En marche vers Compostelle

 

En mai 2016, Alain est parti avec un ami marcher en suivant le chemin de Compostelle associé au pèlerinage qui a fleuri au cours de l’histoire et se poursuit aujourd’hui sous d’autres formes. Il nous fait part de son vécu et de son ressenti en répondant à quelques questions.

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Alain, qu’est ce qui t’a poussé à accomplir cette marche ?

« C’est un projet qui était depuis longtemps dans un coin de ma tête. C’est un horizon un peu mythique, n’est ce pas ? Un ami, arrivant à la retraite, voulait marquer par cette marche, son entrée dans un nouveau mode de vie. Sa proposition de l’accompagner a été pour moi l’élément déclencheur ; nous sommes partis ensemble sur le ‘Camino’ ».

 

Comment cette marche s’est-elle déroulée ?

« De Puy-en-Velay à Pampelune en quatre semaines… Nous sommes partis au printemps, avec le concours d’une très belle nature explosant de vie, de fleurs innombrables.

Par ailleurs, cette marche s’est déroulée en conformité avec mon attente ; aspirant avoir des moments de solitude et bien que partant à deux, j’ai parcouru en solitaire la plupart du chemin ».

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Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté ?

Cela a été pour moi une occasion unique, exceptionnelle de pouvoir vivre une longue période détaché des obligations la vie quotidienne. J’ai pu quitter un certain quotidien pour entrer dans un autre espace de réflexion, de prière, de disponibilité à l’Esprit. Cela a été un temps exceptionnel pour  m’ouvrir à une nouvelle configuration propice à la prière et à la réflexion.

Ce qui m’a frappé, c’est qu’au bout d’une semaine, j’ai perçu, presque physiquement, une libération de la fatigue induite par la vie quotidienne ; s’échappait le poids déposé par les préoccupations passées.

 

Par ailleurs, en partant je m’étais promis de ne surtout pas « perdre » ce temps précieux. Je voulais l’utiliser pour monter comme à l’assaut du Ciel, pour prier, pour louer. Or, au bout de trois semaines, je me suis rendu compte que plutôt que d’aller à l’assaut du Ciel, j’étais appelé à accueillir la présence de Dieu, un Dieu déjà là. Je me suis rendu compte que je n’avais pas à être un virtuose spirituel, mais plutôt à ressentir que Dieu est déjà là et que déjà il m’aime. C’est alors que ma conscience s’est ouverte à des réalités jamais perçues auparavant. Une clairvoyance s’est faîte sur des aspects importants de ma vie. Ainsi, j’ai vécu la quatrième semaine en méditant ce reçu ».

 

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Y a-t-il eu quelques moments marquants pour toi ?

« Se sentir invité dans la « maison nature », rencontrer la beauté et la diversité des fleurs ! J’en retiens une perception accrue de la beauté.

Par ailleurs je me souviens de quelques moments  marquants : au matin, traversant un sous bois, j’assiste à un exceptionnel concert d’oiseaux, une véritable explosion de chants accompagnée de centaines d’instruments… J’ai le sentiment d’être invité à communier avec eux dans ce chant de louange.

A une autre moment, alors que je reçois un texto qui m’attriste beaucoup, instantanément un oiseau se met à chanter avec un éclat jusqu’alors jamais entendu, comme s’il me reprenait et me disait avec autorité : Alain, ne te laisse pas abattre, ne te laisse pas aller au découragement, regarde en haut, la Vie est là !

Autant de moments ressentis de façon très intimes et donc très difficiles à transmettre…

Sur le chemin en France, les rencontres de pèlerins étaient peu nombreuses, mais directes, très faciles, sans barrières ; si l’échange ne durait jamais longtemps, une même appartenance se partageait ».

 

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Ce parcours a-t-il été à l’origine de découvertes spirituelles ?

« Dans une chambre d’hôte, j’avais acheté un petit livre rassemblant des textes spirituels ; parmi eux j’ai été très touché par une prière de Charles de Foucault. Elle exprimait un besoin d’absolu dans la relation, un désir d’abandon dans la confiance en Dieu,  un appel à se donner, mais aussi à recevoir. Comme pour tellement de pèlerins avant moi, ce chemin offre un espace de rencontre avec soi-même, de révélation de soi et de Dieu.

Même l’ami avec qui j’ai fait ce chemin, bien que n’ayant pas d’attente spirituelle, s’interroge sur sa présence sur ce chemin : « J’aurais pu marcher sur des routes très diverses, mais si j’ai marché sur le chemin de Compostelle, cela doit avoir une signification… ».

 

Entretien avec Alain G

 

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Pour une conscience planétaire

« Blueturn » : la terre vue du ciel
Selon Jean-Pierre Goux

Nous avons de plus en plus conscience du caractère exceptionnel de cette terre qui accueille notre humanité et qui est maintenant notre « maison commune » (1). Les photos de la terre vue du ciel participent au développement de cette vision. Dans une intervention à la rencontre FED X Vaugirard Road 2016 sur le thème : « Penser l’invisible », Jean-Pierre Goux nous présente un parcours de près de vingt ans dans lequel il a milité pour une meilleure visibilité de ces photos : « Voir la terre comme vous ne l’avez jamais vue » (2). En découvrant combien le regard sur cette planète peut être chargé d’émotion et porter un potentiel de grâce et d’amour, on suit avec passion l’aventure de Jean-Pierre Goux d’autant plus que celui-ci la retrace avec beaucoup d’humour et d’émotion.

Pour commencer, Jean-Pierre Goux nous présente une photo de la terre vue du ciel dans sa globalité. « Vous avez tous vu cette photographie au moins sur la couverture de vos livres d’histoire, et sans doute bien ailleurs, car cette photo est la plus reproduite de toute l’histoire de l’humanité. Pourquoi ? Elle est unique. C’est la seule qu’on ait de la terre toute éclairée ». Ou, du moins, c’est la seule qu’on avait jusqu’à l’année dernière. « En effet, elle a été prise en 1972 par les astronautes de la mission Apollo 17, la dernière des missions Apollo. Dans les missions précédentes, la terre n’était jamais complètement éclairée. Elle s’appelle : « Blue marble ». Donc c’est la première photo qu’on a eu, mais c’est aussi la dernière ».

C’est une photo qui a tout changé, nous dit Jean-Pierre Goux. « Pour la première fois , l’humanité voyait sa maison. Elle découvrait que la terre était ronde. On le savait. On nous l’avait dit. On en qavait la preuve. Cette photo nous a aussi fait comprendre que notre planète était magnifique, mais qu’elle était aussi fragile, perdue dans une identité noire et lugubre. Elle nous adonné envie de la protéger. Cette photo a démarré un mouvement qu’on appelle la conscience planétaire. Elle est intervenue en 1972 quand les problèmes environnementaux devenaient globaux et a contribué au développement du mouvement écologiste. Malheureusement, les effets de cette photo se sont estompés avec les décennies ».

J P Goux nous raconte alors comment il en est venu à s’interroger personnellement sur cette photo. « Mon histoire avec la terre a démarré, il y a une vingtaine d’années, en 1996. Un ami d’école d’ingénieurs, qui faisait un stage à l’aérospatiale, m’offre un livre qui a changé ma vie. Je n’imaginais pas à l’époque qu’il allait m’emmener aussi loin. Ce livre, il s’appelait : « Clairs de terre ». Il a été édité par l’association des « explorateurs de l’espace » (une association des anciens astronautes). En feuilletant ce livre, j’ai vu des photos de la terre vue de l’espace, à couper le souffle. Mais ce qui m’a surtout intrigué, c’étaient les textes qui étaient à côté de ces photos. C’étaient des citations d’astronautes d’une poésie extraordinaire qui semblaient avoir été saisis par la grâce, mais surtout par un amour que je n’avais jamais autant vu pour la terre. Je me suis dit qu’il y avait là quelque chose à exploiter pour changer les choses et rendre le monde meilleur… ». Ainsi, pendant des dizaines et des dizaines de citations, on voit des hommes et des femmes de toutes nationalités manifester un amour incommensurable pour la terre.       Quelque chose paraissait les avoir touché. Cet effet a été étudié  et porte le nom d’ « overview effect » (3). Il a été montré scientifiquement que l’effet combiné de l’apesanteur, de la peur, du silence, et de l’exposition au grand large de la terre tournant avec un rythme lancinant, crée toutes les conditions pour une expérience mystique, extatique, une expérience qui a marqué à vie ceux qui l’ont vécue. Ces astronautes étaient persuadés que la terre est un être vivant, interconnecté et qu’il fallait absolument le préserver… Le seul problème, c’est qu’il n’y avait que 500 personnes qui avaient vécu cette transformation !!!

 

 

A cette époque, Al Gore était vice-président des Etats-Unis, très investi dans l’écologie. En 1998, deux mois après le protocole de Kyoto, et se demandant comment sensibiliser les gens au défi du changement climatique, « Une nuit, inspiré par « Blue marble » et ce que cette photo avait changé quand il était plus jeune, il eut le rêve d’envoyer une sonde dans l’espace pour filmer la terre en temps réel et diffuser les images sur internet pour que les gens voient le visage illuminé de Gaïa ». En réponse, la Nasa s’engagea dans ce projet.

« Le problème, c’est que pour avoir ces images, c’est très compliqué parce que, si vous voulez avoir en temps réel des images de la terre complètement éclairée, il faut être sur l’axe terre-soleil, parce que c’est le seul axe où la terre est complètement éclairée. Si vous êtes trop près du soleil, la force du soleil vous attire. Si vous êtes trop près de la terre, la force de la terre vous attire. En fait, il n’y a qu’un point qui correspond entre les deux, le point de Lagrange L1 où les deux forces s’annulent. Mais il est à 1,5 million kilomètres de la terre. La Nasa a relevé le défi et construit un satellite adéquat. Cependant Al Gore ayant été défait aux élections présidentielles américaines en 2000, le projet fut interrompu par le nouveau pouvoir politique. Jean-Pierre Gout, alors chercheur mathématicien aux Etats-Unis, fut profondément déçu, car il attendait de cette initiative un renouveau de la sensibilisation à la conscience planétaire. Mais il ne perdit pas confiance et continua à suivre les évènements. En 2013, il découvre que l’administration Obama relance le projet sous une autre forme. C’est le projet « Discovr ». L’exécution est confiée à la firme « Space X ». En juin 2015, le satellite atteint sa destination.  Et, en septembre 2015, un site web commence à diffuser des photos de la terre au rythme de 10 à 20 photos par jour. Cependant cette performance n’est pas vraiment mise en valeur. « Personne n’a parlé de ces photos. Personne ne les a utilisées. Aucun « overview effect » n’a été déclenché. Un grand désarroi m’a habité. Tout ça pour ça ! ».

 

Et puis, à nouveau, Jean-Pierre Goux est inspiré. Il prend contact avec un ami, le même qui lui avait passé le livre : « Clairs de Terre ». Cet ami accepte de travailler avec lui, via internet « On a passé des nuits à voir ce qu’on pouvait faire avec ces images , via internet. Un soir : eurêka ! Si on disposait plusieurs images de la terre prises sous différents angles et qu’on les projetait sur une sphère en les interpolant, on devrait pouvoir créer cette fameuse vidéo à laquelle j’aspirais. On y a travaillé plusieurs nuits et, un soir, on a vu la terre tourner pour la première fois devant nos yeux. On était émerveillé ! ».

Les deux chercheurs ont décidé de tester les réactions des gens. Ils ont mis la vidéo sur internet et ils l’ont taggée : la  Nasa. « Quelques heures après, on a reçu un mail de la Nasa qui nous félicitait en nous demandant comment on avait réalisé cette vidéo : Quand on a été en contact avec le responsable de la mission « Discovr », cela a été pour nous un des moments les plus forts de notre parcours… ».

Jean Pierre-Goux a réalisé son rêve et nous le communique. « Ce rêve, c’est qu’on s’approprie tous ces images en partageant le sentiment d’un bien collectif qu’on doit protéger. On a créé un projet : « Blueturn » (le tournant bleu) et sur le site : blueturn.earth (4), on peut trouver toutes ces images, toutes ces vidéos. Avec ces images, on espère générer un nouvel enthousiasme autour de cette planète et surtout des projets artistiques, méditatifs et éducatifs inédits. On espère que ces projets pourront plonger chacun de nous dans un « overview effect » et nous amener au prochain niveau de conscience planétaire. Quand les astronautes de la mission Apollo 17 ont pris la photo « Blue marble », ils ne savaient pas ce qui allait se passer. Nous non plus. Ces images sont les vôtres. A vous de jouer ! ». Nous participons à ce mouvement.

 

J H

 

(1)            « Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/?p=2151

(2)            « Voir la terre comme vous ne l’avez jamais vue ». Talk de Jean-Pierre Goux au colloque : « Penser l’invisible » organisé par Ted X Vaugirard Road. 13 juillet 2016                                https://www.youtube.com/watch?v=Boe8F09OvWI

(3)            Overview effect : Description sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Overview_effect  On pourra également consulter des vidéos exprimant l’expérience d’acteurs anglophones : https://www.youtube.com/watch?v=CHMIfOecrlo

(4)            Blueturn.earth : Blueturn : the whole earth experience : http://blueturn.earth

 

Le film ‘Demain’

Un monde nouveau qui est en train d’apparaître

Nous ne pouvons pas ignorer les messages de plus en plus précis et de plus en plus pressants qui annoncent un bouleversement climatique et la ruine de la biodiversité. Mais que faire ? Refuser d’y penser ou au contraire affronter le défi. Ces dernières années, la prise de conscience a grandi et elle a même débouché sur la réussite d’une grande négociation internationale, la COP 21. Mais des mesures techniques suffisent-elles ? Comme tout se tient, nous sommes également appelés à changer de genre de vie, et pour cela, nous devons modifier notre regard et adopter des comportements nouveaux. Nous avons besoin d’y voir plus clair, de découvrir de nouveaux chemins. Un film vient de sortir et répond à cette question.

« Demain » est un film documentaire français réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent. Devant un futur que les scientifiques annoncent préoccupant, leur film a la particularité de ne pas donner dans la catastrophe » (Wikipedia). En réponse à leurs questions, qui sont aussi les nôtres,  les deux jeunes réalisateurs, Cyril et Mélanie, sont partis aux quatre coins de la planète pour trouver les hommes et les femmes qui proposent des solutions à ces problèmes ». Ils ont découvert, et ils nous permettent d découvrir avec aux, qu’un mouvement est déjà en marche pour répondre à ce défi. « Partout, des hommes et des femmes racontent un autre monde qui respecte la nature et les humains, d’autres façons de faire l’agriculture et l’économie, d’autres formes d’éducation et de démocratie… Ces personnes écrivent une nouvelle histoire. Elles nous disent qu’il faut nous bouger maintenant » (1)

 

 

Nous voyons ainsi des innovations apparaître et apporter des transformations radicales dans les principaux secteurs de l’activité humaine : l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie, l’éducation. Et l’on s’aperçoit qu’un nouvel état d’esprit est en train d’émerger et, qu’en certains lieux, le changement est déjà très avancé.

 

Cultiver la terre autrement, c’est aussi traduire une attitude nouvelle vis à vis de la nature.

Ainsi, en ville, ressent-on sans doute davantage un manque qui tient à son éloignement. Et la recherche d’un nouveau mode d’accession à la nourriture est  une expression de vie. Petite ville anglaise en déshérence dans une région ayant perdu son industrie, Todmorden est devenu le berceau d’une culture de légumes et de fruits au sein même d’une ville. Cette innovation s’est répandue ensuite en Grande-Bretagne et dans le monde. C’est le mouvement des « Incroyables comestibles ». Oui,  incroyable, mais vrai !

Et cette vidéo nous présente également les fermes urbaines qui ont commencé à se développer dans la ville américaine de Détroit ruinée par la perte de son industrie automobile. Mais l’apparition des fermes urbaines correspond à un besoin plus général puisque, comme il nous est rappelé, aujourd’hui le phénomène urbain devenant majoritaire, il est bon d’en rapprocher la production de nourriture. Et, en même temps, on prend conscience des dégâts suscités par une agriculture industrielle, grande consommatrice d’énergie et peu protectrice des sols. En fait, elle met à mal les équilibres naturels. Un paradigme opposé est en train de s ‘affirmer : la permaculture qui associe les espèces, régénère les sols et déploie un travail respectueux de la nature. La vidéo nous montre un exemple impressionnant et réjouissant de cette nouvelle forme de culture à la ferme du Bec Hellouin en Normandie.

 

On sait aujourd’hui combien la consommation des carburants fossiles dérègle le climat. Ce dérèglement climatique est une grande menace. Or, à nouveau, ce reportage nous apporte une bonne nouvelle. Partout dans le monde, les énergies renouvelables se développent rapidement. Les énergies issues de la biomasse, les dispositifs solaires et éoliens sont aujourd’hui compétitifs. A nouveau, les exemples présentés par cette vidéo de l’Ile de la Réunion à l’Islande sont éloquents. A Copenhague, c’est toute la vile qui se transforme. Car si l’énergie éolienne est une ressource particulièrement efficace au Danemark, dans la ville elle-même, un processus est mis en œuvre pour réduire la consommation  d’énergie. Le paysage urbain se modifie en favorisant le développement du vélo et de la marche à pied. La transformation de la vie urbaine apparaît également dans la manière dont la ville de San Francisco parvient à recycler 80% de ses déchets.

A travers ces exemples, on perçoit également l’apparition d’un nouveau genre de vie, plus économe et plus sobre. Et justement, Pierre Rabhi, paysan philosophe aujourd’hui bien connu, accompagnateur du mouvement Colibris, dénonce l’aberration que représente une croissance économique indéfinie au profit d’une humanité insatiable. Le reportage s’oriente alors vers les prémices d’une nouvelle économie. La vidéo nous présente une entreprise particulièrement innovante à tous égards, et notamment en matière de développement durable : Pocheco. Les réalisateurs mettent également l’accent sur des expériences de monnaie locale qui réduisent l’emprise des banques et encouragent une économie de proximité. Les exemples sont empruntés à la Suisse et à la Grande-Bretagne (Totnes et Bristol).

 

Mais, les difficultés rencontrées pour développer une nouvelle économie ne tiennent-elles pas, pour une part, à la distance qui s’est installée entre les gouvernants et les gouvernés ? Cette question est abordée, peut-être un peu trop sommairement. Mais, là aussi, des exemples positifs nous sont apportés. C’est l’insurrection non violente des citoyens islandais face à la gestion politique de la banqueroute des banques d’Islande. C’est la république des villages en Inde. Ce reportage nous présente l’action concrète d’un maire qui parvient à transformer la vie de sa commune, ce qui implique également un changement dans les mentalités.

 

Et, bien sûr, cette ®évolution requiert une nouvelle éducation. A cet égard, l’exemple de la Finlande est remarquable. L’enseignement finlandais montre qu’il est possible à la fois d’obtenir d’excellents résultats scolaires dans les classements internationaux et de développer un climat de confiance et de respect qui encourage la réussite de tous les enfants dans la reconnaissance de la diversité de leurs rythmes, de leurs aptitudes et de leurs aspirations. La Finlande met en pratique, à une vaste échelle, ce que les pionniers de l’éducation nouvelle ont expérimenté et formulé.

 

Le film : « Demain » est en salle depuis le 2 décembre 2015. Et, en quelques mois, il a déjà été vu en France par plus d’un million de spectateurs. C’est dire combien il répond à à un besoin de compréhension et d’action. Et, c’est vrai, face aux menaces, il nous encourage lorsqu’il se conclut sur cette parole : « Si on se rassemble, on a tous le pouvoir de changer le monde ».

Ce film rassemble les pièces d’un puzzle et nous voyons apparaître l’image d’un monde nouveau. Et, il est aussi un fil conducteur. Il nous montre un chemin. On perçoit, dans le déroulement de ce film, un souffle épique. De découverte en découverte, nous éprouvons un sentiment d’émerveillement. Et nous ressentons du bon, du bien et du beau, car ce film ne nous parle pas seulement de découvertes techniques, fondamentalement, il nous montre également une qualité nouvelle de la relation humaine. C’est une émergence. C’est un monde nouveau qui est en train d’apparaître. Et, personnellement, nous voyons, dans cette émergence, l’œuvre de l’Esprit (2).

De nombreux articles parus sur ce blog rejoignent la démarche de ce film (3). Celui-ci est désormais accessible en DVD (4).  C’est un bel outil pour encourager la prise de conscience qui est aujourd’hui engagée.

 

J H

 

(1)            Co-produit par le mouvement Colibris, le film « Demain » a reçu le César du meilleur film documentaire. Voir aussi le livre de Cyril Dion sur le même thème : Demain. Un nouveau monde en marche. Actes Sud, Domaine du possible, 2015.  Site du film « Demain ». Bande-annonce : http://www.demain-lefilm.com

(2)            « L’ « essence » de la création dans l’Esprit est la « collaboration », et les structures manifestent la présence de l’Esprit, dans la mesure où elles font connaître l’ « accord général ». « Au commencement était la relation » (M Buber) Jürgen Moltmann. Dieu dans la création p 25                       Un blog sur la pensée théologique de Moltmann : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com

(3)            « Pour une conscience écologique. Une expérience de terrain » : https://vivreetesperer.com/?p=694                    Anne-Sophie Novel, militante écologiste et pionnière de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975                                 « Incroyable, mais vrai ! Comment les « Incroyables comestibles » se sont développés en France » : https://vivreetesperer.com/?p=2177                                 « Cultiver la terre en harmonie avec la nature. La permaculture, une vision holistique du monde » : https://vivreetesperer.com/?p=2405                                « La force de l’empathie (Jérémie Rifkin. Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie) : https://vivreetesperer.com/?p=137          « Une révolution de l’« être ensemble » (Vive la Co-révolution ! Pour une société collaborative ) : https://vivreetesperer.com/?p=1394                                        « Société collaborative. La fin des hiérarchies » : https://vivreetesperer.com/?p=2205                              « Vers un nouveau climat de travail dans des entreprises humanistes et conviviales. Un parcours de recherche avec Jacques Lecomte » : https://vivreetesperer.com/?p=2318   « Et si nous éduquions nos enfants à la joie ? Pour un printemps de l’éducation ! » : https://vivreetesperer.com/?p=1872

(4)            Le DVD du film : Demain vient de sortir. Il est accessible sur le site : Colibris : http://www.colibris-lemouvement.org       On peut le commander aussi sur Amazon :        https://www.amazon.fr/Demain-Mélanie-Laurent/dp/B018ID4YIE/ref=sr_1_1?s=dvd&ie=UTF8&qid=1466349524&sr=1-1&keywords=demain

Le Dieu vivant et la plénitude de vie

 

Éclairages apportés par la pensée de Jürgen Moltmann

Dans son livre : « The living God and the fullness of life » (Le Dieu vivant et la plénitude de vie » (1), Jürgen Moltmann  nous parle de la puissance de vie, active dans le message du Christ qui se déclare « La résurrection et la vie », une force présente chez les premiers chrétiens et qui peut tout autant se déployer dans le monde d’aujourd’hui. Jürgen Moltmann exprime également une vision du monde en ce sens. Voici, à ce sujet, quelques brefs extraits de son livre, que, sans expertise d’une traduction professionnelle, nous avons rapporté en français, en espérant que ce livre sera bientôt traduit et publié dans notre langue. En lisant ces passages, on se reportera au texte anglais.

Le livre de Jürgen Moltmann est très riche et très dense. Ces quelques passages ne sont pas représentatifs de l’ensemble. Simplement, ils ont été retenus ici comme une invitation à la réflexion et à la méditation.

 

J H

 

 

Dieu vivant, Dieu trinitaire

Le Dieu vivant ne peut être nul autre que le Dieu trinitaire. Le Dieu trinitaire vit une vie éternelle comme un amour mutuel au sein de Dieu. L’histoire du Christ est son histoire de vie pour nous, parmi nous et avec nous. Dans l’Histoire du Christ, sa vie éternelle absorbe en elle notre vie finie. Et, ceci étant, cette vie mortelle est alors déjà une vie éternelle. Nous vivons dans sa vie éternelle même quand nous mourrons. (p 69)

 

Plus forte est la résurrection

Pourquoi le christianisme est-il uniquement une religion de la joie, bien qu’en son centre, il y a la souffrance et la mort du Christ sur la croix ? C’est parce que, derrière Golgotha, il y a le soleil du monde de la résurrection, parce que le crucifié est apparu sur terre dans le rayonnement de la vie divine éternelle, parce qu’en lui, la nouvelle création éternelle du monde commence. L’apôtre Paul exprime cela avec sa logique du « combien plus ». « Là où le péché est puissant, combien plus la grâce est-elle puissante ! »  (Romains 5.20). « Car le Christ est mort, mais combien plus il est ressuscité » (Romains 8.34. Trad. de l’auteur). Voilà pourquoi les peines seront transformées en joies et la vie mortelle sera absorbée dans une vie qui est éternelle.

« Tout ce qui venait de la souffrance s’évanouissait rapidement

Et ce que mon oreille entendait n’était rien d’autre qu’un chant de louange » ( Werner Bergengruen) (p 100-101).

 

La vie éternelle nous est donnée

Si nous cessons de considérer la fin temporelle de la vie humaine, mais à la place, regardons à son commencement éternel, alors la vie humaine est entourée et acceptée par le divin et le fini fait partie de l’infini. Cette vie actuelle, cette vie joyeuse et douloureuse, aimée et souffrante, réussie et infructueuse, est vie éternelle. Dieu a accepté cette vie humaine et l’a interpénétrée, réconciliée et guérie, qualifiée en immortalité. Nous ne vivons pas seulement une vie terrestre et, pas seulement une vie humaine, mais simultanément, nous vivons aussi une vie qui est divine, éternelle et infinie.

 

« Celui qui croit a la vie éternelle » (Jean 6.47). Mais ce n’est pas la foi humaine qui acquiert la vie éternelle. La vie éternelle est donnée par Dieu. Elle est présente dans chaque personne humaine, mais c’est le croyant qui la perçoit. On la reconnaît objectivement et on l’absorbe subjectivement comme vérité dans sa propre vie. La foi est la joie dans la plénitude divine de la vie. Cette participation à la vie divine présuppose deux mouvements qui traversent les frontières : l’incarnation de Dieu dans cette vie humaine, et la transcendance de la vie humaine dans la vie divine. (p 73-74)

 

Dieu présent et proche

La foi chrétienne n’est pas tournée vers un Dieu lointain, mais elle se vit dans la présence de Dieu qui nous entoure de tous côtés.

« Tu m’entoures par derrière et par devant. Tu mets ta main sur moi. Une science aussi merveilleuse est au dessus de ma portée. Elle est trop élevée pour que je puisse la saisir » (Psaume 139. 5-6). Il est vrai que nous ne pouvons voir Dieu. Cependant, ce n’est pas parce que Dieu est si loin, mais parce qu’il est si près… « Dieu est plus près de nous que nous ne pouvons l’être de nous-même », déclare Augustin. « En lui, nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes  17.28).

 

Mais cela n’est pas seulement vrai pour nous-même. Cela s’applique à tout ce que Dieu a créé. Il n’y a rien là dedans qui échappe à la présence de Dieu. Nulle part, nous ne pourrions ne pas rencontrer Dieu. En conséquence, nous rencontrerons toute chose avec révérence… Alors nous voyons toute chose dans  la présence de Dieu et la présence de Dieu en toute chose…

 

Au moment où nous croyons cela, une spiritualité cosmique commence. Nous commençons à voir toute chose avec étonnement et nous sommes saisis par une profonde révérence envers la vie… Dieu nous attend en toute chose qu’Il a créée et nous parle à travers elles. Celui qui a des yeux pour voir le voit. Celui qui a des oreilles pour entendre l’entend. La création entière est un grand et merveilleux sacrement de la présence de Dieu qui y réside. (p 170-171)

 

Marcher dans l’espérance

L’espérance ne signifie pas se fixer sur l’attente d’un temps meilleur dans le futur. C’est une attente tendue vers le jour nouveau. L’espoir d’une vie en plénitude nous rend curieux et ouvre nos sens à ce qui vient nous rencontrer. En vertu de cette espérance, nous sommes ouverts à l’étonnement et nous nous ouvrons à l’émerveillement à chaque nouvelle journée. Nous nous éveillons parce que nous savons que nous sommes attendus. Dans la force de l’espérance, nous ne capitulons pas face à la puissance de la mort, de l’humiliation et de la déception. Nous poursuivons la tête haute parce que nous voyons au delà du jour actuel. La personne qui abandonne l’espoir dans la vie et se désespère se tient aux portes de l’enfer au sujet duquel Dante a écrit : « Abandonnez toute espérance, vous qui entrez ici ». La personne qui garde l’espoir dans la vie est déjà sauvée. Cette espérance la garde en vie. Cette espérance la rend capable de vivre à nouveau. (p 169)

 

Une vision du futur

L’espérance eschatologique appelle le futur de Dieu « qui est à venir » (Apocalypse 1.4) dans le présent, qualifiant ainsi le présent pour être un présent de ce futur, en conformité avec le Christ, « Celui qui est venu dans ce monde » comme l’exprime la confession de foi de Marthe (Jean 11.27). La proclamation de l’Evangile aux pauvres, la guérison des malades par Jésus, et les béatitudes du Sermon sur la montagne sont des signes de la présence du futur de Dieu dans ce monde. « Le royaume de Dieu est au milieu de vous ».

 

D’autre part, l’espérance eschatologique ouvre chaque présent au futur de Dieu. « Portes, relevez vos linteaux ; haussez-vous, portails éternels pour que le grand roi fasse son entrée. » (Psaume 24.7).

On imagine que cela puisse trouver sa résonance dans une société ouverte au futur. Les sociétés fermées rompent la communication avec les autres sociétés. Les sociétés fermées s’enrichissent au dépens des sociétés à venir. Les sociétés ouvertes sont participatives et elles anticipent. Elles voient leur futur dans le futur de Dieu, le futur de la vie et le futur de la création éternelle…

 

La vie dans la joie est déjà une anticipation de la vie éternelle. La bonne vie est déjà le commencement d’une vie rayonnante là-bas. La plénitude de la vie ici pointe au delà d’elle-même à la plénitude de la vie là-bas. Dans la joie, en perspective de ce qui est espéré dans le futur, nous vivons ici et maintenant, nous pleurons avec ceux qui pleurent et nous nous réjouissons avec ceux qui se réjouissent (Romains 12.15). La vie dans l’espérance n’est pas une vie à moitié sous condition. C’est une vie pleine qui s’éveille aux couleurs de l’aube de la vie éternelle. (p 189-190)

 

Liberté : une attente créatrice

Si la foi chrétienne est une foi en la résurrection, alors elle est tournée vers l’avenir et peut être énoncée comme la passion créatrice pour une vie future éternellement vivante. Ainsi elle transcende les limitations du présent et elle traverse la réalité actuelle pour entrer dans les potentialités de l’avenir…

 

L’espérance chrétienne n’est pas une simple attente ou le fait d’ « attendre et voir ». C’est une attente créatrice des choses que Dieu a promis par la résurrection du Christ. Ceux qui attendent quelque chose avec passion se préparent à cette intention, eux et leur communauté. Dans cette préparation, le chemin  de Celui qui vient est préparé à travers des essais pour correspondre à ce qui est anticipé, avec toutes les capacités et les potentialités dont on dispose.

 

Ces correspondances avec l’avenir que Dieu a promis, sont des anticipations du futur. La personne qui espère un monde de liberté désirera ici et maintenant une libération par rapport à la répression politique et l’exploitation économique…La personne qui espère une vie éternellement vivante, sera déjà saisie, ici et maintenant,  par cette vie « unique, éternelle et rayonnante » et rendra la vie vivante partout où elle peut. La liberté n’est pas une conscience de la nécessité (« Insight into necessity »), c’est une conscience de la potentialité (« insight into potentiality »). La liberté n’est pas une harmonie des formes actuelles de pouvoir. C’est leur harmonisation avec ce qui est à venir, comme l’annonce le prophète Esaïe : « Lève toi. Sois éclairée, car ta lumière arrive. Et la gloire de l’Eternel se lève sur toi » (Esaïe 60.1). (p 115)

 

Prier en liberté

Jürgen Moltmann évoque diverses attitudes corporelles mises en œuvre dans certains milieux pour la prière (s’agenouiller, courber la tête, fermer les yeux) dont il s’interroge sur le conception de Dieu et du rapport à lui qu’elles expriment. En regard, il décrit l’attitude des premiers chrétiens.

 

Nous découvrons une attitude d’adoration complètement différente parmi les premiers chrétiens tels qu’ils sont décrits dans les catacombes de Rome et de Naples. Ils se tiennent droits avec la tête levée et les yeux ouverts. Leurs bras sont étendus, leurs mains ouvertes et tournées vers le haut (1Timothée 2.8). C’est une attitude qui dénote une grande attente et une ouverture à embrasser l’autre avec amour. Ceux qui s’ouvrent à Dieu de cette manière sont manifestement des hommes et des femmes libres… Cette attitude était traditionnellement utilisée dans les prières pour la venue de l’Esprit Saint. C’est l’attitude des prêtres orthodoxes dans l’épiclèse de l’Esprit. Le mouvement pentecôtiste moderne l’a adoptée dans son culte. Cela devient aussi l’attitude des personnes qui sont remplies par une espérance messianique et qui font face aux incertitudes de leur temps. « Redressez-vous et relevez la tête parce que votre délivrance approche » (Luc 21.28).

 

Dans le Nouveau Testament, prier n’est jamais mentionné d’une façon isolée, mais toujours en lien avec : observer, faire attention : « observer et prier » (« watch and pray »). Aussi, en termes métaphoriques, prier n’est jamais tourné seulement vers le haut, mais toujours en même temps dans un regard en avant. Ici, Dieu n’est pas craint comme celui qui a le pouvoir suprême, mais il est perçu  comme le grand espace (« broad place ») dans lequel une personne entre en prière et peut se développer (Psaume 31.8 et 18.19). La première attitude chrétienne dans l’adoration et la prière montre que le christianisme est, dans sa forme sensorielle, une religion de liberté. La posture debout devant Dieu est étonnante et incomparable. Les personnes qui prient, prient alors dans un esprit qui s’appelle : liberté. C’est la liberté en Dieu. (p 203)

 

La foi, participation à la puissance créatrice de Dieu

Dans la foi chrétienne, la liberté ne signifie pas la conscience de la nécessité (« Insight into necessity »), ni un pouvoir indépendant et souverain de l’individu sur lui-même et ses capacité. Juste comme la foi d’Israël est ancrée dans le Dieu de l’Exode, la foi chrétienne est ancrée dans la résurrection du Christ. A travers la foi, hommes et femmes prennent conscience de leur libération et entrent dans le vaste espace divin. A travers la foi, ils participent à la puissance créatrice de Dieu. « A Dieu, tout est possible » (Mat 19.26). Car « Tout est possible à celui qui croit » (Marc 9.23). La personne qui fait confiance à un Dieu qui libère et ressuscite des morts, participe à travers l’Esprit de Dieu à l’abondance des potentialités de Dieu. Paul met cela en évidence à partir de l’exemple d’Abraham qu’il décrit comme un modèle pour une vie vécue dans la foi. « Il est notre père devant Dieu auquel il a cru, le  Dieu qui rend la vie aux morts et fait exister ce qui n’existait pas… Il crut, espérant contre toute espérance » (Romains  4.16-18). Face au non être, la liberté de Dieu se révèle une puissance créatrice, et, en face de la mort, elle se montre une force qui donne la vie… Dans la foi, les êtres humains correspondent au Dieu créateur, au Dieu qui donne la vie, et, dans le respect de Dieu, participent aux énergies divines. Cela va bien au delà des limites de ce qui paraît humainement possible, comme l’indique la parole : « Tout est possible à celui qui croit ».  Dans leur liberté limitée, empreinte de finitude, les êtres humains découvrent en Dieu des possibilités insondables. Ainsi la liberté de l’homme ne peut être limitée par Dieu, mais, dans le nom de Dieu, elle se révèle sans limites. (p 108)

 

(1)            Moltmann (Jürgen). The living God and the fullness of life. World Council of Churches publications, 2016

 

Sur ce blog, voir aussi : « Dieu vivant, Dieu présent, Dieu avec nous dans un monde où tout se tient » : https://vivreetesperer.com/?p=2267

 

Et un renvoi aux articles de ce blog se référant à la pensée théologique de Jürgen Moltmann : https://vivreetesperer.com/?s=Moltmann

 

Cultiver la terre en harmonie avec la nature

 La permaculture : une vision holistique du monde

 Aujourd’hui, nous savons que la terre est menacée. C’est le changement climatique et le recul de la biodiversité. Et nous, nous prenons conscience de tout ce que nous recevons de la nature, une symbiose elle aussi en danger. En regard, à travers de multiples organisations, un puissant mouvement écologique est apparu. Les états entrent peu à peu dans cette mobilisation pour ce qu’on peut appeler la sauvegarde de l’humanité. Nous sommes tous concernés. C’est un appel pressant à changer de genre de vie. L’agriculture est particulièrement concernée. Au cours des dernières décennies, elle a été entrainée dans une escalade productiviste en rupture avec une relation équilibrée et durable avec l’environnement naturel. En regard, on a pu observer un engagement militant dans une manière nouvelle de vivre et de cultiver la terre. Cette approche est illustrée notamment par la grande figure de Pierre Rabhi. On assiste par ailleurs à l’invention de nouvelles pratiques qui allient efficacité accrue et respect de la nature. C’est un lieu d’innovation, c’est un front pionnier qui attire de nouveaux acteurs à la recherche d’une vie plus proche de la nature.

Ce courant est porteur d’espérance et il nous a par utile d’en faire mention sur ce blog. Nous avons déjà décrit l’apparition et le développement des « Incroyables comestibles » en France (1). Un ami engagé dans un « Jardin de Cocagne » (2), nous a récemment fait connaître cette belle innovation. Aujourd’hui, nous découvrons une nouvelle manière de cultiver la terre en harmonie avec l’environnement naturel. Ces initiatives innovantes sont « des fermes d’avenir ». Elles apparaissent et se développent dans des formes diverses selon la personnalité des intervenants et les caractéristiques de l’environnement.

 

La ferme biologique du Bec Hellouin

En naviguant sur le web, une expérience s’impose, celle de la ferme biologique du Bec Hellouin en Normandie. Cette réalisation est le fruit d’un itinéraire singulier. Au début des années 2000, Perrine et Charles  Hervé-Gruyer s’installent en ce lieu avec le désir d’y vivre une vie de famille. Au départ, pour assurer leur subsistance alimentaire, ils s’engagent progressivement dans une aventure agricole, découvrent en 2008 la permaculture et, à partir de là, développent une microagriculture intensive en s’inspirant à la  fois de pratiques ancestrales et de recherches innovantes .

Aujourd’hui, « la ferme biologique du Bec Hellouin est une ferme expérimentale fonctionnant selon les principes de la permaculture… Nous mettons en pratique un ensemble de solutions inspirées du fonctionnement des écosystèmes naturels, qui permettent de produire en abondance des fruits et des légumes sains : cultiver en buttes, agroforesterie, cultures associées, traction animale… La production maraichère de la ferme est plusieurs fois supérieure à la moyenne nationale par unité de surface, pratiquement sans recours aux énergies fossiles… L’herbage, situé en zone protégée Nature 2000, où nous avons créé les jardins, est devenue une oasis de vie où se côtoient un grand nombre d’espèces végétales et animales : 800  végétaux différents environ sont cultivés sur la ferme. Les deux iles-jardins, le jardin mandala, les mares, la foret nourricière, les vergers forment un agro-écosystème hautement productif et durable » .

Depuis fin 2011, la ferme du Bec Hellouin est engagée dans un programme de recherche avec l’INRA (Institut national de recherche agronomique) et AgroParis Tech. Elle met en oeuvre également un programme de formation. (3) Il y a là une belle dynamique que Perrine et Charles Hervé-Gruyer nous communiquent dans une vidéo (4).

 

 

Une approche holistique : la permaculture

Cette entreprise innovante s’inspire d’une vision évoquée par le terme de permaculture. Différentes définitions ont été proposées pour décrire cette approche. Nous reprenons ici la présentation qu’en donne Perrine et Charles Hervé-Gruyer, eux-mêmes auteurs d’un livre sur la permaculture.

« Créée dans les années 90 en Australie par Bill Molisson et David Holmgren, la permaculture est un système conceptuel inspiré du fonctionnement de la nature. Depuis des centaines de millions d’années, la nature crée des écosystèmes harmonieux et durables, qui génèrent eux-mêmes les conditions favorables au développement de formes de vie plus évoluées. Permaculture signifiait, à l’origine, agriculture permanente, puis le concept s’est élargi pour devenir culture permanente dans le sens de durable.

L’être humain, particulièrement en Occident, durant les derniers siècles, artificialise les écosystèmes et s’impose de ce fait l’obligation de devoir compenser par son travail et par des entrants les fonctions remplies naturellement par le vivant… La permaculture cherche à concevoir des installations harmonieuses, durables, résilientes, économes en travail comme en énergie, à l’instar des systèmes naturels. Son concept de design repose sur un principe essentiel : positionner au mieux chaque élément de manière à ce qu’il puisse agir positivement avec les autres…

La  permaculture repose sur trois principes : prendre soin de la terre, prendre soin des hommes, partager équitablement les ressources. La permaculture a un objet large : elle intègre l’agro-écologie, la construction écologique, les énergies renouvelables… dans une vision pragmatique et souple pouvant être adaptée à chaque territoire, aux besoins et aux aspirations de chaque personne ou communauté.

A la ferme du Bec Hellouin, nous étudions particulièrement les adaptations de la permaculture à l’agriculture biologique. Contrairement à une idée trop répandue, la permaculture n’est pas un ensemble de techniques de jardinage, mais bien un système conceptuel. Ces applications sont toutefois particulièrement pertinentes dans le domaine de la production agricole. La permaculture permet de concevoir des agro-systèmes tout à la fois harmonieux, durables, économes et productifs ».

 

Fermes d’avenir

On constate aujourd’hui que la vision éthique d’une activité humaine en phase avec la nature inspire beaucoup de gens et suscite un attrait pour de nouvelles formes de travail agricole. Dans un monde troublé, on peut y voir un désir d’enracinement. Ainsi, de nouvelles initiatives apparaissent comme celle des « fermes d’avenir.

Une association s’est créée pour favoriser le développement de ces fermes (5). Quelle est la vision de cette association ?

« Nous souhaitons  donner au plus grand nombre l’envie et les moyens de lancer leur propre projet agricole, écologique et rentable. Notre démarche touchera en particulier les agriculteurs souhaitant effectuer leur transition, les citadins souhaitant lancer une activité de maraichage et  les propriétaires fonciers soucieux de valoriser une partie de leurs terres… L’objectif primordial est de montrer qu’il est possible, sur un hectare, de créer un emploi pérenne de maraichage biologique…Dans un premier temps, notre défi est donc de créer une microferme exemplaire en maraichage, s’inspirant de la permaculture et de l’ensemble des techniques efficaces de l’agro-écologie…L’association Fermes d’avenir s’est développée autour d’un projet fondateur : la création de la microferme expérimentale de la Bourdaisière (37). Mais, au demeurant, de nombreuses fermes partout en France sont engagées dans une démarche exemplaire  respectant la terre, respectant les hommes et imprégnée d’une forte dimension éthique ».

 

 

Action pionnière : Maxime de Rostolan

Dans ce mouvement, les itinéraires des acteurs sont significatifs. C’est le cas pour Maxime de Rostolan, fondateur et dirigeant de l’association « Fermes d’avenir ». « Ingénieur chimiste de formation, Maxime de Rostolan, son diplôme en poche, s’intéresse au traitement de l’eau et s’engage alors dans un tour du monde afin de sensibiliser le public à cette question. A son retour dans l’hexagone, il se passionne pour la biomimétisme et crée l’association : « Biomecry France » qui encourage les entreprises à transformer leurs produits et métiers en s’inspirant de la nature. Il planche ensuite sur le financement participatif et lance « Blue Bees », une plateforme dédiée aux projets d’agriculture et d’écologie. Aujourd’hui, Maxime dirige « Fermes d’avenir ». Son nouveau défi : déployer un modèle agricole écologique et rentable à grande échelle ».

Maxime de Rostolan nous parle de son projet dans un exposé (vidéo) lors d’un colloque Ted X à Tours (6). « Depuis que j’ai vingt ans, j’essaie de trouver des solutions pour changer le monde… A force de chercher, j’ai découvert qu’il existe un partenaire de choix : le laboratoire du vivant ». Effectivement, on peut s’inspirer de la nature comme nous l’enseigne le biomimétisme. Maxime a pris conscience de l’impasse où se trouve aujourd’hui l’agriculture classique qui abuse de la mécanisation et des produits chimiques. « En 50 ans, on a divisé par 25, notre efficacité énergétique pour produire de l’alimentation ». Maxime se réfère lui aussi à la vision nouvelle ouverte par la permaculture. En 2010, il en découvre les potentialités à la ferme du Bec Hellouin.

Mais comment déployer ce type de ferme sur le territoire ? Les chercheurs de l’INRA sont intéressés par la possibilité de suivre une ferme de ce genre en phase d’installation. Maxime va donc se lancer dans l’innovation. Il se forme en conséquence et il s’engage dans le développement d’une ferme expérimentale de 1 ha 4, la ferme de la Bourdaisière à Montlouis sur Loire. Premier objectif : fournir les données correspondantes aux chercheurs de l’INRA. Deuxième objectif : créer une boite à outils qui permette à toute personne qui le souhaite de reproduire cette expérience. Troisième objectif : évaluer les services écosystémiques rendus par ce type d’agriculture : préserver la diversité, entretenir la qualité de l’eau, favoriser le paysage, créer une dynamique sur les territoires… ». Dans cet entretien en 2015, Maxime de Rostolan nous dit que depuis un an et demi, l’objectif a été tenu. « La nature est généreuse ! ». Et il a découvert un métier dans lequel il se trouve à l’aise.

 

Manifestement, les fermes d’avenir ouvrent une voie nouvelle en permettant à de nombreux acteurs de s’engager dans ce nouveau métier. « C’est une triste chose de songer que la nature parle et que l’homme n’écoute pas » a écrit Victor Hugo. Aujourd’hui, ce constat est battu en brèche.  La permaculture témoigne d’une vision nouvelle qui est en train de se communiquer et de se répandre. De la ferme du Bec Hellouin à celle de la Bourdaisière, un puissant mouvement d’innovation apparaît et porte une nouvelle conception des rapports entre l’homme et la nature. C’est une nouvelle éthique.

 

J H

 

(1)            « Incroyable, mais vrai ! Comment « Les incroyables comestibles » se sont développés en France » : https://vivreetesperer.com/?p=2177

(2)            Réseau Cocagne : http://www.reseaucocagne.asso.fr

 

(3)            Le site de la ferme du Bec Hellouin ne présente pas seulement les activités de la ferme, mais aussi les principes de la permaculture et de l’agroécologie : http://www.fermedubec.com

(4)            Histoire et présentation de la ferme du Bec Hellouin par les créateurs : Perrine et Charles Hervé-Gruyer. Cette vidéo montre concrètement les différents visages de la ferme et exprime l’inspiration de cette innovation : https://www.youtube.com/watch?v=5w3VqluGfGY

(5)            Fermes d’avenir : http://www.fermesdavenir.org

(6)            « La terre et l’éthique » : Maxime de Rostolan à TEDx Tours : https://www.youtube.com/watch?v=2qWKKQowguM

 

 

Sur ce blog, voir aussi :

« Pour une conscience écologique » : https://vivreetesperer.com/?p=694

« Vivre en harmonie avec la nature » :

https://vivreetesperer.com/?p=757

« Anne-Sophie Novel, militante écologiste et pionnière de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975

« Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, Pape François, Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/?p=2151