par jean | Mai 6, 2019 | ARTICLES |
Une vision spirituelle, dans et pour le monde
A certains moments dans l’histoire, de grandes personnalités émergent. Elles portent une cause et vivent un idéal. Ce fut le cas de Mandela et de Gandhi (1). En France, ce fut le cas de Jean Jaurès. Eric Vinson et Sophie Viguier-Vinson ont écrit à leur sujet. Et nous revenons ici sur un de leurs livres : « Jaurès le prophète. Mystique et politique d’un combattant républicain » (2). « Tout le monde croit connaître Jean Jaurès, icône républicaine qui demeure encore dans les mémoires, cent ans après sa mort (en 1914), le père du socialisme français, le fondateur de « l’Humanité », l’historien de la Révolution Française, l’inlassable combattant dreyfusard, le champion parlementaire de la séparation des Eglises et de l’Etat, le pacifiste assassiné à la veille de la Grande Guerre (3). Mais d’où lui venait ce souffle qui l’habitait, quel était le fondement de son élan humaniste et en quoi croyait-il ? » (2a). Eric et Sophie Vinson décrivent et analysent ici la pensée philosophique, métaphysique de Jean Jaurès dans le contexte de son époque.
Voilà une recherche qui nous concerne. A certains moments de l’histoire, dans telle conjoncture, l’accès à une inspiration religieuse peut être entravé parce que l’institution correspondante s’enferme, s’éloigne de la vie, adopte une posture dominatrice . Au XIXè siècle, l’Eglise catholique s’érigea en pouvoir hostile aux acquis de la Révolution Française. Ce fut « la guerre des deux France ». Mais alors comment le christianisme pouvait-il être vécu, lui, qui, en France, avait été associé, pour une part importante, au catholicisme ? Comment l’inspiration évangélique allait elle contribuer à irriguer la société française ? Lorsque l’eau vive se heurte à un barrage, elle prend de nouveaux chemins. Dans notre humanité, il nous faut explorer et reconnaître les formes nouvelles qui viennent compenser un manque. Aujourd’hui, au cours des dernières décennies, un écart s’est creusé entre les institutions religieuses, accusé pour certaines, moindre pour d’autres, et une nouvelle manière de vivre et de penser. Aujourd’hui encore des scandales apparaissent qui témoignent de l’inadéquation et de la faillite de tel système religieux Alors, pour que l’inspiration spirituelle, l’inspiration évangélique, puissent continuer à irriguer notre société, il est important que des pensée et des formes nouvelles apparaissent en apportant, dans toute sa diversité, une offre renouvelée. La question s’est posée à la fin du XIXè siècle. Dans une autre contexte, elle se pose aujourd’hui.
Voilà pourquoi, le livre d’Eric et de Sophie Vinson nous paraît important, car il nous montre, entre autres, comment, à cette époque, Jean Jaurès a fondé son action politique et sociale sur une vision spirituelle. Cette vision s’est exprimée dans une dimension philosophique. « Jean Jaurès est non seulement un philosophe, normalien, agrégé, un auteur rivalisant avec Bergson, mais aussi un authentique spirituel. Si l’on néglige sa thèse sur « la réalité du monde sensible », si l’on passe à côté de sa spiritualité- qui s’oppose au pouvoir temporel de l’Eglise catholique, mais reconnaît en l’homme la présence du divin-, on ignore les principes mêmes qui ont guidé toute son action » (2a).
La réalité du monde sensible
Eric et Sophie Vinson nous exposent la pensée de Jaurès telle qu’elle se déploie dans sa thèse principale de philosophie : « De la réalité du monde sensible » éditée en 1891 et rééditée quasiment à l’identique en 1902. « Nous voulons », disent-ils, « présenter cette philosophie en elle- même, à partir de sa dimension spirituelle ». Dans ce bref article, nous ne pouvons suivre le fil du raisonnement qui nous est décrit dans ce livre auquel on se reportera. Nous nous bornerons à quelques notations.
En affirmant la « réalité du monde sensible », Jaurès s’oppose d’une part au « subjectivisme qui réduit le monde sensible, matériel, au sujet », et, d’autre part, « au matérialisme qui réduit le sujet au monde matériel » (p 68). Et il dépasse « le divorce du sujet et de l’objet, grâce à la notion d’être, ce grand « englobant » métaphysique injustement oublié par les deux courants rivaux : subjectivisme et matérialisme (p 55).
Ce qu’affirme Jaurès, c’est « l’unité dynamique de tout ce qui est » (p 64). « Nous constatons qu’il y a dans toutes les consciences individuelles , une conscience absolue et indépendante de tout organisme étroit et éphémère, qu’elle est présente partout sans être enchainée nulle part, qu’elle n’a d’autre sens que l’infini lui-même, et qu’ainsi toutes les manifestations de l’infini, l’espace, la lumière, le son, trouvent en elle, leur centre de ralliement et une garantie d’éternelle réalité » ( p 57). Et c’est dans cette perspective que Jaurès envisage la divinité : « Dieu ne doit pas être pensé sur notre modèle, seulement plus grand. Il est la réalité elle-même… ». « La conscience absolue n’est pas un moi comme les autres, elle est le moi de tous les mois, la conscience de toutes les consciences… » ( p 65). Les auteurs nous expliquent les ressorts de cette pensée. « Ce Dieu-conscience absolue » semble être en quelque sorte l’« intériorité » profonde – autrement dit le « cœur » – des mois particuliers, des consciences individuelles comme des vérités rationnelles. Présent en eux au tréfonds, Il ne se réduit pas à eux et les dépasse qualitativement de manière infinie. Mais Il les rassemble aussi par Sa seule présence, « unité de toutes les unités ». Actif au cœur de toutes les réalités finies, Lui, l’infini divin, il les contient ainsi toutes d’un certain point de vue…Et cela constitue l’ ordre ordinaire des choses simples, simplement incompris et même inaperçu par la plupart ». A deux reprises, Jaurès cite textuellement le discours de Paul devant l’aéropage (Actes 17. 28) : « En la Divinité, nous avons la vie, le mouvement et l’être » (p 64).
A la suite de ce raisonnement, la conclusion de la thèse vient nous éclairer en rejoignant notre expérience quotidienne : « Précisément parce que c’est la conscience absolue qui fait la réalité du monde, tous les individus, toutes les forces du monde gardent leur réalité familière et leurs devoirs familiers . Dieu, en se mêlant au monde, n’y répand pas seulement la vie et la joie, mais aussi la modestie et le bon sens… Dans la conscience absolue et divine, ce n’est pas seulement le ciel grandiose et étoilé qui trouve sa justification, mais aussi la modeste maison où, outre la table de famille et le foyer, l’homme, avec ses humbles outils, gagne pour lui et les siens, le pain de chaque jour » (p 66) .
Dans un chapitre : « Du panthéisme à la « Philosophia Perennis », les auteurs s’emploient à situer la pensée de Jaurès parmi les grandes tendances philosophiques. Nous retiendrons ceci : « Dieu et le monde sont un de point de vue de l’immanence divine… mais du point de vue de la transcendance divine, Dieu et le monde sont également distincts et dans un rapport « hiérarchique » puisque Dieu ne se limite pas au monde… C’est un point de vue qui peut être reconnu comme panenthéiste » : Dieu est partout, en tout et tout est en Dieu… mais tout n’est pas Dieu au sens où la réalité divine excède infiniment la réalité perceptible qu’il habite néanmoins intimement et qui ne saurait être sans Lui » (p 75). Dans le mouvement de la théologie chrétienne, Jürgen Moltmann vient aujourd’hui éclairer cette dimension panenthéiste dans sa théologie de la création (4) .
Reliance spirituelle à travers l’histoire
En cette fin du XIXè siècle, l’institution catholique s’oppose au mouvement des idées et s’enferme dans la défense d’un système dominateur . Et, à l’opposé, s’affirme une conception athée et matérialiste. Dans ce contexte, nous avons vu combien Jean Jaurès exprime une vision spirituelle. Eric et Sophie Vinson nous montre qu’il n’est pas isolé. Il s’inscrit dans un courant de pensée, vaste et diversifié. C’est dire que, face aux enfermements, il y a là beaucoup de chercheurs qui oeuvrent pour une ouverture spirituelle. L’inspiration chrétienne peut y trouver sa place.
« Comme l’a montré Paul Bénichou, dans sa monumentale étude sur les « Romantismes français », l’intelligence et les lettres françaises sont travaillées par une question fondamentale : après l’ouragan de la Révolution, le catholicisme peut-il encore incarner l’autorité spirituelle ? Au prix de quelles adaptations ? Et si l’Eglise doit perdre le mandat du Ciel » en même temps que la monarchie, par quoi, par qui et comment la remplacer ? » ( p 109) ?
Les auteurs évoquent ensuite de nombreuses personnalités, parmi lesquelles nous retiendrons ici : « Edgar Quinet qui espérait « protestantiser » la France pour établir durablement la démocratie, Alexis de Tocqueville qui initia une longue « tradition sociologique » de recherche sur l’impact de la problématique religieuse en matière de transformation sociale et de transformation du lien social, Lamennais, Lacordaire et Ozanam, pionniers de la question sociale venus du catholicisme, Pierre Leroux et Philippe Buchez, porteurs d’un « socialisme chrétien ». Ils évoquent de nombreux courants : « les effusions politico-religieuses de 1848, la montée des idéaux démocratiques et sociaux dans la franc-maçonnerie, le « socialisme utopique » français, un ésotérisme, le courant occultiste, Victor Hugo, « le plus grand poète français, conscience morale de la République naissante, prophète d’un avenir démocratique et social » sans compter presque tous les grands écrivains français d’alors (Balzac, Stendhal, Flaubert, Georges Sand etc) chez lesquels on peut trouver des passages ou des livres entiers, en rapport avec le spirituel et l’ésotérisme » (p 103-105).
On ne doit pas seulement envisager le mouvement des idées à l’échelle française, mais plus largement à l’échelle européenne. Et, à cet égard, Jean Jaurès s’est également inspiré de la pensée germanique, en particulier de la « Naturphilosophie » (p 106). Les auteurs citent un article de Jaurès sur le poème de Victor Hugo, intitulé « Dieu » : « Si tout est nature, il faut comprendre la nature dans sa profondeur et dans son mystère et, comprise à fond, elle révèle Dieu, ou plutôt, elle est l’expression même de Dieu… La nature est embrasée d’esprit et l’esprit, sans sortir de l’ordre naturel et de ses lois, peut prétendre à de prodigieux développements » ( p 107-108). Cette vision du monde se traduit en action. « Si Dieu est, c’est à dire qu’il y a un foyer idéal et réel tout ensemble de nature et de la conscience, nous pouvons sans contradiction tenter d’élever la nature et toutes les consciences à l’unité à l’ordre, à la justice, à la joie. En ce sens aussi, Dieu est agissant… Je vous assure qu’il se fait en ce moment dans les esprits un travail immense pour retrouver Dieu dans la nature et l’idéal dans le réel. En même temps que les foules souffrantes aspirent vers le juste, les âmes pensantes font effort vers le vrai et vers le divin. Il y a dans le socialisme aussi des ferments mystiques : les hommes qui ont le sens de l’éternel comme Hugo, sont les seuls qui aient vraiment le sens de leur temps » ( p 108-109). Si ce texte date de la fin du XIXè siècle, on peut penser qu’il éveille un écho dans notre société en recherche de sens, d’un nouveau rapport avec la nature et d’une dimension écologique.
La spiritualité de Jaurès fut, à l’époque, méconnue par ceux qui ne voulaient pas la voir. Et aujourd’hui, il en est de même. Selon les auteurs, le terme de « Dieu » serait devenu « pesant et incongru à la fois, en tout cas hors d’un contexte confessionnel » . Cependant dans le mouvement écologique qui se développe aujourd’hui, une vision nouvelle de la nature apparaît . Certains y reconnaissent la présence du divin . Une théologie de la création se manifeste. Des articles parus sur ce blog témoignent de cette évolution (5). En 1988, paraît en France un livre pionnier de Jürgen Moltmann : « Dieu dans la création », intitulé, dès cctte époque : Traité écologique de la création » (4). L’œuvre de l’Esprit y est mise en évidence : « Le Dieu trinitaire inspire sans cesse toute sa création. Tout ce qui est, existe et vit grâce à l’affluence permanente des énergies et des possibilités de l’Esprit cosmique. C’est pourquoi, il faut comprendre toute réalité créée de façon énergétique, comme possibilité réalisée de l’Esprit divin. Grâce aux possibilités et énergies de l’Esprit, le Créateur lui-même est présent dans sa création . Il ne s’oppose pas à elle par sa transcendance, mais entre en elle et lui demeure en même temps immanent » (p 22-23). En se reportant à la pensée de Jean Jaurès dans sa thèse : « De la réalité du monde sensible », il y a une proximité dans les deux approches.
Une inspiration pour notre temps
Dans leur livre sur Jean Jaurès, Eric et Sophie Vinson expriment « l’urgence démocratique actuelle de trouver une voie – d’entendre une voix – pour relier, dynamiser, concrétiser la quête de sens individuelle et collective, en pleine faillite du désordre établi » (p 24). « Leur essai propose, textes sources à l’appui, un fil conducteur stimulant, original dans le dédale de cette existence remarquable. Ce fil conducteur ? Le spirituel suivi à travers les principales facettes – de faits inséparables et quasi simultanés – de cet homme-fleuve. Un fil conducteur spirituel qui pourrait, en outre, avoir quelque utilité pour nous, qui errons dans un monde sans repères en plein bouleversement. Revisiter l’ouverture jaurésienne, c’est se poser les questions des rapports entre spiritualité et démocratie, entre mystique et politique, entre métaphysique et socialisme, entre éthique et pouvoir, entre conviction et responsabilité… » (p 25-26). On peut ajouter la pertinence de cette pensée dans notre avancée écologique.
Conscients de ce besoin de sens et d’inspiration, Eric et Sophie Vinson envisagent la personnalité de Jean Jaurès parmi d’autres figures historiques qui leur paraissent présenter des ressemblances. C’est ce qu’ils appellent « la famille des « spirituels engagés » ou des « mystiques militants » parmi lesquels ils rangent M K Gandhi, Nelson Mandela (1), Martin Luther King, le Dalaï Lama pour ne citer que les plus connus. « Et si l’étude de ces spirituels engagés, à commencer par Jaurès si typiquement français, nous permettait d’entrevoir l’aube d’un nouvel humanisme en politique… » ( p 26).
Cependant cette aspiration s’inscrit dans une durée historique. A travers le temps, nous voyons ainsi un fil conducteur dans la vision d’un monde qui n’est pas abandonné à une destinée aveugle, mais habité par la présence du divin. C’est l’approche de Jean Jaurès dans sa thèse sur « la réalité du monde sensible ». Aujourd’hui, c’est aussi celle de Jürgen Moltmann dans sa théologie de l’espérance. Une nouvelle vision de la création émerge et accompagne la prise de conscience écologique. Ainsi, on peut redire avec Jean Jaurès : « Si Dieu est, c’est à dire qu’il y a un foyer idéal et réel tout ensemble de la nature et de la conscience, nous pouvons sans contradiction tenter d’élever la nature et toutes les consciences à l’unité, à l’ordre, à la justice, à la joie » ( p 108).
J H
- Eric Vinson. Sophie Viguier-Vison. Mandela et Gandhi. La sagesse peut-elle changer le monde ? Albin Michel, 2018 Mise en perspective : « Non violence. Une démarche spirituelle et politique » : https://vivreetesperer.com/non-violence-une-demarche-spirituelle-et-politique/
- Eric Vinson. Sophie Viguier-Vinson. Jaurès le prophète. Mystique et politique d’un combattant républicain, Albin Michel, 2014 2a quatrième de couverture Nous n’avons abordé ici qu’une partie limitée de ce livre remarquable qui couvre tous les aspects de la vie de Jean Jaurès, ce « prophète ». C’est une lecture particulièrement fructueuse.
- Un fait marquant dans la lutte de Jaurès pour la paix : « Un été pas comme les autres. Le début de la grande guerre et l’assassinat de Jaurès. Un édito vidéo d’Antoine Nouis dans Réforme » : https://www.temoins.com/un-ete-pas-comme-les-autres-le-debut-de-la-grande-guerre-et-lassassinat-de-jean-jaures-un-edito-video-dantoine-nouis-dans-reforme/
- Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1998 « Si on comprend le créateur, la création et son but de façon trinitaire, alors le créateur habite par son Esprit dans l’ensemble de la création et dans chacune de ses créatures et il les maintient ensemble et en vie par la force de son Esprit » ( p 8)
- « Le Dieu vivant et la plénitude de vie » : https://vivreetesperer.com/le-dieu-vivant-et-la-plenitude-de-vie-2/ « Un Esprit sans frontières » : https://vivreetesperer.com/un-esprit-sans-frontieres/ « Convergences écologiques : « Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/ La publication de l’encyclique Laudato Si’ par le Pape François est un moment important dans la montée d’une théologie écologique.
par jean | Mar 6, 2019 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
Une institutrice témoigne.
Savoir demander pardon !
Un adulte qui demande pardon à un enfant : savez-vous que cela peut exister ? Cette attitude n’est pas courante dans la société actuelle. Voilà pourquoi j’ai admiré mon amie Virginie. Elle est enseignante dans le primaire. Les enfants sont durs et ils ont le don de mettre les nerfs de leurs enseignants à bout, m’a-t-elle raconté. Et ce jour-là, le petit (appelons-le) Martin l’a particulièrement énervée. Elle, habituellement si placide, a perdu patience et l’a rudement admonesté. La journée a passé, les nerfs à fleur de peau. Bien sûr, Virginie n’était pas trop contente d’elle. La réaction habituelle est, bien souvent, de refouler ce malaise intérieur. Virginie, au contraire, s’est remémorée la situation et a pensé à l’enfant, m’a-t-elle dit. « Je n’aime pas penser qu’un enfant vienne à l’école, la peur au ventre, dans la crainte de se voir à nouveau rejeté dans ses réactions ». Et, geste que j’ai trouvé admirable, elle a demandé pardon à l’enfant devant sa maman. Celle-ci a été choquée que cette maîtresse « s’abaisse » ainsi devant un enfant. Elle n’avait pas compris que ce n’était pas perdre son autorité que de reconnaître ses torts et de montrer que l’adulte n’est pas parfait. Au contraire, l’enfant se sent d’autant plus en confiance qu’il n’est pas soumis à une pression autoritaire. Tout enfant est sensible à la justice et il reconnaît la vraie autorité. Reconnaître ses erreurs est une attitude de force et non de faiblesse. Cette maman, sans le formuler ainsi, a dû le ressentir, car, d’après mon amie Virginie, elle est partie contente. S’est-elle, elle-même, sentie valorisée à travers son enfant ? C’est probable.
J’ai connu un père qui demandait ainsi pardon à son fils lorsqu’il s’énervait ou se trompait. J’ai constaté qu’un grand courant de confiance et d’affection passait entre eux. Et j’ai apprécié ce sentiment de joie chez l’enfant, déjà adolescent, le jour où il s’est exclamé : « C’est bien de se disputer. Après on est content de se réconcilier ». Une sorte de connivence s’était établie entre eux.
Tout geste positif entraîne d’abondantes bénédictions. Cela me rappelle la recommandation de Paul aux chrétiens de Galates (6.1..). « Frères, si quelqu’un s’est laissé surprendre par une faute , vous, qui vous laissez conduire par l’Esprit, ramenez-le dans le droit chemin avec affection et douceur, en évitant tout sentiment de supériorité. Et toi qui interviens, fais attention de ne pas tomber toi-même dans l’erreur. ». Jésus a montré beaucoup de sollicitude et de respect pour les enfants. Les mots bibliques de douceur et humilité sont peu employés de nos jours dans la vie courante. Par contre, le respect est fréquemment invoqué et il est souvent réclamé par des jeunes et des moins jeunes. N’est-ce pas là une attitude préalable à toute relation vraie et à un véritable amour pour le prochain ?
Cette histoire a été pour moi une source de réflexion que je partage ici, comme un éveil à la beauté qui se dégage d’une relation vécue dans l’amour et la vérité. Merci, Virginie, de m’avoir raconté ta mésaventure avec tant de simplicité.
Odile Hassenforder
Dix ans après son départ en mars 2009, ce blog continue à s’inspirer de la pensée d’Odile et de son livre : « Sa présence dans ma vie » dont des extraits sont régulièrement publiés sur ce site : https://vivreetesperer.com/odile-hassenforder-sa-presence-dans-ma-vie-un-temoignage-vivant/
Cet article, mis en ligne en mars 2007 sur le site : Témoins, avait échappé à la recension du livre, et nous le publions ici. Dans sa version initiale, il est suivi par le témoignage de Virginie auquel on pourra se reporter : http://www.temoins.com/lenfant-une-personne-a-respecter-une-institutrice-temoigne/
Ce récit nous « éveille à la beauté qui se dégage d’une relation vécue dans l’amour et la vérité ». Mais il appelle aussi au respect de l ‘enfant. On peut se réjouir que cette conscience s’étende et s’affirme aujourd’hui. C’est le cas dans l’approche Montessorienne qui se diffuse aujourd’hui sur différents modes et notamment dans l’expérience et la pensée de Céline Alvarez : « Pour une éducation nouvelle, vague après vague » : https://vivreetesperer.com/pour-une-education-nouvelle-vague-apres-vague/
C’est aussi le cas dans l’éducation bienveillante qui peut s’appuyer sur la Communication Non Violente (CNV) . A cet égard, on pourra consulter le blog de Coralie Garnier :les6doigtsdelamain, qui nous présente une approche de « parentalité positive ». On pourra y lire le récit de l’entretien de Coralie avec le professeur de sa fille qui avait injustement rabroué celle-ci. Dans une inspiration de communication non violente, une finesse et sa compréhension qui engendrent la réussite du dialogue, l’attitude de Coralie et la description de la conversation nous paraissent exemplaires. Respect de l’enfant, respect de l’adulte : « Mon entretien délicat avec le professeur de ma fille » : https://les6doigtsdelamain.com/mon-entretien-delicat-avec-la-professeur-de-ma-fille/
par jean | Déc 6, 2018 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
La vie aspire à plus qu’au bonheur
« There is more to life than being happy »
Selon Emily Esfahani Smith
Quelle vie voulons-nous avoir ? Qu’est-ce que nous recherchons en premier dans notre vie ? Quelle est notre représentation de la vie bonne, de la vie pleine ? Incidemment, ce questionnement transparait dans les vœux que nous faisons à nos proches et à nos amis au nouvel an ou lors d’un anniversaire. Le mot bonheur vient alors à notre esprit. Mais comment envisageons-nous le bonheur ? Sans doute, nous ne donnons pas tous la même signification à ce terme. Une jeune psychologue américaine, Emily Esfahani Smith nous appelle à réfléchir à cette question dans un entretien vidéo TED : « There is more to life than being happy » (1).
De fait, il s’agit là d’une question existentielle, une question qui implique toute notre existence. Et si Emily l’aborde aujourd’hui en psychologue, c’est parce qu’elle se l’est posée d’abord dans sa première jeunesse, dans sa vie d’étudiante. Ce questionnement a débouché sur une recherche qui s’est inscrite dans le champ de la psychologie, une psychologie elle-même en quête aujourd’hui dans ce domaine. Et, comme on le verra, ce mouvement n’est pas une particularité américaine. Il est aujourd’hui international.
Déjà, après la seconde guerre mondiale, un psychiatre, Viktor Frankl (2), en sortant de camps de concentration, avait mis en évidence l’importance vitale du sens qui donne à notre vie une capacité de résister aux épreuves et une force dans la vie. Dans une autre conjoncture, à un autre moment de l’histoire, Emily a été conduite également à se poser la question du sens, car elle s’est rendu compte que la recherche d’un bonheur superficiel, en terme de satisfaction individualiste et passagère, débouchait sur une impasse. Ainsi nous dit-elle : « Avant, je pensais que le but de la vie était la poursuite du bonheur. Tout le monde disait que le chemin du bonheur était la réussite, alors j’ai cherché ce travail idéal, ce petit ami idéal, ce bel appartement. Mais, au lieu de me sentir satisfaite, je me sentais anxieuse et à la dérive. Je n’étais pas seule. Mes amis aussi rencontraient des difficultés ». Et, en suivant des cours de psychologie positive à l’université, Emily a découvert qu’il y avait bien un malaise largement répandu dans la société. Si la poursuite du bonheur est aujourd’hui une motivation courante, elle s’avère manifestement défaillante. « Ce qui m’a vraiment frappé est ceci : Le taux de suicide est en augmentation à travers le monde et en Amérique, il a récemment atteint son point le plus haut en trente ans. Même si objectivement les conditions de vie s’améliorent… plus de gens se sentent désespérés, déprimés et seuls. Il y a un vide qui ronge les gens et il ne faut pas forcément être en dépression clinique pour le ressentir. Tôt ou tard, nous nous demandons tous : Est-ce là tout ? ».
On doit aller plus loin dans la compréhension de la vie. « De nombreux psychologues définissent le bonheur comme un état de confort et d’aisance, se sentir bien dans l’instant ». Cependant, comme l’indique en France le psychologue Jacques Lecomte, le bien–être ne suffit pas. Nous avons besoin également d’une motivation, d’une inspiration qui nous sont apportées par le sens que nous donnons à notre vie (3). Ainsi Emily a choisi d’entrer dans la voie du sens. « Notre culture est obsédée par le bonheur, mais j’ai découvert que chercher du sens est la voie la plus épanouissante. Les études montrent que les gens qui trouvent du sens à leur vie sont plus résilients, s’en sortent mieux à l’école et vivent plus longtemps ». Parce que cette question lui paraissait essentielle, Emily s’est engagée dans la recherche. Pendant cinq ans, « elle a interviewé des centaines de gens et lu des milliers de pages de psychologie, de neuroscience et de philosophie ». Elle a publié un livre : « The power of meaning crafting a life that matters » qui vient d’être traduit en français sous le titre : « Je donne du sens à ma vie. Les quatre piliers essentiels pour vivre pleinement » (4).
Les quatre piliers essentiels pour vivre pleinement.
Emily distingue quatre piliers pour vivre pleinement : l’appartenance, la raison d’être, la transcendance, la mise en récit.
« Le premier pilier est l’appartenance. L’appartenance découle du fait d’être dans des relations ou vous êtes estimé pour qui vous êtes intrinsèquement et où vous estimez également les autres ». Cependant, l’appartenance n’est pas une panacée, car tout dépend de la qualité du groupe auquel on appartient. « La vraie appartenance émane de l’amour. Elle existe dans de moments partagés entre deux personnes ». Nous savons combien les relations ont une importance vitale (5). Emily donne un exemple : Lorsque son ami Jonathan achète régulièrement son journal au même vendeur de rue à New York, il se crée là aussi une relation qui induit une reconnaissance réciproque, un climat de confiance Elle évoque un incident où cette confiance a été ébréchée. Il est important de veiller à la qualité de nos relations. « Je passe devant une personne que je connais sans la reconnaître. Je regarde mon téléphone quand quelqu’un me parle. Ces actions dévaluent les autres. Il les font se sentir invisibles et sans valeur. Quand vous avancez avec amour, vous créez un lien qui nous tire tous vers le haut ».
Pour beaucoup, l’appartenance est la source essentielle de sens dans la vie. Pour d’autres, la clé du sens est la poursuite d’un but qui donne une raison d’être. C’est le second pilier. « Trouver un but dans la vie n’est pas la même chose que de trouver un travail qui vous rend heureux ». Avoir un but dans la vie pour le bien des autres est une motivation qui engendre orientation et mobilisation de la vie. « Un agent hospitalier m’a dit que son but était de guérir les malades. Beaucoup de parents me disent que leur but est d’élever leurs enfants. La clé du but dans la vie est d’utiliser nos forces pour servir les autres . Bien sur, beaucoup d’entre nous le font à travers leur travail. C’est ainsi que nous contribuons et nous sentons utiles. Cela signifie aussi que des problèmes tels que le désengagement au travail, le chômage, un faible taux de participation à la vie professionnelle ne sont pas que des problèmes économiques, ce sont des problèmes existentiels. En n’ayant pas quelque chose de louable à faire, les gens sont perdus ».
Il y a une troisième manière d’accéder à un sens dans sa vie. C’est la transcendance. La transcendance se manifeste dans des contextes différents, par exemple dans la vie en église ou dans des communautés religieuses. Elle apparaît également dans des expériences spirituelles (6). « Les états de transcendance sont ces rares moments où vous vous élevez au dessus de l’agitation quotidienne. Votre conscience de vous même s’estompe et vous vous sentez connectés à une réalité supérieure. Pour moi, en tant qu’écrivain, cela se produit à travers l’écriture. Parfois cela m’emporte tellement que je perd tout sens de l’espace-temps. Ces expériences transcendantes peuvent nous changer. Dans une recherche, on a demandé à des étudiants de regarder un eucalyptus de 60 mètres de haut pendant une minute. Après cela, ils se sont sentis moins égocentriques et se sont comportés plus généreusement quand ils avaient l’opportunité d’aider quelqu’un ».
A l’appartenance, la raison d’être à travers la poursuite d’un but, la transcendance, Emily ajoute « un quatrième pilier du sens ». C’est « la narration, l’histoire que vous racontez à votre propos. Créer un récit à partir des évènements de votre vie apporte de la clarté. Cela aide à comprendre comment vous êtes devenus vous-même. Nous ne réalisons pas toujours que nous sommes l’auteur et que nous pouvons changer notre façon de raconter. Notre vie n’est pas uniquement une liste d’évènements. Vous pouvez éditer, interpréter et raconter votre histoire, même en étant contraint par les faits ».
En exemple, Emily nous raconte le parcours d’Emeka, un jeune homme paralysé après avoir joué au football. Il a su adopter une attitude positive et l’affirmer dans son histoire de vie. « Le psychologue Dan Mc Adams appelle cela « une histoire rédemptrice » où le mauvais est racheté par le bon. Les gens ayant une vie pleine de sens racontent l’histoire de leur vie à travers la rédemption, la croissance et l’amour ».
Emily accorde ainsi une grande importance au récit personnel au point de l’inclure parmi les quatre grands piliers sur lesquels repose une vie qui a du sens. L’histoire de vie est effectivement une voie privilégiée pour découvrir, exprimer et affirmer le sens de notre existence. C’est aussi ce qu’exprime le témoignage dans le contexte de milieux chrétiens.
Le parcours d’Emily : une expérience de vie et une vision
Emily a grandi dans une famille qui s’inscrivait dans une culture spirituelle de l’Islam : la culture soufi. Elle a pu vivre des valeurs fortes qui sont effectivement porteuses de sens : une solidarité, une expérience spirituelle partagée et chaleureuse. « Quand je suis partie à l’université et sans l’encrage soufi quotidien dans ma vie, je me sentais larguée. J’ai commencé à chercher ces choses qui font que la vie en vaut la peine. C’est ce qui m’a conduite à ce voyage. En y repensant, je me rend compte que la maison soufie avait une vraie culture du sens de la vie. Les piliers faisaient partie de l’architecture et la présence des piliers nous aidait à vivre plus profondément ». Et d’ailleurs, en terminant cet entretien, Emily raconte comment son père, en passe de subir une grave opération, a été soutenu par la pensée d’amour qu’il portait à ses enfants. « Mon père est menuisier et soufi. C’est une vie humble, mais une bonne vie. Son sens d’appartenance à une famille, son but en tant que père, sa méditation transcendante, la répétition de nos noms, il dit que ce sont les raisons pour lesquelles il a survécu . C’est l’histoire qu’il raconte. C’est le pouvoir du sens dans la vie. Le bonheur va et vient. Mais quand la vie est vraiment belle, si les choses tournent très mal, avoir un sens à sa vie vous donne une chose à laquelle vous pouvez vous accrocher ».
Un éclairage pour nos vies
L’approche d’Emily Esfahani Smith sur la manière de donner du sens à notre vie nous parait particulièrement utile et précieuse. En effet, c’est à partir de son expérience personnelle en lien avec celle d’une jeune génération qu’Emily s’est engagée dans une recherche de long cours pour répondre aux questions existentielles qui prennent aujourd’hui une importance croissante. Et elle apporte des réponses qui prennent en compte la diversité des situations et des parcours.
Nous savons par expérience combien la question du sens a une importance vitale. C’est bien à cette question qu’Odile Hassenforder, très présente sur ce blog, a répondu dans son livre : « Sa présence dans ma vie » (7) à travers une expérience du don de Dieu et un vécu de fraternité et de spiritualité chrétienne. Et, sur ce blog, notre intention est bien d’ouvrir des pistes et réaliser des outils de compréhension pour des chercheurs de sens en faisant appel à des récits, des réflexions et des recherches. C’est notre motivation. Ainsi nous nous trouvons en affinité avec la démarche d’Emily.
Son livre : « Je donne du sens à ma vie » (4) prolonge son entretien en vidéo dans un texte abondamment documenté. Nous pouvons reprendre ici sa conclusion. Elle y reprend une affirmation de Viktor Frankl (2): « l’amour est le plus grand bien auquel l’homme peut aspirer. L’être humain trouve son salut à travers et dans l’amour ». Et elle poursuit : « L’amour est bien évidemment au cœur d’une vie pleine de sens. C’est un ingrédient indissociable des quatre piliers du sens qui apparaît de façon récurrente dans les histoires de personnes que j’ai relatées »… « L’acte d’amour commence par la définition même du sens. Il commence par le fait de sortir de sa coquille pour se connecter aux autres et contribuer à quelque chose ou à quelqu’un plutôt qu’à soi. « Plus quelqu’un s’oublie lui-même et se dévoue à une cause ou à quelqu’un d’autre, plus il est humain », écrit Viktor Frankl. C’est le pouvoir du sens… C’est prendre le temps de s’arrêter pour saluer le marchand de journaux ou pour réconforter un collègue qui parait déprimé. C’est aider les gens à être en meilleure santé, à être un bon parent ou un bon tuteur pour un enfant. C’est contempler avec émerveillement le ciel étoilé et assister aux complies avec des amis. C’est écouter attentivement l’histoire d’un proche. C’est prendre soin d’une plante. Ce sont des actes humbles en soi. Mais ensemble, ils illuminent le monde » (p 276-278).
J H
par jean | Nov 21, 2018 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Selon Diana Butler Bass dans son livre : « Grounded »
Beaucoup de gens s’éloignent des églises classiques et entrent en recherche. Est-ce à dire qu’on croit de moins en moins ou bien la foi change-t-elle de forme ? On peut observer ce mouvement dans la plupart des pays occidentaux. Et les Etats-Unis, longtemps caractérisés par une forte pratique religieuse, commencent à participer à cette évolution. C’est une question qui nous intéresse tous à titre collectif, mais aussi à titre personnel. Diana Butler Bass, historienne et théologienne américaine, nous apporte une réponse dans son livre : « Grounded. God in the world. A spiritual revolution » (1). Dans un précédent article, nous avons présenté cet ouvrage en terme de convergence entre la pensée de Diana Butler Bass et celle de Jürgen Moltmann, un grand théologien innovant (2). Nous envisageons ici plus particulièrement comment Diana Butler Bass perçoit un changement dans la manière de croire. Mais rappelons d’abord la démarche de cet ouvrage (3).
« Chaque année, davantage d’américains laissent derrière eux la religion organisée : les gens se désaffilient et comme la nation devient de plus en plus diverse religieusement (4). Diana Butler Bass, éminente commentatrice dans le champ de la religion et de la culture, poursuit son livre fort apprécié : « Christianity after religion » (5) en argumentant que ce qui apparaît comme un déclin indique en réalité une transformation majeure dans la manière où les gens se représentent Dieu et en font l’expérience. Du Dieu distant de la religion conventionnelle, on passe à un sens plus intime du sacré qui emplit le monde. Ce mouvement, d’un Dieu vertical à un Dieu qui s’inscrit dans la nature et dans la communauté humaine, est au cœur de la révolution spirituelle qui nous environne, et cela interpelle non seulement les institutions religieuses, mais aussi les institutions politiques et sociales. « Grounded » explore ce nouvel environnement culturel comme Diana Butler Bass nous révèle ici la manière dont les gens trouvent un nouvel environnement spirituel (« new spiritual ground ») dans un Dieu qui réside avec nous dans le monde : dans le sol, l’eau, le ciel, dans nos maisons et nos voisinages et dans nos espaces communs. Les gens se connectent avec Dieu dans l’environnement dans lequel nous vivons ». Avec Diana, entrons dans son livre à travers son introduction. « Ce dont nous avons besoin est là », nous propose-t-elle à travers une citation de Wendell Berry (p 1).
Où est Dieu ?
« Où est Dieu ? » est une des questions les plus importantes de tous les temps. Les gens croient, mais ils croient différemment de la manière dont ils ont cru. Le sol de la théologie est en mouvement. Une révolution spirituelle est en route ».
Diana Butler Bass évoque un univers religieux qui lui paraît appartenir au passé. « Il n’y a pas longtemps, les croyants affirmaient que Dieu résidait au Ciel, un endroit lointain où les fidèles trouveraient une récompense éternelle. Nous occupions un univers à trois étages avec au dessus le Ciel où Dieu vivait, le monde au dessous où nous vivions, et un monde des bas-fonds (« underworld ») où nous redoutions de pouvoir aller après la mort. L’Eglise intervenait comme médiatrice entre le ciel et la terre, agissant comme une espèce d’ascenseur céleste où Dieu envoyait des directives divines, et, si nous obéissions à ses directives, nous pouvions monter éventuellement vivre au Ciel pour toujours et éviter les terreurs d’en bas » (p 4). Cet ordre à trois étages a vacillé au siècle dernier. Et puis, il est apparu de plus en plus évident que nous ne pouvions plus revivre cette représentation de Dieu dans une société qui n’existait plus. « Le théisme conventionnel est au cœur du fondamentalisme et correspond à cet univers à trois étages » ( p 6).
Mais nous savons aujourd’hui que l’enfer existe sur terre. Et pourquoi pas le paradis ? Diana Butler Bass évoque une fusillade tragique dans une école américaine. Cet épisode tragique a suscité beaucoup de questions existentielles. « La réponse la plus répétée et apparemment la plus réconfortante était que Dieu était « avec les victimes ». Dieu « avec » les victimes ? « Avec nous ? ».
Aujourd’hui, nous vivons une époque tragique d’anxiété et de peur. Où est Dieu ? L’image ancienne de Dieu ne répond plus à nos questions. On observe une montée de l’incroyance. « Pourtant, tandis que certains ont conclu que les hommes sont seuls, d’autres regardent aux mêmes évènements et suggèrent une possibilité spirituelle bien différente : « Dieu est avec nous ». En regard de tous ces malheurs, Diana Butler Bass évoque la réponse de Bonhoeffer : « Seul un Dieu souffrant peut aider ». « Dieu est avec nous, dans et à travers ces terribles évènements » ( p 8). Un chercheur juif : Abraham Heschel voyait en Dieu : « Celui qui aime le monde profondément, ressent ce que vit sa création et participe à sa vie ». « Cela signifie naturellement que Dieu est avec nous non seulement dans les temps de misère et d’angoisse. Dieu est avec nous au milieu de notre joie et dans les expériences les plus séculières de la vie… Depuis les années où Heschel écrivait, un langage culturel de la proximité divine est venu nous entourer : on peut trouver Dieu au bord de la mer, dans un coucher de soleil, dans le jardin que nous plantons, dans les histoires qui nous réjouissent, dans la bonne nourriture, dans la convivialité… » (p 9). Ainsi, « si certains adorent Dieu dans une distante majesté et si d’autres rejettent l’existence divine, des millions de nos contemporains font l’expérience de Dieu d’une manière beaucoup plus personnelle et accessible que jamais auparavant » (p 9). Et ce changement intervient dans le monde entier, sur toute la planète. « Dieu est accessible sans médiation, local, animant le monde naturel et l’activité humaine dans des modes profondément intimes. De fait, cela a toujours été la voie des mystiques. Mais maintenant, ce mode personnel, mystique, immédiat et intime émerge comme une voie majeure pour notre relation avec le divin » (p 9).
Ce changement profond dans la manière de concevoir la relation avec Dieu interpelle les églises et les religions. « Les institutions religieuses servaient de structures médiatrices entre ce qui était saint et ce qui était séculier. Les questions recherchant des information sur le « qui ? » et le « quoi ? » avec demande d’une réponse d’autorité, sont remplacées par des questions relatives à des questions existentielles et ouvertes relatives au « où ? » et au « comment ? ». Non seulement les questions ont changé, mais la manière dont nous les posons a changé. Nous ne vivons plus isolés par des barrières d’ethnicité, de race et de religion. Nous sommes connectés dans une communauté globale.
Nous cherchons des réponses dans internet. Nous posons des questions à nos voisins bouddhistes ou hindous. Nous ouvrons nos textes saints et les textes des autres. Nous écoutons les prédicateurs des religions du monde… Ce mouvement dans la conscience religieuse est un phénomène mondial, une sorte de toile spirituelle dans laquelle nous nous inscrivons… » ( p 10). Quelque soient les résistances des incroyants, ce changement est un réenchantement du monde, une révolution spirituelle d’une étonnante ampleur. Et ce changement est en cours aujourd’hui dans de nombreuses cultures.
Dieu avec (dans) le monde
Comme beaucoup d’autres, raconte Diana, j’ai été formée dans une théologie verticale : « Dieu existe loin du monde et fait une faveur à l’humanité en s’en rapprochant. Les prédications déclaraient que la sainteté de Dieu nous était étrangère et que le péché nous séparait de Dieu » (p 12). Cependant, Diana a vécu des expériences qui impliquaient une vision différente. Ainsi, raconte-t-elle une expérience vécue dans sa toute petite enfance. Et elle nous rapporte d’autres expériences très diverses. Plus jeune, elle n’osait pas en parler dans son église, mais maintenant, elle sait que ce ne sont pas des expériences rares ou extraordinaires. Il y a aujourd’hui toute une littérature relative à l’expérience spirituelle depuis les comptes rendus d’expériences proches de la mort jusqu’à de profondes rencontres en rapport avec la nature, le service aux autres ou une émotion artistique. « La moitié des américains adultes, dont même quelques uns qui se déclarent athées ou non croyants, rapportent avoir eu une telle expérience au moins une fois dans leur vie » ( p 13).
« Nous voilà conduits vers une théologie alternative mettant l’accent sur la connexion et sur l’intimité. Dans la tradition chrétienne, Jésus parle ce langage quand il proclame : « Le Père et moi, nous sommes un » (Jean 16.30) et quand il souffle sur les disciples en leur envoyant le Saint Esprit ( Jean 20.22). C’est le témoignage de l’apôtre Paul au sujet de sa rencontre mystique avec Christ. Quand la Bible est lue dans la perspective de la proximité divine, il devient clair que la plupart des prophètes, des poètes et des prédicateurs sont particulièrement en porte à faux (« worried ») avec les institutions et les pratiques religieuses qui perpétuent le fossé entre Dieu et l’humanité. La narration biblique est celle d’un Dieu qui s’approche, poussé par un désir pressant d’amener le ciel sur la terre et de remplir les cœurs humains » (p 13). Cette expérience d’intimité spirituelle apparait également dans d’autres religions. Aujourd’hui, les institutions et les philosophies de haut en bas s’affaiblissent et cela concerne également les religions. « Les gens mènent leur propre révolution théologique et découvrent que l’Esprit est bien plus avec le monde que l’on nous l’avait précédemment enseigné » ( p 15). « Il y a une conscience de plus en plus répandue que Dieu est avec nous au sein de la création, de la culture et du cosmos… Ce changement de ton apparaît dans les prédications de personnalités bien connues comme Desmond Tutu, le Dalaï Lama et le pape François.. ».
Diana Butler Bass est historienne. On peut donc l’entendre lorsqu’elle écrit : « Le fait le plus significatif dans l’histoire des religions aujourd’hui n’est pas le déclin de la religion occidentale, le rejet des institutions religieuses ou ma montée de l’extrémisme religieux, c’est un changement dans la représentation de Dieu, une renaissance de la foi montant des profondeurs » (p 16).
Une révolution spirituelle
« Le Dieu conventionnel existait en dehors de l’espace et du temps, un être qui vivait aux cieux sans être affecté par les limites humaines. Ainsi la théologie occidentale a développé un langage que les théologiens appellent les « omnis » : Dieu est omnipotent, omniprésent, omniscient, tout puissant… Mais aujourd’hui, Dieu est de plus en plus perçu comme un Dieu en relation avec l’espace et le temps, comme un Dieu qui connecte et crée toute chose… les « omnis » ne parviennent pas à décrire cela. A la place, nous pouvons penser à Dieu en terme d’ « inter », le fil spirituel entre l’espace et le temps, « intra « à l’intérieur de l’espace et du temps et « infra » qui tient l’espace et le temps. Dieu n’est pas au dessus et au delà, mais intégralement dans l’ensemble de sa création, entrelacé avec l’écologie sacrée de l’univers » ( p 25).
La révolution spirituelle concerne à la fois Dieu et le monde. Elle concerne Dieu, mais elle ne l’aborde pas comme un extra-terrestre. Elle concerne le monde, mais elle n’engendre pas la sécularisation. C’est une révolution au milieu du terrain (« middle ground revolution ») dans laquelle des millions de gens naviguent dans un espace entre le théisme conventionnel et un monde sécularisé. Ils tracent un chemin qui enveloppe le séculier et le sacré en trouvant un Dieu qui est « un mystère gracieux toujours plus grand, toujours plus près, à travers une conscience nouvelle de la terre et dans la vie de leurs prochains » (p 25-26). Cette révolution repose sur une vision. « Dieu est le sol sur lequel nous nous fondons et qui nous fonde (« God is the ground, the grounding which ground us »). Nous en faisons l’expérience lorsque nous comprenons que le sol est sacré, que l’eau donne la vie, que le ciel ouvre l’imagination, que nos racines importent, que notre foyer est un lieu divin et que nos vies sont liées à celles de nos voisins et avec celles de tous le humains autour du monde » ( p 26).
Ainsi, c’est à un changement de regard que nous invite Diane Butler Bass et que tout son livre illustre par la suite. « Grounded guide les lecteurs à travers notre habitat spirituel contemporain en portant attention aux manières selon lesquelles les gens font l’expérience d’un Dieu qui anime la création et la communauté ».
Elle nous présente également une analyse des changements en cours dans les pratiques religieuses et spirituelles. Sa description de l’univers traditionnel est percutante. On pourrait dire cependant qu’au XXè siècle, des formes nouvelles faisant place à l’expérience étaient déjà apparues. Elle ne s’attarde pas au déclin des églises classiques ou au progrès de l’agnosticisme, mais elle en recherche les causes et elle met en évidence la montée d’un spiritualité nouvelle. En d’autres lieux et selon d’autres problématiques, certains pourront contester l’amplitude et la durée de ce changement. Mais l’analyse de Diana Butler Bass s’appuie sur une culture historique et sur une collecte d’informations bien au delà des Etats-Unis. Et sur le plan théologique, sa vision d’un Dieu proche dont on peut reconnaître la présence, peut trouver appui dans l’œuvre de théologiens auprès desquels nous cherchons un éclairage, Richard Rohr (6) et tout particulièrement Jürgen Moltmann (7).
J H
Voir aussi :
Dieu vivant : rencontrer une présence. Selon Bertrand Vergely : prier, une philosophie : https://vivreetesperer.com/?p=2767
Dynamique culturelle dans un monde globalisé. (Raphaël Liogier. La guerre des civilisations n’aura pas lieu) : https://vivreetesperer.com/?p=2296
La guérison du monde, selon Frédéric Lenoir : https://vivreetesperer.com/?p=1048
par jean | Nov 20, 2018 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Un éclairage de Bertrand Vergely
Se peut-il que nous soyons entrainé par la routine des affaires courantes, l’emprise exercée par le flot des évènements au point d’oublier ce qui nous fonde : notre propre expérience ? Se peut-il que dans le tourbillon du quotidien nous n’y prêtions pas attention, nous ne percevions pas le flux de la vie qui nous est donnée sans compter, et, dans le même mouvement, notre participation au monde des vivants ?
Lorsque cette conscience d’exister survient, elle peut être décrite comme une expérience fondatrice. C’est donc un dévoilement de sens, c’est une joie libératrice. Ce peut être une expérience bouleversante.
Dans son livre : « Sa présence dans ma vie », Odile Hassenforder nous raconte comment, face à l’adversité, elle a vécu cette expérience.
« Au fond de mon lit, en pleine aplasie due à une chimio trop forte, j’ai reçu la joie de l’existence. Un cadeau gratuit donné à tout humain par Dieu… ». « Epuisée, au fond de mon lit, incapable de toute activité… là, inutile, je soupire : « qui suis-je ? ». Là, d’une seconde à l’autre, je réalise cette chose extraordinaire : « j’existe ». C’est gratuit. Cela m’est donné gratuitement. Je suis partie intégrante de la création : une étoile dans le firmament, une pâquerette dans la prairie, peu importe. Etoile ou pâquerette, j’existe ». « Une joie immense m’envahit au plus profond de moi-même comme une louange à notre Dieu. Il est grand, il est beau. Il est bon… » (1).
Le miracle d’exister
Ainsi, cette expérience traduit un émerveillement. Bertrand Vergely, philosophe et théologien orthodoxe (2), a écrit un livre ; « Retour à l’émerveillement » (3). Et, dans ce livre, il magnifie la conscience de l’existence. Tout se tient. La conscience de notre existence est associée à la conscience de celle des êtres et des choses.
« Les êtres, les choses ne sont pas des abstractions. Ils existent en chair et en os. Ils sont palpables, tangibles, et ils sont là parce qu’ils sont porteurs du fait inouï de l’existence. Ils auraient pu ne pas être, mais ils sont et leur existence s’exprime par leur réalité concrète, tangible, charnelle. L’existence parle de transcendance et la transcendance parle du miracle d’exister. Tout existe parce que tout est miraculeux. Ayant conscience du miracle de l’existence, on a conscience de l’existence. On existe. On fait exister les autres et le monde autour de soi » ( p 44-45).
Nous émerveiller de l’existence des autres. Un appel au respect et à la considération
Cette conscience du miracle de l’existence n’induit pas seulement une transformation et une libération personnelle. Elle fonde une harmonie sociale. « Il aurait pu ne rien y avoir. Il y a quelque chose et non rien. Miracle. Les autres qui existent, les animaux, les plantes, l’univers nous parlent de ce miracle. Ils nous parlent de notre miracle. Nous sommes aussi miraculeux qu’eux. Prenons en conscience. Nous rentrons dans la considération des autres et de l’univers. Nous devenons attentifs, respectueux. Parfois, nous avons envie d’aimer l’humanité « ( p 43).
Ce respect, cette attention fonde la vie morale. « On est moral lorsqu’on est saisi dans le tréfonds de soi-même par un sentiment d’infini respect pour l’existence, pour les hommes, pour la vie… La morale nous met directement en relation avec le principe transcendant et miraculeux de l’existence, ce principe s’exprimant dans tout ce qu’elle peut avoir de charnel. C’est ce que dit fort bien Simone Weil : « Il est donné à peu d’êtres de découvrir que les êtres et les choses existent ». Elle parle de la conscience morale et explique que celle-ci passe par une expérience charnelle » (p 44).
L’existence fonde la pensée.
Bertrand Vergely met également en évidence un lien entre la conscience d’exister et la pensée.
Ainsi, évoque-t-il Pascal, le philosophe. « Il a compris ce qu’est la pensée. Celle-ci est une affaire de conscience et non de raisonnement. On pense quand on a conscience du miracle de l’univers. Nous ne sommes rien dans l’univers ou quasiment rien. Nous devrions ne pas exister, un rien suffit pour nous anéantir. Or nous existons. Il y a là un miracle. Quelque chose qui vient d’ailleurs, d’au delà de nous, nous permet d’exister . On s’en rend compte en faisant justement l’expérience d’exister (p 46).
Nous ne sommes pas englouti par le vide abyssal. « Face au vide, il y a le fait d’exister malgré un tel vide, fait quelque part plus immense encore que l’immense… Plus vaste que l’infini spatial, il y a l’infini d’existence. Il faut qu’il y ait de l’existence pour qu’il y ait de l’espace… En ayant conscience d’exister, nous comprenons tout, même l’espace. Nous prenons alors la bonne mesure des choses… Le réel n’est pas une chose et encore moins un vide, c’est une existence et, mieux encore, un infini d’existence auquel seule la conscience a accès.. On pense quand on parvient à un tel niveau… On dévoile la profondeur du réel ainsi que des êtres humains. On se met à avoir une relation juste à ceux-ci » ( p 47).
La pensée juste est celle de l’homme vivant
La pensée peut-elle s’exercer positivement en dehors des contingences de l’existence ? Y a-t-il une raison pure ? Le philosophe Kant répond à cette question dans « la critique de la raison pure ». Il comprend qu’il faut replacer la pensée dans le cadre de l’homme vivant. En finir avec ces pensées qui prétendent tout penser une fois pour toutes. Cesser donc de faire, par exemple, de Dieu une pensée qui prétend tout penser afin de faire de lui une pensée vivante qui fait progresser. Remplacer le Dieu de l’idéologie par le Dieu qui fait avancer et vivre » (p 53).
Bertrand Vergely met en scène les dérives du dogmatisme et du scepticisme qui se répondent et s’engendrent mutuellement dans le champ de la religion et de la philosophie. A l’opposé de ces discours systématiques, il y a une pensée en phase avec l’existence.
« Quand la pensée vit, quand elle est la pensée d’un homme existentiel, elle est au cœur d’un croisement entre le ciel et la terre, elle est la rencontre entre l’esprit et la réalité concrète, incarnée. Ici, pas besoin de dogmatisme pour affirmer l’esprit, ni de scepticisme pour corriger le dogmatisme afin de revenir dans la réalité… L’esprit rend témoignage de la réalité concrète comme la réalité concrète rend témoignage de l’esprit. Rien ne s’oppose, tout se croise » (p 52).
Une pensée féconde et équilibrée s’enracine dans l’existence. « Kant a vu, comme Pascal, que la pensée est en proie à un conflit entre dogmatisme et scepticisme. Ce conflit vient de ce que la pensée est vécue de façon passionnelle. Cette approche passionnelle vient de ce que l’on ne la vit pas. On n’a pas de relation avec celle-ci. On ne la vit pas…Qui est vivant noue des relations au monde en confrontant sans cesse ce qu’il pense et ce qu’il vit, ce qu’il vit et ce qu’il pense. Quand tel est le cas, fini les illusions de la raison pure. Fini donc le scepticisme pour corriger une telle façon de penser » (p 52).
Il y a des expériences où la prise de conscience d’exister transforme notre regard sur la vie. Nous avons rapporté l’expérience d’Odile. Comme l’écrit Bertrand Vergely, prendre conscience de son existence, c’est aussi prendre conscience de celle des autres et, au delà, d’un rapport avec la nature et avec Dieu. C’est ce que David Hay, dans son livre majeur : « Something there » met également en évidence en définissant la spiritualité comme « une conscience relationnelle » (4). Et la recherche montre que les expériences spirituelles témoignent d’une activation du sens relationnel, d’une manifestation de la transcendance et d’un profond et immense émerveillement (4).
Dans son livre, Bertrand Vergely nous entraine dans l’émerveillement. Comme dans ces quelques pages concernant le miracle de l’existence, il nous apprend à en voir toutes les dimensions. Il dévoile le miraculeux qu’on peut entrevoir dans le quotidien. C’est le mot d’Einstein : « Il y a deux façons de voir la vie. L’une, comme si rien n’était un miracle. L’autre comme si tout était miraculeux » .
Si la conscience d’exister est source d’émerveillement et ouvre notre regard, l’existence de l’homme est, elle aussi, extraordinaire. « L’homme a des sources extraordinaires. Sophocle, dans Antigone, n’hésite pas à le dire : « Entre tant de merveilles au monde, la grande merveille, c’est l’homme ». L’homme n’est pas rien. Il vient de loin. Il est appelé à aller loin. Il est porteur de grandes choses » (p 51).
J H