUne inspiration motrice pour l’avĂšnement d’une sociĂ©tĂ© post- capitaliste.

Un processus en développement selon Jean Staune

Avec le changement des modes de communication suscitĂ©s par le dĂ©veloppement d’internet, nous entrons dans une mutation de la sociĂ©tĂ© et de l’économie. Les consĂ©quences se manifestent dans tous les domaines. Ainsi, Ă  travers internet, les intelligences humaines sont en situation de pouvoir  converger. Au dĂ©but de ce nouveau siĂšcle, dans son livre : « World philosophie » (1), Pierre LĂ©vy voit lĂ  le dĂ©part d’une intelligence collective. Quelques annĂ©es plus tard, en 2004, aux Etats-Unis, paraĂźt un livre de James Surowieki : « The wisdom of crowds » (2), traduit par la suite sous le titre : «La sagesse des foules » (3). Si les foules peuvent s’égarer, il y a aussi une avancĂ©e possible dans une prise en compte avisĂ©e du collectif. Bien gĂ©rĂ©e, une expression d’avis multiples peut se rĂ©vĂ©ler beaucoup plus pertinente dans l’observation et la prĂ©vision que des expertises isolĂ©es. Un groupe d’individus multiples, variĂ©s est en mesure de prendre de meilleures dĂ©cisions et de faire de meilleures prĂ©dictions que des individus isolĂ©s et mĂȘme des experts. Certaines conditions doivent ĂȘtre rĂ©unies comme la diversitĂ© des participants, l’indĂ©pendance dans leur expression et un mode efficient d’agrĂ©gation des opinions.

La recherche sur l’intelligence collective se poursuit, notamment au MIT (Massachusetts Institute of technology) et elle a mis en Ă©vidence des rĂ©sultats spectaculaires. Dans un livre rĂ©cent, Emile Servan-Schreiber nous montre « la nouvelle puissance de nos intelligences » en terme marqué : « Supercollectif » (4). Il y a bien « Une force de l’intelligence collective » (5). Et nous en dĂ©couvrons aujourd’hui toute l’originalitĂ©.

Ainsi, « l’intelligence d’un groupe n’est pas d’abord dĂ©terminĂ© par le degrĂ© d’intelligence de ses membres, mais par la sensibilitĂ© aux autres (communication non verbale) et par l’équitĂ© du temps de parole qui tient un rĂŽle capital. Les femmes enregistrent dans ce domaine, un score supĂ©rieur aux hommes. C’est dans les groupes oĂč le nombre de femmes est le plus reprĂ©sentĂ© que les scores sont les meilleurs » (6). Il y a lĂ  une leçon plus gĂ©nĂ©rale puisqu’elle met en valeur l’importance de la qualitĂ© des relations.

Emile Servan-Scheiber rappelle les fondamentaux du processus de l’intelligence collective. « Il y faut beaucoup de diversité ». Les biais individuels de chacun vont s’annuler Ă  travers la confrontation  en permettant ainsi au meilleur d’émerger. « Il faut beaucoup d’indĂ©pendance d’esprit ». « Il faut rĂ©colter beaucoup d’information. Il faut agrĂ©ger tout cela de façon objective  ». L’intelligence collective peut ainsi amener des transformations importantes. Ainsi, « il est Ă©tabli que les entreprises les plus innovantes sont celles qui impliquent le plus d’employĂ©s dans l’effort d’idĂ©ation pour trouver de nouvelles idĂ©es ».

Dans son nouveau livre : « L’intelligence collective, clĂ© du monde de demain » (7), Jean Staune rapporte comment, dans une approche d’intelligence collective, de nouvelles entreprises sont en train d’apparaĂźtre et de grandir, prĂ©mices d’une Ă©conomie et d’une sociĂ©tĂ© post-capitaliste. Jean Staune est un pionnier et un dĂ©couvreur (8). A travers la crĂ©ation de l’UniversitĂ© interdisciplinaire de Paris et la publication de plusieurs livres, il a ouvert une relation fĂ©conde entre sciences, religions et spiritualitĂ©s. Mais enseignant et expert dans le domaine du management, et aussi penseur interdisciplinaire, il dĂ©veloppe Ă©galement une pensĂ©e prospective dans le champ de la vie Ă©conomique et sociale. Ainsi, en 2015, son livre : « les clĂ©s du futur » (9) nous a permis d’entrer dans la comprĂ©hension de la mutation de la vie Ă©conomique et sociale. Ce nouveau livre sur la mise en Ɠuvre de l’intelligence collective dans des entreprises innovantes, se focalise dans un champ plus prĂ©cis, le terrain oĂč une nouvelle approche Ă©conomique est en train de voir le jour et d’induire l’apparition d’une Ă©conomie « post-capitaliste ». Au travers d’un livre de Jacques Lecomte (10), nous savions dĂ©jĂ  comment des entreprises humanistes et conviviales se dĂ©veloppent aujourd’hui et tĂ©moignent d’un Ă©tat d’esprit nouveau. Ce livre de Jean Staune nous montre Ă©galement qu’une nouvelle Ă©conomie est en train de naĂźtre Ă  travers des entreprises innovantes.

« LibĂ©rĂ©es », « conscientes », « apprenantes », inclusives », « hybrides », de nouvelles entreprises voient le jour, qui permettent de se rĂ©aliser en favorisant la crĂ©ativitĂ© et en dĂ©veloppant l’intelligence collective. Elles tiennent compte de toutes les parties prenantes concernĂ©es par leurs activitĂ©s, et non des seuls actionnaires, et crĂ©ent une triple valeur ajoutĂ©e : humaine, Ă©conomique et environnementale
 Une autre forme de capitalisme, d’organisation du travail, d’économie de marchĂ© est donc plausible » (couverture).

 

Face à un monde incertain, un monde « VUCA »

 Jean Staune Ă©voque d’abord le contexte dans lequel ces entreprises apparaissent. C’est une sociĂ©tĂ© en pleine mutation qui se caractĂ©rise par une complexitĂ© croissante. GrĂące Ă  sa culture scientifique, Jean Staune nous apporte des connaissances qui nous permettent d’analyser les situations auxquelles les entreprises et nous-mĂȘmes, sommes aujourd’hui confrontĂ©s, ce qui, face Ă  une complexitĂ© croissante, requiert d’autant plus une intelligence collective.

Jean Staune nous parle ainsi d’un « monde VUCA » (p 62) . « VUCA est un acronyme pour volatility (« volatilité »), uncertain (« incertitude »),  complexity (« complexité ») et ambiguity (« ambiguité »). Ce terme rend compte d’un ensemble de caractĂ©ristiques du monde d’aujourd’hui qui peuvent ĂȘtre envisagĂ©s Ă  partir de concepts appartenant Ă  la nouvelle vision scientifique, celle qui s’est substituĂ©e Ă  une approche dĂ©terministe, envisageant l’univers « comme une grande mĂ©canique rĂ©glĂ©e par des lois immuables oĂč n’existait aucun espace de liberté » (p 49).

° « Volatilité : notre monde est beaucoup plus sensible que le monde d’hier aux effets papillon, aux disruptions, aux ruptures brutales que constituent les bifurcations.

° Incertitude : la physique quantique nous montre qu’il existe une incertitude irrĂ©mĂ©diable Ă  la base de notre comprĂ©hension du rĂ©el. Le thĂ©orĂšme de Gödel introduit une forme d’incertitude dans la logique mathĂ©matique en montrant son incomplĂ©tude. Cela nous permet de mieux comprendre et percevoir l’incertitude du monde que si nous avions gardĂ© nos « lunettes » classiques.

° Complexité : nous avons montrĂ© comment la complexitĂ© du monde s’était fortement accrue, comment se multiplient autour de nous les boucles de rĂ©troaction et les phĂ©nomĂšnes d’auto-organisation qui rendent certains processus de dĂ©cision purement et simplement impossibles Ă  dĂ©crire.

° AmbiguĂŻté : la physique quantique nous montre que quelque chose peut occuper deux Ă©tats contradictoires en mĂȘme temps. Elle met fin aux catĂ©gories classiques oĂč les Ă©tats de chose Ă©taient bien sĂ©parĂ©s
 Cette ambiguĂŻtĂ© est partout  » (p 62-63).

« La complexitĂ© du monde actuel accroit l’incertitude. Nous participons Ă  une mutation mondiale au moins Ă©quivalente Ă  celle du passage du monde agraire au monde industriel, mais qui se dĂ©roule sur un rythme beaucoup plus rapide. Bien entendu, cette situation ne peut manquer d’engendrer de la crainte et du stress
 Mais il faut bien comprendre qu’il n’y a jamais eu autant d’opportunitĂ©s dans l’histoire humaine, car les bifurcations et les effets papillon peuvent se produire Ă  la hausse comme Ă  la baisse
 » (p 64).

 

L’entreprise, un levier pour la transformation du systĂšme Ă©conomique.

Si l’économie capitaliste a remportĂ© un certain nombre de succĂšs, on en perçoit aujourd’hui les limites et les travers. Dans la mutation actuelle, des dangers redoutables apparaissent tant sur le plan social que sur le plan Ă©cologique. « Une vĂ©ritable refonte du systĂšme Ă©conomique » est indispensable. Ne peut-elle pas advenir Ă  partir mĂȘme d’une transformation des unitĂ©s qui assurent la production, des entreprises ? Jean Staune prĂŽne la mise en place d’une nouvelle forme de capitalisme « qui intĂšgre l’intĂ©rĂȘt de toutes les parties prenantes (stakeholders) et non seulement l’intĂ©rĂȘt des actionnaires, des salariĂ©s, des clients et des fournisseurs de la firme » (p 27). « Hier, l’entreprise devait faire des profits pour ses actionnaires tout en fabricant de bons produits pour satisfaire ses clients. Demain, on ne demandera pas seulement Ă  l’entreprise de respecter l’intĂ©rĂȘt des diffĂ©rents parties prenantes concernĂ©es par son activitĂ© et de respecter l’environnement, mais aussi d’avoir une contribution sociale positive » (p 27).

« Ces exigences sont fortes, mais face Ă  la pression du changement, c’est l’entreprise qui est la plus capable de rĂ©agir » (p 27). Aujourd’hui, l’horizon s’étend. C’est bien le cas Ă  travers la RĂ©volution numĂ©rique qui relie des centaines de millions, aujourd’hui des milliards d’internautes. Aujourd’hui, 3,5 milliards de requĂȘtes sont adressĂ©es quotidiennement au navigateur Google. 4 milliards de vidĂ©os sont consultĂ©es chaque jour sur You Tube » (p 16). Ainsi, les barriĂšres s’abaissent, les cloisonnements s’effacent. On prend conscience de la globalitĂ©. C’est bien en ce sens qu’apparaĂźt l’intelligence collective. Et, dans le mĂȘme mouvement, les systĂšmes pyramidaux s’effondrent. « Il faut donc mettre en place la subsidiaritĂ©, c’est Ă  dire permettre aux salariĂ©s Ă  tous les niveaux hiĂ©rarchiques de prendre eux-mĂȘmes des dĂ©cisions sur un certain nombre de questions les concernant directement. Le rĂŽle du dirigeant devient celui d’un chef d’orchestre » (p 30). « L’entreprise de demain se doit de dĂ©velopper son intelligence collective en interne pour augmenter son agilitĂ©, sa rĂ©activitĂ©, son adaptabilitĂ© Ă  un monde de plus en plus mouvant tout en dĂ©veloppant en externe un vĂ©ritable Ă©cosystĂšme, qui, par son existence mĂȘme, soutiendra le dĂ©veloppement harmonieux de l’entreprise et assurera la fidĂ©litĂ©, voire, osons le mot, l’amour de tous les acteurs du systĂšme envers elle » (p 20). Dans cet ouvrage, Jean Staune se focalise donc sur un domaine prĂ©cis : « celui de la rĂ©forme de l’économie de marchĂ© et du capitalisme grĂące Ă  l’action et au dĂ©veloppement d’un nouveau type d’entreprise » (p 34). Et, pour cela, il nous montre que des dĂ©marches crĂ©dibles existent dĂ©jĂ  partout autour de nous et qu’elles peuvent apporter des rĂ©sultats parfois extraordinaires ».

 

Les pionniers d’une nouvelle Ă©conomie

Tout au long de son livre, Jean Staune Ă©graine des portraits d’entrepreneur qui ont inventĂ© de nouvelles maniĂšres de faire entreprise. En vendant des glaces, l’entreprise Ben and Jerry’s innove dans les approvisionnements et les relations humaines. « Ben and Jerry’s a ainsi posĂ© les bases concrĂštes de la fameuse « thĂ©orie des parties prenantes » selon laquelle l’entreprise doit prendre en compte son impact global sur la sociĂ©tĂ© et essayer de le positiver au maximum pour toutes les parties prenantes et pas seulement ses clients, ses salariĂ©s, ses actionnaires » (p 69). De mĂȘme, un militant Ă©cologiste, John MacKay, en crĂ©ant les magasins bio : « Whole Foods Market » va aider l’agriculture biologique Ă  se dĂ©velopper, et, contrairement Ă  la gestion dĂ©centralisĂ©e gĂ©nĂ©ralement adoptĂ©e, il donne Ă  ses Ă©quipes une grande autonomie tant pour les achats que pour les ventes (p 69-71).

On peut dĂ©velopper un capitalisme qui cherche autre chose que le profit. Jean Staune cite l’exemple du commerce Ă©quitable. Il met en Ă©vidence l’approche de Mohammed Yunus, prix Nobel de la paix, promoteur du microcrĂ©dit pour les pauvres et aussi du « social business ». En France, voici la maniĂšre dont Bertrand Martin redresse l’entreprise Sulzer DiĂ©sel France en permettant au personnel  d’entrer dans une approche commune de rĂ©flexion et de proposition. La mise en Ɠuvre de cette intelligence collective a non seulement sauvĂ© l’entreprise, mais lui a donnĂ© une grande impulsion (p 78-80). Dans une autre entreprise, une fonderie du nom de Favi, le nouveau directeur, François Zabrist, a libĂ©rĂ© les travailleurs d’une tutelle tatillonne. « Le coĂ»t du contrĂŽle est supĂ©rieur au coĂ»t du non contrĂŽle » Il a donnĂ© aux Ă©quipe une autonomie leur permettant de rĂ©pondre rapidement aux besoins des clients dans un secteur, celui de la sous-traitance automobile oĂč le « juste Ă  temps » est une exigence des constructeurs (p 81-84).

Dans toutes ces entreprises, il y a un esprit commun que Jean Staune rapporte en ces termes : « Ainsi se dessine le profil de l’entreprise capable d’ĂȘtre anti-fragile et de surfer sur la complexitĂ©. Une telle entreprise tient compte de toutes les parties prenantes impactĂ©es par son activitĂ©. Elle dĂ©veloppe Ă  tous les niveaux l’intelligence collective et la subsidiaritĂ©. Elle met en place des logiques d’économie circulaire, d’économie de la fonctionnalitĂ©, d’écologie positive. Elle ne se contente pas de polluer moins, mais veut restaurer son environnement tout en fonctionnant. Elle est toujours en mouvement, capable d’ĂȘtre lĂ  oĂč personne ne l’attend, capable de se rĂ©inventer » (p 209).

 

Une transformation qui se rĂ©pand jusque dans une grande entreprise traditionnelle : l’Office ChĂ©rifien des Phosphates

Ainsi, on peut entrevoir une transformation en train de s’opĂ©rer dans certaines entreprises. C’est un changement d’état d’esprit et ce changement commence Ă  se rĂ©pandre. Il gagne parfois des lieux oĂč l’on ne l’y attendrait pas. Et c’est ainsi que Jean Staune nous fait connaĂźtre le changement en train de se rĂ©aliser dans une grande entreprise d’état marocaine : l’Office chĂ©rifien des phosphates.

Le phosphate est un des composants les plus importants des engrais. C’est donc une ressource majeure et le Maroc possĂšde les plus grandes  ressources mondiales prouvĂ©es de phosphates.

C’est dire la place considĂ©rable que l’Office ChĂ©rifien des phosphates a pris dans la vie du Maroc. Or, l’Office ChĂ©rifien des Phosphates Ă©tait une structure hiĂ©rarchique, « une organisation quasi militaire » (p 115). « L’entreprise souffrait d’un double manque de communication, Ă  la fois transversale et verticale
 FocalisĂ©e sur les ventes et non sur les marges, l’entreprise Ă©tait en bien mauvaise situation financiĂšre » (p116-117). C’est alors, en 2006, qu’un entrepreneur novateur, Mostafa Terrab est arrivĂ© et a engagĂ© un processus de transformation globale de l’entreprise. Dans ce livre, Jean Staune consacre plus de cent pages Ă  une Ă©tude de cas de cette innovation.

Qu’est-ce qui rend ce cas si intĂ©ressant ? Tout d’abord, l’ampleur de la transition qui se dĂ©roule au sein de cette entreprise. Il y a seulement une dizaine d’annĂ©es, son organisation et son management en Ă©taient Ă  un stade prĂ©-moderne, et elle a du effectuer une transition (qui est toujours en cours) vers le monde moderne, tout en se lançant d’une façon particuliĂšrement intense dans une transition vers le monde post-moderne
 Ensuite, parce que cette entreprise, qui est le premier exportateur du Maroc, joue un rĂŽle social important. Mais la façon dont s’effectue cette redistribution est en train de changer radicalement. Selon la fameuse formule, elle Ă©volue de « donner du poisson Ă  quelqu’un » Ă  « lui apprendre Ă  pĂ©cher ». Enfin, ces deux grandes branches d’activité : l’extraction des minerais d’un cĂŽtĂ©, la production industrielle d’engrais de l’autre, ont un impact trĂšs important sur l’environnement. Or l’entreprise vise dĂ©sormais, malgrĂ© le caractĂšre chimique d’une grande partie de ses activitĂ©s, Ă  ĂȘtre exemplaire dans ce domaine. Ainsi, l’entreprise « coche toutes les cases » que nous avons mentionnĂ©es comme Ă©tant les caractĂ©ristiques de l’entreprise de demain : prendre en compte toutes les parties prenantes,  libĂ©rer l’intelligence collective, dĂ©velopper le « bonheur au travail » en interne, intĂ©grer les questions environnementales et l’économie circulaire » (p 112)

Jean Staune va donc nous raconter les multiples facettes de cette transformation, les innovations qui s’y succĂšdent, la libĂ©ration de l’intelligence collective Ă  travers un nouvel espace oĂč les Ă©nergies peuvent se dĂ©ployer : « le Mouvement » apparu en 2016 (p 121). Les intentions : « ĂȘtre de plus en plus une entreprise apprenante (ou plus exactement une entreprise d’apprenants), ĂȘtre une entreprise digitale, enfin ĂȘtre une entreprise mondiale. Les deux premiĂšres intentions poussent clairement Ă  une trĂšs forte transformation culturelle de l’entreprise ». L’entitĂ© de base du mouvement s’appelle « la Situation ». « La Situation est un groupe d’étude et de proposition qui se saisit lui-mĂȘme d’un sujet pour faire une proposition concrĂšte, et ce, dans n’importe quel domaine qui concerne l’entreprise » (p 122-123). Les groupes Ă©laborent des propositions –

A travers cette Ă©tude de cas, qui occupe une place majeure dans ce livre, Jean Staune nous entraine dans la comprĂ©hension d’un processus riche en inventions, en transformations. Pour notre comprĂ©hension, il y ajoute des outils d’analyse. Ainsi, il nous apprend Ă  voir dans cette grosse entreprise, l’existence de diffĂ©rents niveaux de rĂ©alitĂ© qui se cĂŽtoient :

« ° Le niveau de l’entreprise prĂ©-moderne et bureaucratique

° Le niveau de l’entreprise moderne et la recherche de l’information, du big data et du contrĂŽle en temps rĂ©el

° L’entreprise post-moderne basĂ©e sur la crĂ©ativité : le Mouvement, l’autre organisation


° L’universitĂ© qui se situe dans une dimension totalement diffĂ©rente de l’entreprise, tout en interagissant en permanence avec elle, comme les diffĂ©rents niveaux de la rĂ©alitĂ© (par exemple : quantique, mĂ©canique et virtuel) interagissent entre eux

° Les fondations et associations comme l’école 1337 ou encore un Think Tank comme le « Policy Center » (p 208-209)

 

Le potentiel de l’intelligence collective

 Face aux enjeux des mutations Ă©conomiques, politiques et sociales en cours, Jean Staune met en valeur le potentiel de l’intelligence collective. Il intervient ici dans une conjoncture marquĂ©e par l’actualitĂ©, notamment par les revendications des gilets jaunes concernant le rĂ©fĂ©rendum d’initiative citoyenne et le dĂ©bat entre philosophes sur l’évolution de la sociĂ©tĂ©. Toute conjoncture comporte des aspects immĂ©diats et passagers qui peuvent susciter des humeurs.

Nous nous bornerons ici à mettre en valeur les grandes orientations qui se dégagent de ce livre.

En abordant la question de l’intelligence collective, Jean Staune en rappelle les conditions permettant d’éviter les dĂ©rives possibles Ă  partir d’un livre de Patrick Scharnitzky : « Comment rendre le collectif (vraiment) intelligent » (p 237). On peut y ajouter que le bon fonctionnement de l’intelligence collective dans certaines entreprises est liĂ© au climat qui rĂšgne dans celles-ci. Alors que dans un contexte social plus global, les passions sont beaucoup plus vives et dĂ©rĂ©gulantes. Des dispositions particuliĂšres sont nĂ©cessaires.

Dans ce chapitre, Jean Staune prĂ©sente trois Ă©tudes de cas d’entreprises françaises oĂč les performances en matiĂšre d’intelligence collective sont remarquables : le groupe Innov on  et la sociĂ©tĂ© Chronoflex dirigĂ©s par Alexandre GĂ©rard, Clinitex dirigĂ© par Thierry Pick, et la Camif dirigĂ© par Emery Jacquillat (p 242-267).

La sociĂ©tĂ© Chronoflex intervient dans un marchĂ© de niche : la rĂ©paration de flexibles hydrauliques sur des chantiers. En 2009, Ă  la suite de la crise, l’entreprise se retrouve dans une situation difficile. Son directeur, Alexandre GĂ©rard, s’interroge, entend parler des entreprises libĂ©rĂ©es, et s’engage dans un processus de consultation qui dĂ©bouche sur une rĂ©organisation de l’entreprise : autonomie des Ă©quipes, conception nouvelle des responsables vers une approche d’animation, multiplication et diversification des responsables, processus de dĂ©cision collective dans la conduite de l’entreprise et la dĂ©finition des stratĂ©gies. Un tel changement passe aussi par une transformation du dirigeant de l’entreprise : Alexandre GĂ©rard (11)

A Clinitex, Thierry Pick a dĂ©veloppĂ© son entreprise en se fondant Ă  la fois sur une relation de proximitĂ© avec le client et un grand respect pour la personne humaine. Les collaborateurs participent Ă  une procĂ©dure d’autoĂ©valuation partagĂ©e et interviennent dans le recrutement. Les agences ont une grande autonomie. La rĂ©munĂ©ration n’est pas basĂ©e sur les rĂ©sultats, mais sur la responsabilitĂ©. L’écart maximum de salaire est de 1 Ă  12 entre le « balayeur de base » et le dirigeant. Clinitex dĂ©montre qu’on peut ĂȘtre une entreprise Ă  taille humaine avec plusieurs milliers de personnes.

En 2009, Emery Jacquillat « s’est lancé  dans un pari Ă©norme : reprendre la CAMIF, l’ancienne centrale d’achat de la mutuelle des instituteurs qui venait de faire une faillite retentissante ». « Il s’agissait d’une grosse structure bureaucratique Ă  l’ancienne . Emery Jacquillat n’avait aucune lĂ©gitimitĂ© particuliĂšre Ă  agir dans ce milieu. Il savait qu’il ne pouvait rĂ©ussir sans l’existence d’un microsystĂšme autour de l’entreprise. Il met en place un blog pour expliquer qui Ă©tait la nouvelle Ă©quipe et surtout demander : « Qu’est-ce que les clients et le fournisseurs veulent que soit cette entreprise ? » C’est comme ça qu’a Ă©mergĂ©, Ă  une Ă©poque oĂč elle Ă©tait encore beaucoup moins Ă  la une des mĂ©dias, l’idĂ©e du « made in France ». Aujourd’hui, 73% du chiffre d’affaires provient des produits fabriquĂ©s en France, un chiffre absolument unique dans un secteur comme celui de l’ameublement, de la literie et des fournitures de maison » (p 259-266). Pour rĂ©ussir, la CAMIF a mis en place graduellement toute une sĂ©rie de mĂ©canismes pour co-construire ses produits. A tous les niveaux, on cherche Ă  « crĂ©er du lien entre les hommes » Les collaborateurs comme les clients sont engagĂ©s dans une dĂ©marche participative. Et, par exemple en 2015, l’entreprise a dĂ©cidĂ© que le budget 2016 serait Ă©tabli par un groupe de salariĂ©s bĂ©nĂ©voles. L’exercice a rĂ©ussi et suscitĂ© une grande motivation.

L’intelligence collective n’est pas un rĂȘve. Ce n’est pas une idĂ©ologie. « Les extraordinaires aventures Ă©conomiques et humaines que reprĂ©sentent Innov on, Clinitex, La CAMIF, les propos d’Alexandre GĂ©rard, de Thierry Pick et Emery Jacquillat nous fournissent les rĂ©ponses principales aux critiques des dĂ©marches d’entreprises libĂ©rĂ©es et d’intelligence collective. L’intelligence collective, ça marche ».

 

Vers une société nouvelle

Ce livre nous montre comment le systĂšme Ă©conomique peut changer de l’intĂ©rieur. Il y a une Ă©volution des mentalitĂ©s. L’angle de la vision s’élargit. Les barriĂšres s’affaissent. De plus en plus, on pense globalement. Des lors, peuvent apparaitre des entreprises « inclusives ». Ces entreprises ouvrent la voie Ă  une sociĂ©tĂ© post-capitaliste. Si les expĂ©rimentations sont encore peu nombreuses, elles sont concluantes et participent Ă  un mouvement qui s’amplifie.

Alors, dans un monde inquiet, menacĂ© par le dĂ©rĂšglement climatique, traversĂ© par des crispations et des tumultes politiques, Jean Staune nous ouvre une piste : l’émergence d’une intelligence collective dans une sociĂ©tĂ© participative.

A l’heure ou certains envisagent l’effondrement de nos sociĂ©tĂ©s, Jean Staune trace une voie. « Pourquoi je ne suis pas collapsologue ? Ce n’est pas par un optimisme bĂ©at. Tout ce que nous avons vu au cours de ce livre soutient avec force cette affirmation. Oui, il y a une Ă©nergie incroyable au fond de nous, l’énergie de l’intelligence collective qui a Ă©tĂ©, pour l’instant, si peu employĂ©e dans l’histoire humaine que nous pouvons justement ĂȘtre certain qu’elle recĂšle un potentiel incroyable
 Tous les exemples que nous avons dĂ©veloppĂ©s dans ce livre le montrent : il est possible d’effectuer des progrĂšs inimaginables aux yeux des experts quand de simples personnes sans formation, mais avec une bonne connaissance de terrain, mettent leur intelligence en commun » (p 298).

Dans une nouvelle Ă©tape, on peut envisager que les rĂ©seaux sociaux dĂ©multiplient l’exercice de cette intelligence collective. «  Les rĂ©seaux permettent de crĂ©er des outils fondamentaux pour le monde de demain, comme le montre dĂ©jĂ  l’exemple de Wikipedia
 Comme le dit Vincent Lenhardt, grĂące Ă  nos rĂ©seaux sociaux, cette capacitĂ© d’intelligence collective est en train de rĂ©aliser « un vĂ©ritable saut quantique ». Cette « NoosphĂšre » envisagĂ©e par Teilhard de Chardin, cette « éruption » d’intelligence et de crĂ©ativitĂ©, rendue possible par la connexion de tous les esprits de la planĂšte, est aujourd’hui « à la portĂ©e de la main » (p 399). Oui, dans les remous actuels, Jean Staune sait voir ce qui est en train de se construire. « Face Ă  toute cette montĂ©e du populisme, de toutes ces dĂ©monstrations de bĂȘtise collective, Ă  ces rumeurs qui se rĂ©pandent », il voit « ces fragiles petites flammes qui s’élĂšvent ici et lĂ  et qui sont constituĂ©es de toutes les expĂ©riences que nous avons dĂ©crites ici » (p 301). C’est un commencement.

 

Emergence

Au fil de son Ɠuvre intellectuelle et militante, Jean Staune nous apparaĂźt comme un pionnier, un dĂ©fricheur, un visionnaire. Dans son livre prĂ©cĂ©dent : « les clĂ©s du futur (9), il rĂ©alisait une grande synthĂšse Ă  partir de laquelle il mettait en Ă©vidence une voie de transformation Ă©conomique et sociale. Ce nouveau livre sur l’intelligence collective a Ă©tĂ© Ă©crit plus rapidement dans une pĂ©riode oĂč l’actualitĂ© Ă©tait agitĂ©e par les manifestations des gilets jaunes. L’auteur commente cette actualitĂ©. Il prend part au dĂ©bat. On peut ne pas le suivre dans telle ou telle opinion. Mais, toujours, on se rĂ©jouit de voir qu’il apporte un fil conducteur pour voir plus grand, plus loin.

L’intelligence collective, c’est aussi une voie nouvelle Ă  explorer dans le domaine politique. Et, justement, nous venons d’apprendre qu’une grande innovation est en train de se mettre en place aujourd’hui en ce domaine : la crĂ©ation  d’une « assemblĂ©e citoyenne pour le climat » fondĂ©e sur une mise en Ɠuvre d’intelligence collective (12). C’est un Ă©vĂšnement majeur. Cependant, nous avons centrĂ© notre analyse de ce livre sur la transformation du systĂšme Ă©conomique.

Au terme de son livre, Jean Staune Ă©voque Teilhard de Chardin dans sa vision annonciatrice de la « noosphĂšre ». Comment ne pas y associer aujourd’hui la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann dans sa vision d’un Esprit crĂ©ateur partout Ă  l’Ɠuvre (13). C’est un Ă©clairage qui nous parait en phase avec les dimensions nouvelles qui apparaissent aujourd’hui.

Au cƓur mĂȘme de sociĂ©tĂ©s dĂ©chirĂ©es, les prophĂštes de la Bible ont ouvert des espĂ©rances. Sur un autre mode, on peut voir dans ce livre une dimension prophĂ©tique. Face au pĂ©ril actuel, Jean Staune ne s’enferme pas dans la perspective d’un effondrement. A partir de l’intelligence collective, il trace une voie de vie. LĂ  aussi, en correspondance, nous pouvons Ă©voquer la thĂ©ologie de l’espĂ©rance dans laquelle JĂŒrgen Moltmann nous invite Ă  regarder vers l’avenir et Ă  percevoir l’expĂ©rience de Dieu dans des expĂ©riences anticipatrices (14).

Au-delà de ce commentaire personnel, nous pouvons tous reconnaßtre dans ce livre une dynamique qui ouvre la compréhension, nous introduit dans un mouvement et nous invite à une mobilisation. Un avenir à construire !

J H

  1. Pierre Lévy. World Philosophie : le marché, le cyberespace, la conscience. Odile Jacob, 2000
  2. James Surowiecki. The wisdom of crowds. Why the many are smarter than the few and how collective wisdom shapes business, economies, societies and nations. Doubleday, 2004
  3. James Sorowiecki. La sagesse des foules. Jean-Claude LattÚs . 2008
  4. Emile Servan-Scheiber. Supercollectif. La nouvelle puissance de nos intelligences. Fayard, 2018
  5. Emile Servan-Schreiber. La force de l’intelligence collective. Site : Marketing et innovation : https://visionarymarketing.com/blog/2018/10/intelligence-collective/
  6. Le rîle des femmes dans l’intelligence collective : https://www.facebook.com/28minutes/videos/2192573717736096/?v=2192573717736096
  7. Jean Staune. L’intelligence collective, clĂ© du monde de demain. L’Observatoire, 2019
  8. Le site de Jean Staune : Naviguer dans un monde en mutation : http://www.jeanstaune.fr
  9. Jean Staune. Les clĂ©s du futur. RĂ©inventer ensemble la sociĂ©tĂ©, l’économie et la science. PrĂ©face de Jacques Attali. Plon, 2015. Mise en perspective sur Vivre et espĂ©rer : https://vivreetesperer.com/comprendre-la-mutation-actuelle-de-notre-societe-requiert-une-vision-nouvelle-du-monde/
  10. Jacques Lecomte. Les entreprises humanistes. Les ArÚnes, 2016 Mise en perspective sur Vivre et espérer : https://vivreetesperer.com/vers-un-nouveau-climat-de-travail-dans-des-entreprises-humanistes-et-conviviales-un-parcours-de-recherche-avec-jacques-lecomte/
  11. « Alexandre GĂ©rard : chef d’entreprise, pionnier d’une entreprise libĂ©rĂ©e » : https://vivreetesperer.com/alexandre-gerard-chef-dentreprise-pionnier-dune-entreprise-liberee/
  12. Comment Cyril Dion et Emmanuel Macron ont Ă©laborĂ© l’assemblĂ©e citoyenne pour le climat : (site Reporterre) : https://reporterre.net/Comment-Cyril-Dion-et-Emmanuel-Macron-ont-elabore-l-assemblee-citoyenne-pour-le-climat?fbclid=IwAR01yBCpZ93dJlt7fLOPYA5RAh_5Z1hgPc1ZmqJtDE0hW4U0qZ15V69LU20
  13. La pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann nous donne des clĂ©s pour interprĂ©ter le monde d’aujourd’hui et nous la suivons sur ce blog. JĂŒrgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999
  14. « La force vitale de l’espĂ©rance » (p 109-116), dans : JĂŒrgen Moltmann. De commencements en recommencements. Empreinte, 2012

 

Voir aussi sur ce blog :

Pour une intelligence collective. Eviter des décisions absurdes et promouvoir des choix pertinents. La contribution de Christian Morel : https://vivreetesperer.com/pour-une-intelligence-collective-eviter-les-decisions-absurdes-et-promouvoir-des-choix-pertinents/