De cadre infirmier Ă  coach de vie

Accompagner les personnes pour les aider Ă  rebondir aprĂšs une Ă©preuve.

Changer de profession, c’est vivre une transformation dans notre vie sociale et dans notre vie personnelle. En rĂ©pondant aux questions de Jean Hassenforder, BĂ©atrice Ginguay partage son parcours qui l’a conduite, Ă  partir de son expĂ©rience de cadre infirmier Ă  devenir coach de vie.

 BĂ©atrice, tu as vĂ©cu un passage professionnel de cadre infirmiĂšre Ă  coach dans la santĂ©. C’est une grande transformation. Comment vis-tu cette pĂ©riode?

Oui, d’une certaine maniùre, il s’agit effectivement d’un grand changement.

– Je suis passĂ©e d’un statut de « salariĂ©e » Ă  un statut de « libĂ©rale ».

– J’ai quittĂ© un travail d’équipe pour un travail plus individuel, bien que lors de certains accompagnements, je sois amenĂ©e Ă  collaborer avec d’autres professionnels.

– Dans mon accompagnement en coaching, je prends en considĂ©ration la vie toute entiĂšre (passĂ©e, prĂ©sente et souhaitĂ©e pour l’avenir), ainsi que les diffĂ©rents aspects « corps, cƓur, esprit ». Ceci se dĂ©marque de la plupart des prises en charge institutionnelles qui tendent Ă  ĂȘtre sĂ©quencĂ©es et fragmentĂ©es.

A contrario, on pourrait parler d’une continuitĂ©, voire d’un aboutissement.

– En effet, la diversitĂ© des publics soignĂ©s et des expĂ©riences professionnelles vĂ©cues  au cours de ces derniĂšres annĂ©es m’ont, assurĂ©ment, beaucoup servie, enrichie, et prĂ©parĂ©e Ă  cette nouvelle Ă©tape.

– Et au-delĂ  de l’aspect purement « professionnel », la prĂ©paration fut aussi « personnelle », au niveau d’une grande connaissance des « abysses humaines », de la capacitĂ© Ă  Ă©couter, recevoir, accueillir de maniĂšre bienveillante et sans jugement.

Afin de vivre au mieux et le plus professionnellement possible cette transformation, il m’a semblĂ© indispensable de rester trĂšs vigilante et d’éviter l’isolement ; aussi suis-je en relation avec d’autres professionnels pour Ă©changer sur mes pratiques.

#Quelles tùches professionnelles as-tu successivement exercées ?

#– J’ai suivi initialement une formation d’infirmiĂšre. A ce titre,
– J’ai exercĂ© 3 ans dans une structure spĂ©cialisĂ©e en chirurgie thoracique.
– J’ai travaillĂ© 6 ans dans l’univers carcĂ©ral : une Maison d’ArrĂȘt et un hĂŽpital pĂ©nitentiaire.
Puis j’ai suivi une formation de Cadre infirmier et de Chef de Service MĂ©dico-social. Ceci m’a permis d’assurer des fonctions de :

– Chef de Service d’un ESAT (Etablissement et Service d’Aide par le   Travail – ex CAT) pendant 7 ans
– Cadre de SantĂ© durant 10 ans dans un Etablissement Public de SantĂ© Mentale (service d’hospitalisation pour adultes, puis extra hospitalier en pĂ©dopsychiatrie).

Quelles étaient les caractéristiques communes de ces tùches ?

Durant ces annĂ©es, j’exerçais en structures « traditionnelles » : institutions sanitaires et mĂ©dicosociales. La prise en charge dispensĂ©e y Ă©tait essentiellement Ă  visĂ©e « curative » et « éducative ».

Comment et en quoi as-tu ressenti des aspirations Ă  un changement, le besoin d’une nouvelle approche ?

Plusieurs aspects :

Pour moi,  la personne soignĂ©e doit pouvoir bĂ©nĂ©ficier, dans le cadre de sa prise en charge et pour la pĂ©rennisation des rĂ©sultats obtenus au cours de l’hospitalisation, d’une approche holistique ; ce qui signifie :

– prise en compte de la globalitĂ© de son environnement (familial, social …).

– intĂ©gration de la dimension « biopsychosociale », ainsi que de tous ses domaines de vie. ReconnaĂźtre, ĂȘtre attentif et intĂ©grer le physique, le psychique, l’émotionnel, le professionnel, l’environnemental, le social, 


De plus, il m’est apparu, au fil des expĂ©riences, indispensable, pour renforcer le bĂ©nĂ©fice acquis lors des hospitalisations, de proposer, de maniĂšre plus suivie, un accompagnement lors du retour de la personne Ă  son domicile.

NĂ©anmoins, dans les milieux institutionnels, cela relevait d’un vĂ©ritable challenge au quotidien compte tenu des contraintes budgĂ©taires de plus en plus fortes, et des difficultĂ©s grandissantes en termes d’effectifs.

Pour finir,  il s’est trouvĂ© qu’au cours du dernier semestre 2012 et premier semestre 2013, des soucis personnels de santĂ© m’ont obligĂ©e Ă  envisager une rĂ©orientation.

Quelle a Ă©tĂ© alors l’orientation de ta recherche ?

J’ai souhaitĂ© mettre Ă  profit mes expĂ©riences passĂ©es ainsi que les rĂ©flexions issues de mon parcours professionnel.

Deux éléments sous-tendent ainsi à ce jour ma motivation :

– en premier bien sĂ»r, le mieux-ĂȘtre de la personne concernĂ©e ainsi que l’accompagnement et soutien des familles ou des aidants, lors de pathologies lourdes ou de Handicap.

– et la mise Ă  disposition de mes compĂ©tences et expĂ©riences en tant que professionnelle, tout en veillant Ă  respecter mes valeurs et mon intĂ©gritĂ© personnelle.

Les réalités rencontrées antérieurement deviennent ainsi « moteur » pour proposer une approche globale, incluant si besoin les familles.

C’est dans ce cadre que ma recherche de cohĂ©rence interne maximale me permet de diffuser le meilleur de moi-mĂȘme au niveau professionnel.

Qu’est ce qui a suscitĂ© ton intĂ©rĂȘt pour la profession de coach ?

Comment l’as tu perçue au dĂ©part et comment l’as tu ensuite de plus en plus dĂ©couverte ?

Quelles dĂ©couvertes as tu faites en suivant cette formation pour ĂȘtre certifiĂ©e Master Coach ?

Qu’est ce qu’elle t’a apportĂ© de nouveau ?

 En tant que coach, nous partons d’une situation prĂ©sente que le client voudrait voir changer ou amĂ©liorer.

Le coach va dans un premier temps accompagner son client dans l’identification, et l’énoncĂ© d’un objectif, puis au fur et Ă  mesure des sĂ©ances, ils vont ensemble travailler Ă  « comment faire pour l’atteindre ? ».

La profession de coach m’a sĂ©duite par plusieurs aspects :

– Ecoute et disponibilitĂ©

– Approche rĂ©solument positive

– Accompagnement constructif et trĂšs concret

J’ai dĂ©couvert des professionnels trĂšs investis, attentifs et soucieux d’accompagner les personnes dans leur problĂ©matique, ou leurs objectifs de vie, et trĂšs respectueux du rythme que les personnes voulaient elles-mĂȘmes y donner (ou Ă©taient Ă  mĂȘme de donner).

De plus, ces professionnels, semblaient  vivre en accord avec eux-mĂȘmes et avec leurs valeurs.

J’y ai vu un lien avec leur statut « d’indĂ©pendant », et de distanciation d’avec les tensions et pressions institutionnelles.

Cela m’a ouvert d’autres perspectives et a eu comme un effet de « libĂ©ration ».

Quelle relation s’est Ă©tablie entre ta prĂ©cĂ©dente pratique professionnelle et la nouvelle approche dans laquelle tu es entrĂ©e ?

Ma nouvelle fonction me semble ĂȘtre la continuitĂ© et l’aboutissement de ce que j’ai toujours cherchĂ© Ă  apporter en tant que professionnelle.

Je vois dans mes expériences antérieures des étapes que je pourrais qualifier  de « préparation » et de « formation ».

Nos diffĂ©rents parcours professionnels, nos expĂ©riences de vie, nos formations
. sont autant d’élĂ©ments qui constituent les facettes d’un professionnel.

C’est pourquoi  l’accompagnement en coaching peut ĂȘtre trĂšs diffĂ©rent d’un coach Ă  un autre.

Au plan sociologique, l’approche nouvelle de coaching me fait passer de structures fixes et organisĂ©es, Ă  un fonctionnement en libĂ©ral et structure mobile.

Au plan humain, mon accompagnement de coaching vise Ă  rendre les personnes « acteurs » de leur vie, alors que dans mon expĂ©rience prĂ©cĂ©dente en structures « d’urgence » Ă  visĂ©e curative, ces personnes Ă©taient plus « passives », parce que encore choquĂ©es.

Je pourrais dire que je passe ainsi d’un objectif « to cure » Ă  un accompagnement « to care ». Il s’agit maintenant d’impulser, dynamiser les personnes afin qu’elles soient le plus possible « acteur de leur vie ».

Ma dĂ©marche s’inscrit donc dans une dimension autant curative que prĂ©ventive, et concerne tout aussi bien cette  personne que son entourage.

Enfin, il s’agit pour moi d’aider les personnes Ă  passer du   « Pourquoi ? » Ă  un  « Pour en faire quoi ? » et « Comment le faire ?».

La vie peut en effet réserver des changements à chaque instant.

Tout changement peut avoir un impact sur nous, et alors nĂ©cessiter un rĂ©ajustement dans « l’ici et maintenant » 


La question qui se pose est donc : « en avons-nous les capacitĂ©s au moment oĂč cela arrive ? »

Peux tu dĂ©crire la nouvelle pratique professionnelle que tu es aujourd’hui en train d’explorer et d’inventer ?

Un certain nombre de personnes que j’ai rencontrĂ©es dans mes prĂ©cĂ©dentes expĂ©riences professionnelles avaient cĂŽtoyĂ© ou Ă©taient encore dans ce que l’on pourrait  les « gouffres abyssaux » de la vie. Et j’ai pu constater que rapidement, elles se sentaient suffisamment en confiance pour m’en parler.

Dans la vie, nous assistons souvent Ă  l’enclenchement de vĂ©ritables spirales ; l’écoute que j’ai pu apporter a   dĂ©veloppĂ© en moi une foi  inconditionnelle et indestructible en l’ĂȘtre humain, et cette foi est devenue un puissant moteur pour renforcer cette passion envers l’ĂȘtre humain   
. J’ai ainsi dĂ©veloppĂ© une sorte d’addiction  J

Aussi mon projet de coaching s’est-il orientĂ© trĂšs rapidement autour des « Ruptures de Vie ». Ces ruptures peuvent toucher diffĂ©rents domaines :

– professionnel : licenciement, rĂ©orientation professionnelle, retraite


– personnel :

– vie familiale : divorce, naissance prĂ©maturĂ©e, naissance prĂ©maturĂ©e, adolescence difficile d’un enfant


– affectif : deuil, sĂ©paration 


– santĂ© organique/psychique : handicap, pathologie aigĂŒe/chronique 


Il me faut rajouter que j’ai, depuis toujours, Ă©tabli une relation tout Ă  fait particuliĂšre avec les animaux.

C’est ainsi que j’ai suivi il y a quelques annĂ©es une double formation de ThĂ©rapie avec le Cheval (FENTAC –FĂ©dĂ©ration Nationale des ThĂ©rapies avec le Cheval- et Handicheval).

Je propose ainsi des coachings associant la médiation animale, avec le chien ou le cheval.

Cet aspect sera plus amplement développé sur mon site internet, qui est encore à ce jour en cours de construction.

En comparant ton ancienne et ta nouvelle pratique professionnelle, quelles sont les approches nouvelles que tu mets en Ɠuvre ?

Il est certain que dans une relation de coaching, le lien qui se tisse entre le coaché et le coach est fondamental pour aboutir à une relation de confiance.

Le coach peut alors véritablement devenir « partenaire en réussite ».

Dans les situations extrĂȘmes, mon objectif premier devient:

– DĂ©nicher la moindre Ă©tincelle de vie,

– Raviver les braises,

– Alimenter la flamme renaissante  
.

Dans ce travail dynamique de synthĂšse, comment envisages-tu la collaboration avec d’autres professions ?

J’ai travaillĂ© pendant 30 ans en Ă©quipe.

Les relations professionnelles entre personnels de santĂ©, ne sont certes pas toujours faciles. NĂ©anmoins, elles sont trĂšs enrichissantes, voire indispensables dans la mesure oĂč un ĂȘtre humain est complexe. Les portes d’entrĂ©e pour aider une personne sont donc multiples.

Celle-ci va nous proposer une porte d’entrĂ©e. Il s’agit pour nous de la respecter et de rentrer par cette porte qu’il nous ouvre ou nous entrouvre. 
 et non pas de forcer une porte fermĂ©e souvent par protection.

En tant que professionnels de santĂ©, nos personnalitĂ©s, compĂ©tences, formations professionnelles 
. sont diffĂ©rentes et complĂ©mentaires. Mises ensemble, elles nous permettent d’approcher au mieux la problĂ©matique spĂ©cifique de cette personne.

C’est en dĂ©couvrant les diffĂ©rentes « facettes » de l’ĂȘtre que la complĂ©mentaritĂ© prend tout son sens

Nous pouvons ainsi en avoir une vision la plus large possible.

En rĂ©sumĂ©, cette collaboration, je l’ai dĂ©jĂ  exprimĂ©, me semble indispensable.

C’est la raison pour laquelle je dĂ©cline ma conception d’accompagnement en coaching sous 2 formes :

– la forme individuelle, en tant que seul professionnel « en action »

– la forme de binĂŽme : interventions de 2 ou plusieurs professionnels, que ce soit de maniĂšre parallĂšle ou simultanĂ©e. Il peut s’agir par exemple d’une collaboration avec un psychologue, psychiatre, psychomotricien
.

Cela nĂ©cessite bien entendu l’accord de la personne accompagnĂ©e, ainsi que l’accord de cet autre professionnel avec qui un lien de confiance doit Ă©galement s’établir.

Les échanges entre professionnels peuvent avoir lieu de maniÚre ponctuelle, sous forme de bilans réguliers, et/ou de séance rassemblant les 3 personnes concernées.

Le contenu peut en ĂȘtre :

– un transfert d’informations,

– un bilan sur l’avancĂ©e vers les objectifs rĂ©ciproques,

– un partage sur des interrogations Ă©mergeant suite Ă  une situation rencontrĂ©e,

– la sollicitation d’un avis Ă©clairĂ© par rapport Ă  la spĂ©cificitĂ© de l’autre professionnel

– …

Peux tu nous dĂ©crire les premiĂšres expĂ©riences qui s’inscrivent dans ce parcours ?

Mes premiÚres expériences :

– une jeune fille se trouvait ĂȘtre en rupture scolaire pour raisons familiales. Elle devait Ă  court terme effectuer un stage en ESAT. Son objectif Ă©tait d’arriver Ă  transformer ce stage en embauche. Objectif rĂ©ussi.

– une  cliente, en situation d’épuisement professionnel. Son objectif Ă©tait de trouver une nouvelle orientation professionnelle dans laquelle elle puisse s’épanouir. Elle propose  aujourd’hui des massages « bien-ĂȘtre et relaxation » d’une trĂšs grande qualitĂ©, dans un contexte d’écoute et de mise en confiance que j’ai rarement connu ailleurs.

– une jeune femme brillante dont l’objectif Ă©tait d’arriver Ă  gĂ©rer Ă©motionnellement des situations complexes au niveau professionnel. Le coaching nous a amenĂ© Ă  travailler sur des peurs remontant Ă  la petite enfance. Cet accompagnement l’a beaucoup aidĂ©e et a rajoutĂ© une plus value importante Ă  son expertise professionnelle existante.

– une maman en rupture affective. Son objectif Ă©tait de vivre au mieux sa sĂ©paration et  trouver le juste positionnement pour minimiser les consĂ©quences pour ses enfants.

– Une jeune femme, rĂ©cemment licenciĂ©e, souhaitant retrouver un nouvel emploi. Cette Ă©preuve a fait resurgir des grosses problĂ©matiques (relationnelles et traumatiques) remontant Ă  l’enfance.

– Un homme portĂ© sur la boisson. Un dĂ©fi sportif retenu en commun l’a soutenu et aidĂ© Ă  puiser la dĂ©termination lĂ  oĂč il pensait ne pas pouvoir tenir.

Les personnes accompagnĂ©es ont Ă©tĂ© trĂšs satisfaites. Et ce fut pour moi, au-delĂ  de l’atteinte des objectifs, de la joie et fiertĂ© de ces personnes, de merveilleux moments de partage trĂšs enrichissants.

En quelques mots, quel sens perçois-tu dans ton parcours ?

Je ressens beaucoup d’émotions face Ă  la richesse de mon parcours professionnel. Certaines expĂ©riences m’ont profondĂ©ment transformĂ©e.

J’ai l’impression que ma profession de coach me permet de rassembler toujours un peu plus les diffĂ©rentes piĂšces de mon puzzle professionnel au service des personnes qui font appel Ă  moi.

Pour moi, le coaching est une approche qui s’appuie sur un cƓur de mĂ©tier, une expertise.

Mon cƓur de mĂ©tier est le Soin, la SantĂ©. J’accompagne donc les personnes dans leur SantĂ©.

Rappelons que la Santé

« ne consiste pas uniquement en un Ă©tat de bien-ĂȘtre physique, psychologique, social 
. »

La santĂ©,  « c’est aussi avoir les capacitĂ©s d’adaptation dans un monde en constante Ă©volution » (DĂ©finition de l’OMS – Organisation Mondiale de la SantĂ©).

Il s’agit pour chacun d’entre nous de s’adapter Ă  chacune des situations qui se prĂ©sentent sur notre parcours de vie, que ce soit celles venant du monde extĂ©rieur ou venant de notre monde intĂ©rieur.

Et le coach de santĂ© que je suis va stimuler, accompagner ce processus d’adaptation.

Il s’agit Ă  chaque fois d’une dĂ©couverte magnifique et d’une expĂ©rience nouvelle, menĂ©e Ă  2, dans laquelle la personne se dĂ©voile, se dĂ©couvre, s’enrichit et s’épanouit… pour quelque chose de « mieux ».

Le coaching est une approche fondĂ©e sur le relationnel. Il s’appuie sur un lien de confiance rĂ©ciproque.

J’ai foi en l’Homme, en ses capacitĂ©s, en ce qu’il peut donner et offrir.

Je suis intimement persuadĂ©e que l’ĂȘtre humain a en lui de formidables ressources et capacitĂ©s de rebond.

Seulement, nous ne les connaissons pas toujours. Nos qualités, nos talents ont parfois été étouffés :

– inhibĂ©s car non reconnus par notre environnement,

– ou mis en veille par l’absence de situations qui en auraient permis la rĂ©vĂ©lation et l’expression.

Il faut alors les REdécouvrir car ils constituent un puissant moteur de réussite personnelle.

En conclusion, mon expĂ©rience de coach de vie (accompagner des personnes en rupture de vie) m’a permis d’identifier en moi une rĂ©elle et profonde aspiration : proposer du « coaching de la Vie ».

Il s’agit de transmettre un souffle de vie, de ranimer la petite flamme de vie qui perdure en chacun de nous, mĂȘme au cƓur des situations les plus difficiles.

Contribution de BĂ©atrice Ginguay

Une approche spirituelle de l’écologie

Selon Christine Kristof-Lardet

Manifestement, la transition Ă©cologique implique une transformation profonde dans notre genre de vie et, en consĂ©quence, dans nos mentalitĂ©s. Ce changement, intervenant dans des habitudes sĂ©culaires, ne va pas de soi. Il peut entrainer un ressenti de perte et un bouleversement des repĂšres. Le coĂ»t est Ă©levĂ©. Face Ă  ce coĂ»t, nous avons besoin d’une force motrice qui induise une nouvelle maniĂšre de voir, mais aussi de sentir, si bien que les comportements Ă©mergents puissent ĂȘtre assortis de satisfactions nouvelles. Par exemple, la « sobriĂ©tĂ© heureuse » ne peut l’ĂȘtre que si l’on y trouve des satisfactions morales, psychologiques et matĂ©rielles permettant de quitter la posture de consommateur traditionnel. La transition Ă©cologique implique des transformations sociales et Ă©conomiques. Elle requiert en consĂ©quence une vision Ă©clairant ces transformations.

Aujourd’hui, Ă  partir mĂȘme des changements en cours, nous commençons Ă  comprendre que tout se tient et Ă  voir le vivant et le monde dans leurs interrelations, dans une approche globale, dans une perspective holistique. L’ampleur du changement requis requiert un dĂ©passement. On rencontre ici une approche spirituelle si tant est qu’on puisse la dĂ©finir, avec David Hay (1), comme « une conscience relationnelle » dans une relation avec les autres et avec soi-mĂȘme, avec la nature, avec la prĂ©sence divine
 Et, de plus, en se rĂ©fĂ©rant Ă  un chercheur anglais, Alister Hardy, le mĂȘme David Hay perçoit le potentiel spirituel de l’homme comme une facultĂ© qui s’inscrit dans l’évolution des ĂȘtres vivants. Si, la transition Ă©cologique nous achemine vers une civilisation nouvelle, ce processus requiert une vision spirituelle qui puisse Ă©clairer les acteurs. Cette vision est dĂ©jĂ  en cours. Elle est exprimĂ©e par des thĂ©ologiens et par des sages (2). Elle inspire des pratiques nouvelles. On assiste Ă  des Ă©mergences et Ă  des convergences. Nous avons besoin de reconnaĂźtre ce mouvement et d’en percevoir toutes les dimensions. Comment mobilise-t-il dĂ©jĂ  de nombreuses ressources en terme d’initiatives et de communautĂ©s ?         A ce stade, le rĂ©cent livre de Christine Kristof-Lardet : « Sur la Terre comme au Ciel » (3), est une contribution particuliĂšrement importante puisqu’elle nous fait connaĂźtre « les lieux spirituels engagĂ©s en Ă©cologie ». « Nombre de communautĂ©s spirituelles intĂšgrent aujourd’hui la dimension Ă©cologique dans leur mode de vie et leurs structures, puisant Ă  la source de leur sagesse les raisons de leur engagement pour la terre et le vivant. En mĂȘme temps, elles sont des laboratoires oĂč s’inventent et s’expriment des « possibles » qui peuvent nourrir notre sociĂ©tĂ© en quĂȘte de sens, de valeurs et de repĂšres. Cette ouverture favorise l’émergence d’une approche spirituelle de l’écologie au sein de laquelle les postures du « mĂ©ditant » et du « militant » se fĂ©condent mutuellement » (page de couverture).

 

Approche spirituelle de l’écologie

Christinde Kristof-Lardet nous prĂ©sente ainsi « une approche spirituelle de l’écologie ». C’est la poursuite d’un cheminement que Christine accomplit depuis une vingtaine d’annĂ©es. « Ecojournaliste, Ă©crivain, voyageur, militante Ă©cologiste Ă  les heures, j’ai vu, pleurĂ© et dĂ©fendu la beautĂ© de la Terre. Je me suis parfois posĂ©e dans des monastĂšres retirĂ©s du monde et me suis laissĂ© questionner. Comment, devant tant de splendeur, ne pas avoir le cƓur chavirĂ© ? Comment trouver la paix intĂ©rieure au sein du chaos que mes reportages me donnaient Ă  voir ? Comment concilier ma quĂȘte Ă©cologique et ma quĂȘte spirituelle ? c’est lors d’une grande rencontre organisĂ©e au centre bouddhiste Karma Ling en Savoie que la jonction s’est opĂ©rĂ©e et que j’ai compris qu’écologie et spiritualitĂ© n’étaient en fait qu’une seule et mĂȘme rĂ©alitĂ©. Cette prise de conscience a signĂ© le dĂ©but de mon exploration » (p 9). Dans une inspiration chrĂ©tienne et dans une dimension interreligieuse, Christine Kristof Lardet a donc suivi cette voie, la voie d’une convergence entre Ă©cologie et spiritualitĂ©. Journaliste, spĂ©cialiste des questions Ă©cologiques, elle est aujourd’hui rĂ©dactrice en chef de la revue PrĂ©sence (4). Dans la continuitĂ© d’un travail jadis engagĂ© par le WWF en direction des spiritualitĂ©s, elle a poursuivi cette tĂąche en crĂ©ant avec d’autres personnes de diverses traditions, un « RĂ©seau des Ă©cosites sacrĂ©s ». « La vocation de ce rĂ©seau est de mettre en lumiĂšre les initiations Ă©cologiques inspirantes au sein des centres spirituels et de favoriser le dialogue entre ces lieux ».

Il s’agit bien de mettre en Ă©vidence la montĂ©e d’une approche spirituelle de l’écologie. « S’interroger sur les causes profondes de la destruction de la nature et de la crise Ă©cologique conduit Ă  comprendre que celles-ci s’enracinent en grande partie dans notre cƓur, notre culture et notre façon de « penser le monde ». C’est donc lĂ , dans notre esprit et notre cƓur que nous devons aussi chercher les solutions. La perspective de l’effondrement ne relĂšvent pas de la crise Ă  rĂ©soudre ; elle nous appelle Ă  une transformation intĂ©rieure qui seule permettra une vĂ©ritable mutation de notre sociĂ©té  Il nous faut accomplir « un saut quantique » de la conscience. Pour cela, il convient de sortir de la sĂ©paration – perçue ou vĂ©cue comme telle – entre le monde de l’écologie et celui de la spiritualitĂ©. DĂ©velopper une approche spirituelle de l’écologie, au sein  de laquelle la posture du « mĂ©ditant » vient nourrir celle du « militant » – et inversement – ouvre des perspectives de rĂ©conciliation et d’espĂ©rance » (p 11).

 

Un rĂ©seau d’écosites sacrĂ©s

Nous dĂ©couvrons Ă  travers ce livre de nombreuses communautĂ©s qui s’inscrivent dans des cheminements religieux diffĂ©rents, du christianisme, aux religions orientales et aussi Ă  des spiritualitĂ©s Ă©mergentes et qui, chacune, s’ouvrent Ă  la conscience Ă©cologique. On pourrait dire que, d’une certaine maniĂšre, leurs pratiques spirituelles les prĂ©disposent Ă  un Ă©veil Ă©cologique, mais que c’est justement cet Ă©veil qui engendre une dynamique commune. « L’écologie se pose de façon transversale au cƓur des traditions spirituelles et inspire chacun de nous, « habitants de la maison commune », croyants et non croyants confondus : « Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous parce que le dĂ©fi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous », Ă©crit le pape François dans l’encyclique « Laudato si’ » consacrĂ©e Ă  l’écologie. DĂ©couvrir quelles sont les visions et les ressources cultivĂ©es au sein des centres spirituels, les mettre en lumiĂšre et montrer leur pertinence est un des buts de cet ouvrage » (p 11-12). Quelque soient les manques et les dysfonctionnements Ă©ventuels, ces communautĂ©s participent Ă  une Ă©volution gĂ©nĂ©rale. Elles innovent. « Toutes ces communautĂ©s, aussi imparfaites soient-elles, peuvent ĂȘtre Ă©galement vues comme des laboratoires ou s’expĂ©rimente en miniature et de maniĂšre concentrĂ©e tout ce que notre humanitĂ© traverse Ă  une plus grande Ă©chelle. Ce qui se joue dans notre sociĂ©tĂ©, notamment la transition Ă©cologique, se joue Ă©galement en microcosme au sein des centres spirituels. Dans ce sens, il n’est peut-ĂȘtre pas vain d’imaginer que tous les trĂ©sors d’amour, de courage et de perspicacitĂ© mis en Ɠuvre par ces communautĂ©s puissent ĂȘtre profitables au plus grand nombre » (p 12-13).

Ainsi, l’auteure nous introduit ici dans la vie d’une trentaine de communautĂ©s Ă  travers « des reportages, rĂ©alisĂ©s en plusieurs annĂ©es et actualisĂ©s en permanence, pensĂ©s dans une perspective de dĂ©couverte et de partage et tĂ©moignages vĂ©cus »  Notre posture de base s’inscrit dans une neutralitĂ© bienveillante et lucide ». Le lecteur que nous sommes, trouve que cet objectif a Ă©tĂ© bien rempli. Chaque communautĂ© est l’objet d’une monographie qui nous permet de la situer dans son histoire et d’en dĂ©couvrir la vie quotidienne dans ses diffĂ©rents aspects. En 200 pages, il y a lĂ  un ensemble d’études de cas particuliĂšrement Ă©clairantes.

Nous voici en voyage : Des communautĂ©s chrĂ©tiennes anciennes ou nouvelles, des communautĂ©s de tradition orientale, des « communautĂ©s spirituelles intentionnelles » 

 

Quelques exemples en empruntant un tout petit bout de descriptif :

Le Centre Amma de Pontgoin 

« Le Centre Amma de Pontgoin, teintĂ© d’Orient et d’Occident, est tout d’abord un lieu pour vivre les enseignements d’Amma
 la sainte indienne qui serre les foules dans ses bras. Il s’inscrit dans la lignĂ©e des ashrams indiens par sa philosophie, les rituels et la discipline qui y est pratiquĂ©e. En mĂȘme temps, cet ashram est un Ă©cosite qui expĂ©rimente et promeut un vivre-ensemble Ă©cologique en harmonie avec la nature
 Au Centre Amma oĂč l’on s’exerce aussi bien Ă  la mĂ©ditation, qu’à la permaculture, Ă  la gouvernance partagĂ©e ou Ă  l’art du compostage, la pratique spirituelle et l’engagement Ă©cologique se nourrissent mutuellement » ( p 21).

 

L’Arche de Saint-Antoine

« Dans cette ancienne abbaye, lovĂ©e au pied du Vercors, s’expĂ©rimente, depuis une trentaine d’annĂ©es, une vie profonde de fraternitĂ© et de partage dans l’esprit de Lanza del Vasto, un disciple chrĂ©tien de Gandhi, Ă  mi-chemin entre la vie monastique et la vie laĂŻque. Cette communautĂ© se compose aujourd’hui d’une cinquantaine de personnes qui expĂ©rimentent un mode de vie simple fondĂ© sur la non-violence et la spiritualitĂ©, et sous-tendu par la recherche d’une harmonie avec soi, les autres et la nature. Ces valeurs constituent la trame d’une Ă©cologie intĂ©grale qui se dĂ©cline dans tous les aspects de la vie » (p 39).

 

Le Village des Pruniers

FondĂ© au cƓur de la Dordogne par le vĂ©nĂ©rable moine, Thich Nhat Han en 1982, ce centre spirituel incarne le rĂȘve de son fondateur de dĂ©velopper, dans un lieu de nature prĂ©servĂ© et nourrissant, une communautĂ© conjuguant la pratique de la pleine conscience et le vivre-ensemble fraternel
 Puisant aux fondements de la tradition bouddhiste zen, cette communautĂ© internationale propose aux multiples retraitants d’expĂ©rimenter la pratique de la mĂ©ditation dans ses diffĂ©rentes formes et de vivre un chemin de rĂ©conciliation avec soi, avec les autres et avec la Terre » (p 59).

 

L’écohameau de La Chaux en CĂŽte d’or

« Loin du tout-conformisme comme du tout-confort, Marie et Alexande Sokolovtch posent leur sac en juin 2009 Ă  la ferme de La Chaux en Bourgogne aprĂšs des annĂ©es de nomadisme alternatif au service de jeunes dĂ©munis. Leur dĂ©sir : prendre le temps, Ă  la suite de JĂ©sus, de vivre une simplicitĂ© volontaire et Ă©vangĂ©lique dans la cohĂ©rence entre engagement social, Ă©cologique et spirituel
 Les Evangiles, c’est notre base et notre nourriture
 Aujourd’hui, trois familles sont installĂ©es Ă  La Chaux et forment avec sept enfants et un cĂ©libataire, une communautĂ© d’une quinzaine d’habitants fixes. InspirĂ©e des communautĂ©s de l’Arche de Lanza del Vasto, le ferme de La Chaux est aujourd’hui un bastion de la sobriĂ©tĂ© et de la dĂ©brouille, mais aussi un lieu oĂč s’expĂ©rimente de façon atypique, le partage, l’accueil inconditionnel du prochain et la relation Ă  la terre. Par son mode de vie et sa pratique, la ferme de La Chaux explore les diffĂ©rentes dimensions de l’écologie : la sobriĂ©tĂ©, l’usage du troc, la relation Ă  la terre avec la rĂ©alisation de zones de maraichages ouvertes Ă  tous et des cultures de variĂ©tĂ©s anciennes de blĂ© en agroforesterie
 , le partage et le don » (p 139-140)

 

Le monastĂšre de Taulignan

« Onze sƓurs vivent aujourd’hui dans ce monastĂšre perdu au milieu de la Drome provençale. Elles cultivent des plantes aromatiques servant Ă  crĂ©er des huiles essentielles ou des hydrolats dans la distillerie qu’elles ont fait construire en 2014. Cette activitĂ© est nĂ©e de la nĂ©cessitĂ© de trouver une activitĂ© pouvant assurer leur subsistance en accord avec la vie monastique. C’est un parcours Ă©cologique qui a Ă©tĂ© encouragĂ© par le paysan philosophe Pierre Rabbi. Au cƓur de leur vie communautaire et de priĂšre, ces pionniĂšres cherchent Ă  explorer entre Terre et Ciel la ligne de crĂȘte entre foi et Ă©cologie » (p 105).

 

Le monastĂšre Orthodoxe de Solan dans le Gard

« Le monastĂšre de Solan abrite aujourd’hui 17 moniales de tradition orthodoxe qui vivent principalement de la production de vin et des produits de leurs rĂ©coltes au potager ou au verger » . « La rencontre avec l’agroĂ©cologiste Pierre Rabbi dans les annĂ©es 1990 a Ă©tĂ© dĂ©cisive ». Elles ont accompli un beau parcours Ă©cologique. « Aujourd’hui, elles mettent en pratique ces principes Ă©cologiques d’autant plus naturellement qu’elles les vivent aussi de l’intĂ©rieur par la priĂšre
 la liturgie
 une ascĂšse et l’eucharistie partagĂ©e dans une conscience ouverte au cosmos ». « Dans notre tradition, nous n’avons pas la dichotomie habituelle entre le spirituel et le matĂ©riel, le CrĂ©ateur et la CrĂ©ation, entre l’homme et la nature
 Nous nous sentons vraiment faire partie de la CrĂ©ation  » (p 136-131)

 

L’écovillage de Findhorn en Ecosse

« Le rĂŽle de Findhorn depuis sa crĂ©ation a Ă©tĂ© de dĂ©montrer l’expĂ©rience pratique de la communion et de la coopĂ©ration avec la nature fondĂ©e sur une vision de la vie et de l’intelligence organisĂ©e qui lui est inhĂ©rente » ( David Spangler). Au dĂ©part, en 1962 ,dans le nord de l’Ecosse, « c’est un groupe de trois adultes et six enfants, poussĂ©s par le « destin », qui s’installe sur un terrain de caravaning et qui dĂ©veloppe une vie en harmonie avec le divin et la nature. Aujourd’hui, c’est une communautĂ© composĂ©e d’environ 600 personnes qui propose un modĂšle de vie cohĂ©rente fondĂ©e sur trois principes : la spiritualitĂ© (par l’écoute intĂ©rieure), le service Ă  autrui (par l’amour en action), et l’écologie globale (par l’intelligence au cƓur de la nature) »  « La communautĂ© de Findhorn s’illustre pas sa longĂ©vitĂ© et son dĂ©veloppement exceptionnel
 Elle a su conjuguer la spiritualitĂ©, la relation Ă  la nature et le service au monde. Ces bases solides ont permis l’émergence de nouveaux paradigmes et de chemins jusque lĂ  inexplorĂ©s, en particulier la coopĂ©ration avec l’intelligence de la nature
 Dans ce creuset, s’est dĂ©veloppĂ©e non seulement une conscience forte de l’unitĂ© de toutes choses, mais aussi la nĂ©cessitĂ© d’inscrire notre humanitĂ© dans le cercle beaucoup plus vaste de la communautĂ© du vivant, avec laquelle nous partageons une fraternitĂ© ontologique » (p 177 et 198).

A travers ces quelques exemples, une grande Ă©mergence apparait et des convergences sensibles se manifestent.

A partir de cette recherche, Christine Kristof-Lardet met en Ă©vidence un dynamique spirituelle, communautaire, Ă©cologique. « DĂ©positaires de sagesse, ces communautĂ©s peuvent contribuer Ă  soutenir et Ă  nourrir l’évolution du monde, sa conversion vers un authentique respect de la planĂšte et de tous les ĂȘtres qui l’habitent. Ce n’est que dans une approche globale, Ă©cosystĂ©mique, transdisciplinaire que nous pouvons rĂ©pondre aux dĂ©fis de notre temps » (p 235-236).

Ce livre bien Ă©crit, bien construit rend compte au plus prĂšs de la dĂ©marche des communautĂ©s oĂč la spiritualitĂ© et l’écologie s’allient. Il tient bien l’objectif annoncĂ© : ĂȘtre « une ressource qui peut inspirer chacun dans sa quĂȘte d’harmonie et ouvrir des perspectives pertinentes pour notre monde en transition » .Comme l’écrit Sabish Kumar : « La transition nous appelle Ă  passer Ă  une vision holistique du monde, oĂč physique et mĂ©taphysique, engagement et spiritualitĂ© dansent ensemble comme les deux faces d’une mĂȘme mĂ©daille : Transition extĂ©rieure et transition intĂ©rieure vont de pair » (p 9)

J H

  1. David Hay. La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. La recherche de David Hay sur la spiritualitĂ© d’aujourd’hui (« Something there. The biology of the human spirit ») : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/
  2. Une vision exprimĂ©e par des thĂ©ologiens et des sages. Ce livre comprend une bibliographie Ă©tendue (p 267-273) ; L’auteure note l’influence des spiritualitĂ©s bouddhiste, hindouistes et plus largement orientales . « Ces spiritualitĂ©s qui, pour la plupart s’ancrent dans une approche Ă©cosystĂ©mique et holistique, ont permis d’élargir les perspectives de nos cultures souvent cartĂ©siennes, rĂ©ductionnistes et largement anthropocentriques
 Les rĂ©sonnances Ă©tonnantes entre les textes rĂ©cents du dalaĂŻ-lama autour de la responsabilitĂ© universelle par exemple et ceux du pape François dans l’encyclique « Laudato si’» sur l’écologie intĂ©grale, rĂ©vĂšlent une complĂ©mentaritĂ© de points de vue » (p 81), Dans le champ de la thĂ©ologie chrĂ©tienne, JĂŒrgen Moltmann a accompli un travail pionnier puisque son livre : « Dieu dans la crĂ©ation » et avec pour sous-titre : « TraitĂ© Ă©cologique de la crĂ©ation » est paru au Cerf en 1988. Courte prĂ©sentation : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/ La pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann est trĂšs prĂ©sente sur ce blog : « Convergences Ă©cologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, pape François, Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/ Nous mettons Ă©galement en Ă©vidence le courant Ă©cologique outre-Atlantique inspirĂ© par le thĂ©ologien : Thomas Berry : « Comment entendre les principes de la vie cosmique pour entrer en harmonie » : https://vivreetesperer.com/comment-entendre-les-principes-de-la-vie-cosmique-pour-entrer-en-harmonie/ Dans son « Center for action and contemplation », Richard Rohr dĂ©veloppe Ă©galement une spiritualitĂ© Ă©cologique. Nous avons rapportĂ© certains de ses thĂšmes : « L’homme, la nature et Dieu » : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/
  3. Christine Kristof-Lardet. Sur la Terre comme au Ciel. Lieux spirituels engagés en écologie. Labor et Fides, 2019
  4. Présence. La revue des chercheurs de sens : https://revuepresence-leblog.com

Il y en a assez pour chacun

Comment l’expĂ©rience d’une communion dans l’Esprit permet de surmonter la pression de l’aviditĂ© collective et de gĂ©nĂ©rer un genre de vie communautaire

Une méditation sur « le communisme chrétien originel »
Par JĂŒrgen Moltmann

Dans le Livre des Actes (4.32-34), Luc nous dĂ©crit un Ă©lan de partage dans la premiĂšre Ă©glise. « La multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un cƓur et qu’une Ăąme. Nul ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais tout Ă©tait commun entre eux
 Il n’y avait parmi eux aucun indigent  ». Ce texte inspirant est bien connu, mais peut-on en tirer des enseignements pour aujourd’hui ?

Dans un livre, Ă©crit dans la foulĂ©e de « The Spirit of Life » (1991), « The Source of Life » (La Source de Vie) (1), paru en 1997, se voulant accessible Ă  un grand public, mais n’ayant jamais Ă©tĂ© traduit en français, JĂŒrgen Moltmann a Ă©crit un texte intitulé : « Une mĂ©ditation sur le communisme chrĂ©tien originel » (2). Alors qu’on s’inquiĂšte aujourd’hui des ravages entrainĂ©s par le productivisme et le consumĂ©risme, et des inĂ©galitĂ©s rĂ©sultant de la concentration des richesses, ce texte Ă©crit il y vingt-cinq ans, nous paraĂźt Ă©tonnamment actuel. Dans un sociĂ©tĂ© oĂč le manque de sens engendre une fuite dans une aviditĂ© collective, la dynamique de l’Esprit, prĂ©sente aux origines de l’Eglise et toujours disponible, se prĂ©sente Ă  nous pour nous inspirer une fraternitĂ© active, une vie pleine, une sociĂ©tĂ© apaisĂ©e.

 

L’exemple de la toute premiùre Église

Le texte des Actes nous dĂ©crit un mouvement de solidaritĂ© inĂ©dit : « Il n’y avait pas de personnes nĂ©cessiteuses parmi eux. Car ceux qui possĂ©daient des terres et des maisons les vendaient et en apportaient la recette aux apĂŽtres. Et l’on faisait distribution Ă  chacun selon qu’il en avait besoin » (Actes 4.35). « Il y avait assez pour chacun ! Tel est l’incroyable message de cette histoire » commente JĂŒrgen Moltmann. Certes, il y bien des historiens pour dire que cela n’a pas durĂ© longtemps. Mais si ce rĂ©cit rapporte un Ăąge d’or, on peut y voir Ă©galement « une rĂ©vĂ©lation du rĂ©el, des possibles genres de vie pour nous aujourd’hui. Nous pouvons avoir cette expĂ©rience nous-mĂȘmes : l’expĂ©rience de la communautĂ© de l’Esprit Saint » (p 102).

JĂŒrgen Moltmann Ă©voque les enjeux. « Il y a assez pour chacun. Mais aujourd’hui, des millions d’hommes et de femmes sont incapables de trouver du travail. Les ressources miniĂšres deviennent de plus en plus rares. Les sources d’énergie sont en train de s’épuiser. Les prix sont en train de monter. Les besoins s’étendent dans tous les domaines de la vie. Quelle contradiction ! » (p 103). Il est vrai que le manque et l’anxiĂ©tĂ©, qui en rĂ©sultent, remontent loin dans l’histoire. « Il n’y a jamais eu assez, il n’y a encore pas assez et il n’y aura jamais assez
 Mais oĂč est la vĂ©rité ? ». « L’histoire de la PentecĂŽte n’est pas une nouvelle thĂ©orie sociologique. Elle parle d’une expĂ©rience de Dieu. C’est une expĂ©rience de l’Esprit qui descend sur des hommes et des femmes, les imprĂšgnent, Ăąme et corps, et les amĂšnent Ă  former les uns avec les autres une communautĂ© et un fraternitĂ© nouvelle. Dans cette expĂ©rience, les gens ont ressenti qu’ils avaient Ă©tĂ© remplis d’énergies nouvelles dont ils n’avaient pas imaginĂ© qu’elles puissent exister et ils y ont trouvĂ© du courage pour un nouveau genre de vie » (p 104).

 

Un monde déchiré en manque spirituel

En regardant le monde, et notamment son propre pays, l’Allemagne, JĂŒrgen Moltmann y voit un dĂ©sir insatiable. Dans tous les domaines de la vie, le principe dominant est : « pas assez ». L’économie est basĂ©e sur l’exacerbation des besoins : « Nous assumons qu’il y a des besoins partout, des besoins qui peuvent ĂȘtre satisfaits seulement par du travail, et toujours plus de travail en accĂ©lĂ©rant la production et en rĂ©alisant de plus en plus de produits de masse
 Il n’y a jamais assez pour chacun. Et c’est pourquoi nous luttons pour davantage de pĂ©trole, davantage de minerais, davantage de marchĂ©s mondiaux
 Une chasse permanente Ă  la recherche d’argent et de plaisir » (p 106).

Cependant, n’avons-nous pas rĂ©ellement besoin de ce que nous consommons ? « Evidemment, il y a des besoins naturels, des besoins de base qui doivent ĂȘtre satisfaits, pour vivre dans des conditions humaines et dĂ©centes. Mais notre Ă©conomie a laissĂ© ces besoins de base loin derriĂšre. Ce ne sont pas ces requĂȘtes naturelles qui dominent nos vies et fournissent le moteur de notre Ă©conomie. C’est une demande qui a Ă©tĂ© stimulĂ©e et augmentĂ©e artificiellement. Dans notre sociĂ©tĂ© moderne, les ĂȘtres humains ont apparemment Ă©tĂ© transformĂ©s en monstres voraces. Ils sont tourmentĂ©s par une soif de vivre insatiable Ils sont possĂ©dĂ©s par un appĂ©tit de pouvoir insatiable. Plus ils ont, plus ils ont besoin et ainsi leur appĂ©tit est sans fin et ne peut ĂȘtre apaisé ». Le diagnostic est sĂ©vĂšre, mais lorsqu’on regarde la publicitĂ© aujourd’hui, on le reconnait.

Mais pourquoi cette situation ? C’est ici que Moltmann vient esquisser une explication. Ce qui est en cause, c’est une peur commune de la mort. « Consciemment ou inconsciemment, les humains sont dominĂ©s par la peur de la mort. Leur aviditĂ© de vivre est rĂ©ellement leur peur de la mort et leur peur de la mort trouve son expression dans un appĂ©tit de pouvoir dĂ©bridĂ©. « Vous vivez seulement une fois », nous dit-on. « Vous pourriez manquer quelque chose ». Cette faim de plaisir, de possession, de pouvoir, cette soif de reconnaissance Ă  travers le succĂšs et l’admiration – voilĂ  la perversion des hommes et des femmes modernes. VoilĂ  leur dĂ©votion. La personne qui perd Dieu fait un dieu d’elle-mĂȘme. Et, de cette façon, un ĂȘtre humain en vient Ă  devenir un mini-dieu orgueilleux et malheureux ».

JĂŒrgen Moltmann poursuit sa critique Ă  une Ă©chelle sociale. « Il n’y en a jamais assez pour chacun. Alors prenez maintenant et servez-vous ! C’est ce que la mort nous dit – la mort qui nous avale aprĂšs que nous ayons avalĂ© tout le reste. Notre Ă©conomie moderne est fondĂ©e sur le besoin. Notre idĂ©ologie moderne de la croissance, et notre obsession moderne de l’expansion sont des pactes avec la mort » (p 107). La peur du manque, engendrĂ©e par une inquiĂ©tude existentielle suscite des conflits. « « Il n’y a pas assez pour chacun » : ce slogan Ă©branle chaque communautĂ© humaine et dresse une nation contre une autre et finalement dresse chacun contre quelqu’un d’autre et chacun contre lui-mĂȘme. C’est un slogan de peur qui rend les gens solitaires et les entraine dans un monde en principe hostile. « Chacun pour soi » dit on. Cela dĂ©bouche sur un monde qui est rĂ©ellement sans cƓur et sans Ăąme  » (p 107-108). A ce stade, on peut s’interroger sur l’état du monde. Moltmann rappelle la pauvretĂ© qui affecte une part de la population des pays riches, mais aussi celle qui rĂšgne dans des pays du Tiers Monde. Ces pays ont eux-mĂȘmes souffert d’une oppression extĂ©rieure. « Ils ne souffrent pas Ă  cause d’une dĂ©ficience naturelle. Ils souffrent de l’injustice exercĂ©e par d’autres, de la rĂ©partition inĂ©gale des richesses, de prix injustes et d’une inĂ©galitĂ© des opportunitĂ©s de la vie » (p 108). La pauvretĂ© est insupportable lorsqu’elle est ressentie comme la rĂ©sultante d’une injustice.

 

En revenir Ă  la source divine

Si nous dĂ©sirons la vraie vie et Ă©chapper Ă  la mort universelle du monde, « si nous dĂ©sirons les vraies richesses de la vie et Ă©chapper Ă  la pauvretĂ© et au besoin, alors nous devons faire demi-tour et commencer au point oĂč la perte la plus sĂ©vĂšre de toute est celle de Dieu. Une absence de Dieu mĂšne Ă  un sentiment de confusion (Godlessness leads to the feeling of godforsakenness). La confusion mĂšne Ă  la peur de la mort et Ă  une convoitise dĂ©vorante. Et alors, il n’y en a « jamais assez ».

Mais si Dieu n’est pas loin, si Dieu est proche, si Dieu est prĂ©sent parmi nous, Ă  travers l’Esprit, alors nous trouvons une nouvelle et indescriptible joie en vivant. Nous sommes gardĂ©s en sĂ©curitĂ© (safe keeping), nous sommes chez nous (at home), on nous fait confiance et nous pouvons nous faire confiance ainsi qu’aux autres. Notre besoin le plus profond, le besoin de Dieu a Ă©tĂ© satisfait. Notre aspiration au bonheur a Ă©tĂ© comblĂ©e. Dieu est prĂ©sent, prĂ©sent dans son Esprit
 Dieu est vivant dans nos vies comme le Dieu vivant. Nos vies limitĂ©es, vulnĂ©rables et mortelles, sont pĂ©nĂ©trĂ©es et soutenues de part en part par la vie de Dieu qui est illimitĂ©e, glorieuse et Ă©ternelle. Avec toutes les perceptions de notre mental, les mouvements de notre Ăąme, les besoins et impulsions de notre corps, nous participons Ă  la vie Ă©ternelle. Dieu est prĂ©sent par son Esprit  « En Lui, nous avons la vie, le mouvement et l’ĂȘtre ». Les gens qui en font l’expĂ©rience et en prennent conscience, dĂ©couvrent combien ils deviennent calmes et relaxĂ©s, parce que ils ont cessĂ© d’avoir peur et sont envahis par une grande paix » (p 108-109).

 

Une vie en abondance

« Il est remarquable que lorsque dans le Nouveau Testament, les gens parlent de leur expĂ©rience de Dieu dans l’Esprit de vie qui nous fait vivre, ils deviennent radieux et emploient des superlatifs. Ils parlent de « l’abondance de l’Esprit », de la « grĂące dĂ©bordante », et de « richesses de vie » sans limites. Chacun a assez, plus qu’assez, et alors, il n’a pas besoin de davantage ou d’une autre maniĂšre. C’est une expĂ©rience de vie unanime dans l’Esprit divin crĂ©ateur qui donne la vie ».

Mais n’est-ce lĂ  qu’une belle histoire dans un moment passager ? Est-ce une rĂ©alitĂ© accessible, et accessible encore aujourd’hui ? Et si cette rĂ©alitĂ© change les comportements, dans quelle mesure, elle permet de comprendre ce qui changerait si cette rĂ©alitĂ© s’étendait ? JĂŒrgen Moltmann expose en trois points les diffĂ©rentes maniĂšres d’envisager les changements que l’influx de l’Esprit peut entrainer.

1° « Les apĂŽtres donnaient avec une grande puissance leur tĂ©moignage Ă  propos de la rĂ©surrection du Seigneur JĂ©sus et une grande grĂące Ă©tait avec eux tous ». VoilĂ  le commencement. C’est la rĂ©surrection du Christ crucifiĂ© qui ouvre la voie Ă  la plĂ©nitude de vie, une vie Ă©ternellement vivante. Le pouvoir de la mort a Ă©tĂ© retirĂ©. Les menaces de la mort ont dĂ©jĂ  cessĂ© d’ĂȘtre effectives. Être dans le besoin signifie ĂȘtre coupĂ© des plaisirs de la vie. Être dans le besoin signifie ne pas avoir assez Ă  manger et Ă  boire. Être dans le besoin signifie ĂȘtre malade et seul. En dernier ressort, ĂȘtre dans le besoin, c’est perdre la vie elle-mĂȘme. Le plus grand besoin de tous, la plus grande perte, c’est la mort. Tous les autres besoins et les autres souffrances que nous ressentons dans la vie sont connectĂ©s avec la mort. Ils ont tous quelque chose que la mort enlĂšve Ă  la vie. Parce que nous savons que nous devons mourir, nous ne trouvons jamais assez dans la vie. Mais parce que Christ est ressuscitĂ©, une espĂ©rance se lĂšve en faveur de la vie, une vie qu’aucune mort ne peut tuer, une vie oĂč on trouve qu’il y a toujours assez, plus qu’assez, pas seulement pour ceux qui sont vivant, mais aussi bien pour les morts » (p 105).

2° Mais il y a Ă©galement un autre facteur de cette libĂ©ration du besoin. « Maintenant, la communautĂ© de ceux qui croyaient, vivaient d’un seul cƓur et une seule Ăąme ». Un ensemble de gens, inconnus les uns des autres, forment une communautĂ© et ils partagent « un seul cƓur et une seule Ăąme ».Voici ce que l’Esprit de communion (Spirit of fellowship) signifie. L’Esprit de communion, l’Esprit qui engendre la fraternitĂ© est parmi nous. En Lui, les divisions entre les gens sont surmontĂ©es. L’oppression des uns par les autres est arrĂȘtĂ©e. L’humiliation des gens par d’autres cesse
 les maĂźtres et les serviteurs deviennent amis. Les privilĂšges et les discriminations disparaissent. Nous devenons « un seul cƓur et une seule Ăąme ». Ce qui arrive, ce dont on fait l’expĂ©rience, n’est rien moins que Dieu lui-mĂȘme. Quel Dieu ? Le Dieu qui fait l’entre-deux, le Dieu mĂ©diateur, « The go-between God », comme l’évĂȘque John Taylor l’a appelĂ©, le Dieu qui est communion et communautĂ©, le Saint Esprit. Nous sortons de la solitude pour entrer dans une vie commune. Notre peur les uns des autres devient ridicule parce qu’il y a assez pour chacun. Dieu lui-mĂȘme est lĂ  pour chacun  » (p 105).

3° Dans cette ambiance nouvelle, l’esprit de propriĂ©tĂ© disparait. « Personne ne disait que quoi qui lui appartenait Ă©tait Ă  lui, car ils avaient tout en commun ». C’est le troisiĂšme facteur et tout le reste dĂ©bouche lĂ -dessus. Dans l’Esprit de rĂ©surrection et l’expĂ©rience d’un Dieu communion, personne n’a besoin de s’accrocher Ă  ses biens plus longtemps
 Alors toutes les propriĂ©tĂ©s sont lĂ  pour ĂȘtre Ă  la disposition des gens qui en ont besoin. VoilĂ  pourquoi « ils avaient tout en commun ». Et c’est pourquoi « il n’y avait pas de personnes nĂ©cessiteuses parmi eux »  » (p 106).

 

Que pouvons-nous faire ? Réaliser des communautés.

Aujourd’hui, face Ă  la crise qui prĂ©vaut Ă  grande Ă©chelle : les tensions engendrĂ©es par les inĂ©galitĂ©s et la menace pressante suscitĂ©e par le rĂ©chauffement climatique suite Ă  l’emballement de la production et de la consommation, le remĂšde rĂ©side dans « la sobriĂ©tĂ© heureuse » selon l’expression de Pierre Rabhi et dans une rĂ©partition plus Ă©galitaire des revenus. Mais ce changement requiert une transformation conjuguĂ©e des politiques et des mentalitĂ©s. Ici, on peut se rappeler la devise de Gandhi : « Pour changer le monde, il faut commencer par nous changer nous-mĂȘme ». Cet appel est relayĂ© aujourd’hui Ă  travers le dĂ©veloppement d’exigences spirituelles, tout particuliĂšrement dans la militance Ă©cologique (3). JĂŒrgen Moltmann a montrĂ© que l’Ɠuvre de l’Esprit ne se limitait pas au champs de l’Église, mais s’exerçait dans le monde et dans toute l’humanitĂ© (4). Dans ce chapitre, il s’interroge : « Que devrions nous faire ? » : « Je suggĂšre que la meilleure chose que nous puissions faire, c’est de rĂ©aliser des communautĂ©s d’une dimension gĂ©rable et de renforcer le sens de la vie que nous partageons les uns avec les autres et les uns pour les autres. L’idĂ©ologie du « Il n’y a jamais assez pour chacun » rend les gens solitaires. Elle les isole et les ravit de leurs relations. L’opposĂ© de la pauvretĂ© n’est pas la propriĂ©tĂ©. L’opposĂ© Ă  la fois de la pauvretĂ© et de la propriĂ©tĂ©, c’est la communautĂ©. Car, dans la communautĂ©, nous devenons riches : riches en amis, riches en voisins, riches en collĂšgues, riches en camarades, riches en frĂšres et en sƓurs
 Dans une communautĂ©, il y a suffisamment de gens, suffisamment d’idĂ©es, suffisamment de capacitĂ©s et d’énergies pour faire face
 Alors dĂ©couvrons notre richesse, dĂ©couvrons notre solidaritĂ©, rĂ©alisons des communautĂ©s, prenons nos vies en main, et, Ă  la longue, Ă©chappons aux gens qui veulent nous dominer et nous exploiter ».

De fait, on s’aperçoit que ces communautĂ©s peuvent ĂȘtre trĂšs efficaces. « Tous les projets d’aide vraiment efficaces proviennent de communautĂ©s spontanĂ©es Ă  un niveau de base, et non d’en haut  ». Moltmann remarque que, si on peut considĂ©rer que l’Ɠuvre de ces communautĂ©s s’inscrit dans la royaume de Dieu, les Ă©glises n’en sont pas toujours conscientes. « Dans les grandes organisations bureaucratiques de la sociĂ©tĂ©, l’état et les partis, les Ă©glises et l’universitĂ©, il y a toujours du besoin. Mais dans la rencontre volontaire d’hommes et de femmes Ă  un niveau de base, une vraie richesse de vie est expĂ©rimentĂ©e » (p 110).

 

Chercher et proclamer la justice

Quand y a-t-il assez pour chacun ? « Quand la justice s’ajoute Ă  la plĂ©nitude de vie, aux puissances de vie et aux moyens de vivre, la justice s’assure que chacun reçoit ce dont chacun a besoin – pas moins, pas plus ». De plus, nous dit JĂŒrgen Moltmann, dans l’inspiration divine, nous avons soif de justice. « De diffĂ©rentes maniĂšres, l’Esprit de vie nous rend assoiffĂ©s, insatiablement assoiffĂ©s
 BĂ©nis ceux qui ont faim et soif de droiture (rigtneousness). Voici le domaine oĂč nous allons trouver nos tĂąches dans l’avenir : dans le mouvement pour la justice dans notre propre pays et dans la mise en Ɠuvre de la justice entre les pays pauvres et les pays riches du monde
 La faim de justice est un faim sacrĂ©e. La soif de droiture est une soif sacrĂ©e. C’est la faim et la soif du Saint Esprit lui-mĂȘme. Puisse l’Esprit nous en remplir entiĂšrement » (p 110).

 

Un texte pour notre temps

Ce chapitre d’un livre de JĂŒrgen Moltmann publiĂ© en 1997, a donc Ă©tĂ© Ă©crit il y a vingt-cinq ans. Or il nous paraĂźt correspondre aux problĂšmes de notre temps. Nous en percevons l’actualitĂ© Ă  plusieurs titres : quant Ă  l’analyse, quant au diagnostic, quant Ă  la recommandation. Et plus encore, ce texte nous montre la pertinence et la portĂ©e de l’approche Ă©vangĂ©lique.

La course Ă  la consommation entretenue par la publicitĂ© est accompagnĂ©e par une course Ă  la production qui Ă©puise et pille les ressources naturelles. Le consumĂ©risme accompagne le productivisme. Nous assistons Ă  une accĂ©lĂ©ration perturbatrice comme l’observe le sociologue, Harmut Rosa (5). C’est aussi la recherche du profit dans une sociĂ©tĂ© et dans un monde inĂ©galitaires. ParallĂšlement, il y a bien une recherche de pouvoir. La philosophe Corinne Pelluchon pointe des effets de domination dĂ©vastateurs (6). Ces phĂ©nomĂšnes sont incompatibles avec une entrĂ©e dans « l’ñge du vivant ». A cet Ă©gard, on sait combien JĂŒrgen Moltmann s’est engagĂ© trĂšs tĂŽt dans une thĂ©ologie Ă©cologique (7).

Nombreux sont aujourd’hui les analystes et les commentateurs qui perçoivent une crise spirituelle Ă  l’origine de la grande crise Ă©cologique. Ainsi appelle-t-on au changement personnel comme condition au changement de la sociĂ©tĂ© et du monde. Ici, JĂŒrgen Moltmann met l’accent sur la « perte de Dieu ». « L’absence de Dieu mĂšne Ă  un sentiment de confusion (Godlessness leads to the feeling of godforskenness). La confusion mĂšne Ă  la peur de la mort et Ă  une convoitise dĂ©vorante ». Moltmann pointe les effets de cette peur de la mort qui entraine l’anxiĂ©tĂ©, la fuite, une recherche de compensation provisoire dans les plaisirs, les honneurs, la recherche et l’exercice du pouvoir. Cette fuite est bien exprimĂ©e par Paul dans l’épitre aux Corinthiens (15.32) : « Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain, nous mourrons ». Si les attitudes ne paraissent pas toujours aussi tranchĂ©es, on peut estimer que la crainte est plus ou moins prĂ©sente dans l’inconscient.

La recommandation de Moltmann nous paraĂźt tout aussi actuelle parce qu’il sait percevoir les bienfaits d’une vie communautaire, tels que la premiĂšre Ă©glise en a fait l’expĂ©rience et tels qu’on peut les apprĂ©cier aujourd’hui ; JĂŒrgen Moltmann est conscient de l’agilitĂ© dont peuvent faire preuve des communautĂ©s Ă  dimension humaine et c’est pourquoi il les inscrit au premier rang de l’action sociale. Elles sont Ă©galement souvent porteuses de la dimension fraternelle Ă  laquelle tant de gens aspirent (8). Aujourd’hui encore, des associations jouent un rĂŽle essentiel dans la mise en Ɠuvre du changement social et de la prise de conscience Ă©cologique.

Si Moltmann expose les consĂ©quences malheureuses de la perte de Dieu, et notamment des incidences sociales nĂ©fastes, il a Ă©galement conscience du processus Ă  travers lequel cet Ă©loignement de Dieu est intervenu. Une perception mĂ©caniste de l’univers a jouĂ© un rĂŽle, mais Ă©galement, pour une part, la conception religieuse d’un Dieu perçu comme oppressif. Dans un livre ultĂ©rieur : « The living God and the fullness of life » (2016) (Le Dieu vivant et la plĂ©nitude de vie) (9), JĂŒrgen Moltmann dĂ©monte cette conception et esquisse le visage d’un Dieu, communion d’amour et puissance de vie. « Si une forme de christianisme a pu apparaĂźtre comme un renoncement au monde, Moltmann nous prĂ©sente au contraire un Dieu vivant qui suscite une plĂ©nitude de vie. « Avec Christ, le Dieu vivant est venu sur cette terre pour que les humains puissent avoir la vie et l’avoir en abondance » (Jean 10.10)
 Ce que je dĂ©sire, Ă©crit Moltmann, c’est de prĂ©senter une transcendance qui ne supprime, ni n’aliĂšne notre vie prĂ©sente, mais qui libĂšre et donne vie, une transcendance par rapport Ă  laquelle nous ne ressentions pas l’envie de lui tourner le dos, mais qui nous remplisse d’une joie de vivre (p X.XI). C’est cette mĂȘme image de Dieu que Moltmann Ă©voque dans son texte paru en 1997 : « Mais si Dieu n’est pas loin, si Dieu est proche, si Dieu est prĂ©sent parmi nous, Ă  travers l’Esprit, alors nous trouvons une nouvelle et indescriptible joie en vivant. Nous sommes gardĂ©s en sĂ©curitĂ© (safe keeping), nous sommes chez nous (at home), on nous fait confiance et nous pouvons nous faire confiance ainsi qu’aux autres. Notre besoin le plus profond, le besoin de Dieu a Ă©tĂ© satisfait. Notre aspiration au bonheur a Ă©tĂ© comblĂ©e. Dieu est prĂ©sent, prĂ©sent dans son Esprit
 Dieu est vivant dans nos vies comme le Dieu vivant. Nos vies limitĂ©es, vulnĂ©rables et mortelles, sont pĂ©nĂ©trĂ©es et soutenues de part en part par la vie de Dieu qui est illimitĂ©e, glorieuse et Ă©ternelle  » (p 108-109). Cependant, la prĂ©sence de Dieu n’a pas seulement un effet individuel. JĂŒrgen Moltmann rappelle que l’Esprit se manifeste Ă©galement dans une dimension collective : « La communautĂ© de ceux qui croyaient vivait d’un seul cƓur et une seule Ăąme ». L’Esprit de communion, l’Esprit qui engendre la fraternitĂ© est parmi nous. En Lui, les divisions entre les gens sont surmontĂ©es. L’oppression des uns par les autres est arrĂȘtĂ©e. L’humiliation des gens par d’autres cesse
 les maitres et les serviteurs deviennent amis. Les privilĂšges et les discriminations disparaissent
 Si cette description correspond Ă  une expĂ©rience passĂ©e, l’Ɠuvre de l’Esprit se poursuit aujourd’hui dans des formes nouvelles. JĂŒrgen Moltmann Ă©voque un Dieu qui fait l’entre-deux, un Dieu mĂ©diateur, un Dieu qui est communion et communautĂ©, le Saint Esprit. Nous sortons de la solitude pour entrer dans une vie commune.

Si l’Ɠuvre de l’Esprit atteint des sommets lorsque les conditions d’un climat de foi sont assurĂ©es, l’Esprit Ɠuvre en permanence dans l’humanitĂ© et dans le monde. A nous de le reconnaĂźtre. Lorsque JĂŒrgen Motmann Ă©voque l’expĂ©rience de la premiĂšre Ă©glise, il stimule notre imagination et il nous aide Ă  inventer des possibles. C’est en ce sens que nous pouvons lire le titre de ce texte : « Il y en a assez pour chacun ». Oui, Ă  certaines conditions, ce serait possible. C’est lĂ  une utopie crĂ©atrice. Certes, en terme familier, on peut dire : « demain, ce n’est pas la veille ». Et cependant, Ă  une autre Ă©chelle de temps, « Rien n’est impossible Ă  Dieu » (Luc 1.37).

J H

 

  1. The source of life. The Holy Spirit and the theology of life. Fortress Press, 1997
  2. There is enough for everyone. A meditation on « Original Christian Communism » p 103-110 ; dans : The source of life
  3. L’espĂ©rance en mouvement. Affronter la menace environnementale et climatique pour une nouvelle civilisation Ă©cologique ; https://vivreetesperer.com/lesperance-en-mouvement/
  4. Pour une vision holistique de l’Esprit : https://vivreetesperer.com/pour-une-vision-holistique-de-lesprit/
  5. Face à une accélération et une chosification de notre société : https://vivreetesperer.com/face-a-une-acceleration-et-a-une-chosification-de-la-societe/
  6. Des Lumiùres à l’ñge du vivant : https://vivreetesperer.com/des-lumieres-a-lage-du-vivant/
  7. JĂŒrgen Moltmann est l’auteur du livre : Dieu dans la crĂ©ation. TraitĂ© de thĂ©ologie Ă©cologique de la crĂ©ation, 1988. voir : Dieu dans la crĂ©ation : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/
  8. Pour des oasis de fraternité (selon Edgar Morin) : https://vivreetesperer.com/pour-des-oasis-de-fraternite/
  9. Le Dieu vivant et la plénitude de vie : https://vivreetesperer.com/le-dieu-vivant-et-la-plenitude-de-vie-2/

La rencontre entre le Président Obama et le Pape François.

Une vision politique. Des chemins qui convergent. Une Ɠuvre de l’Esprit.

https://youtu.be/5OUfV1T8UkI

 Dans ce monde oĂč les menaces abondent, y a-t-il des hommes en responsabilitĂ© inspirĂ©s par l’Esprit pour chercher et promouvoir les voies de la paix et de la justice ? La rĂ©ponse est positive, et, dans certains cas, elle apparaĂźt au grand jour, quelque soit la subjectivitĂ© de notre regard.

Les troubles qui affectent notre humanité sont liés, pour une part, au manque de sens. Mais légitimement, on attend authenticité et empathie de ceux qui peuvent répondre à cette question du sens.

Et voici que dans une institution oĂč on perçoit, pour le moins, des aspects archaĂŻques, un homme apparaĂźt qui Ă©chappe au formalisme et s’affirme comme un homme en relation, simple, attentif et bon. Alors ses paroles portent, d’autant qu’elles sont engagĂ©es pour la paix et la justice. C’est le pape François.

Dans un passĂ© rĂ©cent, on a vu les dĂ©gĂąts entraĂźnĂ©s par une politique dominatrice lorsqu’elle Ă©manait d’une grande puissance. C’est dire la responsabilitĂ© des peuples lorsqu’ils choisissent leurs dirigeants. Nous savons ce qu’il y a de meilleur dans la tradition politique amĂ©ricaine, mais nous voyons Ă©galement les menaces du pire qui existent dans ce pays, comme dans tout autre et qui sont d’autant plus Ă  considĂ©rer qu’il exerce une influence majeure dans le monde. C’est pourquoi, nous avons saluĂ© l’accĂšs de Barack Obama Ă  la prĂ©sidence des Etats-Unis (1). Et quelque soient ses limitations, nous voyons en lui, non seulement un homme intelligent, mais un homme de bonne  volontĂ© qui porte des valeurs morales et spirituelles (2).

Le pape François vient d’ĂȘtre accueilli par le prĂ©sident Obama Ă  Washington. Nous ne nous Ă©tendrons pas sur cette visite abondamment couverte par les mĂ©dias. Nous voulons simplement prĂ©senter ici quelques unes des paroles de Barack Obama Ă  l’intention du pape François lors de la rencontre publique qui a marquĂ© l’accueil de celui-ci Ă  la Maison Blanche. En effet, ces mots nous parlent Ă  la fois de celui qui les prononce et de celui qui les reçoit.  Et ils nous parlent Ă  nous aussi, et comme nous le ressentons, Ă  notre cƓur profond et Ă  notre intelligence.

Voici donc quelques extraits du message d’accueil du prĂ©sident Obama (3)

« Je crois, Saint PĂšre, que l’excitation suscitĂ©e par votre visite, doit ĂȘtre attribuĂ©e non seulement au rĂŽle que vous jouez comme pape, mais Ă  vos qualitĂ©s uniques en tant que personne. Dans votre humilitĂ©, votre simplicitĂ©, dans la gentillesse de vos paroles et la gĂ©nĂ©rositĂ© de votre esprit, nous voyons en vous un exemple vivant des enseignements de JĂ©sus, un leader dont l’autoritĂ© morale ne vient pas juste Ă  travers des paroles, mais aussi Ă  travers des actions.

Vous nous appelez tous, catholiques et non catholiques, Ă  mettre « le moindre de ces petits » au centre de nos prĂ©occupations. Vous nous rappelez qu’aux yeux de Dieu, notre valeur comme individu, et notre valeur comme sociĂ©tĂ©, ne sont pas dĂ©terminĂ©es par la richesse, le pouvoir, la position ou la cĂ©lĂ©britĂ©, mais par la maniĂšre dont nous rĂ©pondons Ă  l’appel de l’Ecriture d’élever les pauvres et les marginaux, de lutter pour la justice et contre les inĂ©galitĂ©s, et d’assurer Ă  chaque ĂȘtre humain la possibilitĂ© de vivre dans la dignitĂ©, parce que nous sommes tous faits Ă  l’image de Dieu.

Vous nous rappelez que le plus grand message du Seigneur est la misĂ©ricorde. Cela veut dire accueillir l’étranger avec empathie et un cƓur vraiment ouvert, depuis les rĂ©fugiĂ©s qui fuient un pays dĂ©chirĂ© par la guerre jusqu’aux immigrants qui quittent leur foyer en quĂȘte d’une vie meilleure. Cela veut dire montrer de la compassion et de l’amour pour les marginalisĂ©s et les rejetĂ©s, pour ceux qui ont souffert et pour ceux qui ont causĂ© de la souffrance et cherchent une rĂ©demption. Vous nous rappelez le coĂ»t des guerres, particuliĂšrement pour les gens faibles et sans dĂ©fense et vous nous pressez Ă  rechercher la paix

..

Vous nous rappelez que les gens ne sont vraiment libres que quand ils peuvent pratiquer leur foi. Ici, aux Etats-Unis, nous chĂ©rissons la libertĂ© religieuse. C’est le fondement de tant de choses qui nous rassemblent. Mais, dans le monde, en ce moment mĂȘme, des enfants de Dieu, y compris des chrĂ©tiens, sont ciblĂ©s et mĂȘme tuĂ©s en raison de leur foi
 Les fidĂšles sont emprisonnĂ©s et les Ă©glises dĂ©truites. Nous nous dressons avec vous pour dĂ©fendre la libertĂ© religieuse et promouvoir le dialogue interreligieux en affirmant que les gens doivent pouvoir vivre librement leur foi sans peur et sans intimidation.

Vous nous rappelez le devoir sacrĂ© de protĂ©ger notre planĂšte, ce  merveilleux don de Dieu. Nous soutenons votre appel Ă  tous les dirigeants du monde de venir en aide aux communautĂ©s les plus vulnĂ©rables au changement climatique et de nous rassembler pour protĂ©ger ce monde si prĂ©cieux Ă  l’intention des gĂ©nĂ©rations futures.

Par vos paroles et par vos actes, vous apportez en profondeur un exemple moral. Et dans vos rappels empreints de gentillesse, mais fermes de nos devoirs envers Dieu et envers nous-mĂȘmes, vous bousculez notre autosatisfaction. Chacun de nous, par moment, peut ressentir un malaise quand nous voyons la distance entre la maniĂšre dont nous menons nos vies quotidiennes et ce que nous savons ĂȘtre vrai et ĂȘtre juste. Mais je crois qu’un tel malaise est une bĂ©nĂ©diction, car cela nous amĂšne Ă  aller vers ce qui est meilleur. Vous nous secouez pour sortir notre conscience du sommeil. Vous nous appelez Ă  nous rĂ©jouir des bonnes nouvelles et vous nous donnez confiance pour que nous puissions avancer ensemble dans l’humilitĂ© et le service et Ɠuvrer pour un monde plus aimant, plus juste et plus libre. Qu’ici chez nous et dans le monde, puisse notre gĂ©nĂ©ration entendre votre appel et Ă  ne jamais rester sur la touche de cette marche animĂ©e par une espĂ©rance vivante.

Pour ce grand don de l’espĂ©rance, Saint PĂšre, nous vous remercions et nous vous accueillons aux Etats-Unis d’AmĂ©rique avec joie et gratitude ».

Le président Obama et le pape François : des parcours bien différents et pourtant une communion qui tient à une empathie et à une proximité fondées sur des valeurs communes.

Dans l’environnement amĂ©ricain, Barack Obama a pu exprimer en profondeur sa foi chrĂ©tienne telle qu’elle se manifeste dans l’exercice de sa fonction. Son allocution nous paraĂźt Ă©noncer en termes forts la maniĂšre dont une inspiration chrĂ©tienne peut Ă©clairer un homme politique dans le monde d’aujourd’hui tant dans la dĂ©finition des prioritĂ©s que dans la conduite de son action. Ce texte tĂ©moigne d’une conscience en Ă©veil et d’une grande qualitĂ© humaine. Et, dans cette rencontre, une correspondance s’établit ainsi avec le pape François, qui lui-mĂȘme par les qualitĂ©s qui lui sont, Ă  juste titre, attribuĂ©es, Ă©veille et encourage une telle expression  de foi.

Bien sĂ»r, pour l’un comme pour l’autre, cette orientation spirituelle n’exclut pas des limitations ou des erreurs, mais elle appelle le dĂ©sir de les reconnaĂźtre. Certes, dans ce monde, cet idĂ©al se heurte Ă  des oppositions, et pire Ă  la manifestation de la haine et de la violence. JĂ©sus lui-mĂȘme a Ă©tĂ© victime de ces forces obscures, mais, Ă  travers sa mort et sa rĂ©surrection, il a ouvert une dynamique d’espĂ©rance. A ceux qui s’enferment dans le cynisme, on peut objecter qu’il y a aussi chez les hommes une aspiration au bien et une capacitĂ© de le reconnaĂźtre : « Que votre lumiĂšre luise ainsi devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes Ɠuvres et qu’ils glorifient votre PĂšre qui est dans les cieux » ( Matthieu 5.15), nous dit JĂ©sus. Dans un monde fragile, cette rencontre de deux personnalitĂ©s influentes, chacune dans son ordre, nous paraĂźt tĂ©moigner de l’Ɠuvre de l’Esprit qui rassemble les hommes de bonne volontĂ© pour faire face aux menaces et promouvoir une humanitĂ© plus solidaire et plus libre.

 

J H

 

(1)            « Le phénomÚne Obama. Un signe des temps ? » http://www.temoins.com/societe/culture-et-societe/societe/jean-hassenforder-le-phenomene-obama-un-signe-des-temps/all-pages.html

(2)            Barack Obama sur ce blog : « Barack Obama : un homme de bonne volontĂ©. A la recherche d’une humanitĂ© plus solidaire » : https://vivreetesperer.com/?p=1000  « De Martin Luther King Ă  Obama. Un mouvement de libĂ©ration qui se poursuit et s’universalise » https://vivreetesperer.com/?p=2065  « Charleston : face aux fanatismes, un message qui s’adresse au monde entier » : https://vivreetesperer.com/?p=2117

(3)            Extraits du message d’accueil du PrĂ©sident Obama (traduction  personnelle ; consulter Ă©galement la traduction de Google) : « Remarks by President Obama and His Holiness Pope Francis at Arrival Ceremony » : https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2015/09/23/remarks-president-obama-and-his-holiness-pope-francis-arrival-ceremony                                               En vidĂ©o sur You Tube : « President Obama and Pope Francis Complete Remarks at White House » : https://www.youtube.com/watch?v=5OUfV1T8UkI

 

 

Sur ce blog, on pourra lire également :

« Une vision de la libertĂ©. Comment vivre ensemble entre ĂȘtres humains ? » : https://vivreetesperer.com/?p=1343

« Force et joie de vivre dans un engagement au service des autres » : https://vivreetesperer.com/?p=1335

 

On pourrait Ă©galement commenter cette intervention dans une rĂ©flexion sur le rapport entre le politique et le religieux. Ce rapport dĂ©pend du contexte historique et  prend donc une forme spĂ©cifique aux Etats-Unis. En France, la sĂ©paration entre l’Eglise et l’Etat, advenue en 1905 en rĂ©action contre l’emprise de l’Eglise catholique  s’est exprimĂ©e dans les termes de la laĂŻcitĂ©. Aujourd’hui, en regard des reliquats d’une tonalitĂ© antireligieuse  prĂ©sente dans certains cercles, une conception ouverte de la laĂŻcitĂ© rĂ©pondant Ă  l’évolution du socioreligieux et d’une sociĂ©tĂ© en recherche de sens est en train de se manifester. A cet Ă©gard, le discours de Bernard Cazeneuve, ministre de l’intĂ©rieur, le 4 octobre 2015, aux Etats gĂ©nĂ©raux du christianisme organisĂ©s par « La Vie » Ă  Strasbourg, nous paraĂźt tout Ă  fait remarquable et de grande importance. C’est l’affirmation d’une laĂŻcitĂ© ouverte, inclusive, fondĂ©e sur le respect. C’est une prise en compte par l’Etat de l’apport du spirituel. C’est la reconnaissance de la parentĂ© entre les valeurs rĂ©publicaines et les valeurs de l’Evangile. C’est une affirmation dĂ©terminĂ©e de la reconnaissance du fait religieux. Ce discours n’est pas seulement une rĂ©flexion sur le passĂ© et le prĂ©sent, c’est une orientation pour l’avenir et, par lĂ , il nous paraĂźt avoir une portĂ©e historique.

http://www.lavie.fr/actualite/documents/bernard-cazeneuve-les-valeurs-republicaines-sont-largement-celles-de-l-evangile-03-10-2015-66996_496.php

 

Le temps des consciences

Une rencontre entre Nicolas Hulot et Frédéric Lenoir

La crise actuelle multiforme et menaçante nous interpelle. Quelles en sont les origines et comment y faire face ? Ces questions sont partout posĂ©es . Parmi les rĂ©ponses, on peut retenir un livre rapportant une rencontre entre Nicolas Hulot et FrĂ©dĂ©ric Lenoir : « D’un monde Ă  l’autre. Le temps des consciences » (1).

Ces deux personnalitĂ©s ont un parcours original et leur rencontre est donc prometteuse. « Nicolas Hulot a passĂ© une partie de sa vie Ă  voyager dans les parties les plus reculĂ©es du monde au fil de son Ă©mission de tĂ©lĂ©vision : UshaĂŻa. EngagĂ© depuis trente ans dans la protection de l’environnement , il fut ministre de la transition Ă©cologique et solidaire de mai 2017 Ă  aoĂ»t 2018. Auteur de nombreux ouvrages, il a crĂ©Ă© la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme ». « FrĂ©dĂ©ric Lenoir est philosophe et sociologue, auteur de nombreux essais et romans traduits dans une vingtaine de langues. Il est notamment l’auteur des best sellers : « Du Bonheur », « Un voyage philosophique », « La puissance de la joie » ou « Le miracle Spinoza ». Il est cofondateur de la fondation Seve (Savoir Être et Vivre Ensemble) qui propose des ateliers de philosophie avec des enfants » (page de couverture). Le parcours de FrĂ©dĂ©ric Lenoir est diversifiĂ© Ă  la fois quant Ă  ses fonctions et quant Ă  ses intĂ©rĂȘts (2). En effet, si ses nombreux livres tĂ©moignent de son Ă©volution spirituelle (3), il est connu aussi pour avoir Ă©tĂ© directeur du Monde des religions. Nous avons ici prĂ©sentĂ© son remarquable livre : « La guĂ©rison du monde » paru en 2012. Dans ce livre, FrĂ©dĂ©ric Lenoir envisage la crise qui affecte nos sociĂ©tĂ©s et il en prĂ©sente les menaces et les opportunitĂ©s : « Un chemin de guĂ©rison pour l’humanitĂ©. La fin d’un monde. Le dĂ©but d’une renaissance » (4). On retrouve l’approche de FrĂ©dĂ©ric Lenoir dans ce livre : « Le temps des consciences » et on y trouve aussi l’authenticitĂ© et l’originalitĂ© de la dĂ©marche de Nicolas Hulot. De la crise du progrĂšs Ă  la recherche de sens, le livre se dĂ©roule en abordant de grandes questions de sociĂ©tĂ© comme « le rĂšgne de l’argent » ou « les limitations de la politique » ou un examen de nos attitudes : « Tout est question de dĂ©sir », « Du toujours plus au mieux-ĂȘtre ». Les auteurs nous font part de leur rĂ©flexion, mais aussi de leur expĂ©rience. Ainsi, dans le chapitre : « Les limites de la politiques», Nicolas Hulot nous fait part des dĂ©mĂȘlĂ©s qui l’ont affectĂ© dans son passage au gouvernement.

 

La crise du progrĂšs

« En s’interrogeant sur ce qui appartient au progrĂšs ou ce qui n’en est qu’une illusion, nous touchons d’emblĂ©e au cƓur de la rĂ©flexion que nous devons engager en ce dĂ©but de siĂšcle. Sous bien des aspects, le projet s’est vidĂ© de sens et est devenu une machine incontrĂŽlable » (p 13), nous dit Nicolas Hulot. Mais il rappelle aussi les avancĂ©es majeures que sont l’augmentation de l’espĂ©rance de vie, les acquis sociaux et les libertĂ©s individuelles. Il y a un siĂšcle, 80% de la population mondiale vivait dans l’extrĂȘme pauvretĂ© contre 10% aujourd’hui en 2020. Mais, on doit « redĂ©finir ce que nous estimons relever du progrĂšs afin de distinguer ce qui est une addition de performances technologiques de ce qui participe de notre raison d’ĂȘtre et Ă  l’amĂ©lioration durable de la condition humaine » (p 12).

FrĂ©dĂ©ric Lenoir met en Ă©vidence les origines de cette crise. DĂ©jĂ , dans son livre « La guĂ©rison du monde », il dĂ©plore le passage d’une conception « organique » du monde Ă  une approche mĂ©canique. C’est le philosophe RenĂ© Descartes qui induit ce passage : « Au XVIIĂš siĂšcle, le philosophe RenĂ© Descartes considĂšre que la nature  n’est que de la matiĂšre qu’on peut utiliser pour ses ressources. L’ĂȘtre humain devient, selon son mot cĂ©lĂšbre, « maitre et possesseur de toutes choses ». Cette pensĂ©e rĂ©ductionniste et utilitariste ouvre le champ de la science expĂ©rimentale, mais elle s’allie aussi au capitalisme naissant. La nature est totalement dĂ©senchantĂ©e. Elle abandonne ses dimensions sacrĂ©es pour devenir une chose
 L’ĂȘtre humain n’est plus reliĂ© au cosmos ce qui pose une question fondamentale : comment vivre en Ă©tant dĂ©racinĂ© du monde naturel ? » (p 25-26).

Nicolas Hulot dĂ©nonce aussi l’exploitation de la nature comme une marchandise. Comme le rappelle FrĂ©dĂ©ric Lenoir, la prise de conscience actuelle n’est pas sans prĂ©cĂ©dent. DĂ©jĂ  les romantiques, au tournant du XVIIĂš et du XIXĂš siĂšcle « offrent une vision du rĂ©el plus profonde que celle proposĂ©e par la vision cartĂ©sienne et reprise par l’idĂ©ologie capitaliste ». Pour eux, le monde « n’est pas fait de matiĂšre inerte, mais il est un organisme vivant. Ils invitent l’ĂȘtre humain Ă  s’épanouir non pas en regardant la matiĂšre dĂ©senchantĂ©e, mais en contemplant l’ñme du monde » (p 244-245), cette Ăąme que le philosophe Platon avait mis en valeur. FrĂ©dĂ©ric Lenoir fait aussi rĂ©fĂ©rence au mouvement transcendentaliste amĂ©ricain : Henry David Thoreau et Ralph Wado Emerson qui tentent de reconnecter l’ĂȘtre humain Ă  ses racines naturelles, et un siĂšcle plus tard Ă  la « Beat generation » (p 246-247).

Face aux dĂ©viances du monde actuel, Nicola Hulot partage avec nous la vision puissante et prĂ©monitoire de Victor Hugo : « La grande erreur de notre temps, cela a Ă©tĂ© de pencher, je dis mĂȘme de courber l’esprit des hommes vers la recherche du bien-ĂȘtre matĂ©riel. Il faut relever l’esprit de l’Homme vers le beau, le juste et le vrai, le dĂ©sintĂ©ressĂ© et le grand. C’est lĂ  et seulement lĂ  que vous trouverez la paix de l’Homme avec lui-mĂȘme et par consĂ©quent avec la sociĂ©té » (p 246).

 

Appel Ă  la recherche de sens

« Actuellement, face Ă  la crise actuelle, nous subissons comme des esclaves, alors que nous devrions prendre des dĂ©cisions et faire des choix. La rĂ©volution qui se prĂ©sente actuellement Ă  nous n’est pas technologique. Elle est celle de l’esprit. Et nous devons l’accueillir ensemble
 » (p 35) « L’homme doit faire fonctionner son esprit pour sortir du dĂ©sarroi tragique de ne plus ĂȘtre reliĂ© Ă  rien. » « Aujourd’hui, pense Nicolas Hulot, nous devons effectuer un nouveau saut, celui du sens » (p 37). FrĂ©dĂ©ric Lenoir Ă©voque de mĂȘme les besoins humains dĂ©crits dans la « pyramide d’Abraham Maslow » : « On peut cependant contester le fait que l’ĂȘtre humain passe Ă  une aspiration supĂ©rieure lorsqu’un besoin plus fondamental a Ă©tĂ© satisfait
 Ce n’est pas ce que l’expĂ©rience de la vie m’a montrĂ©. J’ai rencontrĂ© Ă  travers de nombreux voyages des gens qui avaient parfois de la peine Ă  survivre et dont la dimension spirituelle les aidait fortement Ă  vivre et Ă  ĂȘtre joyeux
 C’est la rĂ©action de notre esprit face aux Ă©vĂ©nements que nous ne pouvons pas maitriser qui fait de nous des ĂȘtres joyeux ou tristes. C’est aussi la rĂ©flexion intellectuelle et morale qui nous permet de grandir en humanitĂ© et de vivre en harmonie avec les autres humains et espĂšces sensibles. Alors, je te rejoins complĂštement : La grande aventure du siĂšcle doit  ĂȘtre celle de du sens » (p 36-37).

Le livre se termine donc par un chapitre : « donner du sens » avec  une citation de Friedrich Hegel en ouverture : « Ce qui s’agite dans l’ñme humaine, c’est la quĂȘte de sens ». Or, trop souvent, cette quĂȘte est mĂ©connue, nous dit Nicolas Hulot : « BoutĂ©e hors des dĂ©bats publics, cantonnĂ©e Ă  la sphĂšre privĂ©e, voire rĂ©duite au non-dit, la question du sens est la grande absente des mĂ©dias. C’est pourtant elle qui nous permettra de retrouver la puretĂ© de ce qui se dissimule derriĂšre le mot ‘progrĂšs’ trop souvent confondu avec une addition de puissance et une augmentation de l’efficacitĂ©. La dimension spirituelle a Ă©tĂ© engloutie par la sociĂ©tĂ© technologique, matĂ©rialiste et consumĂ©riste » (p 290).

Ce chapitre, riche et diversifiĂ©, nous apporte des pistes de rĂ©flexion. Ainsi FrĂ©dĂ©ric Lenoir nous appelle Ă  reconnaitre « la vibration spirituelle qui rassemble tous les humains ». « J’ai constatĂ© cela en rencontrant des gens trĂšs Ă©loignĂ©s de moi, notamment lors de voyages Ă  l’étranger. Il est possible de vibrer sur la mĂȘme « longueur d’onde » grĂące Ă  un simple sourire, un Ă©change de regard ou quelques gestes
 Comme l’ensemble du monde animĂ©, l’ĂȘtre humain a une intĂ©rioritĂ© qui donne du sens Ă  son corps, l’anime ou l’oriente de telle ou telle maniĂšre (p 292-293). « C’est un peu cela que j’appelle le sacrĂ©, cette vibration qui relie tous les individus entre eux et qui nous relie tous au monde », commente Nicolas Hulot. FrĂ©dĂ©ric Lenoir Ă©voque la dimension anthropologique du sacrĂ© (5), dĂ©veloppĂ©e notamment par Rodolf Otto et William James, dans un univers qui nous dĂ©passe, face auquel nous ressentons crainte, Ă©merveillement et qui nous bouleverse. C’est cette expĂ©rience profonde qu’on peut qualifier de sacrĂ©e ainsi que le lien mystĂ©rieux qui nous rassemble au-delĂ  de toutes nos diffĂ©rences. « L’expĂ©rience la plus profonde et la plus belle que peut faire l’homme est celle du mystĂšre », a dit Albert Einstein » (p 293). FrĂ©dĂ©ric Lenoir poursuit sa rĂ©flexion dans une rĂ©trospective historique. « Les grands courants de spiritualitĂ© et de sagesse du monde sont nĂ©s au sein ou en marge des religions en rĂ©action contre leur politisation, leur ritualisation et leur formalisme excessifs » (p 297).

Aujourd’hui, comment vivre ensemble harmonieusement ? « Puisque nous partageons une mĂȘme communautĂ© de destins, il s’agit de redĂ©finir des valeurs universelles communes. Ces valeurs nous permettent de dĂ©terminer ce qui est essentiel dans notre vie et ce qui ne l’est pas. Elles sont l’objectif ou l’horizon vers lequel l’ĂȘtre humain tend pour croitre de maniĂšre harmonieuse : solidaritĂ©, fraternitĂ©, libertĂ©, beautĂ©, respect, justice » (p 299). En rĂ©ponse, on dĂ©couvre un Nicolas Hulot particuliĂšrement sensible Ă  la beauté : « L’un de mes premiers guides a Ă©tĂ© la beautĂ©, car j’ai eu la chance d’en ĂȘtre le tĂ©moin privilĂ©giĂ© tout au long de ma vie. Source d’humilitĂ© sur le mystĂšre du monde, elle fait prendre conscience de la sacralitĂ© de la nature. Je suis intimement convaincu que c’est la beautĂ© qui relie tous les ĂȘtres humains. Elle est un langage universel
 La beautĂ© de la nature nous enseigne l’harmonie, l’équilibre, la juste mesure qui font dĂ©faut dans les comportements humains. Du monde fractal Ă  l’espace, il y a un ordre. La beautĂ© se loge partout jusqu’au fond des abysses
 La beautĂ© est ce qui nous guide peut-ĂȘtre jusqu’à ce que certains appellent Dieu et nous ramĂšne au premier matin du monde. Elle est une force d’émerveillement pour celui qui sait orienter son regard, ses sensations, ses champs Ă©motionnels et de conscience Je dois tout mon chemin Ă  cette rencontre avec la beautĂ© qui m’a menĂ© vers le respect, le juste, le vrai et le nĂ©cessaire (p 299). En communion avec FrĂ©dĂ©ric, cet Ă©loge de la beautĂ© se poursuit. « Il n’y a pas que la beautĂ© des paysages, mais aussi la beautĂ© des esprits, des gestes, des pensĂ©es, des regards, des corps, des mots. Elle se niche partout pour nous donner des joies durables
 La beautĂ© est universelle ». (p 303-304). On reconnaĂźt lĂ  une capacitĂ© d’émerveillement et tout sur ce quoi elle dĂ©bouche (6). Ces propos rejoignent ceux de Jean-Claude Guillebaud dans son livre : « Sauver la beautĂ© du monde » (7).

La conversation se poursuit Ă  propos d’autres valeurs fondamentales comme la solidaritĂ©, la fraternitĂ©, la libertĂ©. Les deux intervenants Ă©voquent les personnalitĂ©s qui les inspirent dans leurs parcours : Nelson Mandela pour Nicolas Hulot et le DalaĂŻ Lama pour FrĂ©dĂ©ric Lenoir, et en remontant dans le passĂ©, Victor Hugo pour N. Hulot et Baruch Spinoza pour F. Lenoir, et, en fin de chapitre, on en revient Ă  la recherche d’une vision collective : « Je me demande si ce n’est pas la catastrophe Ă©cologique doublĂ©e par des crises sanitaires, qui lui sont corrĂ©lĂ©es, qui pourrait susciter un idĂ©al collectif. Il s’agit de redĂ©couvrir des valeurs universelles qui permettent de vivre une meilleure harmonie ensemble et avec notre environnement : La beautĂ©, la justice, la solidaritĂ©, la libertĂ© tant politique qu’intĂ©rieure » (p 339-340). Et, comme l’écrit Nicolas Hulot, « Cette crise Ă©conomique et sanitaire a la vertu de nous rappeler que nous vivons en Ă©quilibre sur un fil de soie et que nous faisons partie d’un miracle
 N’oublions jamais que, dans le domaine du vivant, l’homme est une possibilitĂ© parmi des milliards d’autres qui a eu la chance de tomber sur la combinaison gagnante
 S’il fait partie d’un tout, l’homme ne peut se substituer au tout
 Nous devons ĂȘtre les jardiniers. Il faut les faire jaillir en chacun d’entre nous pour Ă©chapper au sable mouvant de la profusion des moyens, accĂ©der au bonheur, et dĂ©cider de la direction Ă  prendre ensemble
 Le sens doit ĂȘtre un opĂ©rateur de conscience permettant de faire le tri. » (p 341).

Face Ă  la crise actuelle, nous cherchons quelles en sont les origines et comment y faire face. Nous comprenons mieux aujourd’hui comment un changement de mentalitĂ© et des reprĂ©sentations correspondantes a entrainĂ© la crise actuelle. Ce livre nous aide Ă  mieux percevoir les consĂ©quences d’une affirmation de la toute puissance de l’homme : « L’homme, maitre et possesseur de toutes choses », selon Descartes. En regard, Ă  travers la recherche de FrĂ©dĂ©ric Lenoir et l’expĂ©rience de Nicolas Hulot, cet ouvrage nous appelle Ă  reconnaĂźtre que l’homme n’est pas dĂ©tachĂ© de la nature, qu’il s’inscrit dans une dimension spirituelle dans la rencontre avec le sacrĂ© et le mystĂšre du monde. Si nous sommes tous aujourd’hui Ă  la recherche de sens, est-ce seulement en raison d’une dĂ©viation matĂ©rialiste ? Est-ce que cela ne tient pas aussi aux manquements d’une religion occidentale trop centrĂ©e sur la destinĂ©e individuelle de l’homme ? A cet Ă©gard, la parution de l’encyclique : « Laudato Si » (8) apparaĂźt comme un tournant rĂ©volutionnaire. Et le dernier demi-siĂšcle a Ă©tĂ© marquĂ© par l’apparition d’une thĂ©ologie nouvelle, la thĂ©ologie de JĂŒrgen Moltmann, une thĂ©ologie de l’espĂ©rance dans la perspective d’une seconde crĂ©ation Ă  l’Ɠuvre en Christ ressuscitĂ© (9). Ainsi, pour comprendre et agir, nous pouvons accĂ©der aujourd’hui Ă  diffĂ©rentes ressources. Ce livre est significatif par la qualitĂ© et la complĂ©mentaritĂ© de ses auteurs.

 

J H

  1. Nicolas Hulot FrĂ©dĂ©ric Lenoir. D’un monde Ă  l’autre. Le temps des consciences. Propos recueillis par Julie Klotz. Fayard, 2020. Voir Ă  ce sujet sur France Culture : « Nicolas Hulot et FrĂ©dĂ©ric Lenoir, pour un monde en quĂȘte de sens » : https://www.franceculture.fr/emissions/de-cause-a-effets-le-magazine-de-lenvironnement/de-cause-a-effets-le-magazine-de-lenvironnement-du-mardi-08-septembre-2020
  2. Parcours de Frédéric Lenoir : https://www.fredericlenoir.com/bio-longue/
  3. Mieux comprendre l’évolution spirituelle de FrĂ©dĂ©ric Lenoir Ă  travers une vidĂ©o rapportant une interview conjointe de Carolina Costa, pasteure et FrĂ©dĂ©ric Lenoir, philosophe et sociologue
  4. https://www.rts.ch/play/tv/pardonnez-moi/video/carolina-costa–frederic-lenoir?urn=urn:rts:video:8266285
  5. « Un chemin de GuĂ©rison pour l’humanitĂ©. La fin d’un monde. L’aube d’une renaisssance » : https://vivreetesperer.com/un-chemin-de-guerison-pour-lhumanite-la-fin-dun-monde-laube-dune-renaissance/
  6. Voir : Hans Jonas. Les pouvoirs du sacré. Une alternative au récit du désenchantement. Seuil, 2020
  7. Autour du livre de Bertrand Vergely : Retour Ă  l’émerveillement : « Avant toutes choses, la vie est bonne » : https://vivreetesperer.com/avant-toute-chose-la-vie-est-bonne/
  8. « Sauver la beauté du monde » : https://vivreetesperer.com/sauver-la-beaute-du-monde/
  9. Autour de Laudato Si : « Convergences Ă©cologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/
  10. Un blog dĂ©diĂ© Ă  l’Ɠuvre de JĂŒrgen Moltmann : https://lire-moltmann.com Voir aussi : « Une vision d’espĂ©rance dans un monde en danger » : https://www.temoins.com/une-vision-desperance-dans-un-monde-en-danger/