Un monde en changement accéléré

 La réalité et les enjeux selon Thomas Friedman, journaliste au New York Times et analyste au long cours des technologies de la communication

9780374273538Nous pressentons la rapiditĂ© du changement. Nous percevons les peurs et les enfermements.  Les Ă©vĂšnements rĂ©cents nous montrent que c’est lĂ  une question prioritaire. Qui peut nous Ă©clairer lĂ  dessus ?

En 2005, un journaliste amĂ©ricain publiait un livre : « The world is flat » (1) qui dĂ©crivait le processus Ă  travers lequel le monde est devenu interconnectĂ©. A partir d’une enquĂȘte internationale, ce livre faisait apparaĂźtre un paysage nouveau. Pendant des dĂ©cennies, l’auteur, Thomas Friedman a couvert l’actualitĂ© internationale, et aujourd’hui chroniqueur au New York Times, il tient un blog qui apporte une information prĂ©cieuse sur le dĂ©roulement de cette actualitĂ© (2). Et, en 2016, il publie Ă  nouveau  un ouvrage qui va faire date en mettant en Ă©vidence l’accĂ©lĂ©ration du changement et en nous interpellant sur les moyens d’y faire face. « Le titre : « Thank you for being late » peut nous intriguer (3). C’est un appel Ă  faire une pause pour rĂ©flĂ©chir comme l’attente engendrĂ©e par un retard peut nous laisser cette opportunitĂ©. Mais le sous-titre est plus explicite : « An optimist’s guide to thriving in the age of acceleration ».

Cet ouvrage nous apporte des informations originales dernier cri. Il induit une comprĂ©hension nouvelle de la conjoncture mondiale. Tout ceci est rapportĂ© dans un style attractif, jalonnĂ© par le compte-rendu de rencontres avec des personnalitĂ©s innovantes qui participent Ă  l’expĂ©rience et Ă  la rĂ©flexion de l’auteur.

 

Un changement accéléré

Dans son livre, « The world is flat », Thomas Friedman avait dĂ©crit les transformations des modes de communication qui, Ă  la fin du XXĂš siĂšcle, avait permis une unification du monde. Ainsi, au dĂ©but du XXIĂš siĂšcle, le monde Ă©tait dĂ©sormais interconnectĂ© Ă  un tel degrĂ© que, de plus en plus de gens, en de plus en plus d’endroits , avaient dĂ©sormais une opportunitĂ© d’entrer en relation, de se concurrencer et de collaborer. Mais le changement ne s’est pas arrĂȘtĂ© lĂ . L’auteur a perçu une nouvelle inflexion dans le mouvement autour de l’annĂ©e 2007. C’est alors que sont apparus de nouveaux processus encore inconnus lors de l’écriture du livre prĂ©cĂ©dent : Facebook, Twitter, Linkedin, Skype entre autres (p 25). « Entre 2000 et 2007, en deux vagues successives, nous sommes entrĂ©s dans un monde oĂč la connection est devenue rapide, libre, facile et omniprĂ©sente et oĂč ensuite traiter la complexitĂ© est devenu rapide, libre, facile et invisible ». « Le monde n’est pas seulement devenu plat, sans frontiĂšres, mais rapide ». « Le prix de la production, du stockage et du traitement des donnĂ©es s’est effondrĂ©. La vitesse du chargement et du dĂ©chargement des donnĂ©es s’est envolĂ©e. Steve Jobs a donnĂ© au monde un appareil mobile avec une extraordinaire souplesse d’utilisation
 Ces processus se sont croisĂ©s. Une immense Ă©nergie a Ă©tĂ© donnĂ©e aux ĂȘtres humains et aux machines, Ă  un point qu’on a jamais vu et qu’on commence seulement Ă  comprendre. Tel est le point d’inflexion qui est advenu autour de l’annĂ©e 2007 » (p 93).

 

Aujourd’hui, tout s’est accĂ©lĂ©rĂ© dans trois grands domaines que l’auteur appelle  « la Machine, le MarchĂ©, et MĂšre Nature ».

Nous sommes passĂ© d’un premier Ăąge de la machine, celui engagĂ© par la RĂ©volution industrielle oĂč travail et machines sont complĂ©mentaires Ă  un nouvel Ăąge « oĂč nous commençons Ă  automatiser davantage de tĂąches cognitives et bien plus de tĂąches de contrĂŽle ». Le « marché » est un raccourci pour dĂ©signer l’accĂ©lĂ©ration de la globalisation. C’est le flux global du commerce, de la finance, du crĂ©dit, des rĂ©seaux sociaux et l’interconnection qui tisse les marchĂ©s, les mĂ©dias, les banques, les entreprises, les Ă©coles, les communautĂ©s et les individus
 Les flux d’informations et de savoirs qui en rĂ©sultent rendent le monde non seulement interconnectĂ© et hyperconnectĂ©, mais aussi interdĂ©pendant » (p 26).

« MĂšre Nature » est un raccourci pour dĂ©signer le changement climatique, la croissance de la population et le dĂ©clin de la biodiversitĂ©. Et, lĂ  aussi, tout s’accĂ©lĂšre.

 

Quelques exemples de cette accĂ©lĂ©ration. Un des plus emblĂ©matiques est la baisse du prix des microprocesseurs qui a suscitĂ© un accroissement vertigineux du pouvoir des ordinateurs. « La clĂ© a Ă©tĂ© la croissance exponentielle dans la puissance de calcul telle qu’elle est reprĂ©sentĂ©e dans la loi de Moore. Cette thĂ©orie Ă©mise en 1965 par le cofondateur d’Intel, Gordon Moore, postule que la vitesse et la puissance des microprocesseurs, qui engendrent la puissance du calcul, doubleraient environ tous les deux ans
Cette loi, qui indique une croissance exponentielle, a Ă©tĂ© validĂ©e pendant cinquante ans » (p 25). Cet accroissement de puissance impressionnant a rendu possible de nouvelles innovations comme des voitures se conduisant toutes seules ou des programmes capables de gagner aux Ă©checs.

Cette expansion accĂ©lĂ©rĂ©e a abouti Ă  l’irruption du « cloud » qui, au delĂ  des appareils que nous utilisons, emmagasine un immense ensemble de donnĂ©es rĂ©sultant des multiples activitĂ©s en cours et auquel nous pouvons avoir nous-mĂȘmes accĂšs. C’est une rĂ©alitĂ© nouvelle sans prĂ©cĂ©dent dans l’histoire humaine. Sa puissance est telle que Thomas Friedman prĂ©fĂšre parler du « cloud » en terme de « supernova » pour en marquer l’originalitĂ© incomparable.

 

Cette croissance accĂ©lĂ©rĂ©e des technologies de la communication en rejoint une autre, celle de la globalisation entendue ici sous le terme de « Marché ». La globalisation n’est plus seulement la circulation des biens physiques, des services et des transactions financiĂšres. C’est une rĂ©alitĂ© bien plus vaste et bien plus impressionnante. « C’est la capacitĂ© pour toute personne et pour toute entreprise de se connecter, d’échanger, de collaborer ou de se concurrencer ». Et, Ă  cet Ă©gard, aujourd’hui, la globalisation est en train d’exploser  «  A travers les tĂ©lĂ©phones mobiles et la supernova, nous pouvons maintenant envoyer partout des flux digitaux et en recevoir de partout » (p 120). « Le monde est plus interdĂ©pendant qu’il ne l’a jamais Ă©té ». Et « ce monde ne peut pas ĂȘtre connectĂ© en tant de domaines et dans une telle profondeur sans ĂȘtre lui-mĂȘme en train d’ĂȘtre transformĂ© et rĂ©organisĂ© (« reshape » ». Le besoin d’interconnexion est devenu aujourd’hui une aspiration majeure, un dĂ©sir vital. L’auteur cite une enquĂȘte sur l’importance accordĂ©e au tĂ©lĂ©phone mobile. 50% des personnes interrogĂ©es prĂ©fĂ©reraient se passer de vacances pendant un an plutĂŽt que de perdre l’accĂšs au tĂ©lĂ©phone mobile (p 121). Et, dans les pays du sud, le tĂ©lĂ©phone mobile est maintenant un bien prioritaire et le support de multiples communications. Les pauvres migrants eux-mĂȘmes en sont dotĂ©s. Thomas Friedman raconte comment il en a fait l’expĂ©rience dans une rencontre oĂč, Ă  l’aide du tĂ©lĂ©phone mobile, ils se sont pris en photos mutuellement (p 123). L’auteur nous donne des exemples  concrets des transformations de pratiques et de comportements induites par l’interconnexion.

 

Thomas Friedmann est Ă©galement familier avec la question Ă©cologique Ă  laquelle il a consacrĂ© un livre prĂ©cĂ©dent : « Hot, flat and crowded ». Comme d’autres experts, il nous met en garde contre le rĂ©chauffement climatique et la rĂ©duction de la biodiversitĂ©. LĂ  aussi, les Ă©volutions sont rapides.

 

Les transformations actuelles convergent. Au cƓur de cet ouvrage, il y a la thĂšse que « le MarchĂ©, MĂšre Nature et la loi de Moore envisagĂ©s ensemble, engendrent cet « ùge de l’accĂ©lĂ©ration dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui. Le mĂȘme mouvement affecte les mĂ©canismes centraux de la machine. Ces trois accĂ©lĂ©rations ont un impact l’une sur l’autre. Davantage de loi de Moore suscite davantage de globalisation et davantage de globalisation engendre davantage de changement climatique. Mais davantage de loi de Moore suscite Ă©galement plus de solutions possibles par rapport au changement climatique et Ă  beaucoup d’autres dĂ©fis » (p 27).

 

Face aux déséquilibres et aux dangers.

Cette accĂ©lĂ©ration du changement induit des dĂ©sĂ©quilibres parce qu’elle requiert une adaptation qui n’est pas acquise au mĂȘme rythme. Dans le passĂ©, on a pu observer des adaptations par rapport Ă  certains changements, mais le temps nĂ©cessaire avait pu ĂȘtre trouvĂ© parce que ces changements Ă©taient moins rapides. L’auteur nous propose deux courbes : celle de l’adaptation humaine qui monte lentement et celle du progrĂšs technologique qui s’élĂšve de plus en plus rapidement ( p 32). Aujourd’hui, un dĂ©calage commence Ă  apparaĂźtre. Si l’adaptabilitĂ© s’est accrue par rapport au passĂ© en fonction d’une meilleure Ă©ducation et d’une diffusion plus efficace des savoirs, l’accĂ©lĂ©ration actuelle du changement peut dĂ©passer notre capacitĂ© d’adaptation et susciter aussi beaucoup d’angoisse et de rĂ©sistance. Aujourd’hui, trĂšs concrĂštement, « si il est vrai qu’il faut maintenant dix Ă  quinze ans pour comprendre une nouvelle technologie et crĂ©er en consĂ©quence de nouvelles lois et rĂ©gulations pour protĂ©ger  la sociĂ©tĂ©, comment rĂ©gulons-nous quand une technologie vient et s’implante en une courte pĂ©riode de 5 Ă  7 ans ?» (p 33).

 

         La globalisation est ambivalente. Ses effets dĂ©pendent des valeurs et des outils que nous mettons en Ɠuvre en regard. Aujourd’hui, on perçoit de vives rĂ©actions politiques face Ă  une immigration mal contrĂŽlĂ©e. Comment adapter de saines protections sans perdre les avantages dĂ©cisifs de la circulation des flux ? « Si beaucoup d’amĂ©ricains se sont rĂ©cemment sentis submergĂ©s par la globalisation, c’est parce que nous avons laissĂ© les technologies physiques (immigration, commerce et flux digital) prendre le dessus et dĂ©passer les technologies sociales : l’éducation et les outils d’adaptation nĂ©cessaires pour amortir l’impact et ancrer les gens dans de communautĂ©s saines qui puissent les aider Ă  vivre et prospĂ©rer » (p 155) . Nous avons besoin d’un leadership qui prenne en compte et apprivoise l’anxiĂ©tĂ©. Dans un Ăąge oĂč des situations extrĂȘmes apparaissent, des politiques particuliĂšrement innovantes sont nĂ©cessaires. Elles peuvent combiner des idĂ©es traditionnelles et de nouveaux processus. « Je parle d’une politique qui renforce les filets de sĂ©curitĂ© pour les travailleurs afin de sauvegarder ceux qui sont dĂ©passĂ©s par la rapiditĂ© du changement. Je parle d’une politique capable de susciter davantage de technologies sociales pour faire face aux changements entrainĂ©s par les technologies physiques. Finalement, je parle d’une politique qui comprenne que dans le monde d’aujourd’hui la grande opposition politique n’est pas entre la gauche et la droite, mais entre une sociĂ©tĂ© ouverte et une sociĂ©tĂ© fermĂ©e » (p 336).

 

Ce changement technologique accĂ©lĂ©rĂ© engendre un accroissement considĂ©rable du pouvoir. C’est le pouvoir des machines. C’est le pouvoir des flux, mais c’est aussi le pouvoir des hommes, le pouvoir d’un groupe, mais aussi le pouvoir d’un seul. Ce qu’une personne isolĂ©e peut faire en terme de construction ou de destruction a Ă©tĂ© portĂ© aujourd’hui Ă  un haut niveau. Jusqu’ici une personne pouvait en tuer une autre. Maintenant, il est possible d’imaginer un monde oĂč, un jour, une personne puisse tuer toutes les autres. Qu’on se souvienne de l’attaque contre les tours jumelles de New York, il y a quinze ans. Mais l’inverse est vrai aussi. Une personne peut maintenant en aider beaucoup d’autres. Elle peut Ă©duquer, inspirer, divertir des millions de gens. Une personne peut maintenant communiquer une nouvelle idĂ©e, un nouveau vaccin ou une nouvelle application au monde entier » (p 87). Cet accroissement de puissance appelle en regard une Ă©lĂ©vation de la conscience.

Et de mĂȘme, on constate aujourd’hui que l’humanitĂ© a crĂ©Ă© un nouveau royaume pour l’interaction humaine. « Mais il n’y a personne en charge du cyberespace oĂč nous sommes tous connectĂ©s » (p 339). Cette situation requiert Ă©videmment le dĂ©veloppement d’une rĂ©gulation, mais elle appelle aussi une conscientisation morale et Ă©thique. Il est impĂ©ratif d’équilibrer le progrĂšs technologique par le sens de l’humain.

 

Pour une conscientisation morale et Ă©thique.

C’est bien lĂ  le message de Thomas Friedman. Il y aura toujours du mal dans le monde, nous dit-il. Mais la question, c’est comment augmenter les chances pour rĂ©duire les mauvaises conduites.

« La premiĂšre ligne de dĂ©fense pour toute sociĂ©tĂ©, ce sont ces garde-fous : les lois, la police, la justice, la surveillance
 des rĂšgles de dĂ©cence pour les rĂ©seaux sociaux. Tout cela est nĂ©cessaire, mais n’est pas suffisant Ă  l’ñge de l’accĂ©lĂ©ration. Clairement, ce dont on a besoin, et c’est Ă  la portĂ©e de chacun, c’est de penser avec plus de sĂ©rieux et plus d’urgence Ă  la maniĂšre dont nous pouvons nous inspirer davantage des valeurs qui portent : l’honnĂȘtetĂ©, l’humilitĂ©, et le respect mutuel. Ces valeurs gĂ©nĂšrent la confiance, le lien social et, par dessus tout, l’espoir » (p 347).

Pour faire face au grand dĂ©fi auquel nous sommes confrontĂ©s, Thomas Friedman nous incite Ă  appliquer la « rĂšgle d’or », quelle que soit la version qui nous a Ă©tĂ© transmise. La « rĂšgle d’or » (4), c’est de ne pas faire aux autres ce qu’on ne voudrait pas qu’on vous fit » (p 347).  C’est simple, mais cela produit beaucoup d’effets. Cela peut paraĂźtre naĂŻf. Mais « je vais vous dire ce qui est vraiment naĂŻf, c’est ignorer le dĂ©fi : ce besoin d’innovation morale Ă  une Ă©poque oĂč abondent de gens en colĂšre, maintenant superpuissants ». Pour moi, « cette naĂŻvetĂ©, c’est le nouveau rĂ©alisme » (p 348).

Thomas Friedman cite le discours du prĂ©sident Obama lors de sa visite Ă  Hiroshima le 27 mai 2016. Barack Obama Ă©voque le pouvoir de la science en bien comme en mal. Il appelle Ă  une coopĂ©ration paisible entre les nations. « Et peut-ĂȘtre par dessus tout, nous devons rĂ©imaginer notre relation les uns avec les autres comme membres de notre unique humanité » (p 349).

« Oui, nous avons besoin d’une Ă©volution sociale et morale trĂšs rapide ». Mais oĂč commencer ? « Une maniĂšre pratique de commencer est d’ancrer le plus de gens possible dans des communautĂ©s saines. Au delĂ  des lois, de la police, de la justice, il n’y a pas de meilleure source de mesure qu’une forte communautĂ©. Les africains ont forgĂ© cette phrase : « On a besoin de tout un village pour Ă©lever un enfant ». Les communautĂ©s crĂ©ent un sens d’appartenance qui engendre la confiance sous-jacente Ă  la rĂšgle d’or et aussi les contrĂŽles invisibles qui s’imposent Ă  ceux qui veulent franchir les lignes rouges » (p 349) . L’auteur cite le film « The Martian » (Le Martien) qui met en valeur un geste de solidaritĂ© internationale. Si dans ce monde, il y a une stratĂ©gie pour vivre et prospĂ©rer, « c’est de construire des interdĂ©pendances saines, profondes et durables ». Et il y a aussi un obstacle : c’est « notre caractĂšre tribal ». « LĂ  est le dĂ©fi et le besoin pour une innovation morale. Dans un monde bien plus interdĂ©pendant, nous avons besoin de redĂ©finir la tribu, c’est Ă  dire d’élargir la notion de communautĂ©, prĂ©cisĂ©ment comme le prĂ©sident Obama l’a plaidĂ© dans son discours d’Hiroshima. « Ce qui fait notre espĂšce unique, c’est que nous ne sommes pas liĂ©s Ă  un  code gĂ©nĂ©tique pour rĂ©pĂ©ter les histoires du passĂ©. Nous pouvons apprendre. Nous pouvons choisir. Nous pouvons raconter Ă  nos enfants une histoire diffĂ©rente, une histoire qui dĂ©crit notre humanitĂ© commune » (p 392).

L’homme est un ĂȘtre social. Dans nos sociĂ©tĂ©s occidentales, l’isolement est bien trop rĂ©pandu. L’auteur rapporte un entretien avec une autoritĂ© mĂ©dicale amĂ©ricaine. « La plus grande maladie aux Etats-Unis aujourd’hui, ce n’est pas le cancer, ce n’est pas la maladie de cƓur. C’est l’isolement. Le grand isolement, c’est la plus grande pathologie » (p 450).

 

Durant son enfance, Thomas Friedman a vĂ©cu dans une communautĂ© saine Ă  Saint-Louis dans le Minnesota. Son livre s’achĂšve par le rĂ©cit de ce qu’il a vĂ©cu en revisitant ce lieu oĂč il a grandi. C’est Ă  partir de cette expĂ©rience qu’il peut nous dire l’importance d’une relation humaine dans le respect, la rĂ©ciprocitĂ©, la solidaritĂ©.

 

A un moment oĂč des poussĂ©es d’agressivitĂ© apparaissent dans le monde occidental et sont exprimĂ©es dans des formes qui contredisent  des valeurs majeures comme le respect de l’autre, il est urgent de comprendre ce qui est en question.

Or, nous savons que notre monde traverse une pĂ©riode de grande mutation . Nous en percevons des aspects, mais qu’en est-il plus profondĂ©ment? Pour cela sans doute, faut-il comprendre au plus prĂšs, l’évolution des technologies qui ont, manifestement, un rĂŽle moteur pour le meilleur ou pour le pire.

En 2005,  Thomas Friedman, dans son livre : « The world is flat » nous informait sur les processus qui ont abouti Ă  l’unification du monde. Aujourd’hui, il est toujours celui qui va puiser l’information aux meilleures sources pour la partager avec nous et nous apporter Ă  la fois sa connaissance et son expĂ©rience.

Avec lui, nous comprenons mieux ce qui se passe aujourd’hui et ce qui est en jeu. Et nous recevons d’autant plus son appel Ă  un renouveau moral, Ă©thique et spirituel. Il rejoint lĂ  la recherche qui se poursuit sur ce blog depuis quelques annĂ©es (5).

Ce livre se lit avec passion parce qu’en nous ouvrant les yeux sur les transformations du monde, il nous ouvre aussi un chemin.

 

J H

 

(1)            Thomas Friedman. The world is flat, 2005  Mise en perspective : « La grande mutation. Les incidences de la mondialisation ». : http://www.temoins.com/la-grande-mutation-les-incidences-de-la-mondialisation/

(2)            On pourra suivre les écrits de Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times pour les affaires étrangÚres sur un blog : http://www.thomaslfriedman.com    Une bonne ressource pour examiner la conjoncture internationale en ces temps troublés. On y ajoutera les interviews de Thomas Friedman sur You Tube

(3)            Thomas L. Friedman. Thank you for being late. An optimist’s guide to thriving in the age of accelerations. Allen, 2016 . On trouvera sur You Tube des interviews de Thomas Friedman en video, en particulier sur ce livre : https://www.youtube.com/watch?v=DlAJJxfm9bE                     https://www.youtube.com/watch?v=DVPPRVP3oIU

(4)            Histoire culturelle de la « rĂšgle d’or » (« Golden rule ») : une trĂšs bonne mise en perspective sur wikipedia anglophone : https://en.wikipedia.org/wiki/Golden_Rule

(5)             « Quel avenir pour le monde et pour la France ? (Jean-Claude Guillebaud. Une autre vie est possible) : https://vivreetesperer.com/?p=937                                 « Un chemin de guĂ©rison pour l’humanitĂ©. La fin d’un monde. L’aube d’une renaissance. La guĂ©rison du monde selon FrĂ©dĂ©ric Lenoir » : https://vivreetesperer.com/?p=1048     « L’ùre numĂ©rique. Gilles Babinet, un guide pour entrer dans ce nouveau monde » : https://vivreetesperer.com/?p=1812                                « Comprendre la mutation de notre sociĂ©tĂ© requiert une vision nouvelle du monde (Jean Staune. Les ClĂ©s du futur) » https://vivreetesperer.com/?p=2373                      «      « Une philosophie de l’histoire par Michel Serres » : https://vivreetesperer.com/?p=2479                              « Une belle vie se construit sur de belles relations » : https://vivreetesperer.com/?p=2491                             « Penser Ă  l’avenir, selon Jean Viard » : https://vivreetesperer.com/?p=2524                                        « Une vision de la libertĂ© (JĂŒrgen Moltman. (L’Esprit qui donne la vie) » : https://vivreetesperer.com/?p=1343

Une théologie pour la vie

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JĂŒrgen Moltmann en conversation avec un panel de thĂ©ologiens au Garrett Evangelical Theological Seminary (Evanston USA).

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Nous savons combien nos reprĂ©sentations  influencent nos Ă©tats d’ñme et nos comportements. Ces reprĂ©sentations dĂ©pendent de notre vision du monde. Comme rĂ©flexion sur Dieu, la thĂ©ologie inspire cette vision. C’est dire l’importance des orientations thĂ©ologiques. Comme le dit JĂ©sus, on reconnaĂźt l’arbre Ă  ses fruits.  Nous trouvons, personnellement, une inspiration positive dans la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann, souvent Ă©voquĂ©e sur ce blog. Reconnu comme un des plus grands thĂ©ologiens de notre temps (1), JĂŒrgen Moltmann est souvent invitĂ© Ă  s’exprimer dans des facultĂ©s de thĂ©ologie Ă  travers le monde. Ainsi est-il intervenu en 2009 dans une facultĂ© de thĂ©ologie amĂ©ricaine sur le thĂšme : « Une thĂ©ologie pour la vie. Une vie pour la thĂ©ologie » (2). Cette intervention a Ă©tĂ© effectuĂ©e au Garrett Evangelical Theological Seminary (Evanston USA), une facultĂ© en lien avec l’Eglise mĂ©thodiste. AprĂšs cette premiĂšre confĂ©rence, JĂŒrgen Moltmann a Ă©tĂ© invitĂ© Ă  participer Ă  une conversation oĂč il a rĂ©pondu aux questions d’un panel de trois thĂ©ologien(ne)s : Nancy Bedford, Stephen Ray, Anne Joe. Ceux-ci ont Ă©tĂ© ensuite interrogĂ©s personnellement sur cet apport. L’ensemble est communiquĂ© sur le site de la facultĂ© Ă  travers des vidĂ©os (3). Comme dans une prĂ©cĂ©dente note sur ce blog (4), nous prĂ©sentons ainsi Ă  nouveau une contribution de JĂŒrgen Moltmann en vidĂ©o. Ce n’est pas seulement une rencontre avec sa pensĂ©e, c’est aussi une rencontre avec sa personne oĂč on peut apprĂ©cier une chaleur communicative empreinte d’une forme de modestie et de respect en terme d’humour. Nous prĂ©sentons ici la vidĂ©o oĂč JĂŒrgen Moltmann rĂ©pond aux questions de ses interlocuteurs (5). Et comme cet entretien est en anglais, nous voulons en faciliter l’accĂšs Ă  travers une transposition en français dans des notes prises au cours de cette audition.

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MOLTMANN4

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Comment lire la Bible avec discernement ?

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Comme thĂ©ologien, comment lisez-vous l’Ecriture. Quels sont vos critĂšres hermĂ©neutiques ?, lui demande au dĂ©part son ancienne Ă©tudiante, Nancy Bedford. Question sensible ! JĂŒrgen Moltmann fait Ă©cho Ă  la question posĂ©e par Philippe au ministre Ă©thiopien qui lisait le prophĂšte EsaĂŻe (Actes 6.30) : « Comprends-tu ce que tu lis ? ». Comprenons-nous ce que nous lisons ? En lisant la Bible, je m’attends Ă  la Parole de Dieu dans des mots et des idĂ©es, des tĂ©moignages humains, mais ces mots humains sont parfois en contradiction les uns avec les autres. J. M. donne des exemples, tous deux empruntĂ©s aux Ă©pĂźtres de Paul, l’un concernant l’attitude vis-Ă -vis des femmes et l’autre, l’attitude vis-Ă -vis des juifs. Ainsi rappelle-t-il la grande affirmation universaliste de Paul Ă  la suite du prophĂšte JoĂ«l, en Galates 3.26 : « Il n’y a plus ni hommes, ni femmes. Nous sommes tous un en JĂ©sus-Christ ». Mais on trouve aussi dans ces Ă©pĂźtres mention d’une attitude que JĂŒrgen Moltmann exprime en termes humoristiques : « Les femmes devraient la fermer dans les cultes » Qu’est ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui est le plus proche de la vĂ©ritĂ© du Christ ? Et, reprend-t-il avec humour : Si les femmes avaient Ă©tĂ© silencieuses tout le temps, elles n’auraient pas annoncĂ© la rĂ©surrection de JĂ©sus et nous n’en saurions rien ! Pour interprĂ©ter, je ne me rĂ©fĂšre pas Ă  un humanisme moderne, qui va de ci, de lĂ , mais je dĂ©veloppe une critique interne en recherche de l’essentiel Ă  l’intĂ©rieur mĂȘme de l’Ecriture (« material criticism inside the reading of Scripture – criticizing inside the truth of the Bible »). D’abord, je lis, puis je cherche Ă  comprendre. Qu’est-ce que cette expression cherche Ă  me dire avec plus ou moins de bonheur ? Je cherche ce qui est vrai, ce qui me paraĂźt le plus proche de la vĂ©ritĂ© du Christ (« What is closer to the truth of Christ »).

JĂŒrgen Moltmann Ă©voque des approches comme celles du « JĂ©sus historique » (historical Jesus ») ou de l’exĂ©gĂšse matĂ©rialiste (« Materialistic exegesis »), qui se perd dans l’accessoire, auxquelles il n’adhĂšre pas. Et notamment, peut-on en thĂ©ologie s’intĂ©resser seulement au « JĂ©sus historique », c’est Ă  dire ne pas prendre en considĂ©ration l’éclairage de la rĂ©surrection ? Le JĂ©sus historique est le JĂ©sus mort  (« The historical Jesus is the dead Jesus »).

Puisque J. Moltmann se rĂ©fĂšre Ă  Christ comme critĂšre, son interlocutrice lui pose une seconde question : « Vous prenez Christ comme critĂšre, mais qu’est ce qui arrive quand ce critĂšre est mal utilisé ? Certains comportements et images peuvent contrecarrer une juste reprĂ©sentation du Christ. JĂŒrgen Moltmann rĂ©pond en prenant l’exemple de la croix. Au dĂ©but du christianisme, il y a la croix de Golgotha, mais il y a eu trĂšs vite une croix imaginĂ©e par l’Empire comme signe de puissance et de victoire Ă  commencer par celle de l’empereur Constantin : « Tu vaincras par ce signe ! », une tradition dominatrice qui s’est perpĂ©tuĂ©e dans la chrĂ©tientĂ©.

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Le dialogue ƓcumĂ©nique

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Quelle est la part des thĂ©ologiens dans le dialogue ƓcumĂ©nique ? JĂŒrgen Moltmann rĂ©pond Ă  cette question en Ă©voquant une affirmation centrale : la parole de JĂ©sus concernant ses disciples : « Qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jean 17.22). Cette priĂšre a Ă©tĂ© entendue par le PĂšre. Alors, en Christ, nous sommes dĂ©jĂ  un. Mais, si c’est le cas, nous sommes appelĂ©s Ă  rendre cette rĂ©alitĂ© visible. Nous rendons cette rĂ©alitĂ© visible, non pas d’abord par le dialogue thĂ©ologique, mais par la fraternitĂ© eucharistique. Les Ă©glises ne sont pas propriĂ©taires de la pratique eucharistique. Prendre ensemble le repas eucharistique, c’est rĂ©pondre Ă  l’invitation du Christ. Alors, en premier le repas du Seigneur : manger et boire, et ensuite le dialogue thĂ©ologique. Ce dialogue en sera facilitĂ©, car alors, nous reconnaissons que nous sommes dĂ©jĂ  dans la famille de JĂ©sus. Avec humour, Moltmann Ă©voque sa diffĂ©rence sur ce point avec son ancien collĂšgue Ă  l’universitĂ© de TĂŒbingen, Joseph Ratzinger devenu ensuite le pape Benoit XVI.

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Les gens dans la misÚre. Quelle espérance ?

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Une thĂ©ologienne pose Ă  Moltmann cette question : Comment accorde-t-il dans sa rĂ©flexion sa thĂ©ologie de l’espĂ©rance et sa vision de « Dieu crucifié » ? Si la passion du Christ s’inscrit dans sa nature d’un Dieu incarnĂ©, sa rĂ©surrection manifeste la puissance d’un Dieu transcendant. Des thĂ©ologiens catholiques latino-amĂ©ricains ont Ă©voquĂ© les victimes des rĂ©gimes despotiques en termes d’hommes et de femmes crucifiĂ©s porteurs de rĂ©demption. Dans cette approche,  l’Eglise prolonge le Christ (« Christus prolongatus »), et, en extension, la souffrance des persĂ©cutĂ©s des personnes crucifiĂ©es est censĂ©e contribuer Ă  la rĂ©demption. JĂŒrgen Moltmann n’est pas Ă  l’aise avec cette extrapolation. Si vous vivez dans la misĂšre et l’isolement, vous n’avez pas envie qu’on interprĂšte votre souffrance en terme de participation Ă  la rĂ©demption. Vous avez envie de vous en sortir, vous avez envie d’ĂȘtre libĂ©rĂ©. Autrement, vous continueriez Ă  souffrir. Et, de mĂȘme, en ce qui concerne « l’option prĂ©fĂ©rentielle pour les pauvres », il y a danger d’idĂ©aliser la pauvretĂ©. N’interprĂ©tons pas la situation des pauvres Ă  leur place


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Le salut. Nous Ă©chapper dans un au delĂ  ou nous tourner vers l’avenir.

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Moltmann est interrogĂ© Ă  propos de son approche eschatologique dans son livre : La venue de Dieu (« Coming of God »). Il y a un dĂ©bat en cours sur la conception du salut. Notre espĂ©rance rĂ©side-t-elle dans une sĂ©paration de ce monde pour un autre, une Ă©ternitĂ© intemporelle ou bien sommes-nous invitĂ©s Ă  regarder vers l’avenir Ă  l’intĂ©rieur mĂȘme du processus de la nouvelle crĂ©ation. Dans la fixation sur l’éternitĂ©, il y a une aspiration gnostique. Dans l’espĂ©rance chrĂ©tienne et juive, on attend un ciel nouveau et une terre nouvelle. C’est bien lĂ  la demande exprimĂ©e dans la priĂšre du « Notre PĂšre », non pas que nous Ă©chappions Ă  la terre, mais que « le rĂšgne de Dieu vienne sur la terre comme au ciel ». Ainsi, nous espĂ©rons le salut de la terre dans une nouvelle crĂ©ation. Je crois que Dieu le crĂ©ateur ne laissera pas sa crĂ©ation dĂ©gringoler, mais rĂ©capitulera toute chose – et sa crĂ©ation- dans sa venue finale (« will recollect his creation in his final coming »). La rĂ©surrection des morts s’inscrit bien dans ce processus. Il nous faut dĂ©velopper Ă  nouveau frais une thĂ©ologie centrĂ©e sur la terre (« earth-centered »)

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Une théologie de la terre

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Si l’ĂȘtre humain a Ă©tĂ© crĂ©e par Dieu, la terre dans laquelle les hommes vivent, rĂ©sulte elle aussi de la crĂ©ation de Dieu. Elle mĂ©rite d’ĂȘtre considĂ©rĂ©e et respectĂ©e. En rĂ©ponse Ă  une question, Moltmann esquisse une thĂ©ologie de la terre Ă  partir de quelques textes bibliques.

En GenĂšse 1, la terre est prĂ©sentĂ©e comme Ă©tant elle-mĂȘme crĂ©atrice et productrice. En GenĂšse 9, Dieu instaure une alliance avec l’humanitĂ©, les ĂȘtres vivants et la terre. Celle-ci est spĂ©cifiquement mentionnĂ©e au verset 13. Dans les rĂšgles ultĂ©rieures concernant l’agriculture, la terre est respectĂ©e et participe au repos sabbatique. Le ProphĂšte EsaĂŻe associe mĂȘme la terre Ă  la rĂ©alisation du salut. C’est dire combien la terre n’est pas subordonnĂ©e Ă  l’homme. Moltmann note que la thĂ©ologie orthodoxe reconnaĂźt ce rapport entre Dieu et la terre, particuliĂšrement dans son art de l’icĂŽne. Aujourd’hui, c’est Ă  cĂŽtĂ© de la dĂ©claration des droits de l’homme que les Nations Unies ont Ă©tabli une charte de la nature. Comment combiner les deux ? Une thĂ©ologie de la terre rejette l’instrumentalisation de celle-ci par les hommes. Nous ne devons pas vivre sur la terre en la dominant. Nous devons vivre en symbiose avec elle et bannir le terme d’environnement dans la mesure oĂč il est conçu uniquement en fonction de l’homme («We live in the earth, not on the earth »). En espĂ©rance, nous regardons vers une nouvelle crĂ©ation oĂč la justice habitera.

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L’ĂȘtre humain, une crĂ©ature vulnĂ©rable

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Sensible Ă  l’ouverture de JĂŒrgen Moltmann Ă  la dimension de la compassion, telle qu’elle apparaĂźt dans son livre : « Le Dieu crucifié », une thĂ©ologienne participant au panel Ă©voque la recherche d’invulnĂ©rabilitĂ© rĂ©pandue dans le monde occidental. Quelle place donner Ă  l’affliction et au deuil ? JĂŒrgen Moltmann rĂ©pond positivement Ă  cette question. Les gens faibles cherchent Ă  ĂȘtre invulnĂ©rables. Seuls les gens forts acceptent d’ĂȘtre vulnĂ©rables. A travers le deuil, les gens expriment leur amour. La place accordĂ©e au deuil dans le monde occidental a Ă©tĂ© trop rĂ©duite. On devrait accorder davantage de temps au processus de deuil.

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La communauté des vivants et des morts

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JĂŒrgen Moltmann raconte qu’en 1961, en visitant un ancien camp de concentration en Pologne, il a eu une forme de vision, percevant soudain les gens assassinĂ©s venant Ă  lui et lui demandant : « Pourquoi ? ». Ces gens lĂ  n’étaient pas « morts ». Ils Ă©taient prĂ©sents, trĂšs prĂ©sents. Moltmann Ă©voque ensuite la relation avec les ancĂȘtres en Asie, telle qu’elle se manifeste notamment dans le culte des ancĂȘtres. Il y a une part de vĂ©ritĂ© dans tout cela. Les morts n’ont pas disparu. Ils sont trĂšs prĂ©sents. Vous pouvez le sentir. Ils veillent sur nous (« They watch over us ») et, si nous sommes assez sensibles, nous veillons avec eux. Dans l’histoire de la RĂ©forme, face Ă  la thĂšse du sommeil des morts attendant la rĂ©surrection, c’est la conviction qui a Ă©tĂ© exprimĂ©e par Jean Calvin. Non, les morts ne dorment pas, ils veillent sur nous (« They are watching over us »). Les uns et les autres, nous vivons dans la perspective de la rĂ©surrection commune. Cette rĂ©surrection est un avenir pour le passĂ©. Nous sommes dans le mĂȘme mouvement. Nous sommes dans la mĂȘme prĂ©sence et nous regardons en avant dans l’attente du mĂȘme futur. « We are in the same presence and we are looking forward for the same future »

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Dieu trinitaire. Un chemin de communion

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On demande Ă  JĂŒrgen Moltmann comment il en est venu Ă  accorder une grande importance Ă  une vision trinitaire de Dieu.

De fait, la parution de son livre : « The Trinity and the Kingdom of God » a Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e par une attention croissante portĂ©e Ă  l’Esprit Saint. Qui est l’Esprit Saint ? L’Esprit Saint, c’est la prĂ©sence crĂ©atrice et unifiante de l’Esprit dans le monde. C’est le consolateur, mais aussi la source de vie. Dans la communion avec Christ, Il nous communique une Ă©nergie vitale.

En nous racontant son histoire de vie lors de sa confĂ©rence initiale, JĂŒrgen Moltmann nous a racontĂ© l’épreuve qu’il a vĂ©cu dans sa jeunesse. Dans un camp de prisonniers en Angleterre, il a trouvĂ© dans la Bible une consolation. JĂ©sus est devenu l’ami avec qui il pouvait partager son sort. C’est lĂ  aussi une prĂ©sence guĂ©rissante : « A travers ses meurtrissures, nous sommes guĂ©ris » (EsaĂŻe 53.5). JĂ©sus nous introduit dans la proximitĂ© de Dieu, son PĂšre aimĂ©, « Abba ».

DĂšs lors, nous dit JĂŒrgen Moltmann, nous pouvons entrer tout simplement dans la communion trinitaire. En union avec JĂ©sus, nous sommes en relation priante avec son PĂšre aimĂ©, Abba. Dieu est prĂ©sent. Et nous faisons l’expĂ©rience de la prĂ©sence vivifiante de l’Esprit. Ainsi la TrinitĂ©, n’est pas un mystĂšre, c’est une rĂ©alitĂ© toute simple. Nous ne croyons pas en Dieu, nous vivons en un Dieu trinitaire (« You do not believe in God. You live in the trinitarian God »). Nous vivons en relation avec JĂ©sus, Abba, cher PĂšre et  l’Esprit qui donne la vie. « You live between Jesus, Abba, dear Father and the live giving energies of the Spirit ». Depuis le commencement, la foi chrĂ©tienne a une forme trinitaire : JĂ©sus, Abba, Esprit. « The christian faith has from the beginning on, a triadic form : Jesus, Abba, Spirit ».

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Une pensée pour la vie

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Cette vidĂ©o et celles qui l’accompagnent nous permettent de mieux comprendre ce que peut ĂȘtre le cheminement d’une rĂ©flexion thĂ©ologique. Et, si nous pouvons douter de la pertinence et de la justesse de certaines constructions thĂ©ologiques, ici, nous entrons dans une approche qui rĂ©pond Ă  des questionnements souvent existentiels. En fonction de son histoire de vie, la thĂ©ologie de JĂŒrgen Moltmann ne se dĂ©veloppe pas dans l’abstraction. Elle est « branchĂ©e » sur des questions que nous nous posons dans la vie, non seulement sur le plan personnel, mais aussi en rapport avec nos interrogations concernant le monde d’aujourd’hui (6). Que cette thĂ©ologie pour la vie nous aide Ă  vivre en harmonie et en mouvement !

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J H

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(1)            L’autobiographie de JĂŒrgen Moltmann relatĂ©e dans son livre : « A broad place », nous introduit dans le dĂ©veloppement de sa pensĂ©e et l’évolution de son Ɠuvre : Moltmann (JĂŒrgen). A broad place. an autobiography. SCM Press, 2007. Voir une mise en perspective de ce livre : « Une thĂ©ologie pour notre temps » sur le site de TĂ©moins : http://www.temoins.com/etudes/recherche-et-innovation/etudes/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann

Sur le blog : L’Esprit qui donne la vie : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695.

(2)            ConfĂ©rence de JĂŒrgen Moltmann, professeur invitĂ© au Garrett Evangelical Theological Seminary en 2009 (vidĂ©o) : http://www.garrettmedia.net/video500.php?vid_name=special/moltmann09/convocation

(3)            Sur le site de la facultĂ©, prĂ©sentation de l’ensemble des vidĂ©os en rapport avec la venue de JĂŒrgen Moltmann : http://www.garrett.edu/news/161-september-2009/282-video-of-jrgen-moltmann-at-garrett-evangelical

(4)            PrĂ©sentation d’une interview de JĂŒrgen Moltmann en vidĂ©o : « L’avenir inachevĂ© de Dieu. Pourquoi c’est important pour nous ». Sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=1884

(5)            VidĂ©o prĂ©sentĂ©e dans cette contribution : A conversation with JĂŒrgen Moltmann : http://www.garrettmedia.net/video500.php?vid_name=special/moltmann09/conversation

(6)            Un essai d’introduction Ă  l’Ɠuvre de JĂŒrgen Moltmann : le blog : L’Esprit qui donne la vie : http://www.lespritquidonnelavie.com/ Plusieurs des thĂšmes abordĂ©s dans cet article sont abordĂ©s sur ce blog. On pourra y lire notamment une prĂ©sentation d’un livre de Moltmann paru en 2010 et rĂ©capitulant les grandes orientations de sa pensĂ©e : « Sun of rightneousness, arise. God’s future for humanity and the earth » : « LĂšve-toi, Soleil de justice ! L’avenir de Dieu pour l’humanitĂ© et la terre » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=798

JĂŒrgen Moltmann a publiĂ© de nombreux livres qui sont des livres de fond, pour une part, traduits en français au Cerf. Un livre rĂ©cemment traduit en France nous introduit dans les grandes orientations de sa pensĂ©e : JĂŒrgen Moltmann. De commencements en recommencements. Une dynamique d’espĂ©rance. Empreinte temps prĂ©sent, 2012  PrĂ©sentation sur ce blog : « Une dynamique de vie et d’espĂ©rance » : https://vivreetesperer.com/?p=572

Sur ce blog, des articles correspondant à certains thÚmes de cette conversation, notamment : « Vivre en harmonie avec la nature » : https://vivreetesperer.com/?p=757

Et : « Une vie qui ne disparaßt pas » : https://vivreetesperer.com/?p=336  « Sur la terre comme au ciel » : https://vivreetesperer.com/?p=338

Comment entendre les principes de la vie cosmique pour entrer en harmonie

Diversité, essence et communion

Temoins prĂ©sente un article de soeur Joan BrownSelon SƓur Joan Brown

 Nous vivons dans un univers en Ă©volution, dans un monde vivant. Avons-nous conscience d’en faire partie ou bien nous en dĂ©tachons-nous pour le dominer, pour nous replier sur nous ou pour nous en Ă©vader ? Si nous entendons les principes de la vie cosmique, les lois de la vie, alors nous participerons Ă  la vie qui nous est donnĂ©e et nous pourrons vivre en harmonie. Comment comprendre le rapport entre diversitĂ© et unitĂ© ? Comment participer au grand mouvement d’interconnexion et de reliance  constamment Ă  l’Ɠuvre ? Comprendre le monde, c’est nous comprendre nous-mĂȘmes. Nous comprendre, c’est comprendre le monde et y participer. C’est une vision oĂč s’allie la science et la spiritualitĂ©.

Aujourd’hui, les menaces qui mettent en danger les Ă©quilibres du vivant sur notre planĂšte engendrent une prise de conscience Ă©cologique. Cette prise de conscience n’appelle pas seulement une transformation majeure de la vie Ă©conomique, un changement de la production et de la consommation, mais aussi, dans le mĂȘme mouvement, une transformation de notre genre de vie (1). Et donc, ce qui nous est demandĂ©, c’est une nouvelle maniĂšre d’envisager la vie dans son essence mĂȘme.

Dans l’Occident chrĂ©tien, Ă  partir de la renaissance, en phase avec une certaine conception de Dieu, la nature a Ă©tĂ© soumise Ă  une gouvernance autoritaire (2). Si, dans le mĂȘme temps, le matĂ©rialisme s’est rĂ©pandu, face Ă  ces errements, Ă  la fin du XXĂš siĂšcle, des thĂ©ologiens se sont dressĂ©s et nous ont proposĂ© une nouvelle vision de Dieu et du monde. Ainsi, en 1985, JĂŒrgen Moltmann, dĂ©jĂ  reconnu comme le thĂ©ologien de l’espĂ©rance, publie un livre : « Dieu dans la crĂ©ation » , qui porte dĂ©jĂ  comme sous-titre, « TraitĂ© Ă©cologique de la crĂ©ation ». (3). Aux Etats-Unis, Thomas Berry (4), prĂȘtre catholique engagĂ© dans une intime comprĂ©hension des grandes cultures religieuses, de la Chine et l’Inde jusqu’aux traditions des peuples premiers, disciple de la pensĂ©e de Teilhard de Chardin, s’affirme comme un chercheur passionnĂ© Ă  l’étude de la terre, comme un « écothĂ©ologien ». Un peu plus tard, en 2015, paraĂźt « Laudato Si’ », la lettre encyclique du Pape François sur la sauvegarde de la maison commune (5).

La sƓur franciscaine, Joan Brown (6), participe Ă  l’inspiration de Thomas Berry et collabore avec Richard Rohr, fondateur et responsable du « Center for action and contemplation » Ă  Albuquerque (New Mexico) (7). Elle participe Ă  des mouvements alliant Ă©cologie et spiritualitĂ© comme les « sƓurs de la terre » (« Sisters of earth ») (8). Dans l’Etat amĂ©ricain du Nouveau Mexique, elle anime et dirige un centre Ă©cologique et interconfessionnel : « New Mexico Interfaith Power and Light » (9). Le centre appuie les Ă©glises engagĂ©es dans la transformation Ă©cologique et participe Ă  des actions environnementales. Dans le cadre d’un cycle de mĂ©ditations : « UnitĂ© et diversité » publiĂ© du 2 au 8 juin dans le cadre des mĂ©ditations quotidiennes diffusĂ©es par le « Center for action and contemplation », Joan Brown a Ă©crit une contribution : « DiversitĂ©, essence et communion » (10).

Diversité, essence et communion

« Nous tous qui vivons, respirons et marchons sur cette MĂšre Terre, magnifique et sainte, nous tous, sommes appelĂ©s Ă  comprendre les principes inhĂ©rents Ă  l’énergie interdĂ©pendante et dynamique qui vibre dans chaque Ă©lĂ©ment de la vie ».

Joan Brown distingue en effet trois mouvements qui ont Ă©mergĂ© dĂšs la premiĂšre apparition de la vie, il y a 13,8 milliards d’annĂ©es.

Ces mouvements, ces Ă©nergies, ces principes sont :

« la différenciation ou la diversité

La subjectivitĂ©, l’intĂ©rioritĂ© ou l’essence

La communion, la communautĂ© et l’interconnexion ».

« Comprendre ces principes d’action est essentiel dans les temps critiques oĂč  nous vivons, lĂ  oĂč la diversitĂ© engendre des conflits, oĂč la vie se dĂ©roule Ă  un niveau souvent superficiel et oĂč l’individualisme est rampant ». Ainsi, Joan Brown nous dĂ©crit ses principes d’action.

D’abord, chacun de nous – chaque ĂȘtre humain, chaque goutte d’eau, chaque molĂ©cule, chaque oiseau, chaque grain de sable, chaque montagne –  est distinct ou diffĂ©rent. Chacun, chacune est une manifestation distincte de l’énergie du Divin Amour. L’univers prospĂšre et ne peut exister sans cette diversitĂ©. Ces diffĂ©rences mĂȘme que nous Ă©vitons ou mĂȘme dĂ©truisons, sont nĂ©cessaires Ă  la vie  pour qu’elle se poursuive dans une multitude de formes magnifiques.

Joan Brown exprime ensuite un second principe cosmique, « plus facilement accessible aux gens de toute tradition religieuse ». Ce principe, c’est « l’intĂ©rioritĂ© ou l’essence ». Chaque crĂ©ature est sainte. Chaque brin d’herbe, chaque sauterelle, chaque enfant est saint. La dĂ©gradation Ă©cologique, le racisme, la discrimination, la haine, le manque d’intĂ©rĂȘt pour Ɠuvrer en faveur de la justice et de l’amour, tout cela Ă©voque un manque de respect, une incapacitĂ© d’honorer ce qui se tient devant moi
 Pour aider les gens Ă  gĂ©rer le changement climatique et Ă  s’y adapter, ce qui est le sujet le plus critique de notre Ă©poque, je crois que nous devons nous mettre en contact avec l’essence sacrĂ©e de chaque chose qui existe, de chaque existence.

Le troisiĂšme principe cosmique est assez Ă©vident. « La communion ou la communautĂ© est intimement liĂ©e à  la diversitĂ©/diffĂ©renciation et Ă  l’intĂ©rioritĂ©/essence. Joan Brown Ă©voque une citation attribuĂ©e Ă  un moine bouddhiste, Thich Nhat Hanh : «  Nous sommes ici pour nous Ă©veiller, sortir de l’illusion de la sĂ©paration ». « La force gravitationnelle de l’amour entraine chaque ĂȘtre vivant et chaque chose Ă  entrer en relation et en communion ».

Nous avons besoin d’une prise de conscience. « Si nous ne pouvons pas aimer notre prochain comme nous-mĂȘme, c’est parce que nous ne nous reprĂ©sentons pas notre prochain comme nous-mĂȘme », Ă©crit BĂ©atrice Bruteau, elle aussi « Ă©cospirituelle ». « Si nous sommes incapables de voir que nous sommes en communion avec l’autre, nous ne rĂ©aliserons pas que ce que nous faisons Ă  nous-mĂȘme, nous le faisons Ă  l’autre et Ă  la terre. De mĂȘme, nous ne rĂ©alisons pas qu’en fin de compte, notre manque de comprĂ©hension se retourne contre nous en violence, que ce soit la peur des autres races et de la diversitĂ© ou la destruction de la terre parce que nous voyons le monde naturel comme un objet plutĂŽt que comme un sujet avec une intĂ©rioritĂ© ».

C’est un appel Ă  voir plus profond , plus grand. « Nous sommes appelĂ© Ă  ĂȘtre plus grand que ce que nous pouvons imaginer ĂȘtre en ce moment. Les principes cosmiques sont une nouvelle maniĂšre de comprendre, de voir et d’agir dans un monde qui parait dĂ©chirĂ© par une mĂ©comprĂ©hension de la beautĂ© de la diversitĂ©, de la saintetĂ© de l’essence et de la force Ă©volutionnaire de la communion ».

 Nous ne attarderons pas sur l’arriĂšre plan dans lequel nous voyons cette rĂ©flexion : la crĂ©ation en marche « souffrant des douleurs de l’enfantement »  (Rom 8.22) et la dynamique victorieuse de la libĂ©ration divine en Christ ressuscitĂ©. Comme l’écrit JĂŒrgen Moltmann, « le Christ ressuscitĂ© est le Christ cosmique. Il est prĂ©sent en toutes choses. Finalement, il est aussi celui qui vient et qui remplira le ciel et le terre de sa justice ».

La nouvelle spiritualitĂ© de la terre Ă©veille une « humilitĂ© cosmique ». Elle suscite Ă©galement un amour cosmique tel que le staretz Sosima l’exprime dans le roman de Dostoevski : « les frĂšres Karamazov » : « Aime toute la crĂ©ation, l’ensemble et chaque petit grain de sable. Aime les animaux, les plantes, chaque petite chose. Si tu aimes chaque petite chose, alors le mystĂšre de Dieu en elle, te sera rĂ©vĂ©lĂ©. Une fois qu’il t’est rĂ©vĂ©lĂ©, alors tu le percevras de plus en plus chaque jour. Et, Ă  la fin, tu aimeras l’univers entier d’un amour sans limites » (11)

Dans ce contexte, combien le regard de Joan Brown nous Ă©claire et nous apporte une maniĂšre nouvelle, une maniĂšre constructive de comprendre, de voir et d’agir dans ce monde.

J H

  1. « Vers une économie symbiotique » : https://vivreetesperer.com/vers-une-economie-symbiotique/
  2. « Vivre en harmonie avec la nature » : https://vivreetesperer.com/vivre-en-harmonie-avec-la-nature/
  3. JĂŒrgen Moltmann. Dieu dans la crĂ©ation. TraitĂ© Ă©cologique de la crĂ©ation. Cerf, 1988 Voir aussi : « Dieu dans la crĂ©ation » : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/
  4. Vie et Ɠuvre de Thomas Berry : https://en.wikipedia.org/wiki/Thomas_Berry http://encyclopedie.homovivens.org/documents/thomas_berry
  5. « Convergences thĂ©ologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/
  6. Sister Joan Brown : https://www.globalsistersreport.org/authors/joan-brown
  7. Center for action and contemplation : https://cac.org/about-cac/
  8. Sisters of the earth : https://www.sisters-of-earth.net
  9. New Mexico Interfaith Power and Light : https://www.nm-ipl.org
  10. « Diversity, Essence and communion » : https://cac.org/diversity-essence-and-communion-2019-06-07/
  11. JĂŒrgen Moltmann. The living God and the fullness of life.World council of churches, 2016 « In the fellowship of the earth » p 80-85 https://vivreetesperer.com/le-dieu-vivant-et-la-plenitude-de-vie-2/

 

Voir aussi sur ce blog :

La danse divine (The Divine Dance) par Richard Rohr :  https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/

Face Ă  la violence, l’entraide, puissance de vie dans la et dans l’humanité : https://vivreetesperer.com/face-a-la-violence-lentraide-puissance-de-vie-dans-la-nature-et-dans-lhumanite/

L’homme, la nature et Dieu. Tous interconnectĂ©s dans une communautĂ© de la crĂ©ation : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/

Comment nos pensées influencent la réalité

 

 

« Pour une approche intĂ©grale de la conscience » : confĂ©rence de Mario Beauregard au colloque de l’UIP : « Sciences et connaissances »

 

         Notre existence, la conscience que nous en avons, se fondent sur notre pensĂ©e. C’est dire l’importance des questions que nous pouvons nous poser sur les rapports entre nos pensĂ©es et notre ĂȘtre corporel. De mĂȘme, c’est par la pensĂ©e que nous  participons au monde et pouvons accĂ©der Ă  ce qui nous dĂ©passe. Dans un texte concernant les expĂ©riences spirituelles publiĂ© sur ce blog (1), nous nous rĂ©fĂ©rions au livre d’un chercheur en neurosciences, Mario Beauregard : « Du cerveau Ă  Dieu. Plaidoyer d’un neuroscientifique pour l’existence de l’ñme » (2). Par la suite, nous avons dĂ©couvert un nouveau livre de ce mĂȘme chercheur : « Brain wars. The scientific battle over the existence of the mind and the proof that will change our life » (3). A partir de travaux scientifiques, l’auteur y rĂ©fute les thĂšses matĂ©rialistes. Non, la conscience n’est pas le produit du cerveau et destinĂ©e Ă  disparaĂźtre avec lui. Non elle ne dĂ©pend pas entiĂšrement des mĂ©canismes physiologiques, ainsi soumises aux seules lois de la matiĂšre. Non, la conscience humaine n’est pas qu’un Ă©piphĂ©nomĂšne, une forme passagĂšre juste lĂ  en attendant de disparaĂźtre. Au contraire, l’esprit humain apparaĂźt comme une rĂ©alitĂ© spĂ©cifique. Des recherches convergentes montrent l’influence de nos pensĂ©es sur nous-mĂȘme et sur le monde extĂ©rieur. Nous avons prĂ©sentĂ© une mise en perspective de cet ouvrage sur le site de TĂ©moins. Aujourd’hui, ce livre a Ă©tĂ© traduit en français sous le titre : « Les pouvoirs de la conscience. Comment nos pensĂ©es influencent la rĂ©alité » (4).

 

En janvier 2016, Mario Beauregard est intervenu dans le cadre du colloque organisé  par l’UniversitĂ© interdisciplinaire de Paris (5) ayant pour thĂšme « Sciences et connaissances. De la matiĂšre Ă  l’esprit ». L’UniversitĂ© interdisciplinaire de Paris vient de mettre en ligne sur YouTube l’ensemble des contributions des intervenants. Dans son intervention, Mario Beauregard nous prĂ©sente « une approche intĂ©grale de la conscience » (6). Il nous fait part d’abord du plan de son exposĂ©. « Je voudrais parler dans un premier temps de ce qu’on appelle le matĂ©rialisme scientifique qui est devenu trĂšs influent dans les disciplines scientifiques et qui joue un rĂŽle important dans les neurosciences jusqu’à prĂ©sent ». Mario Beauregard montre lĂ  comment cette idĂ©ologie s’est formĂ©e et quelles sont ses consĂ©quences. Il nous parle ensuite des recherches qu’il a rĂ©alisĂ©es Ă  partir d’une sĂ©rie d’études d’imagerie cĂ©rĂ©brale. « Ces Ă©tudes montrent que, contrairement Ă  ce que certaines thĂ©ories matĂ©rialistes veulent nous faire croire, l’esprit humain a une grande capacitĂ© d’influence au niveau cĂ©rĂ©bral. L’esprit humain a une grande capacitĂ© d’influence au niveau du corps, du cerveau et de tous les systĂšmes physiologiques qui sont connectĂ©s. Il a aussi une influence Ă©norme Ă  l’extĂ©rieur des limites du corps. C’est le concept appelĂ© « l’esprit non local ». Je vais vous prĂ©senter certaines Ă©tudes Ă  ce sujet. Je vais terminer en vous parlant de ce qui est en train d’émerger, Ă  partir des Ă©tudes qui vous sont prĂ©sentĂ©es, un nouveau paradigme qu’on a appelĂ© un paradigme post matĂ©rialiste ». Avant de commencer son exposĂ©, Mario Beauregard donne Ă©galement quelques dĂ©finitions prĂ©alables que nous retiendrons ici : « Quand je fais rĂ©fĂ©rence Ă  l’esprit, c’est la traduction du terme anglais : « mind ». C’est l’ensemble des processus mentaux, qu’ils soient conscients ou non, par exemple la mĂ©moire, la perception, les Ă©motions, la pensĂ©e. Lorsque je fais rĂ©fĂ©rence Ă  la conscience, c’est la facultĂ© mentale qui permet d’apprĂ©hender ce qui se passe soit en relation avec le monde extĂ©rieur, soit avec ce qui se passe intĂ©rieurement sur le plan mental, par exemple la pensĂ©e, les Ă©motions. Cela inclut aussi la conscience de soi ». A la fin de sa confĂ©rence, Mario Beauregard donne quelques rĂ©fĂ©rences sur les Ă©volutions en cours concernant le paradigme post matĂ©rialiste, mais pour une approfondissement complĂ©mentaire concernant l’ensemble de son exposĂ©, il renvoie aux deux livres que nous avons Ă©voquĂ©s. On trouvera donc maintenant une reprise du texte mettant en perspective l’apport de son livre : « Brain wars », dĂ©jĂ  publiĂ© sur le site de TĂ©moins.

 

 

Brain Wars. Face à une idéologie matérialiste, les pouvoirs de la conscience

Dans le livre : « Brain wars », par delĂ  la description du conflit entre des conceptions scientifiques opposĂ©es, Mario Beauregard nous apporte des donnĂ©es convergentes qui montrent l’apparition et le dĂ©veloppement d’un nouveau paradigme dans lequel l’esprit humain apparaĂźt comme une rĂ©alitĂ© spĂ©cifique : « L’esprit n’a pas de masse, de volume ou de forme et il ne peut ĂȘtre mesurĂ© dans l’espace et dans le temps, mais il est aussi rĂ©el que les neurones des neurotransmetteurs et les jonctions synaptiques. Il est aussi trĂšs puissant » (p 5).

Mario Beauregard trace une rĂ©trospective des travaux rĂ©alisĂ©s dans ce champ d’étude. Il critique les postulats mĂ©thodologiques de l’approche matĂ©rialiste, notamment l’application des principes de la physique classique Ă  ce domaine. Les thĂ©ories jusque lĂ  dominantes ne peuvent expliquer « pourquoi et comment des expĂ©riences intĂ©rieures subjectives telle que l’amour ou des expĂ©riences spirituelles se dĂ©veloppent Ă  partir de processus physiques dans le cerveau » (p15). Le livre met en Ă©vidence une nouvelle maniĂšre de comprendre les rapports entre l’esprit et le corps Ă  partir des donnĂ©es Ă©mergentes rĂ©sultant des recherches menĂ©es dans des champs nouvellement explorĂ©s comme : l’effet placebo/nocebo, le contrĂŽle cĂ©rĂ©bral, la neuro plasticitĂ©, la connexion psychosomatique, l’hypnose, la tĂ©lĂ©pathie, les expĂ©riences aux frontiĂšres de la mort, les expĂ©riences mystiques. En prenant en compte la vision nouvelle que la mĂ©canique quantique nous propose pour la comprĂ©hension de la rĂ©alitĂ©, Mario Beauregard inscrit les recherches sur les rapports entre le cerveau et l’esprit dans un nouveau paradigme. « Dans l’univers quantique, il n’y a plus de sĂ©paration radicale entre le monde mental et le monde physique » (p 207). DĂ©sormais, la conscience apparaĂźt comme une rĂ©alitĂ© motrice. En exergue de son chapitre de  conclusion, l’auteur propose une citation du physicien et astronome, James Jeans : « L’univers commence Ă  ressembler davantage Ă  une grande pensĂ©e qu’à une grande machine ».

Ce nouveau paradigme ne nous apporte pas seulement une comprĂ©hension nouvelle, il a des consĂ©quences pratiques pour notre vie. DĂ©sormais, nous pouvons exercer une influence positive sur notre santĂ© et sur nos comportements, mais nous sommes appelĂ©s en mĂȘme temps « à cultiver des valeurs positives comme la compassion, le respect et la paix » (p 214). A travers la description des expĂ©riences aux frontiĂšres de la mort et des expĂ©riences mystiques, nous apprenons aussi l’existence d’une rĂ©alitĂ© supĂ©rieure empreinte d’amour et de paix. Ce regard  nouveau appelle une vision spirituelle. Quand le mental et la conscience s’unifient, « nous sommes Ă  nouveau connectĂ©s Ă  nous-mĂȘme, aux autres, Ă  notre planĂšte et Ă  l’univers » (p 214). Cette mise en Ă©vidence de la conscience est un phĂ©nomĂšne qui va entraĂźner des transformations profondes dans le monde.

 

Des champs nouveaux oĂč la conscience Ă©merge.

Les chapitres du livre nous prĂ©sentent successivement des champs d’étude oĂč la conscience apparaĂźt dĂ©sormais comme une rĂ©alitĂ© majeure. En voici quelques exemples.

 

Placebo/nocebo.

La croyance a le pouvoir de guĂ©rir ou de tuer. C’est l’effet placebo/ nocebo. L’auteur nous apporte un exemple particuliĂšrement Ă©vocateur : un patient en train de mourir d’un cancer trĂšs avancĂ©, apprenant l’apparition d’un nouveau mĂ©dicament, le rĂ©clame et, aprĂšs l’injection, connaĂźt une guĂ©rison spectaculaire. Deux mois aprĂšs, il apprend, en lisant un journal, que ce mĂ©dicament a Ă©tĂ© jugĂ© inefficace. Il rechute. Le mĂ©decin adopte un stratagĂšme. En lui affirmant que son information est inexacte, il lui injecte de l’eau distillĂ©e. Et, Ă  nouveau, les effets sont Ă©tonnants puisque trĂšs rapidement, la tumeur disparaĂźt. HĂ©las, lisant Ă  nouveau dans la presse la confirmation de l’inefficacitĂ© de ce mĂ©dicament, il est rĂ©admis Ă  l’hĂŽpital et meurt au bout de deux jours.

L’auteur ne mentionne pas seulement des cas surprenants, mais bien Ă©tablis. Il nous fait part Ă©galement de nombreuses recherches. Des traitements fictifs et mĂȘme des opĂ©rations fictives remportent de grands succĂšs lorsque les patients croient Ă  leur efficacitĂ©. Mais on a vu que des croyances nĂ©gatives ont parallĂšlement des effets nĂ©fastes. Ainsi, « À travers nos croyances, nous dĂ©tenons une puissance de vie et de mort entre nos mains
 La science a dĂ©montrĂ©, mainte et mainte fois, que ce que nous croyons influence significativement notre expĂ©rience de la souffrance, la rĂ©ussite d’une opĂ©ration, mĂȘme l’issue d’une maladie. Nos attentes peuvent inciter nos corps Ă  effectuer un travail de rĂ©gulation de nos conditions physiques et Ă©motionnelles » (p 40).

 

Neurofeedback

Plusieurs chapitres trĂšs documentĂ©s font le point sur l’influence considĂ©rable de la pensĂ©e sur les processus corporels.

Par exemple, le « neurofeedback » permet aux individus de changer certains aspects de leur fonctionnement physique et d’amĂ©liorer leur santĂ© en traitant les informations qui leur sont fournies en temps rĂ©els sur les rĂ©ponses de leur corps (comme le rythme cardiaque ou la tension musculaire). Le « neurofeedback » introduit des changements dans le fonctionnement du cerveau et peut aussi amĂ©liorer les fonctions cognitives, rĂ©duire l’anxiĂ©tĂ© et accroĂźtre le bien-ĂȘtre Ă©motionnel.

 

Neuroplasticité

Bien plus, on dĂ©couvre aujourd’hui les effets d’une pensĂ©e mĂ©thodiquement conduite et entraĂźnĂ©e sur l’organisation et le fonctionnement du cerveau. Cette dĂ©couverte de la « neuroplasticité » est relativement rĂ©cente. Elle est apparue au cours des derniĂšres dĂ©cennies. Auparavant, les neuroscientifiques croyaient que le cerveau Ă©tait figĂ© dans son Ă©tat initial parce qu’ils le concevaient comme une machine non Ă©volutive. On sait maintenant qu’il n’en est rien. « La recherche a montrĂ© que nous pouvons intentionnellement Ă©duquer notre mental Ă  travers des pratiques mĂ©ditatives et accroĂźtre ainsi l’activitĂ© de rĂ©gions et de circuits de nos cerveaux non seulement dans le domaine de la concentration et de l’attention, mais aussi dans le domaine de l’empathie, de la compassion et du bien ĂȘtre Ă©motionnel. De tels exercices peuvent mĂȘme modifier la structure physique du cerveau ». A cet Ă©gard de nombreuses recherches ont Ă©tĂ© effectuĂ©es sur les effets de la mĂ©ditation de moines bouddhistes et aussi de religieuses carmĂ©lites. Ces recherches mettent en Ă©vidence un effet majeur sur le fonctionnement et la structure du cerveau. L’auteur cite le DalaĂŻ Lama : « Le cerveau que nous dĂ©veloppons, reflĂšte la vie que  nous menons ». Bien Ă©videmment, cette remarque est de portĂ©e gĂ©nĂ©rale.

 

Psychosomatique

Dans la mĂȘme perspective, Mario Beauregard traite de « la connexion entre le corps et l’esprit » qui est le fondement de la mĂ©decine psychosomatique. Cette mĂ©decine, bien qu’encore trop peu considĂ©rĂ©e, est aujourd’hui bien connue. Il y a quelques annĂ©es, Thierry Janssen, dans son livre : « La solution intĂ©rieure » (7) mettait Ă  nouveau cette approche en valeur dans une enquĂȘte Ă  l’échelle internationale sur la maniĂšre d’envisager les rapports entre l’esprit et le corps. L’auteur apporte ici un ensemble de donnĂ©es qui permettent de mieux comprendre les processus correspondants.

 

Hypnose

Et dans le chapitre suivant, il traite de l’hypnose Ă  partir des recherches qui ont Ă©tĂ© effectuĂ©es sur ce phĂ©nomĂšne. Il en explore les effets bĂ©nĂ©fiques sur le plan mĂ©dical. L’auteur voit dans l’hypnose une situation qui permet l’expression d’une force intĂ©rieure « En fait, nous ne sommes pas contrĂŽlĂ©s par la suggestion hypnotique. PlutĂŽt, l’hypnose peut nous aider Ă  laisser tomber les barriĂšres qui nous empĂȘchent d’utiliser des capacitĂ©s latentes en nous » (p 132).

 

Communication extrasensorielle.

Mario Beauregard confirme la rĂ©alitĂ© des phĂ©nomĂšnes psychiques dans lesquels la rĂ©alitĂ© est apprĂ©hendĂ©e au delĂ  de l’espace et du temps. Et comme dans la plupart de ses chapitres, il commence son exposĂ© en nous proposant des Ă©tudes de cas. Et ici, il s’agit des performances d’un jeune homme recrutĂ© par les services de renseignement amĂ©ricains, qui, Ă  distance, a perçu des situations et fourni des informations dont on a pu vĂ©rifier la rĂ©alitĂ©.

La recherche dans le domaine de la perception extrasensorielle prouve que nous pouvons recevoir de l’information Ă  travers l’espace et le temps sans utiliser nos sens ordinaires. L’Esprit peut Ă©galement influencer Ă  distance de la matiĂšre et des organismes vivants. Ainsi, si aucune thĂ©orie ne permet aujourd’hui d’expliquer cette catĂ©gorie de phĂ©nomĂšnes, il y a dĂ©sormais un grand nombre de donnĂ©es expĂ©rimentales Ă  ce sujet. L’auteur fait appel Ă  la physique quantique pour apporter un dĂ©but d’éclairage : « La physique classique dĂ©crit l’univers comme un ensemble d’élĂ©ments isolĂ©s les uns des autres.Mais la physique quantique a montrĂ© que l’univers est fondamentalement « non local » : les particules et les objets physiques qui paraissent ĂȘtre isolĂ©s et sĂ©parĂ©s sont en fait profondĂ©ment interconnectĂ©s indĂ©pendamment de la distance » (p 154). Mais cette explication est insuffisante, car elle ne prend pas en compte les aspects psychologiques. En fait, « les phĂ©nomĂšnes psy ont de profondes implications pour notre comprĂ©hension du rĂŽle de l’esprit et de la conscience dans l’univers. Ces phĂ©nomĂšnes suggĂšrent que l’esprit joue un rĂŽle fondamental dans la nature et que la psychĂ© et le monde physique ne sont pas radicalement sĂ©parĂ©s » (p 155).

 

Expériences aux frontiÚres de la mort.

Le phĂ©nomĂšne des « near-death experiences » (NDR), en français dĂ©signĂ© sous le terme : « les expĂ©riences de mort imminente » (EMI), est aujourd’hui connu par un vaste public, car il a fait l’objet, depuis plusieurs dĂ©cennies, d’une abondante littĂ©rature. TrĂšs tĂŽt, avec la parution du livre du psychiatre amĂ©ricain, Raymond Moody : « La vie aprĂšs la vie » (8), des exemples impressionnants et vraisemblables nous ont Ă©tĂ© apportĂ©s. Aujourd’hui, la recherche Ă  ce sujet se fait de plus en plus rigoureuses, comme en tĂ©moigne la parution rĂ©cente du livre d’un chirurgien nĂ©erlandais : Pim Van Lommel : « Consciousness beyond life. The science of near-death expĂ©riences » (9) qui rend compte de recherches scientifiques dont celles menĂ©es par l’auteur. Nous n’aborderons pas ici dans le dĂ©tail les phĂ©nomĂšnes correspondants. Voici quelques conclusions de Mario Beauregard au sujet de cet horizon nouveau qui s’offre Ă  nous aujourd’hui : « Les Ă©tudes scientifiques sur les « near-death experiences » rĂ©alisĂ©es au cours des derniĂšres dĂ©cennies indiquent que les fonctions mentales les plus Ă©levĂ©es peuvent ĂȘtre opĂ©rantes indĂ©pendamment du corps Ă  un moment oĂč l’activitĂ© du cerveau est gravement endommagĂ©e ou apparemment absente (lors d’un arrĂȘt cardiaque). Quelques unes de ces Ă©tudes montrent que des gens aveugles peuvent avoir des perceptions vĂ©ridiques au cours d’une expĂ©rience de sortie du corps. Les Ă©tudes sur les expĂ©riences aux frontiĂšres de la mort suggĂšrent qu’aprĂšs la mort physique, l’esprit et la conscience continuent Ă  un niveau transcendant de la rĂ©alité  Ce phĂ©nomĂšne est incompatible avec la croyance de beaucoup de matĂ©rialiste selon laquelle le monde matĂ©riel serait l’unique rĂ©alité » (p 181-182). Le contenu de ces expĂ©riences n’est pas moins important puisqu’il vĂ©hicule gĂ©nĂ©ralement amour et paix.

 

Expériences mystiques.

Le dernier chapitre du livre porte sur les expĂ©riences mystiques. Elles sont caractĂ©risĂ©es par une expansion de la conscience bien au delĂ  des limites habituelles de nos corps et de nos Ă©gos, et au delĂ  du concept quotidien de l’espace et du temps » (p 185). D’aprĂšs le philosophe britannique, Walter Stace, ces expĂ©riences ont pour traits communs « la perception d’ĂȘtre un Ă  l’infini, une vie sans faille, englober toute chose, des sentiments de paix, le bonheur et la joie, l’impression d’avoir touchĂ© au fondement ultime de la rĂ©alitĂ© (quelque fois identifiĂ© avec Dieu) et une transcendance de l’espace et du temps » (p 185). Les expĂ©riences mystiques peuvent ĂȘtre extraverties ou intraverties. Dans le premier cas, les rĂ©alitĂ©s terrestres continuent Ă  ĂȘtre perçues Ă  travers les sens physiques, mais elles sont alors transfigurĂ©es par une conscience de l’unitĂ© qui brille Ă  travers elles. Dans les formes extraverties, le « petit soi » ordinaire s’évanouit momentanĂ©ment et revient transformĂ©. « Il y a une union temporaire avec le tout, un sentiment d’unitĂ© avec toutes choses dans l’univers, la dĂ©couverte que le fondement de l’ĂȘtre est Ă  l’origine de la vie. On a pu parler Ă  ce sujet de conscience cosmique » (p186). Dans la mĂȘme perspective, le livre rĂ©cemment publiĂ© par David Hay : « Something there » rapporte une collecte d’expĂ©riences mystiques intervenues dans la quotidien telle qu’elle a Ă©tĂ© initiĂ©e par Alister Hardy, un autre chercheur britannique. Il a travaillĂ© Ă  partir de lĂ  sur le concept de spiritualitĂ© (10).

Mario Beauregard met en Ă©vidence la diversitĂ© des cadres et des situations dans lesquelles ces expĂ©riences peuvent survenir. Elles peuvent se produire en rapport ave une absorption de drogues. « Je suis d’accord avec Henri Bergson et Aldous Huxley que l’activitĂ© habituelle du cerveau joue un rĂŽle de filtre qui, gĂ©nĂ©ralement, nous rend inconscient du fondement de l’ĂȘtre » (« Ground of being »). Les barriĂšres seraient levĂ©es par certaines substances. Mais dans l’ensemble, le phĂ©nomĂšne apparaĂźt bien plus vaste et mystĂ©rieux. Chez ceux qui les ont vĂ©cues, les expĂ©riences mystiques produisent une transformation profonde dans leur vie ultĂ©rieure : un sens de la vie nouveau, un bien ĂȘtre psychologique. On a pu observer des changements analogues aprĂšs certaines expĂ©riences aux frontiĂšres de la mort (11).

 

L’émergence d’une conscience nouvelle.

A la fin de son livre, dans sa conclusion, Mario Beauregard Ă©voque « un grand changement dans la conscience » (« A great shift in consciousness »). En effet, Ă  partir de champs d’étude diffĂ©rents, toutes ces recherches convergent dans la mise en Ă©vidence de la rĂ©alitĂ© et de la puissance de l’esprit humain et, au delĂ , de la rĂ©alitĂ© d’un univers spirituel qui nous dĂ©passe infiniment : « Nos esprits peuvent ĂȘtre extrĂȘmement puissants, bien plus puissants que nous pouvions l’imaginer il y a quelques dĂ©cennies » (p 208). Ces facultĂ©s peuvent dĂ©passer les contraintes habituelles Ă  l’espace et au temps. Les expĂ©riences aux frontiĂšres de la mort mettent en Ă©vidence que l’esprit a une certaine autonomie par rapport Ă  l’activitĂ© cĂ©rĂ©brale. La composante mystique des expĂ©riences aux frontiĂšres de la mort montre qu’elles comportent un accĂšs Ă  de nouveaux univers de rĂ©alitĂ©, indĂ©pendamment du cerveau. Et, de mĂȘme, les rĂ©cits des expĂ©riences mystiques ouvrent nos yeux Ă  une nouvelle vision de l’univers et de la place de l’ĂȘtre humain dans celui-ci. Pour interprĂ©ter ces donnĂ©es en termes scientifiques, Mario Beauregard fait appel aux apports de la physique quantique qui change notre perception de la rĂ©alitĂ© matĂ©rielle.

Son livre nous introduit dans un nouveau paradigme, une transformation rĂ©volutionnaire de notre reprĂ©sentation de l’ĂȘtre humaine et cette transformation intervient Ă  partir de donnĂ©es scientifiques, qui, par delĂ  les particularitĂ©s sociales et culturelles, ont une portĂ©e universelle. Mario Beauregard, dans l’enthousiasme de cette dĂ©couverte, proclame les aspects positifs de ce grand mouvement de la conscience. Il y voit une affirmation de la dignitĂ© de l’homme, une ouverture Ă  des valeurs positives comme la compassion, le respect et la paix. Rejoignant la dĂ©finition de la spiritualitĂ© qui nous est apportĂ©e par David Hay comme « une conscience relationnelle », Mario Beauregard nous dit que lorsque le mental, l’esprit et la conscience sont reconnus comme une rĂ©alitĂ© unifiĂ©e, « nous sommes connectĂ©s Ă  nous-mĂȘme, aux autres, Ă  notre planĂšte et Ă  l’univers » (p 214).

 

Une esquisse de questionnement théologique.

La vision qui nous est prĂ©sentĂ©e par Mario Beauregard  bouscule les thĂšses matĂ©rialistes qui remontent au XIXĂš siĂšcle. Mais sa nouveautĂ© radicale interpelle aussi tous ceux  qui rĂ©flĂ©chissent Ă  la place de l’ĂȘtre humain dans l’univers, philosophes, thĂ©ologiens, mais aussi les chercheurs travaillant dans des champs scientifiques diffĂ©rents. Cette vision appelle une rĂ©flexion interdisciplinaire. Elle requiert Ă©galement une recherche thĂ©ologique. Nous situant dans une perspective chrĂ©tienne, voici quelques questions qui nous semblent appeler rĂ©flexion, en sachant, au dĂ©part, qu’en milieu chrĂ©tien, la rĂ©ception de cette vision sera diffĂ©rente selon les mentalitĂ©s. Les reprĂ©sentations nouvelles qui nous sont proposĂ©es par le livre de Mario Beauregard induisent de nombreux questionnements en rapport notamment avec la conception de l’homme, la manifestation du bien et du mal, la perception et la reprĂ©sentation de Dieu, la destinĂ©e humaine, la maniĂšre dont nous percevons le temps oĂč nous vivons.

 

Le livre de Mario Beauregard met en valeur la dignitĂ© de l’homme. La personnalitĂ© de celui-ci n’est pas dĂ©terminĂ©e par des conditionnements biologiques. Non seulement, il a une part de libertĂ©, mais les recherches mettent en valeur le potentiel considĂ©rable dont il dispose pour exercer une influence sur ces conditions de vie. L’esprit humain se voit reconnaĂźtre une capacitĂ© d’intervention jusque lĂ  inenvisageable, par exemple, dans certains cas, une communication qui peut s’exercer au delĂ  des limites habituelles de notre corps. Au total, il y a lĂ  une mise en valeur de la puissance de l’esprit humain. Bien sĂ»r, en contrepartie, la responsabilitĂ© humaine est alors davantage engagĂ©e. Car, si puissance il y a, il est d’autant plus nĂ©cessaire qu’elle s’exerce au service du bien. C’est dire que l’homme a besoin d’une inspiration bĂ©nĂ©fique. Cependant, par delĂ  cette interrogation, cette vision est susceptible de contrarier et d’inquiĂ©ter tous ceux qui portent sur l’homme un regard globalement nĂ©gatif et pessimiste. Ainsi, dans le monde chrĂ©tien, elle se heurte Ă  un courant de pensĂ©e enracinĂ© dans une forme de pensĂ©e thĂ©ologique qui met l’accent sur l’impact destructeur du pĂ©chĂ© originel et la corruption de la nature humaine qui en serait rĂ©sultĂ©e. Cette tradition, apparue au dĂ©but de la chrĂ©tientĂ© s’est longtemps poursuivie en son sein. D’autre part, la reprĂ©sentation de Dieu intervient parallĂšlement. S’il est envisagĂ© selon l’image des monarques dominateurs de l’AntiquitĂ© et non comme un Dieu trinitaire, communion d’amour qui appelle Ă  la participation des ĂȘtres humains, alors on sera enclin Ă  ne pas encourager le potentiel humain. Encore aujourd’hui, dans certains milieux, la puissance de Dieu paraĂźt mieux valorisĂ©e si l’on pose en comparaison la faiblesse de l’homme. En regard, la reprĂ©sentation nouvelle de l’homme qui nous est communiquĂ©e par Mario Beauregard trouve un Ă©clairage chez les thĂ©ologiens qui mettent l’accent sur la crĂ©ation de l’homme par Dieu, « à son image et Ă  sa ressemblance » (GenĂšse 1.26) et dans l’avĂšnement dĂ©cisif de la venue, de la mort et de la rĂ©surrection de JĂ©sus-Christ qui remporte la victoire sur la mort, induit un tournant dĂ©cisif dans l’histoire de l’humanitĂ© et prĂ©pare l’avĂšnement d’une crĂ©ation nouvelle dans laquelle Dieu sera « tout en tous ». Comme le montre JĂŒrgen Moltmann dans son livre : « L’Esprit qui donne la vie » (12), Dieu est Ă  la fois transcendant et immanent. L’Esprit de Dieu est Ă  l’Ɠuvre dans la crĂ©ation. L’homme s’inscrit dans cette crĂ©ation et est appelĂ© Ă  y participer.

 

Dans cette perspective, si le mal est encore bien actif dans ce monde, la dynamique de Dieu porte la vie. Et nous sommes appelĂ©s Ă  y participer selon les capacitĂ©s qui nous sont donnĂ©es et dont nous voyons, Ă  travers ce livre, qu’elles dĂ©passent ce qu’on imaginait jusqu’ici. Et d’autre part, « Dieu est le crĂ©ateur des choses visibles et invisibles ». Nous sommes appelĂ©s Ă  dĂ©passer une opposition tranchĂ©e entre naturel et surnaturel. C’est-Ă -dire, en termes caricaturaux, ce qui relĂšverait de l’homme et ce qui relĂšverait de Dieu. La dĂ©couverte de capacitĂ©s nouvelles accessibles Ă  l’homme ne s’oppose pas Ă  la puissance de Dieu, mais elle en est le reflet et elle s’inscrit dans l’Ɠuvre de l’Esprit. Si cette vision nouvelle va Ă  l’encontre des interdits qui avaient pu s’installer dans une inquiĂ©tude allant de pair avec l’ignorance, elle appelle au contraire une participation accrue des chrĂ©tiens Ă  l’Ɠuvre de l’Esprit qui devraient trouver dans la conscience du potentiel humain, un encouragement pour manifester cette oeuvre avec force par exemple dans le domaine de la guĂ©rison.

 

D’autre part, les recherches dont Mario Beauregard dresse le bilan dans le domaine des expĂ©riences aux frontiĂšres de la mort, mais aussi dans le champ des expĂ©riences mystiques, nous apporte, Ă  travers des donnĂ©es empiriques, une reprĂ©sentation du « divin » et une perception des rapports entre le « divin » et l’humain. Cet apport appelle un approfondissement de la rĂ©flexion thĂ©ologique. L’histoire nous montre le parcours des reprĂ©sentations de Dieu Ă  travers les siĂšcles dans le monde chrĂ©tien. On peut y observer des contrastes et des Ă©volutions. JĂ©sus nous communique une vision de Dieu comme un Etre qui se rĂ©vĂšle dans la tendresse de l’appellation : « Papa » et comme le PĂšre misĂ©ricordieux qui accordent Ă  tous les hommes les bienfaits de la crĂ©ation : le soleil et la pluie (Matthieu 5.45). A travers son ministĂšre terrestre, sa mort et sa rĂ©surrection, JĂ©sus-Christ remporte la victoire sur le mal et ouvre les portes d’un univers nouveau dans lequel Dieu sera « tout en tous ». Ces quelques notations ont simplement pour but d’évoquer la bontĂ© et la puissance infinie de Dieu telles qu’on peut en trouver une approche chez certains thĂ©ologiens. La vision du « divin », qui nous est communiquĂ©e par Mario Beauregard rejoint l’approche de ces thĂ©ologiens. Les expĂ©riences du « divin » sont essentiellement des manifestations d’amour et de paix. Et elles sont accordĂ©es, sans discrimination, Ă  des hommes et des femmes issus d’univers culturels et religieux trĂšs variĂ©s. Elles se manifestent ainsi comme un don de Dieu, en  terme de grĂące selon le vocabulaire chrĂ©tien. C’est une rĂ©alitĂ© qui va Ă  l’encontre de tout exclusivisme dans lequel certains voudraient attribuer aux chrĂ©tiens la propriĂ©tĂ© des Ɠuvres du Saint Esprit et une emprise sur l’horizon du salut. Il n’est pas de notre compĂ©tence de rendre compte ici des orientations de la thĂ©ologie contemporaine. On trouvera sur ce site les apports  plusieurs thĂ©ologiens qui interviennent sur cette question : William Davies dans « Spirit without frontiers » (L’Esprit sans frontiĂšre) (13), Brian McLaren dans « Generous orthodoxy » (« Orthodoxie gĂ©nĂ©reuse ») (14) et JĂŒrgen Moltmann dans l’ensemble de son Ɠuvre (15). David Hay, dans son livre : « Something there » (10) inscrit la dĂ©marche de sa recherche dans une perspective analogue : suivre attentivement la maniĂšre dont l’Esprit s’exprime aujourd’hui.

 

Certains peuvent s’interroger sur la spĂ©cificitĂ© chrĂ©tienne. Il nous paraĂźt que les chrĂ©tiens sont appelĂ©s Ă  accompagner les manifestations du « divin », de la « conscience cosmique », par une rĂ©flexion inspirĂ©e par la Parole Biblique qui permettra aux personnes concernĂ©es d’avancer dans l’interprĂ©tation de ce vĂ©cu. Un bel exemple nous en est donnĂ© par l’itinĂ©raire de Wolfhart Pannenberg qui, incroyant Ă  l’époque, a vĂ©cu dans sa jeunesse une expĂ©rience mystique. Celle-ci a suscitĂ© en lui une recherche qui a dĂ©bouchĂ© sur une entrĂ©e dans la foi chrĂ©tienne et une Ɠuvre de thĂ©ologien qui apparaĂźt comme particuliĂšrement significative. Mais il y a aussi une maniĂšre de vivre ces expĂ©riences dans laquelle il y a immĂ©diatement un rapport direct et rĂ©ciproque entre le vĂ©cu et une foi chrĂ©tienne dĂ©jĂ  prĂ©sente. La foi est nourrie et Ă©clairĂ©e par l’Esprit Saint tel qu’il se manifeste dans ces expĂ©riences. Celles-ci sont vĂ©cues dans une dimension personnalisĂ©e : une relation avec JĂ©sus-Christ. Les exemples sont innombrables, et, proche de nous Ă  TĂ©moins, ce rapport entre l’expĂ©rience et la Parole s’exprime bien dans le vĂ©cu d’Odile Hassenforder tel qu’elle l’exprime dans le livre : « Sa prĂ©sence dans ma vie » (16). Le rĂ©cit de sa guĂ©rison, expĂ©rience fondatrice qui s’accompagne d’un vif ressenti de l’amour de Dieu, tĂ©moigne de la maniĂšre dont cette expĂ©rience illumine et Ă©claire sa comprĂ©hension de la Parole. « Dieu se manifestait Ă  moi par l’amour qui m’envahissait. Je me suis sentie aimĂ©e au point oĂč cet amour dĂ©bordait de moi sur tous ceux que je rencontrais
 J’avais demandĂ© la vie. Je l’ai reçu en abondance, bien au delĂ  de ce que je pouvais imaginer : la vie Ă©ternelle
 Je suis nĂ©e Ă  la vie de l’Esprit, je suis entrĂ©e dans l’univers spirituel
 « Le Royaume de Dieu » dit JĂ©sus. Ce fut une rĂ©vĂ©lation pour moi
 La trinitĂ© devenait une rĂ©alitĂ© aussi naturelle qu’avoir des parents
 JĂ©sus, par sa mort et sa rĂ©surrection, m’a tirĂ©e de la mort oĂč m’entraĂźnait le mal, pour me donner la vie Ă©ternelle en me rĂ©conciliant avec le PĂšre
 J’avais soif d’en connaĂźtre davantage. Je lisais ma Bible, surtout le Nouveau Testament. Et assez curieusement, je comprenais des choses qui m’étaient jusque-lĂ  restĂ©es hermĂ©tiques  » (p 34).

Le livre de Mario Beauregard s’inscrit dans un contexte nouveau culturel et spirituel. Dans la recherche, particuliĂšrement dans le domaine des sciences humaines, le choix d’un sujet d’investigation, l’attention qui lui est portĂ©e, la dĂ©marche suivie ne sont pas sans rapport avec des transformations plus gĂ©nĂ©rales dans les maniĂšres de voir et de sentir. Dans bien des domaines, il y a des pionniers qui se heurtent d’abord Ă  l’incomprĂ©hension, et puis, Ă  un moment, le climat change et la mĂȘme problĂ©matique commence Ă  dĂ©boucher. ParallĂšlement des recherches nouvelles Ă©branlent les anciennes certitudes et un  nouveau paradigme Ă©merge. Dans un livre rĂ©cent : « The future of faith » (17), le thĂ©ologien amĂ©ricain Harvey Cox, rapportant le bilan de plusieurs dĂ©cennies de recherche, Ă©voque l’apparition d’un « ùge de l’Esprit » oĂč l’expĂ©rience a une place majeure. Sur le registre scientifique des neurosciences, la recherche de Mario Beauregard correspond et contribue Ă  un changement dans notre conception du monde et notre regard sur la vie. Dans cette pĂ©riode de mutation culturelle oĂč nous vivons, nous sommes appelĂ©s Ă  discerner « les signes des temps » (18)

 

Jean Hassenforder

 

(1)            Sur le blog : Vivre et espérer : « les expériences spirituelles » :

https://vivreetesperer.com/?p=670

(2)            Beauregard (Mario), O’Leary (Denyse). Du cerveau Ă  Dieu. Plaidoyer d’un neuroscientifique pour l’existence de l’ñme. Guy TrĂ©daniel, 2008. Mise en perspective sur le site de TĂ©moins

(3)            Beauregard (Marion). Brain wars. The scientific battle over the existence of the mind and the proof that will change the way we live our lives. Harper Collins, 2012. Nous reprenons ici la mise en perspective de ce livre (« la dynamique de la conscience et de l’esprit humain ») rĂ©alisĂ©e pour le site de TĂ©moins, actuellement (mars-avril 2016) en rĂ©fection, et en consĂ©quence, non accessible. Ce texte renvoie aux pages de ce livre, depuis lors traduit en français. Sur ce blog, une prĂ©sentation du livre de Mario Beauregard : « Potentiel de l’esprit humain et dynamique de la conscience » : https://vivreetesperer.com/?p=737

(4)            Beauregard (Mario). Les pouvoirs de la conscience. Comment nos pensées influencent la réalité. Interéditions Dunod, 2013

(5)            FondĂ©e en 1995 sous l’impulsion de Jean Staune et de Jean-François Lambert, L’UniversitĂ© interdisciplinaire de Paris  (UIP) a jouĂ© un rĂŽle pionnier dans le dĂ©veloppement d’une vision du monde  prenant en compte  dĂ©marche scientifique et dĂ©marche de foi en organisant colloques et rencontres dans une perspective internationale et interdisciplinaire. Site : http://uip.edu  Jean Staune est l’auteur de deux best-sellers, « Les clĂ©s du futur » qui analyse les mutations de la sociĂ©tĂ© sous les angles, technologique, sociologique, scientifique et Ă©conomique, et « Notre existence a-t-elle un sens ? » qui parcourt Ă  la fois les sciences de l’univers, de la matiĂšre, de la vie, de la conscience pour analyser les implications philosophiques et mĂ©taphysiques des dĂ©couvertes scientifiques contemporaines . Voir : http://www.jeanstaune.fr

(6)            « Pour une approche intĂ©grale de la conscience » : intervention sur YouTube de Mario Beauregard, neurologue, chercheur Ă  l’UniversitĂ© d’Arizona (USA) :

https://www.youtube.com/watch?v=t9czuewM0VM

(7)            Janssen (Thierry). La solution intĂ©rieure. Vers une nouvelle mĂ©decine du corps et de l’esprit. Fayard, 2006. Sur le site de TĂ©moins : « Vers une nouvelle mĂ©decine du corps et de l’esprit. GuĂ©rir autrement ». http://www.temoins.com/developpement-personnel/vers-une-nouvelle-medecine-du-corps-et-de-l-esprit.guerir-autrement.html

(8)            Moody (Raymond). La vie aprÚs la vie. Laffont, 1977

(9)            Van Lommel (Pim). Consciousness beyond life. The science of near-death experiences. Harper Collins, 2010. Présentation sur le blog : Vivre et espérer : « les expériences spirituelles telles que les « near-death experiences ». https://vivreetesperer.com/?p=670

(10)      Hay (David). Something there. The biology of the human spirit. Darton, Longman, Todd, 2006. Sur le site de TĂ©moins : « La vie spirituelle comme une « conscience relationnelle ». Une recherche de David Hay sur la spiritualitĂ© d’aujourd’hui ».

http://www.temoins.com/etudes/la-vie-spirituelle-comme-une-conscience-relationnelle-.-une-recherche-de-david-hay-sur-la-spiritualite-aujourd-hui./toutes-les-pages.html

(11)      « Les expériences spirituelles telles que les « near-death expériences ». Quels changements de représentations et de comportements ? »  Article sur le blog : Vivre et espérer.

https://vivreetesperer.com/?p=670

(12)      Moltmann (JĂŒrgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999.  PrĂ©sentation de la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie ».

http://www.lespritquidonnelavie.com/

(13)      Davies (William R). Spirit without mesure. Charismatic faith and practice. Darton, Longman and Todd, 1996. Sur le site de Témoins : « Une ouverture théologique pour le courant charismatique ».

http://www.temoins.com/reflexions/une-ouverture-theologique-pour-le-courant-charismatique/toutes-les-pages.html

(14)      Mc Laren (Brian D). Generous orthodoxy
 Zondervan, 2004 : « Une thĂ©ologie pour l’Eglise Ă©mergente. Qu’est ce qu’une orthodoxie gĂ©nĂ©reuse ? »

http://www.temoins.com/etudes/une-theologie-pour-l-eglise-emergente.-qu-est-ce-qu-une-orthodoxie-genereuse/toutes-les-pages.html

(15)       Blog sur la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann : « L’Esprit qui donne la vie »

http://www.lespritquidonnelavie.com/

(16)      Hassenforder (Odile). Sa présence dans ma vie. Empreinte, Temps présent, 2011. Des passages de ce livre ont fréquemment été présentés sur ce blog : Vivre et espérer

(17)      Cox (Harvey). The future of faith. Harper, 2009  Sur le site de Témoins : « Quel horizon pour la foi chrétienne ? « The future of faith » par Harvey Cox »

http://www.temoins.com/publications/quel-horizon-pour-la-foi-chretienne-the-future-of-faith-par-harvey-cox.html

(18)      Parole de Jésus sur les signes des temps : Matthieu 16.3. Sur le site de Témoins : «  Les signes des temps. Comprendre notre environnement culturel et pratiquer une théologie du quotidien »

http://www.temoins.com/culture/les-signes-des-temps.-comprendre-notre-environnement-culturel-et-pratiquer-une-theologie-du-quotidien.html

Vers une Ă©conomie symbiotique

 Avec Isabelle Delannoy

 Face Ă  la crise, l’économie symbiotique, c’est la convergence des solutions.

 51AtX99cxLL._SX366_BO1,204,203,200_         Symbiose est un mot inventĂ© Ă  la fin du XIXĂš siĂšcle et qui signifie : vivre ensemble. « Il dĂ©crit l’association Ă©troite et pĂ©renne entre deux organismes diffĂ©rents qui trouvent, dans leurs diffĂ©rences, leurs complĂ©mentaritĂ©. La croissance de l’un permet la croissance de l’autre et rĂ©ciproquement » (p 52). En proposant le terme d’économie symbiotique, Isabelle Delannoy a Ă©crit un livre (1) sur ce thĂšme dans lequel elle ouvre un avenir Ă  partir de la mise en Ă©vidence de la complĂ©mentaritĂ© d’approches innovantes qui sont dĂ©jĂ  Ă  l’Ɠuvre aujourd’hui. « La vraie rĂ©volution que l’on a apportĂ© avec l’économie symbiotique, c’est de faire croiser trois sphĂšres : la matiĂšre avec la sphĂšre de l’économie circulaire, la sociosphĂšre avec l’économie collaborative, l’ingĂ©nierie Ă©cologique et l’utilisation des Ă©cosystĂšmes du vivant, pour qu’on puisse restaurer nos Ă©cosystĂšmes naturels et ne plus rester dans la logique extractive » (Laura Wynne) (2).

Ce livre est le fruit d’un parcours. IngĂ©nieur agronome, Isabelle Delannoy a trĂšs vite mesurĂ© l’ampleur du dĂ©sĂ©quilibre Ă©cologique. « Nous relĂąchons en quelques dĂ©cennies un carbone que des ĂȘtres vivants ont mis des centaines de milliers d’annĂ©es Ă  enfouir ». (p 23). Et elle a participĂ© Ă  la rĂ©alisation du film « Home » de Yann Arthus Bertrand. « Dans ce film diffusĂ© en 2009, nous disions une vĂ©ritĂ© lourde : Si nous ne sommes pas capables d’inverser la tendance avant dix ans, nous basculerons dans une planĂšte au visage inconnu. A la suite de la dĂ©tĂ©rioration du socle des Ă©quilibres planĂ©taires, la dĂ©tĂ©rioration des Ă©cosystĂšmes d’un cĂŽtĂ©, la croissance des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre de l’autre, le climat pourrait entrer dans une phase d’emballement qui ferait basculer la terre dans un autre Ă©tat thermodynamique global  » (p 28). Mais Isabelle Delannoy n’a pas voulu rester sur le registre de la mise en garde. Elle s’est engagĂ©e dans une recherche de solutions qui a abouti Ă  la publication de ce livre. Et cette recherche a couvert toute la gamme des approches innovantes  que l’on peut observer aujourd’hui. « J’ai alors cherchĂ© systĂ©matiquement les logiques Ă©conomiques et productives qui pouvaient participer Ă  rĂ©pondre Ă  cette dĂ©stabilisation de l’écosystĂšme Terre et Ă  renverser la tendance » (p 28). En regard, elle a trouvĂ© une plĂ©thore d’innovations, mais « aucune de ces logiques ne suffisait
 Toutes semblaient nĂ©cessaires, mais largement insuffisantes » ( p 29).

C’est alors qu’Isabelle Delannoy a vu se dessiner un mouvement global. « A mesure que je cherchais, il se formait un motif, un design commun. Je me rendais compte que, sous leur diversitĂ© apparente, elles prĂ©sentaient des analogies de fonctionnement remarquable.. . Pour l’ingĂ©nieur agronome que je suis, c’est Ă  dire une scientifique Ă  orientation technique, les principes que je voyaient se dessiner Ă©taient comme les rouages d’un nouveau moteur, les Ă©lĂ©ments unitaires d’un nouveau systĂšme logique Ă©conomique » (p 29). Isabelle Delannoy a dĂ©veloppĂ© ces principes pour en faire le fondement d’une « économie symbiotique ». Tout au long de cet ouvrage, elle nous prĂ©sente cette Ă©conomie en devenir.

 

Vers une Ă©conomie symbiotique

 

Dans cette pĂ©riode de mutation, nos regards se transforment. La mise en Ă©vidence des processus symbiotiques est elle-mĂȘme le fruit d’une inflexion rĂ©cente de la recherche. « La symbiose fut longtemps ignorĂ©e face Ă  la compĂ©tition mise en avant par Charles Darwin dans sa thĂ©orie publiĂ©e au XIXĂš siĂšcle
 Depuis ces derniĂšres dĂ©cennies, la symbiose a le vent en poupe. Des chercheurs comme Lynn Margulis, Olivier Perru, Marc-AndrĂ© SĂ©losse
 montrent que la symbiose en particulier, et les mĂ©canismes coopĂ©ratifs en gĂ©nĂ©ral agissent Ă©galement comme un des moteurs principaux de l’évolution » (p 52) (3). L’auteure cite l’exemple des coraux qui sont la rĂ©sultante d’une symbiose entre deux organismes : l’un constructeur : le polype, l’autre nourricier : la zooxanthelle, une algue qui sait capter l’énergie lumineuse grĂące Ă  la photosynthĂšse. Aujourd’hui, le sens du mot  symbiose est de plus en plus rĂ©servĂ© aux « relations Ă  bĂ©nĂ©fices rĂ©ciproques entre deux ou plusieurs organismes qui se lient de façon pĂ©renne » (p 53). L’économie symbiotique s’inscrit ainsi dans dans un univers caractĂ©risĂ© par la complĂ©mentaritĂ©, la rĂ©ciprocitĂ©, la synergie. En examinant diffĂ©rentes approches innovantes Ă  elle seule insuffisantes pour rĂ©pondre au grand dĂ©fi, Isabelle Delannoy « s’est rendu compte que, sous leur diversitĂ© apparente, elles prĂ©sentaient des analogies de fonctionnement remarquables
. Je voyais converger l’agroĂ©cologie, la permaculture, l’ingĂ©nierie Ă©cologique, l’économie circulaire, l’économie de la fonctionnalitĂ©, les smart grids, l’économie collaborative et du pair Ă  pair, la gouvernance des biens communs et les structures juridiques des coopĂ©ratives. Dans tout ce qui fait Ă©conomie, ressources vivantes, ressources techniques, ressources sociales, une nouvelle logique était apparue » (p 30). A partir de l’observation des pratiques nouvelles, Isabelle Delannoy a Ă©laborĂ© une thĂ©orie, « un systĂšme logique commun qui peut se traduire jusque dans des formulations mathĂ©matique, systĂ©mique et thermodynamique » ( p 30)

 

Penser en terme d’écosystĂšme

 

« En Ă©cologie, un Ă©cosystĂšme est un ensemble formĂ© par une communautĂ© d’ĂȘtres vivants en interrelation avec un environnement » (Wikipedia). Penser en terme d’écosystĂšme, c’est reconnaĂźtre et encourager une dynamique interrelationnelle. Et cette approche est particuliĂšrement active dans ce livre sur l’économie symbiotique : « une Ă©conomie de l’information ; rĂ©animer les ressorts de la terre ; une Ă©conomie structurĂ©e en Ă©cosystĂšmes, l’énergie et la matiĂšre ; une Ă©conomie en Ă©cosystĂšmes  ».

 

Les milieux naturels se lisent en terme d’écosystĂšmes. Et, dans l’agriculture, on prend conscience actuellement des mĂ©faits de la monoculture mĂ©canisĂ©e et on reconnaĂźt les avantages de la diversitĂ© et de la complĂ©mentaritĂ©. En France, la ferme du Bec Hellouin est  ainsi reconnue dans son expĂ©rimentation innovante dans l’esprit de la permaculture (4). Et le mĂȘme esprit est prĂ©sent dans une ferme en Autriche dans une vallĂ©e peu propice Ă  la culture. Or, un pionnier, Sepp Holzer y a construit un Ă©cosystĂšme agricole ultra productif. Comment a-t-il atteint cette performance ? « Sepp Holzer a rĂ©flĂ©chi Ă  sa ferme comme un ensemble d’écosystĂšmes. A la petite Ă©chelle de la parcelle, il met en compĂ©tition les espĂšces qui vont s’enrichir mutuellement. Ainsi chaque arbre est plantĂ© avec un ensemble de graines d’une cinquantaine de plantes diffĂ©rentes qui entreront en synergie. Elles trouveront leur complĂ©mentaritĂ© dans la diffĂ©rence de taille, de morphologie, d’enracinement, d’écosystĂšmes microbiens associĂ©s, de synthĂšse de molĂ©cules, de prĂ©fĂ©rence pour l’ombre et la lumiĂšre. Ces coopĂ©rations engendrent des relations nutritives entre les plantes et permettent de se passer d’engrais. Elles entretiennent une diversitĂ© d’hĂŽtes et de prĂ©dateurs et il et possible de s’affranchir des pesticides
 Mais Sepp Holzer a Ă©galement crĂ©Ă© une association d’écosystĂšmes diversifiĂ©s selon un design trĂšs prĂ©cis permettant leur mise en synergie
 Ainsi, Ă  mesure des annĂ©es, il a crĂ©Ă© un ensemble de soixante dix mares et Ă©tangs et Ă©tagĂ© le relief en terrasses. Le miroir crĂ©Ă© par la surface de l’eau envoie les rayons du soleil sur les coteaux qui la surplombent et produit de nouvelles conditions climatiques pour des espĂšces qui n’auraient pu se dĂ©velopper  dans les conditions initiales  » (p 59-60). « Le systĂšme entre  en croissance selon un mĂ©canisme synergique et enrichit son milieu. Sepp Holzer a crĂ©Ă© un systĂšme productif qui ne dĂ©truit pas les ressources Ă©cologiques, mais qui, au contraire, en crĂ©e » ( p 60).

 

Cependant, les Ă©cosystĂšmes vivants ne sont pas Ă  mĂȘme de remplacer toutes les industries. « Ces industries doivent ĂȘtre alimentĂ©es en matĂ©riaux et en Ă©nergie pour fonctionner. De plus, de nombreuses infrastructures, machines et outils, ne peuvent exclusivement faire appel Ă  des matĂ©riaux biosourcĂ©s. Il s’agit donc d’organiser les systĂšmes Ă©conomiques et productifs  qui permettront une rĂ©utilisation maximale de la matiĂšre qui la compose » (p 109). Alors Isabelle Delannoy nous expose les voies innovantes d’une Ă©conomie en Ă©cosystĂšmes pour traiter de l’énergie et de la matiĂšre. Et lĂ  aussi, elle s’appuie sur de nombreuses Ă©tudes de cas.

Ainsi une architecture bioclimatique produit des bĂątiments consommant un minimum d’énergie pour le chauffage et la climatisation. C’est l’exemple de l’entreprise Pocheco dans le nord de la France qui est devenu autosuffisante en matiĂšre de chauffage, six jours sur sept (p 115). Au Val d’Europe, une zone d’activitĂ© de la rĂ©gion parisienne,  le data center de la banque Natixis a Ă©tĂ© conçu dĂšs son implantation comme une centrale Ă  la fois de donnĂ©es et de chauffage. L’activitĂ© des serveurs est intense et dĂ©gage une grande chaleur. Cette Ă©nergie est la base d’un rĂ©seau de chaleur faisant circuler une eau Ă  55°C qui alimente un centre aquatique, une pĂ©piniĂšre d’entreprises, deux hĂŽtels et une centaine de logements collectifs (p 119).

Et, en mĂȘme temps, dans l’industrie, une approche systĂ©mique se dĂ©veloppe. « La logique de fonctionnement actuelle est trĂšs mal adaptĂ©e Ă  la limitation des ressources. Elle repose sur une logique linĂ©aire : j’extrais, je transforme, je consomme, je jette. Son efficience tend vers zĂ©ro » (p 12). On peut agir autrement : « ne plus bĂątir des « chaines » de production, mais des Ă©cosystĂšmes de production en agissant sur toutes les Ă©tapes. Ainsi, Ă  Kalundberg, au Danemark, les industriels se sont rendus compte que les uns achetaient comme matiĂšre premiĂšre ce que les autres rejetaient en tant que dĂ©chets. Ils sont entrĂ©s en coopĂ©ration et celle-ci s’est Ă©tendue Ă  des Ă©changes de matiĂšre et d’énergie ( p 126-127). Cet Ă©cosystĂšme industriel est aujourd’hui un exemple. « En bout de chaine, avec l’apparition du web, une telle organisation collaborative se rĂ©pand chez les consommateurs. Ils forment des Ă©cosystĂšmes ou chacun peut ĂȘtre Ă  la fois fournisseur, acheteur ou usager d’un bien » (p 128).

Lorsque les consommateurs se rapprochent de la production et inversement, on enregistre des gains trĂšs importants d’efficience. C’est le cas lorsqu’au lieu de vendre des objets, le fabricant en vend l’usage. C’est une « économie de fonctionnalité ». « Puisqu’il reste propriĂ©taire de son bien, le fabricant a tout intĂ©rĂȘt Ă  en prolonger la durĂ©e de vie ». et il pourra, en fin de cycle, rĂ©cupĂ©rer les matĂ©riaux .

SpĂ©cialisĂ© dans la fabrication de photocopieuses, Rank Xerox est une des rĂ©fĂ©rences les plus anciennes. « Aujourd’hui, Rank Xerox rĂ©utilise 94% des composantes de ses anciennes machines pour en fabriquer de nouvelles (p 133). « Les modĂšles dynamiques d’accĂšs  permettent de vendre beaucoup en produisant peu » (p 136).

Et, bien sur, la nouvelle Ă©conomie portĂ©e par le Web abonde en systĂšmes Ă©coproductifs. « Ce sont des projets open source. L’open source est un exemple des principes symbiotiques appliquĂ©s Ă  l’innovation et Ă  la production : une diversitĂ© d’acteurs partageant des valeurs similaires et un centre d’intĂ©rĂȘt commun mettant en partage leurs savoirs et savoir-faire. De leur coopĂ©ration naissent des logiciels (tel Wordpres, Firefox, Linux), des encyclopĂ©dies du savoir telle Wikipedia  » ( p 143).    L’émergence des fablabs pour permettre une mutualisation des outils industriels Ă  l’intention d’acteurs de terrain tĂ©moigne de mĂȘme de la mĂ©tamorphose de la production (p 146-148).

« Dans les fablabs, la combinaison d’internet et le libre partage de l’innovation accĂ©lĂšrent le brassage des innovations. Il se crĂ©e un Ă©cosystĂšme entre concepteurs, usagers et ateliers de fabrication qui change radicalement la logique de la production industrielle : ouverte, coopĂ©rative, locale, personnalisĂ©e »  (p 155).

Ainsi, Isabelle Delannoy nous montre l’avancĂ©e de l’économie symbiotique dans son visage industriel. C’est une mĂ©tamorphose radicale de la fabrication des biens d’équipement et de consommation. On peut maintenant envisager « la transformation de la chaine industrielle en un vaste Ă©cosystĂšme mondial reliant des Ă©cosystĂšmes locaux » ( p 160).

 

Le temps de l’information

 

Nos yeux s’ouvrent et nous commençons Ă  voir le monde en terme d’information. Nous prenons conscience du rĂŽle prĂ©pondĂ©rant de l’information. « Depuis son origine, la Terre n’a cessĂ© de crĂ©er de l’information. GrĂące Ă  elle, des mouvements ordonnĂ©s de la matiĂšre se sont crĂ©Ă©s, donnant lieu Ă  une diversitĂ© de formes, de couleurs, de mouvements, exceptionnelle : la vie telle que nous la connaissons. De cette information motrice, l’une a Ă©tĂ© motrice plus que tout autre. Il s’agit de celle qui est codĂ©e dans les gĂšnes du vĂ©gĂ©tal portant les mĂ©canismes de la photosynthĂšse » (p 43).  La photosynthĂšse est un processus exceptionnellement puissant. « La photosynthĂšse permet de capter une Ă©nergie brute et immatĂ©rielle, l’énergie lumineuse, de la stocker et de la distribuer de façon extrĂȘmement fine  ». GrĂące aux informations contenues dans sa bibliothĂšque gĂ©nĂ©tique, le vĂ©gĂ©tal va ainsi Ă  l’encontre des lois physiques de l’énergie qu’on appelle l’entropie » (p 44). Le vivant se caractĂ©rise par la richesse de l’information. Il en dĂ©borde. Apprenons Ă  la respecter. « C’est trĂšs simple. Si nous coupons une forĂȘt pour bruler son bois, nous aurons perdu l’intelligence contenue dans le matĂ©riau bois qui aurait pu servir pour la construction, mais aussi l’intelligence chimique de ses molĂ©cules qui auraient pu servir Ă  la pharmacopĂ©e, et encore celle apportĂ©e par l’écosystĂšme forĂȘt rĂ©paratrice de la qualitĂ© de l’eau, de la fertilitĂ© du sol, du climat » (p 45).

Nous pouvons faire mieux. En terme d’information, l’intelligence humaine est elle-mĂȘme extrĂȘmement crĂ©atrice. L’intelligence humaine peut devenir catalysatrice. « En agissant comme un catalyseur des Ă©cosystĂšmes vivants, l’espĂšce humaine devient un facteur multipliant leur efficience naturelle » (p 46). Le rĂŽle de l’information va en croissant. Dans les Ă©cosystĂšmes vivants, il y a d’abord une construction de structures. « Ils crĂ©ent alors beaucoup de biomasse et tissent peu de rĂ©seaux. Mais lorsque leurs structures deviennent plus matures, les rĂ©seaux s’enrichissent
les racines se connectent
des signaux chimiques s’échangent
. La faune vient s’installer. Les informations circulent extrĂȘmement abondantes » (p 48). On peut envisager une Ă©volution comparable dans l’histoire humaine. Ne serions-nous pas arrivĂ© dans la phase de maturitĂ© oĂč « presque toute l’efficience Ă  produire des services vient de la capacitĂ© Ă  produire et Ă  traiter de l’information ».

Isabelle Delannoy nous ouvre un horizon. « Admirons l’improbable conjoncture que forme notre Ă©poque. Nous vivons l’instant oĂč le niveau de destruction des Ă©cosystĂšmes menace la perpĂ©tuation de nos conditions de vie en mĂȘme temps que nous accĂ©dons Ă  un stade de structuration des Ă©cosystĂšmes dans son plein niveau possible d’efficience (p 49).

 

Emergence

 

 

Isabelle Delannoy a menĂ© une recherche pour mettre en Ă©vidence les principes qui fondent une Ă©conomie symbiotique et toutes les synergies que celle-ci engendre. Des exemples, comme le nouveau mode de fabrication permis par la voiture Ă©lectrique sont particuliĂšrement Ă©loquents (p 241-244). La moindre chaleur Ă©mise permet une grande souplesse et inventivitĂ© dans la mise en Ɠuvre des matĂ©riaux. Ainsi, avec Isabelle Delannoy, nous assistons Ă  une Ă©mergence : Ă©mergence de nouvelles pratiques, mais Ă©galement avec elle, Ă©mergence d’un nouveau regard : « Il semble que, dans le silence, un nouveau regard, une mĂ©tamorphose  sociale et Ă©conomique soit en train de naitre. Apparues sans concertation, les diffĂ©rentes logiques Ă©conomiques et productives que nous avons successivement prĂ©sentĂ©es  couvrent toutes les activitĂ©s Ă©conomiques et forment un Ă©cosystĂšme  Ă©conomique complet. Sous leur apparente diversitĂ© et la multiplicitĂ© des termes : ingĂ©nierie Ă©cologique, permaculture,  biomimĂ©tisme, Ă©cologie industrielle, Ă©conomie circulaire, Ă©conomie de la fonctionnalitĂ©, smart grids, open source, makerspaces, open data, Ă©conomie de pair Ă  pair, contribution sociale et solidaire, elles sont d’une extraordinaire cohĂ©rence dans leur systĂšme de fonctionnement et peuvent ĂȘtre dĂ©crites selon les mĂȘmes principes » (p 227). Isabelle Delannoy a « qualifiĂ© ces principes,  et le principe logique dont ils sont le cƓur, de « symbiotique ». « Ce systĂšme logique est utilisable en tant que tel, sans mĂȘme vouloir dĂ©velopper une Ă©conomie symbiotique complĂšte. Il caractĂ©rise un fonctionnement continu et typique d’une nouvelle logique Ă©mergente » (p 227).

La recherche d’Isabelle Delannoy a commencĂ© en 2009 dans la conscience de la menace du basculement climatique. Cette menace n’a pas disparu. On doit y faire face et il y a urgence. Le remĂšde passe par une transformation de l’économie. Isabelle Delannoy nous apporte une bonne nouvelle. Non seulement, cette transformation est possible, mais  elle a dĂ©jĂ  commencĂ©. Un puissant mouvement est dĂ©jĂ  en cours.

« Une nouvelle forme de pensĂ©e se dĂ©veloppe partout dans le monde. Extraordinairement cohĂ©rente, non concertĂ©e, apparue majoritairement ces cinquante derniĂšres annĂ©es, elle laisse entrevoir que, dans le silence, est en train de naitre une mĂ©tamorphose Ă©conomique, technique et sociale radicale de nos sociĂ©tĂ©s
 cette nouvelle Ă©conomie a le potentiel de devenir symbiotique et rĂ©gĂ©nĂ©ratrice au niveau global
Elle organise une symbiose entre les Ă©cosystĂšmes vivants, les Ă©cosystĂšmes sociaux et l’efficience de notre technique » (p 313-314). On assiste donc Ă  une multiplication d’écosystĂšmes innovants. L’économie symbiotique grandit Ă  partir des rĂ©alitĂ©s locales. On peut imaginer une Ă©conomie dĂ©centralisĂ©e avec « des places de marchĂ© locales et reliĂ©es ». Cette Ă©conomie nouvelle surgit de toute part.

 

Vers une nouvelle civilisation

 

Ce livre nous fait entrer dans un monde en transformation : une mĂ©tamorphose, un changement de paradigme, une nouvelle civilisation en germination. C’est bien ce qui apparaĂźt Ă  Isabelle Delannoy dans l’exploration qu’elle a entrepris et qu’elle nous rapporte dans cet ouvrage. Si nous dĂ©finissons une civilisation comme « l’ensemble des traits qui caractĂ©risent une sociĂ©tĂ© donnĂ©e du point de vue technique, intellectuel, Ă©conomique, politique et moral, cette Ă©tude m’amĂšne Ă  penser qu’émerge aujourd’hui une nouvelle civilisation » (p 19).

Dans ce livre, nous voyons apparaĂźtre une ligne de force majeure : la reconnaissance du vivant dans toutes ses dimensions. Cela induit une nouvelle vision de l’humain. « Ces travaux ont renouvelĂ© ma conception de l’ĂȘtre humain et de sa place dans l’univers. Nous avons une vision trĂšs nĂ©gative de l’homme vis-Ă -vis du vivant. L’idĂ©e que nous devons choisir entre notre dĂ©veloppement et celui de la nature est profondĂ©ment ancrĂ©e. Il s ‘agit donc au mieux de faire le moins de mal possible. L’économie symbiotique apporte (et requiert) une vision positive de l’espĂšce humaine et de son rĂŽle dans l’univers (p 35-36). Aujourd’hui, l’humain prend un autre rĂŽle dans le vivant. Il n’observe plus la nature pour la soumettre,  pour en devenir « maitre et possesseur » comme l’expriment Francis Bacon et RenĂ© Descartes, pĂšres du rationalisme occidental moderne, mais pour en comprendre et en faciliter les Ă©quilibres afin de favoriser son dĂ©veloppement et sa croissance (p 37). L’auteure nous indique un changement de cap majeur dans les attitudes et les reprĂ©sentations : «  Nous pensions quantitĂ©, masse, forces. En comprenant que nous pouvons devenir symbiotes de notre planĂšte, notre gĂ©nie se dĂ©ploie. Nous pensons informations, liens, synergie (5). Jamais notre imagination n’a Ă©tĂ© nourrie de la possibilitĂ© que le beau puisse ĂȘtre efficace, que ce qui est doux puisse ĂȘtre puissant » (p 37).

 

Ouvertures spirituelles

 

A la suite de cette vaste enquĂȘte et de ce travail de synthĂšse, Isabelle Delannoy nous permet d’entrevoir la montĂ©e d’une civilisation nouvelle. Celle-ci commence Ă  se frayer un chemin Ă  travers de nouvelles reprĂ©sentations et de nouvelles pratiques. Et, dans le mĂȘme mouvement, une nouvelle Ă©thique et une nouvelle spiritualitĂ© apparaissent. Isabelle Delannoy Ă©voque « une nouvelle alliance » ( p 103-106), reconnaissance et respect du vivant par l’humanitĂ©. Dans le mĂȘme mouvement, c’est aussi l’affirmation de valeurs comme la bienveillance, la collaboration, l’entraide, la solidaritĂ©. Des piĂšces du puzzle rassemblĂ©es par l’auteur, on voit apparaĂźtre un paysage nouveau.

Laissons libre cours Ă  notre Ă©merveillement. Et, pour les chrĂ©tiens, Ă  partir d’une approche thĂ©ologique nouvelle, sachons reconnaĂźtre l’Ɠuvre de l’Esprit. Nous pouvons Ă©couter cette interpellation de Pierre Teilhard de Chardin, scientifique et thĂ©ologien prĂ©curseur, citĂ© par Isabelle Delannoy (p 57). « Si les nĂ©ohumanistes du XXĂš siĂšcle nous dĂ©shumanisent sous leur Ciel trop bas, de leur cĂŽtĂ©, les formes encore vivantes du thĂ©isme ( Ă  commencer par la chrĂ©tienne) tendent Ă  nous sous-humaniser dans l’atmosphĂšre rarĂ©fiĂ© d’un Ciel trop haut. SystĂ©matiquement fermĂ©es encore aux grands horizons et aux grands souffles de la CosmogenĂšse, elles ne se sentent plus vraiment avec la terre, une Terre dont elles peuvent bien encore, comme une huile bienfaisante, adoucir les frottements internes, mais non (comme il le faudrait) animer les ressorts ».

Et, dĂ©jĂ , pour participer Ă  l’évolution en cours, pour y apporter une contribution, le christianisme est appelĂ© Ă  retrouver son esprit d’origine dans une marche en avant qui regarde vers la nouvelle crĂ©ation Ă  venir et qui s’inscrit dans une thĂ©ologie de l’espĂ©rance. « Dieu est liĂ© Ă  l’espĂ©rance humaine de l’avenir. C’est un Dieu de l’espĂ©rance qui marche « devant nous » et nous prĂ©cĂšde dans le dĂ©roulement de l’histoire » (JĂŒrgen Moltmann) (6). L’Esprit de Dieu est « l’Esprit qui donne la vie » (7). Cet Esprit n’est pas seulement  l’Esprit rĂ©dempteur, c’est aussi l’Esprit crĂ©ateur Ă  l’Ɠuvre dans une crĂ©ation qui se poursuit (8). Ainsi, JĂŒrgen Moltmann peut-il Ă©crire : « Dieu est celui qui aime la vie et son Esprit est dans toute la crĂ©ation. Si on comprend le crĂ©ateur, la crĂ©ation et son but de façon trinitaire, alors le crĂ©ateur habite par son Esprit dans l’ensemble de la crĂ©ation et dans chacune de ses crĂ©atures et il les maintient ensemble et en vie par la force de l’Esprit » (9). Ainsi l’Esprit Saint anime et relie. « Si l’Esprit Saint est rĂ©pandu dans toute la crĂ©ation, il fait de la communautĂ© des crĂ©atures avec Dieu et entre elles, cette communautĂ© de la crĂ©ation dans laquelle toutes les crĂ©atures  communiquent chacune Ă  sa maniĂšre entre elles et avec Dieu
L’ « essence » de la collaboration dans l’Esprit est, par consĂ©quent, la « collaboration » et les structures manifestent la prĂ©sence de l’Esprit dans la mesure  oĂč elles font reconnaĂźtre l’ « accord gĂ©nĂ©ral ». « Au commencement Ă©tait la relation » (Martin Buber) (9). Cette vision fait apparaĂźtre une correspondance entre l’inspiration de l’Esprit qui induit reliance et crĂ©ativitĂ© et ce que nous entrevoyons  dans la civilisation symbiotique en voie d’émergence.

Nous vivons Ă  un tournant de l’histoire. Nous ne voyons que trop les menaces engendrĂ©es par les abus de l’humanitĂ© vis Ă  vis de la nature. Les remĂšdes sont en route, mais le temps presse. Comme d’autres observateurs, JĂŒrgen Moltmann  nous rapporte une parole du poĂšte allemand, Friedrich  Hölderlin : « Dieu est proche et difficile Ă  saisir. Mais , au milieu du danger, se dĂ©veloppe le salut » (6).

Dans ce contexte, ce livre sur l’économie symbiotique arrive au bon moment. Isabelle Delannoy met en Ă©vidence la convergence de nouveaux courants Ă©conomiques qui dĂ©bouchent sur une transformation gĂ©nĂ©rale de l’économie et portent un changement de mentalitĂ©.  Sur ce blog, notre attention va dans le mĂȘme sens. Nous essayons de mettre en Ă©vidence les Ă©mergences positives (10) et de contribuer ainsi Ă  l’évolution des reprĂ©sentations. L’action dĂ©pend de l’horizon qui lui est proposĂ©e. « Nous devenons actifs pour autant que nous espĂ©rions. Nous espĂ©rons pour autant que nous puisions entrevoir des possibilitĂ©s futures. Nous entreprenons ce que nous pensons ĂȘtre possible » (JĂŒrgen Moltmann) (11). A juste titre, Isabelle Delannoy Ă©voque la puissance de la pensĂ©e. Elle cite Lune Taqqiq : « Le poids d’une pensĂ©e peut faire basculer le cours de l’humanité » (p 316). Ce livre sur l’économie symbiotique participe Ă  notre « conscientisation ». En faisant apparaĂźtre l’émergence d’une Ă©conomie et d’une sociĂ©tĂ© nouvelle Ă  travers l’apparition de multiples innovations signifiantes, il nous enseigne, il nous Ă©claire, il nous mobilise. Merci Ă  Isabelle Delannoy !

 

Jean Hassenforder

 

(1)            Isabelle Delannoy. PrĂ©f. de Dominique Bourg. L’économie symbiotique. RĂ©gĂ©nĂ©rer la planĂšte, l’économie et la sociĂ©tĂ©. Domaines du possible. Actes Sud/Colibris.  Voir aussi : Isabelle Delannoy. L’économie symbiotique. TED x Dijon : https://www.youtube.com/watch?v=9BL0fJErgmQ

(2)            Laura Wynn. « L’économie symbiotique est un modĂšle qui donne espoir » You tube : https://www.youtube.com/watch?v=Pvp4cxI_ENs

(3)            « L’entraide, l’autre loi de la Jungle par Pablo Servigne et Gauthier Chapelle » : https://vivreetesperer.com/?p=2734   Autre source : Dans son itinĂ©raire scientifique, Lynn Margulis Ă  montrĂ© le rĂŽle important de la symbiose dans l’évolution. Comme le montre Jean-François Dortier, dans son blog : « La quatriĂšme question », Ă  l’époque, cette thĂ©orie symbiotique s’est heurtĂ©e Ă  une vive opposition de la thĂ©orie Darwinienne alors dominante :               https://www.dortier.fr/lynn-margulis-et-levolution-des-etres-complexes/

(4)            « Cultiver la terre en harmonie avec la nature » (la permaculture et la ferme du Bec Hellouin) : https://vivreetesperer.com/?p=2405

(5)            « Une philosophie de l’histoire, par Michel Serres »  Michel Serres nous parle de l’entrĂ©e de l’humanitĂ© dans un Ăąge  doux
https://vivreetesperer.com/?p=2479

(6)            JĂŒrgen Moltmann. De commencements en recommencements. Empreinte, 2012 (p 109-110 et p 69)

(7)            JĂŒrgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999

(8)            « Un Esprit sans frontiÚres » :  https://vivreetesperer.com/?p=2751

(9)            JĂŒrgen Moltmann. Dieu dans la crĂ©ation. Cerf, 1988 ( p 8 et 24-25)

(10)      Des initiatives Ă©cologiques Ă  l’économie collaborative (voir ci-dessous)

(11)      « Agir et espérer. Espérer et agir » : https://vivreetesperer.com/?p=2720

 

 

Nouvelles initiatives et mouvements de pensée

1 « Cultiver la terre en harmonie avec la nature » : https://vivreetesperer.com/?p=2405

2 « Incroyable, mais vrai ! Comment les « incroyables comestibles » se sont développés en France

https://vivreetesperer.com/?p=2177

3 « Convergences Ă©cologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/?p=2151

4 « Vivre en harmonie avec la nature. Ecologie, théologie et spiritualité » : https://vivreetesperer.com/?p=757

« Anne Sophie Novel : militante Ă©cologiste et pionniĂšre de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975

5 « Quand l’arrivĂ©e d’un oiseau annonce une vie nouvelle pour les terrils » : https://vivreetesperer.com/?p=2713

6 « Le film : Demain » : https://vivreetesperer.com/?p=2422

7 « Blablacar. Un nouveau mode de vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1999

8 « OuiShare, communautĂ© leader dans le champ de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1866

9 « Vive la co-révolution. Pour une société collaborative »

https://vivreetesperer.com/?p=1394

10 « Vers un nouveau climat de travail dans des entreprises humanistes et conviviales » : https://vivreetesperer.com/?p=1394

 

Voir aussi, en prospective économique :

« Un monde en changement accéléré » (Thomas Friedman) : https://vivreetesperer.com/?p=2560

« Comprendre la mutation actuelle de notre société requiert une vision nouvelle du monde » (Jean Staune) : https://vivreetesperer.com/?p=2560