Le Dieu vivant et la plénitude de vie

 

Face à nos questions existentielles, une théologie pour la vie en dialogue avec la culture contemporaine

 

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Aujourd’hui, dans la lignée de ses nombreux ouvrages , le nouveau livre de Jürgen Moltmann publié par le Conseil Œcuménique des Eglises, s’intitule : « The living God and the fullness of life » (Le Dieu vivant et la plénitude de vie ») (1). Comme le souligne un commentateur, James M Brandt (2), Moltmann poursuit son projet théologique : mettre en valeur la réalité du Dieu vivant et montrer ce à quoi la vie humaine ressemble lorsqu’elle prend forme dans une rencontre avec le Dieu d’Israël et Jésus-Christ. Brandt rappelle à cette occasion la place occupée par Jürgen Moltmann dans la théologie chrétienne depuis les années 60. « Dans ces années là, de pair avec Wolfhart Pannenberg, Moltmann a développé une théologie de l’espérance en mettant l’eschatologie au centre de la pensée et de la vie chrétienne et en participant significativement à la construction d’une théologie de l’engagement politique, particulièrement la théologie de la libération. En 1972, son livre : « Dieu crucifié » a fait progresser la théologie de la croix développée par Luther en affirmant combien la souffrance de Dieu est primordiale pour comprendre qui est Dieu. L’œuvre de Moltmann sur le Saint Esprit et sur le Dieu trinitaire a été une grande contribution au renouveau de la pneumatologie et de la pensée trinitaire. Un seul de ces apports aurait suffi à nous permettre de percevoir Moltmann comme un géant de la théologie, ajoute Brandt. Toutes ces contributions font peut-être de lui, le théologien le plus important de notre époque ».

 

Alors que la plupart des ouvrages précédents traitaient d’une grande question théologique, « The living God and the fullness of life » est davantage un livre de synthèse qui cherche à répondre aux questions existentielles de l’homme contemporain à partir des acquis d’une recherche fondamentale.  L’auteur s’adresse en premier à un public marqué par une culture moderne qui ferait appel à « des concepts humanistes et matérialistes » de la vie, une culture dans laquelle Dieu serait absent. Cette vie sans transcendance engendre un manque et induit ce que Moltmann appelle une « vie diminuée ».

Si une forme de christianisme a pu apparaître comme un renoncement à une vie pleinement vécue dans le monde, Moltmann nous présente au contraire un Dieu vivant qui suscite une plénitude de vie. Dieu n’est pas lointain. Il est présent et agissant. « Avec Christ, le Dieu vivant est venu sur cette terre pour que les humains puissent avoir la vie et l’avoir en abondance (Jean 10.10). Moltmann nous propose une spiritualité dans laquelle « la vie terrestre est sanctifiée » et qui se fonde sur la résurrection du Christ. Dans la dynamique de cette résurrection, « L’horizon de l’avenir, aujourd’hui assombri par le terrorisme, la menace nucléaire et la catastrophe environnementale, peut s’éclairer. Une lumière nouvelle est projetée sur le passé et ceux qui sont morts. La vie entre dans le présent pour qu’on puisse l’aimer et en jouir… Ce que je désire, écrit Moltmann, c’est de présenter ici une transcendance qui ne supprime, ni n’aliène notre vie présente, mais qui libère et donne vie, une transcendance par rapport à laquelle nous ne ressentions pas l’envie de lui tourner le dos, mais qui nous remplisse d’une joie de vivre » (p X-XI).

 

Ce livre se développe en trois mouvements.

Dans le premier, en introduction, Moltmann décrit le visage du monde moderne tel qu’il est issu de l’époque des Lumières dans une diversité de trajectoires selon les histoires nationales. Et il entre en dialogue avec deux penseurs de cette période : Lessing et Feuerbach, critiquant ainsi les racines de l’agnosticisme et de l’athéisme contemporain.

Mais à quel Dieu pouvons-nous croire ? La représentation de Dieu telle qu’elle ressort de l’expression des mentalités et de la réflexion des théologiens a une influence considérable sur notre pensée et sur notre vie. En proclamant un Dieu vivant, le Dieu de l’Exode et de la Résurrection, Moltmann réfute l’image d’un Dieu lointain, mais nous présente au contraire un Dieu qui s’implique en notre faveur. Dans ce second mouvement, en première partie, le livre nous introduit dans la compréhension de ce que la Bible veut nous dire par l’expression : « Le Dieu vivant » (« The living God ». L’auteur se propose de « libérer le Dieu d’Israël et Jésus-Christ de l’emprisonnement des définitions métaphysiques qui sont issues de la philosophie grecque et de la conception religieuse des Lumières » (p XI). Elle interpelle une conception de Dieu immuable, impassible, dominatrice qui fait obstacle à un engagement aimant et libérateur de Dieu dans l’humanité.

Dans un troisième mouvement, en deuxième partie, le livre porte sur le déploiement et l’épanouissement de la vie humaine dans la vie de Dieu. « Mon but est de montrer comment une plénitude de vie (fullness of life) procède du développement de la vie humaine dans la joie de Dieu, dans l’amour de Dieu, dans le vaste espace de la liberté de Dieu, dans la spiritualité des sens et dans une puissance imaginative et créative de la pensée qui traverse les frontières » (p XI). Les deux-tiers de l’ouvrage sont ainsi consacrés à des chapitres qui viennent éclairer notre existence : la vie éternelle dans la communion avec la vie divine ; celle des vivants et des morts ; la communion de la terre ; la vie dans le grand espace de la joie en Dieu ; la liberté vécue dans la solidarité ; la liberté vécue dans une société ouverte ; la vie aimée et aimante ; une spiritualité des sens : espérer et penser ; la vie, une fête sans fin. C’est toute la vie humaine qui est concernée.

Ecrit à l’intention d’un vaste public, ce livre nous paraît néanmoins particulièrement dense, notamment dans son argumentation philosophique. C’est pourquoi dans cette mise en perspective, il est exclu d’en rendre compte d’une façon linéaire et exhaustive. Ainsi faisons-nous le choix de nous centrer sur le chapitre qui ouvre le troisième mouvement : la vie éternelle.

 

La vie éternelle

La vie éternelle ne tourne pas le dos à la condition terrestre de l’homme, mais elle l’anime. Elle ne s’adresse pas à des individus qui seraient polarisés sur le salut de leur âme. Elle s’inscrit dans un univers interrelationnel. « L’être humain n’est pas un individu, mais un être social… Il meurt socialement lorsqu’il n’a pas de relations » (3). Ainsi, selon Moltmann, le vie éternelle s’inscrit dans trois dimensions : « Comme enfants de Dieu, les êtres humains vivent une vie divine. Comme parents et enfants, ils s’inscrivent dans la séquence des générations humaines. Comme créatures terrestres, ils vivent dans la communauté de la terre » (p 73). Dès lors, le chapitre s’articule en trois parties : « In the fellowship of the divine life » (Dans la communion de la vie divine) ; « In the fellowship of the living and of the dead » (Dans la communion entre les vivants et les morts » ; « In the fellowship of the earth » (Dans la communion avec la terre)

 

Dans la communion de la vie divine

« On entend dire que la vie sur terre n’est rien qu’une vie mortelle et finie. Dire cela, c’est accepter la domination de la mort sur la vie humaine. Alors cette vie est bien diminuée. Dans la communion avec le Dieu vivant, cette vie mortelle et finie, ici et maintenant, est une vie interconnectée, pénétrée par Dieu et ainsi, elle devient immédiatement une vie qui est divine et éternelle » (p73). « La vie humaine est enveloppée et acceptée par le divin et le fini prend part à l’infini. La vie éternelle est ici et maintenant. Cette vie présente, joyeuse et douloureuse, aimée et souffrante, réussie ou non, est vie éternelle. Dans l’incarnation du Christ, Dieu a accepté cette vie humaine. Il l’interpénètre, la réconcilie, la guérit et la qualifie pour l’immortalité. Nous ne vivons pas simplement une vie terrestre, ni seulement une vie humaine, mais nous vivons aussi simultanément une vie qui est remplie par Dieu, une vie dans l’abondance (Jean 10.10)… Ce n’est pas la foi humaine qui procure la vie éternelle. La vie éternelle est donnée par Dieu et elle est présente dans chaque vie humaine, mais c’est le croyant qui en a conscience. On la reconnaît objectivement et subjectivement, on l’intègre dans sa vie comme la vérité. La foi est une joie vécue dans la plénitude divine de cette vie. Cette participation à la vie divine présuppose deux mouvements qui traversent les frontières : l’incarnation de Dieu dans la vie humaine et la transcendance de cette vie humaine dans la vie divine… » (p74).

« La Parole est devenue chair et elle a habité parmi nous…et nous avons contemplé sa gloire » (Jean 1.14). « La Parole a pris notre condition humaine fragile, corruptible, mortelle. Ce qui a été pris par Dieu est guéri de tout ce qui le séparait de lui. L’incarnation de Dieu en Christ est un miracle de guérison de portée universelle pour l’humanité et pas pour l’humanité seulement » (p 74). « L’incarnation a également uns signification, une dimension cosmique » (« Jean-Paul II).

Et, par ailleurs, l’Esprit de Dieu est venu résider dans l’humanité. « Votre corps est le temple du Saint Esprit. Aussi glorifiez Dieu dans votre corps » (1 Corinthiens 6.19-20). Alors, dans les êtres humains, dans leurs esprits (Rom 8.15), dans leurs cœurs (Rom 5.5) et même dans leurs corps, on trouve la puissance de la vie divine. Dans leur être fini, imparfait et mortel, réside ce qui est infini, parfait et immortel, ce qu’on appelle l’Esprit de Dieu ». « Comme Karl Rahner, nous dit Moltmann, « on peut voir là une « auto-transcendance » de l’existence humaine, qui est une conséquence de l’auto-immanence de l’Esprit dans l’existence humaine » ( p 75).

Jürgen Moltmann nous ouvre ainsi un grand horizon : « Nous sommes nés dans cette vie ouverte et divine. Même avant notre naissance, le vaste espace de Dieu était là pour nous » (p 75) : « Je te connaissais avant de t’avoir formé dans le sein de ta mère » (Jérémie 1.5). Chaque enfant naît dans un grand oui de Dieu à la vie ». Ainsi, dans nos difficultés, nous pouvons avoir « une ferme assurance au sujet de notre existence, une assurance qui peut résister au doute et à la dépression parce qu’elle est plus forte…

Nous mourrons dans cette vie ouverte et divine. Pour nous, la mort est la fin de la vie mortelle, mais pour la vie divine dans laquelle nous avons vécu, aimé et souffert, c’est une transition d’une condition mortelle à l’immortalité et de ce qui est passager à ce qui est éternel » (1 Cor 15. 42-44) (p 76).

 

La communion avec les vivants et les morts

Nous prenons davantage conscience aujourd’hui de l’interrelation qui prévaut dans tous les domaine. Ainsi « l’être humain est un être en relation ». Cette réalité se manifeste également dans la succession des générations. « Les êtres humains participent à une communauté des vivants et des morts même s’ils n’en ont pas toujours conscience ». Ainsi, dans les sociétés modernes occidentales, l’individualisme fait obstacle à cette conscience collective. Cela réduit la conscience de la communion entre les vivants et les morts. A cet égard, les sociétés traditionnelles, en particulier celles d’Extrême Orient, ont quelque chose à nous rappeler, car elles vivent actuellement cette communion entre les vivants et les morts. Dans le monde moderne occidental, nous avons besoin d’une culture nouvelle du souvenir « de manière à ne pas vivre seulement comme individus pour nous-même, mais en vue de regarder au delà de nous-même ». C’est seulement si nous percevons notre durée de vie dans le cadre plus vaste de la succession des générations que nous pouvons entrer « dans la mémoire du passé et dans l’avenir en espérance de ce qui est à venir ».

Pour réaliser cette communion entre les vivants et les morts, une transcendance de la vie et de la mort est requise… La foi chrétienne envisage cette communion des vivants et des morts dans le Christ qui est mort dans une mort humaine et a été ressuscité dans la vie divine. En conséquence, la communauté chrétienne est  une communauté non seulement des vivants, mais des morts. « Le Christ est mort et ressuscité pour qu’il puisse être le Seigneur à la fois des morts et des vivants » Rom 14.9) (p 78).  « Depuis qu’il est « descendu dans le royaume des morts », comme le déclare le symbole des apôtres », Christ a brisé la puissance de la mort et il a ramené les morts dans le partenariat de la vie divine. La barrière de la mort qui séparait les morts des vivants a été brisée dans la résurrection du Christ en vie éternelle. Dans la communauté du Christ, les morts ne sont pas « morts », selon la représentation courante, mais ils sont grandement présents (« present in a highly personal sense »).

 

Communion avec la terre

Très tôt, dès les années 1980, Jürgen Moltmann s’est engagée dans une réflexion théologique qui est venu éclairer et accompagner le mouvement écologique ; Son livre : « Dieu dans la création » (1988) porte en sous-titre : « Traité écologique de la création ». Ce que Motmann écrit dans ce chapitre : « In the fellowship of the earth » s’inscrit ici dans une pensée très vaste et très élaborée.

Moltmann  nous rappelle qu’au cours des derniers siècles, l’humanité a fait preuve d’un esprit dominateur en exploitant la terre jusqu’à une véritable dévastation. Cette attitude s’est inspirée, pour une part, d’une compréhension partiale de la Bible selon laquelle l’être humain était « la couronne de la création » parce qu’il était seul à avoir été créé à l’image de Dieu, et, par suite, en charge de gouverner la terre (p 81).  Cependant, on pourrait dire, à l’inverse, que l’être humain est une créature qui vient en dernier, et que, par suite, l’humanité dépend pour sa vie de tout ce qui a été créé par ailleurs.

« Selon le premier récit de la création, la terre n’est pas assujettie par l’être humain. La terre est un être grand, unique, créatif qui engendre la vie : plantes, arbres et animaux de toute espèce (Genèse 1.24).  On ne dit rien de semblable pour d‘autres êtres créés, y compris pour l’homme » (p 81). La terre n’est pas seulement un abri pour les êtres vivants. Elle les engendre. Ainsi Moltmann en est venu à se faire une haute idée de la terre. « La terre est plus que vivante parce qu’elle engendre la vie. Elle est plus qu’un organisme parce qu’elle produit des organismes. Elle est plus qu’intelligente, car elle engendre de l’intelligence. Elle est plus grande que l’humanité. Elle survivra à l’humanité, même si celle-ci met fin à son existence » (p 82).

Et, sur le plan biblique, dans l’épisode de Noé, Dieu fait alliance avec la terre. L’arc en ciel est un signe de cette alliance entre Dieu et la terre (Genèse 9.13). Les droits de la terre sont exprimés dans les règles du Sabbat. Ainsi la terre a un droit au repos du sabbat pour qu’elle puisse régénérer ses forces vitales. Pour la foi chrétienne, le salut de la terre vient du Christ cosmique. Dieu a « réconcilié » (Col 1.20) l’univers en unissant toute chose en Christ : « les choses dans le ciel et les choses sur la terre » (Eph 1.10) . Le Christ ressuscité a été aussi exalté… et le Christ exalté est le Christ cosmique. Il est présent en toutes choses. Finalement, il est aussi celui qui vient et qui remplira le ciel et la terre de sa justice » (p 83).

A nouveau, Moltmann critique la religion gnostique qui privilégie le départ vers le ciel et déconsidère la terre. La participation à la vie de la terre conduit au ressenti d’une vie universelle. La nouvelle spiritualité de la terre éveille une « humilité cosmique ». Elle suscite également un amour cosmique tel que le Staretz Sosima l’exprime dans le roman de Dostoevski : « les frères Karamazov » : «  Aime toute la création, l’ensemble et chaque petit grain de sable. Aime les animaux, les plantes, chaque petite chose. Si tu aimes chaque petite chose, alors le mystère de Dieu en elle, te sera révélé. Une fois qu’il t’est révélé, alors tu le percevras de plus en plus chaque jour. Et à la fin, tu aimeras l’univers entier d’un amour sans limite (« all comprehensive ») ».

 

Les chapitres qui s’inscrivent dans l’approche sur la plénitude de vie (fullness of life) sont particulièrement riches et denses. En effet, sur des thèmes majeurs comme la joie, la souffrance, la liberté, la solidarité, l’amitié, l’amour, la vie sensorielle, l’espérance, la fête et la célébration, ils apportent une réflexion originale qui, parfois, sur certains points, peut être contestée, mais élève toujours notre pensée dans une expression à même de susciter la méditation et d’éveiller l’émerveillement. Cependant, comme dans ce livre, la pensée de Moltmann se développe souvent à partir d’un débat philosophique, sa lecture requiert un effort particulier de la part de ceux  qui ne sont pas habitués à cette approche. De plus, dans un volume limité en nombre de pages, la brièveté du propos ne rend pas toujours bien compte de la densité de la pensée. Ce livre est néanmoins non seulement important, mais original, car il est écrit à l’intention de tous ceux qui vivent aujourd’hui dans la culture occidentale. Il nous aide à répondre aux objections auxquelles nous sommes confronté. Et il nous ravit en montrant tout ce que nous pouvons recevoir de la foi chrétienne pour notre existence.  A une époque marquée par l’inquiétude, Jürgen Moltmann nous apporte un message de vie, une vision d’avenir en traduisant également cet apport dans ce qu’il peut éclairer notre vie concrète.

Ce livre nous invite à nous référer aux autres ouvrages du même auteur pour mieux comprendre l’ampleur et le sens de sa recherche. En dehors de la suite des ouvrages de fond traduits en français et publiés aux éditions du Cerf, nous suggérons la  lecture d’un livre publié en 2010 dans une traduction en anglais et qui présente, en des termes accessibles, les avancées théologiques de Moltmann : « Sun of rigtneousness, arise. God’s future for humanity and the earth » (4). En français, nous disposons depuis 2012, d’un livre qui, à partir d’une approche existentielle, peut également nous introduire dans la démarche de Moltmann. « De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance » (5). Voici de quoi accompagner ce nouveau livre : « The living God and the fullness of life » qui nous apporte aujourd’hui une réflexion bienvenue sur les fondements d’une approche chrétienne dans la culture d’aujourd’hui

 

J H

 

(1)            Moltmann (Jürgen). The living God and the fullness of life. World Council of Churches publications, 2016  Disponible sur Amazon.fr : http://www.amazon.fr/Living-God-Fullness-Life/dp/0664261612/ref=sr_1_1?s=english-books&ie=UTF8&qid=1459608494&sr=1-1&keywords=The+living+God+and+the+fullness+of+life

(2)            Sur le site : Journal of Lutheran Ethics, compte-rendu détaillé de « The living God and the fullness of life », par James M Brandt, professeur de théologie historique à la Saint Paul School of Theology. Nous recommandons la lecture de cette remarquable présentation. L’auteur conclut ainsi son analyse :  « Perhaps the signal contribution of this book, in an age drawn to spirituality and action but leary of doctrine, is the way it links deep theological reflection with a vibrant vision of life. Life that is given meaning by the joy od God’presence in, with, and under the sensual goodness of the world, and community that overcomes barriers and create new relationships in anticipation of God’s future. In The Living God, there is inspiration aplenty for the thinking and the living » : http://elca.org/jle/articles/1143

(3)            « Dieu vivant, Dieu présent, Dieu avec nous dans un monde où tout se tient » : https://vivreetesperer.com/?p=2267

(4)            Moltmann (Jürgen). Sun of righteousness, arise ! God’s future for humanity and the earth. Fortress Press, 2010

(5)            Moltmann (Jürgen). De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte Temps présent, 2012.  Présentation sur ce blog : « Une dynamique de vie et d’espérance » : https://vivreetesperer.com/?p=572

 

Voir aussi :

« Le Dieu Vivant et la plénitude de  vie. Eclairages apportés par la pensée de Jürgen Moltmann » : https://vivreetesperer.com/?p=2413

« Dieu vivant, Dieu présent, Dieu avec nous dans un monde où tout se tient » : https://vivreetesperer.com/?p=2267

 

« Prayer of the mothers » : un chant mobilisateur de Yael Deckelbaum pour la marche des femmes juives et arabes unies pour la paix.

 

Dans le contexte de la violence qui sévit entre israéliens et palestiniens, exacerbée par l’appareil répressif d’Israël, un mouvement s’est levé pour proclamer un esprit de paix. Ce mouvement : « Women wage peace » (Les femmes font campagne pour la paix) est apparu en 2014 à l’occasion du conflit armé à Gaza. Il a pris son essor et a réalisé en 2016 une marche pacifique qui s’est imposée par sa dynamique et sa visibilité.

Le 4 octobre 2016, ce mouvement pour la paix a commencé une marche de l’espérance qui a duré deux semaines. Pendant ces deux semaines, des milliers de femmes juives et arabes israéliennes ont marché du nord d’Israël vers Jérusalem, en réclamant un accord de paix Israël-Palestine qui serait respectueux, non violent et accepté par les deux parties. La marche a culminé le 19 octobre avec plus de 4 000 femmes réalisant une prière conjointe juive et musulmane pour la paix au Qasr el Yahud à l’extrémité nord de la Mer morte. Ce même soir, 15 000 personnes se sont rassemblées pour protester et appeler à l’action devant la résidence du Premier ministre israélien (1).

 

Un chant de marche : « The prayer of the mothers »

Cette grande manifestation a trouvé son chant de marche dans un hymne : « The prayer of the mothers » (la prière des mères). Ce chant a été réalisé par une jeune et talentueuse musicienne israélienne, Yael Deckelbaum, interprète et compositrice qui s’est engagée dans le mouvement et l’a accompagné dans son action (2). Reconnue dans son pays et à l’étranger comme une artiste d’excellence, fondatrice et membre du légendaire trio : Habanot Nechama, Yael a écrit le chant : « Prayer of the mothers » et l’a enregistré avec des responsables de « Women wage peace ». Yael a travaillé également avec Lehmah Gbowee, une femme libériane qui a reçu le prix Nobel de la paix pour sa mobilisation des femmes en faveur de la paix ayant débouché sur la fin de la seconde guerre civile au Libéria en 2003.

 

 

« Prayer of the mothers » est chanté dans des contextes divers et sous des formes différentes (3).

Ses paroles nous entrainent sur le chemin de la fraternité et de la paix comme en témoignent ces quelques extraits.

 

« Chuchotement du vent de l’océan

Qui souffle très loin

Le linge qui flotte

Contre l’ombre d’un mur

 

Entre le ciel et la terre

Il y a des gens qui veulent vivre en paix

Ne baisse pas les bras

Continue à rêver

De paix et de prospérité

 

Quand est-ce que les murs de la peur fondront ?

Quand retournerais-je de l’exil

Et nos portes s’ouvriront

A ce qui est vraiment bon ?

 

Les murs de la peur fondront un jour

Et je rentrerai de l’exil

Les portes s’ouvriront

A ce qui est vraiment bon

 

Du Nord au Sud

De l’Ouest à l’Est

Ecoute la prière des mères

Apporte leur la paix

 

 

Ce chant a accompagné la marche de la paix. Il porte de bout en bout le clip réalisé par « Women wage Peace » (4) pour communiquer le message et l’esprit de cet événement. Ce clip transmet une symbolique forte à travers ses différentes séquences :

° Des jeunes femmes, de blanc vêtues, se rassemblant dans le désert, et exprimant une convivialité fraternelle dans un chant partagé, expression de paix.

° Dans le même élan et dans le même esprit, des femmes de toutes origines manifestant leur solidarité et leur fraternité en des gestes significatifs de tendresse et de reconnaissance.

° L’intervention de Lehmah Gbowee, prix Nobel de la paix, pour encourager ce mouvement : « Je voulais vous faire savoir que la paix est possible dans le monde où nous vivons quand des femmes intègres et de foi se manifestent pour le futur de leurs enfants ».

° De bout en bout, la dynamique de cette marche commune revêt une dimension épique et nous entraine dans un dépassement de nous-même.

 

Dans cette démarche,  convergent des femmes dans une pleine humanité d’amour, d’empathie, de respect. Pour nous, nous percevons dans cet événement un souffle, le souffle de l’Esprit. L’Esprit abolit les barrières et unifie comme nous l’apprend l’expérience de la Pentecôte (6). Comme en d’autres évènements historiques, l’espérance ouvre les portes de la libération. Nous accueillons ce chant dans un mouvement d’émotion, de sympathie et d’émerveillement.

 

J H

(1)            Sur le site du journal israélien, Haaretz, un article qui fait le point sur cet épisode : « Prayer of the mothers » honors thousandsof jewish and arab women marching for peace » : http://www.haaretz.com/israel-news/1.754127 On trouvera par ailleurs d’autres articles sur cet évènement important intervenu en octobre 2016 : Sur +Positivr : « des milliers de femmes en marche pour la paix » : http://positivr.fr/women-wage-peace-paix-israel-palestine-femmes/ Sur le site du Monde : « En Israël, le combat des femmes pour la paix » : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/10/20/en-israel-le-combat-des-femmes-pour-la-paix_5017432_3218.html Le mouvement « Women wage peace » s’est inspiré de mouvements analogues pour la paix en Irlande du Nord et au Libéria. Il milite pour des négociations de paix entre Israël et l’autorité palestinienne. Il accueille des personnes très diverses, y compris des hommes. Il comprend aujourd’hui plus de 20 000 membres. Une information complète sur Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Women_Wage_Peace

(2)            Yael Deckelbaum. Biography : http://www.yaeldeckelbaum.com/en/biography

(3)            Yael Deckelbaum and The Prayer of the Mothers Ensemble- The Land : https://www.youtube.com/watch?v=bU8Fqi1iFxc

(4)            Clip de la marche de l’espoir conduite par « Women wage Peace » et animée, de bout en bout, par le chant : « The prayer of the mothers » : « Yael Deckelbaum/ Prayer of the mothers- Official video : https://www.youtube.com/watch?v=YyFM-pWdqrY&list=PLKZY04ztdn4vRnQqcu2z0UzBWtTV9FL9s

(5)            Pentecôte : Actes 2.1-21

 

 

Sur ce blog, voir aussi :

« Aujourd’hui, nous sommes tous frères à Bamako » : https://vivreetesperer.com/?p=1101

« La vision mobilisatrice de Martin Luther King » : « I have a dream »

https://vivreetesperer.com/?p=1493

Quelle vision de Dieu, du monde, de l’humanité en phase avec les aspirations et les questionnements de notre époque ?

 

Genèse de la pensée de Jürgen Moltmann 

A notre époque, un moment où la conjoncture internationale s’est assombrie, pour y faire face, aller de l’avant, nous avons besoin d’une dynamique d’espérance. Nous pouvons donc nous tourner à nouveau vers la pensée théologique de Jürgen Moltmann (1) qui commence à émerger avec la parution en 1964 d’un livre révolutionnaire à l’époque : « La théologie de l’espérance » (2).

Bien entendu, ce livre est intervenu dans un contexte social différent du notre, un moment où le vieux monde commençait à se fissurer et où un nouvel horizon apparaissait. C’est l’époque où Martin Luther King exprime son rêve d’une Amérique libérée de la domination raciale. JF Kennedy regarde en avant dans l’esprit d’une nouvelle frontière. En Tchécoslovaquie, apparaît un essai de socialisme à visage humain, bientôt écrasé par les chars soviétiques. Jean XXIII et le concile Vatican II entreprennent une révolution des esprits dans l’Eglise catholique. Mais c’est aussi l’époque marquée par la guerre du Vietnam, par l’affrontement Est-Ouest et la menace de la destruction nucléaire.

Plus de vint ans après  la parution de la « Théologie de l’espérance », en 1988, l’Eglise de la Trinité à New York a invité Jürgen Moltmann et son épouse Elisabeth Moltmann-Wendel, une des premières théologiennes féministes à intervenir dans un forum de théologiens réputés. Après deux décennies, il était possible et nécessaire de faire le point. En quoi l’apport de Jürgen Moltmann avait-il marqué un tournant dans la vision de Dieu, du monde et de l’humanité ? En quoi cet apport avait-il joué un rôle majeur dans l’univers chrétien ? Avec le recul, vingt ans plus tard, comment cet apport continuait-t-il à éclairer les représentations des acteurs chrétiens ? Aujourd’hui, trente ans plus tard, cette conférence n’a pas perdu sa pertinence. En effet, elle nous aide à mieux comprendre comment une réflexion théologique peut nous aider à répondre à nos questionnements dans toute leur dimension et leur actualité. Aujourd’hui, nous avons conscience de l’ampleur des mutations en cours. Une dynamique d’espérance, la conscience de l’œuvre créatrice et libératrice de Dieu est à même de nous éclairer dans notre recherche et dans notre action. Voici pourquoi cette conférence n’appartient pas seulement au passé. Elle nous apparaît comme un épisode d’une histoire en marche.

 

Ce colloque a donné lieu à une série de quatre vidéos (3) réalisées par la « Trinity church » de New York et impulsées par deux théologiens de cette Eglise : Frederic Burnham et Leonard Freeman. Elles présentent à la fois interviews et interventions de  Jürgen Moltmann et questionnements et commentaires de théologiens réputés. La première vidéo présente la théologie de l’espérance dans son contexte. La seconde vidéo est consacrée à un débat sur cette théologie. La troisième porte sur la théologie féministe telle qu’elle est présentée par Elisabeth Moltmann-Wendel. Enfin la quatrième concerne le rôle de l’Eglise dans le monde. Notre compte-rendu ne sera pas exhaustif. Nous nous bornerons à mettre en évidence quelques affirmations majeures de la théologie de Jürgen Moltmann et la manière dont certaines d’entre elles apparaissent à beaucoup de théologiens comme une réponse attendue et libératrice. De la même façon, aujourd’hui encore, par rapport aux aspirations et aux questionnements de nos contemporains, nous avons besoin de réponses adéquates. En mettant en scène le débat autour de la pensée de Jürgen Moltmann, ces vidéos nous permettent  de mesurer l’importance de la réflexion théologique pour éclairer nos représentations et le cours de notre pensée.

 

La théologie de l’espérance

Moltmann est interrogé sur son parcours. Qu’est-ce qui l’a amené à s’engager dans la réflexion théologique et à écrire « La théologie de l’espérance » ?

Effectivement, au départ, Jürgen Moltmann était davantage intéressé par les sciences. « Quand j’avais quatorze ans, mon intention était d’étudier les mathématiques et la physique parce que j’étais fasciné par Einstein ». Et puis, Jürgen Moltmann a été saisi par la tourmente de la guerre à Hambourg, l’anéantissement de la ville par un bombardement destructeur, son enrôlement dans la Wehrmacht, sa condition de prisonnier de guerre en Grande-Bretagne pendant plusieurs années. « Pourquoi ai-je survécu ? » s’est interrogé Moltmann. Et c’est dans un camp de prisonniers qu’il a découvert la voie chrétienne en la personne de Jésus. Ainsi la théologie de l’espérance n’est pas le produit d’une construction progressiste ; c’est un chemin de foi. « Je pense que je suis un optimiste parce qu’autrement je serais un pessimiste. Je ne suis pas un optimiste par ce que je vois, mais par ce que à quoi je fais confiance lorsque j’écoute l’Evangile. C’est le triomphe de la grâce sur le péché, de l’espérance sur la haine ».

 

Jürgen Moltmann est donc « l’inventeur » d’une théologie de l’espérance dont on peut étudier le contexte de formation. Ecoutons simplement la dynamique qui a porté cette théologie. « Quand au début, j’ai écrit la théologie de l’espérance, il y a maintenant plus de vingt ans, j’ai commencé avec le postulat que, depuis Augustin, l’espérance chrétienne avait été réduite par l’Eglise au salut des âmes dans le Ciel par delà la mort, et que, dans cette réduction, cette espérance avait perdu sa puissance de changement et de renouvellement de la vie. Mais, dans la théologie de l’espérance, j’ai essayé de présenter l’espérance chrétienne non plus comme une espérance pour l’au delà, mais plutôt comme une puissance de vie qui nous fait vivre. Pour développer cette vision, je me suis fondé sur les promesses bibliques de la nouvelle création, de la résurrection du corps, du ciel nouveau et particulièrement de la terre nouvelle dans laquelle la justice de Dieu habitera ». Jürgen Moltmann répond au désarroi du christianisme à une époque, qui, comme celle d’aujourd’hui, se caractérise par des changements profonds dans la société et par une transformation des mentalités. « Parce qu’il n’y avait plus d’espérance pour la société dans la tradition chrétienne, nous avons négligé la société. Parce qu’il n’y avait plus d’espérance pour la terre, nous avons négligé la terre et nous l’avons abandonnée aux forces de destruction que nous voyons autour de nous. Il est grand temps d’ouvrir l’expérience chrétienne à sa puissance de vie universelle (all embracing power).

 

Cette nouvelle inspiration théologique est venue dans un moment de crise. Comme le note un participant : A l’époque, «  dans les années 60, on pouvait se demander où était l’espérance et si le christianisme était capable de faire face à la crise ». Cette théologie de l’espérance est un nouvel horizon. « C’est une théologie messianique qui nous donne de regarder en avant ». Cela nous permet de sortir de l’individualisme égocentré et complaisant d’une idéologie existentialiste ». « Comme pasteur, il était difficile pour moi de prêcher sur la fin des temps et le jugement final. Moltmann nous a permis de découvrir qu’il y avait bien plus dans les Ecritures que nous le pensions ». Cette séquence nous permet de mieux comprendre la réception de la pensée de Moltmann. A certains moments, en regard de l’évolution des mentalités, on éprouve le besoin d’un nouveau regard, d’une nouvelle vision théologique. Cet exemple reste instructif pour aujourd’hui.

 

 Débat autour de la théologie de Jürgen Moltmann

Ce colloque a permis un partage et un débat autour de la théologie de Moltmann. En réponse aux interrogations, Jürgen Moltmann a pu s’expliquer sur certains points donnant lieu à controverse. Une seconde vidéo rapporte cette explication qui porte sur trois questions : la nature du pouvoir ; la nature de la Trinité ; la nature de la vie après la mort. On se reportera aux différents dialogues pour un suivi complet. Voici quelques aperçus.

 

Toute réflexion s’inscrit dans un contexte. Jürgen Moltmann en a bien conscience. « Je puis avoir une certaine obsession par rapport au pouvoir à cause de mon expérience personnelle d’un pouvoir aliénant ». Moltmann a subi le régime de l’Allemagne hitlérienne. Il note qu’un contexte allemand est bien différent d’un contexte anglais. Dans sa théologie, Moltmann s’est élevé contre la représentation d’un pouvoir dominateur attribué à Dieu. Il nous dit que la puissance de Dieu s’exerce dans son auto-détermination. Personne ne peut limiter Dieu excepté lui-même dans une auto-limitation. « Les hommes ont l’amour du pouvoir, mais Dieu a le pouvoir de l’amour ».

 

A travers son attention au récit évangélique, Jürgen Moltmann nous décrit le Dieu trinitaire comme une communion d’amour. « Selon ma compréhension, on doit partir de l’histoire de Jésus dans sa relation avec Celui qu’il appelait « Abba », cher père, et avec l’Esprit. L’histoire biblique est l’histoire de la collaboration entre Jésus, Abba et l’Esprit ». C’est une vision qui ne vient pas d’en haut, mais d’en bas. L’unité de Dieu s’exerce dans la « périchorésis », une habitation de l’un dans l’autre. « Le Père est en moi. Je suis dans le Père », dit Jésus.

 

L’approche eschatologique tournée vers l’avenir de Dieu, présente dans la théologie de l’espérance s’est appliquée largement à la dimension sociale et politique de la vie. Aussi on a pu se demander si la dimension personnelle : la vie après la mort, n’était pas négligée. Dans ce bilan, Moltmann reconnaît qu’il avait effectivement trop peu étudié cette question. Interpellée sur cette question par l’épouse d’un ami décédé, il s’est d’autant plus mis à la tâche. « Il s’agissait d’achever ce qui avait été commencé avec la théologie de l’espérance, non pas de changer, mais de compléter ». « Dans la grande perspective du Nouveau Testament, les vivants et les morts sont en communion avec le Christ… « Soit que nous vivions, soit que nous mourrions, nous appartenons au Seigneur, car il est mort et revenu à la vie pour être le Seigneur des morts et des vivants » (Romains 14.8-9)(4).

Ces dialogues nous montrent la théologie de Moltmann à un moment de son évolution. C’est une pensée en  mouvement qui évolue, se rééquilibre, s’enrichit et va à la découverte. Ici, questions, commentaires et réponses de Moltmann se complètent et font ressortir la dynamique d’une pensée à l’écoute.

 

La réponse féministe.

Epouse de Jürgen Moltmann et pionnière d’une théologie féministe, Elisabeth Moltmann-Wendel s’est également exprimée dans ce colloque dédié à la théologie de l’espérance. Son œuvre s’inscrit en effet dans la même perspective. Elle a retravaillé les données chrétiennes classiques dans une perspective nouvelle. Elle s’est appuyée sur la sagesse de l’Ancien Testament et sur l’ouverture de Jésus envers les femmes pour créer un modèle biblique inclusif. Elle s’inspire de la justification par la foi pour promouvoir la libération des femmes. Et par rapport à un état d’esprit répressif, elle ose proclamer la valeur de la femme en des termes percutants : « I am good. I am full. I am beautiful » : « Je suis bonne. Je suis unifiée. Je suis belle ». De fait, par rapport à une représentation restrictive de l’œuvre de Dieu, elle ouvre le regard en citant un verset du Sermon sur la Montagne (Matthieu 5.45) : « Votre Père céleste fait luire son soleil aussi bien sur les méchants que sur les bons. Il fait pleuvoir sur ceux qui lui sont fidèles comme sur ceux qui ne le sont pas ». Elle proclame un Dieu inconditionnellement aimant.

Cependant, la puissante devise destinée à libérer le potentiel des femmes : « Je suis bonne. Je suis unifiée. Je suis belle » est venue à l’esprit d’Elisabeth en voyant les dégâts engendrés par une éducation chrétienne traditionnelle. Elle fréquentait « des femmes chrétiennes bien éduquées, exerçant un grand contrôle sur elles-mêmes, bonnes, faisant du bon travail dans l’Eglise. Je me suis rendu compte qu’elles ne parvenaient pas à s’aimer elles-mêmes. Alors, en réaction, j’ai proclamé ces trois affirmations : Je suis bonne. Je suis unifiée. Je suis belle. J’empruntais l’idée d’unité, de complétude, de plénitude (wholeness) à la théologie féministe qui assume la femme, corps et âme. La référence à la beauté m’est venue en pensant à la devise : « Black is beautiful » empruntée au mouvement de libération afro-américain ». Mais pourquoi cette « haine de soi » ? En quoi est-elle associée au christianisme ? « Au commencement du christianisme, dans l’Eglise primitive, la femme était pleinement acceptée. Jésus avait une relation étroite avec des femmes de tout bord : pauvres, discriminées… » Plus tard, le christianisme est retombé dans le sillage d’une société et d’une culture patriarcale. Aujourd’hui, dans l’esprit d’une justification par la foi, un Evangile de libération est à nouveau à l’oeuvre et permet aux femmes de changer, de passer d’une haine de soi à un amour de soi et de s’accepter holistiquement. Ce changement a bien entendu d’autres aspects : nouveau rapport avec la création, proclamation du partenariat et de la communauté dans les relations de pouvoir.

Jürgen Moltmann, interrogé sur cette question, a certes confirmé le caractère innovant et authentiquement chrétien de cette théologie, mais il s’est exprimé aussi d’une façon plus personnelle.

Il rappelle combien l’éducation des jeunes garçons, des hommes a, elle aussi été entâchée par la négativité et la violence. « Vous n’êtes rien… vous ne pouvez rien… vous devez faire. Vous n’êtes pas bon… Vous n’êtes pas unifié… vous n’êtes pas beau…vous devez faire. Quelle terrible éducation ! ». Alors Jürgen Moltmann apprécie le signe de libération venant de la théologie féministe.

 

Ainsi, en 1988, malgré l’ébranlement culturel des années 1960, on enregistrait encore beaucoup de rigidité dans des milieux chrétiens. Les filles et les femmes en étaient particulièrement victimes, mais cela touchait aussi les garçons et les hommes. En étudiant aujourd’hui la communication non violente, on peut constater un impact négatif à long terme de cette éducation associée à une culture patriarcale et chrétienne. Aujourd’hui encore, une approche positive du potentiel humain se heurte à un inconscient hérité. Ainsi la théologie féministe, exprimée dans cette vidéo par Elisabeth Moltmann et Letty Russel, en affinité avec Jürgen Moltmann, garde sa pertinence aujourd’hui.

 

Une théologie en mouvement.

Depuis 1988, Jürgen Moltmann a été invité à de nombreuses rencontres théologiques et ses interventions sont parfois également rapportées dans des vidéos. Alors pourquoi avoir rendu compte de ce colloque organisé par l’Eglise de la Trinité autour de la théologie de l’espérance ? Il nous semble que ce compte-rendu nous permet de mieux comprendre la production et la réception de l’œuvre fondatrice de Jürgen Moltmann dans son contexte historique. Nous découvrons comment cette œuvre a répondu aux questionnements et aux aspirations des chrétiens dans un sérieux désarroi à cette époque. Et certains thèmes abordés dans ce colloque, comme une approche positive du potentiel humain, est encore pertinente aujourd’hui. En écoutant ces interventions, nous percevons une dynamique qui nous interpelle encore aujourd’hui, car, dans un autre contexte, la conjoncture actuelle est troublée et nous avons besoin de regarder en avant.

Tout est redit par Moltmann dans un livre plus récent (5) : « Le christianisme est résolument tourné vers l’avenir et invite au renouveau. Avoir la foi, c’est vivre dans la présence du Christ ressuscité et tendre vers le futur Royaume de Dieu… De son avenir, Dieu vient à la rencontre des hommes et leur ouvre de nouveaux horizons qui débouchent sur l’inconnu et les invite à un commencement nouveau ».

Ajoutons que le fonctionnement même de ce colloque dans les interactions entre les organisateurs, Frederic Burnham et Leonard Freeman, le questionnement et le commentaire des théologiens et les réponses de Jürgen Moltmann nous permet de mieux comprendre la nature de la réflexion théologique au carrefour entre le donné des Ecritures et les manières de penser engendrées par l’évolution de la culture. C’est un éclairage pour le monde d’aujourd’hui.

 

J H

 

(1)            Pour connaître l’œuvre et la pensée de Jürgen Moltmann, lire son autobiographie : Jûrgen Moltmann. A broad place.An autobiography. SCM Press, 2007. Présentation : « Une théologie pour notre temps. L’autobiographie de Jürgen Moltmann » : http://www.temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/ et http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695

Se reporter également au blog dédié à l’œuvre de Jürgen Moltmann : L’Esprit qui donne la vie (bientôt renouvelé) : http://www.lespritquidonnelavie.com

Sur ce blog, plus particulièrement les articles suivants :

« Une théologie pour la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1917

« L’avenir inachevé de Dieu » : https://vivreetesperer.com/?p=1884

« Dieu vivant, Dieu présent, Dieu avec nous dans un monde où tout se tient » : https://vivreetesperer.com/?p=2267 « Le Dieu vivant et la plénitude de vie » : https://vivreetesperer.com/?p=2413

(2)             « La théologie de l’espérance », dans sa version allemande, est paru en 2004 et dans sa version anglaise en 2007.  Dans sa version française, il est paru au Cerf en 1970

(3)            Colloque organisé par Trinity Church (New York) : Love : The foundation of hope. A celebration of the life and work of Jürgen Moltmann and Elisabeth Moltmann-Wendel : 4 vidéos sur You Tube : A theology of hope : https://www.youtube.com/watch?v=0GBb8–Ic3I&t=354s      Theology of hope : critiques and questions :  https://www.youtube.com/watch?v=wqJYaKB9sFs&t=7s     The feminist response : https://www.youtube.com/watch?v=HXz4WDU6iyQ Theology of hope. The church and the world : https://www.youtube.com/watch?v=uWPKdlLDLgI&t=364s

(4)            Sur ce blog : « Vivants et morts, ensemble, en Christ ressuscité » : https://vivreetesperer.com/?p=2221

(5)            Jürgen Moltmann. De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte. Temps présent, 2012 Citation : p 109-110 Sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=572

Notre responsabilité pour le monde

 Barack Obama au Kirchentag

25 mai 2017

Sa présidence achevée, Barack Obama poursuit son engagement politique sous une autre forme. Ainsi, le 25 mai 2017, a-t-il répondu à l’invitation du Kirchentag, un grand rassemblement socio-religieux et socio-culturel organisé, tous les deux ans, à l’instigation de l’Eglise protestante allemande (1), cette année en rapport avec le 500 ème anniversaire du commencement de la Réforme sous l’impulsion de Martin Luther.

 

 

Très populaire en Allemagne, Barack Obama a été accueilli par une foule enthousiaste où les jeunes étaient très nombreux. Il s’est exprimé de pair avec Angela Merkel. Après l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis et tout ce que cela représente de régression politique et sociale, Barack Obama avait prononcé à Athènes un remarquable discours sur le sens de la démocratie (2), puis il avait rencontré à Berlin Angela Markel, une partenaire politique estimée comme si il voulait l’encourager à assurer la défense des valeurs démocratiques dans un monde perturbé par une vague de peur et d’enfermement. Le revoilà donc à Berlin ce mois de mai dans une Europe affermie dans son existence démocratique par l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron (4) auquel Barack Obama avait fait part de son soutien.

Lors de ses déplacements comme président des Etats-Unis dans les grands ensembles continentaux (Asie, Amérique latine, Afrique….), Barack Obama s’adressait aux jeunes leaders de ces ensembles pour les encourager dans leur action pour le développement et la démocratie dans une ambiance simple et conviviale. On pouvait y apprécier une attitude quasi fraternelle (3). Aujourd’hui, à partir de son expérience politique, il veut poursuivre ces échanges pour encourager une jeune génération à prendre ses responsabilités. Lors de la rencontre au Kirchentag, il a rappelé son engagement à cette jeune génération particulièrement présente dans ce rassemblement.

Dans une vision chrétienne caractérisée par une tonalité d’espérance et d’ouverture (5), dans une analyse des problèmes d’un monde dont il connaît bien le fonctionnement, Barack Obama nous permet de mieux nous situer à l’échelle des grandes questions qui nous concernent tous aujourd’hui. Une vidéo nous rapporte son intervention en dialogue avec Angela Merkel et ses interlocuteurs allemands dans une ambiance chaleureuse qui se marque sur les visages des participants (6). Nous présentons ici des extraits de cette intervention.

 

Un idéal à partager

Barack Obama rappelle que sa vie publique a commencé en travaillant avec les églises dans les quartiers pauvres de Chicago. «  Lorsqu’on veut créer un monde meilleur, cela requiert de regarder vers un but et d’avancer avec foi (sense of purpose and sense of faith). Nous avons besoin de croire que nous pouvons entrer en relation avec les gens avec de la gentillesse et de la tolérance et que nous pouvons gérer les différences entre les nations, entre les religions. Nous trouvons une unité dans la croyance en Dieu. Ce sont ces convictions qui m’ont porté dans mon travail et dans ma vie et je suis très encouragé en voyant autant de jeunes aujourd’hui ».

La jeune génération est une force montante. « A une époque où le monde  est un lieu très compliqué, où nous sommes bouleversé par une violence terrible, telle qu’elle vient de se manifester à Manchester, nous savons que le terrorisme est un grand danger, car il y a des gens qui veulent faire du mal aux autres simplement parce qu’ils sont différents d’eux. Mais cette époque est aussi une période de grande opportunité. Maintenant que je ne suis plus président, mais néanmoins en situation d’influence, je pense être en capacité d’aider de plus en plus de jeunes à faire face à ces défis. Je veux encourager une nouvelle génération dans l’exercice d’un leadership de manière à marginaliser ceux qui veulent nous diviser et à rassembler de plus en plus de gens pour réaliser un bien commun.

 

Une tâche à poursuivre.

Pendant huit ans, Barack Obama a été président des Etats-Unis. Comment a-t-il exercé son action dans cette haute fonction ? « Je suis très fier du travail que j’ai effectué en étant président. Quand vous entrez dans la vie publique, vous devez reconnaître que vous ne réaliserez jamais 100%  de ce que vous souhaiteriez. Ce que vous devez essayer de faire, c’est travailler avec d’autres qui partagent les mêmes valeurs, la même vision, pour essayer de rendre les choses meilleures en sachant que vous n’atteindrez pas la perfection ». Barack Obama cite en exemple la  réforme de l’accès aus soins médicaux (« Obamacare »). 20 millions de personnes nouvelles ont bénéficié de cette réforme, mais nous n’avons pas réussi à couvrir 100% de la population et aujourd’hui. Après mon départ, la réforme est remise en question ».

Le progrès se réalise pas à pas, avec parfois des reculs provisoires. Au delà du court terme, il faut voir à plus long terme . Il y a des étapes. Barack Obama estime qu’après avoir accompli sa tâche, avec ses imperfections, il est bon de passer la relève à une génération plus jeune. « Chaque génération a une contribution à apporter. En considérant ce qui est arrivé pendant ma vie, malgré toutes les tragédies actuelles, le monde n’a jamais été plus riche, en meilleure santé, mieux éduqué. Les jeunes aujourd’hui ont accès à une information et à des opportunités qui étaient inconnues à l’époque où je suis né. Mais la poursuite du progrès dépend de la jeune génération. Je me donne pour but de l’aider ».

 

Quel ordre international ?

L’ordre international est à un tournant. C’est un moment important pour la communauté internationale. Je suis né en 1961. A l’époque, Berlin était divisé. Nous venions tout juste de sortir d’une guerre dévastatrice. Les dictatures régnaient dans une grande partie du monde.  Certains pays commençaient seulement à sortir du colonialisme. L’apartheid prévalait en Afrique du Sud. Pourtant, à cause d’un ensemble d’idéaux et de principes : le règne du droit, la dignité de l’individu, la liberté de religion, la liberté de la presse, une économie libérale basée sur le marché, à cause de ces principes qui ont prévalu en Europe et aux Etats-Unis et dans d’autres pays qui se sont joint à eux en ce sens, nous avons vu un progrès incroyable. En Europe, il n’y a jamais eu plus grande prospérité et plus grande paix que dans ces trois ou quatre dernières décennies. C’est une remarquable réalisation. Et parfois les jeunes la considèrent comme allant de soi. Mais aujourd’hui, nous devons reconnaître qu’à cause de la mondialisation et de la technologie, et de la disruption que cela entraine, à cause des inégalités qui existent entre les nations et à l’intérieur des pays, à cause de l’inquiétude en lien avec le rétrécissement du monde à l’ère de la communication internet, à cause de la crise des réfugiés, cet ordre international qui a été créé et existe aujourd’hui, devrait changer, être remis à jour, être renouvelé, parce que nous sommes confrontés aujourd’hui à un récit concurrent empreint de peur, de xénophobie, de nationalisme, d’intolérance, de tendances anti-démocratiques. Comme citoyen des Etats-Unis et membre de la communauté mondiale, je pense qu’il est très important que nous soutenions les valeurs et les idéaux qui sont les meilleurs et que nous repoussions les tendances qui violent les droits humains, suppriment la démocratie ou réduisent la liberté de conscience et la liberté religieuse. C’est une bataille significative que nous devons mener et elle n’est pas toujours facile ». Barack Obama cite alors l’exemple de la Syrie avec toute la désolation qui règne dans ce pays. On ne peut se désintéresser de ce qui arrive dans une autre partie du monde. « Nous devons reconnaître que ce qui arrive dans une autre partie du monde  ou dans des pays isolés, que ce soit en Afrique, en Asie, en Amérique latine, a un impact sur nous et que nous sommes appelés à nous engager pour aider ces pays à trouver la paix et la prospérité. Comme président des Etats-Unis, j’ai fait de mon mieux même si je n’ai pas toujours eu les outils pour le faire. Mais du moins j’ai essayé. Et lorsque nous persévérons, il peut arriver dans ces situations  ce que le président Abraham Lincoln a évoqué : « Les anges les meilleurs de notre nature peuvent s’éveiller »

 

Comment aider les réfugiés ?

L’Allemagne a été confronté récemment à un afflux de réfugiés et ce problème a été affronté avec beaucoup de courage par la chancelière Angela Merkel. Barack Obama a donc été interrogé sur cette question. « En fonction de la géographie, de la présence des océans, nous n’avons pas eu un aussi grand nombre de réfugiés venant de Syrie ou d’Afghanistan. Mais il y a aux Etats-Unis, une immigration importante venant du Mexique et, plus récemment, d’Amérique centrale et d’Amérique latine. Et comme président des Etats-Unis, j’ai été confronté à ce problème.

Aux yeux de Dieu, un enfant, de l’autre côté de la frontière, est aussi digne d’amour et de compassion que mon propre enfant. Nous ne pouvons les distinguer en terme de valeur et de dignité, et tous méritent amour, abri, éducation et opportunité . Mais lorsque nous sommes à la tête de grands états nationaux et  que nous avons une responsabilité  vis à vis de nos citoyens et des gens à l’intérieur de nos frontières, alors le travail du gouvernement est d’exprimer humanité, compassion et solidarité avec ceux qui sont dans le besoin, mais aussi de reconnaître que nous devons agir  dans le cadre de contraintes légales, de contraintes institutionnelles et des obligations vis à vis des citoyens des pays que nous servons. Et ce n’est pas toujours facile.  Un moyen de faire du meilleur travail est de créer plus d’opportunité pour les gens dans leur propre pays. C’est donc un défi de faire comprendre à nos concitoyens que lorsque nous suscitons du développement en Afrique, ou que nous sommes impliqués dans une résolution de conflits ou dans des endroits où il y a une guerre, lorsque nous faisons des investissements pour faire face au changement climatique et aux problèmes que ce changement entraîne pour les agriculteurs, nous ne faisons pas tout cela simplement par charité, parce que c’est une bonne chose d’agir avec gentillesse, mais aussi parce que si il y a une disruption dans ces pays, si il y a un conflit, si il y a une mauvaise gouvernance, si il y a une guerre, si il y a de la pauvreté, alors dans ce nouveau monde où nous vivons, nous ne pouvons pas nous isoler, nous cacher derrière un mur. Il est très important pour nous de voir que ces investissements contribuent à notre propre bien être et sécurité.

 

Les religions et la vie politique

Quel rapport entre les religions et la vie politique ? Barack Obama s’exprime à partir de l’exemple américain. « Les Etats-Unis sont un pays très religieux et je pense que c’est une grande source de force. Mais, pour une part, historiquement, ce dynamisme est lié à la séparation entre l’Etat et l’Eglise qui a été envisagée comme une protection des communautés de foi pour qu’elles puissent pratiquer librement ». Comment le rapport entre religions et vie politique peut-il s’exercer au mieux ? « Nous avons besoin de reconnaître que, dans toute démocratie, il y a des gens engagés dans des religions très différentes. Et la démocratie requiert des compromis. Quand nous évoquons la foi religieuse, par définition, il y a certains points où nous ne faisons pas de compromis. Et je pense que nous faisons parfois fausse route en introduisant ce refus de compromis dans le processus politique ».

Barack Obama appelle au respect et à la gestion de la diversité. « Si nous sommes probablement une nation chrétienne, nous sommes aussi une nation musulmane, une nation hindoue, une nation juive et une nation de non croyants. Mais nous pouvons trouver des conceptions et des principes moraux qui nous relient ensemble et nous rencontrer sur ce consensus qui nous permet de progresser ensemble.

Même dans notre propre famille religieuse, il y a certains points où nous pouvons être en désaccord. Parfois cela peut nous troubler. Personnellement, dans ma propre foi, je pense qu’il est utile d’accepter un petit bout de doute. Nous croyons en des réalités qui ne sont pas visibles et, en conséquence, j’essaie d’être humble. Je ne prétend pas que Dieu parle exclusivement à travers moi. J’assume que Dieu partage de la sagesse dans tous les gens. Si je suis convaincu que j’ai toujours raison, la conclusion logique se traduit parfois en une grande cruauté et une grande violence. Dans un monde pluraliste, dans un monde où il y a des gens différents venant de diverses traditions religieuses, cherchons à réaliser que nous sommes, les uns et les autres, partie de la vérité ».

 

La foi : une motivation

« Je pense aux défis auxquels nous devons faire. Si notre réponse n’est pas parfaite et s’élabore à travers l’action et la réflexion, elle est motivée par notre foi et les valeurs et les idéaux qui sont les plus importants pour nous. Nous devrions être prêts à risquer quelque chose pour la cause à laquelle nous tenons. Nous devrions être prêts à contester une pratique traditionnelle. Aux Etats-Unis, ce sont des gens de foi qui, les premiers, ont parlé contre l’esclavage. Cela appelait une juste colère contre une institution qui semblait ressortir de l’ordre naturel. C’était un mouvement radical qui a élevé la conscience du peuple et qui a conduit une longue marche vers la liberté. Ainsi nous sommes appelé à agir selon ce que nous croyons vrai et juste. Lorsque nous agissons ainsi, ma seule suggestion, c’est de nous rappeler que Dieu ne parle pas seulement à nous. Pour moi, la force de notre foi trouve sa confirmation lorsque nous acceptons de nous engager avec des gens ayant des vues différentes et d’être prêts à les écouter et à les considérer ». L’avancée peut prendre du temps. L’important, c’est de persévérer même quand c’est difficile.

 

Les grandes questions

Quelles sont les grandes questions qui concernent la politique internationale, Barack Obama énonce deux questions. La première est relative au développement. La seconde concerne les budgets militaires.

 

« L’écart croissant entre les opportunités, les inégalités de plus en plus grandes entre les nations et à l’intérieur des nations, voilà une des questions majeures que cette génération et les prochaines générations auront à affronter. Le volume de richesse, d’opportunité et de consommation qui existe au sommet, en comparaison avec les besoins énormes qui existent dans le monde, est une situation que je trouve insupportable.

Il y a assez pour nourrir chacun, pour loger et vêtir chacun, pour éduquer chacun si nous sommes capables de mettre en route un processus social qui reflète nos valeurs. Ce n’est pas facile à faire. Ce n’est pas simplement faire un chèque et envoyer de l’argent. C’est créer une société qui parvienne à se suffire à elle-même et manifeste de la détermination et de la dignité. C’est pourquoi  quand nous examinons un budget pour une aide au développement, nous nous centrons sur la manière non pas de donner simplement du poisson, mais d’apprendre à le pêcher. Nous voulons aussi nous assurer que la gouvernance cherche à promouvoir les intérêts de gens à la base.          Cependant, on doit se rendre compte des énormes progrès qui ont été réalisés, même dans la durée limitée de mon existence. Juste dans les dernières décennies, il y a eu des centaines de millions de gens qui sont sortis de l’extrême pauvreté, en Chine, en Inde, dans certaines parties de l’Afrique. Il y a beaucoup à faire, mais il encourageant de voir tout ce qui a été déjà fait ».

 

Il y a une autre grande question. Elle concerne les budgets militaires. « Ce que j’aurais aimé voir, par exemple, c’est l’ultime élimination des armes nucléaires de cette planète. Absolument !  Un moment, nous sommes parvenus quelque peu à réduire les armements nucléaires russes et américains. Cependant, de la même façon qu’il a fallu du temps pour sortir des gens de la pauvreté, réduire le besoin de budgets militaires demandera un effort long et persévérant. Il est vrai que nous vivons dans un monde dangereux ». Barack Obama cite l’exemple de l’Afrique où les Etats-Unis sont appelés à intervenir pour rétablir la paix et assurer la sécurité des organisations humanitaires. Il montre aussi combien les conflits militaires sont souvent en rapport avec des problèmes de développement. Ainsi, « notre budget national de sécurité ne devrait pas être conçu uniquement en terme d’armements, mais aussi en terme de développement, en terme de diplomatie, en terme de soutien à l’éducation des filles et des paysans ».

 

A un carrefour de l’histoire

A ce moment de l’histoire, l’Occident semble traversé par deux tendances adverses. D’un côté, animée par le rêve d’une grandeur passée, inquiète par rapport aux changements économiques, sociaux , culturels, une tendance qui préconise un retour en arrière, un repli sur soi, le renvoi des migrants, un rejet de la solidarité internationale. En regard, un mouvement engagé de longue date, mais qui aujourd’hui prend de l’ampleur : une coopération internationale croissante tant économique que sociale et culturelle, la prise de conscience d’une unité du monde dans la construction d’une civilisation nouvelle attentive aux droits humains, une solidarité accrue face à des menaces internes et externes comme le maintien ou la progression des inégalités ou le réchauffement climatique. Si la description de ces deux tendances opposées est quelque peu sommaire, voire caricaturale, il y a là néanmoins le cadre d’une forte tension marquée en 2016 par des succès importants remportés par la tendance régressive au cœur même de l’Occident : la victoire du Brexit en Grande-Bretagne, l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.

Pendant ses deux mandats présidentiels, Barack Obama a conduit les Etats-Unis dans la voie de l’ouverture, de la solidarité internationale, du respect des minorités, d’une progression d’un mieux être social, du progrès écologique. Il a mené cette lutte dans un esprit de respect vis à vis des personnes, une attitude empathique et chaleureuse induisant un consensus. Dans cette tâche difficile, il a été porté par une inspiration chrétienne ouverte. Sa présence au Kirchentag en mai 2017 nous paraît ainsi particulièrement significative. Barack Obama exprime le mouvement pour un monde plus solidaire et plus respectueux des personnes, un mouvement tourné vers l’avenir et non vers le passé. Il s’adresse tout particulièrement à la jeune génération qui est en train de grandir sur les différents continents.

Quelques jours auparavant, l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République Française témoignait de la victoire d’une tendance « progressiste » qui marquait une inflexion majeure dans la conjoncture internationale en marquant un coup d’arrêt par rapport à la tendance préconisant le repli, le rejet, le dissociation. Ainsi, Barack Obama a pu intervenir dans un contexte où, à nouveau, on pouvait entrevoir un horizon d’ouverture. Au cœur de l’Europe, à Berlin, ce dialogue a témoigné d’une espérance qui, dans le contexte du Kirchentag, s’exprimait dans une ambiance de fraternité chrétienne.  Barack Obama nous aide ici à voir quels sont actuellement les grands enjeux politiques et de quelle manière on peut les aborder. Il nous permet de dépasser nos ressentis immédiats pour nous situer dans la durée. Le processus démocratique nous permet d’avancer vers de meilleures solutions, mais il inclut aussi des reculs. Barack Obama nous appelle à un engagement patient et persévérant. Nous partageons ici ce que nous percevons à travers la vidéo de cette rencontre : une conviction, une pensée ouverte et prospective, une convivialité fraternelle.

 

J H

 

(1) Présentation du Kirchentag sur « Free Wikipedia » : « le « Deutscher Evangelischer Kirchentag » est une assemblée de membres laïcs de l’Eglise Evangélique allemande qui organise un rassemblement biaannuel concernant la foi, la culture et la politique ».

https://en.wikipedia.org/wiki/German_Evangelical_Church_Assembly

Du 24 au 28 mai 2017, le Kirchentag a célébré le 500è anniversaire de la Réforme dans une grande manifestation « joyeuse, diverse et multiculturelle »      («  Réforme »). Un compte-rendu sur le site du Centre d’information sur l’Allemagne : http://www.allemagne.diplo.de/Vertretung/frankreich-dz/fr/__pr/nq/2017-05/2017-05-30-kirchentag-protestant-pm.html?archive=4908386  L’hebdomadaire « Réforme » (1er juin 2017) a consacré une double page (p 4-5) à cet événement marquant qui, à travers une forte participation jeune et internationale, témoigne de la vitalité d’une foi chrétienne au sein du monde d’aujourd’hui. Dans un article intitulé « La foi visible », Jean-Paul Willaime écrit ainsi : « Le fait que deux éminentes personnalités politiques protestantes : l’ancien président des Etats-Unis, Barack Obama et la chancelière Angela Merkel aient accepté de discuter de démocratie et d’engagement à Berlin au 36è Kirchentag… constitue incontestablement un événement »

(2) Discours de Barack Obama sur la démocratie (Athènes. (le 16 novembre 2016) : https://www.youtube.com/watch?v=xKirW7AQ2oo

Dans une perspective historique et à partir de son expérience, Barack Obama nous apporte ici un enseignement majeur sur les vertus et les problèmes de la démocratie aujourd’hui : https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2016/11/16/remarks-president-obama-stavros-niarchos-foundation-cultural-center

(3) Lors de ses déplacements internationaux, Barack Obama s’adresse fréquemment aux « leaders » des régions visitées dans des rencontres caractérisées par un dialogue dynamique et convivial. Deux exemples : Asie du Sud Est : https://www.youtube.com/watch?v=j3GuzhWdiiI

Argentine et Amérique Latine :

https://www.youtube.com/watch?v=zbq2gmYq780

(4) On peut percevoir des analogies entre Barack Obama et Emmanuel Macron dans une approche dialoguante et inclusive. Emmanuel Macron nous dit avoir beaucoup reçu du philosophe français, Paul Ricoeur : https://le1hebdo.fr/journal/numero/64/j-ai-rencontr-paul-ricoeur-qui-m-a-rduqu-sur-le-plan-philosophique-1067.html

(5) L’inspiration chrétienne chez Barack Obama :

« De Martin Luther King à Barack Obama » : https://vivreetesperer.com/?p=2065

« La rencontre entre Barack Obama et le pape François » :

https://vivreetesperer.com/?p=2192

« La prière dans la vie de Barack Obama » :

https://vivreetesperer.com/?p=2326

(6) Barack Obama and Angela Merkel speak at Kirchentag in Berlin. Vidéo principalement à partir de laquelle nous avons travaillé pour présenter des extraits adaptés en français. Nous renvoyons à cette vidéo qui apporte non seulement la parole dans son extension, mais aussi l’expression des participants  à travers leurs visages.

https://www.youtube.com/watch?v=ZV6yjj50lGc

Autres versions : https://www.youtube.com/watch?v=PXrmmVMnUg4

https://www.youtube.com/watch?v=qEFi0UKeGE8

Empathie et bienveillance. Révolution ou effet de mode ?

 La montée de l’empathie. 

14937267872_SHUM293_258Empathie est un terme de plus en plus fréquemment employé. Sciences Humaines, dans son numéro de juin 2017, nous offre un dossier sur l’empathie (1).

« L’empathie est une notion désignant la compréhension des sentiments et des émotions d’un autre individu, voire, dans un sens plus général de ses états non émotionnels, de ses croyances. En langage courant, ce phénomène est souvent rendu par l’expression : « se mettre à la place de l’autre ». Cette compréhension se traduit par un décentrement, et peut mener à des actions liées à la survie du sujet visé par l’empathie. Dans l’étude des relations interindividuelles, l’empathie est donc différente des notions de sympathie, de compassion, d’altruisme qui peuvent en résulter ». Cette définition de Wikipedia (2) converge avec les significations dégagées par Sciences Humaines : « L’empathie cognitives consiste à comprendre les pensées et intentions d’autrui… L’empathie affective est la capacité de comprendre, non pas les pensées, mais les émotions d’autrui…L’empathie compassionnelle est l’autre nom de la sollicitude. Elle ne consiste pas simplement à constater la souffrance ou la joie d’autrui, mais suppose une attitude bienveillante à son égard ». Ainsi, en regard d’un individualisme égocentré, l’empathie fonde une relation attentionnée à autrui : « Se mettre à la place des autres ». Elle débouche sur la sollicitude, sur la bienveillance, sur la sympathie. C’est une capacité qui nourrit les relations humaines.

 

La montée de l’empathie

Pour qui perçoit les expressions de ceux qui s’intéressent à la vie humaine et à sa signification, à la fois sur le Web et dans la littérature courante, il apparaît que le terme : empathie est de plus en plus employé. Et on observe la même évolution positive pour un terme comme : bienveillance. On ressent là un changement d’attitude, une évolution dans les représentations comme si un nouveau paradigme émergeait peu à peu dans la vie sociale. A une époque troublée comme la notre, où les menaces abondent, où la violence s’exprime de diverses manières, notamment sur le Web, n’y aurait-il pas là une tendance à long terme qui soit pour nous une source d’encouragement et d’espoir. Dans ce dossier de Sciences Humaines, un article introductif de Jean-François Dortier : « Empathie et bienveillance, révolution ou effet de mode ? », nous aide à y voir plus clair (3).

« Comment un mot quasi inconnu, il y a un demi-siècle, a pris autant d’importance en si peu de temps ? Ce succès du mot en dit long tant sur la façon de penser les rapports humains que sur nos attentes dans ce domaine ». Jean-François Dortier nous présente ainsi un graphique très évocateur sur l’usage du mot « empathie » dans les livres de langue française de 1950 à aujourd’hui. En lente progression durant les décennies 1960, 1970 et 1980, l’usage grimpe en flèche dans les décennies 1990 et 2000.

De fait, cette progression est d’autant plus puissante  que la recherche sur ce thème et l’intérêt qu’il éveille, s’exerce dans une grande variété de champs. «  Dans le monde animal, l’éthologue Franz de Waal se taille de beaux succès avec ses ouvrages sur l’empathie chez les primates… Dans le règne animal, la solidarité est omniprésente… Chez le petit humain, l’empathie joue un rôle fondamental dès la naissance… ». Et cette disposition est nécessaire dans tout le processus d’éducation. Mais, plus généralement, « l’empathie est devenue un enjeu humain majeur pour comprendre les humains et construire le « vivre ensemble ». Au travail, à l’école, à l’hôpital, et même en politique (4), l’empathie et son corollaire la bienveillance sont sollicitées pour rendre les collectifs humains plus viables ». Il peut y avoir des difficultés et des oppositions, mais progressivement secteur après secteur, la bienveillance gagne du terrain. Ainsi, à la fin du XXè siècle, elle s’impose dans la théorie et la pratique du « care ». Elle va de pair avec l’apparition de la « communication non violente » et l’essor de la psychologie positive au début du XXIè siècle. Et comme en traite deux articles dans ce dossier, elle inspire de plus en plus l’éducation et pénètre dans la gestion des entreprises. A cet égard, nous avons rendu compte sur ce blog du livre phare de Jacques Lecomte : « Les entreprises humanistes. Comment elles vont changer le monde » (5). Par ailleurs, la progression de l’empathie dans les mentalités se réalise à l’échelle internationale comme le montre l’économiste et philosophe américain, Jérémie Rifkin, dans un livre de synthèse : « The empathic civilization. The rise to global consciousness in a world in crisis » (2009) traduit en français sous le titre : Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie » (6).

 

Un changement de regard

Face à une vision pessimiste de l’homme qui enferme celui-ci dans le mal et la violence, une vision qui remonte loin dans le temps et s’est appuyée sur des conceptions religieuses et philosophiques (7),

à l’encontre, un puissant mouvement est apparu et met l’accent sur la positivité. Il se manifeste à la fois dans les idées et dans les pratiques. En février 2011, déjà, Sciences Humaines avait publié un dossier : « Retour de la solidarité : empathie, altruisme, entraide » (8). Et Martine Fournier, coordinatrice de ce dossier, pouvait écrire : « L’empathie et la solidarité seraient-elles devenues un paradigme dominant qui traverse les représentations collectives ? De l’individualisme et du libéralisme triomphant passerait-on à une vision portant sur l’attention aux autres ? Le basculement s’observe aussi bien dans le domaine des sciences humaines et sociales qu’à celles de la nature. Ainsi, alors que la théorie de l’évolution était massivement ancrée dans un paradigme darwinien « individualiste » centré sur la notion de compétition et de gêne égoïste, depuis quelques années un nouvel usage de la nature s’impose. La prise en compte des phénomènes de mutualisme, symbiose et coévolution entre organismes tend à montrer que l’entraide et la coopération seraient des conditions favorables de survie et d’évolution des espèces vivantes à toutes les étapes de la vie ».

Il y a là un changement de regard. Les découvertes elles-mêmes dépendent pour une part des questions posées, c’est à dire d’une nouvelle orientation d’esprit. Une transformation profonde de la manière de penser et de sentir est en cours. Cette transformation porte une signification spirituelle. Elle rompt avec des représentations anciennes. Elle s’inscrit dans un contexte d’universalisation où différentes traditions viennent apporter leur contribution. Pour notre part, nous nous référons à la « parabole du bon samaritain » rapportée dans l’Evangile de Luc (10.29-37). L’empathie compassionnelle s’y manifeste puissamment. « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups et s’en allèrent, le laissant à demi mort… » Passent deux religieux sans lui prêter attention. « Mais un samaritain qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit… Il prit soin de lui ». Dans un livre sur la philosophie de l’histoire : « Darwin, Bonaparte et le Samaritain », Michel Serres voit notre humanité en train de sortir d’un état de violence et de guerre dans lequel elle a été enfermée pendant des millénaires. Et si la paix commence à apparaître, Michel Serres voit dans la figure du Samaritain l’emblème de l’entraide et de la  bienveillance. Cette parole de Jésus a grandi et porté des fruits.

 

Empathie, bienveillance : l’audience de ces notions est-elle un effet de mode ou une révolution ? S’interroge Jean-François Dortier dans le titre de son article en introduction du récent dossier de Sciences Humaines. Dans les tempêtes de l’actualité, on perçoit et on déplore des pulsions de violence et d’agressivité. Mais, par delà, à une autre échelle de temps, on peut apercevoir un autre mouvement. Le montée de l’empathie et de la bienveillance nous parait plus qu’un effet de mode.  Lorsqu’on mesure l’ampleur et la pénétration de ce mouvement, on peut y voir une évolution en cours des mentalités.

 

J H

 

(1)            Dossier : Les pouvoirs de l’empathie, p 24-45. Sciences Humaines, juin 2017

(2)            Empathie : Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Empathie

(3)            Jean-François Dortier. Empathie et bienveillance. Révolution ou effet de mode ? Sciences Humaines, juin 2017, p 26-31

(4)            Pour la première fois à notre connaissance, la bienveillance est apparue en politique. Ce fut dans la campagne présidentielle en marche d’Emmanuel Macron. Edouard Tétreau nous fait part de cette réalité dans un article des Echos : « Les leçons de la start Up Macron » (15 mai 2017) : « Leçon numéro 3 : cette réussite tient aussi – surtout ? – à un mot et une réalité bien rarement vue et entendue dans ma génération et les précédentes, dans le monde du travail en France. Ce mot et cette réalité s’appellent la bienveillance. En jetant les bases de son mouvement et de son pari, Emmanuel Macron a exigé, et obtenu, de ses plus proches collaborateurs, cette qualité-là. La bienveillance entre eux, et vers l’extérieur. Les cyniques du XXème siècle, ceux qui n’ont rien compris au film de ces dernières semaines, doivent s’esclaffer à l’évocation de ce mot, signifiant le « sentiment par lequel on veut du bien à quelqu’un ». La bienveillance n’est pas la faiblesse, ou la gentillesse façon Bisounours. Elle est l’apanage des forts, qui choisissent de mettre de côté leurs petits intérêts privés pour se mettre au service de l’intérêt général. Les médiocres ne pouvant s’occuper que d’eux-mêmes ».

(5)            Jacques Lecomte. Les entreprises humanistes. Les Arènes, 2016. Mise en perspective sur ce blog : « Vers un nouveau climat de travail dans une entreprise humaniste et conviviale » : https://vivreetesperer.com/?p=2318

(6)            Jérémie Rifkin. Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie. Les Liens qui Libèrent, 2011. Mise en perspective sur le site de Témoins : « A propos du livre de Jérémie Rifkin » : http://www.temoins.com/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux/

(7)            Ce regard négatif sur l’homme a été lié à une conception écrasante du péché originel. Voir à ce sujet : Lytta Basset. Oser la bienveillance. Albin Michel, 2014  Voir sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=1842 Un autre facteur a été le Darwinisme social associé à une conception matérialiste. Voir le chapitre : « The theory of evolution and christian theology : from « the war of nature » to natural cooperation and from « the struggle for existence » to mutual recognition » p 209-223, dans : Jürgen Moltmann. Sun of righteousness, arise ! God’s future for humanity and the Earth. Fortress Press, 2010

(8)            Le retour de la solidarité. Dossier animé par Martine Fournier. Sciences humaines, février 2011. Mise en perspective sur ce blog : « Quel regard sur la société et sur le monde ? » : https://vivreetesperer.com/?p=191

(9)            Michel Serres. Darwin, Bonaparte et le samaritain. Une philosophie de l’histoire. Le pommier, 2016. Sur ce blog, mise en perspective : « Au sortir de massacres séculaires, vers un âge doux portant la vie contre la mort » : https://vivreetesperer.com/?p=2479

 

Voir aussi :

« Pour un processus de dialogue en collectivité » : https://vivreetesperer.com/?p=2631

« Branché sur le beau, le bien, le bon » :

https://vivreetesperer.com/?p=2617

« Comment la bienveillance peut transformer nos relations :

https://vivreetesperer.com/?p=2400