par | Sep 18, 2012 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Face Ă un danger dâaccident, une expĂ©rience rapportĂ©e par Odile Hassenforder (« Sa prĂ©sence dans ma vie »).
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Quelques annĂ©es aprĂšs la transformation engendrĂ©e par le vĂ©cu dâune guĂ©rison dans lâEsprit et accompagnĂ©e par une lecture rĂ©guliĂšre et inspirĂ©e de la parole biblique, Odile nous rapporte lâexpĂ©rience dâun risque dâaccident et les sentiments et les pensĂ©es que cet incident a suscitĂ© en elle.
En Christ, son ĂȘtre intĂ©rieur est dĂ©sormais en sĂ»retĂ©, dans un ressenti dâintĂ©gritĂ© et de confiance. Elle constate Ă©galement les effets de sa frĂ©quentation des textes bibliques dans lâinspiration de lâEsprit. «La Bible nâest pas une simple histoire Ă comprendre intellectuellement ou Ă adopter comme modĂšle de conduite. Câest beaucoup plus que cela et autre chose⊠Jâai dĂ©couvert quâelle est semence. Je demande Ă LâEsprit de faire germer cette semence en moi. Je nâen vois les fruits que lorsquâil y a corrĂ©lation avec la rĂ©alitĂ© concrĂšte⊠Je rĂ©alise lâimportance pour moi de me laisser imprĂ©gner par les Ecritures pour devenir ce sarment accrochĂ© Ă la vigne dont JĂ©sus est le cepâŠÂ ».      Â
La nuit est noire. Il pleuvaitâŠ
La nuit est noire. Il pleuvait. Un chapelet de feux rouges devant moi. Je suis emportĂ©e dans le flot des voitures. Il est tard et lâĂ©tape est encore loin.
Je regarde le compteur : 140. Jâai un coup au cĆur. Une angoisse mâassaille. Un moindre incident, un petit coup de volant pour Ă©viter une pierre ou une voiture qui change de file et jâenvoie la famille dans les dĂ©cors. En un Ă©clair, jâenvisage le pire : un enfant qui peut rester orphelin. Tout en prenant instinctivement une allure plus raisonnable, une conviction intĂ©rieure mâapaise. Jâai confiĂ© mon fils au Seigneur, jâai confiance : il ne sera pas « cassé ». Cette expression voulait dire pour moi quâil ne connaĂźtrait pas, comme je lâavais connue, la destruction de lâĂȘtre, car Dieu est en lui. MĂȘme orphelin, il aurait cette vie intĂ©rieure qui le ferait rebondir.
Plus rien ne peut mâatteindre. Le Seigneur ne mâabandonne pasâŠ
Cette conviction mâa tellement imprĂ©gnĂ©e quâelle fait partie de mon ĂȘtre : la vie, qui, malgrĂ© les apparences visibles, ressurgit pour demeurer Ă©ternellement. Je reconnais lĂ que la Parole de Dieu est bien une semence qui a poussĂ© sans que jây prenne garde, jour et nuit, et qui, Ă cet instant, porte ses fruits. Au moment de lâĂ©vĂ©nement, il ne mâest pas revenu Ă lâesprit telle ou telle parole de JĂ©sus en tels versets bibliques, mais une rĂ©alitĂ© intĂ©rieure imprĂ©gnĂ©e en moi. JâĂ©tais dans lâĂ©tat dâesprit du salut Ă©ternel apportĂ© par JĂ©sus. Plus rien ne peut mâatteindre. Le Seigneur ne mâabandonne pas moi et ma maison.
La Bible est une semence. Je demande Ă lâEsprit de faire germer cette semence en moiâŠ
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        Ainsi la Bible nâest pas une simple histoire Ă comprendre intellectuellement ou Ă sâimprĂ©gner comme modĂšle de conduite. Câest beaucoup plus que cela et autre chose. Avant dâavoir dĂ©couvert lâaction de lâEsprit en moi, je cherchais dans les Ă©vangiles, que jâavais lus en entier, une conduite Ă suivre. Je mâappliquais Ă suivre une morale qui me paraissait supĂ©rieure aux conduites humaines. CâĂ©tait une nourriture extĂ©rieure Ă moi que jâessayais de digĂ©rer au mieux. Jâai dĂ©couvert depuis quâelle est semence. Je ne comprends pas toujours, mais avant de lire les Ecritures, je me mets en Ă©tat de rĂ©ceptivitĂ©. Je demande Ă lâEsprit de faire germer cette semence en moi. Je nâen vois les fruits que lorsquâil y a une corrĂ©lation avec la rĂ©alitĂ© concrĂšte que je vois. Il y a alors expĂ©rience de la vie de Dieu en moi. Il peut se passer des mois, des annĂ©es entre telle lecture et la rĂ©alisation de sa signification. Elle devient signifiante pour moi Ă lâexpĂ©rience. Dans ce laps de temps, la graine a germĂ© sans que je mâen aperçoive. Elle devient un arbre qui peut porter ainsi beaucoup de fruits. Câest pourquoi je rĂ©alise lâimportance pour moi de me laisser imprĂ©gner par les Ecritures pour devenir ce sarment rattachĂ© Ă la vigne dont JĂ©sus se dit la plante. « Je suis la plante de vigne, vous ĂȘtes les branches. Celui qui demeure uni Ă moi et Ă qui je suis uni, porte beaucoup de fruit (le fruit de lâEsprit), car vous ne pouvez rien faire sans moi » (Jean 15.5). Cette union Ă JĂ©sus, pour moi aujourdâhui, se rĂ©alise dans la lecture des Ecritures qui deviennent signifiantes Ă lâĂ©vĂ©nement vĂ©cu antĂ©rieurement ou ultĂ©rieurement, dans la priĂšre qui est don de soi, rĂ©ceptivitĂ© et louange, et enfin dans la vie qui est parfois interrogation, attente de signification, parfois vision du sens vital.
Odile Hassenforder
Ce texte est extrait dâun chapitre du livre : « Sa prĂ©sence dans ma vie » (p 47-48) : Hassenforder (Odile). Sa prĂ©sence dans ma vie. Empreinte, 2011. Ce livre a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© sur le site de TĂ©moins : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/sa-presence-dans-ma-vie.html. Le tĂ©moignage et la pensĂ©e dâOdile Hassenforder apparaissent dans plusieurs articles de ce blog.
par jean | Sep 18, 2012 | ARTICLES, Société et culture en mouvement, Vision et sens |
Un espoir pour lâavenir humain
Le Royaume de Dieu en train de venir.
Selon quel horizon vivons-nous ? RĂ©duisons-nous plus ou moins notre vision Ă notre condition prĂ©sente jusquâĂ ce que nous passions Ă un autre Ă©tat ? Ou nous sentons-nous en marche vers un univers nouveau oĂč Dieu sera tout en tous ? En route dans le Royaume de Dieu, percevons-nous lâĆuvre de lâEsprit en nous, autour de nous et dans le monde ? Comment faisons-nous la relation entre lâĆuvre vivifiante de lâEsprit et notre prĂ©sence dans le monde ? Vivons-nous plus ou moins sur la dĂ©fensive dans un monde relativement clos ou, au contraire, avançons nous librement et avec empathie dans un espace ouvert en sachant que lâEsprit de Dieu nous conduit dans lâespĂ©rance ?
« Puisse le Dieu de lâEspĂ©rance vous remplir de toute joie et toute paix dans la foi, de telle maniĂšre que, par la puissance du Saint Esprit, vous puissiez abonder en espĂ©rance, Ă©crit Paul aux Romains (Romains 15-13).
JĂŒrgen Moltmann nous montre combien cet accent est original, unique parmi les diffĂ©rentes religions. « Nulle part ailleurs dans le monde des religions, Dieu est ainsi associĂ© Ă un espoir humain pour lâavenir⊠Le futur est un Ă©lĂ©ment essentiel de la foi, qui est spĂ©cifiquement chrĂ©tien. Câest la foi de PĂąques.. La foi signifie vivre dans la prĂ©sence de Christ ressuscitĂ© et nous mouvoir dans le Royaume de Dieu qui vient. Notre expĂ©rience de la vie quotidienne prend place dans une attente crĂ©ative de Christ en train de venir. Nous attendons et nous avançons, nous espĂ©rons et nous endurons, nous prions et observons, nous sommes Ă la fois patients et curieux. » (p. 87-88).
 La vision chrĂ©tienne de lâespĂ©rance nous parle de JĂ©sus-Christ et de lâavenir quâil nous ouvre. A ce point, il est important dâavoir une juste reprĂ©sentation. « Si nous parlons uniquement de la « seconde venue » du Christ, le prĂ©sent est vide et tout ce qui nous est laissĂ© est dâattendre quelque jugement final⊠Mais si nous parlons de Christ qui vient, il est dĂ©jĂ Â dans le processus de venir, et, dans la puissance de lâespĂ©rance, nous nous ouvrons nous-mĂȘme aujourdâhui avec tous nos sens aux expĂ©riences qui marquent sa venue » (p. 89).
 Ce sont des « paraboles du royaume de Dieu en train de venir » (p.92). Nous pouvons connaĂźtre dĂ©jĂ ici et maintenant quelque chose de la guĂ©rison et de la nouvelle crĂ©ation de toutes choses que nous attendons dans lâavenir. Dans son royaume, Dieu commence Ă se manifester sur la terre »
Et si nous partagions notre regard sur ce que nous percevons de lâĆuvre de Dieu dans le monde dâaujourdâhui ?
 J. H.
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Source :
JĂŒrgen Moltmann. In the endâŠthe beginning. Fortress Press, 2004
Chapitre : The living power of hope. p. 87-95
Ce livre vient dâĂȘtre traduit en français : JĂŒrgen Moltmann. De commencements en recommencements. Une dynamique dâespĂ©rance. Empreinte, 2012
Le texte intégral : www.laparolequidonnelavie.com
par | Mar 17, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Hstoires et projets de vie |
Lâapproche pĂ©dagogique de Britt-Mari Barth
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A travers ses recherches et les livres dans lesquels celles-ci sont exposĂ©es, Britt-Mari Barth propose une nouvelle maniĂšre dâenseigner. Mais, en quoi les pratiques traditionnelles deviennent-elles aujourdâhui contre productives ?
Les pratiques traditionnelles deviennent contreproductives dans ce sens quâelles ne prennent pas en compte ce quâon sait aujourdâhui sur la façon dont on  apprend. Traditionnellement, le savoir est conçu comme un « contenu » quâon expose Ă des Ă©lĂšves qui doivent Ă©couter passivement et prendre des notes â pour ensuite mĂ©moriser ce contenu – on prĂ©suppose que câest la clartĂ© du lâexposĂ© qui compte. Si le « message » est clair (cf le schĂ©ma de la communication de Shannon) et si lâĂ©lĂšve est attentif et Ă©coute, il devrait apprendre. Dans cette approche , câest le message qui compte, on ne sâoccupe pas de la maniĂšre dont lâĂ©lĂšve va recevoir ce  message, sâil lâa compris ou pas, si cela fait sens pour lui ou non. Câest comme si les mots Ă©taient le sens et quâil suffit de les apprendre pas cĆur pour avoir « appris ». Mais pour apprendre, il ne suffit pas de mĂ©moriser des rĂ©ponses, il faut comprendre le sens â et cela demande une autre approche pĂ©dagogique. La comprĂ©hension et la capacitĂ© dâagir avec le savoir devient dâautant plus important que nous prenons conscience des dĂ©fis nouveaux qui marquent notre temps. Tous les futurs citoyens ont besoin de comprendre les enjeux de la sociĂ©tĂ© aujourdâhui. Lâinformation est disponible par un simple clique, mais les Ă©lĂšves ont besoin de savoir faire des liens, de comprendre et de poser les bonnes questions, de localiser et de choisir lâinformation pertinente, de la vĂ©rifier,de sâen servir⊠Il sâagit lĂ des capacitĂ©s intellectuelles quâon doit apprendre et s âexercer Ă mettre en oeuvre Ă lâĂ©cole.
Britt-Mari Barth a un parcours original, puisque de nationalitĂ© suĂ©doise, elle est venue sâinstaller en France. MĂšre de trois enfants en Ăąge scolaire, elle a portĂ© un regard neuf sur lâenseignement français. A partir de lĂ , elle a commencĂ© Ă imaginer une pratique innovante.
Justement, je voulais inviter les Ă©lĂšves Ă participer Ă des activitĂ©s qui les incitaient Ă rĂ©flĂ©chir, Ă chercher Ă comprendre, Ă participer Ă des interactions, Ă trouver un intĂ©rĂȘt Ă cette recherche de sens, un peu comme des chercheurs le font⊠Pour cela jâai conçu des « scĂ©narios », qui peuvent se comparer Ă des jeux de sociĂ©tĂ©, avec des rĂšgles quâil faut suivre pour atteindre le but. Ces scĂ©narios proposent une activitĂ©Â Ă laquelle les Ă©lĂšves participent, en collaboration avec les autres, pour produire quelque chose qui a du sens pour eux. LâactivitĂ© doit avoir un dĂ©but et une fin, offrir quelque dĂ©fi, sans ĂȘtre trop difficile. Il faut que les Ă©lĂšves comprennent le but de lâactivitĂ©, et quâils sachent que lâenseignant est lĂ pour les aider en cas de besoin et quâon a le droit Ă faire des erreurs. En expĂ©rimentant ces scĂ©narios en classe, on pouvait remarquer que non seulement les Ă©lĂšves apprenaient mieux â ils comprenaient le sens de ce quâil fallait apprendre â mais ils y prenaient plaisir ! Du coup, ils sâen souvenaient mieux et pouvaient mieux se servir de ce quâils avaient appris – et ils prenaient confiance en leur capacitĂ© dâapprendre.
Britt-Mari Barth est devenue progressivement chercheur en pédagogie. Elle en est venue à proposer une nouvelle approche pédagogique. Quelles en sont les caractéristiques ?
En observant ce qui se passait en classe, jâai voulu mieux comprendre les raisons de cette « rĂ©ussite » : quelles Ă©taient les conditions mises en Ćuvre qui avaient favorisĂ© les apprentissages ? Jâen ai trouvĂ© cinq , quâon pourrait appeler les « points incontournables » pour lâenseignant afin de guider les Ă©lĂšves vers la co-construction du sens.
Les deux premiĂšres conditions se trouvent en amont de « la leçon ». Elles soulignent lâimportance de bien dĂ©finir le savoir Ă enseigner et ceci en prenant en compte la façon dont les Ă©lĂšves doivent faire la dĂ©monstration de leur comprĂ©hension. Apprendre quoi ? Pour faire quoi ? Lâenjeu pour lâenseignant est de ne pas avoir une conception trop statique du savoir, sous forme dâune dĂ©finition abstraite, mais de savoir le transformer en des situations qui le rendent vivant, qui donnent accĂšs au sens. Pour cela, il faut des situations ou des exemples vairĂ©s, permettant Ă chacune de cibler le sens. Tous les savoirs peuvent sâexprimer dans des formes et des langages diffĂ©rents, il sâagit de multiplier et de varier ces formes selon le contexte et le but recherchĂ©. Ces situations du savoir-en-action vĂ©hiculent le sens dâune façon plus directe que des explications abstraites. Les situations-exemples sont donc une entrĂ©e pour se familiariser avec un contenu abstrait. Des contre-exemples, par leur contraste, peuvent aider Ă cerner, limiter le sens. Car, in fine, il sâagit de pouvoir exprimer le sens avec les mots justes â mais le sens nâest pas un dĂ©jĂ -lĂ . Il faut que chacun le construise.
La troisiĂšme condition souligne lâimportance de solliciter lâintention dâapprendre des Ă©lĂšves. Le rĂŽle de lâenseignant est ici essentiel. Câest son propre engagement et son invitation aux Ă©lĂšves Ă relever un dĂ©fi qui vont dâabord leur donner envie de se lancer dans les activitĂ©s proposĂ©es. Mais les Ă©lĂšves ont Ă©galement besoin de se sentir en sĂ©curitĂ© lors des situations dâapprentissage, de savoir que lâenseignant est lĂ pour les aider. Cette attitude, ou posture de lâenseignant est au cĆur de lâapproche et les « scĂ©narios pour apprendre » sont conçus dans cet esprit. La motivation peut alors se construire au fur et Ă mesure que le travail avance et que les Ă©lĂšves y trouvent un sens personnel.Â
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La quatriĂšme condition met au centre la façon dont lâenseignant sollicite, guide et accompagne la rĂ©flexion des Ă©lĂšves. Il le fait en leur proposant de bons supports pour la pensĂ©e â avec quoi et avec qui les Ă©lĂšves vont-ils penser ? ⊠C’est dans l’espace mĂȘme de l’activitĂ© rĂ©flexive et du dialogue que le sens s’Ă©labore, lâattention des Ă©lĂšves Ă©tant guidĂ©e par le choix et lâordre des exemples, par le contraste des contre-exemples, par les questions et lâĂ©coute de lâenseignant. Lâincitation systĂ©matique Ă justifier sa rĂ©ponse oblige Ă anticiper la cohĂ©rence de ses propos et invite Ă lâargumentation. On nâest plus uniquement dans un « monde sur papier », un monde abstrait, mais dans une activitĂ©Â collective qui conduit Ă relier – dans un aller-retour continu – la connaissance abstraite Ă son rĂ©fĂ©rent concret. On passe par les expĂ©riences contextualisĂ©es pour les insĂ©rer dans une unitĂ© plus large qui lui donne sens.
Progressivement, les Ă©lĂšves comprennent que ces « outils de pensĂ©e » sont valables dans dâautres situations. Ce qui nous amĂšne Ă la cinquiĂšme condition.
La cinquiĂšme condition nous mĂšne vers la mĂ©tacognition. Celle-ci consiste Ă faire un retour rĂ©flexif sur sa pensĂ©e pour en prendre conscience. La mĂ©tacognition a pour but dâĂ©largir le champ de la conscience des apprenants et donc leur capacitĂ© Ă rĂ©utiliser ce quâils ont appris dans des contextes diffĂ©rents. Elle permet ainsi de devenir davantage conscient de ce que lâon sait, de comprendre comment on a appris, ce qui permet, progressivement, de mobiliser ses connaissances et de reproduire ces processus dans un autre contexte.
Ces cinq « points incontournables » :
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– dĂ©finir le savoir Ă enseigner
– exprimer le sens dans des formes concrĂštes
– engager les apprenants
– guider le processus
– prĂ©parer au transfert des connaissances
peuvent alors constituer une grille dâanalyse pour guider le travail de          lâ enseignant.
La recherche de Britt-Mari Barth sâest immĂ©diatement inscrite dans une perspective internationale. Ainsi a-t-elle pu bĂ©nĂ©ficier de lâapport de quelques chercheurs rĂ©putĂ©s. En quoi cet apport a-t-il Ă©clairĂ© cette recherche ?
Jâai eu de la chance, dĂ©s mes dĂ©buts, de rencontrer des Ćuvres et des personnes qui ont guidĂ© et inspirĂ© mon travail. Dâabord, Jerome Bruner, psychologue amĂ©ricain, un des pionniers de la psychologie cognitive et qui a changĂ© notre vision du dĂ©veloppement humain. A une Ă©poque oĂč  lâinconscient de Freud Ă©tait au programme dans la formation des enseignants, lâidĂ©e de la conscience , avec la mĂ©tacognition (revenir sur sa pensĂ©e pour en prendre conscience), est venue nous surprendre. Bruner montrait lâimportance de « lâattention conjointe » pour pouvoir penser ensemble et dâavoir une structure dâinteraction pour guider et soutenir la rĂ©flexion. Plus tard, jâai connu Howard Gardner qui Ă©tait un des premiers thĂ©oriciens Ă nous faire la dĂ©monstration quâil nây a pas quâune seule « intelligence gĂ©nĂ©rale » qui fonctionne partout : on lâa ou lâon ne lâa pas, et cela se mesure en Q.I. dĂšs lâĂąge de trois ans ⊠Au contraire, il y a des « potentialitĂ©s » de modes cognitifs diffĂ©rents et multiples, qui sâexpriment dans diverses tĂąches ou divers contextes culturels. Il nây a donc pas dâ « intelligence pure » qui sâexercerait hors contexte. Pour ĂȘtre « intelligent » dans un domaine donnĂ©, il faut apprendre Ă utiliser les langages symboliques qui expriment chaque domaine de savoir. DâoĂč lâimportance de bien les enseigner. Par ailleurs, chaque intelligence peut ĂȘtre mobilisĂ© dans un large ensemble de domaines. Cela invite Ă varier les activitĂ©s et le contextes jusquâĂ ce quâon ait atteint un « terrain commun » dâoĂč le sens peut Ă©merger . Ce dernier point me semble trĂšs important et câest le biologiste Francisco Varela qui mâa permis de bien le comprendre. Il montre que chaque personne a une  structure cognitive interne qui se dĂ©veloppe de façon autonome, il faut donc respecter cela si lâon veut amener un Ă©lĂšve Ă changer de « structure », de comprĂ©hensionâŠ
Les propositions de Britt-Mari Barth intervient Ă une Ă©poque oĂč les reprĂ©sentations et les comportements changent constamment. En quoi cette nouvelle maniĂšre dâenseigner rĂ©pond-elle au changement dans les mentalitĂ©s ?
Nous sommes beaucoup plus conscients aujourdâhui du besoin des interactions pour apprendre. Nous nâapprenons pas seuls, nous apprenons par interaction, avec les autres et avec les « outils de pensĂ©e » que notre environnement nous rend accessibles. Cela se remarque dâautant plus aujourdâhui que nous vivons une mutation technologique, une rĂ©volution portĂ©e par le numĂ©rique, une « « culture multi-mĂ©dia ». Issus de cette « cyberculture », qualifiĂ©s de « digital natives », les Ă©lĂšves ont Ă©galement changĂ© et ils ne viennent plus Ă lâĂ©cole avec les mĂȘmes attentes â et lâĂ©cole ne peut plus lâignorer. Ils sont experts en nouvelles technologies et ils ont lâhabitude dâĂȘtre en communication constante sur les rĂ©seaux sociaux. Il y a un rapport nouveau au savoir et Ă lâapprentissage, Ă©lĂšves et professeurs ont accĂšs aux mĂȘmes informations. Les mutations actuelles de notre sociĂ©tĂ© laissent penser que la nature de lâenseignement et de la formation va ĂȘtre amenĂ©e Ă changer radicalement. Cela ne veut pas dire que lâĂ©cole est moins indispensable quâavant, mais les rĂŽles des enseignants et des Ă©lĂšves ont changĂ©. Les propositions que jâai faites vont dans ce sens, elles offrent plus de place aux Ă©lĂšves « dâapprendre ensemble », de participer activement Ă la construction de leur savoir.
Britt-Mari Barth travaille avec des professeurs innovants, mais ses livres sâadressent Ă tous les enseignants. Comment ses idĂ©es sont-elles reçues ?
Au fil des annĂ©es, jâai formĂ© un grand nombre dâenseignants, y compris dans les classes. Jâai Ă©tĂ© agrĂ©ablement surprise de lâenthousiasme avec lequel les enseignants ont reçu ces « outils » et les ont mis en Ćuvre Ă leur maniĂšre. Je pense que cela sâexplique par le fait que quand la confiance mutuelle sâinstalle dans une tĂąche avec un but commun, un langage commun, avec des outils pertinents qui permettent une certaine prise sur la rĂ©ussite de lâentreprise, cela donne une forte motivation de sâimpliquer, intellectuellement et affectivement. Et ce sont lĂ les conditions premiĂšres pour quâun apprentissage ait lieu. Le rĂŽle de lâenseignant change. Au lieu dâexposer son savoir, il le met au service des Ă©lĂšves pour quâils puissent construire le leur. Il devient un mĂ©diateur entre les Ă©lĂšves et le savoir, celui qui organise des rencontres avec ce dernier, dans ses formes vivantes, pour que tous les Ă©lĂšves puissent interagir avec ce savoir et entre eux. Il est Ă la fois lâinspirateur et le catalyseur, le modĂšle et lâaccompagnateur⊠câest un rĂŽle plus exigeant mais plus valorisant.
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Les usagers de lâenseignement : Ă©lĂšves, Ă©tudiants, parents, sont Ă©videmment particuliĂšrement concernĂ©s. Comment peuvent-ils participer Ă ce grand changement ?
Quand les Ă©lĂšves ou les Ă©tudiants deviennent plus conscients des mĂ©thodes et des outils pour apprendre, ils deviennent plus autonomes et dĂ©veloppent une plus grande aptitude Ă agir. Ils se sentent plus auteurs de leurs apprentissages et peuvent devenir plus responsables â pour eux-mĂȘmes et, pourquoi pas, pour les autres. Ils peuvent travailler entre eux, Ă lâaide des outils numĂ©riques, par exemple, en posant des questions⊠Avec une vision plus claire de ce que le savoir leur permet de faire, comme par exemple rĂ©soudre un problĂšme, analyser une situation ou une lecture, porter un jugement sur un Ă©vĂ©nement qui se passeâŠles apprentissages scolaires prennent plus de sens pour eux, ils peuvent en parler avec les parents qui peuvent Ă©galement apporter leur pierre Ă ce « savoir en construction ». La diversitĂ©, au lieu dâĂȘtre un obstacle, peut devenir un atout pour enrichir les connaissances.
Lâenseignement joue un rĂŽle majeur dans notre sociĂ©tĂ©. Quelle vision, Britt-Mari Barth nous communique-t-elle ?
Le nouveau « enseignant-mĂ©diateur » a changĂ© la vision quâil avait des apprenants, il ne se pose plus les mĂȘmes questions, il ne conçoit plus son rĂŽle de la mĂȘme façon. Il ne se pose plus la question de savoir si lâon a «couvert le programme », si les Ă©lĂšves sont attentifs, motivĂ©s, « bons », ou non. Ses questions concernent plutĂŽt la maniĂšre dont on peut utiliser les moyens qui existent (y compris les outils numĂ©riques) pour outiller les Ă©lĂšves Ă mieux penser et Ă mieux apprendre et Ă apprendre avec plus de plaisir : comment on peut les stimuler, leur proposer des dĂ©fis, leur donner envie dâapprendre⊠La motivation â et la confiance en soi â conçue comme une disposition Ă relever des dĂ©fis, prendre une initiative, ne pas craindre les erreurs, avoir de la persĂ©vĂ©rance⊠peut ainsi se construire. Ce nâest pas nouveau en soi, câest ce que les « bons enseignants » ont sans doute toujours fait⊠Mais il faudrait devenir plus conscient de ce que fait « un bon prof », comment il s ây prend⊠dans quel but⊠et former tous les enseignants Ă se poser de telles questions et Ă ĂȘtre outillĂ©s pour y rĂ©pondre.
Contribution de Britt-Mari Barth
Britt-Mari Barth est professeur Ă©mĂ©rite Ă lâInstitut SupĂ©rieur de PĂ©dagogie de lâInstitut Catholique de Paris oĂč elle enseigne depuis 1976 . Ses travaux sâinscrivent dans une approche socio-cognitive de la mĂ©diation des apprentissages et ont dĂ©bouchĂ© sur une approche pĂ©dagogique connue sous le nom de « Construction de concepts ». Ses travaux sont exposĂ©s dans deux livres fondamentaux : « Lâapprentissage de lâabstraction » et « Le savoir en construction » publiĂ©s aux Editions Retz. Britt-Mari Barth vient de publier un nouveau livre : « ElĂšve chercheur, enseignant mĂ©diateur. Donner du sens aux savoirs » aux Editions Retz et aux Ă©ditions CheneliĂšre, MontrĂ©al. Ses Ă©crits sont traduits en huit langues.
http://www.editions-retz.com/auteur-1127.html
par jean | Jan 4, 2018 | ARTICLES, Hstoires et projets de vie, Société et culture en mouvement |
 Changer de regard pour redonner de lâavenir.
Il y eu des annĂ©es dâactivitĂ©, de vie intense, et puis, tout sâest effondrĂ©. Câest le marasme. Ce peut ĂȘtre une situation individuelle ou collective. Et bien souvent, les deux Ă la fois. Câest lâimpasse. On se rĂ©signe. On sâinstalle ou bien tout continue Ă se dĂ©grader. OĂč aller ? Comment rebondir ?
Mais pour aller de lâavant, on a besoin de changer de regard. Câest une nouvelle maniĂšre de voir. Câest pouvoir apercevoir les signes dâun renouveau, des pistes qui apparaissent et jalonnent les nouvelles orientations. Jean-François Caron nous raconte lâhistoire du renouveau du pays minier dans le Pas de Calais. Il en est un des principaux acteurs. Cette histoire est Ă©mouvante parce quâelle nous parle dâun peuple courageux qui, Ă lâarrĂȘt des houillĂšres, avait perdu sa raison de vivre. Cette histoire est exemplaire parce quâelle nous montre quâun nouvel espoir peut grandir et un nouvel horizon apparaĂźtre. Ici, la mutation Ă©cologique est le moteur de la grande mutation Ă laquelle nous assistons. Dans cette intervention Ă TED x Vaugirard Road (1), Jean-François Caron nous raconte cette histoire.
Un pays en souffrance
« Je viens dâun pays oĂč il nây avait plus de futur et jâai passĂ© 25 annĂ©es de ma vie Ă construire un cheminement de reconversion. Ce pays, ce petit pays, ça sâappelle le pays minier dans le Pas de Calais ». Ce pays a beaucoup souffert dans le travail des mines. « Dans ma commune, le sol a baissĂ© de quinze mĂštres Ă cause des affaissements miniers. Les rĂ©seaux dâeau sont fracturĂ©s. Et les hommes mourraient Ă quarante ans Ă cause de la silicose. CâĂ©tait normal de donner sa vie pour ses enfants. CâĂ©tait la rĂšgle. Un de mes grands oncles est mort Ă 34 ans de la silicose, cette maladie qui ronge les poumons. VoilĂ . CâĂ©tait assez pĂ©nibleâŠÂ ».
Lâoiseau de lâespĂ©rance. Un « traquet motteux » sâinstalle sur un terril.
Et voici que Jean-François Caron nous parle des oiseaux. Câest une image de vie. Et câest aussi un objet dâattention pour les Ă©cologistes. « Les oiseaux Ă©taient partis. Je vous parle des oiseaux parce quâun oiseau est revenu et quâil a tout changé⊠Figurez-vous que, chez nous, Ă lâarriĂšre, il y a quelques montagnes noires ; on appelait cela les terrils. Les terrils, câest ce qui a Ă©tĂ© extrait du fond jusquâĂ moins mille mĂštres dans notre commune. Câest du schiste, de la pierre, de la poutrelle. On appelle cela des crassiers, des tas de dĂ©chets. Et puis, parce que je suis ornithologue, un jour jâobserve un « traquet motteux » avec un petit croupion blanc, admirable, Ă©tincelant. Câest un oiseau qui vit en montagne. Il a besoin de pierres pour nicher sous la pelouse alpine. Il vit dans les Alpes et en Scandinavie. Cet oiseau, qui remontait en migration prĂ©nuptiale, a trouvĂ© dans les terrils un milieu qui lui convenait. Et mon terril  hĂ©bergeait un oiseau rare. Cela a complĂštement changĂ© mon regard sur les terrils que je voyais lĂ depuis que jâallais Ă lâĂ©cole et qui faisait partie du paysage ».
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Un regard nouveau sur les terrils.
« Jâai donc commencĂ© Ă changer de lunettes sur ce terril qui hĂ©bergeait un oiseau rare. A ce sujet, jâai rencontrĂ© des gens qui sont devenus mes amis. Jâai rencontrĂ©, par exemple, des urbanistes qui disaient que, dans ce pays plat du Nord, les terrils, ce sont nos points de repĂšre, ce sont nos beffrois. Ils structurent le territoire. Jâai rencontrĂ© des artistes qui sont devenus mes amis. Ils me disaient : regarde ces triangles merveilleux qui montent au ciel, tout noirs, tout purs. Il fallait y penser. Mais câest vrai que câĂ©tait beau. Jâai rencontrĂ© des mineurs, bien sĂ»r. Ils disaient : « Les terrils, câest passĂ© dans nos mains. Câest plein de sueur. Câest plein de notre sang. Câest nous, les terrils ». Et donc, avec ces pionniers, nous avons changĂ© de lunettes. Nous avons dĂ©cidĂ© de nous organiser. Nous avons crĂ©Ă© une association qui sâappelle : « la chaine des terrils ». Parce quâon en avait marre quâen plus de nous imposer le chĂŽmage, on nous dise que ces terrils nâĂ©taient pas beau et parce quâĂ lâĂ©poque, tout me monde disait : « il faut raser tout ça ». CâĂ©tait terrible, cette volontĂ© de nĂ©gation. Alors que 29 nationalitĂ©s Ă©taient venues travailler chez nous, quâon avait un systĂšme de valeurs extraordinaire, que la vie dans les citĂ©s miniĂšres Ă©tait mille fois plus joyeuse et agrĂ©able.
Le bassin minier recĂ©lait plein de systĂšmes de valeurs et donc, on sâest organisĂ© et quand on a remontĂ© la derniĂšre gaillette (morceau de charbon) Ă la fosse de Oignies, France III a organisĂ© un dĂ©bat avec le grand patron de lâempire des HouillĂšres, un monsieur qui avait des tas de diplĂŽmes, qui faisait son job pour faire gagner des sous Ă sa boite. Et, pour lui, les terrils, câĂ©tait des tas de matĂ©riaux. Ăa se vendait. Et moi, jâĂ©tais en face parce que jâĂ©tais un peu le reprĂ©sentant du monde qui va venir. On ne savait pas quoi, mais on avait crĂ©Ă© « la chaine des terrils ». On avait un regard. On avait une idĂ©e de ce que pouvait ĂȘtre ce monde Ă venir. Donc, on fait ce dĂ©bat.
Je nâĂ©tait pas seul. Avec moi, il y avait mon arriĂšre grand-pĂšre qui avait Ă©tĂ© dĂ©lĂ©guĂ© mineur durant les grandes grĂšves de 1900. Et jâavais le traquet motteux, la nature avec moi. Finalement, on a gagnĂ©. Le ministre de lâintĂ©rieur (1995) a imposĂ© Ă Charbonnages de France, lâinstitution par excellence, une partition entre les terrils quâon allait garder pour la nature, les terrils quâon allait garder pour la fonction symbolique comme par exemple le terril Renard Ă Denain que Zola avait dĂ©crit dans Germinal, et puis, quand mĂȘme, les terrils pour les matĂ©riaux. Et, Ă partir de lĂ , on a commencĂ© Ă regagner un peu de dignitĂ© et de fiertĂ©, tout simplement. Nous nous sommes organisĂ©. Et on a commencĂ© Ă avoir un certain nombre de rĂ©sultats. Jâai crĂ©Ă© une Ă©cole de parapente. On a dĂ©veloppĂ© une action culturelle. Des mineurs qui jouaient leur propre rĂŽle. Des sons et lumiĂšres participatifs. On a fait du « land art » sur les terrils ».
Un projet collectif pour transformer le territoire
« Entre temps, jâai Ă©tĂ© Ă©lu au Conseil rĂ©gional parce que les gens ont estimĂ© que tous ces combats lĂ avaient de lâimportance. Et puis, je suis devenu Ă©lu local. Et lĂ , jâai eu Ă mâoccuper de lâurbanisme, du plan dâoccupation des sols et, trĂšs vite, il mâest apparu quâon ne pourrait pas faire un plan dâoccupation des sols sans un vrai projet de ville. Comme au Far West, quand on a abandonnĂ© les mines et que tout est restĂ© dans lâĂ©tat, on nâavait plus de futur. Mais oĂč voulez-vous mettre un million de personnes ? Un petit peu Ă Dunkerque, au Havre, Ă Paris ? Ce nâĂ©tait pas possible. Et donc, trĂšs vite, il mâest apparu quâon ne pourrait plus faire un vĂ©ritable plan dâoccupation des sols, de lâagriculture et des usines, lĂ oĂč on pouvait construire, donc sans un vrai projet de ville. Dans notre reprĂ©sentation, cette ville nouvelle ne pouvait sâĂ©difier que dans une Ćuvre collaborative. Ce ne pouvait pas ĂȘtre Ă dire dâexpert. MĂȘme si nous en avions besoin, ce nâest pas un expert qui pouvait nous dire notre futur. Ce nâĂ©taient pas non plus les Ă©lus, mĂȘme si jâen faisais partie. Ce ne pouvait se faire que dans un processus collectif. Câest comme cela quâon a installĂ© le rĂŽle dâhabitant acteur, quâon a mis les gens en situation de coproduire la ville. Et nos premiĂšres expĂ©rimentations ont dĂ©coulĂ© de lĂ . On avait une eau absolument catastrophique, le double de la dose de nitrate. Alors, dans le plan dâoccupation des sols et dans les actions de ville, il fallait ĂȘtre draconien sur la protection de lâeau. Les maisons de mineurs avaient eu du charbon gratuit pour le chauffage. Thermiquement, elles Ă©taient comme des passoires. Alors lâĂ©coconstruction et la rĂ©habilitation thermique devenaient absolument stratĂ©giques et câest comme cela que nos premiĂšres expĂ©rimentations sont sorties et que, progressivement, on a commencĂ© Ă dessiner une vision ».
Inventer une transition
« CâĂ©tait la vision dâun nouveau modĂšle de dĂ©veloppement, mĂȘme Ă travers des signaux faibles. Comme on dirait aujourdâhui : sortir de la sociĂ©tĂ© du gaspillage. On voit bien que le nouveau modĂšle de dĂ©veloppement ira plutĂŽt vers la sobriĂ©tĂ© et le recyclage en prenant le contre pied de nos pratiques actuelles. Ce nouveau modĂšle de dĂ©veloppement nâĂ©tait pas encore apparu, mais nous avions vu lâhomme et la nature martyrisĂ©s et on se rendait compte de ce que ce modĂšle pourrait devenir progressivement. On doit en mĂȘme temps construire la transition. Et câest trĂšs compliquĂ© dâemmener une communautĂ©, un collectif et de dire : on va changer le monde, mais on ne sait pas vers quel monde on va.
Progressivement, la confiance sâest installĂ©e par la qualitĂ© des collectifs quâon avait montĂ©, par le travail quâon faisait ensemble, par la façon dont on posait des actes sur la maniĂšre de reconquĂ©rir notre espace. Et puis, jâai beaucoup insistĂ© sur cette idĂ©e quâil fallait libĂ©rer les initiatives. On sortait dâune sociĂ©tĂ© encadrĂ©e. Quand vous devez inventer un monde, il faut faire des innovations. Et une innovation, câest une dĂ©sobĂ©issance qui a rĂ©ussi, mais câest dâabord une dĂ©sobĂ©issance. Et donc, on travaille la question du droit Ă lâerreur parce que, si vous nâavez pas le droit de vous tromper, je vous garantis que jamais vous ne ferez quelque chose. On a travaillĂ© ces questions. On a multipliĂ© les processus et les initiatives et on est progressivement devenu une ville pilote du dĂ©veloppement durable ».
En marche
Jean-François Caron nous rapporte les excellents rĂ©sultats de son action municipale : un maire rĂ©Ă©lu avec 82% des voix. Et, comme il dit avec humour : « un Ă©colo au pays des gueules noires ». Câest un parcours significatif.
« Nous, on Ă©tait dans le gouffre, pas au bord du gouffre, dans le gouffre. Il y a vingt cinq ans, on nâavait pas le choix. On avait lâĂ©pĂ©e dans les reins. Paradoxalement, on avait de la chance.
On est parti de nos valeurs : lâhomme et la nature ne sont pas des variables dâajustement. On a choisi un nouveau regard. Ăa nous a changĂ© nous-mĂȘmes. On a retrouvĂ© de la confiance, de la vision, une place pour chacun dans lâeffort collectif dâinventer un nouveau modĂšle, et puis surtout, on a inventĂ© du dĂ©sir, du dĂ©sir de dĂ©veloppement durable, parce que si le dĂ©veloppement durable, câest une addition de contraintes et des grands discours de morale, jamais le dĂ©veloppement durable ne sâimposera. Alors que si on se remet en perspective et de considĂ©rer que de dire bonjour Ă son voisin plutĂŽt que de lui faire la gueule ou faire une haie de trois mĂštres de haut, aimer la nature et reprendre nous-mĂȘme notre destin, câest tout simplement joyeux. Cela nous redonne prise. Et donc, aujourdâhui, tout nâest pas rĂ©glĂ© Ă Loos-en-Gohelle. Loin sâen faut ! On est Ă notre petite Ă©chelle. On est en train de travailler au changement dâĂ©chelle. Chaque histoire est unique. La notre est unique. Chacune des vĂŽtres est unique. Mais, souvenez-vous, si vous changez de regard, alors vous pourrez soulever des montagnes. Pas seulement des terrils ! »
Changer de regard !
Jean-François Caron nous rapporte une longue marche nourrie par une vision qui sâest prĂ©cisĂ©e peu Ă peu. Câest la sortie dâune dĂ©shĂ©rence et le parcours dâun chemin vers une vie nouvelle. Le rĂ©cit de Jean-François Caron sâentend comme celui dâune Ă©mergence, dâun renouveau et mĂȘme comme celui dâune libĂ©ration par rapport au vieux monde. Ce pays reprend vie et des signes successifs en tĂ©moignent : lâarrivĂ©e dâun oiseau, la transformation des terrils, une dynamique sociale et Ă©cologique.
Lâhomme qui raconte cette histoire Ă©veille notre sympathie travers la force tranquille que nous percevons en lui : honnĂȘtetĂ©, authenticitĂ©, confiance et les valeurs quâil Ă©voque : « lâhomme et la nature ne sont pas des variables dâajustement ». Nous voyons dans son parcours une dynamique dâespĂ©rance et de foi.
Dans lâhistoire de lâhumanitĂ©, nous avons vu des groupes se dĂ©biliter parce quâils avaient perdu une vision de lâavenir. Pour agir, nous avons besoin de croire que notre action peut sâexercer avec profit. « Nous devenons actifs pour autant que nous espĂ©rons. Nous espĂ©rons pour autant que nous pouvons entrevoir des possibilitĂ©s futures. Nous entreprenons ce que nous pensons du possible » (JĂŒrgen Moltmann) (2). De fait, nos reprĂ©sentations sont opĂ©rantes. « La foi dĂ©place les montagnes ». « Si quelquâun dit Ă cette montagne : « SoulĂšves-toi ! Jette-toi dans la mer ! », et si il nâhĂ©site pas dans son cĆur, mais croit que ce quâil dit va arriver, cela lui sera accordé » (3). Importance de nos reprĂ©sentations, de nos intentions, telles quâelles sâexpriment dans notre regard.
La dynamique de transformation suscitĂ©e par Jean-François Caron sâest rĂ©alisĂ©e Ă travers une longue marche dâĂ©tape en Ă©tape. Elle tĂ©moigne de la puissance dâune vision. Câest un tĂ©moignage encourageant, car comme nous le dit Jean-François Caron : « Chaque histoire est unique. Chacune des vĂŽtres est unique. Mais souvenez-vous, si vous changez de regard, alors vous pourrez soulever des montagnes, pas seulement des terrils ».
J H
(1)           Changer de regard pour se redonner un avenir. Jean-François Caron. TED x Vaugirard Road : (ajouté le 20 juillet 2015) : https://www.youtube.com/watch?v=uZFNNN7i734
(2)           Agir et espĂ©rer. EspĂ©rer et agir LâespĂ©rance comme motivation et accompagnement de lâaction : article prĂ©cĂ©dent sur ce blog.
(3)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Evangile Marc 11.23, Matthieu 21.21
par jean | Juin 3, 2012 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Un témoignage présenté dans le livre : « Sa présence dans ma vie »
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Quand on veut encourager un ami Ă faire face Ă un moment difficile, en le quittant, une expression nous vient facilement Ă lâesprit : « Bon courage ! ». Ainsi veut-on lâaider Ă faire face Ă travers une intonation qui cherche Ă galvaniser son Ă©nergie et dans laquelle nous mettons tout notre allant. Mais a-t-il en lui les forces correspondantes ? Cette parole cherche Ă entraĂźner un sursaut, mais ensuite tout peut retomber, et parfois plus bas encore.
De fait, nous avons oubliĂ©, peut-ĂȘtre parce que nous sommes troublĂ©, peut-ĂȘtre parce que nous ne le savons pas clairement, que tout ne dĂ©pend pas de nous, quâil y a une force supĂ©rieure Ă laquelle nous pouvons faire appel, dans laquelle nous pouvons puiser. Oui, nous pouvons ensemble entrer dans une dynamique qui nous dĂ©passe. Cette attitude peut engendrer des miracles. « La foi jouit de la force mĂȘme de Dieu », nous dit JĂŒrgen Moltmann. Câest pourquoi dâelle seule il est dit ce qui est rĂ©servĂ© Ă Dieu : « Tout est possible Ă celui qui croit » (Mc 9.23). (JĂ©sus, le Messie de Dieu p.163-164). Alors notre parole dâencouragement peut se transformer. Ce nâest plus : « Bon courage ! ». Câest : « Confiance ! ». La confiance sâinscrit dans un mouvement porteur qui nous dĂ©passe.
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Odile, atteinte dâun cancer, a dĂ©couvert la puissance de ce mot auprĂšs de celle quâelle a appelĂ©e : « Dame confiance » (1).
« « Mon traitement se termine avant la perfusion de mon amie. En partant, je lui dis un banal « Bon courage ! ». Alors, une voix tonitruante retentit sur un ton pĂ©remptoire. « On ne dit pas « Courage ! ». On dit « Confiance ». Câest une dame dâun certain Ăąge, allongĂ©e sur un lit un peu plus loin, qui a si vigoureusement rĂ©agi. Je lâavais remarquĂ© Ă son arrivĂ©e : une forte personnalitĂ© gaie, dâune grande vitalitĂ©. Son exclamation mâa fait lâeffet dâun courant Ă©lectrique. Jâai bondi vers elle : « Vous avez raison ! ». Et je lâai embrassĂ©e⊠Une force intĂ©rieure mâanimait. Je suis partie, gonflĂ©e Ă bloc ! La joie au cĆur dâune espĂ©rance de vie. Câest vraiment curieux quâun message, quâun simple mot soit porteur dâun message aussi fortâŠÂ ».
Et, dĂšs lors, la famille, les amis vont sâassocier Ă la demande dâOdile : « Ne me dites pas « Courage », mais « Confiance ». « Le mot de passe est devenu : « Confiance ! », vĆu dâune santĂ© meilleure ». Câest lâexpression dâune puissance de vie, dâune grĂące divine en action. Aujourdâhui encore, cette mĂ©moire porte vie. « Dame confiance a semĂ© une petite graine en devenir dâun grand arbre oĂč le corps fatiguĂ©, les Ăąmes dĂ©pressives vont pouvoir se reposer et reprendre vieâŠÂ ». Une simple parole : « Confiance ! ».
JH
(1)              Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Empreinte, 2011 (Dame confiance p.161-163). Ce livre a été évoqué à plusieurs reprises sur ce blog et il est présenté par Françoise Rontard sur le site de Témoins :
http://www.temoins.com/actualites/evenements-et-actualites/805-sa-presence-dans-ma-vie-odile-hassenforder-temoignages-d-une-vie-et-commentairres-de-lecteurs.html