Pour un processus de dialogue en collectivité : un chemin vers l’intelligence collective

 

Témoignage de Pascale Ribon, ingénieur

 

Nous savons, par expérience, combien il y a souvent des blocages dans la communication au sein des collectivités. Des oppositions tranchées s’installent et le dialogue social ne parvient pas à s’établir. Cette situation empêche la résolution des problèmes et l’élaboration de réponses constructives. Mais on peut observer aussi des dynamiques positives. Ingénieur, dirigeante de services publics au fil de son parcours, Pascale Ribon nous fait part de son expérience dans un entretien Ted X Saclay (1) : « Si gentillesse et bienveillance rimaient avec performance collective ». Pascale nous parle de son expérience avec beaucoup de simplicité et d’authenticité. On perçoit les fruits d’une attitude qui engendre le dialogue à travers le respect, l’attention et l’écoute. Ce dialogue débouche sur la mise en route d’une intelligence collective. Pascale Ribon nous décrit ce processus à partir de trois étapes de sa vie professionnelle.

 

 

L’approche innovante d’une jeune ingénieur

C’est tout d’abord la première fonction dans laquelle elle est entrée au sortir de ses études.

« J’étais jeune ingénieur. C’était mon premier poste. J’étais responsable d’un bureau d’étude d’ingénierie dans le domaine de l’eau, de l’assainissement et de la gestion des rivières. A l’époque, la norme, c’était de canaliser les rivières, donc, c’était un peu une catastrophe en terme d’écosystème ». Pascale va essayer de faire évoluer les représentations pour qu’on utilise des méthodes plus naturelles.

Et justement, on lui confie un projet qui concerne un effondrement des berges de la Seine. Elle raconte la confrontation qui s’est opérée. « Je devais présenter des préconisations techniques. Il n’y avait que des messieurs d’un certain âge en face de moi. J’étais la seule femme. J’ai présenté un projet 100% naturel avec des plantes. Il y a eu un grand blanc, et à la fin de ma présentation, je me suis fait renvoyer dans mes buts comme si j’étais totalement incompétente. Et j’ai bien compris à leur regard qu’ils se disaient. Comment a-t-on pu recruter à ce poste une jeune femme comme ça ? Ces histoires de petits poissons, de plantes, c’est bien une histoire de femme. Ce n’est pas une histoire d’ingénieur. J’ai bien compris ce jour là que je n’avais pas réussi à convaincre ».

Cependant Pascale va surmonter cette humiliation. Elle va persévérer et, peu à peu, les mentalités vont changer. « Je suis retourné un certain nombre de fois en gardant le sourire. Et puis surtout, on a travaillé ensemble avec des collègues. On a créé un réseau pilote. On a mobilisé les expériences étrangères et finalement, on a réussi à convaincre et à changer la norme en assez peu de temps ».

C’est par le dialogue qu’on parvient à faire évoluer les représentations et les comportements. En voici un exemple encourageant.

 

Dépasser un conflit social dans une Direction de l’équipement

Pascale Ribon a poursuivi son parcours professionnel. La voilà maintenant responsable d’un service public important : une Direction départementale de l’équipement : mille agents répartis dans une dizaine de sites.

Or voici qu’une décision de l’Etat vient remettre en cause le fonctionnement de celle-ci et donc les habitudes des employés. On imagine l’émotion suscitée par ce bouleversement. « L’Etat avait décidé de transférer une partie des missions aux conseils généraux et de réorganiser le reste. C’était la décentralisation. Bien sûr, les personnels ne perdaient pas leur travail, mais ils étaient remis en question d’une façon assez profonde. Certains allaient changer de statut. Ils allaient devoir changer d’employeur, changer de métier ».

Comme directrice, Pascale est directement confrontée à l’agitation suscitée par la crainte des employés. « Ce jour-là, les syndicats avaient organisé une manifestation pour exprimer leur opposition. Vous arrivez le matin. Vous êtes le directeur. Vous savez qu’une centaine de personnes vous attendent sur le parking, avec un mégaphone, avec beaucoup d’agressivité pour vous montrer qu’ils sont totalement contre la réforme que vous allez mettre en œuvre. Vous avez le choix. Vous pouvez aller vous garer discrètement dans une rue adjacente, monter directement dans votre bureau, dire à votre directeur des relations humaines qu’il s’en occupe parce que le dialogue social, c’est son boulot ! Et puis, vous avez des choses importantes à faire. Il y a surement une réunion qui va démarrer…

Mais vous pouvez aussi faire le choix d’aller discuter. Et ce matin là, c’est le choix que j’ai fait, même si c’était difficile. La barrière s’est ouverte. Je suis entrée sur le parking. Je me suis avancé vers les leaders du mouvement. Je les connaissais. J’avais l’habitude de travailler avec eux. Mais là, face à leur colère, ce n’était pas pareil. C’était difficile. Je voulais leur dire que les décisions qu’on allait prendre tiendraient compte de leurs contraintes. Je voulais leur dire que j’avais besoin qu’ils participent à les construire. Et surtout, je voulais qu’ils sentent que, pour moi, ils n’étaient pas des chiffres ou un tableau de bord, mais des personnes comme moi, avec leurs émotions, leurs contraintes personnelles, leur conscience professionnelle. Et donc, malgré ma peur, malgré leur agressivité, on a discuté, on a tissé doucement les fils de la confiance et puis on a arrêté la manifestation. Et on s’est mis au travail. On a travaillé pendant deux ans. Et finalement on a déployé la décentralisation au mieux des intérêts de chacun… »

Ainsi, comme l’exprime ce témoignage de Pascale, nous ne sommes pas soumis à une fatalité selon laquelle nous sommes impuissants face à des engrenages collectifs. Une conviction personnelle, portant une volonté de dialogue, peut entrainer un changement dans le déroulement des évènements et dans la vie des personnes concernées.

 

Introduire un esprit collaboratif dans une école d’ingénieurs

Pascale nous raconte une troisième expérience professionnelle. Parce qu’elle avait envie de contribuer à une évolution des mentalités vers plus d’esprit de dialogue et de confiance mutuelle, Pascale Ribon est devenue directrice d’une école d’ingénieurs : l’ESTACA (2).

« J’ai fait le pari que l’école, pour les étudiants, pouvait être la première entreprise à laquelle ils coopèrent, et que, dans cette entreprise là, on allait leur faire pratiquer concrètement l’intelligence collective de manière à ce que, par la suite, ils puissent essaimer et qu’ils puissent apporter cette manière de travailler dans les différentes entreprises où ils agiront plus tard.

C’est pour cela que les nouveaux locaux qu’on a inauguré l’année dernière à l’ESTACA étaient les plus ouverts et les plus décloisonnés possible pour que, finalement, les étudiants, les enseignants, les chercheurs, les personnels administratifs, les partenaires aient le plus possible l’occasion de se croiser, de se parler, de se connaître, et donc de coopérer, de faire des choses ensemble. C’est aussi pourquoi, lorsqu’on a travaillé sur le campus numérique, on a décidé que les étudiants aussi pourraient produire des contenus pédagogiques pour qu’ils apprennent à se soutenir et à s’entraider les uns les autres au delà de leurs cercles d’amis. C’est pour cela aussi que, sur plusieurs années, on a fait évoluer le système de distribution des moyens qui étaient attribués aux projets associatifs, aux projets des étudiants, en passant d’un système où c’était l’administration qui distribuait les moyens à un système où ce sont les étudiants qui font les choix. Il a fallu déconstruire un certain nombre de représentations, de comportements, en particulier ceux qui étaient liés à la peur de l’arbitraire, à la peur du copinage en lien avec le pouvoir, et puis en construire d’autres plus propices à la confiance ». Comme l’exprime ici Pascale, c’est bien nos représentations qui sont en question et que nous sommes appelés à changer. A cet égard, l’éducation, la formation sont des espaces stratégiques.

 

Le choix d’agir et d’influer sur les situations

Cependant, on en a bien conscience en écoutant Pascale, ce changement est guidé par une vision du monde, une vision de l’humain qui s’articule avec des valeurs comme la confiance et la bienveillance. Pascale Ribon s’exprime à ce sujet à partir de son expérience.

« A partir de ces trois expériences de ma vie professionnelle, je veux démonter un discours qu’on entend de plus en plus, et qui, pour ma part, m’insupporte. On change de plus en plus vite. Et, dans ce monde qui change de plus en plus vite, les entreprises seraient devenues des lieux de souffrance à cause des changements sur lesquels nous n’aurions aucune prise. Les responsables seraient ailleurs : la finance, la politique, la mondialisation, enfin à chacun son bouc émissaire. Et nous attendons un homme providentiel pour nous sauver. C’est l’époque. Finalement, la seule solution, la seule alternative à la dépression, à la démobilisation, ce serait la résistance, ce serait la révolte. Croire qu’on peut dire : « stop ».

Mais depuis le début de ma carrière, je travaille dans des organisations en changement. Comme vous, je pense. Et, depuis une vingtaine d’années, j’ai dirigé des organisations de taille variable, publiques, privées, de 100 à presque 1000 personnes, qui, toutes, étaient confrontées à des évolutions très importantes. Ce qui m’a guidé dans ces évolutions, dans ces fonctions, c’est la conscience que les entreprises, ce sont d’abord des gens, ce sont des communautés d’individus comme vous, comme moi. Et finalement, ce ne sont pas des décideurs lointains qui font notre quotidien professionnel, mais bien des gens que nous côtoyons directement, par leur comportement et par la qualité de leurs interactions les uns aux autres ». Et donc, ce qui se passe, dépend de nous pour une bonne part. « Chacun choisit chaque jour, soit de poursuivre son projet personnel en compétition avec les autres, voire en considérant que ce sont des obstacles à sa propre réussite, à son propre épanouissement personnel, ou, au contraire, de poursuivre un projet plus collectif, de construire ce que j’appelle un écosystème de développement, d’apprentissage dans lequel chacun va trouver grosso modo sa place, et au fur et à mesure poser les problèmes qui le concernent, y apporter des solutions les plus adaptées possible, construire finalement un environnement plus conforme à nos souhaits ».

En vous racontant l’histoire de la direction départementale de l’équipement de l’Eure et Loir, je voulais vous faire partager que, même dans des environnements très contraints, des environnements conflictuels, là où on pourrait penser qu’on n’a pas d’autres solutions que de s’effacer derrière des règles, des procédures, des décisions prises par d’autres, quand on pense qu’on n’a pas de marges de manœuvre, on garde toujours le choix. C’est cette liberté que nous avons prise ce jour là, les syndicats et moi-même. Nous avons pris le risque d’assumer nos marges de manœuvre. Nous avons pris le risque de la responsabilité, du dialogue, puis de la coopération, et donc, on a réussi à construire une forme d’intelligence collective et c’est grâce à cette intelligence collective que nous avons trouvé des solutions à un problème que nous n’étions pas prêts à résoudre ni les uns, ni les autres ».

 

Bienveillance et engagement personnel

Mais quels sont les ingrédients pour construire cette intelligence collective ? (3) A quelles qualités ce processus fait-il appel ? Qu’est ce qui nous est demandé ?

Pascale Ribon distingue deux ingrédients fondamentaux pour avancer dans ce sens.

« Le premier type d’ingrédient, c’est la bienveillance, l’empathie, je dirais même la gentillesse. Quand on parle de gentillesse, on entend : « On n’est pas chez les bisounours ! ». Mais je dis : Pourquoi pas ? Et ce n’est pas moi qui le dis. Ce sont les résultats d’une recherche commandée par Google. 200 équipes ont été auditées. Ils cherchaient à savoir qu’est ce qui suscitait la plus grande performance de certaines équipes. Ils ont testé beaucoup de critères. Et le critère principal auquel ils sont arrivés, c’est le niveau de gentillesse entre les membres (4). Et finalement, c’est assez instructif. Quand on a confiance les uns dans les autres, quand on sait qu’on peut compter sur les gens autour de soi, on prend des risques, on est innovant, on est créatif, on avance.

Pour construire cette intelligence collective, il y a un deuxième ingrédient. C’est l’engagement individuel. Ici. On peut évoquer la légende du colibri raconté par Pierre Rahbi (5). Cette légende dit qu’un jour, dans la foret, il y a eu un immense incendie. Et alors, l’ensemble des animaux assistait impuissant au désastre. Ils étaient atterrés, terrifiés. Il y a juste un petit colibris qui s’agite, qui prend de l’eau avec son bec, puis va jeter quelques gouttes d’eau dans le feu, et puis qui recommence. Cela agace le tatoo. « Mais arrête colibri ! Tu ne vas pas éteindre le feu ! ». Le colibri s’arrête, regarde le tatoo et lui dit : « Je sais. Je ne suis pas fou, mais je fais ma part ».

 

Le choix de la confiance

Lorsque Pascale, jeune ingénieur, commence à travailler dans un milieu insensible à la conscience écologique, elle a néanmoins persévéré et, petit à petit, elle a réussi à susciter une transformation des normes. Petit à petit, c’est un peu comme le goutte à goutte du colibri. Aussi peut-elle nous encourager.

« Vous aussi, je suis sur qu’il y a un incendie qui vous préoccupe. Il y a des choses que vous avez envie de voir changer. Mettez-vous en mouvement. Proposez des solutions. En plus, le temps joue pour vous. Des études disent que d’ici à cinq ans, 50% des métiers qui recruteront n’existent pas encore. Cela veut dire que les marges de manœuvre sont énormes. Et puis n’ayez pas peur de l’échec. On ne réussit jamais du premier coup. Il faut revenir, revenir. Les enfants tombent beaucoup avant de savoir marcher.

Ce qui est difficile en France dans cette dynamique là, c’est qu’on est nourri à la défiance. A la lecture des enquêtes internationales, on constate que la France est toujours en queue de peloton sur le thème de la confiance (6). Moins d’un français sur quatre considère qu’on peut globalement faire confiance aux autres. C’est presque 40% dans la moyenne des pays de l’OCDE. Et je ne vous parle pas des pays de l’Europe du nord où le pourcentage s’élève à 50%, 60%/. Les élèves, nos enfants, sont élevés dans un climat de défiance. Cela veut dire qu’on les « plombe » dans un monde où le niveau d’incertitude, de complexité va nécessiter de la coopération pour agir, donc de la confiance ».

 

Avec Pascale Ribon, nous voici au cœur des problèmes de notre époque. Dans une société en changement rapide (7), comment faire face aux transformations auxquelles nous sommes confrontés ? Cette question peut être éludée en regardant vers le passé, en refusant d’entrer dans la nouveauté ou en développant une agressivité qui se fixe sur des boucs émissaires. Pascale nous montre qu’il y a un autre chemin, que les problèmes peuvent être affrontés et résolus, que « oui, c’est possible ». Mais il y a une condition. C’est entrer en relation, dialoguer, faire confiance. Ce qui se passe, dépend de nous pour une bonne part. Elle nous appelle à « construire des écosystèmes de développement, d’apprentissage où chacun va pouvoir trouver sa place, et, au fur et à mesure, poser les problèmes qui le concernent, y apporter des solutions les plus adaptées possibles ». C’est le chemin d’une intelligence collective où nous allons pouvoir résoudre des questions jugées jusque là inaccessibles. Ce processus requiert de la confiance. En nous, cette confiance dépend de notre vision du monde, de notre vision de l’humain et donc d’une dimension spirituelle. Si elle se heurte à un climat opposé, elle peut néanmoins se répandre et engendrer une dynamique. Le témoignage de Pascale Ribon nous encourage et nous permet d’envisager les enjeux.

 

J H

 

(1)            « Et si gentillesse et bienveillance rimaient avec performance collective » (Pascale Ribon) (Ted X Saclay) mis en ligne avec le 23 janvier 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=6fmWo-znXVM

(2)            ESTACA : Ecole d’ingénieurs : Aéronautique, auto, spatial ferroviaire : http://www.estaca.fr

(3)            L’intelligence collective passe par un dialogue qui permet de développer des représentations plus adaptées : « Pour une intelligence collective » : https://vivreetesperer.com/?p=763

(4)            Diverses recherches montrent une influence positive de la bienveillance et de la gentillesse sur l’efficacité du travail » :    « Vers un nouveau climat de travail dans des entreprises humanistes et conviviales. Un parcours de recherche avec Jacques Lecomte » : https://vivreetesperer.com/?p=2318

(5)            La légende des colibris racontée par Pierre Rahbi inspire le Mouvement Colibris : https://www.colibris-lemouvement.org/mouvement/nos-valeurs

(6)            « Promouvoir la confiance dans une société de défiance ! » : https://vivreetesperer.com/?p=1306

(7)            « Un monde en changement accéléré. La réalité et les enjeux selon Thomas Friedman » : https://vivreetesperer.com/?p=2560

« Pourquoi et comment innover face au changement accéléré du monde ? » : https://vivreetesperer.com/?p=2624

 

Voir aussi

 

« La paix, ça s’apprend ! » : https://vivreetesperer.com/?p=2596

« Comment la bienveillance peut transformer nos relations ? » : https://vivreetesperer.com/?p=2400

« Thomas d’Ansembourg. Un citoyen pacifié devient un citoyen pacifiant » : https://vivreetesperer.com/?p=2156

« Appel à la fraternité » : https://vivreetesperer.com/?p=2086

« Un environnement pour la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=2041

« Susciter un climat de convivialité et de partage » : https://vivreetesperer.com/?p=1542

Vers une société associative

 Transformation sociale et émergence d’un individu relationnel.

« La contresociété », selon Roger Sue

 livre_galerie_486         Si certains épisodes comme l’élection présidentielle en France suscitent des mobilisations, dans la durée, on assiste plutôt à un rejet du pouvoir politique qui s’exprime à travers un pessimisme et un désengagement. Plus généralement, dans tous les domaines, les institutions hiérarchisées, qui ont longtemps encadré la société française, sont aujourd’hui plus ou moins sujet de défiance. Ainsi, peut-on ressentir un malaise dans la vie publique qui s’exprime dans un vocabulaire de crise. Ce désarroi se conjugue avec une révolte diffuse qui nourrit les extrémismes. Et pourtant, on peut également observer en regard des mouvements qui sont porteurs d’espoir. Nous avons besoin d’y voir plus clair. Cette situation appelle des diagnostics et des propositions.

A cet égard, des chercheurs en sciences sociales viennent éclairer les transformations actuelles. Ainsi, dans son livre : « La contresociété » (1), Roger Sue nous apporte une vision positive : « Le contrat social ne tient plus ». Dans le vide actuel, « surgissent les monstres, les extrémistes de l’ordre et du désordre. Mais se lève aussi l’immense majorité des individus anonymes, qui, hors des institutions verticales, retissent les liens d’une société horizontale et associative, une contresociété. Celle des réseaux qui créent internet, celle de l’économie collaborative qui renouvelle la relation au travail et à la richesse, celle de la connaissance qui défie ceux qui prétendent à son monopole, celle de l’engagement et de l’action qui redonne son sens original à la politique et à la démocratie… » (page de couverture)

Dans ce livre, Roger Sue met en évidence, par delà les héritages encore dominants, l’émergence d’une nouvelle forme de lien social, d’un « individu relationnel », moteur d’une société associative. Il décrit les comportements, les initiatives, les innovations qui portent ce changement et en témoignent. Enfin, en conclusion, il propose trois orientations stratégiques pour que « la contresociété devienne la société elle-même et dessine une autre figure politique en rapport avec l’évolution du lien social : l’ouverture de l’école à la société de la connaissance, l’universalité du service civique et la participation des citoyens à la politique ».

 

Une nouvelle manière de vivre en société

Si nous ressentons un état de crise qui entraine un repli, une morosité et se traduit par un rejet du politique, Roger Sue perçoit, dans le même temps, un mouvement sous-jacent dans lequel s’élabore une nouvelle manière d’envisager la société. A l’encontre de la société dominante, cette « contresociété » « préfigure de nouveaux modes d’organisation du social, de l’économique et du politique ». « Là où la plupart des observateurs décrivent la fragmentation, l’éclatement, la déconstruction des collectifs, le repli sur soi, sur fond de désert idéologique et politique,  et l’absence d’avenir, émerge un mouvement social de fond… » (p 8). Ce mouvement, en opposition aux formes anciennes de la société, s’affirme dans la désertion et la contestation, mais aussi dans la reconstruction. L’auteur décrit ces trois moments, mais comme les deux premiers , nous paraissent bien identifiés, nous mettons l’accent sur son analyse concernant la reconstruction.

Roger Sue nous appelle d’abord à ne pas nous focaliser sur la crise dans l’attente d’un retour au passé. « Le discours du retour au passé reste le fond de la promesses politique, à gauche et à droite, et à fortiori à l’extrême droite » (p 11). Nous ne devrions pas nous sentir prisonniers de représentations de l’économie liées au passé. Au delà des vicissitudes de l’économie, une transformation sociale est en cours qui va elle-même influer sur la vie économique. Un mouvement de fond est en train d’apparaître. « il est lié aux nouvelles manières de vivre ensemble, de se lier aux autres, de communiquer, de produire d’apprendre, de « faire société », bref aux évolutions du lien social » (p 13). Cette évolution est une nouvelle étape d’une transformation historique : « Le lien communautaire du passé enfermait la société et leurs membres sur eux-mêmes, dans leurs traditions statutaires et séculaires, et dans une économie de la reproduction relativement autarcique alors que la naissance de l’individu les ouvre aux liens contractuels de la modernité, à la démocratie, au marché, au progrès et au développement »  (p 15).

Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle étape. « L’évolution du lien social se caractérise par la montée en puissance d’un individu relationnel : les réseaux sociaux et associatifs ne se sont pas étendus aussi rapidement, puissamment et efficacement par hasard… ». « Un lien d’association ou de l’associativité se diffuse dans l’ensemble des relations sociales » et ce phénomène « a une portée révolutionnaire encore ignorée, de la famille à l’entreprise, en passant par les réseaux sociaux, de la manière de « faire connaissance » à celle de concevoir la politique » (p 15). Ainsi se développe une vie en réseau dans un grand nombre de domaines. « La famille fonctionne de plus en plus souvent comme une sorte d’association à géométrie variable…  De même l’irruption des technologies numériques, des grands réseaux sociaux, des mobiles est impensable sans une configuration sociale assez horizontale et associative…Le fonctionnement à grande échelle de l’internet est impossible sans une grande propension à l’associativité de la société… » (p 16-17). On retrouve cette influence de l’associativité dans l’émergence de la société de la connaissance, de l’économie collaborative, de la démocratie participative.

Nous rejoignons la question de Roger Sue : « La crise n’est-elle pas l’effet du choc d’une contresociété  de plus en plus horizontale face à des institutions et une organisation politique dramatiquement verticales ? ». Cette question implique une analyse de la situation qui correspond à notre expérience.

 

Une nouvelle forme du lien social : L’individu relationnel, source de la société associative.

 

« La forme du lien social gouverne notre relation à l’autre, aux autres et à la société. Aujourd’hui, cette évolution modifie toutes nos relations : le couple, la famille, les amis, le travail, l’entreprise, les loisirs, les institutions et la politique » (p 22). En analysant l’évolution sociale, Roger Sue nous fait entrer au cœur du processus qui génère une culture et une société associatives.

La recherche met en évidence le développement de l’individualisation au cours des derniers siècles et des dernières décennies . Cette évolution a pu être perçue par certains comme synonyme d’individualisme. Et effectivement, il y a eu des accents différents selon les phases et les moments de cette évolution. Mais aujourd’hui, le lien entre individualisation et socialisation est bien marqué.

Selon Roger Sue, on assiste actuellement à « une recomposition du rapport social de l’individu à lui-même, au collectif et à la société, c’est à dire du lien social » (p 23). L’auteur explore ces trois dimensions. Dans le rapport à soi, il y a attente et reconnaissance de la singularité de chacun. Cette singularité est liée à une capacité accrue de réflexion, mais aussi à la diversité des expérience vécues. « Elle tient à la faculté d’endosser des identités multiples ou successives ».  A la suite du livre de Bernard Lahire : « L’Homme pluriel » (2), on perçoit de mieux en mieux « la diversité des identités qui traversent la même personne » ( p 27). Le lien social n’est pas seulement extérieur à l’individu. Il le compose aussi intérieurement, mentalement, psychologiquement comme individu associé » (p 28).

Si nous adhérons à la proposition de Roger Sue de nommer « individu relationnel », le stade actuel de l’individualité, il en résulte la reconnaissance d’une énergie nouvelle : « Face à la décomposition des institutions, la socialisation procède désormais essentiellement du flux relationnel permanent qui émane des individus » (p30). C’est le développement d’une société en réseau. C’est l’émergence d’une société associative.

En France même, on assiste aujourd’hui à un développement constant de la vie associative. « On compte aujourd’hui plus de 1,3 million d’associations en activité, auxquelles s’ajoutent en moyenne 70000 créations chaque année. Ce rythme ne se dément pas. Il faut le comparer avec les 20000 créations des années soixante qui restent pourtant dans la mémoire comme la  grande période d’engagement, de  militantisme, de culture populaire et d’action civique » (p 43). « La France compterait aujourd’hui plus de 20 millions de bénévoles, soit près de 40% de la population, avec une remarquable progression de 12% au cours des années 2010-2016 » (p 42). Et, par ailleurs, les associations sont hautement appréciées par les français (79% de jugements positifs) devançant largement les institutions (p 29).

Cet esprit associatif se répand également dans la sphère politique malgré les résistances qui lui sont opposées. Les exemples sont multiples. Cependant, les oppositions que l’esprit d’association rencontre dans un système social et une sphère politique caractérisés par les séquelles de la hiérarchisation, engendre un malaise profond. Le diagnostic de Roger Sue nous paraît pertinent. « Le pessimisme ambiant fortement marqué en France, tient moins à la dégradation objective des conditions de vie qu’à la montée des subjectivités et des aspirations à l’association. Aspirations confrontées à une réalité socio-institutionnelle figée, décalée, qui paraît  d’autant plus distante. Du choc de l’horizontalité des réseaux de relation face à la verticalité des institutions nait la violence sociale qu’on retourne contre l’individu » (p 50)

 

Quelles perspectives ?

Dans notre recherche où la crise actuelle apparaît comme un effet des mutations en cours (3), où des transformations sociales en profondeur comme l’individualisation s’effectuent dans un processus à long terme (4), où des aspirations nouvelles se manifestent dans de nouveaux genres de vie (5) et à travers un puissant mouvement d’innovation (6), le livre de Roger Sue vient nous apporter un éclairage qui confirme un certain nombre de prises de conscience et contribue à une synthèse dans les convergences qu’il met en évidence. En proposant la notion d’ « individu relationnel », il met en évidence une nouvelle étape, bienvenue, dans le processus d’individualisation. En proposant la vision d’une « société associative, il donne du sens à toutes les innovations sociales qui apparaissent aujourd’hui, et, plus généralement  aux changements en cours qui manifestent un nouvel état d’esprit dans la vie sociale, économique et politique et qui se heurtent aux obstacles et aux oppositions « d’une réalité socio-institutionnelle figée, décalée », encore fortement hiérarchisée. Si cette grille de lecture n’épuise pas toutes les questions que nous nous posons aujourd’hui comme nos interrogations sur les origines de la puissance actuelle des forces qui montent à l’encontre des sociétés ouvertes, elle nous apporte une vision cohérente d’une société associative et participative dont nous voyons qu’elle répond à des aspirations convergentes.

Elle vient aussi en réponse à une attente qui court à travers les siècles comme un écho au message de l’Evangile tel qu’il a été vécu dans la première Eglise et a cheminé ensuite sous le boisseau dans un contexte religieux longtemps dominé par une civilisation hiérarchique et patriarcale. Il y a une affinité entre une dynamique fondée sur la relation et l’association et une vision qui nous appelle à l’amour et à la paix dans la fraternité.

 

J H

 

(1)            Sue (Roger). La contresociété. Les liens qui libèrent, 2016

(2)            Lahire (Bernard). L’homme pluriel. Les ressorts de l’action. Nathan, 1998

(3)            Les mutations en cours :   « Quel avenir pour le monde et pour la France ?  (Jean-Claude Guillebaud. (Une autre vie est possible) » :  https://vivreetesperer.com/?p=937    « Un chemin de guérison pour le monde et pour l’humanité (La guérison du monde, selon Frédéric Lenoir) » : https://vivreetesperer.com/?p=1048  «  Comprendre la mutation actuelle du monde et de notre société requiert une vision nouvelle du monde. La conjoncture, selon Jean Staune » : https://vivreetesperer.com/?p=2373   « Un monde en changement accéléré (Thomas Friedman) » : https://vivreetesperer.com/?p=2560

(4)            « L’âge de l’authenticité (Charles Taylor. L’âge séculier ») : http://www.temoins.com/lage-de-lauthenticite/

(5)            « Emergence en France de la société des modes de vie : autonomie, initiative, mobilité… (Jean Viard) » : https://vivreetesperer.com/?p=799  « Penser l’avenir, selon Jean Viard » : https://vivreetesperer.com/?p=799

« Le film : « Demain » :    https://vivreetesperer.com/?p=2  « Cultiver la terre en harmonie avec la nature » : https://vivreetesperer.com/?p=2405  « Appel à la fraternité » :  https://vivreetesperer.com/?p=2086   « Blablacar. Un nouveau mode de vie » :  https://vivreetesperer.com/?p=1999  « Pour une société collaborative » :   https://vivreetesperer.com/?p=1534  « Une révolution de l’être ensemble » ( « Vive la co-révolution. Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot » : https://vivreetesperer.com/?p=1394

Un monde en changement accéléré

 La réalité et les enjeux selon Thomas Friedman, journaliste au New York Times et analyste au long cours des technologies de la communication

9780374273538Nous pressentons la rapidité du changement. Nous percevons les peurs et les enfermements.  Les évènements récents nous montrent que c’est là une question prioritaire. Qui peut nous éclairer là dessus ?

En 2005, un journaliste américain publiait un livre : « The world is flat » (1) qui décrivait le processus à travers lequel le monde est devenu interconnecté. A partir d’une enquête internationale, ce livre faisait apparaître un paysage nouveau. Pendant des décennies, l’auteur, Thomas Friedman a couvert l’actualité internationale, et aujourd’hui chroniqueur au New York Times, il tient un blog qui apporte une information précieuse sur le déroulement de cette actualité (2). Et, en 2016, il publie à nouveau  un ouvrage qui va faire date en mettant en évidence l’accélération du changement et en nous interpellant sur les moyens d’y faire face. « Le titre : « Thank you for being late » peut nous intriguer (3). C’est un appel à faire une pause pour réfléchir comme l’attente engendrée par un retard peut nous laisser cette opportunité. Mais le sous-titre est plus explicite : « An optimist’s guide to thriving in the age of acceleration ».

Cet ouvrage nous apporte des informations originales dernier cri. Il induit une compréhension nouvelle de la conjoncture mondiale. Tout ceci est rapporté dans un style attractif, jalonné par le compte-rendu de rencontres avec des personnalités innovantes qui participent à l’expérience et à la réflexion de l’auteur.

 

Un changement accéléré

Dans son livre, « The world is flat », Thomas Friedman avait décrit les transformations des modes de communication qui, à la fin du XXè siècle, avait permis une unification du monde. Ainsi, au début du XXIè siècle, le monde était désormais interconnecté à un tel degré que, de plus en plus de gens, en de plus en plus d’endroits , avaient désormais une opportunité d’entrer en relation, de se concurrencer et de collaborer. Mais le changement ne s’est pas arrêté là. L’auteur a perçu une nouvelle inflexion dans le mouvement autour de l’année 2007. C’est alors que sont apparus de nouveaux processus encore inconnus lors de l’écriture du livre précédent : Facebook, Twitter, Linkedin, Skype entre autres (p 25). « Entre 2000 et 2007, en deux vagues successives, nous sommes entrés dans un monde où la connection est devenue rapide, libre, facile et omniprésente et où ensuite traiter la complexité est devenu rapide, libre, facile et invisible ». « Le monde n’est pas seulement devenu plat, sans frontières, mais rapide ». « Le prix de la production, du stockage et du traitement des données s’est effondré. La vitesse du chargement et du déchargement des données s’est envolée. Steve Jobs a donné au monde un appareil mobile avec une extraordinaire souplesse d’utilisation… Ces processus se sont croisés. Une immense énergie a été donnée aux êtres humains et aux machines, à un point qu’on a jamais vu et qu’on commence seulement à comprendre. Tel est le point d’inflexion qui est advenu autour de l’année 2007 » (p 93).

 

Aujourd’hui, tout s’est accéléré dans trois grands domaines que l’auteur appelle  « la Machine, le Marché, et Mère Nature ».

Nous sommes passé d’un premier âge de la machine, celui engagé par la Révolution industrielle où travail et machines sont complémentaires à un nouvel âge « où nous commençons à automatiser davantage de tâches cognitives et bien plus de tâches de contrôle ». Le « marché » est un raccourci pour désigner l’accélération de la globalisation. C’est le flux global du commerce, de la finance, du crédit, des réseaux sociaux et l’interconnection qui tisse les marchés, les médias, les banques, les entreprises, les écoles, les communautés et les individus… Les flux d’informations et de savoirs qui en résultent rendent le monde non seulement interconnecté et hyperconnecté, mais aussi interdépendant » (p 26).

« Mère Nature » est un raccourci pour désigner le changement climatique, la croissance de la population et le déclin de la biodiversité. Et, là aussi, tout s’accélère.

 

Quelques exemples de cette accélération. Un des plus emblématiques est la baisse du prix des microprocesseurs qui a suscité un accroissement vertigineux du pouvoir des ordinateurs. « La clé a été la croissance exponentielle dans la puissance de calcul telle qu’elle est représentée dans la loi de Moore. Cette théorie émise en 1965 par le cofondateur d’Intel, Gordon Moore, postule que la vitesse et la puissance des microprocesseurs, qui engendrent la puissance du calcul, doubleraient environ tous les deux ans…Cette loi, qui indique une croissance exponentielle, a été validée pendant cinquante ans » (p 25). Cet accroissement de puissance impressionnant a rendu possible de nouvelles innovations comme des voitures se conduisant toutes seules ou des programmes capables de gagner aux échecs.

Cette expansion accélérée a abouti à l’irruption du « cloud » qui, au delà des appareils que nous utilisons, emmagasine un immense ensemble de données résultant des multiples activités en cours et auquel nous pouvons avoir nous-mêmes accès. C’est une réalité nouvelle sans précédent dans l’histoire humaine. Sa puissance est telle que Thomas Friedman préfère parler du « cloud » en terme de « supernova » pour en marquer l’originalité incomparable.

 

Cette croissance accélérée des technologies de la communication en rejoint une autre, celle de la globalisation entendue ici sous le terme de « Marché ». La globalisation n’est plus seulement la circulation des biens physiques, des services et des transactions financières. C’est une réalité bien plus vaste et bien plus impressionnante. « C’est la capacité pour toute personne et pour toute entreprise de se connecter, d’échanger, de collaborer ou de se concurrencer ». Et, à cet égard, aujourd’hui, la globalisation est en train d’exploser… «  A travers les téléphones mobiles et la supernova, nous pouvons maintenant envoyer partout des flux digitaux et en recevoir de partout » (p 120). « Le monde est plus interdépendant qu’il ne l’a jamais été ». Et « ce monde ne peut pas être connecté en tant de domaines et dans une telle profondeur sans être lui-même en train d’être transformé et réorganisé (« reshape » ». Le besoin d’interconnexion est devenu aujourd’hui une aspiration majeure, un désir vital. L’auteur cite une enquête sur l’importance accordée au téléphone mobile. 50% des personnes interrogées préféreraient se passer de vacances pendant un an plutôt que de perdre l’accès au téléphone mobile (p 121). Et, dans les pays du sud, le téléphone mobile est maintenant un bien prioritaire et le support de multiples communications. Les pauvres migrants eux-mêmes en sont dotés. Thomas Friedman raconte comment il en a fait l’expérience dans une rencontre où, à l’aide du téléphone mobile, ils se sont pris en photos mutuellement (p 123). L’auteur nous donne des exemples  concrets des transformations de pratiques et de comportements induites par l’interconnexion.

 

Thomas Friedmann est également familier avec la question écologique à laquelle il a consacré un livre précédent : « Hot, flat and crowded ». Comme d’autres experts, il nous met en garde contre le réchauffement climatique et la réduction de la biodiversité. Là aussi, les évolutions sont rapides.

 

Les transformations actuelles convergent. Au cœur de cet ouvrage, il y a la thèse que « le Marché, Mère Nature et la loi de Moore envisagés ensemble, engendrent cet « âge de l’accélération dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui. Le même mouvement affecte les mécanismes centraux de la machine. Ces trois accélérations ont un impact l’une sur l’autre. Davantage de loi de Moore suscite davantage de globalisation et davantage de globalisation engendre davantage de changement climatique. Mais davantage de loi de Moore suscite également plus de solutions possibles par rapport au changement climatique et à beaucoup d’autres défis » (p 27).

 

Face aux déséquilibres et aux dangers.

Cette accélération du changement induit des déséquilibres parce qu’elle requiert une adaptation qui n’est pas acquise au même rythme. Dans le passé, on a pu observer des adaptations par rapport à certains changements, mais le temps nécessaire avait pu être trouvé parce que ces changements étaient moins rapides. L’auteur nous propose deux courbes : celle de l’adaptation humaine qui monte lentement et celle du progrès technologique qui s’élève de plus en plus rapidement ( p 32). Aujourd’hui, un décalage commence à apparaître. Si l’adaptabilité s’est accrue par rapport au passé en fonction d’une meilleure éducation et d’une diffusion plus efficace des savoirs, l’accélération actuelle du changement peut dépasser notre capacité d’adaptation et susciter aussi beaucoup d’angoisse et de résistance. Aujourd’hui, très concrètement, « si il est vrai qu’il faut maintenant dix à quinze ans pour comprendre une nouvelle technologie et créer en conséquence de nouvelles lois et régulations pour protéger  la société, comment régulons-nous quand une technologie vient et s’implante en une courte période de 5 à 7 ans ?» (p 33).

 

         La globalisation est ambivalente. Ses effets dépendent des valeurs et des outils que nous mettons en œuvre en regard. Aujourd’hui, on perçoit de vives réactions politiques face à une immigration mal contrôlée. Comment adapter de saines protections sans perdre les avantages décisifs de la circulation des flux ? « Si beaucoup d’américains se sont récemment sentis submergés par la globalisation, c’est parce que nous avons laissé les technologies physiques (immigration, commerce et flux digital) prendre le dessus et dépasser les technologies sociales : l’éducation et les outils d’adaptation nécessaires pour amortir l’impact et ancrer les gens dans de communautés saines qui puissent les aider à vivre et prospérer » (p 155) . Nous avons besoin d’un leadership qui prenne en compte et apprivoise l’anxiété. Dans un âge où des situations extrêmes apparaissent, des politiques particulièrement innovantes sont nécessaires. Elles peuvent combiner des idées traditionnelles et de nouveaux processus. « Je parle d’une politique qui renforce les filets de sécurité pour les travailleurs afin de sauvegarder ceux qui sont dépassés par la rapidité du changement. Je parle d’une politique capable de susciter davantage de technologies sociales pour faire face aux changements entrainés par les technologies physiques. Finalement, je parle d’une politique qui comprenne que dans le monde d’aujourd’hui la grande opposition politique n’est pas entre la gauche et la droite, mais entre une société ouverte et une société fermée » (p 336).

 

Ce changement technologique accéléré engendre un accroissement considérable du pouvoir. C’est le pouvoir des machines. C’est le pouvoir des flux, mais c’est aussi le pouvoir des hommes, le pouvoir d’un groupe, mais aussi le pouvoir d’un seul. Ce qu’une personne isolée peut faire en terme de construction ou de destruction a été porté aujourd’hui à un haut niveau. Jusqu’ici une personne pouvait en tuer une autre. Maintenant, il est possible d’imaginer un monde où, un jour, une personne puisse tuer toutes les autres. Qu’on se souvienne de l’attaque contre les tours jumelles de New York, il y a quinze ans. Mais l’inverse est vrai aussi. Une personne peut maintenant en aider beaucoup d’autres. Elle peut éduquer, inspirer, divertir des millions de gens. Une personne peut maintenant communiquer une nouvelle idée, un nouveau vaccin ou une nouvelle application au monde entier » (p 87). Cet accroissement de puissance appelle en regard une élévation de la conscience.

Et de même, on constate aujourd’hui que l’humanité a créé un nouveau royaume pour l’interaction humaine. « Mais il n’y a personne en charge du cyberespace où nous sommes tous connectés » (p 339). Cette situation requiert évidemment le développement d’une régulation, mais elle appelle aussi une conscientisation morale et éthique. Il est impératif d’équilibrer le progrès technologique par le sens de l’humain.

 

Pour une conscientisation morale et éthique.

C’est bien là le message de Thomas Friedman. Il y aura toujours du mal dans le monde, nous dit-il. Mais la question, c’est comment augmenter les chances pour réduire les mauvaises conduites.

« La première ligne de défense pour toute société, ce sont ces garde-fous : les lois, la police, la justice, la surveillance… des règles de décence pour les réseaux sociaux. Tout cela est nécessaire, mais n’est pas suffisant à l’âge de l’accélération. Clairement, ce dont on a besoin, et c’est à la portée de chacun, c’est de penser avec plus de sérieux et plus d’urgence à la manière dont nous pouvons nous inspirer davantage des valeurs qui portent : l’honnêteté, l’humilité, et le respect mutuel. Ces valeurs génèrent la confiance, le lien social et, par dessus tout, l’espoir » (p 347).

Pour faire face au grand défi auquel nous sommes confrontés, Thomas Friedman nous incite à appliquer la « règle d’or », quelle que soit la version qui nous a été transmise. La « règle d’or » (4), c’est de ne pas faire aux autres ce qu’on ne voudrait pas qu’on vous fit » (p 347).  C’est simple, mais cela produit beaucoup d’effets. Cela peut paraître naïf. Mais « je vais vous dire ce qui est vraiment naïf, c’est ignorer le défi : ce besoin d’innovation morale à une époque où abondent de gens en colère, maintenant superpuissants ». Pour moi, « cette naïveté, c’est le nouveau réalisme » (p 348).

Thomas Friedman cite le discours du président Obama lors de sa visite à Hiroshima le 27 mai 2016. Barack Obama évoque le pouvoir de la science en bien comme en mal. Il appelle à une coopération paisible entre les nations. « Et peut-être par dessus tout, nous devons réimaginer notre relation les uns avec les autres comme membres de notre unique humanité » (p 349).

« Oui, nous avons besoin d’une évolution sociale et morale très rapide ». Mais où commencer ? « Une manière pratique de commencer est d’ancrer le plus de gens possible dans des communautés saines. Au delà des lois, de la police, de la justice, il n’y a pas de meilleure source de mesure qu’une forte communauté. Les africains ont forgé cette phrase : « On a besoin de tout un village pour élever un enfant ». Les communautés créent un sens d’appartenance qui engendre la confiance sous-jacente à la règle d’or et aussi les contrôles invisibles qui s’imposent à ceux qui veulent franchir les lignes rouges » (p 349) . L’auteur cite le film « The Martian » (Le Martien) qui met en valeur un geste de solidarité internationale. Si dans ce monde, il y a une stratégie pour vivre et prospérer, « c’est de construire des interdépendances saines, profondes et durables ». Et il y a aussi un obstacle : c’est « notre caractère tribal ». « Là est le défi et le besoin pour une innovation morale. Dans un monde bien plus interdépendant, nous avons besoin de redéfinir la tribu, c’est à dire d’élargir la notion de communauté, précisément comme le président Obama l’a plaidé dans son discours d’Hiroshima. « Ce qui fait notre espèce unique, c’est que nous ne sommes pas liés à un  code génétique pour répéter les histoires du passé. Nous pouvons apprendre. Nous pouvons choisir. Nous pouvons raconter à nos enfants une histoire différente, une histoire qui décrit notre humanité commune » (p 392).

L’homme est un être social. Dans nos sociétés occidentales, l’isolement est bien trop répandu. L’auteur rapporte un entretien avec une autorité médicale américaine. « La plus grande maladie aux Etats-Unis aujourd’hui, ce n’est pas le cancer, ce n’est pas la maladie de cœur. C’est l’isolement. Le grand isolement, c’est la plus grande pathologie » (p 450).

 

Durant son enfance, Thomas Friedman a vécu dans une communauté saine à Saint-Louis dans le Minnesota. Son livre s’achève par le récit de ce qu’il a vécu en revisitant ce lieu où il a grandi. C’est à partir de cette expérience qu’il peut nous dire l’importance d’une relation humaine dans le respect, la réciprocité, la solidarité.

 

A un moment où des poussées d’agressivité apparaissent dans le monde occidental et sont exprimées dans des formes qui contredisent  des valeurs majeures comme le respect de l’autre, il est urgent de comprendre ce qui est en question.

Or, nous savons que notre monde traverse une période de grande mutation . Nous en percevons des aspects, mais qu’en est-il plus profondément? Pour cela sans doute, faut-il comprendre au plus près, l’évolution des technologies qui ont, manifestement, un rôle moteur pour le meilleur ou pour le pire.

En 2005,  Thomas Friedman, dans son livre : « The world is flat » nous informait sur les processus qui ont abouti à l’unification du monde. Aujourd’hui, il est toujours celui qui va puiser l’information aux meilleures sources pour la partager avec nous et nous apporter à la fois sa connaissance et son expérience.

Avec lui, nous comprenons mieux ce qui se passe aujourd’hui et ce qui est en jeu. Et nous recevons d’autant plus son appel à un renouveau moral, éthique et spirituel. Il rejoint là la recherche qui se poursuit sur ce blog depuis quelques années (5).

Ce livre se lit avec passion parce qu’en nous ouvrant les yeux sur les transformations du monde, il nous ouvre aussi un chemin.

 

J H

 

(1)            Thomas Friedman. The world is flat, 2005  Mise en perspective : « La grande mutation. Les incidences de la mondialisation ». : http://www.temoins.com/la-grande-mutation-les-incidences-de-la-mondialisation/

(2)            On pourra suivre les écrits de Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times pour les affaires étrangères sur un blog : http://www.thomaslfriedman.com    Une bonne ressource pour examiner la conjoncture internationale en ces temps troublés. On y ajoutera les interviews de Thomas Friedman sur You Tube

(3)            Thomas L. Friedman. Thank you for being late. An optimist’s guide to thriving in the age of accelerations. Allen, 2016 . On trouvera sur You Tube des interviews de Thomas Friedman en video, en particulier sur ce livre : https://www.youtube.com/watch?v=DlAJJxfm9bE                     https://www.youtube.com/watch?v=DVPPRVP3oIU

(4)            Histoire culturelle de la « règle d’or » (« Golden rule ») : une très bonne mise en perspective sur wikipedia anglophone : https://en.wikipedia.org/wiki/Golden_Rule

(5)             « Quel avenir pour le monde et pour la France ? (Jean-Claude Guillebaud. Une autre vie est possible) : https://vivreetesperer.com/?p=937                                 « Un chemin de guérison pour l’humanité. La fin d’un monde. L’aube d’une renaissance. La guérison du monde selon Frédéric Lenoir » : https://vivreetesperer.com/?p=1048     « L’ère numérique. Gilles Babinet, un guide pour entrer dans ce nouveau monde » : https://vivreetesperer.com/?p=1812                                « Comprendre la mutation de notre société requiert une vision nouvelle du monde (Jean Staune. Les Clés du futur) » https://vivreetesperer.com/?p=2373                      «      « Une philosophie de l’histoire par Michel Serres » : https://vivreetesperer.com/?p=2479                              « Une belle vie se construit sur de belles relations » : https://vivreetesperer.com/?p=2491                             « Penser à l’avenir, selon Jean Viard » : https://vivreetesperer.com/?p=2524                                        « Une vision de la liberté (Jürgen Moltman. (L’Esprit qui donne la vie) » : https://vivreetesperer.com/?p=1343

Une école où on vit en relation, c’est possible !

 

A la demande de sa grand-mère (1), à dix ans, Manon Aurenche nous communique ses observations sur l’école anglaise dans laquelle elle vient d’entrer. Comment ne pas être admiratif devant ses qualités d’observation, de réflexion, d’expression !

 

Carlton

 

Et il y bien une impression qui ressort : cette école publique municipale d’un quartier populaire de Londres, avec une population en majorité originaire du Pakistan ou du Bangladesh, la « Carlton school », est une école où on vit en relation. On peut s’y exprimer librement. La convivialité est active et encouragée. La diversité est reconnue. La condition, c’est le respect de l’autre. La caractéristique, c’est un climat de confiance.

 

Manon note :

 

« L’ambiance anglaise est très différente, car on a le droit de se lever et de parler pour discuter du travail en cours ».

 

« La maîtresse est tout le temps positive, très attentive aux problèmes des enfants et elle explique très bien ».

 

« On a, de temps en temps, des réunions de classe pour parler d’un thème, en particulier comme l’amitié ou : c’est quoi une bonne relation ? ».

 

« « La Rainbow Room (la salle Arc en Ciel) sert à calmer les enfants et à les faire s’expliquer en racontant chacun (e) leur vision du problème. Puis ils demandent à des enfants témoins de donner leur avis… ».

 

« A l’école, il y a des assemblées (assembly », c’est à dire des moments où toute l’école est réunie. Elles sont différentes à chaque fois. Par exemple, il y en a sur le chant dans lesquelles on chante. Une autre fois, sur le thème du harcèlement… »

 

Quand un enfant peut ainsi être reconnu, s’exprimer, participer, vivre en bonne entente, il peut être heureux. « J’aime beaucoup mon école anglaise », écrit Manon. « Elle et géniale ».

 

Depuis des décennies, le courant de l’éducation nouvelle œuvre pour promouvoir une école où l’on puisse apprendre dans un climat de confiance, de partage et d’entraide (2). Cette éducation est fondée sur des valeurs. Celles-ci sont inégalement actives dans les différentes sociétés, et parfois on doit avancer à contre-courant.

L’école anglaise, fréquentée par Manon, n’est pas, en soi, une « école nouvelle » . C’est une école publique d’un quartier populaire de Londres, mais elle  participe à la même approche. Les cultures nationales sont différentes (3), mais, en France, de plus en plus de parents désirent que leurs enfants puissent apprendre dans une ambiance conviviale et créative. (4).

Bref, du bonheur à l’école. Ce témoignage tout simple de Manon nous dit : Oui, c’est possible !

 

J H

 

(1)            Merci à Blandine Aurenche. Bibliothécaire, Blandine Aurenche a publié un article sur ce blog : « Susciter un climat de convivialité et de partage » : https://vivreetesperer.com/?p=1542

(2)            « Et si nous éduquions nos enfants à la joie. Pour un printemps de l’éducation » : https://vivreetesperer.com/?p=1872                                 « Pour une éducation nouvelle, vague après vague » : https://vivreetesperer.com/?p=2497

(3)            En France, « Promouvoir la confiance dans une société de défiance » : https://vivreetesperer.com/?p=1306         Dans certains pays, l’enseignement public a muté vers  une approche conviviale et créative. C’est le cas en Finlande comme l’expose « le film : Demain » : https://vivreetesperer.com/?p=2422

(4)            Ce  désir des parents s’expriment par exemple dans le développement rapide des écoles Montessori en France.

 

Manon à l’école anglaise

Je m’appelle Manon, j’ai 10 ans. J’ai déménagé à Londres en septembre avec ma famille. Je suis à l’école Anglaise de mon quartier. L’école Anglaise est assez différente de l’école Française dans son organisation et pour plein d’autres choses encore…

 

L’ambiance en classe est très différente car on a le droit de se lever et de parler pour discuter du travail en cours. De plus, si on n’y arrive vraiment pas on peut aller au bureau de la maîtresse et elle vient à notre table, elle nous aide et nous écoute pour voir ce que l’on a compris et regarde sur quoi nous bloquons. En Angleterre, les enfants sont plus attentifs car ils décident de leurs propres règles de classe, tout en respectant celles de l’école qui sont les mêmes pour toutes les classes. Bon, on doit quand même souvent se mettre en ligne sans parler. Pour le silence, il y a un signal : la maîtresse lève la main en l’air et tape 3 tape trois fois dans les mains et tous les enfants répètent après elle. La politesse est aussi très importante.

 

Ma maîtresse s’appelle Tina, elle a les cheveux violet/rose. Ma prof de sport s’appelle Sharon, elle a plein de tatouages et de piercings. Tout ça pour vous dire qu’à Londres le style n’a pas d’importance ! Nous, par contre, nous sommes tous en uniformes. Contrairement à la France, certaines filles musulmanes portent le voile.

 

Mais revenons à ma maîtresse ! Je sais qu’elle est allemande car elle m’a dit qu’elle aussi était arrivée à 14 ans en Angleterre sans savoir parler anglais. Elle est tout le temps positive, très attentive aux problèmes des enfants et elle explique très bien. Les maîtresses ne sont PAS SEULES dans la classe, elles ont des aides (Teacher Assistants) pour certains élèves qui ont besoin d’une aide vraiment spéciale et d’autres pour le reste de la classe. Donc, dans ma classe, il y a parfois 5 personnes en plus de la maîtresse ! On a de temps en temps des réunions de classe pour parler d’un thème en particulier comme « l’amitié ou c’est quoi une bonne relation ? ». Et puis, on peut comme cela travailler souvent en petits groupes !

 

Pour régler les problèmes dans la cour, les Teacher Assistants envoient les enfants dans une salle qui s’appelle la Rainbow Room (la salle arc-en-ciel). C’est une salle qui sert à calmer les enfants et les faire s’expliquer en racontant chacun(e) leur version du problème. Puis ils demandent à des enfants témoins de donner leur avis. Le problème est vite réglé. Ceux qui se sont mal comportés comprennent pourquoi car on leur explique et les autres sont contents d’être écoutés.

 

A l’école, il y a des assemblées (Assembly) c’est à dire des moments où toute l’école est réunie dans une même salle. Elles sont différentes à chaque fois. Par exemple, il y en a sur le chant dans lesquelles on chante… Une autre fois sur le thème du harcèlement. Elles servent aussi à célébrer les Goldens Stars tous les vendredi. Les Goldens Stars sont les élèves de la semaine qui sont récompensés car ils ont bien travaillé ou qu’ils se sont bien comportés en classe. Les assemblées apprennent aux enfants à prendre la parole en public mais c’est très impressionnant quand on ne parle pas encore anglais !

 

On commence l’école à 8H45 et on fini à 15H30 tous les jours même le mercredi et on a moins de vacances MALHEUREUSEMENT ! Mais ce qui est super c’est qu’après l’école on peut rester pour faire des afterschools : coding club, musique (j’ai pu commencer la guitare et jouer devant toute l’école à la fête de Noël), football, netball, mandarin, science, cours de cuisine en famille, art, girl’s sport, piscine, etc…

 

Bref, même si mes copines de France me manquent beaucoup et que je suis pressée de parler Anglais, j’aime beaucoup mon école anglaise, elle est géniale !

 

Manon Aurenche

Janvier 2017

Penser à l’avenir, selon Jean Viard

Dans une actualité tourmentée, comprendre les forces en présence et le jeu des représentations pour avancer vers un nouvel horizon.

 Le climat politique international s’est assombri durant l’année 2016. Des forces marquées par l’autoritarisme et l’hostilité à l’étranger sont apparues sur le devant de la scène. Elles s’appuient sur les frustrations, les peurs, les agressivités. Elles viennent bouleverser les équilibres au cœur du monde occidental. Elles portent atteinte à ce qui fondent nos valeurs : le respect de l’autre. Ces forces régressives constituent ainsi une grave menace. Notre premier devoir est donc de nous interroger sur les origines de cette dérive. Et pour cela, nous avons besoin de comprendre les transformations sociales en cours. Cette recherche emprunte différentes approches. Et, par exemple, comme Thomas Piketty, on peut mettre l’accent sur les effets néfastes d’un accroissement des inégalités. Mais il y a place également pour des analyses sociologiques comme celle de Jean Viard dans son dernier livre : « Le moment est venu de penser à l’avenir » (1). Cet ouvrage s’inscrit dans une recherche de long terme sur les transformations de la société française (2),  notamment dans sa dynamique géographique. Comment les différents milieux socio-culturels et les orientations induites s’inscrivent-elles dans l’espace, et bien sûr, dans le temps ? Des analogies apparaissent au plan international. Dans une approche historique, Jean Viard met aussi en valeur l’importance des représentations. Les catégories du passé s’effritent et s’effacent tandis que d’autres plus nouvelles, peinent encore à s’affirmer.

« Ce livre », nous dit-on, « est le récit des réussites de nos sociétés, mais aussi celui de leurs bouleversements : alors qu’une classe créative rassemble innovation, mobilité et initiative individuelle au cœur des métropoles productrices de richesse, les classes hier « dominantes » se retrouvent exclues, perdues, basculant leur vote vers l’extrême droite. Jean Viard propose une analyse sans concession des limites du politique dans la société contemporaine et exhorte les acteurs culturels à se réapproprier le rôle de guide en matière de vision sociétale à long terme. Des propositions innovantes pour repenser le vivre ensemble dans un monde qui a besoin de recommencer à se raconter » (page de couverture).

Comment la révolution économique transforme-t-elle le paysage géographique ? Quels sont les gains ? Quelles sont les pertes ?

Si la mutation dans laquelle nous sommes entrés engendre une grande crise, quelles sont les pistes pour y faire face ? Ce livre est particulièrement dense en données et en propositions originales. Nous nous bornerons à en donner quelques aperçus.

Une nouvelle géographie.

Le flux de la production qui irrigue le monde se déploie à travers les grandes métropoles. Les villes sont devenues un espace privilégié où se manifeste la créativité économique. « La révolution culturelle, économique et collaborative rassemble l’innovation, la mobilité, la liberté individuelle et la richesse au sein d’une « classe créative » de plus en plus regroupée au cœur des très grandes métropoles. Cœur des grandes métropoles où est produit aujourd’hui par exemple 61% du PIB français… On y est « Vélib » et high tech, low cost, usage plus que propriété, université, start up, communication, colocation, finance, COP 21. On y est nomade et mondialisé » (p 15).

Mais en regard, d’autres espaces reçoivent tous ceux qui ne sont pas parvenus à s’intégrer dans la nouvelle économie. Ce sont les zones périurbaines. « Les ouvriers de l’ancienne classe ouvrière sont partis vers les campagnes rejoindre dans un vaste périurbain, comme beaucoup de retraités, la précédente « classe dominante », celle des paysans. Le pavillon a remplacé la maison du peuple. L’idée de compenser par une mission historique les difficultés du quotidien a disparu. On y est face à son destin et on le vit sans perspective. 74% des salariés y partent travailler en voiture, plutôt diésel, sans autre choix possible ».

Les quartiers des anciennes banlieues ouvrières ont été abandonnées par une partie de leurs habitants et sont peuplés maintenant par des immigrants arrivés en vagues successives de différentes origines. Pauvres, mal desservis, ces quartiers sont néanmoins riches en potentiel.

 

Une nouvelle analyse de la société.

Notre représentation de la société en termes de classes sociales bien caractérisées est aujourd’hui bouleversée. Les anciens concepts qui ordonnaient notre vision du monde sont de plus en plus dépassés. Jean Viard exprime, avec clairvoyance ces bouleversements. «  Ce que nous appelions « nation » ne peut plus être une totalité, car elle est elle-même dominée par la nature. Et elle vit grâce à un monde nomade en croissance qui lie des hommes, des savoirs, des biens, des services et des imaginaires au  travers les grands vents de la planète. Les classes que nous avions pensées pour organiser le corps politique des nations se défont. Les anciennes classes dominantes, celles qui se sont raconté un destin historique, les paysans d’hier, puis les ouvriers, ne sont plus alors autre chose que des groupes en marge de l’histoire… » (p 25).

Une véritable révolution culturelle bat son plein. Elle est portée par une « classe nomade créative » » avec des guillemets, car ce n’est pas une classe au sens marxiste, faute de conscience de classe, mais un outil de classement aux sens culturel, esthétique, économique » (p 37). Cette « classe créatrice » est urbaine. Elle est internationale. Elle porte une nouvelle culture, un nouveau genre de vie.

Urbaine, elle porte New York et Paris, Toulouse, Nantes et Bordeaux, Montpellier et elle intègre une bonne part des 2,5 millions de Français qui sont allés vivre à l’étranger » (p 38). Elle se développe rapidement. « Les six plus grandes métropoles françaises n’ont pas cessé de créer des emplois depuis 2008 ».

Internationale, cette classe créatrice est « planétaire et non nationale et non continentale. Elle se structure autour des hubs de la mondialisation et non autour des ronds points autoroutiers ou des gares TGV. Nous sommes entrés dans une époque de multi-appartenances avec des nomades rapides…Nous avons à la penser, à la rêver et à l’organiser. L’Europe en est un échelon, une puissance, mais elle ne peut être notre nouvelle totalité… » (p 40).

Cette classe créatrice porte une nouvelle culture. Au fil de ses recherches, Jean Viard est bien placé pour nous en décrire l’origine et la trajectoire, comme la diversité et la cohérence de ses manifestations. Elle s’inscrit dans une révolution technologique et culturelle qui change profondément les rapports humains. « Sur les quatre millions et demi d’emplois créés en France en quarante ans, trois millions et demi sont occupés par des femmes. Un million seulement par des hommes ! » (p 40)

 

Tensions, oppositions, blocages.

Des évènements politiques récents comme le Brexit ou l’élection de Donald Trump, la progression des mouvements « populistes » en Europe, au delà des particularités de tel contexte, traduisent bien des oppositions radicales aux transformations induites par « la classe créative nomade ». Et d’ailleurs, la répartition des votes est significative. Les partisans du repli échouent dans les grandes villes.

Jean Viard nous éclaire sur ces affrontements. D’un côté, des forces nomades « « qui bousculent nos pays de l’intérieur et de l’extérieur. Au début du XXIè siècle, la révolution numérique est venue accélérer leur développement et rendre irrésistible ce qui était balbutiant. En 2015, avec la COP 21, on a admis qu’une nouvelle culture commune du développement était obligatoire. Jamais l’humanité n’a ainsi pensé ensemble, ni espéré pour sa survie…Nous vivions dans un monde de sédentaires avec des déplacements. Nous sommes dorénavant dans un monde de mobilité où l’enjeu est de chercher à associer liberté, mobilité et individus » (p 33).

« En face de  ce monde accéléré et de cette contrainte écologique, sourdent partout, si l’on peut dire, des volontés de retrouver un sens perdu, un projet dépassé, un territoire déjà balisé, une croyance ancestrale, un mythe national » (p 35). L’affrontement revêt à la fois une dimension sociale et une dimension culturelle ». « Les groupes dominants du passé, paysans, ouvriers en particulier, mais aussi bourgeois, voire classes moyennes, se défont en tant que groupes et ne forment plus peuple. Leurs souvenirs collectifs, leurs luttes héritées ou vécues n’intéressent plus… Ne reste qu’une foule souvent exclue du cœur des métropoles, sans récit, ni destin, ni ascenseur social. Pour ce peuple défait, cette foule malheureuse, seules les pensées extrémistes tirées du passé font sens, car elles en appellent au déjà connu… » (p 16).

« Cette société tripolaire : classe nomade créatrice, anciennes classes dominantes, « quartiers populaires », n’a pas encore de mot et de récit… L’enjeu est de penser la place des nomades créatifs émergents et, en même temps, les liens et les lieux respectueux des anciens groupes sociaux et qui leur ouvrent un chemin vers le futur » (p 27).

 

Ouvrir un nouvel espace. Faciliter la mobilité.

         Comment remédier aux tensions croissantes entre groupes sociaux ? De fait, les inégalités se manifestent de plus en plus dans la dimension de l’espace, dans la distance entre le centre et la périphérie.

Évoquant les propos de l’historien Pierre Nora, Jean Viard nous dit que, depuis les années 70, la France vit sa plus grande mutation historique. « La mutation la plus forte n’étant pas de passer d’un roi à un président de la République, mais de passer d’un système du « haut en bas », avec une domination du parisien et du central sur la province, à un système largement horizontal où il y a une relation à inventer entre le centre et la périphérie. Cela vaut d’ailleurs pour les classes sociales, pour les populations comme pour les espaces » (p 63).

La nouvelle dynamique économique se manifeste dans les grandes villes et plus généralement dans une civilisation urbaine. « La production de richesse se concentre depuis trente ans dans le monde urbain porté par la classe créatrice ». Les vieux métiers sont restructurés par la révolution numérique ou envoyés vers la périphérie des métropoles vers un monde rural de plus en plus ouvrier et résidentiel pour milieux populaires et retraités. Et, par ailleurs, les villes se transforment, associant production innovante, art de vivre et mise en valeur du patrimoine historique. « Les « deux formes de ville » que nous n’avons pas réussi à transformer : le périurbain et les « quartiers » sont les lieux des pires tensions. Là est l’enjeu urbain des trente prochaines années si nous voulons y rencontrer de la ville et du vivre-ensemble. Sinon, c’est entre ces territoires que se cristalliseront les tensions politiques » (p 50). De fait, ces tensions sont déjà là comme le montre la géographie électorale. En France, le Front National prospère dans le périurbain. Et récemment aux États-Unis, c’est à l’extérieur des grandes villes que Donald Trump l’a emporté.

Et par ailleurs, une nouvelle hiérarchie des territoires s’est imposée avec l’apparition des territoires délaissés : « Les anciennes régions du Nord et de l’Est, une part des périurbanités, mais aussi le nord de Londres, le sud de Rome «  (p 55).

En regard, Jean Viard énonce différentes approches à même de redonner de la fierté aux habitants des friches industrielles. Ainsi la création d’un musée à Lens n’a pas été sans conséquences positives pour l’ensemble de la population. « Aujourd’hui, dans notre société de l’art de vivre, c’est la qualité du commun qui attire l’habitant, et l’entreprise suit sa main d’œuvre rare » (p 55). Et, de même, face à la géographie clivée de nos sociétés, il faut chercher les voies de la réunification en exploitant les atouts des territoires excentrés. « Parce que l’économie de la résidence, du tourisme, de la retraite, opère aussi de gigantesques transferts, que les cas particuliers sont nombreux : traditions locales, entreprises familiales, positions logistiques, et que le hors métropole produit quand même 40% de la richesse » (p 57).

Rompre les cloisonnements, c’est aussi accroitre la mobilité. Cette mobilité va permettre d’éviter une fixation sur le passé, là où il n’y a plus de restauration possible. La mobilité, c’est aussi susciter un brassage permettant à la jeunesse d’éviter un enfermement dans des contextes immobiles. Dans le contexte de la révolution productive, définissons « un droit à la ville/ métropole » pour la jeunesse afin que les jeunes passent quelques années au cœur de la métropole ». La construction d’un million de logements d’étudiants au centre des dix plus grandes métropoles ouvrirait  un avenir à des centaines de milliers de jeunes venant des champs et des quartiers ». C’est au moins aussi important que de parler anglais » (p 59).

 

Recréer du récit

S’il n’y a plus de mémoire commune et pas de projet commun, il n’y a plus de points de repère et les gens se sentent abandonnés. Et lorsque les valeurs communes s’effritent, le pire est possible. Ainsi le peuple ouvrier, qui se sentait autrefois porteur d’une mission collective, se réduit de plus en plus à un ensemble d’individualités frustrées et désemparées. Dans ces conditions, une instabilité dangereuse apparaît. Jean Viard compare ainsi le peuple et la foule. « Le peuple a une mémoire et un vécu, des luttes partagées, des foucades et des haines. C’est ainsi qu’il forme groupe. Mais la foule, elle, est « individu voisinant » et se réfugie dans la sédentarité cherchant une identité dans le territoire, dans les frontières, dans les appartenances d’hier sociales ou religieuses. Contre « les autres » généralement. Il y a danger, car alors « la foule écrase le peuple et souvent le trahit » comme le disait Victor Hugo «  (p 15).

Aujourd’hui, au moment où les concepts de « classe » et de « nation » perdent en pertinence par rapport aux réalités nouvelles de la vie, nous avons besoin d’un récit collectif qui rende compte des dynamiques et des aspirations nouvelles et qui rassemble tous ceux qui sont à la recherche d’un avenir. La société change.  Elle n’est plus structurée par des statuts, des métiers. « Le social qui avait remplacé la religion comme organisateur exclusif, se trouve marginalisé. La religion revient en force comme toutes sortes de groupes structurés par habitus, origines, pratiques amoureuses. Chacun a besoin d’une identité multiple. Si l’on n’est pas capable de fournir la pensée et les mots de cette appartenance plurielle et complexe, chacun va penser dans sa boite à outils d’identités héritées monistes : la nation, la religion, la classe sociale… vieux mots auxquels on peut s’accrocher en période de peur et de désarroi … Alors, en regard, inventons plutôt un commun positif qui intègre, par une vision du futur et des mots nouveaux pour le dire, ces croyances qui deviennent certitudes par désarroi » (p 45).

L’individu aujourd’hui est au centre de notre société. Comment « attirer les individus vers le commun qui peut nous rassembler et vers la création vivante ou héritée ? C’est le rôle à la fois du monde numérique et de la culture, des évènements urbains, d’un nouveau langage politique et du projet à faire humanité et de survivre » (p 46).

Jean Viard note que déjà, au niveau du local, on peut observer un désir de partage. « Toutes les structures de proximité : familles, amis, entreprises, communes, ont une image positive » (p 47).

Et puis, à une échelle plus vaste, on peut également discerner des tendances positives et les mettre en valeur. « Dire la métropolisation comme mine numérique et écologique, dire société horizontale, mobilité, individu, liberté. Dire économie locale, économie de production et économie présentielle…Dire cela et avec ces mots là, permet à la fois de sortir des mots devenus creux de la révolution industrielle et de dessiner un chemin possible pour l’action de millions d’acteurs, autonomes, mais inscrits dans des réseaux, des compétences, des croyances et des peurs » (p 181).

Si dans notre imaginaire français, le mot révolution s’inscrit le plus souvent dans un vocabulaire politique, cette révolution là n’est pas du même ordre. « C’est l’épanouissement d’une révolution culturelle, née à la fin de la reconstruction et des Trente Glorieuses, qui a emporté avec elle l’hégémonie du politique, y compris les totalitarismes et les colonialismes » (p 181).

Et, pour nous tourner vers l’avenir, il est important de ne pas nous enfermer dans le regret et la déploration, mais de pouvoir nous appuyer sur la conscience des changements positifs qui, au cours des dernières décennies, sont intervenus dans les mentalités. « Cette immense révolution culturelle permet enfin aux femmes d’accéder au statut d’adultes à part entière dans tous les domaines de leur vie, et, à l’humanité de vivre dans la nature et non dans la domination, les deux étant profondément liés » (p 182). La conscience écologique grandissante modifie nos perceptions politiques et elle devient maintenant l’axe majeur d’un projet et d’un récit commun. « La seule vraie échelle de notre avenir est la terre comme totalité écologique. Cette conviction, depuis la Cop 21, surplombe l’ensemble de nos actions et de nos nations… » (p 185). « Sur le marché mondial du sens, proposons un chemin de progrès pour un écosystème terre en cogestion nécessaire » (p 185).

 

Dans un monde en crise, quelle perspective ?

Cette année 2016, la montée des frustrations, des peurs, des agressivités ont entrainé une victoire des extrémismes comme autant de chocs au coeur du monde occidental. Pour faire face à cette situation, il est urgent de comprendre les ressorts de cette poussée. Ce livre nous apporte une réponse. L’analyse de Jean Viard ouvre des horizons.

Sur ce blog, dans une approche d’espérance, nous cherchons à considérer la crise actuelle en terme de mutations (3) et à discerner les courants émergents (4), parfois encore peu visibles, qui traduisent cependant une transformation des mentalités et le développement de nouvelles pratiques. Oui, une nouvelle vision du monde commence à apparaître comme en témoigne l’enthousiasme de plusieurs amis ayant récemment visionné le film « Demain » (5). Nous rejoignons ici l’approche de Jean Viard lorsqu’il met en évidence la nécessité d’un récit rassembleur et mobilisateur.

La construction d’un tel récit requiert différents apports, jusqu’à associer par exemple « rationalité occidentale et pensée mythique » (p 41). A cet égard, si le religieux est aujourd’hui, dans certaines formes et dans certains lieux, tenté par un retour en arrière, nous proposons ici le regard d’une foi chrétienne, inspirée par une théologie de l’espérance (6) et alors, dans le mouvement de la résurrection du Christ et la participation à une nouvelle création, orientée vers l’avenir. De cette foi là, on peut attendre une contribution à un grand récit fédérateur. Comme l’exprime un verset biblique : « Sans vision, le peuple périt » (7).

Dans cette actualité tourmentée, nous avons besoin d’une boussole pour analyser les changements en cours et développer des stratégies pertinentes. Trop souvent, les débats politiques actuels ne prennent pas en compte une approche prospective de la vie sociale. Ce livre nous apporte un éclairage qui renouvelle nos représentations et nous permet de mieux entreprendre. C’est une lecture mobilisatrice.

 

J H

 

(1)            Viard (Jean). Le moment est venu de penser à l’avenir. Editions de l’Aube, 2016

(2)            Jean Viard, sociologue, éditeur, a écrit de nombreux livres aux Editions de l’Aube. Sur ce blog : « Émergence en France de la « société des modes de vie » : autonomie, initiative, mobilité… » : https://vivreetesperer.com/?p=799

(3)            « Quel avenir pour le monde et pour la France ? » (Jean-Claude Guillebaud. Une autre vie est possible) : https://vivreetesperer.com/?p=937                                « Un chemin de guérison pour l’humanité. La fin d’un monde. L’aube d’une renaissance » ( Frédéric Lenoir. La guérison du monde » : https://vivreetesperer.com/?p=1048               « Comprendre la mutation actuelle de notre société requiert une vision nouvelle du monde » (Jean Staune. Les clés du futur) : https://vivreetesperer.com/?p=2373

(4)            « Une révolution de l’être ensemble. La société collaborative » (Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot. Vive la co-révolution » : https://vivreetesperer.com/?p=1394      « Appel à la fraternité. Pour un nouveau vivre ensemble » : https://vivreetesperer.com/?p=2086                             « Un mouvement émergent pour le partage, la collaboration et l’ouverture : OuiShare » : https://vivreetesperer.com/?p=1866                            « Un nouveau climat de travail dans des entreprises humaniste et conviviales. Un parcours de recherche avec Jacques Lecomte » : https://vivreetesperer.com/?p=2318   « Cultiver la terre en harmonie avec la nature. La permaculture : une vision holistique du monde » : https://vivreetesperer.com/?p=2405                           « Pour une éducation nouvelle, vague après vague » (Céline Alvarez. Les lois naturelles de l’enfant) : https://vivreetesperer.com/?p=2497

(5)            « Le film : Demain » : https://vivreetesperer.com/?p=2422

(6)            Une vue d’ensemble sur la théologie de Jürgen Moltmann : « Une théologie pour notre temps » : http://www.temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/                              Auteur d’une théologie de l’espérance, Jürgen Moltman nous en parle comme une force vitale qui nous incite à regarder en avant : « Nulle part ailleurs dans le monde des religions, Dieu n’est liée à l’espérance humaine de l’avenir…Un « Dieu de l’espérance » qui marche « devant nous » et nous précède dans le déroulement de l’histoire, voilà qui est nouveau. On ne trouve cette notion que dans le message de la Bible… De son avenir, Dieu vient à la rencontre des hommes et leur ouvre de nouveaux horizons…Le christianisme est résolument tourné vers l’avenir et invite au renouveau…Avoir la foi, c’est vivre dans la présence du Christ ressuscité et tendre vers le futur royaume de Dieu… ».   La force vitale de l’espérance, p 109-110 (Jürgen Moltmann. De commencements en recommencements. Empreinte, 2012) Sur ce blog : « Une dynamique de vie et d’espérance » : https://vivreetesperer.com/?p=572

(7)            « Lorsqu’il n’y a pas de vision, le peuple périt » (Proverbes 29.18)