Une vie intérieure qui croßt et que rien ne peut détruire

Face Ă  un danger d’accident, une expĂ©rience rapportĂ©e par Odile Hassenforder (« Sa prĂ©sence dans ma vie »).

 

Quelques annĂ©es aprĂšs la transformation engendrĂ©e par le vĂ©cu d’une guĂ©rison dans l’Esprit et accompagnĂ©e par une lecture rĂ©guliĂšre et inspirĂ©e de la parole biblique, Odile nous rapporte l’expĂ©rience d’un risque d’accident et les sentiments et les pensĂ©es que cet incident a suscitĂ© en elle.

En Christ, son ĂȘtre intĂ©rieur est dĂ©sormais en sĂ»retĂ©, dans un ressenti d’intĂ©gritĂ© et de confiance. Elle constate Ă©galement les effets de sa frĂ©quentation des textes bibliques dans l’inspiration de l’Esprit. «La Bible n’est pas une simple histoire Ă  comprendre intellectuellement ou Ă  adopter comme modĂšle de conduite. C’est beaucoup plus que cela et autre chose
 J’ai dĂ©couvert qu’elle est semence. Je demande Ă  L’Esprit de faire germer cette semence en moi. Je n’en vois les fruits que lorsqu’il y a corrĂ©lation avec la rĂ©alitĂ© concrĂšte
 Je rĂ©alise l’importance pour moi de me laisser imprĂ©gner par les Ecritures pour devenir ce sarment accrochĂ© Ă  la vigne dont JĂ©sus est le cep  ».       

 

La nuit est noire. Il pleuvait


 

La nuit est noire. Il pleuvait. Un chapelet de feux rouges devant moi. Je suis emportĂ©e dans le flot des voitures. Il est tard et l’étape est encore loin.

Je regarde le compteur : 140. J’ai un coup au cƓur. Une angoisse m’assaille. Un moindre incident, un petit coup de volant pour Ă©viter une pierre ou une voiture qui change de file et j’envoie la famille dans les dĂ©cors. En un Ă©clair, j’envisage le pire : un enfant qui peut rester orphelin. Tout en prenant instinctivement une allure plus raisonnable, une conviction intĂ©rieure m’apaise. J’ai confiĂ© mon fils au Seigneur, j’ai confiance : il ne sera pas « cassé ». Cette expression voulait dire pour moi qu’il ne connaĂźtrait pas, comme je l’avais connue, la destruction de l’ĂȘtre, car Dieu est en lui. MĂȘme orphelin, il aurait cette vie intĂ©rieure qui le ferait rebondir.

 

Plus rien ne peut m’atteindre. Le Seigneur ne m’abandonne pas


 

Cette conviction m’a tellement imprĂ©gnĂ©e qu’elle fait partie de mon ĂȘtre : la vie, qui, malgrĂ© les apparences visibles, ressurgit pour demeurer Ă©ternellement. Je reconnais lĂ  que la Parole de Dieu est bien une semence qui a poussĂ© sans que j’y prenne garde, jour et nuit, et qui, Ă  cet instant, porte ses fruits. Au moment de l’évĂ©nement, il ne m’est pas revenu Ă  l’esprit telle ou telle parole de JĂ©sus en tels versets bibliques, mais une rĂ©alitĂ© intĂ©rieure imprĂ©gnĂ©e en moi. J’étais dans l’état d’esprit du salut Ă©ternel apportĂ© par JĂ©sus. Plus rien ne peut m’atteindre. Le Seigneur ne m’abandonne pas moi et ma maison.

 

La Bible est une semence. Je demande à l’Esprit de faire germer cette semence en moi


 

         Ainsi la Bible n’est pas une simple histoire Ă  comprendre intellectuellement ou Ă  s’imprĂ©gner comme modĂšle de conduite. C’est beaucoup plus que cela et autre chose. Avant d’avoir dĂ©couvert l’action de l’Esprit en moi, je cherchais dans les Ă©vangiles, que j’avais lus en entier, une conduite Ă  suivre. Je m’appliquais Ă  suivre une morale qui me paraissait supĂ©rieure aux conduites humaines. C’était une nourriture extĂ©rieure Ă  moi que j’essayais de digĂ©rer au mieux. J’ai dĂ©couvert depuis qu’elle est semence. Je ne comprends pas toujours, mais avant de lire les Ecritures, je me mets en Ă©tat de rĂ©ceptivitĂ©. Je demande Ă  l’Esprit de faire germer cette semence en moi. Je n’en vois les fruits que lorsqu’il y a une corrĂ©lation avec la rĂ©alitĂ© concrĂšte que je vois. Il y a alors expĂ©rience de la vie de Dieu en moi. Il peut se passer des mois, des annĂ©es entre telle lecture et la rĂ©alisation de sa signification. Elle devient signifiante pour moi Ă  l’expĂ©rience. Dans ce laps de temps, la graine a germĂ© sans que je m’en aperçoive.  Elle devient un arbre qui peut porter ainsi beaucoup de fruits. C’est pourquoi je rĂ©alise l’importance pour moi de me laisser imprĂ©gner par les Ecritures pour devenir ce sarment rattachĂ© Ă  la vigne dont JĂ©sus se dit la plante. « Je suis la plante de vigne, vous ĂȘtes les branches. Celui qui demeure uni Ă  moi et Ă  qui je suis uni, porte beaucoup de fruit (le fruit de l’Esprit), car vous ne pouvez rien faire sans moi » (Jean 15.5). Cette union Ă  JĂ©sus, pour moi aujourd’hui, se rĂ©alise dans la lecture des Ecritures qui deviennent signifiantes Ă  l’évĂ©nement vĂ©cu antĂ©rieurement ou ultĂ©rieurement, dans la priĂšre qui est don de soi, rĂ©ceptivitĂ© et louange, et enfin dans la vie qui est parfois interrogation, attente de signification, parfois vision du sens vital.

 

Odile Hassenforder

 

Ce texte est extrait d’un chapitre du livre : « Sa prĂ©sence dans ma vie » (p 47-48) : Hassenforder (Odile). Sa prĂ©sence dans ma vie. Empreinte, 2011. Ce livre a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© sur le site de TĂ©moins : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/sa-presence-dans-ma-vie.html. Le tĂ©moignage et la pensĂ©e d’Odile Hassenforder apparaissent dans plusieurs articles de ce blog.

Quelle espérance ?

Un espoir pour l’avenir humain

Le Royaume de Dieu en train de venir.

Selon quel horizon vivons-nous ? RĂ©duisons-nous plus ou moins notre vision Ă  notre condition prĂ©sente jusqu’à ce que nous passions Ă  un autre Ă©tat ? Ou nous sentons-nous en marche vers un univers nouveau oĂč Dieu sera tout en tous ? En route dans le Royaume de Dieu, percevons-nous l’Ɠuvre de l’Esprit en nous, autour de nous et dans le monde ? Comment faisons-nous la relation entre  l’Ɠuvre vivifiante de l’Esprit et notre prĂ©sence dans le monde ? Vivons-nous plus ou moins sur la dĂ©fensive dans un monde relativement clos ou, au contraire, avançons nous librement et avec empathie dans un espace ouvert en sachant que l’Esprit de Dieu nous conduit dans l’espĂ©rance ?

« Puisse le Dieu de l’EspĂ©rance vous remplir de toute joie et toute paix dans la foi, de telle maniĂšre que, par la puissance du Saint Esprit, vous puissiez abonder en espĂ©rance, Ă©crit Paul aux Romains (Romains 15-13).

JĂŒrgen Moltmann nous montre combien cet accent est original, unique parmi les diffĂ©rentes religions. « Nulle part ailleurs dans le monde des religions, Dieu est ainsi associĂ© Ă  un espoir humain pour l’avenir
 Le futur est un Ă©lĂ©ment essentiel de la foi, qui est spĂ©cifiquement chrĂ©tien. C’est la foi de PĂąques.. La foi signifie vivre dans la prĂ©sence de Christ ressuscitĂ© et nous mouvoir dans le Royaume de Dieu qui vient. Notre expĂ©rience de la vie quotidienne prend place dans une attente crĂ©ative de Christ en train de venir. Nous attendons et nous avançons, nous espĂ©rons et nous endurons, nous prions et observons, nous sommes Ă  la fois patients et curieux. » (p. 87-88).

 La vision chrĂ©tienne de l’espĂ©rance nous parle de JĂ©sus-Christ et de l’avenir qu’il nous ouvre. A ce point, il est important d’avoir une juste reprĂ©sentation. « Si nous parlons uniquement de la « seconde venue » du Christ, le prĂ©sent est vide et tout ce qui nous est laissĂ© est d’attendre quelque jugement final
 Mais si nous parlons de Christ qui vient, il est dĂ©jà  dans le processus de venir, et, dans la puissance de l’espĂ©rance, nous nous ouvrons nous-mĂȘme aujourd’hui avec tous nos sens aux expĂ©riences qui marquent sa venue » (p. 89).

 Ce sont des « paraboles du royaume de Dieu en train de venir » (p.92). Nous pouvons connaĂźtre dĂ©jĂ  ici et maintenant quelque chose de la guĂ©rison et de la nouvelle crĂ©ation de toutes choses que nous attendons dans l’avenir. Dans son royaume, Dieu commence Ă  se manifester sur la terre »

Et si nous partagions notre regard sur ce que nous percevons de l’Ɠuvre de Dieu dans le monde d’aujourd’hui ?

 J. H.

        

Source :

JĂŒrgen Moltmann. In the end
the beginning. Fortress Press, 2004

Chapitre : The living power of hope. p. 87-95

Ce livre vient d’ĂȘtre traduit en français : JĂŒrgen Moltmann. De commencements en recommencements. Une dynamique d’espĂ©rance. Empreinte, 2012

 

Le texte intégral : www.laparolequidonnelavie.com

Une nouvelle maniùre d’enseigner : Participer ensemble à une recherche de sens

L’approche pĂ©dagogique de Britt-Mari Barth

 

 

A travers ses recherches et les livres dans lesquels celles-ci sont exposĂ©es, Britt-Mari Barth propose une nouvelle maniĂšre d’enseigner. Mais, en quoi les pratiques traditionnelles deviennent-elles aujourd’hui contre productives ?

 

Les pratiques traditionnelles deviennent contreproductives dans ce sens qu’elles ne prennent pas en compte ce qu’on sait aujourd’hui sur la façon dont on  apprend. Traditionnellement, le savoir est conçu comme un « contenu » qu’on expose Ă  des Ă©lĂšves qui doivent Ă©couter passivement et prendre des notes – pour ensuite mĂ©moriser ce contenu –  on prĂ©suppose que c’est la clartĂ© du l’exposĂ© qui compte. Si le « message » est clair (cf le schĂ©ma de la communication de Shannon) et si l’élĂšve est attentif et Ă©coute, il devrait apprendre. Dans cette approche , c’est le message  qui compte,  on ne s’occupe pas de la maniĂšre dont  l’élĂšve va recevoir ce  message, s’il l’a compris ou pas, si cela fait sens pour lui ou non. C’est comme si les mots Ă©taient le sens et qu’il suffit de les apprendre pas cƓur pour avoir « appris ». Mais pour apprendre, il ne suffit pas de mĂ©moriser des rĂ©ponses, il faut comprendre le sens – et cela  demande une  autre approche pĂ©dagogique. La comprĂ©hension et la capacitĂ© d’agir avec le savoir devient d’autant plus important que nous prenons conscience des dĂ©fis nouveaux qui marquent notre temps. Tous les futurs citoyens ont besoin de comprendre les enjeux de la sociĂ©tĂ© aujourd’hui. L’information est disponible par un simple clique, mais les Ă©lĂšves ont besoin de savoir faire des liens, de comprendre et de poser les bonnes questions, de localiser et de choisir l’information pertinente, de la vĂ©rifier,de s’en servir
 Il s’agit lĂ  des capacitĂ©s intellectuelles qu’on doit apprendre et s ‘exercer Ă  mettre en oeuvre Ă  l’école.

 

Britt-Mari Barth a un parcours original, puisque de nationalitĂ© suĂ©doise, elle est venue s’installer en France. MĂšre de trois enfants en Ăąge scolaire, elle a portĂ© un regard neuf sur l’enseignement français. A partir de lĂ , elle a commencĂ© Ă  imaginer une pratique innovante.

 

Justement, je voulais inviter les Ă©lĂšves Ă  participer Ă  des activitĂ©s qui les incitaient Ă  rĂ©flĂ©chir, Ă  chercher Ă  comprendre, Ă  participer Ă  des interactions, Ă  trouver un intĂ©rĂȘt Ă  cette recherche de sens, un peu comme des chercheurs le font
 Pour cela j’ai conçu des « scĂ©narios », qui peuvent se comparer Ă  des jeux de sociĂ©tĂ©, avec des rĂšgles qu’il faut suivre pour atteindre le but.  Ces scĂ©narios proposent une activité  Ă  laquelle les Ă©lĂšves participent, en collaboration avec les autres, pour produire quelque chose qui a du sens pour eux. L’activitĂ© doit avoir un dĂ©but et une fin, offrir quelque dĂ©fi, sans ĂȘtre trop difficile. Il faut que les Ă©lĂšves comprennent le but de l’activitĂ©, et qu’ils sachent que l’enseignant est lĂ  pour les aider en cas de besoin et qu’on a le droit Ă  faire des erreurs. En expĂ©rimentant ces scĂ©narios en classe, on pouvait remarquer que non seulement les Ă©lĂšves apprenaient mieux – ils comprenaient le sens de ce qu’il fallait apprendre – mais ils y prenaient plaisir ! Du coup, ils s’en souvenaient mieux et pouvaient mieux se servir de ce qu’ils avaient appris –  et ils prenaient confiance en leur capacitĂ© d’apprendre.

 

Britt-Mari Barth est devenue progressivement chercheur en pédagogie. Elle en est venue à proposer une nouvelle approche pédagogique. Quelles en sont les caractéristiques ?

 

En observant ce qui se passait en classe,  j’ai voulu mieux comprendre  les raisons de cette « rĂ©ussite » : quelles Ă©taient les conditions mises en Ɠuvre qui avaient favorisĂ© les apprentissages ? J’en ai trouvĂ© cinq , qu’on pourrait appeler les « points incontournables » pour l’enseignant afin de guider les Ă©lĂšves vers la co-construction du sens.

 

Les deux premiĂšres conditions se trouvent en amont de « la leçon ». Elles soulignent  l’importance de bien dĂ©finir le savoir Ă  enseigner et ceci en prenant en compte la façon  dont les Ă©lĂšves doivent faire la dĂ©monstration de leur comprĂ©hension. Apprendre quoi ? Pour faire quoi ? L’enjeu pour l’enseignant est de ne pas avoir une conception trop statique du savoir, sous forme d’une dĂ©finition abstraite, mais de savoir le transformer en des situations qui le rendent vivant,  qui donnent accĂšs au sens. Pour cela, il faut des situations ou des exemples vairĂ©s, permettant Ă  chacune de cibler le sens. Tous les savoirs peuvent s’exprimer dans des formes et des langages diffĂ©rents, il s’agit de multiplier et de varier ces formes selon le contexte et le but recherchĂ©. Ces situations du savoir-en-action vĂ©hiculent le sens d’une façon plus directe que des explications abstraites. Les situations-exemples  sont donc une entrĂ©e pour se familiariser avec un contenu abstrait. Des contre-exemples, par leur contraste, peuvent aider Ă  cerner, limiter le sens. Car, in fine, il s’agit de pouvoir exprimer le sens avec les mots justes – mais le sens n’est pas un dĂ©jĂ -lĂ . Il faut que chacun le construise.

 

La troisiĂšme condition souligne l’importance de solliciter l’intention d’apprendre des Ă©lĂšves. Le rĂŽle de l’enseignant est ici essentiel. C’est son propre engagement et son invitation aux Ă©lĂšves Ă  relever un dĂ©fi qui vont d’abord leur donner envie de se lancer dans les activitĂ©s proposĂ©es. Mais les Ă©lĂšves ont Ă©galement besoin de se sentir en sĂ©curitĂ© lors des situations d’apprentissage, de savoir que l’enseignant est lĂ  pour les aider.  Cette attitude, ou posture de l’enseignant est au cƓur de l’approche et les « scĂ©narios pour apprendre » sont conçus dans cet esprit. La motivation peut alors se construire au fur et Ă  mesure que le travail avance et que les Ă©lĂšves y trouvent un sens personnel. 

 

La quatriĂšme condition met au centre la façon dont l’enseignant sollicite, guide et accompagne la rĂ©flexion des Ă©lĂšves. Il le fait en leur proposant de bons supports pour la pensĂ©e – avec quoi et avec qui les Ă©lĂšves vont-ils penser ? 
 C’est dans l’espace mĂȘme de l’activitĂ© rĂ©flexive et du dialogue que le  sens s’Ă©labore, l’attention des Ă©lĂšves Ă©tant guidĂ©e  par le choix et l’ordre des exemples, par le contraste des contre-exemples, par les questions et l’écoute de l’enseignant. L’incitation systĂ©matique Ă  justifier sa rĂ©ponse oblige Ă  anticiper la cohĂ©rence de ses propos et invite Ă  l’argumentation. On n’est plus uniquement dans un « monde sur papier », un monde abstrait, mais dans une activité  collective qui conduit Ă  relier – dans un aller-retour continu – la connaissance abstraite Ă  son rĂ©fĂ©rent concret. On passe par les expĂ©riences contextualisĂ©es pour les insĂ©rer dans une unitĂ© plus large qui lui donne sens.

Progressivement, les Ă©lĂšves comprennent que ces « outils de pensĂ©e » sont valables dans d’autres situations. Ce qui nous amĂšne Ă  la cinquiĂšme condition.

 

La cinquiĂšme condition nous mĂšne vers la mĂ©tacognition. Celle-ci consiste Ă  faire un retour rĂ©flexif sur sa pensĂ©e pour en prendre conscience. La mĂ©tacognition a pour but d’élargir le champ de la conscience des apprenants et donc leur capacitĂ© Ă  rĂ©utiliser ce qu’ils ont appris dans des contextes diffĂ©rents. Elle permet ainsi de devenir davantage conscient de ce que l’on sait, de comprendre comment on a appris, ce qui permet, progressivement, de mobiliser ses connaissances et de reproduire ces processus dans un autre contexte.

 

Ces cinq « points incontournables » :

 

– dĂ©finir le savoir Ă  enseigner

– exprimer le sens dans des formes concrĂštes

– engager les apprenants

– guider le processus

– prĂ©parer au transfert des connaissances

peuvent alors constituer une grille d’analyse pour guider le travail de           l’ enseignant.

 

La recherche de Britt-Mari Barth s’est immĂ©diatement inscrite dans une perspective internationale. Ainsi a-t-elle pu bĂ©nĂ©ficier de l’apport de quelques chercheurs rĂ©putĂ©s. En quoi cet apport a-t-il Ă©clairĂ© cette recherche ?

 

J’ai eu de la chance, dĂ©s mes dĂ©buts, de rencontrer des Ɠuvres et des personnes  qui ont guidĂ© et inspirĂ© mon travail. D’abord, Jerome Bruner, psychologue amĂ©ricain, un des pionniers de la psychologie cognitive et qui a changĂ© notre vision du dĂ©veloppement humain. A une Ă©poque oĂč  l’inconscient  de Freud Ă©tait au programme dans la formation des enseignants, l’idĂ©e de la conscience , avec la mĂ©tacognition  (revenir sur sa pensĂ©e pour en prendre conscience), est venue nous surprendre. Bruner montrait l’importance de « l’attention conjointe » pour pouvoir penser ensemble  et d’avoir une structure d’interaction pour guider et soutenir la rĂ©flexion. Plus tard, j’ai connu Howard Gardner qui Ă©tait un des premiers thĂ©oriciens Ă  nous faire la dĂ©monstration qu’il n’y a pas qu’une seule « intelligence gĂ©nĂ©rale » qui fonctionne partout : on l’a ou l’on ne l’a pas, et cela se mesure en Q.I. dĂšs l’ñge de trois ans 
 Au contraire, il y a des « potentialitĂ©s » de modes cognitifs diffĂ©rents et multiples, qui s’expriment dans diverses tĂąches ou divers contextes culturels. Il n’y a donc pas d’ « intelligence pure » qui  s’exercerait hors contexte. Pour ĂȘtre « intelligent » dans un domaine donnĂ©, il faut apprendre Ă  utiliser les langages symboliques qui expriment chaque domaine de savoir. D’oĂč l’importance de bien les enseigner. Par ailleurs, chaque intelligence peut ĂȘtre mobilisĂ© dans un large ensemble de domaines. Cela invite Ă  varier les activitĂ©s et le contextes jusqu’à ce qu’on ait atteint un « terrain commun » d’oĂč le sens peut Ă©merger . Ce dernier point me semble trĂšs important et c’est le biologiste Francisco Varela qui m’a permis de bien le comprendre. Il montre que chaque personne a une  structure cognitive interne  qui se dĂ©veloppe de façon autonome, il faut donc respecter cela si l’on veut amener un Ă©lĂšve Ă  changer de « structure », de comprĂ©hension


 

 

Les propositions de Britt-Mari Barth intervient Ă  une Ă©poque oĂč les reprĂ©sentations et les comportements changent constamment. En quoi cette nouvelle maniĂšre d’enseigner rĂ©pond-elle au changement dans les mentalitĂ©s ?

 

Nous sommes beaucoup plus conscients aujourd’hui  du besoin des interactions pour apprendre. Nous n’apprenons pas seuls, nous apprenons par interaction, avec les autres et avec les « outils de pensĂ©e » que notre environnement nous rend accessibles. Cela se remarque d’autant plus aujourd’hui que nous vivons une mutation technologique, une rĂ©volution portĂ©e par le numĂ©rique, une « « culture multi-mĂ©dia ». Issus de cette « cyberculture », qualifiĂ©s de « digital natives », les Ă©lĂšves ont Ă©galement changĂ© et ils ne viennent plus Ă  l’école avec les mĂȘmes attentes – et l’école ne peut plus l’ignorer. Ils sont experts en nouvelles technologies et ils ont l’habitude d’ĂȘtre en communication constante sur les rĂ©seaux sociaux. Il y a un rapport nouveau au savoir et Ă  l’apprentissage, Ă©lĂšves et professeurs ont accĂšs aux mĂȘmes informations. Les mutations actuelles de notre sociĂ©tĂ© laissent penser que la nature de l’enseignement et de la formation va ĂȘtre amenĂ©e Ă  changer radicalement. Cela ne veut pas dire que l’école est moins indispensable qu’avant, mais les rĂŽles des enseignants et des Ă©lĂšves ont changĂ©. Les propositions que j’ai faites vont dans ce sens, elles offrent plus de place aux Ă©lĂšves « d’apprendre ensemble », de participer activement Ă  la construction de leur savoir.

 

Britt-Mari Barth travaille avec des professeurs innovants, mais ses livres s’adressent Ă  tous les enseignants. Comment ses idĂ©es sont-elles reçues ?

 

Au fil des annĂ©es, j’ai formĂ© un grand nombre d’enseignants, y compris dans les classes. J’ai Ă©tĂ© agrĂ©ablement surprise de l’enthousiasme avec lequel les enseignants ont reçu ces « outils » et les ont mis en Ɠuvre Ă  leur maniĂšre. Je pense que cela s’explique par le fait que quand la confiance mutuelle s’installe dans une tĂąche avec un but commun,  un langage commun, avec des outils pertinents qui permettent une certaine prise sur la rĂ©ussite de l’entreprise, cela donne une forte motivation de s’impliquer, intellectuellement et affectivement. Et ce sont lĂ  les conditions premiĂšres pour qu’un apprentissage ait lieu. Le rĂŽle de l’enseignant change. Au lieu d’exposer son savoir, il le met au service des Ă©lĂšves pour qu’ils puissent construire le leur. Il devient un mĂ©diateur entre les Ă©lĂšves et le savoir, celui qui organise des rencontres avec ce dernier, dans ses formes vivantes, pour que tous les Ă©lĂšves puissent interagir avec ce savoir et entre eux. Il est Ă  la fois l’inspirateur et le catalyseur, le modĂšle et l’accompagnateur
 c’est un rĂŽle plus exigeant mais plus valorisant.

 

Les usagers de l’enseignement : Ă©lĂšves, Ă©tudiants, parents, sont Ă©videmment particuliĂšrement concernĂ©s. Comment peuvent-ils participer Ă  ce grand changement ?

 

Quand les Ă©lĂšves ou les Ă©tudiants deviennent plus conscients des mĂ©thodes et des outils pour apprendre, ils deviennent plus autonomes et dĂ©veloppent une plus grande aptitude Ă  agir. Ils se sentent plus auteurs de leurs apprentissages et peuvent devenir plus responsables – pour eux-mĂȘmes et, pourquoi pas, pour les autres. Ils peuvent travailler entre eux, Ă  l’aide des outils numĂ©riques, par exemple, en posant des questions
 Avec une vision plus claire de ce que le savoir leur permet de faire, comme par exemple rĂ©soudre un problĂšme, analyser une situation ou une lecture, porter un jugement sur un Ă©vĂ©nement qui se passe
les apprentissages scolaires prennent plus de sens pour eux, ils peuvent en parler avec les parents qui peuvent Ă©galement apporter leur pierre Ă  ce « savoir en construction ». La diversitĂ©, au lieu d’ĂȘtre un obstacle, peut devenir un atout pour enrichir les connaissances.

 

L’enseignement joue un rĂŽle majeur dans notre sociĂ©tĂ©. Quelle vision, Britt-Mari Barth nous communique-t-elle ?

 

Le nouveau « enseignant-mĂ©diateur » a changĂ© la vision qu’il avait des apprenants,  il ne se pose plus les mĂȘmes questions, il ne conçoit plus son rĂŽle de la mĂȘme façon. Il ne se pose plus la question de savoir si l’on a «couvert le programme », si les Ă©lĂšves sont attentifs, motivĂ©s, « bons », ou non. Ses questions concernent plutĂŽt la maniĂšre dont on peut utiliser les moyens qui existent (y compris les outils numĂ©riques) pour outiller les Ă©lĂšves Ă  mieux penser et Ă  mieux apprendre et Ă  apprendre avec plus de plaisir : comment on peut les stimuler, leur proposer des dĂ©fis, leur donner envie d’apprendre
 La motivation – et la confiance en soi – conçue comme une disposition Ă  relever des dĂ©fis, prendre une initiative, ne pas craindre les erreurs, avoir de la persĂ©vĂ©rance
 peut ainsi se construire. Ce n’est pas nouveau en soi, c’est ce que les « bons enseignants » ont sans doute toujours fait
 Mais il faudrait devenir plus conscient de ce que fait « un bon prof », comment il s ‘y prend
 dans quel but
 et former tous les enseignants Ă  se poser de telles questions et Ă  ĂȘtre outillĂ©s pour y rĂ©pondre.

 

Contribution de Britt-Mari Barth

 

Britt-Mari Barth est professeur Ă©mĂ©rite Ă  l’Institut SupĂ©rieur de PĂ©dagogie de l’Institut Catholique de Paris oĂč elle enseigne depuis 1976 . Ses travaux s’inscrivent dans une approche socio-cognitive  de la mĂ©diation des apprentissages et ont dĂ©bouchĂ© sur une approche pĂ©dagogique connue sous le nom de « Construction de concepts ». Ses travaux sont exposĂ©s dans deux livres fondamentaux : « L’apprentissage de l’abstraction » et « Le savoir en construction » publiĂ©s aux Editions Retz. Britt-Mari Barth vient de publier un nouveau livre : « ElĂšve chercheur, enseignant mĂ©diateur. Donner du sens aux savoirs » aux Editions Retz et aux Ă©ditions CheneliĂšre, MontrĂ©al. Ses Ă©crits sont traduits en huit langues.

 

http://www.editions-retz.com/auteur-1127.html

Quand l’arrivĂ©e d’un oiseau annonce une vie nouvelle pour les terrils

 Changer de regard pour redonner de l’avenir.

Il y eu des annĂ©es d’activitĂ©, de vie intense, et puis, tout s’est effondrĂ©. C’est le marasme. Ce peut ĂȘtre une situation individuelle ou collective. Et bien souvent, les deux Ă  la fois. C’est l’impasse. On se rĂ©signe. On s’installe ou bien tout continue Ă  se dĂ©grader. OĂč aller ? Comment rebondir ?

Mais pour aller de l’avant, on a besoin de changer de regard. C’est une nouvelle maniĂšre de voir. C’est pouvoir apercevoir les signes d’un renouveau, des pistes qui apparaissent et jalonnent les nouvelles orientations. Jean-François Caron nous raconte l’histoire du renouveau du pays minier dans le Pas de Calais. Il en est un des principaux acteurs. Cette histoire est Ă©mouvante parce qu’elle nous parle d’un peuple courageux qui, Ă  l’arrĂȘt des houillĂšres, avait perdu sa raison de vivre. Cette histoire est exemplaire parce qu’elle nous montre qu’un nouvel espoir peut grandir et un nouvel horizon apparaĂźtre. Ici, la mutation Ă©cologique est le moteur de la grande mutation Ă  laquelle nous assistons. Dans cette intervention Ă  TED x Vaugirard Road (1), Jean-François Caron nous raconte cette histoire.

 

 

Un pays en souffrance

« Je viens d’un pays oĂč il n’y avait plus de futur  et j’ai passĂ© 25 annĂ©es de ma vie Ă  construire un cheminement de reconversion. Ce pays, ce petit pays, ça s’appelle le pays minier dans le Pas de Calais ». Ce pays a beaucoup souffert dans le travail des mines. « Dans ma commune, le sol a baissĂ© de quinze mĂštres Ă  cause des affaissements miniers. Les rĂ©seaux d’eau sont fracturĂ©s. Et les hommes mourraient Ă  quarante ans Ă  cause de la silicose. C’était normal de donner sa vie pour ses enfants. C’était la rĂšgle. Un de mes grands oncles est mort Ă  34 ans de la silicose, cette maladie qui ronge les poumons. VoilĂ . C’était assez pĂ©nible  ».

 

L’oiseau de l’espĂ©rance. Un « traquet motteux » s’installe sur un terril.

Et voici que Jean-François Caron nous parle des oiseaux. C’est une image de vie. Et c’est aussi un objet d’attention pour les Ă©cologistes. « Les oiseaux Ă©taient partis. Je vous parle des oiseaux parce qu’un oiseau est revenu et qu’il a tout changé  Figurez-vous que, chez nous, Ă  l’arriĂšre, il y a quelques montagnes noires ; on appelait cela les terrils. Les terrils, c’est ce qui a Ă©tĂ© extrait du fond jusqu’à moins mille mĂštres dans notre commune. C’est du schiste, de la pierre, de la poutrelle. On appelle cela des crassiers, des tas de dĂ©chets. Et puis, parce que je suis ornithologue, un jour j’observe un « traquet motteux » avec un petit croupion blanc, admirable, Ă©tincelant. C’est un oiseau qui vit en montagne. Il a besoin de pierres pour nicher sous la pelouse alpine. Il vit dans les Alpes et en Scandinavie. Cet oiseau, qui remontait en migration prĂ©nuptiale, a trouvĂ© dans les terrils un milieu qui lui convenait. Et mon terril  hĂ©bergeait un oiseau rare. Cela a complĂštement changĂ© mon regard sur les terrils que je voyais lĂ  depuis que j’allais Ă  l’école et qui faisait partie du paysage ».

 

Un regard nouveau sur les terrils.

« J’ai donc commencĂ© Ă  changer de lunettes sur ce terril qui hĂ©bergeait un oiseau rare. A ce sujet, j’ai rencontrĂ© des gens qui sont devenus mes amis. J’ai rencontrĂ©, par exemple, des urbanistes qui disaient que, dans ce pays plat du Nord, les terrils, ce sont nos points de repĂšre, ce sont nos beffrois. Ils structurent le territoire. J’ai rencontrĂ© des artistes qui sont devenus mes amis. Ils me disaient : regarde ces triangles merveilleux qui montent au ciel, tout noirs, tout purs. Il fallait y penser. Mais c’est vrai que c’était beau. J’ai rencontrĂ© des mineurs, bien sĂ»r. Ils disaient : « Les terrils, c’est passĂ© dans nos mains. C’est plein de sueur. C’est plein de notre sang. C’est nous, les terrils ». Et donc, avec ces pionniers, nous avons changĂ© de lunettes. Nous avons dĂ©cidĂ© de nous organiser. Nous avons crĂ©Ă© une association qui s’appelle : « la chaine des terrils ». Parce qu’on en avait marre qu’en plus de nous imposer le chĂŽmage, on nous dise que ces terrils n’étaient pas beau et parce qu’à l’époque, tout me monde disait : « il faut raser tout ça ». C’était terrible, cette volontĂ© de nĂ©gation. Alors que 29 nationalitĂ©s Ă©taient venues travailler chez nous, qu’on avait un systĂšme de valeurs extraordinaire, que la vie dans les citĂ©s miniĂšres Ă©tait mille fois plus joyeuse et agrĂ©able.

Le bassin minier recĂ©lait plein de systĂšmes de valeurs et donc, on s’est organisĂ© et quand on a remontĂ© la derniĂšre gaillette (morceau de charbon) Ă  la fosse de Oignies, France III a organisĂ© un dĂ©bat avec le grand patron de l’empire des HouillĂšres, un monsieur qui avait des tas de diplĂŽmes, qui faisait son job pour faire gagner des sous Ă  sa boite. Et, pour lui, les terrils, c’était des tas de matĂ©riaux. Ça se vendait. Et moi, j’étais en face parce que j’étais un peu le reprĂ©sentant du monde qui va venir. On ne savait pas quoi, mais on avait crĂ©Ă© « la chaine des terrils ». On avait un regard. On avait une idĂ©e de ce que pouvait ĂȘtre ce monde Ă  venir. Donc, on fait ce dĂ©bat.

Je n’était pas seul. Avec moi, il y avait mon arriĂšre grand-pĂšre qui avait Ă©tĂ© dĂ©lĂ©guĂ© mineur durant les grandes grĂšves de 1900. Et j’avais le traquet motteux, la nature avec moi. Finalement, on a gagnĂ©. Le ministre de l’intĂ©rieur (1995) a imposĂ© Ă  Charbonnages de France, l’institution par excellence, une partition entre les terrils qu’on allait garder pour la nature, les terrils qu’on allait garder pour la fonction symbolique comme par exemple le terril Renard Ă  Denain que Zola avait dĂ©crit dans Germinal, et puis, quand mĂȘme, les terrils pour les matĂ©riaux. Et, Ă  partir de lĂ , on a commencĂ© Ă  regagner un peu de dignitĂ© et de fiertĂ©, tout simplement. Nous nous sommes organisĂ©. Et on a commencĂ© Ă  avoir un certain nombre de rĂ©sultats. J’ai crĂ©Ă© une Ă©cole de parapente. On a dĂ©veloppĂ© une action culturelle. Des mineurs qui jouaient leur propre rĂŽle. Des sons et lumiĂšres participatifs. On a fait du « land art » sur les terrils ».

 

Un projet collectif pour transformer le territoire

« Entre temps, j’ai Ă©tĂ© Ă©lu au Conseil rĂ©gional parce que les gens ont estimĂ© que tous ces combats lĂ  avaient de l’importance. Et puis, je suis devenu Ă©lu local. Et lĂ , j’ai eu Ă  m’occuper de l’urbanisme, du plan d’occupation des sols et, trĂšs vite, il m’est apparu qu’on ne pourrait pas faire un plan d’occupation des sols sans un vrai projet de ville. Comme au Far West, quand on a abandonnĂ© les mines et que tout est restĂ© dans l’état, on n’avait plus de futur. Mais oĂč voulez-vous mettre un million de personnes ? Un petit peu Ă  Dunkerque, au Havre, Ă  Paris ? Ce n’était pas possible. Et donc, trĂšs vite, il m’est apparu qu’on ne pourrait plus faire un vĂ©ritable plan d’occupation des sols, de l’agriculture et des usines, lĂ  oĂč on pouvait construire, donc sans un vrai projet de ville. Dans notre reprĂ©sentation, cette ville nouvelle ne pouvait s’édifier que dans une Ɠuvre collaborative. Ce ne pouvait pas ĂȘtre Ă  dire d’expert. MĂȘme si nous en avions besoin, ce n’est pas un expert qui pouvait nous dire notre futur. Ce n’étaient pas non plus les Ă©lus, mĂȘme si j’en faisais partie. Ce ne pouvait se faire que dans un processus collectif. C’est comme cela qu’on a installĂ© le rĂŽle d’habitant acteur, qu’on a mis les gens en situation de coproduire la ville. Et nos premiĂšres expĂ©rimentations ont dĂ©coulĂ© de lĂ . On avait une eau absolument catastrophique, le double de la dose de nitrate. Alors, dans le plan d’occupation des sols et dans les actions de ville, il fallait ĂȘtre draconien sur la protection de l’eau. Les maisons de mineurs avaient eu du charbon gratuit pour le chauffage. Thermiquement, elles Ă©taient comme des passoires. Alors l’écoconstruction et la rĂ©habilitation thermique devenaient absolument stratĂ©giques et c’est comme cela que nos premiĂšres expĂ©rimentations sont sorties et que, progressivement, on a commencĂ© Ă  dessiner une vision ».

 

Inventer une transition

« C’était la vision d’un nouveau  modĂšle de dĂ©veloppement, mĂȘme Ă  travers des signaux faibles. Comme on dirait aujourd’hui : sortir de la sociĂ©tĂ© du gaspillage. On voit bien que le nouveau modĂšle de dĂ©veloppement ira plutĂŽt vers la sobriĂ©tĂ© et le recyclage en prenant le contre pied de nos pratiques actuelles. Ce nouveau modĂšle de dĂ©veloppement n’était pas encore apparu, mais nous avions vu l’homme et la nature martyrisĂ©s et on se rendait compte de ce que ce modĂšle pourrait devenir progressivement. On doit en mĂȘme temps construire la transition. Et c’est trĂšs compliquĂ© d’emmener une communautĂ©, un collectif et de dire : on va changer le monde, mais on ne sait pas vers quel monde on va.

Progressivement, la confiance s’est installĂ©e par la qualitĂ© des collectifs qu’on avait montĂ©, par le travail qu’on faisait ensemble, par la façon dont on posait des actes sur la maniĂšre de reconquĂ©rir notre espace. Et puis, j’ai beaucoup insistĂ© sur cette idĂ©e qu’il fallait libĂ©rer les initiatives. On sortait d’une sociĂ©tĂ© encadrĂ©e. Quand vous devez inventer un monde, il faut faire des innovations. Et une innovation, c’est une dĂ©sobĂ©issance qui a rĂ©ussi, mais c’est d’abord une dĂ©sobĂ©issance. Et donc, on travaille la question du droit Ă  l’erreur parce que, si vous n’avez pas le droit de vous tromper, je vous garantis que jamais vous ne ferez quelque chose. On a travaillĂ© ces questions. On a multipliĂ© les processus et les initiatives et on est progressivement devenu une ville pilote du dĂ©veloppement durable ».

 

En marche

Jean-François Caron nous rapporte les excellents rĂ©sultats de son action municipale : un maire rĂ©Ă©lu avec 82% des voix. Et, comme il dit avec humour : « un Ă©colo au pays des gueules noires ». C’est un parcours significatif.

« Nous, on Ă©tait dans le gouffre, pas au bord du gouffre, dans le gouffre. Il y a vingt cinq ans, on n’avait pas le choix. On avait l’épĂ©e dans les reins. Paradoxalement, on avait de la chance.

On est parti de nos valeurs : l’homme et la nature ne sont pas des variables d’ajustement. On a choisi un nouveau regard. Ça nous a changĂ© nous-mĂȘmes. On a retrouvĂ© de la confiance, de la vision, une place pour chacun dans l’effort collectif d’inventer un nouveau modĂšle, et puis surtout, on a inventĂ© du dĂ©sir, du dĂ©sir de dĂ©veloppement durable, parce que si le dĂ©veloppement durable, c’est une addition de contraintes et des grands discours de morale, jamais le dĂ©veloppement durable ne s’imposera. Alors que si on se remet en perspective et de considĂ©rer que de dire bonjour Ă  son voisin plutĂŽt que de lui faire la gueule ou faire une haie de trois mĂštres de haut, aimer la nature et reprendre nous-mĂȘme notre destin, c’est tout simplement joyeux. Cela nous redonne prise. Et donc, aujourd’hui, tout n’est pas rĂ©glĂ© Ă  Loos-en-Gohelle. Loin s’en faut ! On est Ă  notre petite Ă©chelle. On est en train de travailler au changement d’échelle. Chaque histoire est unique. La notre est unique. Chacune des vĂŽtres est unique. Mais, souvenez-vous, si vous changez de regard, alors vous pourrez soulever des montagnes. Pas seulement des terrils ! »

 

Changer de regard !

Jean-François Caron nous rapporte une longue marche nourrie par une vision qui s’est prĂ©cisĂ©e peu Ă  peu. C’est la sortie d’une dĂ©shĂ©rence et le parcours d’un chemin vers une vie nouvelle. Le rĂ©cit de Jean-François Caron s’entend comme celui d’une Ă©mergence, d’un renouveau et mĂȘme comme celui d’une libĂ©ration par rapport au vieux monde. Ce pays reprend vie et des signes successifs en tĂ©moignent : l’arrivĂ©e d’un oiseau, la transformation des terrils, une dynamique sociale et Ă©cologique.

L’homme qui raconte cette histoire Ă©veille notre sympathie  travers la force tranquille que nous percevons en lui : honnĂȘtetĂ©, authenticitĂ©, confiance et les valeurs qu’il Ă©voque : « l’homme et la nature ne sont pas des variables d’ajustement ». Nous voyons dans son parcours une dynamique d’espĂ©rance et de foi.

Dans l’histoire de l’humanitĂ©, nous avons vu des groupes se dĂ©biliter parce qu’ils avaient perdu  une vision de l’avenir. Pour agir, nous avons besoin de croire que notre action peut s’exercer avec profit. « Nous devenons actifs pour autant que nous espĂ©rons. Nous espĂ©rons pour autant que nous pouvons entrevoir des possibilitĂ©s futures. Nous entreprenons ce que nous pensons du possible » (JĂŒrgen Moltmann) (2). De fait, nos reprĂ©sentations sont opĂ©rantes. « La foi dĂ©place les montagnes ». « Si quelqu’un dit Ă  cette montagne : « SoulĂšves-toi ! Jette-toi dans la mer ! », et si il n’hĂ©site pas dans son cƓur, mais croit que ce qu’il dit va arriver, cela lui sera accordé » (3). Importance de nos reprĂ©sentations, de nos intentions, telles qu’elles s’expriment dans notre regard.

La dynamique de transformation suscitĂ©e par Jean-François Caron s’est rĂ©alisĂ©e Ă  travers une longue marche d’étape en Ă©tape. Elle tĂ©moigne de la puissance d’une vision. C’est un tĂ©moignage encourageant, car comme nous le dit Jean-François Caron : « Chaque histoire est unique. Chacune des vĂŽtres est unique. Mais souvenez-vous, si vous changez de regard, alors vous pourrez soulever des montagnes, pas seulement des terrils ».

J H

 

(1)            Changer de regard pour se redonner un avenir. Jean-François Caron. TED x Vaugirard Road : (ajouté le 20 juillet 2015) : https://www.youtube.com/watch?v=uZFNNN7i734

(2)            Agir et espĂ©rer. EspĂ©rer et agir L’espĂ©rance comme motivation et accompagnement de l’action : article prĂ©cĂ©dent sur ce blog.

(3)            Evangile Marc 11.23, Matthieu 21.21

Dame confiance

Un témoignage présenté dans le livre : « Sa présence dans ma vie »

 

Quand on veut encourager un ami Ă  faire face Ă  un moment difficile, en le quittant, une expression nous vient facilement Ă  l’esprit : « Bon courage ! ». Ainsi veut-on l’aider Ă  faire face Ă  travers une intonation qui cherche Ă  galvaniser son Ă©nergie et dans laquelle nous mettons tout notre allant. Mais a-t-il en lui les forces correspondantes ? Cette parole cherche Ă  entraĂźner un sursaut, mais ensuite tout peut retomber, et parfois plus bas encore.

De fait, nous avons oubliĂ©,  peut-ĂȘtre parce que nous sommes troublĂ©, peut-ĂȘtre parce que nous ne le savons pas clairement, que tout ne dĂ©pend pas de nous, qu’il y a une force supĂ©rieure Ă  laquelle nous pouvons faire appel, dans laquelle nous pouvons puiser. Oui, nous pouvons ensemble entrer dans une dynamique qui nous dĂ©passe. Cette attitude peut engendrer des miracles. « La foi jouit de la force mĂȘme de Dieu », nous dit JĂŒrgen Moltmann. C’est pourquoi d’elle seule il est dit ce qui est rĂ©servĂ© Ă  Dieu : « Tout est possible Ă  celui qui croit » (Mc 9.23). (JĂ©sus, le Messie de Dieu p.163-164). Alors notre parole d’encouragement peut se transformer. Ce n’est plus : « Bon courage ! ». C’est : « Confiance ! ». La confiance s’inscrit dans un mouvement porteur qui nous dĂ©passe.

 

Odile, atteinte d’un cancer, a dĂ©couvert la puissance de ce mot auprĂšs de celle qu’elle a appelĂ©e : « Dame confiance » (1).

« « Mon traitement se termine avant la perfusion de mon amie. En partant, je lui dis un banal « Bon courage ! ». Alors, une voix tonitruante retentit sur un ton pĂ©remptoire. « On ne dit pas « Courage ! ». On dit « Confiance ». C’est une dame d’un certain Ăąge, allongĂ©e sur un lit un peu plus loin, qui a si vigoureusement rĂ©agi. Je l’avais remarquĂ© Ă  son arrivĂ©e : une forte personnalitĂ© gaie, d’une grande vitalitĂ©. Son exclamation m’a fait l’effet d’un courant Ă©lectrique. J’ai bondi vers elle : « Vous avez raison ! ». Et je l’ai embrassĂ©e
 Une force intĂ©rieure m’animait. Je suis partie, gonflĂ©e Ă  bloc ! La joie au cƓur d’une espĂ©rance de vie. C’est vraiment curieux qu’un message, qu’un simple mot soit porteur d’un message aussi fort  ».

Et, dĂšs lors, la famille, les amis vont s’associer Ă  la demande d’Odile : « Ne me dites pas « Courage », mais « Confiance ». « Le mot de passe est devenu : « Confiance ! », vƓu d’une santĂ© meilleure ». C’est l’expression d’une puissance de vie, d’une grĂące divine en action. Aujourd’hui encore, cette mĂ©moire porte vie. « Dame confiance a semĂ© une petite graine en devenir d’un grand arbre oĂč le corps fatiguĂ©, les Ăąmes dĂ©pressives vont pouvoir se reposer et reprendre vie  ». Une simple parole : « Confiance ! ».

 

JH

 

(1)               Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Empreinte, 2011 (Dame confiance p.161-163). Ce livre a été évoqué à plusieurs reprises sur ce blog et il est présenté par Françoise Rontard sur le site de Témoins :

http://www.temoins.com/actualites/evenements-et-actualites/805-sa-presence-dans-ma-vie-odile-hassenforder-temoignages-d-une-vie-et-commentairres-de-lecteurs.html