par jean | DĂ©c 11, 2015 | ARTICLES , Vision et sens |
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Dans un monde où les menaces abondent, et, à notre échelle personnelle, une circulation de nouvelles qui nous rappellent la fragilité de notre existence terrestre, nous sommes aujourd’hui comme en d’autres temps bien plus sombres, confrontés à l’adversité. Et pourtant, ce n’est qu’une part de la réalité. Car nous sommes portés par un mouvement de vie et nous sommes à même de pouvoir ressentir constamment des expressions de générosité, de bonté et de beauté. Pour faire route dans cet univers contrasté, pour adopter un regard juste, pour porter de bons fruits, nous avons besoin d’éclairages qui suscitent en nous des dispositions positives. Anne Faisandier nous appelle ainsi à l’accompagner dans une méditation à partir d’un texte d’évangile (Luc 21. 25-33) qui, en décrivant des évènements catastrophiques, nous appellent à la vigilance. A vrai dire, ce texte peut donner lieu à bien des interprétations selon les pulsions et les humeurs. Ainsi, au long des années, on a entendu à propos de ce texte des propos nébuleux et, pire, des commentaires engendrant la peur et la culpabilité. Au contraire, à partir de ce texte, Anne Faisandier apporte un discernement, appelle à une vigilance positive et ouvre à l’espérance : « « Redressez-vous et relevez la tête ». Nous avons relevé les paroles de Anne Faisandier dans une vidéo (1) de la série « Pasteur du dimanche » (2) et nous en soulignons certains passages.
« L’apocalypse, cela nous fait toujours peur parce que cela met sous nos yeux la réalité terrifiante d’un monde en train de se déconstruire, un univers ébranlé et des catastrophes naturelles, et aussi la violence, l’homme contre l’homme et le règne de la mort. Si ce texte fait cela, ce n’est pas pour nous menacer de quelque chose qui pourrait nous arriver demain , C’est, je crois, au contraire pour prendre tout à fait au sérieux ce qui nous arrive aujourd’hui, parce que c’est notre réalité aujourd’hui que de devoir traverser ces angoisses, ces frayeurs, cette déconstruction du monde.
Mais le mot : apocalypse ne veut pas dire : catastrophe. Non, il veut dire : révélation . Et je crois que s’il nous met cette réalité là sous les yeux, c’est pour nous révéler trois choses .
La première, c’est qu’il ne faut pas être dans le déni . Parce que le déni de cette réalité difficile, compliquée, terrifiante est pire que de la regarder en face et de prendre en compte la réalité.
La deuxième chose, c’est que, si nous sommes dans le déni, alors il y a de fortes chances que nous soyons soumis à ces forces du mal qui sont à l’œuvre et qui déconstruisent le monde, ces forces qui sèment la terreur, qui profèrent la haine, qui prônent le repli sur soi, qui érigent l’injustice en loi, l’égoïsme en principe de base au risque de détruire l’univers qui est autour ce nous.
La troisième chose que fait ce texte, c’est qu’il nous indique une espérance  : « Redressez-vous et relevez la tête quand vous verrez cela arriver », nous dit le texte. Redressez-vous et relevez la tête, parce que c’est dans cette réalité-là , dans ce monde-là que vous verrez celui qui vient vers vous en Jésus-Christ . C’est là que Dieu a choisi d’établir son royaume pour vous, avec vous, pour le monde entier . Le monde de l’apocalypse est le même que celui où vient s’établir le royaume de Dieu.
Alors ce texte nous indique que nous avons devant nous un choix, le choix de voir la réalité en face ou de la refuser, le choix de nous engager ou de baisser la tête comme si de rien n’était. Et il nous dit clairement que le choix de la vie, c’est le choix du veilleur, de celui qui relève la tête, de celui qui s’engage et qui choisit la vie … ».
Dans un monde qui « souffre les douleurs de l’enfantement » (Romains 8.23), nous croyons qu’en Christ ressuscité, une nouvelle création est en route. Ce processus est déjà opérant. Et c’est donc bien dans la réalité actuelle que « Nous voyons Celui qui vient vers nous en Jésus-Christ » et que « Dieu a choisi d’établir son Royaume pour nous, avec nous et pour le monde entier ». Alors nous pouvons regarder en avant et nous appuyer sur des signes positifs comme nous y invite le théologien de l’espérance, Jürgen Moltmann (3) : « L’attente de l’avenir du Christ situe le présent dans la lumière de ce qui vient, et fait faire l’expérience de la vie corporelle dans la force de la résurrection. C’est ainsi qu’elle devient une vie « la tête haute » (Luc 21. 28) et « une marche debout » (Ernst Bloch)…. Vivre dans l’espérance, c’est vivre dans l’anticipation de ce qui vient, dans « une attente créatrice  »… C’est à une telle vie vécue dans l’anticipation qu’avait appelé l’Assemblée du conseil œcuménique des Eglises à Upsal en 1968 : « Assurés de la puissance de Dieu, nous vous adressons cet appel : prenez part à l’anticipation du royaume de Dieu et rendez visible dès maintenant quelque chose de la création nouvelle que le Christ accomplira lors de son jour » (4).
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Ainsi, dans ce monde où nous rencontrons menaces et souffrances, « Faisons le choix du veilleur, de celui qui relève la tête, de celui qui s’engage et qui choisit la vie ».
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(1)           Anne Faisandier. L’apocalypse aujourd’hui : vidéo sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=NBjo9KTXpB4
(2)           Site de « Pasteur du dimanche » : http://www.pasteurdudimanche.fr
(3)           Introduction à la pensée théologique de Jürgen Moltmann sur le blog : L’Esprit qui donne la vie : http://www.lespritquidonnelavie.com
(4)            P. 462-463, in : Jürgen Moltmann. Jésus. Le Messie de Dieu (Cerf, 1993)
Sur ce blog, voir aussi : « Face à la détresse du monde » : https://vivreetesperer.com/?p=1643
« Les malheurs de l’histoire. Mort et résurrection » : https://vivreetesperer.com/?p=744
« En eau profonde » : https://vivreetesperer.com/?p=409
« Une vie intérieure qui croit et que rien ne peut détruire » : https://vivreetesperer.com/?p=888
« L’avenir inachevé de Dieu. Pourquoi c’est important pour nous ! » https://vivreetesperer.com/?p=1884
« Confiance ! Le message est passé » https://vivreetesperer.com/?p=1246
par jean | Fév 27, 2017 | ARTICLES , Expérience de vie et relation , Société et culture en mouvement |
         Nos sociétés sont traversées par des poussées de violence. Il y a là des phénomènes complexes qui peuvent être analysés en termes sociaux, économiques, culturels, politiques, mais également dans une dimension psychosociale, un regard sur les comportements. En dehors même de ces épisodes, dans la vie ordinaire, nous pouvons percevoir et éprouver des manifestations d’agressivité. A une autre échelle, au cours de l’histoire, nous savons combien la guerre a été un fléau dévastateur (1). Ainsi, affirmer la paix aujourd’hui, c’est garder la mémoire du malheur passé pour empêcher son retour, mais c’est aussi effectuer un pas de plus : réduire les sources de violence, pacifier les comportements.
Psychothérapeute, engagé depuis des années dans une campagne pour le développement de la personne, auteur de plusieurs livres, animateur d’un site (2), Thomas d’Ansembourg milite pour répandre des pratiques de paix. Dans cette interview en vidéo à la Radio Télévision Belge Francophone (3), il explique pourquoi il vient d’écrire un nouveau livre en ce sens : « La paix, ça s’apprend. Guérir de la violence et du terrorisme  » (4). « Nous avons réagi, David (le co-auteur) et moi à l’attentat du Bataclan, vite relayé par l’attentat de Bruxelles. Nous avons réalisé qu’on ne peut se contenter de mesures de sécurité (renforcement de frontières et traitement de symptômes). Il nous est apparu que le terrorisme est un épiphénomène d’un malaise extrêmement profond de la société et qu’il était intéressant de voir ce qui génère un tel malaise. Dans nos pratiques, lui comme historien et moi comme accompagnant de personnes, nous avons réalisé que la paix, c’est une discipline. Cela ne tombe pas du ciel. C’est une rigueur, c’est un exercice . Cela demande un engagement, de la détermination et du temps, et, petit à petit, on atteint des états de paix qui deviennent de plus en plus contagieux. Et cela devrait s’apprendre, depuis la maternelle, dans toutes les écoles. Tel est le propos de ce livre. C’est de faire savoir. Mettons en place des processus pour pouvoir éduquer des populations à se pacifier ».
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Pour une pacification intĂ©rieure Â
« Depuis près de vingt-cinq ans que j’accompagne des personnes dans la quête de sens et la pacification intérieure, j’ai acquis cette confiance que la violence n’est pas l’expression de notre nature. C’est parce que notre nature est violentée que nous pouvons être violents . Quand mon espace n’est pas respecté, je puis être agressif. Quand mon besoin d’être compris et écouté, n’est pas nourri et respecté, je puis être agressif. Et il en va de même lorsque des besoins importants ne sont pas respectés. D’où l’importance d’apprendre à respecter notre nature et donc de la connaître ». Ainsi « apprendre la connaissance de soi dès l’école maternelle nous paraît absolument essentiel aujourd’hui. Jusqu’ici, cela me semblait un enjeu de santé publique, mais aujourd’hui cela me paraît aussi un enjeu de sécurité publique. Tout citoyen qui va à l’école a besoin d’apprendre qui il est, qu’est-ce qui le met en joie… mais aussi qu’est-ce qui le chagrine, qu’est-ce qui le met en colère. Il est bon de comprendre ce qui vous met en rage avant de faire exploser sa rage à la tête des autres. On a largement dépassé la notion de développement personnel. Il y a là un enjeu de santé publique. La plupart de nos gouvernants ne savent pas tout cela, ne connaissent même pas les outils correspondants et la plupart des médias dédaignent cette approche en la considérant comme du « bisounours » alors que ces outils sont des clés pour le vivre ensemble ».
Des outils pour le vivre ensemble
La paix peut s’apprendre à travers des outils. Thomas d’Ansembourg n’a pas souhaité réaliser un inventaire de tous les outils. Dans ce livre, il nous en présente trois qui sont particulièrement efficaces.
« La Pleine conscience » est une approche de méditation qui se dégage des rituels religieux traditionnels et qui peut être vécue d’une façon laïque et d’une manière spirituelle si on le souhaite. Elle permet de trouver un espace de fécondité, de créativité, d’alignement qui est très bénéfique pour le vivre ensemble ».
Thomas d’Ansembourg nous parle également de la communication non violente , une approche « qu’il enseigne depuis des années et qui est proposée dans de nombreux milieux depuis des classes maternelles jusqu’à des prisons en passant par des cockpits d’avion… C’est une approche pratico-pratique pour mieux vivre les relations humaines, dépasser les conflits, les querelles d’égo ».
Il y a une troisième pratique, celle de la bienveillance .
« Il y a plusieurs aspects de la bienveillance : accueillir l’autre tel qu’il est et non tel que je voudrais qu’il soit, être ouvert à son attitude et à sa différence, être disponible à une remise en question par son attitude. Cela demande de l’humilité, peut-être du courage. Et puis, il y a cette attitude positive de prendre soin, bien veiller sur l’autre, l’encourager dans son développement qui n’est pas forcément celui que j’aurais aimé avoir pour lui. Je pense par exemple à notre attitude avec les enfants, ne pas projeter sur eux nos attentes. Cela demande du travail sur soi. Ce n’est pas ingénu. Cela requiert une hygiène de conscience pour remettre en question nos projections, nos attentes, nos préjugés, des idées toutes faites, pour ouvrir notre cœur.
Le monde se transforme à vive allure. « Nous assistons à un métissage incroyable de la planète, de grands exodes en fonction du réchauffement climatique. C’est plus urgent d’apprendre à vivre ensemble, et pour cela, d’avoir des clés de connaissances de soi pour avoir une bonne estime de soi et une capacité d’accueillir la différence, des clés d’ouverture à l’autre et la cohabitation. Cela ne tombe pas du ciel. On voit bien qu’il y a des tentatives de repli et de méfiance. Ce n’est pas comme cela que nous allons grandir ensemble. Nous avons besoin d’approches pour vivre ensemble. On n’en trouve pas encore dans nos pratiques scolaires, ni même dans nos pratiques religieuses. Il y a de belles idées , mais cela appelle une pratique. Comment est-ce qu’on vit quand on est plein de rage et de colère ? On a besoin d’apprendre à vivre la rage et la colère pour la transformer. Grâce à la communication non violente, j’ai appris à faire des colères non violentes, à exprimer ma colère sans agressivité. Ce sont des apprentissages que l’on peut faire ».
Promouvoir la paix
Thomas d’Ansembourg porte une dynamique et il l’envisage sur différents registres. Ainsi peut-il souhaiter la création d’un ministère de la paix avec un budget, des formations, de la recherche scientifique en neurosciences, en relations humaines.
Et au plan de la transformation des relations quotidiennes, il a conscience de la puissance des outils existants. « Je sais que ces outils transforment la vie des gens. Je rencontre des personnes dont la vie a pivoté parce qu’ils ont appris à savoir qui ils sont, qu’est ce qui fait sens pour eux … ». Ainsi, « il y a des processus, il y a des clés efficaces. J’aimerais qu’ils soient fournis au grand public. Nous assistons à tellement de détresses dans notre société : solitudes, addictions, divorces douloureux, dépendances… Des outils magnifiques existent. Ne pas les faire connaître est une sorte de non assistance à personne en danger ».
Au milieu des drames de l’histoire, l’inspiration de la non violence apparaît comme un fil ténu, mais solide avec des moments de lumière qui sont entrés dans notre mémoire collective depuis les premières communautés chrétiennes jusqu’à  Gandhi et Martin Luther King.
Aujourd’hui, le mouvement pour la paix peut s’appuyer sur de nouvelles méthodes où s’allient une orientation d’esprit et des approches nourries par la psychologie, une conscience renouvelée du corps et les neurosciences. Ainsi, face aux routines traditionnelles, une motivation nouvelle peut apparaître en s’appuyant sur l’efficacité démultipliée de nouvelles méthodes. Dans ce livre et dans cette interview, Thomas d’Ansembourg nous apporte une bonne nouvelle : la paix, ça s’apprend ! La paix, c’est possible ! Une voie est ouverte. A nous de nous mobiliser…
J H
(1)           « Une philosophie de l’histoire, par Michel Serres » : https://vivreetesperer.com/?p=2479
(2)           Site de Thomas d’Ansembourg : http://www.thomasdansembourg.com
(3)           « La paix, ça s’apprend ! Il était une foi 01.02.2017 RTBF » https://www.youtube.com/watch?v=hP-_atpsfT0
(4)           David Van Reybroucq. Thomas D’Ansembourg. La paix, ça s’apprend. Guérir de la violence et du terrorisme. Actes sud, 2016
Sur ce blog, voir aussi :
Eclairages de Thomas d’Ansembourg :
« Face à la violence, apprendre la paix » : https://vivreetesperer.com/?p=2332
« Un citoyen pacifié devient un citoyen pacifiant » : https://vivreetesperer.com/?p=2156
« Femmes et hommes. Monde nouveau. Alliance nouvelle » : https://vivreetesperer.com/?p=1791
« Vivant dans un monde vivant » :                https://vivreetesperer.com/?p=1371
La bienveillance selon Lytta Basset
« Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand (Oser la bienveillance) » : https://vivreetesperer.com/?p=1842
Martin Luther King
« La vision mobilisatrice de Martin Luther King. « I have a dream »  : https://vivreetesperer.com/?p=1493
par jean | Jan 1, 2014 | ARTICLES , Expérience de vie et relation , Vision et sens |
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        Se sentir aimé, c’est une des conditions du bonheur.
Dans un article sur « psychologies.com » (1) : « Etre aimé pour être heureux  », Hélène Fresnel énonce ce que nous savons déjà dans notre expérience intime : « Etre aimé, c’est une nécessité, un fondement de notre identité … Parce que nous sommes incapables de nous aimer, l’amour de l’autre justifie notre existence »… « Le fait d’être aimé entretient un sentiment de continuité dans l’existence … Nous sommes menacés de nous désintégrer face aux difficultés et à la dureté du monde. L’amour de l’autre nous permet de ne pas nous dissocier, de ne pas nous défaire…C’est un besoin existentiel qui évolue et perdure parce qu’il justifie plus que n’importe quoi d’autre la nécessité de notre existence . Nous n’avons plus à nous interroger : « Pourquoi suis-je là  ? ». Et de citer le philosophe Maurice Merleau-Ponty : « C’est l’autre qui me donne mon visage. L’autre nous a reconnus pour ce que nous sommes… ». Mais, en même temps, on le sait, en fonction d’un passé douloureux, des obstacles comme la crainte et la peur de l’abandon, peuvent faire obstacle.
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        A travers la parole de Jésu s, Dieu s’adresse à nous. Jésus vit en relation à Dieu comme celle d’un fils à un père aimé, un papa (« abba »), et il peut donc nous parler de Dieu comme Celui qui est constamment présent, en qui on peut avoir une totale confiance (Luc 6. 25-34), un Dieu qui nous aime et vient à notre rencontre . Et d’ailleurs, Jésus lui-même incarne cet amour divin et nous appelle à aimer les autres, répondant ainsi au grand besoin d’être aimé qui est inscrit au cœur de l’homme.
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        Cette expression de l’amour de Dieu peut rencontrer des obstacles tant dans notre psychisme que dans une représentation de Dieu (2), qui s’est écartée de l’Evangile et fait barrage à travers un inconscient collectif. Ainsi, pour lever ces obstacles, nous avons parfois besoin d’être aidé à percevoir les empêchements qui s’interposent.
Dans son blog : « Au bonheur de Dieu » (3), Michèle Jeunet, Sœur Michèle au Centre spirituel Notre-Dame du Cénacle à Versailles, sait apporter les éclairages et poser les bonnes questions qui permettent de dissoudre les obstacles et d’ouvrir notre compréhension. Ainsi dans ce texte à propos de l’Evangile de Luc (15.1-9) : « La conversion, est un changement de regard » (4), elle nous aide à recevoir personnellement le message de Jésus.
« L’Evangile est porteur de bonnes nouvelles pour notre vie ». Ce n’est pas rien d’entendre et de ressentir que nous sommes vraiment aimé par Dieu. « Je suis sa brebis préférée, sa pièce précieuse, son enfant bien aimé et il n’a de cesse de me chercher, de me trouver, de me retrouver ».
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J H
La conversion est un changement de regard.
Dans l’Evangile selon Luc au Chapitre 15, verset 1 à 9
1 Cependant tous les publicains et les pécheurs s’approchaient de lui pour l’entendre.
2 Et les pharisiens et les scribes de murmurer : « Cet homme, disaient-ils, fait bon accueil aux pécheurs et mangent avec eux.
3 Il leur dit alors cette parabole :
4 « Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis, et vient à en perdre une, n’abandonne les 99 autres dans le désert pour s’en aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ?
5 Et quand il l’a retrouvée, il la met, tout joyeux sur ses épaules
6 et, de retour chez lui, il assemble amis et voisins et leur dit : Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui était perdue !
7 C’est ainsi, je vous le dis, qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour 99 justes ; qui n’ont pas besoin de repentir.
8 « Ou bien, quelle est la femme qui, si elle a dix drachmes et vient à en perdre une, n’allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin, jusqu’à ce qu’elle l’ait retrouvée,
9 Et , quand elle l’a retrouvée, elle assemble amis et voisins et leur dit : Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, la drachme que j’avais perdue !
Quelle joie de pouvoir être auditeurs de l’Evangile comme nous le sommes !
Quelle joie de pouvoir nous glisser dans ce groupe de publicains et de pécheurs et comme eux s’approcher et écouter une parole où Jésus nous dit la valeur du prix que nous avons aux yeux de Dieu.
Et oui, ces deux paraboles, comme la troisième bien connue, dite du « fils retrouvé », nous disent d’abord le prix que nous avons aux yeux de Dieu.
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Elles nous comparent à une brebis, une pièce d’argent et un enfant.
Ces comparaisons disent toutes les trois, à leur manière, une richesse et ue valeur qui ne doivent pas se perdre et qui demandent de tout mettre en œuvre pour être retrouvées.
Et, à chaque fois, cette valeur ou richesse est unique, car pour Dieu, chacun, chacune de nous est sa brebis préférée, sa pièce précieuse, son enfant bien aimé !
Qu’il est meilleur le regard de Dieu sur nous si nous le comparons à celui que nous avons sur nous même !
C’est pourquoi l’Evangile est une bonne nouvelle. C’est pourquoi l’appel à la conversion est un appel à changer notre regard. En fait, c’est faire un échange : renoncer au nôtre et accueillir celui de Dieu. Je suis sa brebis préférée, sa pièce précieuse, son enfant bien aimé et il n’a de cesse de me chercher, de me trouver, de me retrouver.
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L’autre lieu de conversion est donc aussi un appel à transformer nos images de Dieu . Sont-elles en coïncidence avec ce qui nous est révélé ici de Dieu ?
Dieu comme un berger qui court Ă ma recherche, qui me met sur ses Ă©paules.
Dieu comme une femme qui allume une lampe pour me chercher sans se lasser.
Dieu comme un père qui fait la fête à l’enfant retrouvé que je suis.
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Oui, c’est bien de bonnes nouvelles pour notre vie dont l’Evangile est porteur. Laissons-nous libérer par elles. Ce sont elles qui peuvent dilater notre cœur et transformer quelque chose en nos vies.
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Michèle Jeunet . Sœur Michèle, Centre spirituel Notre-Dame du Cénacle.
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(1)           Sur le site : « psychologies.com » : Hélène Fresnel. Etre aimé pour être heureux http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Bonheur/Articles-et-Dossiers/De-quoi-avons-nous-besoin-pour-etre-heureux/Etre-aime-pour-etre-heureux
(2)           Sur ce blog : « Quelle est notre image de Dieu ? ». Réflexion de Michèle Jeunet à propos d’une intervention de Thierry Bizot, éditeur du livre : « Catholiques anonymes » d’où a été tiré le film »Qui a envie d’être aimé ? » https://vivreetesperer.com/?p=1509
(3)           aubonheurdedieu-soeurmichele : http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/
(4)           Le texte : « La conversion est un changement de regard » est emprunté au blog de Sœur Michèle : http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/article-la-conversion-est-un-changement-de-regard-100069508.html
On pourra lire aussi sur ce blog :
« Geste d’amour » (Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie) https://vivreetesperer.com/?p=1204
« Lorsque Dieu nous parle de bonheur » (Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie) https://vivreetesperer.com/?p=205
« La beauté de l’écoute » https://vivreetesperer.com/?p=1219
« Dieu suscite la communion » https://vivreetesperer.com/?p=564
par jean | Sep 5, 2019 | ARTICLES , Emergence écologique , Expérience de vie et relation , Vision et sens |
Selon Christine Kristof-Lardet
Manifestement, la transition écologique implique une transformation profonde dans notre genre de vie et, en conséquence, dans nos mentalités. Ce changement, intervenant dans des habitudes séculaires, ne va pas de soi. Il peut entrainer un ressenti de perte et un bouleversement des repères. Le coût est élevé. Face à ce coût, nous avons besoin d’une force motrice qui induise une nouvelle manière de voir, mais aussi de sentir, si bien que les comportements émergents puissent être assortis de satisfactions nouvelles. Par exemple, la « sobriété heureuse » ne peut l’être que si l’on y trouve des satisfactions morales, psychologiques et matérielles permettant de quitter la posture de consommateur traditionnel. La transition écologique implique des transformations sociales et économiques. Elle requiert en conséquence une vision éclairant ces transformations.
Aujourd’hui, à partir même des changements en cours, nous commençons à comprendre que tout se tient et à voir le vivant et le monde dans leurs interrelations, dans une approche globale, dans une perspective holistique. L’ampleur du changement requis requiert un dépassement. On rencontre ici une approche spirituelle si tant est qu’on puisse la définir, avec David Hay (1), comme « une conscience relationnelle » dans une relation avec les autres et avec soi-même, avec la nature, avec la présence divine… Et, de plus, en se référant à un chercheur anglais, Alister Hardy, le même David Hay perçoit le potentiel spirituel de l’homme comme une faculté qui s’inscrit dans l’évolution des êtres vivants. Si, la transition écologique nous achemine vers une civilisation nouvelle, ce processus requiert une vision spirituelle qui puisse éclairer les acteurs. Cette vision est déjà en cours. Elle est exprimée par des théologiens et par des sages (2). Elle inspire des pratiques nouvelles. On assiste à des émergences et à des convergences. Nous avons besoin de reconnaître ce mouvement et d’en percevoir toutes les dimensions. Comment mobilise-t-il déjà de nombreuses ressources en terme d’initiatives et de communautés ?        A ce stade, le récent livre de Christine Kristof-Lardet : « Sur la Terre comme au Ciel » (3), est une contribution particulièrement importante puisqu’elle nous fait connaître « les lieux spirituels engagés en écologie ». « Nombre de communautés spirituelles intègrent aujourd’hui la dimension écologique dans leur mode de vie et leurs structures, puisant à la source de leur sagesse les raisons de leur engagement pour la terre et le vivant. En même temps, elles sont des laboratoires où s’inventent et s’expriment des « possibles » qui peuvent nourrir notre société en quête de sens, de valeurs et de repères. Cette ouverture favorise l’émergence d’une approche spirituelle de l’écologie au sein de laquelle les postures du « méditant » et du « militant » se fécondent mutuellement » (page de couverture).
Approche spirituelle de l’écologie
Christinde Kristof-Lardet nous présente ainsi « une approche spirituelle de l’écologie ». C’est la poursuite d’un cheminement que Christine accomplit depuis une vingtaine d’années. « Ecojournaliste, écrivain, voyageur, militante écologiste à les heures, j’ai vu, pleuré et défendu la beauté de la Terre. Je me suis parfois posée dans des monastères retirés du monde et me suis laissé questionner. Comment, devant tant de splendeur, ne pas avoir le cœur chaviré ? Comment trouver la paix intérieure au sein du chaos que mes reportages me donnaient à voir ? Comment concilier ma quête écologique et ma quête spirituelle ? c’est lors d’une grande rencontre organisée au centre bouddhiste Karma Ling en Savoie que la jonction s’est opérée et que j’ai compris qu’écologie et spiritualité n’étaient en fait qu’une seule et même réalité. Cette prise de conscience a signé le début de mon exploration » (p 9). Dans une inspiration chrétienne et dans une dimension interreligieuse, Christine Kristof Lardet a donc suivi cette voie, la voie d’une convergence entre écologie et spiritualité. Journaliste, spécialiste des questions écologiques, elle est aujourd’hui rédactrice en chef de la revue Présence (4). Dans la continuité d’un travail jadis engagé par le WWF en direction des spiritualités, elle a poursuivi cette tâche en créant avec d’autres personnes de diverses traditions, un « Réseau des écosites sacrés ». « La vocation de ce réseau est de mettre en lumière les initiations écologiques inspirantes au sein des centres spirituels et de favoriser le dialogue entre ces lieux ».
Il s’agit bien de mettre en Ă©vidence la montĂ©e d’une approche spirituelle de l’écologie. « S’interroger sur les causes profondes de la destruction de la nature et de la crise Ă©cologique conduit Ă comprendre que celles-ci s’enracinent en grande partie dans notre cĹ“ur, notre culture et notre façon de « penser le monde ». C’est donc lĂ , dans notre esprit et notre cĹ“ur que nous devons aussi chercher les solutions. La perspective de l’effondrement ne relèvent pas de la crise Ă rĂ©soudre ; elle nous appelle Ă une transformation intĂ©rieure qui seule permettra une vĂ©ritable mutation de notre sociĂ©té… Il nous faut accomplir « un saut quantique » de la conscience. Pour cela, il convient de sortir de la sĂ©paration – perçue ou vĂ©cue comme telle – entre le monde de l’écologie et celui de la spiritualitĂ©. DĂ©velopper une approche spirituelle de l’écologie, au sein de laquelle la posture du « mĂ©ditant » vient nourrir celle du « militant » – et inversement – ouvre des perspectives de rĂ©conciliation et d’espĂ©rance » (p 11).
Un réseau d’écosites sacrés
Nous découvrons à travers ce livre de nombreuses communautés qui s’inscrivent dans des cheminements religieux différents, du christianisme, aux religions orientales et aussi à des spiritualités émergentes et qui, chacune, s’ouvrent à la conscience écologique. On pourrait dire que, d’une certaine manière, leurs pratiques spirituelles les prédisposent à un éveil écologique, mais que c’est justement cet éveil qui engendre une dynamique commune. « L’écologie se pose de façon transversale au cœur des traditions spirituelles et inspire chacun de nous, « habitants de la maison commune », croyants et non croyants confondus : « Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous », écrit le pape François dans l’encyclique « Laudato si’  » consacrée à l’écologie. Découvrir quelles sont les visions et les ressources cultivées au sein des centres spirituels, les mettre en lumière et montrer leur pertinence est un des buts de cet ouvrage » (p 11-12). Quelque soient les manques et les dysfonctionnements éventuels, ces communautés participent à une évolution générale. Elles innovent. « Toutes ces communautés, aussi imparfaites soient-elles, peuvent être également vues comme des laboratoires ou s’expérimente en miniature et de manière concentrée tout ce que notre humanité traverse à une plus grande échelle. Ce qui se joue dans notre société, notamment la transition écologique, se joue également en microcosme au sein des centres spirituels . Dans ce sens, il n’est peut-être pas vain d’imaginer que tous les trésors d’amour, de courage et de perspicacité mis en œuvre par ces communautés puissent être profitables au plus grand nombre » (p 12-13).
Ainsi, l’auteure nous introduit ici dans la vie d’une trentaine de communautés à travers « des reportages, réalisés en plusieurs années et actualisés en permanence, pensés dans une perspective de découverte et de partage et témoignages vécus »… Notre posture de base s’inscrit dans une neutralité bienveillante et lucide ». Le lecteur que nous sommes, trouve que cet objectif a été bien rempli. Chaque communauté est l’objet d’une monographie qui nous permet de la situer dans son histoire et d’en découvrir la vie quotidienne dans ses différents aspects. En 200 pages, il y a là un ensemble d’études de cas particulièrement éclairantes.
Nous voici en voyage : Des communautés chrétiennes anciennes ou nouvelles, des communautés de tradition orientale, des « communautés spirituelles intentionnelles  »…
Quelques exemples en empruntant un tout petit bout de descriptif :
Le Centre Amma de PontgoinÂ
« Le Centre Amma de Pontgoin, teinté d’Orient et d’Occident, est tout d’abord un lieu pour vivre les enseignements d’Amma… la sainte indienne qui serre les foules dans ses bras. Il s’inscrit dans la lignée des ashrams indiens par sa philosophie, les rituels et la discipline qui y est pratiquée. En même temps, cet ashram est un écosite qui expérimente et promeut un vivre-ensemble écologique en harmonie avec la nature… Au Centre Amma où l’on s’exerce aussi bien à la méditation, qu’à la permaculture, à la gouvernance partagée ou à l’art du compostage, la pratique spirituelle et l’engagement écologique se nourrissent mutuellement » ( p 21).
L’Arche de Saint-Antoine
« Dans cette ancienne abbaye, lovée au pied du Vercors, s’expérimente, depuis une trentaine d’années, une vie profonde de fraternité et de partage dans l’esprit de Lanza del Vasto, un disciple chrétien de Gandhi, à mi-chemin entre la vie monastique et la vie laïque. Cette communauté se compose aujourd’hui d’une cinquantaine de personnes qui expérimentent un mode de vie simple fondé sur la non-violence et la spiritualité, et sous-tendu par la recherche d’une harmonie avec soi, les autres et la nature. Ces valeurs constituent la trame d’une écologie intégrale qui se décline dans tous les aspects de la vie » (p 39).
Le Village des Pruniers
Fondé au cœur de la Dordogne par le vénérable moine, Thich Nhat Han en 1982, ce centre spirituel incarne le rêve de son fondateur de développer, dans un lieu de nature préservé et nourrissant, une communauté conjuguant la pratique de la pleine conscience et le vivre-ensemble fraternel… Puisant aux fondements de la tradition bouddhiste zen, cette communauté internationale propose aux multiples retraitants d’expérimenter la pratique de la méditation dans ses différentes formes et de vivre un chemin de réconciliation avec soi, avec les autres et avec la Terre » (p 59).
L’écohameau de La Chaux en Côte d’or
« Loin du tout-conformisme comme du tout-confort, Marie et Alexande Sokolovtch posent leur sac en juin 2009 à la ferme de La Chaux en Bourgogne après des années de nomadisme alternatif au service de jeunes démunis. Leur désir : prendre le temps, à la suite de Jésus, de vivre une simplicité volontaire et évangélique dans la cohérence entre engagement social, écologique et spirituel… Les Evangiles, c’est notre base et notre nourriture… Aujourd’hui, trois familles sont installées à La Chaux et forment avec sept enfants et un célibataire, une communauté d’une quinzaine d’habitants fixes. Inspirée des communautés de l’Arche de Lanza del Vasto, le ferme de La Chaux est aujourd’hui un bastion de la sobriété et de la débrouille, mais aussi un lieu où s’expérimente de façon atypique, le partage, l’accueil inconditionnel du prochain et la relation à la terre. Par son mode de vie et sa pratique, la ferme de La Chaux explore les différentes dimensions de l’écologie : la sobriété, l’usage du troc, la relation à la terre avec la réalisation de zones de maraichages ouvertes à tous et des cultures de variétés anciennes de blé en agroforesterie… , le partage et le don » (p 139-140)
Le monastère de Taulignan
« Onze sœurs vivent aujourd’hui dans ce monastère perdu au milieu de la Drome provençale. Elles cultivent des plantes aromatiques servant à créer des huiles essentielles ou des hydrolats dans la distillerie qu’elles ont fait construire en 2014. Cette activité est née de la nécessité de trouver une activité pouvant assurer leur subsistance en accord avec la vie monastique. C’est un parcours écologique qui a été encouragé par le paysan philosophe Pierre Rabbi. Au cœur de leur vie communautaire et de prière, ces pionnières cherchent à explorer entre Terre et Ciel la ligne de crête entre foi et écologie » (p 105).
Le monastère Orthodoxe de Solan dans le Gard
« Le monastère de Solan abrite aujourd’hui 17 moniales de tradition orthodoxe qui vivent principalement de la production de vin et des produits de leurs récoltes au potager ou au verger » . « La rencontre avec l’agroécologiste Pierre Rabbi dans les années 1990 a été décisive ». Elles ont accompli un beau parcours écologique. « Aujourd’hui, elles mettent en pratique ces principes écologiques d’autant plus naturellement qu’elles les vivent aussi de l’intérieur par la prière… la liturgie… une ascèse et l’eucharistie partagée dans une conscience ouverte au cosmos ». « Dans notre tradition, nous n’avons pas la dichotomie habituelle entre le spirituel et le matériel, le Créateur et la Création, entre l’homme et la nature… Nous nous sentons vraiment faire partie de la Création… » (p 136-131)
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L’écovillage de Findhorn en Ecosse
« Le rôle de Findhorn depuis sa création a été de démontrer l’expérience pratique de la communion et de la coopération avec la nature fondée sur une vision de la vie et de l’intelligence organisée qui lui est inhérente » ( David Spangler). Au départ, en 1962 ,dans le nord de l’Ecosse, « c’est un groupe de trois adultes et six enfants, poussés par le « destin », qui s’installe sur un terrain de caravaning et qui développe une vie en harmonie avec le divin et la nature. Aujourd’hui, c’est une communauté composée d’environ 600 personnes qui propose un modèle de vie cohérente fondée sur trois principes : la spiritualité (par l’écoute intérieure), le service à autrui (par l’amour en action), et l’écologie globale (par l’intelligence au cœur de la nature) »… « La communauté de Findhorn s’illustre pas sa longévité et son développement exceptionnel… Elle a su conjuguer la spiritualité, la relation à la nature et le service au monde. Ces bases solides ont permis l’émergence de nouveaux paradigmes et de chemins jusque là inexplorés, en particulier la coopération avec l’intelligence de la nature… Dans ce creuset, s’est développée non seulement une conscience forte de l’unité de toutes choses, mais aussi la nécessité d’inscrire notre humanité dans le cercle beaucoup plus vaste de la communauté du vivant, avec laquelle nous partageons une fraternité ontologique » (p 177 et 198).
A travers ces quelques exemples, une grande Ă©mergence apparait et des convergences sensibles se manifestent.
A partir de cette recherche, Christine Kristof-Lardet met en évidence un dynamique spirituelle, communautaire, écologique. « Dépositaires de sagesse, ces communautés peuvent contribuer à soutenir et à nourrir l’évolution du monde, sa conversion vers un authentique respect de la planète et de tous les êtres qui l’habitent. Ce n’est que dans une approche globale, écosystémique, transdisciplinaire que nous pouvons répondre aux défis de notre temps » (p 235-236).
Ce livre bien écrit, bien construit rend compte au plus près de la démarche des communautés où la spiritualité et l’écologie s’allient. Il tient bien l’objectif annoncé : être « une ressource qui peut inspirer chacun dans sa quête d’harmonie et ouvrir des perspectives pertinentes pour notre monde en transition » .Comme l’écrit Sabish Kumar  : « La transition nous appelle à passer à une vision holistique du monde, où physique et métaphysique, engagement et spiritualité dansent ensemble comme les deux faces d’une même médaille : Transition extérieure et transition intérieure vont de pair » (p 9)
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David Hay. La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. La recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui (« Something there. The biology of the human spirit ») : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/
Une vision exprimée par des théologiens et des sages. Ce livre comprend une bibliographie étendue (p 267-273) ; L’auteure note l’influence des spiritualités bouddhiste, hindouistes et plus largement orientales . « Ces spiritualités qui, pour la plupart s’ancrent dans une approche écosystémique et holistique, ont permis d’élargir les perspectives de nos cultures souvent cartésiennes, réductionnistes et largement anthropocentriques… Les résonnances étonnantes entre les textes récents du dalaï-lama autour de la responsabilité universelle par exemple et ceux du pape François dans l’encyclique « Laudato si’» sur l’écologie intégrale, révèlent une complémentarité de points de vue » (p 81), Dans le champ de la théologie chrétienne, Jürgen Moltmann a accompli un travail pionnier puisque son livre : « Dieu dans la création » et avec pour sous-titre : « Traité écologique de la création » est paru au Cerf en 1988. Courte présentation : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/ La pensée théologique de Jürgen Moltmann est très présente sur ce blog : « Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, pape François, Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/ Nous mettons également en évidence le courant écologique outre-Atlantique inspiré par le théologien : Thomas Berry : « Comment entendre les principes de la vie cosmique pour entrer en harmonie » : https://vivreetesperer.com/comment-entendre-les-principes-de-la-vie-cosmique-pour-entrer-en-harmonie/ Dans son « Center for action and contemplation », Richard Rohr développe également une spiritualité écologique. Nous avons rapporté certains de ses thèmes : « L’homme, la nature et Dieu » : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/
Christine Kristof-Lardet. Sur la Terre comme au Ciel. Lieux spirituels engagés en écologie. Labor et Fides, 2019
Présence. La revue des chercheurs de sens : https://revuepresence-leblog.com
par jean | Mai 1, 2023 | Vision et sens |
Comment l’expérience d’une communion dans l’Esprit permet de surmonter la pression de l’avidité collective et de générer un genre de vie communautaire
Une méditation sur « le communisme chrétien originel »
Par JĂĽrgen Moltmann
Dans le Livre des Actes (4.32-34), Luc nous décrit un élan de partage dans la première église. « La multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un cœur et qu’une âme. Nul ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais tout était commun entre eux… Il n’y avait parmi eux aucun indigent … ». Ce texte inspirant est bien connu, mais peut-on en tirer des enseignements pour aujourd’hui ?
Dans un livre, écrit dans la foulée de « The Spirit of Life » (1991), « The Source of Life » (La Source de Vie) (1), paru en 1997 , se voulant accessible à un grand public, mais n’ayant jamais été traduit en français, Jürgen Moltmann a écrit un texte intitulé : « Une méditation sur le communisme chrétien originel » (2). Alors qu’on s’inquiète aujourd’hui des ravages entrainés par le productivisme et le consumérisme, et des inégalités résultant de la concentration des richesses, ce texte écrit il y vingt-cinq ans, nous paraît étonnamment actuel . Dans un société où le manque de sens engendre une fuite dans une avidité collective, la dynamique de l’Esprit, présente aux origines de l’Eglise et toujours disponible, se présente à nous pour nous inspirer une fraternité active, une vie pleine, une société apaisée.
L’exemple de la toute première Église
Le texte des Actes nous décrit un mouvement de solidarité inédit  : « Il n’y avait pas de personnes nécessiteuses parmi eux. Car ceux qui possédaient des terres et des maisons les vendaient et en apportaient la recette aux apôtres. Et l’on faisait distribution à chacun selon qu’il en avait besoin » (Actes 4.35). « Il y avait assez pour chacun ! Tel est l’incroyable message de cette histoire » commente Jürgen Moltmann. Certes, il y bien des historiens pour dire que cela n’a pas duré longtemps. Mais si ce récit rapporte un âge d’or, on peut y voir également « une révélation du réel, des possibles genres de vie pour nous aujourd’hui. Nous pouvons avoir cette expérience nous-mêmes : l’expérience de la communauté de l’Esprit Saint » (p 102).
Jürgen Moltmann évoque les enjeux. « Il y a assez pour chacun . Mais aujourd’hui, des millions d’hommes et de femmes sont incapables de trouver du travail. Les ressources minières deviennent de plus en plus rares. Les sources d’énergie sont en train de s’épuiser. Les prix sont en train de monter. Les besoins s’étendent dans tous les domaines de la vie. Quelle contradiction ! » (p 103). Il est vrai que le manque et l’anxiété, qui en résultent, remontent loin dans l’histoire . « Il n’y a jamais eu assez, il n’y a encore pas assez et il n’y aura jamais assez … Mais où est la vérité ? ». « L’histoire de la Pentecôte n’est pas une nouvelle théorie sociologique. Elle parle d’une expérience de Dieu. C’est une expérience de l’Esprit qui descend sur des hommes et des femmes, les imprègnent, âme et corps, et les amènent à former les uns avec les autres une communauté et un fraternité nouvelle . Dans cette expérience, les gens ont ressenti qu’ils avaient été remplis d’énergies nouvelles dont ils n’avaient pas imaginé qu’elles puissent exister et ils y ont trouvé du courage pour un nouveau genre de vie » (p 104).
Un monde déchiré en manque spirituel
En regardant le monde, et notamment son propre pays, l’Allemagne, Jürgen Moltmann y voit un désir insatiable . Dans tous les domaines de la vie, le principe dominant est : « pas assez ». L’économie est basée sur l’exacerbation des besoins : « Nous assumons qu’il y a des besoins partout, des besoins qui peuvent être satisfaits seulement par du travail, et toujours plus de travail en accélérant la production et en réalisant de plus en plus de produits de masse… Il n’y a jamais assez pour chacun . Et c’est pourquoi nous luttons pour davantage de pétrole, davantage de minerais, davantage de marchés mondiaux… Une chasse permanente à la recherche d’argent et de plaisir » (p 106).
Cependant, n’avons-nous pas réellement besoin de ce que nous consommons ? « Evidemment, il y a des besoins naturels, des besoins de base qui doivent être satisfaits, pour vivre dans des conditions humaines et décentes. Mais notre économie a laissé ces besoins de base loin derrière. Ce ne sont pas ces requêtes naturelles qui dominent nos vies et fournissent le moteur de notre économie. C’est une demande qui a été stimulée et augmentée artificiellement . Dans notre société moderne, les êtres humains ont apparemment été transformés en monstres voraces. Ils sont tourmentés par une soif de vivre insatiable Ils sont possédés par un appétit de pouvoir insatiable. Plus ils ont, plus ils ont besoin et ainsi leur appétit est sans fin et ne peut être apaisé ». Le diagnostic est sévère, mais lorsqu’on regarde la publicité aujourd’hui, on le reconnait.
Mais pourquoi cette situation ? C’est ici que Moltmann vient esquisser une explication. Ce qui est en cause, c’est une peur commune de la mort. « Consciemment ou inconsciemment, les humains sont dominés par la peur de la mort . Leur avidité de vivre est réellement leur peur de la mort et leur peur de la mort trouve son expression dans un appétit de pouvoir débridé. « Vous vivez seulement une fois », nous dit-on. « Vous pourriez manquer quelque chose ». Cette faim de plaisir, de possession, de pouvoir, cette soif de reconnaissance à travers le succès et l’admiration – voilà la perversion des hommes et des femmes modernes. Voilà leur dévotion. La personne qui perd Dieu fait un dieu d’elle-même. Et, de cette façon, un être humain en vient à devenir un mini-dieu orgueilleux et malheureux ».
Jürgen Moltmann poursuit sa critique à une échelle sociale. « Il n’y en a jamais assez pour chacun. Alors prenez maintenant et servez-vous ! C’est ce que la mort nous dit – la mort qui nous avale après que nous ayons avalé tout le reste. Notre économie moderne est fondée sur le besoin. Notre idéologie moderne de la croissance, et notre obsession moderne de l’expansion sont des pactes avec la mort » (p 107). La peur du manque, engendrée par une inquiétude existentielle suscite des conflits. « « Il n’y a pas assez pour chacun » : ce slogan ébranle chaque communauté humaine et dresse une nation contre une autre et finalement dresse chacun contre quelqu’un d’autre et chacun contre lui-même. C’est un slogan de peur qui rend les gens solitaires et les entraine dans un monde en principe hostile. « Chacun pour soi » dit on. Cela débouche sur un monde qui est réellement sans cœur et sans âme… » (p 107-108). A ce stade, on peut s’interroger sur l’état du monde. Moltmann rappelle la pauvreté qui affecte une part de la population des pays riches, mais aussi celle qui règne dans des pays du Tiers Monde. Ces pays ont eux-mêmes souffert d’une oppression extérieure. « Ils ne souffrent pas à cause d’une déficience naturelle. Ils souffrent de l’injustice exercée par d’autres, de la répartition inégale des richesses, de prix injustes et d’une inégalité des opportunités de la vie » (p 108). La pauvreté est insupportable lorsqu’elle est ressentie comme la résultante d’une injustice .
En revenir Ă la source divine
Si nous désirons la vraie vie et échapper à la mort universelle du monde, « si nous désirons les vraies richesses de la vie et échapper à la pauvreté et au besoin, alors nous devons faire demi-tour et commencer au point où la perte la plus sévère de toute est celle de Dieu. Une absence de Dieu mène à un sentiment de confusion (Godlessness leads to the feeling of godforsakenness). La confusion mène à la peur de la mort et à une convoitise dévorante . Et alors, il n’y en a « jamais assez ».
Mais si Dieu n’est pas loin, si Dieu est proche, si Dieu est présent parmi nous, à travers l’Esprit, alors nous trouvons une nouvelle et indescriptible joie en vivant. Nous sommes gardés en sécurité (safe keeping), nous sommes chez nous (at home), on nous fait confiance et nous pouvons nous faire confiance ainsi qu’aux autres. Notre besoin le plus profond, le besoin de Dieu a été satisfait . Notre aspiration au bonheur a été comblée. Dieu est présent, présent dans son Esprit… Dieu est vivant dans nos vies comme le Dieu vivant. Nos vies limitées, vulnérables et mortelles, sont pénétrées et soutenues de part en part par la vie de Dieu qui est illimitée, glorieuse et éternelle . Avec toutes les perceptions de notre mental, les mouvements de notre âme, les besoins et impulsions de notre corps, nous participons à la vie éternelle. Dieu est présent par son Esprit… « En Lui, nous avons la vie, le mouvement et l’être ». Les gens qui en font l’expérience et en prennent conscience, découvrent combien ils deviennent calmes et relaxés, parce que ils ont cessé d’avoir peur et sont envahis par une grande paix » (p 108-109).
Une vie en abondance
« Il est remarquable que lorsque dans le Nouveau Testament, les gens parlent de leur expérience de Dieu dans l’Esprit de vie qui nous fait vivre, ils deviennent radieux et emploient des superlatifs. Ils parlent de « l’abondance de l’Esprit », de la « grâce débordante », et de « richesses de vie » sans limites . Chacun a assez, plus qu’asse z, et alors, il n’a pas besoin de davantage ou d’une autre manière. C’est une expérience de vie unanime dans l’Esprit divin créateur qui donne la vie ».
Mais n’est-ce là qu’une belle histoire dans un moment passager ? Est-ce une réalité accessible, et accessible encore aujourd’hui ? Et si cette réalité change les comportements, dans quelle mesure, elle permet de comprendre ce qui changerait si cette réalité s’étendait ? Jürgen Moltmann expose en trois points les différentes manières d’envisager les changements que l’influx de l’Esprit peut entrainer.
1°  « Les apôtres donnaient avec une grande puissance leur témoignage à propos de la résurrection du Seigneur Jésus et une grande grâce était avec eux tous ». Voilà le commencement. C’est la résurrection du Christ crucifié qui ouvre la voie à la plénitude de vie, une vie éternellement vivante. Le pouvoir de la mort a été retiré. Les menaces de la mort ont déjà cessé d’être effectives. Être dans le besoin signifie être coupé des plaisirs de la vie. Être dans le besoin signifie ne pas avoir assez à manger et à boire. Être dans le besoin signifie être malade et seul. En dernier ressort, être dans le besoin, c’est perdre la vie elle-même. Le plus grand besoin de tous, la plus grande perte, c’est la mort . Tous les autres besoins et les autres souffrances que nous ressentons dans la vie sont connectés avec la mort. Ils ont tous quelque chose que la mort enlève à la vie. Parce que nous savons que nous devons mourir, nous ne trouvons jamais assez dans la vie. Mais parce que Christ est ressuscité, une espérance se lève en faveur de la vie, une vie qu’aucune mort ne peut tuer, une vie où on trouve qu’il y a toujours assez, plus qu’assez, pas seulement pour ceux qui sont vivant, mais aussi bien pour les morts  » (p 105).
2° Mais il y a également un autre facteur de cette libération du besoin. « Maintenant, la communauté de ceux qui croyaient, vivaient d’un seul cœur et une seule âme  ». Un ensemble de gens, inconnus les uns des autres, forment une communauté et ils partagent « un seul cœur et une seule âme ».Voici ce que l’Esprit de communion (Spirit of fellowship) signifie. L’Esprit de communion, l’Esprit qui engendre la fraternité est parmi nous . En Lui, les divisions entre les gens sont surmontées. L’oppression des uns par les autres est arrêtée. L’humiliation des gens par d’autres cesse… les maîtres et les serviteurs deviennent amis. Les privilèges et les discriminations disparaissent. Nous devenons « un seul cœur et une seule âme ». Ce qui arrive, ce dont on fait l’expérience, n’est rien moins que Dieu lui-même. Quel Dieu ? Le Dieu qui fait l’entre-deux, le Dieu médiateur, « The go-between God », comme l’évêque John Taylor l’a appelé, le Dieu qui est communion et communauté, le Saint Esprit. Nous sortons de la solitude pour entrer dans une vie commune. Notre peur les uns des autres devient ridicule parce qu’il y a assez pour chacun. Dieu lui-même est là pour chacun… » (p 105).
3° Dans cette ambiance nouvelle, l’esprit de propriété disparait. « Personne ne disait que quoi qui lui appartenait était à lui, car ils avaient tout en commun ». C’est le troisième facteur et tout le reste débouche là -dessus. Dans l’Esprit de résurrection et l’expérience d’un Dieu communion, personne n’a besoin de s’accrocher à ses biens plus longtemps… Alors toutes les propriétés sont là pour être à la disposition des gens qui en ont besoin. Voilà pourquoi « ils avaient tout en commun ». Et c’est pourquoi « il n’y avait pas de personnes nécessiteuses parmi eux »… » (p 106).
Que pouvons-nous faire ? Réaliser des communautés.
Aujourd’hui, face à la crise qui prévaut à grande échelle : les tensions engendrées par les inégalités et la menace pressante suscitée par le réchauffement climatique suite à l’emballement de la production et de la consommation, le remède réside dans « la sobriété heureuse » selon l’expression de Pierre Rabhi et dans une répartition plus égalitaire des revenus. Mais ce changement requiert une transformation conjuguée des politiques et des mentalités. Ici, on peut se rappeler la devise de Gandhi  : « Pour changer le monde, il faut commencer par nous changer nous-même ». Cet appel est relayé aujourd’hui à travers le développement d’exigences spirituelles, tout particulièrement dans la militance écologique (3). Jürgen Moltmann a montré que l’œuvre de l’Esprit ne se limitait pas au champs de l’Église, mais s’exerçait dans le monde et dans toute l’humanité (4). Dans ce chapitre, il s’interroge : « Que devrions nous faire ? » : « Je suggère que la meilleure chose que nous puissions faire, c’est de réaliser des communautés d’une dimension gérable et de renforcer le sens de la vie que nous partageons les uns avec les autres et les uns pour les autres. L’idéologie du « Il n’y a jamais assez pour chacun » rend les gens solitaires. Elle les isole et les ravit de leurs relations. L’opposé de la pauvreté n’est pas la propriété. L’opposé à la fois de la pauvreté et de la propriété, c’est la communauté. Car, dans la communauté, nous devenons riches : riches en amis, riches en voisins, riches en collègues, riches en camarades, riches en frères et en sœurs… Dans une communauté, il y a suffisamment de gens, suffisamment d’idées, suffisamment de capacités et d’énergies pour faire face … Alors découvrons notre richesse, découvrons notre solidarité, réalisons des communautés, prenons nos vies en main, et, à la longue, échappons aux gens qui veulent nous dominer et nous exploiter ».
De fait, on s’aperçoit que ces communautés peuvent être très efficaces. « Tous les projets d’aide vraiment efficaces proviennent de communautés spontanées à un niveau de base, et non d’en haut … ». Moltmann remarque que, si on peut considérer que l’œuvre de ces communautés s’inscrit dans la royaume de Dieu, les églises n’en sont pas toujours conscientes. « Dans les grandes organisations bureaucratiques de la société, l’état et les partis, les églises et l’université, il y a toujours du besoin. Mais dans la rencontre volontaire d’hommes et de femmes à un niveau de base, une vraie richesse de vie est expérimentée » (p 110).
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Chercher et proclamer la justice
Quand y a-t-il assez pour chacun ? « Quand la justice s’ajoute à la plénitude de vie, aux puissances de vie et aux moyens de vivre, la justice s’assure que chacun reçoit ce dont chacun a besoin – pas moins, pas plus ». De plus, nous dit Jürgen Moltmann, dans l’inspiration divine, nous avons soif de justice . « De différentes manières, l’Esprit de vie nous rend assoiffés, insatiablement assoiffés… Bénis ceux qui ont faim et soif de droiture (rigtneousness). Voici le domaine où nous allons trouver nos tâches dans l’avenir : dans le mouvement pour la justice dans notre propre pays et dans la mise en œuvre de la justice entre les pays pauvres et les pays riches du monde… La faim de justice est un faim sacrée. La soif de droiture est une soif sacrée . C’est la faim et la soif du Saint Esprit lui-même. Puisse l’Esprit nous en remplir entièrement » (p 110).
Un texte pour notre temps
Ce chapitre d’un livre de Jürgen Moltmann publié en 1997, a donc été écrit il y a vingt-cinq ans. Or il nous paraît correspondre aux problèmes de notre temps. Nous en percevons l’actualité à plusieurs titres : quant à l’analyse, quant au diagnostic, quant à la recommandation. Et plus encore, ce texte nous montre la pertinence et la portée de l’approche évangélique .
La course à la consommation entretenue par la publicité est accompagnée par une course à la production qui épuise et pille les ressources naturelles. Le consumérisme accompagne le productivisme. Nous assistons à une accélération perturbatrice comme l’observe le sociologue, Harmut Rosa (5). C’est aussi la recherche du profit dans une société et dans un monde inégalitaires. Parallèlement, il y a bien une recherche de pouvoir. La philosophe Corinne Pelluchon pointe des effets de domination dévastateurs (6). Ces phénomènes sont incompatibles avec une entrée dans « l’âge du vivant ». A cet égard, on sait combien Jürgen Moltmann s’est engagé très tôt dans une théologie écologique (7).
Nombreux sont aujourd’hui les analystes et les commentateurs qui perçoivent une crise spirituelle à l’origine de la grande crise écologique. Ainsi appelle-t-on au changement personnel comme condition au changement de la société et du monde. Ici, Jürgen Moltmann met l’accent sur la « perte de Dieu ». « L’absence de Dieu mène à un sentiment de confusion (Godlessness leads to the feeling of godforskenness). La confusion mène à la peur de la mort et à une convoitise dévorante ». Moltmann pointe les effets de cette peur de la mort qui entraine l’anxiété, la fuite, une recherche de compensation provisoire dans les plaisirs, les honneurs, la recherche et l’exercice du pouvoir. Cette fuite est bien exprimée par Paul dans l’épitre aux Corinthiens (15.32) : « Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain, nous mourrons ». Si les attitudes ne paraissent pas toujours aussi tranchées, on peut estimer que la crainte est plus ou moins présente dans l’inconscient.
La recommandation de Moltmann nous paraît tout aussi actuelle parce qu’il sait percevoir les bienfaits d’une vie communautaire, tels que la première église en a fait l’expérience et tels qu’on peut les apprécier aujourd’hui ; Jürgen Moltmann est conscient de l’agilité dont peuvent faire preuve des communautés à dimension humaine et c’est pourquoi il les inscrit au premier rang de l’action sociale. Elles sont également souvent porteuses de la dimension fraternelle à laquelle tant de gens aspirent (8). Aujourd’hui encore, des associations jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre du changement social et de la prise de conscience écologique.
Si Moltmann expose les conséquences malheureuses de la perte de Dieu, et notamment des incidences sociales néfastes, il a également conscience du processus à travers lequel cet éloignement de Dieu est intervenu. Une perception mécaniste de l’univers a joué un rôle, mais également, pour une part, la conception religieuse d’un Dieu perçu comme oppressif. Dans un livre ultérieur : « The living God and the fullness of life » (2016) (Le Dieu vivant et la plénitude de vie) (9), Jürgen Moltmann démonte cette conception et esquisse le visage d’un Dieu, communion d’amour et puissance de vie. « Si une forme de christianisme a pu apparaître comme un renoncement au monde, Moltmann nous présente au contraire un Dieu vivant qui suscite une plénitude de vie. « Avec Christ, le Dieu vivant est venu sur cette terre pour que les humains puissent avoir la vie et l’avoir en abondance » (Jean 10.10)… Ce que je désire, écrit Moltmann, c’est de présenter une transcendance qui ne supprime, ni n’aliène notre vie présente, mais qui libère et donne vie, une transcendance par rapport à laquelle nous ne ressentions pas l’envie de lui tourner le dos, mais qui nous remplisse d’une joie de vivre (p X.XI). C’est cette même image de Dieu que Moltmann évoque dans son texte paru en 1997 : « Mais si Dieu n’est pas loin, si Dieu est proche, si Dieu est présent parmi nous, à travers l’Esprit, alors nous trouvons une nouvelle et indescriptible joie en vivant . Nous sommes gardés en sécurité (safe keeping), nous sommes chez nous (at home), on nous fait confiance et nous pouvons nous faire confiance ainsi qu’aux autres. Notre besoin le plus profond, le besoin de Dieu a été satisfait. Notre aspiration au bonheur a été comblée. Dieu est présent, présent dans son Esprit… Dieu est vivant dans nos vies comme le Dieu vivant. Nos vies limitées, vulnérables et mortelles, sont pénétrées et soutenues de part en part par la vie de Dieu qui est illimitée, glorieuse et éternelle … » (p 108-109). Cependant, la présence de Dieu n’a pas seulement un effet individuel. Jürgen Moltmann rappelle que l’Esprit se manifeste également dans une dimension collective : « La communauté de ceux qui croyaient vivait d’un seul cœur et une seule âme ». L’Esprit de communion, l’Esprit qui engendre la fraternité est parmi nous. En Lui, les divisions entre les gens sont surmontées. L’oppression des uns par les autres est arrêtée. L’humiliation des gens par d’autres cesse… les maitres et les serviteurs deviennent amis. Les privilèges et les discriminations disparaissent… Si cette description correspond à une expérience passée, l’œuvre de l’Esprit se poursuit aujourd’hui dans des formes nouvelles. Jürgen Moltmann évoque un Dieu qui fait l’entre-deux, un Dieu médiateur, un Dieu qui est communion et communauté, le Saint Esprit . Nous sortons de la solitude pour entrer dans une vie commune.
Si l’œuvre de l’Esprit atteint des sommets lorsque les conditions d’un climat de foi sont assurées, l’Esprit œuvre en permanence dans l’humanité et dans le monde. A nous de le reconnaître. Lorsque Jürgen Motmann évoque l’expérience de la première église, il stimule notre imagination et il nous aide à inventer des possibles . C’est en ce sens que nous pouvons lire le titre de ce texte : « Il y en a assez pour chacun ». Oui, à certaines conditions, ce serait possible. C’est là une utopie créatrice . Certes, en terme familier, on peut dire : « demain, ce n’est pas la veille ». Et cependant, à une autre échelle de temps, « Rien n’est impossible à Dieu » (Luc 1.37).
J H
The source of life. The Holy Spirit and the theology of life. Fortress Press, 1997
There is enough for everyone. A meditation on « Original Christian Communism » p 103-110 ; dans : The source of life
L’espérance en mouvement. Affronter la menace environnementale et climatique pour une nouvelle civilisation écologique ; https://vivreetesperer.com/lesperance-en-mouvement/
Pour une vision holistique de l’Esprit : https://vivreetesperer.com/pour-une-vision-holistique-de-lesprit/
Face à une accélération et une chosification de notre société : https://vivreetesperer.com/face-a-une-acceleration-et-a-une-chosification-de-la-societe/
Des Lumières à l’âge du vivant : https://vivreetesperer.com/des-lumieres-a-lage-du-vivant/
Jürgen Moltmann est l’auteur du livre : Dieu dans la création. Traité de théologie écologique de la création, 1988. voir : Dieu dans la création : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/
Pour des oasis de fraternité (selon Edgar Morin) : https://vivreetesperer.com/pour-des-oasis-de-fraternite/
Le Dieu vivant et la plénitude de vie : https://vivreetesperer.com/le-dieu-vivant-et-la-plenitude-de-vie-2/