Comment nos pensées influencent la réalité

 

 

« Pour une approche intégrale de la conscience » : conférence de Mario Beauregard au colloque de l’UIP : « Sciences et connaissances »

 

         Notre existence, la conscience que nous en avons, se fondent sur notre pensée. C’est dire l’importance des questions que nous pouvons nous poser sur les rapports entre nos pensées et notre être corporel. De même, c’est par la pensée que nous  participons au monde et pouvons accéder à ce qui nous dépasse. Dans un texte concernant les expériences spirituelles publié sur ce blog (1), nous nous référions au livre d’un chercheur en neurosciences, Mario Beauregard : « Du cerveau à Dieu. Plaidoyer d’un neuroscientifique pour l’existence de l’âme » (2). Par la suite, nous avons découvert un nouveau livre de ce même chercheur : « Brain wars. The scientific battle over the existence of the mind and the proof that will change our life » (3). A partir de travaux scientifiques, l’auteur y réfute les thèses matérialistes. Non, la conscience n’est pas le produit du cerveau et destinée à disparaître avec lui. Non elle ne dépend pas entièrement des mécanismes physiologiques, ainsi soumises aux seules lois de la matière. Non, la conscience humaine n’est pas qu’un épiphénomène, une forme passagère juste là en attendant de disparaître. Au contraire, l’esprit humain apparaît comme une réalité spécifique. Des recherches convergentes montrent l’influence de nos pensées sur nous-même et sur le monde extérieur. Nous avons présenté une mise en perspective de cet ouvrage sur le site de Témoins. Aujourd’hui, ce livre a été traduit en français sous le titre : « Les pouvoirs de la conscience. Comment nos pensées influencent la réalité » (4).

 

En janvier 2016, Mario Beauregard est intervenu dans le cadre du colloque organisé  par l’Université interdisciplinaire de Paris (5) ayant pour thème « Sciences et connaissances. De la matière à l’esprit ». L’Université interdisciplinaire de Paris vient de mettre en ligne sur YouTube l’ensemble des contributions des intervenants. Dans son intervention, Mario Beauregard nous présente « une approche intégrale de la conscience » (6). Il nous fait part d’abord du plan de son exposé. « Je voudrais parler dans un premier temps de ce qu’on appelle le matérialisme scientifique qui est devenu très influent dans les disciplines scientifiques et qui joue un rôle important dans les neurosciences jusqu’à présent ». Mario Beauregard montre là comment cette idéologie s’est formée et quelles sont ses conséquences. Il nous parle ensuite des recherches qu’il a réalisées à partir d’une série d’études d’imagerie cérébrale. « Ces études montrent que, contrairement à ce que certaines théories matérialistes veulent nous faire croire, l’esprit humain a une grande capacité d’influence au niveau cérébral. L’esprit humain a une grande capacité d’influence au niveau du corps, du cerveau et de tous les systèmes physiologiques qui sont connectés. Il a aussi une influence énorme à l’extérieur des limites du corps. C’est le concept appelé « l’esprit non local ». Je vais vous présenter certaines études à ce sujet. Je vais terminer en vous parlant de ce qui est en train d’émerger, à partir des études qui vous sont présentées, un nouveau paradigme qu’on a appelé un paradigme post matérialiste ». Avant de commencer son exposé, Mario Beauregard donne également quelques définitions préalables que nous retiendrons ici : « Quand je fais référence à l’esprit, c’est la traduction du terme anglais : « mind ». C’est l’ensemble des processus mentaux, qu’ils soient conscients ou non, par exemple la mémoire, la perception, les émotions, la pensée. Lorsque je fais référence à la conscience, c’est la faculté mentale qui permet d’appréhender ce qui se passe soit en relation avec le monde extérieur, soit avec ce qui se passe intérieurement sur le plan mental, par exemple la pensée, les émotions. Cela inclut aussi la conscience de soi ». A la fin de sa conférence, Mario Beauregard donne quelques références sur les évolutions en cours concernant le paradigme post matérialiste, mais pour une approfondissement complémentaire concernant l’ensemble de son exposé, il renvoie aux deux livres que nous avons évoqués. On trouvera donc maintenant une reprise du texte mettant en perspective l’apport de son livre : « Brain wars », déjà publié sur le site de Témoins.

 

 

Brain Wars. Face à une idéologie matérialiste, les pouvoirs de la conscience

Dans le livre : « Brain wars », par delà la description du conflit entre des conceptions scientifiques opposées, Mario Beauregard nous apporte des données convergentes qui montrent l’apparition et le développement d’un nouveau paradigme dans lequel l’esprit humain apparaît comme une réalité spécifique : « L’esprit n’a pas de masse, de volume ou de forme et il ne peut être mesuré dans l’espace et dans le temps, mais il est aussi réel que les neurones des neurotransmetteurs et les jonctions synaptiques. Il est aussi très puissant » (p 5).

Mario Beauregard trace une rétrospective des travaux réalisés dans ce champ d’étude. Il critique les postulats méthodologiques de l’approche matérialiste, notamment l’application des principes de la physique classique à ce domaine. Les théories jusque là dominantes ne peuvent expliquer « pourquoi et comment des expériences intérieures subjectives telle que l’amour ou des expériences spirituelles se développent à partir de processus physiques dans le cerveau » (p15). Le livre met en évidence une nouvelle manière de comprendre les rapports entre l’esprit et le corps à partir des données émergentes résultant des recherches menées dans des champs nouvellement explorés comme : l’effet placebo/nocebo, le contrôle cérébral, la neuro plasticité, la connexion psychosomatique, l’hypnose, la télépathie, les expériences aux frontières de la mort, les expériences mystiques. En prenant en compte la vision nouvelle que la mécanique quantique nous propose pour la compréhension de la réalité, Mario Beauregard inscrit les recherches sur les rapports entre le cerveau et l’esprit dans un nouveau paradigme. « Dans l’univers quantique, il n’y a plus de séparation radicale entre le monde mental et le monde physique » (p 207). Désormais, la conscience apparaît comme une réalité motrice. En exergue de son chapitre de  conclusion, l’auteur propose une citation du physicien et astronome, James Jeans : « L’univers commence à ressembler davantage à une grande pensée qu’à une grande machine ».

Ce nouveau paradigme ne nous apporte pas seulement une compréhension nouvelle, il a des conséquences pratiques pour notre vie. Désormais, nous pouvons exercer une influence positive sur notre santé et sur nos comportements, mais nous sommes appelés en même temps « à cultiver des valeurs positives comme la compassion, le respect et la paix » (p 214). A travers la description des expériences aux frontières de la mort et des expériences mystiques, nous apprenons aussi l’existence d’une réalité supérieure empreinte d’amour et de paix. Ce regard  nouveau appelle une vision spirituelle. Quand le mental et la conscience s’unifient, « nous sommes à nouveau connectés à nous-même, aux autres, à notre planète et à l’univers » (p 214). Cette mise en évidence de la conscience est un phénomène qui va entraîner des transformations profondes dans le monde.

 

Des champs nouveaux où la conscience émerge.

Les chapitres du livre nous présentent successivement des champs d’étude où la conscience apparaît désormais comme une réalité majeure. En voici quelques exemples.

 

Placebo/nocebo.

La croyance a le pouvoir de guérir ou de tuer. C’est l’effet placebo/ nocebo. L’auteur nous apporte un exemple particulièrement évocateur : un patient en train de mourir d’un cancer très avancé, apprenant l’apparition d’un nouveau médicament, le réclame et, après l’injection, connaît une guérison spectaculaire. Deux mois après, il apprend, en lisant un journal, que ce médicament a été jugé inefficace. Il rechute. Le médecin adopte un stratagème. En lui affirmant que son information est inexacte, il lui injecte de l’eau distillée. Et, à nouveau, les effets sont étonnants puisque très rapidement, la tumeur disparaît. Hélas, lisant à nouveau dans la presse la confirmation de l’inefficacité de ce médicament, il est réadmis à l’hôpital et meurt au bout de deux jours.

L’auteur ne mentionne pas seulement des cas surprenants, mais bien établis. Il nous fait part également de nombreuses recherches. Des traitements fictifs et même des opérations fictives remportent de grands succès lorsque les patients croient à leur efficacité. Mais on a vu que des croyances négatives ont parallèlement des effets néfastes. Ainsi, « À travers nos croyances, nous détenons une puissance de vie et de mort entre nos mains… La science a démontré, mainte et mainte fois, que ce que nous croyons influence significativement notre expérience de la souffrance, la réussite d’une opération, même l’issue d’une maladie. Nos attentes peuvent inciter nos corps à effectuer un travail de régulation de nos conditions physiques et émotionnelles » (p 40).

 

Neurofeedback

Plusieurs chapitres très documentés font le point sur l’influence considérable de la pensée sur les processus corporels.

Par exemple, le « neurofeedback » permet aux individus de changer certains aspects de leur fonctionnement physique et d’améliorer leur santé en traitant les informations qui leur sont fournies en temps réels sur les réponses de leur corps (comme le rythme cardiaque ou la tension musculaire). Le « neurofeedback » introduit des changements dans le fonctionnement du cerveau et peut aussi améliorer les fonctions cognitives, réduire l’anxiété et accroître le bien-être émotionnel.

 

Neuroplasticité

Bien plus, on découvre aujourd’hui les effets d’une pensée méthodiquement conduite et entraînée sur l’organisation et le fonctionnement du cerveau. Cette découverte de la « neuroplasticité » est relativement récente. Elle est apparue au cours des dernières décennies. Auparavant, les neuroscientifiques croyaient que le cerveau était figé dans son état initial parce qu’ils le concevaient comme une machine non évolutive. On sait maintenant qu’il n’en est rien. « La recherche a montré que nous pouvons intentionnellement éduquer notre mental à travers des pratiques méditatives et accroître ainsi l’activité de régions et de circuits de nos cerveaux non seulement dans le domaine de la concentration et de l’attention, mais aussi dans le domaine de l’empathie, de la compassion et du bien être émotionnel. De tels exercices peuvent même modifier la structure physique du cerveau ». A cet égard de nombreuses recherches ont été effectuées sur les effets de la méditation de moines bouddhistes et aussi de religieuses carmélites. Ces recherches mettent en évidence un effet majeur sur le fonctionnement et la structure du cerveau. L’auteur cite le Dalaï Lama : « Le cerveau que nous développons, reflète la vie que  nous menons ». Bien évidemment, cette remarque est de portée générale.

 

Psychosomatique

Dans la même perspective, Mario Beauregard traite de « la connexion entre le corps et l’esprit » qui est le fondement de la médecine psychosomatique. Cette médecine, bien qu’encore trop peu considérée, est aujourd’hui bien connue. Il y a quelques années, Thierry Janssen, dans son livre : « La solution intérieure » (7) mettait à nouveau cette approche en valeur dans une enquête à l’échelle internationale sur la manière d’envisager les rapports entre l’esprit et le corps. L’auteur apporte ici un ensemble de données qui permettent de mieux comprendre les processus correspondants.

 

Hypnose

Et dans le chapitre suivant, il traite de l’hypnose à partir des recherches qui ont été effectuées sur ce phénomène. Il en explore les effets bénéfiques sur le plan médical. L’auteur voit dans l’hypnose une situation qui permet l’expression d’une force intérieure « En fait, nous ne sommes pas contrôlés par la suggestion hypnotique. Plutôt, l’hypnose peut nous aider à laisser tomber les barrières qui nous empêchent d’utiliser des capacités latentes en nous » (p 132).

 

Communication extrasensorielle.

Mario Beauregard confirme la réalité des phénomènes psychiques dans lesquels la réalité est appréhendée au delà de l’espace et du temps. Et comme dans la plupart de ses chapitres, il commence son exposé en nous proposant des études de cas. Et ici, il s’agit des performances d’un jeune homme recruté par les services de renseignement américains, qui, à distance, a perçu des situations et fourni des informations dont on a pu vérifier la réalité.

La recherche dans le domaine de la perception extrasensorielle prouve que nous pouvons recevoir de l’information à travers l’espace et le temps sans utiliser nos sens ordinaires. L’Esprit peut également influencer à distance de la matière et des organismes vivants. Ainsi, si aucune théorie ne permet aujourd’hui d’expliquer cette catégorie de phénomènes, il y a désormais un grand nombre de données expérimentales à ce sujet. L’auteur fait appel à la physique quantique pour apporter un début d’éclairage : « La physique classique décrit l’univers comme un ensemble d’éléments isolés les uns des autres.Mais la physique quantique a montré que l’univers est fondamentalement « non local » : les particules et les objets physiques qui paraissent être isolés et séparés sont en fait profondément interconnectés indépendamment de la distance » (p 154). Mais cette explication est insuffisante, car elle ne prend pas en compte les aspects psychologiques. En fait, « les phénomènes psy ont de profondes implications pour notre compréhension du rôle de l’esprit et de la conscience dans l’univers. Ces phénomènes suggèrent que l’esprit joue un rôle fondamental dans la nature et que la psyché et le monde physique ne sont pas radicalement séparés » (p 155).

 

Expériences aux frontières de la mort.

Le phénomène des « near-death experiences » (NDR), en français désigné sous le terme : « les expériences de mort imminente » (EMI), est aujourd’hui connu par un vaste public, car il a fait l’objet, depuis plusieurs décennies, d’une abondante littérature. Très tôt, avec la parution du livre du psychiatre américain, Raymond Moody : « La vie après la vie » (8), des exemples impressionnants et vraisemblables nous ont été apportés. Aujourd’hui, la recherche à ce sujet se fait de plus en plus rigoureuses, comme en témoigne la parution récente du livre d’un chirurgien néerlandais : Pim Van Lommel : « Consciousness beyond life. The science of near-death expériences » (9) qui rend compte de recherches scientifiques dont celles menées par l’auteur. Nous n’aborderons pas ici dans le détail les phénomènes correspondants. Voici quelques conclusions de Mario Beauregard au sujet de cet horizon nouveau qui s’offre à nous aujourd’hui : « Les études scientifiques sur les « near-death experiences » réalisées au cours des dernières décennies indiquent que les fonctions mentales les plus élevées peuvent être opérantes indépendamment du corps à un moment où l’activité du cerveau est gravement endommagée ou apparemment absente (lors d’un arrêt cardiaque). Quelques unes de ces études montrent que des gens aveugles peuvent avoir des perceptions véridiques au cours d’une expérience de sortie du corps. Les études sur les expériences aux frontières de la mort suggèrent qu’après la mort physique, l’esprit et la conscience continuent à un niveau transcendant de la réalité… Ce phénomène est incompatible avec la croyance de beaucoup de matérialiste selon laquelle le monde matériel serait l’unique réalité » (p 181-182). Le contenu de ces expériences n’est pas moins important puisqu’il véhicule généralement amour et paix.

 

Expériences mystiques.

Le dernier chapitre du livre porte sur les expériences mystiques. Elles sont caractérisées par une expansion de la conscience bien au delà des limites habituelles de nos corps et de nos égos, et au delà du concept quotidien de l’espace et du temps » (p 185). D’après le philosophe britannique, Walter Stace, ces expériences ont pour traits communs « la perception d’être un à l’infini, une vie sans faille, englober toute chose, des sentiments de paix, le bonheur et la joie, l’impression d’avoir touché au fondement ultime de la réalité (quelque fois identifié avec Dieu) et une transcendance de l’espace et du temps » (p 185). Les expériences mystiques peuvent être extraverties ou intraverties. Dans le premier cas, les réalités terrestres continuent à être perçues à travers les sens physiques, mais elles sont alors transfigurées par une conscience de l’unité qui brille à travers elles. Dans les formes extraverties, le « petit soi » ordinaire s’évanouit momentanément et revient transformé. « Il y a une union temporaire avec le tout, un sentiment d’unité avec toutes choses dans l’univers, la découverte que le fondement de l’être est à l’origine de la vie. On a pu parler à ce sujet de conscience cosmique » (p186). Dans la même perspective, le livre récemment publié par David Hay : « Something there » rapporte une collecte d’expériences mystiques intervenues dans la quotidien telle qu’elle a été initiée par Alister Hardy, un autre chercheur britannique. Il a travaillé à partir de là sur le concept de spiritualité (10).

Mario Beauregard met en évidence la diversité des cadres et des situations dans lesquelles ces expériences peuvent survenir. Elles peuvent se produire en rapport ave une absorption de drogues. « Je suis d’accord avec Henri Bergson et Aldous Huxley que l’activité habituelle du cerveau joue un rôle de filtre qui, généralement, nous rend inconscient du fondement de l’être » (« Ground of being »). Les barrières seraient levées par certaines substances. Mais dans l’ensemble, le phénomène apparaît bien plus vaste et mystérieux. Chez ceux qui les ont vécues, les expériences mystiques produisent une transformation profonde dans leur vie ultérieure : un sens de la vie nouveau, un bien être psychologique. On a pu observer des changements analogues après certaines expériences aux frontières de la mort (11).

 

L’émergence d’une conscience nouvelle.

A la fin de son livre, dans sa conclusion, Mario Beauregard évoque « un grand changement dans la conscience » (« A great shift in consciousness »). En effet, à partir de champs d’étude différents, toutes ces recherches convergent dans la mise en évidence de la réalité et de la puissance de l’esprit humain et, au delà, de la réalité d’un univers spirituel qui nous dépasse infiniment : « Nos esprits peuvent être extrêmement puissants, bien plus puissants que nous pouvions l’imaginer il y a quelques décennies » (p 208). Ces facultés peuvent dépasser les contraintes habituelles à l’espace et au temps. Les expériences aux frontières de la mort mettent en évidence que l’esprit a une certaine autonomie par rapport à l’activité cérébrale. La composante mystique des expériences aux frontières de la mort montre qu’elles comportent un accès à de nouveaux univers de réalité, indépendamment du cerveau. Et, de même, les récits des expériences mystiques ouvrent nos yeux à une nouvelle vision de l’univers et de la place de l’être humain dans celui-ci. Pour interpréter ces données en termes scientifiques, Mario Beauregard fait appel aux apports de la physique quantique qui change notre perception de la réalité matérielle.

Son livre nous introduit dans un nouveau paradigme, une transformation révolutionnaire de notre représentation de l’être humaine et cette transformation intervient à partir de données scientifiques, qui, par delà les particularités sociales et culturelles, ont une portée universelle. Mario Beauregard, dans l’enthousiasme de cette découverte, proclame les aspects positifs de ce grand mouvement de la conscience. Il y voit une affirmation de la dignité de l’homme, une ouverture à des valeurs positives comme la compassion, le respect et la paix. Rejoignant la définition de la spiritualité qui nous est apportée par David Hay comme « une conscience relationnelle », Mario Beauregard nous dit que lorsque le mental, l’esprit et la conscience sont reconnus comme une réalité unifiée, « nous sommes connectés à nous-même, aux autres, à notre planète et à l’univers » (p 214).

 

Une esquisse de questionnement théologique.

La vision qui nous est présentée par Mario Beauregard  bouscule les thèses matérialistes qui remontent au XIXè siècle. Mais sa nouveauté radicale interpelle aussi tous ceux  qui réfléchissent à la place de l’être humain dans l’univers, philosophes, théologiens, mais aussi les chercheurs travaillant dans des champs scientifiques différents. Cette vision appelle une réflexion interdisciplinaire. Elle requiert également une recherche théologique. Nous situant dans une perspective chrétienne, voici quelques questions qui nous semblent appeler réflexion, en sachant, au départ, qu’en milieu chrétien, la réception de cette vision sera différente selon les mentalités. Les représentations nouvelles qui nous sont proposées par le livre de Mario Beauregard induisent de nombreux questionnements en rapport notamment avec la conception de l’homme, la manifestation du bien et du mal, la perception et la représentation de Dieu, la destinée humaine, la manière dont nous percevons le temps où nous vivons.

 

Le livre de Mario Beauregard met en valeur la dignité de l’homme. La personnalité de celui-ci n’est pas déterminée par des conditionnements biologiques. Non seulement, il a une part de liberté, mais les recherches mettent en valeur le potentiel considérable dont il dispose pour exercer une influence sur ces conditions de vie. L’esprit humain se voit reconnaître une capacité d’intervention jusque là inenvisageable, par exemple, dans certains cas, une communication qui peut s’exercer au delà des limites habituelles de notre corps. Au total, il y a là une mise en valeur de la puissance de l’esprit humain. Bien sûr, en contrepartie, la responsabilité humaine est alors davantage engagée. Car, si puissance il y a, il est d’autant plus nécessaire qu’elle s’exerce au service du bien. C’est dire que l’homme a besoin d’une inspiration bénéfique. Cependant, par delà cette interrogation, cette vision est susceptible de contrarier et d’inquiéter tous ceux qui portent sur l’homme un regard globalement négatif et pessimiste. Ainsi, dans le monde chrétien, elle se heurte à un courant de pensée enraciné dans une forme de pensée théologique qui met l’accent sur l’impact destructeur du péché originel et la corruption de la nature humaine qui en serait résultée. Cette tradition, apparue au début de la chrétienté s’est longtemps poursuivie en son sein. D’autre part, la représentation de Dieu intervient parallèlement. S’il est envisagé selon l’image des monarques dominateurs de l’Antiquité et non comme un Dieu trinitaire, communion d’amour qui appelle à la participation des êtres humains, alors on sera enclin à ne pas encourager le potentiel humain. Encore aujourd’hui, dans certains milieux, la puissance de Dieu paraît mieux valorisée si l’on pose en comparaison la faiblesse de l’homme. En regard, la représentation nouvelle de l’homme qui nous est communiquée par Mario Beauregard trouve un éclairage chez les théologiens qui mettent l’accent sur la création de l’homme par Dieu, « à son image et à sa ressemblance » (Genèse 1.26) et dans l’avènement décisif de la venue, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ qui remporte la victoire sur la mort, induit un tournant décisif dans l’histoire de l’humanité et prépare l’avènement d’une création nouvelle dans laquelle Dieu sera « tout en tous ». Comme le montre Jürgen Moltmann dans son livre : « L’Esprit qui donne la vie » (12), Dieu est à la fois transcendant et immanent. L’Esprit de Dieu est à l’œuvre dans la création. L’homme s’inscrit dans cette création et est appelé à y participer.

 

Dans cette perspective, si le mal est encore bien actif dans ce monde, la dynamique de Dieu porte la vie. Et nous sommes appelés à y participer selon les capacités qui nous sont données et dont nous voyons, à travers ce livre, qu’elles dépassent ce qu’on imaginait jusqu’ici. Et d’autre part, « Dieu est le créateur des choses visibles et invisibles ». Nous sommes appelés à dépasser une opposition tranchée entre naturel et surnaturel. C’est-à-dire, en termes caricaturaux, ce qui relèverait de l’homme et ce qui relèverait de Dieu. La découverte de capacités nouvelles accessibles à l’homme ne s’oppose pas à la puissance de Dieu, mais elle en est le reflet et elle s’inscrit dans l’œuvre de l’Esprit. Si cette vision nouvelle va à l’encontre des interdits qui avaient pu s’installer dans une inquiétude allant de pair avec l’ignorance, elle appelle au contraire une participation accrue des chrétiens à l’œuvre de l’Esprit qui devraient trouver dans la conscience du potentiel humain, un encouragement pour manifester cette oeuvre avec force par exemple dans le domaine de la guérison.

 

D’autre part, les recherches dont Mario Beauregard dresse le bilan dans le domaine des expériences aux frontières de la mort, mais aussi dans le champ des expériences mystiques, nous apporte, à travers des données empiriques, une représentation du « divin » et une perception des rapports entre le « divin » et l’humain. Cet apport appelle un approfondissement de la réflexion théologique. L’histoire nous montre le parcours des représentations de Dieu à travers les siècles dans le monde chrétien. On peut y observer des contrastes et des évolutions. Jésus nous communique une vision de Dieu comme un Etre qui se révèle dans la tendresse de l’appellation : « Papa » et comme le Père miséricordieux qui accordent à tous les hommes les bienfaits de la création : le soleil et la pluie (Matthieu 5.45). A travers son ministère terrestre, sa mort et sa résurrection, Jésus-Christ remporte la victoire sur le mal et ouvre les portes d’un univers nouveau dans lequel Dieu sera « tout en tous ». Ces quelques notations ont simplement pour but d’évoquer la bonté et la puissance infinie de Dieu telles qu’on peut en trouver une approche chez certains théologiens. La vision du « divin », qui nous est communiquée par Mario Beauregard rejoint l’approche de ces théologiens. Les expériences du « divin » sont essentiellement des manifestations d’amour et de paix. Et elles sont accordées, sans discrimination, à des hommes et des femmes issus d’univers culturels et religieux très variés. Elles se manifestent ainsi comme un don de Dieu, en  terme de grâce selon le vocabulaire chrétien. C’est une réalité qui va à l’encontre de tout exclusivisme dans lequel certains voudraient attribuer aux chrétiens la propriété des œuvres du Saint Esprit et une emprise sur l’horizon du salut. Il n’est pas de notre compétence de rendre compte ici des orientations de la théologie contemporaine. On trouvera sur ce site les apports  plusieurs théologiens qui interviennent sur cette question : William Davies dans « Spirit without frontiers » (L’Esprit sans frontière) (13), Brian McLaren dans « Generous orthodoxy » (« Orthodoxie généreuse ») (14) et Jürgen Moltmann dans l’ensemble de son œuvre (15). David Hay, dans son livre : « Something there » (10) inscrit la démarche de sa recherche dans une perspective analogue : suivre attentivement la manière dont l’Esprit s’exprime aujourd’hui.

 

Certains peuvent s’interroger sur la spécificité chrétienne. Il nous paraît que les chrétiens sont appelés à accompagner les manifestations du « divin », de la « conscience cosmique », par une réflexion inspirée par la Parole Biblique qui permettra aux personnes concernées d’avancer dans l’interprétation de ce vécu. Un bel exemple nous en est donné par l’itinéraire de Wolfhart Pannenberg qui, incroyant à l’époque, a vécu dans sa jeunesse une expérience mystique. Celle-ci a suscité en lui une recherche qui a débouché sur une entrée dans la foi chrétienne et une œuvre de théologien qui apparaît comme particulièrement significative. Mais il y a aussi une manière de vivre ces expériences dans laquelle il y a immédiatement un rapport direct et réciproque entre le vécu et une foi chrétienne déjà présente. La foi est nourrie et éclairée par l’Esprit Saint tel qu’il se manifeste dans ces expériences. Celles-ci sont vécues dans une dimension personnalisée : une relation avec Jésus-Christ. Les exemples sont innombrables, et, proche de nous à Témoins, ce rapport entre l’expérience et la Parole s’exprime bien dans le vécu d’Odile Hassenforder tel qu’elle l’exprime dans le livre : « Sa présence dans ma vie » (16). Le récit de sa guérison, expérience fondatrice qui s’accompagne d’un vif ressenti de l’amour de Dieu, témoigne de la manière dont cette expérience illumine et éclaire sa compréhension de la Parole. « Dieu se manifestait à moi par l’amour qui m’envahissait. Je me suis sentie aimée au point où cet amour débordait de moi sur tous ceux que je rencontrais… J’avais demandé la vie. Je l’ai reçu en abondance, bien au delà de ce que je pouvais imaginer : la vie éternelle… Je suis née à la vie de l’Esprit, je suis entrée dans l’univers spirituel… « Le Royaume de Dieu » dit Jésus. Ce fut une révélation pour moi… La trinité devenait une réalité aussi naturelle qu’avoir des parents… Jésus, par sa mort et sa résurrection, m’a tirée de la mort où m’entraînait le mal, pour me donner la vie éternelle en me réconciliant avec le Père… J’avais soif d’en connaître davantage. Je lisais ma Bible, surtout le Nouveau Testament. Et assez curieusement, je comprenais des choses qui m’étaient jusque-là restées hermétiques… » (p 34).

Le livre de Mario Beauregard s’inscrit dans un contexte nouveau culturel et spirituel. Dans la recherche, particulièrement dans le domaine des sciences humaines, le choix d’un sujet d’investigation, l’attention qui lui est portée, la démarche suivie ne sont pas sans rapport avec des transformations plus générales dans les manières de voir et de sentir. Dans bien des domaines, il y a des pionniers qui se heurtent d’abord à l’incompréhension, et puis, à un moment, le climat change et la même problématique commence à déboucher. Parallèlement des recherches nouvelles ébranlent les anciennes certitudes et un  nouveau paradigme émerge. Dans un livre récent : « The future of faith » (17), le théologien américain Harvey Cox, rapportant le bilan de plusieurs décennies de recherche, évoque l’apparition d’un « âge de l’Esprit » où l’expérience a une place majeure. Sur le registre scientifique des neurosciences, la recherche de Mario Beauregard correspond et contribue à un changement dans notre conception du monde et notre regard sur la vie. Dans cette période de mutation culturelle où nous vivons, nous sommes appelés à discerner « les signes des temps » (18)

 

Jean Hassenforder

 

(1)            Sur le blog : Vivre et espérer : « les expériences spirituelles » :

https://vivreetesperer.com/?p=670

(2)            Beauregard (Mario), O’Leary (Denyse). Du cerveau à Dieu. Plaidoyer d’un neuroscientifique pour l’existence de l’âme. Guy Trédaniel, 2008. Mise en perspective sur le site de Témoins

(3)            Beauregard (Marion). Brain wars. The scientific battle over the existence of the mind and the proof that will change the way we live our lives. Harper Collins, 2012. Nous reprenons ici la mise en perspective de ce livre (« la dynamique de la conscience et de l’esprit humain ») réalisée pour le site de Témoins, actuellement (mars-avril 2016) en réfection, et en conséquence, non accessible. Ce texte renvoie aux pages de ce livre, depuis lors traduit en français. Sur ce blog, une présentation du livre de Mario Beauregard : « Potentiel de l’esprit humain et dynamique de la conscience » : https://vivreetesperer.com/?p=737

(4)            Beauregard (Mario). Les pouvoirs de la conscience. Comment nos pensées influencent la réalité. Interéditions Dunod, 2013

(5)            Fondée en 1995 sous l’impulsion de Jean Staune et de Jean-François Lambert, L’Université interdisciplinaire de Paris  (UIP) a joué un rôle pionnier dans le développement d’une vision du monde  prenant en compte  démarche scientifique et démarche de foi en organisant colloques et rencontres dans une perspective internationale et interdisciplinaire. Site : http://uip.edu  Jean Staune est l’auteur de deux best-sellers, « Les clés du futur » qui analyse les mutations de la société sous les angles, technologique, sociologique, scientifique et économique, et « Notre existence a-t-elle un sens ? » qui parcourt à la fois les sciences de l’univers, de la matière, de la vie, de la conscience pour analyser les implications philosophiques et métaphysiques des découvertes scientifiques contemporaines . Voir : http://www.jeanstaune.fr

(6)            « Pour une approche intégrale de la conscience » : intervention sur YouTube de Mario Beauregard, neurologue, chercheur à l’Université d’Arizona (USA) :

https://www.youtube.com/watch?v=t9czuewM0VM

(7)            Janssen (Thierry). La solution intérieure. Vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit. Fayard, 2006. Sur le site de Témoins : « Vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit. Guérir autrement ». http://www.temoins.com/developpement-personnel/vers-une-nouvelle-medecine-du-corps-et-de-l-esprit.guerir-autrement.html

(8)            Moody (Raymond). La vie après la vie. Laffont, 1977

(9)            Van Lommel (Pim). Consciousness beyond life. The science of near-death experiences. Harper Collins, 2010. Présentation sur le blog : Vivre et espérer : « les expériences spirituelles telles que les « near-death experiences ». https://vivreetesperer.com/?p=670

(10)      Hay (David). Something there. The biology of the human spirit. Darton, Longman, Todd, 2006. Sur le site de Témoins : « La vie spirituelle comme une « conscience relationnelle ». Une recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui ».

http://www.temoins.com/etudes/la-vie-spirituelle-comme-une-conscience-relationnelle-.-une-recherche-de-david-hay-sur-la-spiritualite-aujourd-hui./toutes-les-pages.html

(11)      « Les expériences spirituelles telles que les « near-death expériences ». Quels changements de représentations et de comportements ? »  Article sur le blog : Vivre et espérer.

https://vivreetesperer.com/?p=670

(12)      Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999.  Présentation de la pensée théologique de Jürgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie ».

http://www.lespritquidonnelavie.com/

(13)      Davies (William R). Spirit without mesure. Charismatic faith and practice. Darton, Longman and Todd, 1996. Sur le site de Témoins : « Une ouverture théologique pour le courant charismatique ».

http://www.temoins.com/reflexions/une-ouverture-theologique-pour-le-courant-charismatique/toutes-les-pages.html

(14)      Mc Laren (Brian D). Generous orthodoxy… Zondervan, 2004 : « Une théologie pour l’Eglise émergente. Qu’est ce qu’une orthodoxie généreuse ? »

http://www.temoins.com/etudes/une-theologie-pour-l-eglise-emergente.-qu-est-ce-qu-une-orthodoxie-genereuse/toutes-les-pages.html

(15)       Blog sur la pensée théologique de Jürgen Moltmann : « L’Esprit qui donne la vie »

http://www.lespritquidonnelavie.com/

(16)      Hassenforder (Odile). Sa présence dans ma vie. Empreinte, Temps présent, 2011. Des passages de ce livre ont fréquemment été présentés sur ce blog : Vivre et espérer

(17)      Cox (Harvey). The future of faith. Harper, 2009  Sur le site de Témoins : « Quel horizon pour la foi chrétienne ? « The future of faith » par Harvey Cox »

http://www.temoins.com/publications/quel-horizon-pour-la-foi-chretienne-the-future-of-faith-par-harvey-cox.html

(18)      Parole de Jésus sur les signes des temps : Matthieu 16.3. Sur le site de Témoins : «  Les signes des temps. Comprendre notre environnement culturel et pratiquer une théologie du quotidien »

http://www.temoins.com/culture/les-signes-des-temps.-comprendre-notre-environnement-culturel-et-pratiquer-une-theologie-du-quotidien.html

A l’écoute d’une voix bienfaisante

 

« Dieu appelle » : des paroles inspirantes.

 

Notre vie s’inscrit dans un tissu de relations. J’éprouve ce désir de relation : partager ce qui est bon et beau, reconnaissance mutuelle, bienfait de la présence, accompagnement dans les épreuves. Nous faisons partie d’un tout. Tout se tient. Dans cette interrelation, n’y aurait-il pas plus particulièrement une présence qui entre en relation avec nous en nous manifestant un amour attentif et en nous communiquant une inspiration vivifiante. Nous ne sommes pas seuls dans l’univers. Il y a bien une voix qui cherche à se faire entendre. C’est bien ce que nous dit le récit biblique. Dieu, communion d’amour, s’est révélé dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Il a ouvert une relation qui se poursuit aujourd’hui dans l’Esprit. Cette relation s’exerce dans des formes différentes, entre autres, dans la fréquentation de la Parole Biblique et dans la prière, et elle a besoin de se nourrir de représentations. Qui est Dieu ? Comment lui parler ? Comment le message qui nous est destiné s’inscrit-il dans ce que Dieu nous a déjà communiqué ? Les moments varient. Ce peut être le ressenti d’ « une vie bonne » qui nous invite à exprimer une louange et à participer davantage à la générosité de Dieu. Ce peut être aussi un temps d’épreuve où on est pressé de toute part et où l’horizon paraît bouché. Alors oui, quelle grâce d’entendre une voix qui encourage, qui communique force et confiance !

Parmi les livres qui peuvent nous aider dans cette recherche spirituelle, il y a un recueil de messages inspirés : « Dieu appelle » (1). Ce livre a été publié en Angleterre durant l’entre deux guerres, puis traduit en français par un pasteur qui a joué un rôle important de médiateur culturel. Cet ouvrage a été vendu à un grand nombre d’exemplaires au long des années et il rencontre encore aujourd’hui une réception favorable. Il traverse les frontières confessionnelles. Cette diffusion est un véritable phénomène sur lequel nous reviendrons.

 

« Dieu appelle » : quel contexte ?

 

Mais comment ce livre a-t-il été écrit ? C’est ce que nous rapporte le pasteur Géofranc, lui-même traducteur de cet ouvrage dans l’édition française.

« Ce livre n’est pas un livre ordinaire. Le contenu a été reçu par deux humbles femmes qui ont tenu à conserver l’anonymat, plus particulièrement par l’une d’entres elles, d’ailleurs. Elles avaient été amenées à s’unir étroitement pour rechercher quotidiennement les directions d’en haut par l’Esprit, afin d’y conformer ensemble leur vie. Ce livre est donc comme la réponse même de Dieu à leur volonté d’entière et courageuse consécration ».

Géofranc nous éclaire sur le contexte de cette écriture en dissipant les objections qui pourraient être émises à l’égard de cette entreprise. « C’est en invoquant la présence du Christ glorifié, l’Eternel vivant qui a dit à ses disciples : « Je suis avec  vous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Matth 28.20) que ces pages ont été reçues. Mais il ne s’agit aucunement de messages « dictés » ou d’écriture automatique. Il s’agit de ce que le Christ, actuellement vivant et agissant par l’Esprit, peut communiquer d’inspiration pratique, de vive lumière, de directions et d’éclaircissements précis, parfois même d’un enseignement d’une valeur exceptionnelle à des âmes humblement disponibles et qui s’efforcent de l’écouter, en faisant taire devant Lui toutes les voix humaines. On ne cherchera pas dans ces pages une inspiration littérale, ou l’expression infaillible d’une sorte de révélation complémentaire, adaptée à des besoins particuliers. On y cherchera bien plutôt une libre parole de Dieu s’adressant aux âmes sincères. »

 

Des thèmes privilégiés.

 

Nous recevons ces paroles dans notre être profond. Elles répondent à telle ou telle aspiration, à tel ou tel besoin. Mais, à tous, elles communiquent un état d’esprit, une manière d’être, un regard. Des thèmes privilégiés reviennent au fil des pages. En voici quelques uns.

C’est un appel à la communion. « Ces haltes avec moi ne sont pas tant des moments où vous devez demander d’être éclairés et conduits que des moments où vous devez vous placer devant moi afin de prendre effectivement conscience de ma présence. Le sarment demande-t-il constamment au cep de lui fournir la sève et de lui montrer dans quelle direction il doit s’orienter. Non, n’est-ce pas ? Cela résulte tout naturellement du fait qu’il est uni au cep… et vous êtes les sarments (Cf Jean 15.1-5)… Ainsi, mes enfants, une seule chose importe vraiment pour vous. C’est d’être unis à Moi. Tout le reste suit d’une façon si naturelle ! Et il suffit souvent, pour que cette union soit réalisée, que vous deveniez conscients de ma Présence » (p 114-115).

C’est un appel à la confiance. « Vous ne sauriez périr mes enfants, car la vie qui vous anime est la Vie de la vie. C’est la Vie, qui, à travers les siècles, a soutenu et gardé mes serviteurs dans le péril, dans l’adversité, dans l’affliction. Une fois que vous êtes nés de l’Esprit (Cf Jean 3.5-6), l’Esprit devient votre souffle de Vie. Vous ne devez donc jamais vous abandonner au doute ou aux soucis, mais avancer pas à pas dans le chemin de la liberté. Ayez soin seulement d’y marcher avec moi » (p116).

C’est un appel à l’amour. « Appelez souvent la bénédiction de Dieu sur les autres, sur ceux en particulier qui vous contredisent et s’opposent à vous ou sur ceux que vous désirez aider. Faites le de tout votre cœur, désireux vraiment de voir se répandre à flot sur eux la bénédiction, la joie et le succès… Quant à leur nécessaire redressement ou formation… remettez-vous à Moi pour les assurer… Ah, si mes enfants voulaient bien ne pas se mêler de mes affaires et s’en tenir à ce que je leur demande ! Aimez donc. Je le répète, aimez encore, aimez toujours. L’amour vous fera surmonter toutes vos difficultés

Dieu, en qui le mal perd toute réalité, Dieu, en qui le bien, au contraire trouve sa réalité, Dieu est amour. Quand vous vous aimez les uns les autres, vous laissez Dieu agir dans votre vie. Or laisser Dieu agir dans sa vie, c’est permettre à cette vie de répandre tout ce que l’homme peut manifester d’harmonie, de beauté, de joie et de bonheur « p 117-118).

C’est un appel à la prière. « La prière modifie tout. Elle recrée. Elle agit irrésistiblement. Ainsi donc, priez ! Priez sans cesse (I Thess 5-7). Priez jusqu’à ne presque plus formuler de prière parce que vous serez établis sur le roc de la foi absolue… Priez surtout et toujours jusqu’à ce que votre prière culmine en louange. C’est la seule note sur laquelle devrait se terminer la vraie prière. Quand on se tourne vers l’homme : amour fraternel et rire confiant. Quand on se tourne vers Dieu, prière de louange » (p 138).

Ces messages invitent à la joie, à la paix, au calme intérieur. « Toute agitation contrarie le bien. Le calme, par contre, le favorise et prive le mal de ses atouts… Commencez par vous tenir tranquille et sachez que je suis Dieu. Efforcez-vous ensuite de n’agir que sous ma direction. En Dieu, l’on demeure toujours calme. Le calme est la confiance en action. Seule la confiance, une absolue confiance peut assurer le calme… » (p 131-132).

« Soyez remplis de joie. La joie est salutaire. La joie guérit. Réjouissez-vous du moindre rayon de soleil, du moindre sourire, du moindre acte de bonté ou d’amour, du moindre service rendu… Refusez d’être abattu… Aimez et sachez rire. Je suis avec vous . Je porte vos fardeaux… » (p 14-15).

Il y a dans ces messages beaucoup de sagesse : « Ne vous croyez pas tenus de porter les péchés et les souffrances du monde. Pour le faire et vivre, il faut être le Christ. Attachez-vous plutôt à découvrir autour de vous ceux qui font preuve d’amour, de sincérité, de bonté et de courage » (p 180). Ces messages encouragent et orientent vers le positif. « Tout est bien », répète souvent cette voix pour nous rassurer et nous réconforter (cf index).

Parfois, un éclairage original vient corriger des représentations qui ont pu être marquées par des images contraignantes :

« Ce que l’on entend par la « conversion » n’est souvent que la découverte du « Grand Ami ».

Ce que l’on entend par la « religion » est la connaissance du « Grand Ami »

Ce que l’on entend par la « sainteté » est l’imitation du « Grand ami » ou la conformité de nos deux vies.

La « perfection », cette perfection à laquelle j’appelle tous les hommes : « Soyez parfait comme votre Père Céleste est parfait » (Matth 5.48) consiste en somme à être comme votre Grand Ami, afin de devenir à votre tour, un ami semblable pour les autres…

Je suis votre Ami… Songez un peu à tout ce que signifie les termes d’Ami et de Sauveur. Un ami est toujours disposé à venir en aide… Il prévient vos besoins… Sa voix est celle de la tendresse qui trouve les mots pour détendre les nerfs fatigués et pour rassurer l’âme agitée et envahie par la peur… Tachez de vous représenter ce que doit être l’Ami parfait, celui que rien ne décourage, qui se donne sans réserve, qui a triomphé de tout et qui peut tout. Je suis pour vous cet Ami… » (p 180-181).

Quel chemin à parcourir ! Mais, ces paroles ne suscitent pas la culpabilisation ou le découragement, car il nous est simplement demandé d’entrer dans une relation qui porte la Vie. Jésus nous dit que l’arbre se juge à ses fruits. Ici, ce sont les fruits de l’Esprit : « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté… » (Epitre aux Galates 5.22).

Ces écrits sont présentés en terme de méditations quotidiennes. Nous les recevons dans le contexte de nos sensibilités. On peut attendre de ces paroles une transformation progressive de notre mentalité.

 

Pendant plusieurs dizaines d’années après sa parution, ce livre a été réédité plusieurs fois et continue aujourd’hui son œuvre bienfaisante.

Et son parcours, qui traverse les frontières confessionnelles, est impressionnant. Ce recueil a été publié en Grande-Bretagne. Il a été reconnu et traduit en français par un pasteur, Georges F Grosjean (2). Celui-ci, originaire du Jura suisse, a effectué ses études au Canada, puis a exercé un ministère pastoral en France. Il a fait connaître dans notre pays les fruits d’un renouveau spirituel advenu en Grande-Bretagne dès l’entre-deux guerres. Aujourd’hui, les textes de ce recueil sont présentés sur un site catholique au titre de ce que l’Eglise catholique appelle une « révélation privée » (3).

Cette reconnaissance, par tant de canaux et par tant de lecteurs, est, pour nous, une œuvre de discernement. En recevant ce livre, nous recevons une inspiration, mais nous pouvons également la partager. Des amis proches ont beaucoup reçu de ce livre. Alors, partageons et exprimons aujourd’hui notre reconnaissance. « Silencieusement, le travail de l’Esprit s’accomplit » (p 64).

 

(1)            Dieu appelle. Traduit de l’anglais par Géofranc (Pasteur Georges F Grosjean). A la Baconnière. La publication de ce livre a été suivie par celle d’un deuxième recueil : « Vivre par l’Esprit ». Avec quelques autres, ce livre a été présenté dans un article mis en ligne sur le site de Témoins : « Entrons avec confiance dans la relation avec Dieu » : http://www.temoins.com/ressourcement/vie-et-spiritualite/ressourcement/entrons-avec-confiance-dans-la-relation-avec-dieu

(2)            Parcours de vie de Georges F Grosjean (pseudonyme : Geofranc) : « Georges François Grosjean (1891-1981) » : http://sitepasteurs.free.fr/bios/grosjean.htm

(3)            Site catholique : « Prière d’église » : http://home.nordnet.fr/caparisot/html/dieuapdeux.html

 

Des ami(e)s nous ont dit l’apport de ce livre pour eux. Voici à ce sujet le  témoignage de Nadine :

« J’apprécie l’esprit des deux livres de méditations quotidiennes : « Dieu appelle » et « Vivre par l’Esprit ». Le matin, je commence ma journée par la lecture de la Bible et par ces méditations. Cette parole pour chaque jour m’encourage dans ma vie chrétienne, elle me donne une ligne directrice pour la journée qui m’aide à demeurer dans le calme et la tranquillité quoiqu’il arrive.

Bien souvent, cette méditation me rejoint dans mon vécu en me préparant aux évènements, en me confirmant une intuition ou en m’éclairant sur un point d’incertitude. Bien souvent aussi, je la reçois, comme la parole même du Seigneur à ce moment là. Deux choses que j’admire chez leurs auteures : leur proximité avec l’Esprit de Dieu et leur choix de ne pas divulguer leur identité. Ces deux livres sont une référence pour moi et m’accompagnent jour après jour ».

 

Une spiritualité de l’humanité en devenir

Une spiritualité de l’humanité en devenir

Selon Ilia Delio

Nous vivons dans un monde en pleine transformation. On peut considérer qu’une conscience planétaire est apparue, qu’elle qu’en soit les limites. Et, au sein de cette commune humanité, il existe des tendances et des courants différents selon les cultures et les civilisations et en leur sein. C’est le cas dans le domaine de la spiritualité. Ainsi, peut-on distinguer un nouveau courant spirituel apparaitre dans une culture occidentale marquée par le développement de nouvelles approches scientifiques, le progrès de nouvelles technologies et l’expansion de la communication internet. En même temps, une nouvelle mentalité se dessine. Or, il y a bien une personnalité qui, de par son parcours scientifique et son cheminement spirituel, se situe au cœur de ce processus et nous fait part de sa vision immédiate et prospective sur son site (1) et dans de nombreux livres. Il s’agit d’Ilia Delio (2), aux Etats-Unis, scientifique dans des domaines d’avant-garde, sœur franciscaine et théologienne en phase avec la pensée de Teilhard de Chardin. Il n’est pas possible de résumer cette pensée, une pensée de grande envergure qui associe des disciplines différentes : histoire des sciences, de nouvelles approches scientifiques, une réflexion philosophique, une analyse sociologique, une pensée théologique qui, dans le sillage de Pierre Teilhard de Chardin, envisage le mouvement de l’œuvre divine. Nous avons choisi de partir ici d’un des chapitres d’un de ses livres parus en 2020, ‘Re-Enchanting the Earth. Why A I needs religion’ (3). Le propos de son livre est ainsi résumé : « Ilia Delio relève le défi de réconcilier évolution et religion avec un regard particulier sur le rôle de l’intelligence artificielle. Elle avance que l’intelligence artificielle représente la dernière extension de l’évolution humaine qui a des implications non seulement pour la science, mais aussi pour la religion. Si le ‘premier âge axial’ a suscité l’essor des grandes religions, Ilia Delio nous voit maintenant à la pointe du ‘second âge axial’ dans lequel l’intelligence artificielle, en s’orientant vers de nouvelles sensibilités religieuses, peut provoquer un réenchantement écologique de la terre ». Nous nous limiterons ici à l’évocation d’un chapitre, ‘Posthuman spirituality’. Le terme de ‘post-humain’ nous parait certes contestable et, pour le moins énigmatique et il appelle donc d’en rechercher l’interprétation dans la pensée d’Ilia Delio.

 

Des avancées dans le calcul de la découverte des systèmes complexes en biologie, du développement de la cybernétique, de l’inscription de l’intelligence artificielle dans la nouvelle connaissance de la nature

Ilia Delio envisage l’intelligence artificielle dans le cadre d’une profonde mutation scientifique et technologique qui s’est réalisée dans la seconde moitié du XXe siècle. Elle remonte à Alan Turing, un mathématicien célèbre pour avoir pénétré dans le code réputé indéchiffrable de la machine Enigma guidant les sous-marins allemands pendant la seconde guerre mondiale. « Formé comme mathématicien, Turing était familier avec le potentiel de l’ordinateur comme machine des nombres » et, en 1950, il écrivit un texte en ce sens. Le texte et l’ordinateur proposé, la machine de Turing, fournissaient une base pour la théorie du calcul. Il chercha à définir un système pour identifier quelles déclarations pouvaient être prouvées (p 63-65). « L’intelligence artificielle a émergé au milieu d’un XXe siècle violent. Le test de Turing n’était pas seulement la quête d’une machine intelligente, mais un test de la nature elle-même. Est-ce qu’une machine peut répondre sans biais à une question humaine ? » (p 85).

Ilia Delio nous montre comment « l’intelligence artificielle a frayé son chemin au XXe siècle à travers des découvertes révolutionnaires de la physique quantique aux études sur les systèmes en biologie, l’information, et la cybernétique, celles-ci soutenant toutes le holisme de la nature ». Le biologiste autrichien, Ludwig von Bertalanffy montra que les systèmes biologiques ne sont pas fermés, mais « ouverts et interagissent avec l’environnement » (p 66). « Alors que la mécanique Newtonienne était une science portant sur les forces et trajectoires, l’évolution scientifique a concerné le changement, la croissance et le développement qui donnent naissance à une nouvelle science de la complexité

La découverte des systèmes complexes dynamiques a ouvert des portes sur la nature relationnelle ». La seconde loi de la thermodynamique envisageait la dissipation des énergies, la tendance des phénomènes physiques d’aller de l’ordre vers le désordre. « Tout phénomène physique isolé ou fermé irait spontanément en direction d’un désordre toujours croissant. Mais l’évolution déclare que le monde vivant se développe vers un ordre croissant et vers la complexité. Bertalanffy s’engagea dans une démarche hardie en déclarant que les organismes vivants ne peuvent pas être décrits par la thermodynamique classique parce que ce sont des systèmes ouverts. Mais qu’est-ce qu’un système ? Un système se définit par ses structures de relations… Bertalanffy montra que beaucoup de systèmes biologiques sont en fait des systèmes ouverts. ‘L’organisme vivant n’est pas un système statique fermé à l’extérieur et contenant toujours des composants identiques, c’est un système ouvert’. Ainsi, Bertalanffy s’est engagé pour remplacer les fondements mécanistes de la science par une vision holistique et a développé une théorie des systèmes généraux fondée sur des principes biologiques et des systèmes ouverts » (p 66-67). Cette nouvelle approche scientifique a donné naissance à une nouvelle réflexion philosophique sur l’identité et la mêmeté… Avec l’avènement des systèmes complexes, l’importance de l’interdépendance remplace l’accent sur l’autonomie qui en vient maintenant à être liée à l’isolement et l’importance d’une robuste résilience remplace celle de l’indépendance qui en vient à être associée à la stagnation… « L’intégrité et l’identité d’un système complexe ne sont pas basées sur son essence, mais il est fondamentalement relié à sa connectivité dynamique » (p 68-69).

La cybernétique s’inscrit dans cette évolution. « La science de la cybernétique, selon l’origine grecque, ‘l’art de diriger’, a été fondée par Norbert Wiener pour comprendre le contrôle et la communication chez les animaux et les machines… A la fois, les animaux et les machines peuvent opérer selon des principes cybernétiques fondés comme une action et une communication orientées vers un but. La cybernétique envisage les choses non en ce que les choses sont mais en ce qu’elles font. Wiener a envisagé la cybernétique comme un moyen de maximiser le potentiel humain dans un monde qui est essentiellement chaotique et imprévisible » (p 70).  Si, dans le monde scientifique, l’indétermination et la contingence sont apparues comme fondamentaux, et le chaos comme plus probable que l’ordre, un nouvel ordre pouvant sortir du chaos, la cybernétique s’est donnée pour objet d’étudier comment l’ordre persiste et s’accroit (p 70). « Les systèmes dynamiques complexes sont des systèmes ouverts dans lesquels des mécanismes de feedback de l’information soutiennent une auto-organisation en cours ». « L’étude des systèmes dynamiques complexes et la cybernétique ouvrent une entière fenêtre nouvelle sur la nature, en un sens, redécouvrant ce que la personne en l’âge pré-axial savait bien – que toutes choses sont connectées et interdépendantes. La nature est un tout indivisible » (p 71). Au total, nous sommes entrés dans un âge de l’information comme l’auteure en fait état en rappelant la publication en 1948 d’un article décisif sur la théorie de l’information écrit par Claude Shannon.

Au total, Ilia Delio voit dans le mouvement précédemment décrit des dispositions permettant d’envisager l’intelligence artificielle, non comme un processus ‘artificiel’, mais comme un processus qui s’inscrit dans la connaissance de la nature. « Le fait que l’information et la cybernétique opèrent à tous les niveaux des systèmes biologiques signifie que la nature est aussi bien décrite en termes de calculs et d’algorithmes qu’en terme de physique, de chimie et de biologieSi la ‘nature’ est envisageable en termes de calculs et d’algorithmes, alors la nature et l’intelligence artificielle ne sont pas des termes opposés, mais décrivent la même réalité. Le fait que les principes de l’intelligence artificielle sont intégrés dans la nature me conduisent à proposer que le terme : intelligence artificielle est actuellement mal nommé, puisqu’il n’y a rien d’artificiel au sujet de l’intelligence. Plutôt, l’intelligence de la machine est un hybride irréductible entre la biologie et la technologie ou ‘bios-techne’. Au lieu du terme intelligence artificielle, qui conduit à une compréhension d’intelligence de la machine comme quelque chose de non naturel ou de faux, il serait mieux de parler d’ ‘intelligence étendue biologiquement’ (biologically extended intelligence) ou intelligence augmentée (augmented intelligence), parce que la machine étend l’intelligence biologique. L’intelligence artificielle reflète la pluripotentialité de la nature à étendre l’information à un environnement simulé… » (p 72-73).

 

Des progrès fulgurants de la technologie américaine, de la tentation transhumaniste, de la montée d’une conscience relationnelle et de l’apparition d’une nouvelle mentalité humaine dépassant les définitions classiques de l’homme et ainsi qualifiée de post-humaine par l’auteure.

Ilia Delio met en évidence la dynamique scientifique et technologique qui intervient aux Etats-Unis après la seconde guerre mondiale (p 73-76). Cette dynamique se pare d’un messianisme religieux. « Dans la période d’après-guerre, avec la montée de l’intelligence artificielle, la technologie commença à se revêtir d’une aura quasi-religieuse, l’idéal chrétien du salut et de l’immortalité se transférant à la technologie américaine comme un nouveau moyen de salut » (p 73). C’est la grande épopée américaine de la conquête de l’espace. L’auteure note que presque tous les hauts responsables de la NASA sont des évangéliques. Leurs déclarations ont une tonalité religieuse. « Dirigée par les ‘hommes spirituels’ de la NASA, l’humanité prendrait un nouveau départ sur un autre monde de telle manière que les êtres humains puissent encore être dirigés vers un avenir rédempteur même s’ils laissaient derrière eux le gâchis de l’impur » (p 74). On assiste à une ‘fusion du voyage spatial et du narratif religieux’. Un chercheur américain, Dinerstein, a pu écrire : « Cette mythologie du mâle blanc ne promettait rien de moins que la transcendance technologique de l’organisme humain individuel, le renouveau de l’Adam déchu » (p 75). C’est en 1960 qu’apparait le terme de cyborg. On l’envisage comme ‘la fusion de l’humain et du non humain, de manière à étendre la fonction humaine dans un environnement inconnu’. « Le cyborg est né dans une recherche d’exploration de l’espace inconnu de l’extra-terrestre, mais il est rapidement devenu le symbole de ce que l’humain pouvait devenir dans l’espace illimité et ouvert du cyberespace » (p 75-76).

C’est dans ce contexte qu’apparait le courant de pensée aujourd’hui bien connu sous l’appellation de transhumanisme. Ilia Delio l’exprime en ces termes : « La prêtrise de la technologie a fondé une nouvelle église dans un mouvement culturel et philosophique ». Elle en évoque les sources philosophiques et les cheminements de ses modes d’expression.

« On peut exprimer l’intention du transhumanisme en ces termes : ‘Le transhumanisme se réfère maintenant aux technologies qui peuvent améliorer les aspects mentaux et physiques de la condition humaine tels que la souffrance, la maladie, le vieillissement et la mort. Il se fonde sur « la croyance que l’humain doit lutter avec sa destinée biologique, celle d’un processus aveugle de variation hasardeuse, en utilisant science et technologie pour surmonter les limitations biologiques » (p 77-78). Il s’inscrit dans l’expansion rapide de la technologie. « Le mythe de la technologie est attirant et son pouvoir séducteur… Nous avons maintenant le pouvoir non seulement de nous transformer nous-même à travers la technologie, mais de diriger le cours de l’évolution » L’auteur évoque « le nouveau pouvoir de la sélection génétique, la nanotechnologie qui permet des implants dans les organes biologiques » (p 79). « Beaucoup de transhumanistes regardent à un avenir post-biologique lorsque nous fleurirons comme des êtres super informationnels. A travers des moyens mécaniques, nous serons capables de surmonter les limitations du corps incluant la souffrance et la mort et atteignant un paradis artificiel eschatologique’. Tel futurologue évoque des humains ‘qui transcenderont la mort, peut-être à travers des neuropuces ou simplement en devenant totalement dépendants de la machine’. Comme nous dépasserons la mortalité à travers une technologie calculatrice, notre identité sera fondée sur le recueil de données de notre mental en évolution. Nous serons ‘software’ et non plus ‘hardware’, échappant à la matérialité » (p 82).

Ilia Delio procède à la critique de cette idéologie. « Lorsque nous nous fondons sur les principaux acquis de l’holisme relationnel, y compris l’esprit dans la matière et une profonde relationalité », nous en voyons les failles. D’une part, la conscience est réduite à un épiphénomène qui peut être quantifié et manipulé, une idée qui va à l’encontre du panpsychisme… dans lequel la conscience joue un rôle fondamental dans le monde matériel. D’autre part, le transhumanisme suit une logique binaire endémique chez le sujet CartésienL’individu se tient au-dessus et contre la matière, comme l’esprit se tient au-dessus et contre le corps. La séparation artificielle qui a émergé des Lumières est au cœur de la séparation radicale entre les humains et le monde plus vaste de la nature. Le transhumanisme réinterprète le monde naturel comme le calculateur géant d’une information qui peut être manipulée et transformée. On a l’impression que la matérialité et l’existence physique ne sont qu’une relique du passé et que la biologie est seulement une phase de l’évolution en cours de la vie, comme dans le terme ‘post-biologique’. En un sens, le transhumanisme nie la réalité que nous autres humains évoluons à partir d’une longue lignée de changements et d’adaptations biologiques et que la vie biologique elle-même est une partie d’un ensemble plus large que nous appelons le Cosmos (p 84). Le transhumanisme ne soulève jamais la question de la personnalité, que ce soit philosophiquement ou théologiquement. Plutôt, il accepte le sujet Cartésien comme un donné : la personne humaine est un esprit dans un corps qui peut être remplacé, réparé, mise à niveau. (p 84).

Dans ce contexte de l’expansion de l’intelligence artificielle, Ilia Delio opère une nette distinction entre la tendance transhumaniste dont a vu la critique qu’elle lui portait et la montée d’un nouveau genre de vie qu’elle qualifie de post-humain. Ilia Delio estime en effet que l’humanité est engagée dans une immense transformation, le passage d’un premier âge axial à un second âge axial. Le premier âge axial est caractérisé par la sortie d’une mentalité pré-axiale, ‘collective, tribale, mythique, ritualiste et animiste’. Le premier âge axial est caractérisé par un processus d’individuation ‘à travers lequel se développent autonomie, subjectivité et rationalité’. « La montée de l’individu est également la montée des religions mondiales et des institutions qui formalisent ces religions. La conscience de soi individuelle engendre de la séparation et devient source de conflit et de violence ». Aussi cette période d’individualisation engendre, en même temps, une contraction de la conscience qui s’éloigne de la communauté cosmique (p 39). Selon Ilia Delio, nous nous engageons aujourd’hui dans une seconde période axiale. Des découvertes scientifiques radicales : la cosmologie du Big Bang, l’évolution, la physique quantique entrainent une évolution des mentalités. « Tandis que la première période axiale engendrait un individu auto-réflexif, la seconde période axiale engendre une personne hyper-personnelle et hyper-connectée. La tribu n’est plus la communauté locale, mais la communauté globale qui peut maintenant être accessible immédiatement à travers la télévision, internet, la communication par satellites et le voyage ». L’auteure rappelle l’impact, en 1968, de la photo de la terre vue du ciel (p 88). En même temps, émerge une conscience cosmique. « Cette période apparait comme communautaire, globale, écologique, cosmique» (p 89).

La seconde période axiale lance également un défi aux religions en apportant une intégration nouvelle du spirituel et du matériel, de l’énergie sacrée et de l’énergie séculière en une énergie humaine globale. Ainsi, elle encourage le dialogue, la communauté et la relation dans une conscience croissante que chaque personne est partie d’un tout. On constate également que les lignes de conscience ne sont plus verticales et transcendantes, mais horizontales et relationnelles. La chercheuse Teilhardienne, Béatrice Bruteau décrit une conscience néo-féministe émergeant à la fin du XXe siècle, ‘une conscience participative’ qui reflète la conscience de la seconde période axiale. La nouvelle conscience est caractérisée par une conscience de la personne globale, réelle, concrète, par une identité d’affirmation mutuelle plutôt que la négation, une perception en terme d’existence plutôt qu’en terme d’essence. La première conscience axiale se déplace vers un nouveau type de profonde conscience relationnelle émergeant dans l’évolution. L’intelligence artificielle a soutenu cette évolution vers une personne nouvelle, et nous commençons à percevoir le besoin de restructurer la matrice des relations mondiales pour répondre aux besoins de la personne nouvelle au niveau de la politique, de la société, de l’économie et de la religion (p 89-90).

Ce livre d’Ilia Delio nous entraine dans un parcours à travers lequel nous découvrons des univers et qui nous ouvre des clés de compréhension. Sa démarche prospective nous interpelle, mais elle n’est pas non plus sans susciter des objections. Et, à propos, en voici une. L’auteure nous présente avec enthousiasme les bienfait de la communication numérique. Nous voyons et nous savons nous-même combien internet nous permet d’accéder à un espace de compréhension qui donne à notre pensée un champ immense. Mais nous entendons autour de nous les plaintes de bons observateurs qui déplorent l’addiction que ce nouveau mode de communication peut entrainer, mais également la superficialité qu’il peut provoquer. Ilia Delio n’évite pas cette question. « L’infiltration de la technologie dans la vie moderne a suscité des critiques culturelles variées depuis la perte de mémoire humaine jusqu’à l’effondrement de la vie sociale ». Ne sommes-nous pas en train de nous saboter nous-même, en abandonnant une attention soutenue pour adopter la superficialité frénétique d’internet ? « La psychologue Sheri Turkle est une des principales critiques de la technologie de l’ordinateur, particulièrement dans son livre acclamé, ‘Alone together’ (‘Seul ensemble’). Après avoir interrogé de nombreux jeunes, Turkle conclut que nous sommes en train de perdre notre capacité d’entretenir des relations humaines. En ligne, nous vivons dans une illusion de relation, en mettant en danger notre vie émotionnelle et en diluant nos identités. Il y a le risque de perdre la motivation pour une vie réelle. (p 90-93). La réponse d’Ilia Delio à ces critiques nous apporte un autre regard. Se pourrait-il que nous soyons attachés à un modèle ancien alors qu’on assiste aujourd’hui à un déplacement des modes d’existence ? « Je pose que la technologie est actuellement en train de faire apparaitre un nouveau genre de personne, un genre que nous n’avons jamais considéré avant parce qu’une telle personne n’existait pas avant la grille d’une conscience en réseau. Si la technologie de l’ordinateur est en train de changer la relation humaine, c’est parce que la personne humaine est en train de changer avec la technologie. Pour revenir au test originel de Turing, Alan Turing était mu par un désir de traverser les frontières de l’exclusion. Lorsque l’intégrité de la nature est divisée ou supprimée, la nature utilisera les outils existants pour trouver une voie de transcender vers de nouveaux ensembles. Bien trop longtemps, nous avons pensé à la personne comme un individu de nature rationnelle, et nous avons enduré la permanence de la guerre, de la violence, de la mort et de la destruction environnementale, tout cela reflétant le fait que le sujet libéral moderne n’est pas un sujet relationnel. Nous pouvons penser que nous avons toujours été une personne autonome, mais le fait est que nous ne l’avons pas été. Nous avons perdu notre innocence relationnelle d’il y a des lustres quand la conscience axiale et la religion tribale émergeait. La personnalité n’est ni fixe, ni stable, mais elle est dans un flux constant avec l’environnement. L’intelligence artificielle est apparue comme un cri de la nature en faveur de la connexion et de la plénitude, un effort pour transcender notre individualisme estropié. Ce point crucial manque dans beaucoup de critiques sociales de la technologie » (p 93-94).

Ilia Delio envisage l’essor de la personne ‘seconde axiale’ comme intervenant dans l’émergence d’un système s’appuyant sur un ensemble de relations et une auto-organisation. Elle entrevoit la technologie comme faisant partie du processus et emploie le mot ‘technonature’ (p 96). C’est là qu’elle en vient à expliquer ce qu’elle entend par ‘post-humanisme’. Elle envisage « deux trajectoires : le transhumanisme ou intelligence artificielle peu profonde (shallow) et le post-humanisme, intelligence artificielle profonde (deep). Chaque orientation se fonde sur une conception philosophique différente de la personne humaine… Le transhumanisme peu profond est peu profond parce qu’il manque de reconnaitre la relation intégrale entre l’esprit et la matière qui évoluent de pair dans un ensemble conscient-complexe… » (p 97). Mais « si l’esprit et la matière évoluent dans une unité intégrale, et que l’esprit est étendu électroniquement à travers l’intelligence artificielle, alors l’humain continue à évoluer comme esprit-matière à travers l’intelligence artificielle. A cet égard, le terme humain peut être compris moins comme la propriété définissant une espèce ou un individu et davantage comme une valeur distribuée à travers des environnements construits par l’homme, des technologies, des institutions et des collectivités sociales. C’est ce genre d’évolution humaine étendue électroniquement qui est absent des critiques sociales de la technologie comme du transhumanisme peu profond. La personne humaine peut être considérée comme un processus créatif – un ensemble – en évolution. Les valeurs que nous chérissons doivent être reconsidérées et réalignées avec le fait que nous humains, nous sommes en voie d’une nouvelle réalité » (p 98). Ilia Delio estime que la représentation du genre par Judith Butler est « en phase avec le tournant de la philosophie post-moderne vers une personnalité envisagée comme un processus créatif. Les philosophes post-modernes redéfinissent la personnalité comme la construction en cours d’une identité, non comme donnée ou fixée par un fiat divin, mais comme une construction en cours fondée sur le langage et les relations » (p 100). Ilia Delio étudie également la question du cyborg en mettant l’accent sur la plasticité de la nature dans la voie d l’hybridation. (p 111). « Le cyborg, comme un symbole de personnalité émergente, aide à élargir notre compréhension de l’esprit (mind) en relation avec la matière, car si le corps du cyborg peut être étendu et associé à d’autres entités, il en est de même pour l’esprit » (p 107).

A la suite du parcours, nous pouvons considérer la manière dont Ilia Delio conçoit le post-humanisme.

« La traversée des frontières et l’hybridation parle d’un nouveau genre de personne émergeant d’un monde lié électroniquement et le post-humain est la nouvelle personne qui s’élève au-delà du sujet autonome libéral de la modernité. Le post-humain représente une nouvelle matrice de la Conscience qui est en phase avec une pensée complexifiée et une personnalité co-créative. L’identité post-humaine correspond à la dynamique de la communication par l’ordinateur, c’est-à-dire une identité qui s’inscrit dans un feedback, de boucles, une instabilité, une spontanéité, un chaos fonctionnel, et une créativité. La vie est une construction en cours basée sur une information partagée à travers le processus d’une hyperconnectivité intégrée électroniquement. En conséquence, le post-humain représente une percée de la conscience au-delà de l’individualisme et du conflit. C’est une réorientation de la personnalité vers une complétude fondée sur des relations hybrides avec la machine et elle a la capacité de bousculer les ontologies de la différence et du biais pour aller vers un être partagé et une communauté co-créative » (p 112).

 

Une spiritualité en gestation selon Ilia Delio. La spiritualité post humaine

En phase avec la révolution scientifique et technologique actuelle, Ilia Delio développe une théologie grandement inspirée par Teilhard de Chardin. C’est une voie originale avec les risques que cela comporte. Il s’agit donc de mieux comprendre cette réflexion. Cette tâche n’est pas facile, car elle requiert d’entrer dans un univers peu connu à priori par le rédacteur de ce texte et d’aborder, avec prudence, une pensée qui prête à controverse. Nous avions donc choisi un livre récent d’Ilia Delio dont le titre nous paraissait prometteur : Ré-enchanter la terre. Comment l’intelligence artificielle a besoin de la religion ? Voilà un titre attirant pour nourrir une réflexion prospective. Et comme ce livre, très étayé, est particulièrement dense, nous avons choisi un chapitre, ‘Posthuman Spirituality’, (une spiritualité post-humaine), ce sujet nous paraissant au cœur de l’ouvrage comme au cœur de nos interrogations. Cependant, pour nous comme sans doute pour beaucoup de lecteurs, le concept de post-humain est peu intelligible et parait contestable à maints égards. Il nous a donc fallu une lecture approfondie pour découvrir la manière dont Ilia Delio envisage cette situation post-humaine et par quels cheminements de pensée elle est parvenue à définir les contours du post-humain. Ce fut un parcours difficile, mais un parcours qui nous a appris beaucoup sur les avancées de la pensée scientifique et sur le développement de l’intelligence artificielle, ce que nous avons pu partager dans ce texte. Nous avons pu également étudier la manière selon laquelle Ilia Delio interprète les répercussions de cette évolution pour déboucher sur la présentation d’un milieu post-humain. Les objections ne manquent pas, mais nous voici maintenant en mesure d’envisager la spiritualité post-humaine dans les termes de Ilia Delio.

Elle écrit ainsi : « L’intelligence artificielle a introduit des changements significatifs dans la culture, la philosophie, l’économie et la médecine. Mais le changement le plus significatif apporté par l’intelligence artificielle n’est pas apparent à nos yeux branchés sur l’ordinateur, à moins que nous commencions à porter attention aux tendances qui émergent à partir d’une profonde connectivité. La tendance la plus significative qui émerge dans notre âge technologique est le besoin d’être liés et connectés, ce qui est le domaine de la religion. L’intelligence artificielle a révélé le désir d’un nouvel esprit religieux et d’une nouvelle religion de la terre. Teilhard de Chardin anticipait l’émergence d’un nouvel esprit religieux au niveau de la noosphère. Il indiquait que ce nouvel esprit religieux serait porteur de communauté et d’inter-personnalisation, un déplacement de la première religion axiale vers une religion hyper-personnelle où la personnalité se réaliserait à l’intérieur de l’ensemble » (p 177). Ilia Delio rapporte plus précisément la pensée de Teilhard. « La pointe de nous-même n’est pas notre individualité, mais notre personne. Et nous pouvons seulement trouver notre personne en nous unissant ensemble ». Béatrice Bruteau, une disciple de Teilhard de Chardin, précise : « Notre Je, notre personnalité n’est pas un produit de l’action de Dieu, quelque chose de demeuré après que l’action ait cessé. Plutôt, c’est l’action de Dieu dans la véritable actualité de l’agir. ‘Nous’ ne sommes pas une chose, mais une activité ». « Être une personne, c’est être un centre créatif d’activité, toujours dans le processus de devenir et de vivre vers un futur d’approfondissement des relations » (p 178). Ilia Delio met l’accent sur l’intensité des relations. « Cette recherche de connexion à un ensemble plus vaste parle à quelque chose de profond à l’intérieur de nous, une profondeur intérieure d’une réalité infinie ».

De nombreux premiers auteurs chrétiens ont reconnu cette présence divine intérieure. C’est l’expression de Saint Augustin : ‘Vous êtes plus proche de moi que je ne le suis à moi-même’… « La conscience de cette présence divine intérieure a été perdue par le développement de la scolastique et l’objectivisation de l’expérience religieuse. Cela a été suivi par le divorce entre la religion et la science et le principe Protestant qui caractérise Dieu comme le ‘Tout autre’ (wholly other). La suspicion vis-à-vis de l’expérience intérieure enleva la présence de Dieu de l’âme et fit de Dieu un objet de foi, une posture rejetée par la science moderne et mise à l’ombre par la philosophie moderne ». Ilia Delio montre les effets délétères de cette évolution : « La transformation de Dieu en un ‘Autre’ objectif, une idée mentale à accepter ou rejeter, a déconstruit le monde occidental. En éliminant la dimension religieuse de la matière et en transformant l’âme en une forme séparée, distincte du corps, la personne humaine fut artificiellement réduite à un élément isolé de matière attachée à un esprit » (p 179)

Comment l’intelligence artificielle, en rappelant qu’Ilia Delio emploie ce texte dans un sens large, peut-elle intervenir dans ce domaine ? « Le rapide développement de la technologie de l’ordinateur et la recherche d’une intelligence artificielle complexe signifient la recherche d’une expansion globale des connections sociales, l’expansion de la conscience et l’expansion de l’esprit… » Cependant, ce qui est particulièrement requis, « c’est un nouveau niveau d’amour, un niveau d’appartenance consciente les uns aux autres… une connexion cœur à cœur ».

« Nous appartenons les uns aux autres parce que nous sommes déjà Un en Dieu, mais Dieu cherche à devenir Un en nous parce que Dieu est amour au cœur de la matière et aime des vies en relation mutuelle. Dieu cherche à devenir Dieu au cœur de la matière, c’est à dire, l’unité de Dieu grandit dans et à travers la riche diversité de sa création… Dieu et le monde sont engagés dans un processus de devenir quelque chose de plus ‘ensemble’ parce que l’univers est fondé sur le centre d’amour Personnel incarné, le Christ… » (p 182).

Ilia Delio rappelle la pensée théologique de Teilhard de Chardin, une vision planétaire de la religion où ‘Dieu et le monde sont dans une relation complémentaire et ont besoin l’un de l’autre’. Teilhard évoque ‘une synthèse du Christ et de l’univers’. L’auteure cite le philosophe français Maurice Merleau-Ponty : « Dieu n’est pas simplement un principe dont nous sommes la conséquence, une volonté dont nous sommes les instruments… Il y a une sorte d’impuissance de Dieu sans nous, et le Christ atteste que Dieu ne serait pas pleinement Dieu sans devenir pleinement homme ». La matière compte. « La matière a une profondeur sans fin parce que la conscience fait partie de la matière et Dieu est la profondeur ultime de la conscience » (p 182-183).

Ilia Delio évoque un exemple qui nous parait particulièrement révélateur : « D’une manière surprenante, Teilhard de Chardin portait peu d’attention à l’Orient. L’esprit (mind) est chaque chose, ce que vous pensez, ce que vous devenez. Robert Geraci note qu’au Japon toute vie est sacrée, de là les robots participent à la sainteté du monde naturel. Un regard positif sur la sainteté de toute vie développe une ouverture aux robots humanoïdes et ouvre un avenir où les robots peuvent servir les êtres humains sans que ceux-ci abandonnent leur corps pour des vies virtuelles » (p 184).

« Teilhard voit un monde en divinisation, ce qu’il exprime dans le terme ‘Christogenèse’, qui est le pouvoir du monde de devenir plus personnel à travers le pouvoir de l’amour. L’intelligence artificielle peut jouer un rôle critique dans le développement d’un monde tourné vers une personnalisation cosmique ou Christogenèse, mais cela dépend de la manière dont nous développons l’intelligence artificielle et pour quel but. Le post-humain connecté électroniquement peut jouer un rôle critique dans l’avenir du monde, si la vie post-humaine est guidée par la dimension religieuse de la vie consciente intérieure » (p 184). « Sans la dimension intérieure religieuse de la personnalité, l’intelligence artificielle peut élargir le fossé entre les riches et les pauvres, aliéner les moins fortunés et abonder dans le salut des privilégiés. Sans une unité intérieure et une nouvelle âme du monde, nous n’avons de véritable avenir ensemble. La clé à la plénitude, à une nouvelle planète de vie n’est pas dans la technologie. Il est dans la religion. Une conscience se développe à travers la technologie. La religion doit changer elle aussi, stimulant le progrès de la vie vers davantage d’être et de vie » (p 185).

Ilia Delio a, par ailleurs, consacré un chapitre de son livre à la manière dont elle envisage cette transformation religieuse : « La seconde religion axiale » (p 157-175). C’est un accent sur « l’incarnation de Dieu dans un monde en transformation… Dieu s’élève de pair avec l’émergence de la conscience…Teilhard et d’autres penseurs comme Carl Jung qualifient le processus d’individuation de ‘théogenèse’, indiquant que la personne humaine est un acteur dans la présence de Dieu dans le monde » (p 175).

Au total, comme nous avons pu le constater au long de ce parcours, Ilia Delio nous permet de comprendre la radicalité des transformations en cours dans le champ scientifique et technique, la portée révolutionnaire de l’intelligence artificielle au sens large du terme, et les implications en terme de changement de mentalité, mais en regard, elle met l’accent sur la nécessité d’un éveil religieux : « Sans une dimension cosmique sacrée dans nos vies, et une voie de mobilisation des énergies spirituelles vers un foyer d’amour transcendant , nous nous abandonnons aux forces du capitalisme et du consumérisme. En regard de l’intelligence artificielle, en ce XXIe siècle, la religion apparait comme le facteur le plus déterminant, et, sans elle, nous serons en proie à la peur et à la vulnérabilité » (p 187).

Dans ce monde engagé dans une transformation tumultueuse, nous cherchons des repères. Nous avons conscience que ce monde en mouvement est aussi pluriel. Des voix différentes se font entendre selon les milieux, selon les pays, selon les civilisations. Leurs tonalités sont parfois très différentes. Comme nous avons conscience de vivre dans un monde commun, il est d’autant plus important de s’écouter.

Ainsi avons-nous pu remarquer l’originalité de la démarche d’Ilia Delio aux Etats-Unis. D’origine franciscaine, nourrie par un christianisme de la fraternité, son itinéraire professionnel lui fait découvrir l’extrême avancée de la recherche scientifique et technique actuelle. Elle suit la montée de l’intelligence artificielle, au sens large du terme puisque, pour en parler, elle remonte à la machine de Turing au milieu du XXe siècle. Et comme on peut être émerveillée par les beautés naturelles, elle est impressionnée par les fruits du génie humain, en l’occurrence par les vertus de l’intelligence artificielle. En s’élevant à une dimension cosmique, elle rejoint la pensée de Teilhard de Chardin laquelle inspire toute sa théologie. C’est une théologie qui va de l’avant, à partir d’une compréhension des changements de mentalité et de ce qui peut en être interprété positivement, mais aussi et surtout à partir d’une vision de l’incarnation de Dieu et de sa présence dans un mouvement des consciences, prélude à la victoire de l’amour divin dans la conscience globale et unifiée de la Noosphère telle que l’envisage Teilhard de Chardin.

Cette perspective peut susciter des réserves. Nous avons hésité à en rendre compte, à la différence de la plupart des articles publiés sur ce blog. Nous avons effectivement en mémoire la critique sévère de Jacques Ellul vis-à-vis des techniques et ses mises en garde à l’encontre des sociétés techniciennes (4). La crise écologique à laquelle nous assistons aujourd’hui comme une menace inégalée pour l’humanité et pour la biosphère résulte bien d’un usage effréné des techniques manifestant l’hubris d’une caste dirigeante. On pourrait évoquer également l’enfer des guerres technologiques. Et si la misère endémique demeure dans certains pays du monde, on peut constater que des pays, dits avancés, sont en proie à de nouveaux maux pouvant être imputés au régime capitaliste. Les Etats-Unis connaissent aujourd’hui une poussée de violence dominatrice.

Ce sont là des réalités qui n’apparaissent pas ou peu dans l’évocation de l’épopée scientifique et technique qui est advenue, un temps au moins, aux Etats-Unis et que nous décrit Ilia Delio. L’accent est mis sur l’intelligence artificielle, un phénomène qui, de son lieu d’origine, s’est répandu à l’échelle mondiale et est devenu une réalité majeure, un processus incontournable qui appelle la réflexion et au sujet duquel la recherche d’Ilia Delio apporte une contribution particulièrement éclairante. Cependant, après le tour d’horizon sur cette dynamique, le terme post-humain parait décalé, et aussi inquiétant. Cette contribution d’Ilia Delio n’en reste pas moins éclairante. En montrant comment la récente avancée de la recherche fait tomber les séparations et les catégorisations indues d’un vieux monde et combien la nouvelle communication numérique, adossée à une nouvelle intelligence, permet une interrelation inégalée qui peut entrainer, en certains cas, des effets de communion, Ilia Delio nous parait apporter une contribution majeure à la réflexion collective.

Cependant, cette étude peut aussi nous amener au constat que dans le même monde d’aujourd’hui, déjà un à certains titres, des réalités différentes se côtoient, différentes en fonction de la culture et de l’histoire, peut-être même en fonction des différents âges de l’humanité. Puisque Elia Delio étudie l’histoire de l’humanité selon la grille des périodes axiales, ne peut-on se dire que leurs apports ne s’excluent pas entièrement et peuvent se côtoyer et peut-être s’enrichir mutuellement. Ainsi, la reconnaissance des peuples autochtones nous rappelle la présence de l’invisible. La défense des droits humains est un héritage d’une partie de la première période axiale. Et si Elia Delio met en avant une avancée scientifique et technique, l’usage de cette avancée peut varier selon les civilisations et ne se résume pas à la forme américaine.

La contribution d’Elia Delio se déploie et se reçoit également sur un registre religieux et spirituel. Et c’est d’abord à ce titre que nous avons d’abord relevé son apport. Certes, le fil biblique ne semble pas apparaitre au premier plan de sa réflexion. Cependant, c’est bien sur le fondement évangélique de l’incarnation qu’elle se fonde et son regard sur l’avenir, en évoquant la Noosphère imaginée par Teilhard de Chardin, nous parait correspondre à la vision chrétienne d’une communion finale en terme de Nouvelle Terre.

Cette présentation d’une partie de l’approche d’Ilia Delio, puisque ce texte n’en aborde qu’une portion limitée, pourra donc ouvrir notre réflexion dans différents domaines en permettant des compréhensions nouvelles, en induisant des interrogations et des critiques, en générant une imagination constructive, un cheminement spirituel. Cependant, à l’heure où, comme le fait remarquer Brian McLaren dans son livre ‘Life after Doom’ (5), dans une crise conjointement écologique et sociale, l’humanité est aujourd’hui menacée par différentes formes d’effondrement, les dérèglements actuels sont bien imputables à un hubris de l’humain et des signes de cette démesure apparaissent dans l’expansion scientifique et technologique qui constitue le fer de lance de l’évolution vers ce qu’Ilia Delio appelle le post-humain. On pourrait également mettre en évidence la crise de la civilisation américaine dans laquelle s’inscrit cette évolution. Cette crise est illustrée par la récente et dangereuse élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Et, dans cette circonstance, l’historien, Yuval Noah Harari met en lumière les risques de la promotion de l’intelligence artificielle par son entourage (6). Certes, Ilia Delio met l’accent sur la nécessité d’un éveil religieux pour éclairer l’expansion de l’intelligence artificielle, ce qu’elle appelle ‘la mobilisation des énergies spirituelles vers un foyer d’amour transcendant’. S’il y a bien un potentiel en ce sens, encore faudrait-il qu’il prenne corps rapidement. La thèse d’Ilia Delio ne nous parait pas dépourvue d’ambiguïtés. Mais, dans son originalité, elle mérite d’être connue pour enrichir le débat.

J H

  1. Center for Christogenesis https://christogenesis.org/
  1. Ilia Delio, Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Ilia_Delio
  2. Ilia Delio. Re-enchanting the earth. Why AI needs religion. Orbis books, 2020
  3. Jacques Ellul Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Ellul
  4. Brian McLaren. Life after Doom. Wisdom and courage for a world falling apart. Hodder and Stoughton, 2024
  5. Les risques de l’intelligence artificielle, selon Yuval Noah Harari : https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/l-election-de-donald-trump-pourrait-signifier-la-chute-de-l-ordre-mondial-analyse-yuval-noah-harari-historien-aux-45-millions-de-livres-vendus_6883823.html

Quelle est notre image de Dieu ?

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« A la recherche du désir de Dieu au plus profond et au plus vivant de mon désir ».

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         Aujourd’hui, les croyances, qui prédominaient jusqu’ici,  ne  sont plus fondées sur une évidence sociale. Les uns et les autres nous sommes appelés à nous interroger personnellement sur le sens de notre existence. Et, en réponse à cette recherche, si la foi chrétienne garde toute sa pertinence, les formes dans lesquelles elle s’exprime, sont à réexaminer, car elles sont parfois marquées par des représentations perturbantes issues d’un héritage social et culturel, elles-mêmes en décalage ou en contradiction par rapport à la dynamique originelle de cette foi. 

         Ainsi, une analyse de nos représentations s’impose. « Notre vie spirituelle, notre mode de relation avec Dieu, dépendent pour une part de nos représentations, et, évidemment, en premier lieu de notre représentation de Dieu. Et à cet égard, un discernement s’impose… Selon les milieux, selon les époques,  des représentations collectives circulent. Elles viennent parfois d’un passé lointain et sont issues de la culture correspondante. Elles sont codées, reproduites, diffusées à travers des systèmes de pensées. Les historiens peuvent nous dire que certaines de ces croyances ont eu pour effet la peur, la domination, et, en retour, par opposition, des réactions parfois excessives jusqu’à l’incrédulité et à l’athéisme » (1a). Sur ce blog,  nous cherchons à répondre aux questions correspondantes en ayant recours à différentes ressources, comme la pensée théologique de Jürgen Moltmann (1).

         Nous avons découvert dans le blog : « Au bonheur de Dieu »  réalisé par Sœur Michèle (2), une prise en compte analogue de l’importance des représentations dans la vie spirituelle et une recherche pour développer des représentations à même d’engendrer la joie et la paix, les bons fruits à travers lesquels on reconnaît le bon arbre.  Dans un article publié sur son blog (3), Sœur Michèle nous rapporte une rencontre organisée au Centre Spirituel du Cénacle qui  met en évidence combien il est indispensable de développer une bonne image de Dieu. Nos inconscients sont souvent imprégnés à leur insu par des représentations négatives issues du passé et qui s’expriment jusque dans notre interprétation des textes bibliques. Ainsi, les propos de Sœur Michèle sont particulièrement bienvenus et ils touchent notre cœur parce qu’ils répondent à nos aspirations profondes dans lesquelles l’Esprit de Dieu se manifeste.

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J.H.

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Soirée avec Thierry Bizot.

( aubonheurdedieu-soeurmichele. Jeudi 16 févier 2012)

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         Vendredi dernier, au Centre Spirituel du Cénacle de Versailles, nous avons proposé une soirée pour des étudiants et des jeunes pro, pour écouter le témoignage de Thierry Bizot. Il est l’auteur du livre : « Catholique anonyme » d’où a été tiré le film : « Qui a envie d’être aimé ? » (4)

         Ce fut une superbe soirée. J’ai été particulièrement intéressée par une de ses réflexions, car elle rejoint ma propre expérience. Thierry Bizot pose la question suivante : le succès du livre et du film montre bien que beaucoup sont travaillé-es par la question de Dieu. Pourquoi si peu font-ils le pas de la conversion ? A cette question, il répond : « Parce que les gens ont peur de Dieu. ». Peur d’un Dieu qui demanderait forcément des choses à l’opposé de leurs désirs. Donc, on reste à distance pour ne pas entrer dans cette opposition.

         Thyerry Bizot répond que cette image est fausse. Dieu est au contraire celui qui nous aide à découvrir et à réaliser nos vrais désirs. Je signe mille fois cette réponse.

C’est cela que j’ai découvert en faisant les Exercices spirituels de St Ignace de Loyola. Cette expérience m’a permis de libérer mon désir profond. Ensuite, je n’ai pas cessé d’aider les gens que j’accompagne dans des retraites ou dans la vie, à découvrir cela.

         Cela rejoint la question de la fausse compréhension de la volonté de Dieu. Elle n’est pas à rechercher en dehors de soi. Comme si Dieu aurait écrit dans un grand livre ce que je dois faire. C’est terrible cette image, car comment découvrir ce qui y serait écrit ? Mais aussi quelle image de Dieu cela véhicule !: Un tyran qui décide à notre place.

         Non, l’expérience de Dieu m’aide à aller au plus profond de moi pour découvrir ce qui me fera le plus vivre à plein, libère les désirs les plus profonds, les plus humains, les plus vivants qui vont me permettre de bâtir ma vie.

Ce n’est donc pas un conflit entre mon désir et le désir de Dieu, mais la recherche du désir de Dieu au  plus profond, au plus fort et au plus vivant de mon désir.

Un épisode de l’Evangile le montre très bien. C’est en Marc au chapitre 1 verset 40 à 45. Un lépreux vient vers Jésus et lui dit : « Si tu le veux, tu peux me guérir » et Jésus répond : « Je le veux, sois guéri ». Le désir de Jésus est le même que le désir de cet homme.

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Sœur Michèle

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(1)            Un blog permettant d’accéder à la pensée théologique de Jürgen Moltmann : L’Esprit qui donne la vie http://www.lespritquidonnelavie.com/  . La citation est empruntée à la présentation de ce blog : http://www.lespritquidonnelavie.com/?page_id=641   Dans le même sens, nous faisons également appel au témoignage et à la réflexion d’Odile Hassenforder dans son livre : « Sa présence dans ma vie » (Empreinte, 2011. Voir sur ce blog : « Confiance ! Le message est passé » : https://vivreetesperer.com/?p=1246

(2)            aubonheurdedieu-soeurmichele http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/ En présentant des pistes de lecture et des commentaires à propos de textes évangélique, souvent utilisés pour une animation de retraites, ce blog nous apparaît comme un lieu de ressourcement dans une dynamique de Vie. Ainsi, commentant la parole de Marthe à Jésus, Sœur Michèle écrit : « L’écouter, le regarder pour qu’il nous soit donné de quitter nos fausses images de nous-même et de Dieu et pouvoir confesser que Dieu est Seigneur de vie et de liberté »

         (3)            sur le blog aubonheurdedieu-soeurmichele : jeudi 16 février 2012

Le Journal 7. Soirée avec Thierry Bizot

 

The Awakened Brain

Comment une pratique spirituelle fait barrage à la dépression, apparaît positivement dans l’activité du cerveau et engendre une vie pleine
The Awakened Brain by Lisa MillerPar Lisa Miller

Il arrive qu’un long cheminement personnel et intellectuel débouche sur la publication d’un livre qui ouvre un nouvel horizon. Ce livre résulte d’un nouveau regard. Il récapitule une recherche de longue haleine et il débouche sur des conclusions qui renouvellent notre entendement. Ainsi vient de paraître aux Etats-Unis un livre qui ouvre un nouvel horizon pour la psychothérapie et qui, en même temps nous appelle à une nouvelle manière de voir et de vivre. Il met en évidence l’importance de la spiritualité dans la reconnaissance de ses apports. C’est un livre qui se fonde sur une approche scientifique rigoureuse, en particulier des recherches portant sur le fonctionnement du cerveau. Le titre rend compte de l’ambition de la démarche : « The awakened brain. The new science of spirituality and our quest for an inspired life » (Le cerveau éveillé. La nouvelle science de la spiritualité et la quête d’une vie inspirée) (1).

« Le livre de Lisa Miller révèle que les humains sont universellement équipés d’une capacité pour la spiritualité et qu’en résultat, nos cerveaux deviennent plus robustes et plus résilients. Le « Awakened brain » combine une science en pointe (de « l’imagerie par résonance magnétique » à l’épidémiologie) à une application sur le terrain pour des gens de tous les âges et de tous les genres de vie, en éclairant la science surprenante de la spiritualité et comment mettre celle-ci en œuvre dans nos propres vies » (page de couverture).

Ce livre est le fruit d’un parcours scientifique de longue haleine. Lisa Miller est professeur de psychologie clinique à l’Université Columbia et travaille dans le département de psychiatrie de cette université.

 

Un parcours de vie. Un itinéraire professionnel

Dans ce livre, Lisa Miller nous entretient à la fois de son parcours de vie et de son itinéraire professionnel. Il y a là en effet un mouvement commun de prise de conscience de la dimension spirituelle.
Etudiante, Lisa a rencontré Phil en 1985. Ils se sont mariés et ils ont vécu dans leur milieu. En l’absence d’une naissance d’enfant, ils ont adopté un petit garçon en Russie. Et finalement, des naissances de deux petites filles sont advenues. Dans cet itinéraire, ils ont quitté le milieu urbain pour vivre à la campagne. Ce parcours témoigne de choix de vie qui ponctuent une évolution spirituelle.

Et, de même Lisa nous raconte son entrée au travail en 1994 et ses premières années de pratique professionnelle comme psychologue dans une clinique psychiatrique attachée à un hôpital new-yorkais. Cette clinique n’était pas retardataire et elle alliait médicaments et psychothérapie. « Notre modèle de traitement psychologique était essentiellement psychodynamique. Nous avions été entrainés à aider nos patients à fouiller dans leur passé pour une conscience et un éclairage permettant d’alléger leurs souffrances présentes… La voie pour sortir de la souffrance était d’y faire face en gagnant en compétence. C’était explorer les souvenirs pénibles et les expériences difficiles pour gagner en conscience » (p 13-14). Les limites de cette approche sont rapidement apparues à Lisa. De fait, les patients étaient amenés à se répéter et ils tournaient souvent en rond. Lisa a commencé à leur poser des questions nouvelles qui ne portaient pas seulement sur leur passé, mais sur leur présent. Et elle a perçu, chez certains, un besoin de reconnaissance. Souvent le psychologue garde une distance. « Le modèle thérapeutique peut aider à améliorer le contrôle des impulsions, mais il n’attire pas toujours, ni ne guide le meilleur et authentique soi-même du patient. Il m’est apparu que la guérison ne pouvait arriver à distance et que l’attention personnelle et la relation devaient faire partie du processus. Aussi, je différais avec un programme strictement psychanalytique » (p 17-18).

Un jour, dans une réunion, un patient demanda : « A-t-on prévu quelque chose pour célébrer le Yom Kippour ? ». Le Yom Kippour est la fête juive du pardon. On pouvait voir dans cette demande une recherche de sens. Dans ce quartier de New York, la clinique recevait de nombreuses personnes juives. Et il y en avait également dans le personnel. Lisa elle-même a une ascendance juive. Or la réponse fut négative comme si cela était hors de propos. En s’appuyant sur sa mémoire personnelle, Lisa prit alors l’initiative d’organiser une célébration avec quelques patients concernés. Et là elle constata chez eux de grands changements dans leurs comportements. « Les patients s’animèrent spectaculairement tandis que la célébration progressait, leurs yeux brillant comme ils lisaient et chantaient » (p 31). « Il y eut des expressions de foi. La salle paraissait  fraiche et purifiée. Et ceux d’entre nous autour de la table, nous nous sentions plus connectés les uns aux autres et à quelque chose de plus grand » (p 32). Ces changements de comportement allaient-ils se poursuivre ? Or Lisa a constaté qu’il y avait bien une transformation profonde. « Non seulement ces patients paraissaient élevés (uplifted) par la cérémonie, mais chacun paraissait plus connecté et restauré à l’endroit même où ils étaient habituellement séparés ou enfermés » (p 33). Cette célébration avait été une initiative personnelle de Lisa. Elle chercha donc à mieux comprendre ce qui s’était exactement passé. Elle s’en entretint avec la collègue qui la supervisait. Celle-ci écouta et sa réponse fut décevante. « Le fond du problème, c’est que ces patients sont très malades. Nous sommes dans un hôpital ». « Son implication était claire. La spiritualité était extérieure à notre profession. J’avais dérogé à une règle non écrite et je m’étais discréditée en participant à un système de croyance qui n’était pas en lien avec la rigueur médicale. La conversation était terminée » (p 34).

Cependant, la question du sens habitait Lisa qui gardait mémoire d’une brève période de sa première jeunesse où elle avait frôlé la dépression. En travaillant par la suite dans une clinique destinée à des étudiants, elle s’interrogea à nouveau. Elle se rendait compte qu’une petite minorité seulement avait besoin d’un traitement psychiatrique. « Les autres étaient déprimés, mais leurs problèmes étaient davantage existentiels » (p 42). « Ce qu’ils éprouvaient, c’était plutôt de la tristesse et de la désorientation accompagnées de questions sur le sens et le but de la vie » (p 42). A 19 ans, Lisa s’était posé aussi ces questions. Elle se demandait si Dieu existait et quelle était sa raison de vivre. « Est-ce que l’amour est possible ? Est-ce que je retrouverai la joie ? » (p 42). Elle entreprit de suivre des consultations psychiatriques. Mais, à chaque fois, elle se sentait plus déprimée. Les psychologues lui posaient des questions sur ce qui avait pu l’affecter dans son enfance. « Mes questions n’étaient pas considérées comme des questions valides montrant une croissance authentique et un désir ardent de connaître la nature du monde » (p 43). Les psychologues « cherchaient des blessures d’enfance » et elle, recherchait un sens à la vie. On aurait pu lui poser la question : Est-ce qu’il y a une part de vous qui a ressenti profondément une réponse ? Est-ce qu’il y a un moment dans le passé où vous avez accéder à une connaissance intérieure ? Mais rien ne vint et elle perdit pied. Quand l’été vint et qu’elle rencontra Phil , son futur mari, elle revint à la vie.

Après ces premières années de pratique professionnelle, en 1995, elle reçut une bourse pour une recherche durant trois ans. Désormais, elle pouvait étudier sans contrainte. Dès lors, elle a pu prendre en compte le questionnement sur la question du sens dont on a vu comment elle s’était développée à la fois personnellement et professionnellement. Au contact avec les réalités de terrain, Lisa s’était de plus en plus interrogée sur les enfermements induits par certaines approches. Elle a pu exploiter les données d’une collègue pour y découvrir quelques configurations dans les facteurs en mesure d’atténuer la dépression. Ainsi elle va essayer d’établir des corrélations entre certaines variables. A cette occasion, elle a donc cherché quelles variables qu’elle pourrait prendre en compte pour envisager le rapport entre la dépression et l’expérience spirituelle. Elle a découvert deux questions qui pouvaient s’appliquer à cette étude. Ainsi « La religion ou la spiritualité sont-elles importantes pour vous personnellement ? ». Une rencontre incita Lisa à s’interroger sur la transmission intergénérationnelle de la spiritualité. Elle travailla donc en ce sens sur ces données et elle put mettre en évidence un lien important. « Il y a cinq fois moins de chance pour un enfant de tomber en dépression lorsqu’il partage une vie spirituelle avec sa mère » (p 52). Cet effet de protection était impressionnant. Lisa a donc publié un article relatant les résultats de sa recherche.

La réception par ses collègues psychologues fut mitigée. Mais, quelques mois plus tard en 1997, un autre article parut, lui aussi avançant dans la reconnaissance d’un lien entre santé mentale et spiritualité. Cet article du Docteur Kenneth Kendler, personnalité éminente en psychiatrie épidémiologie était intitulé : « Religion, psychopathologie et usage de drogue… ». L’auteur distinguait clairement spiritualité personnelle et stricte adhésion à une règle religieuse. Parfois, les deux allaient de pair, mais ce n’était pas le cas pour la majorité. « La recherche du docteur Kendler était la première étude empirique mettant en évidence cette importante distinction entre les gens qui peuvent être spirituels en étant ou pas religieux, et ceux religieux en étant ou pas spirituels » (p 56). Et par ailleurs, cette recherche montrait qu’un bas niveau de symptômes dépressifs était associé à un haut niveau de spiritualité. Au total, une religiosité personnelle jouait un rôle protecteur par rapport à différentes formes d’évènements stressants de la vie (p 57).

« Cette nouvelle recherche a ouvert la possibilité que juste comme nous sommes des êtres cognitifs, physiques, émotionnels, nous sommes des êtres spirituels… Cette recherche révolutionnaire a suggéré que la spiritualité n’est pas juste une croyance, mais quelque chose avec lequel chacun de nous est né avec la capacité d’en faire l’expérience » (p 58).

 

The awakened brain  (Le cerveau éveillé) : une découverte révolutionnaire.

Au cours des années suivantes, la quête personnelle et professionnelle de Lisa Miller s’est poursuivie. Et une quinzaine d’années après sa première recherche, en 2012, un nouveau projet de recherche a abouti en apportant des conclusions spectaculaires.

Lisa Miller nous raconte cet épisode Au départ, elle nous rappelle le contexte. « Nous vivons à une époque d’anxiété mentale sans précédent » (p 4). Alors Lisa attendait beaucoup de cette recherche. « La spiritualité pouvait-elle jouer un rôle dans la prévention et la protection à l’encontre de la dépression ? » (p 3). Cependant, même autour d’elle, parmi ses proches collègues, le scepticisme l’emportait. Alors on attendait avec impatience les données provenant de l’imagerie à résonnance magnétique. La recherche portait sur des gens à haut ou bas risque génétique de dépression pour voir si il y avait une configuration particulière  dans les structures du cerveau des participants déprimés ou non déprimés en vue d’envisager des traitements plus efficaces (p 6). Lisa avait ajouté une question controversée : « Nous avons demandé aux participants de répondre à la question : La religion ou la spiritualité sont-elles importantes pour vous ? ». « En plus de comparer les structures de cerveau de participants déprimés et non déprimés, nous désirions savoir comment la spiritualité était associée à la structure du cerveau et comment elle était corrélée avec le risque de dépression » (p 6).

C’était un grand enjeu, or les résultats qui sont apparus, étaient convaincants et sans appel. Il y avait un différence éclatante entre le cerveau associé à une faible spiritualité et le cerveau associée à une spiritualité élevée. « Le cerveau haute spiritualité était plus sain et plus robuste  que le cerveau basse spiritualité. Et le cerveau haute spiritualité était plus fort et plus épais exactement dans les mêmes régions qui s’affaiblissaient dans le cerveau déprimé » (p 7).

Devant ces résultats inattendus, les collègues étaient stupéfaits. La quête persévérante de Lisa était récompensée.

 

The awakened brain : Le cerveau éveillé

C’est à partir de cette découverte que Lisa peut nous expliquer ce qu’est « le cerveau éveillé » (awakened brain) et comment

il se comporte. « Chacun de nous est doté d’une capacité naturelle de percevoir une réalité plus grande et de se connecter consciemment à la force de vie qui se meut à l’intérieur de nous, à travers nous et autour de nous »… » (p 8). Notre cerveau a une inclination naturelle pour accueillir une conscience spirituelle. Quand nous accueillons cette conscience spirituelle, nous nous sentons davantage en plénitude et à l’aise dans le monde. Nous entrons en relation et prenons des décisions à partir d’une vision plus large. « Nous passons de la solitude et de l’isolement à la connexion, de la compétition et de la division à la compassion et à l’altruisme, d’une focalisation sur nos blessures, nos problèmes et nos pertes à une grande attention pour notre voyage de vie » (p 8). D’un modèle d’identité en pièces et en morceaux, nous en venons à cultiver un genre de vie qui se fonde sur l’amour et la connexion.

Qu’est ce que la spiritualité ? Lisa Miller nous dit qu’elle ne s’est pas engagée dans cette recherche pour étudier la spiritualité, mais parce qu’elle y a été poussée par le désir de comprendre la résilience des humains et de les y aider. Peu à peu, à partir de ses expériences cliniques et de ses recherches, elle a découvert combien la spiritualité était une composante vitale de la guérison. Lisa Miller énonce des expériences qui évoquent la spiritualité : un moment de connexion profonde ave un autre être ou dans la nature,  un sentiment d’émerveillement, de respect, de transcendance, une expérience de synchronicité, un moment où vous vous êtes senti inspiré ou sauvé par quelque chose de plus grand que vous (p 8).

Lisa Miller précise qu’elle est une scientifique et non pas une théologienne. C’est aussi une psychologue qui œuvre pour la santé mentale. « Quand nous faisons un plein usage de la manière dont nous sommes construits, nos cerveaux deviennent plus sains et plus connectés. et nous en tirons des bénéfices insurpassables… » (p 9). Mais, au delà de la santé mentale, le « cerveau éveillé » apporte un nouveau paradigme pour notre manière d’être, de nous diriger de nous relier, qui peut nous aider à agir avec une plus grande clarté et capacité face aux défis actuels auxquels l’humanité est confrontée.

Le cerveau éveillé est accessible à chacun d’entre nous, ici dans nos circuits neuronaux. Mais il nous revient de choisir de l’activer. On peut comparer cette situation à un muscle que nous pouvons fortifier ou bien le laisser s’atrophier (p 9). « Chacun d’entre nous a la capacité de développer pleinement son potentiel inné à travers une capacité d’amour, d’interconnexion et d’appréciation du déroulement de la vie. Au delà de la croyance, au delà du récit cognitif que nous nous disons à nous-même, le cerveau éveillé est la lunette intérieure à travers laquelle nous avons accès à la réalité la plus vraie, que notre vie est sacrée, que nous ne marchons jamais seul » . « Nos cerveaux sont branchés pour percevoir et recevoir ce qui élève, illumine et guérit » (p 10).

 

Etats d’être et fonctionnement du cerveau

Après cette découverte, Lisa Miller a engagé des recherches sur la manière dont les états d’être se manifestaient dans le fonctionnement du cerveau et comment ce fonctionnement pouvait avoir des conséquences à son tour. Ainsi a-t-on demandé à tous les participants d’exprimer oralement trois expériences personnelles, respectivement à un moment stressant, un moment relaxant et une expérience spirituelle tandis qu’ils étaient en même temps examinés au scanner (p 156). A partir de là, Lisa Mller expose les différents fonctionnements observés. A nouveau s’affirme l’originalité du fonctionnement en fonction de l’expérience spirituelle. « Les moments d’expérience spirituelle étaient biologiquement identiques qu’ils aient ou non un caractère explicitement religieux, qu’ils adviennent dans une maison de prière ou dans la cathédrale de la nature. Ils avaient le même niveau d’intensité ressentie et les mêmes chemins d’activation… Cela prouve que chacun d’entre nous a une part spirituelle du cerveau qui peut s’engager n’importe où et à n’importe quel moment » (p162).

Lisa Miller en arrive ainsi à distinguer deux processus différents d’activation de la conscience : « achieving awareness » (une conscience de réalisation) et « awakened awareness » (une conscience éveillée) (p 163-166). « Les études utilisant l’imagerie à résonance magnétique mettent en lumière que nous avons deux modes de conscience à notre disposition à tous moments : la conscience de réalisation et la conscience éveillée. C’est à nous de savoir dans laquelle nous voulons nous engager » (p 163).

La conscience de réalisation est la perception que nous avons d’organiser et de contrôler nos vies. Quand nous vivons à travers notre conscience de réalisation, le souci fondamental est : « Comment puis-je obtenir et garder ce que je désire » (p 163). Ce mode de conscience est utile et souvent nécessaire. Il nous donne une attention focalisée et souvent nécessaire pour atteindre des buts et nous permet de diriger notre attention et notre énergie sur une tâche particulière. Cependant quand la conscience de réalisation est sur-employée ou exclusivement employée, elle déborde et change la structure de nos cerveaux, entrainant des pathologies de dépression, d’anxiété et de stress.

D’autre part, « si nous poursuivons notre vie avec seulement la conscience de réalisation, nous sommes souvent frustrés et blessés lorsque les choses ne tournent pas aussi bien qu’elles sont planifiées et espérées » (p 164). Nous pouvons également ressentir de l’isolement et verser dans la rumination. Si nous vivons uniquement dans la conscience de réalisation, nous développons un sens excessif du contrôle. « Nous tombons dans une manière d’être solitaire et intrinsèquement vide ». La perception d’un vide nous amène à en vouloir plus.
Quand nous nous engageons dans la conscience éveillée, nous utilisons des parties différentes de notre cerveau et littéralement « nous voyons plus », intégrant de l’information de sources multiples.
La conscience éveillée nous permet de voir davantage de choses et d’opportunités. Nous ne nous agrippons pas à un but.
« Nous comprenons que la vie est une force dynamique avec laquelle nous pouvons nous harmoniser et interagir » « Ce n’est plus moi contre le monde, mais moi entendant ce que la vie a à me dire » (p 165). « Je m’appuie sur le flot de la vie, attentif aux portes qui s’ouvrent et qui se ferment ». « Je deviens attentif aux évènements significatifs. Nous inscrivant dans le courant de la vie, nous ressentons que nous ne sommes pas vraiment seuls ».

Cependant, nous avons également besoin de la conscience de réalisation pour la mise en œuvre de nos projets. Mais les décisions les plus importantes ne peuvent être prises à partir de la seule conscience de réalisation. Nous ne pouvons percevoir la réalité correctement que si nous allions les deux consciences. Ainsi, écrit Lise Miller, si la conscience éveillée nous est ainsi indispensable, elle nous est également accessible, car c’est un choix que nous pouvons faire. « La conscience éveillée est un choix que nous pouvons faire à chaque moment, un choix de la manière de percevoir le monde et nous-même ». (p 166). Au total, écrit Lisa Miller, l’intégration des deux modes de conscience est nécessaire. Et elle part ici de son exemple personnel : « Mes voyages pour trouver Isaiah, mon fils adoptif et la découverte du cerveau éveillé ont requis à la fois la conscience de réalisation et la conscience éveillée » (p 167). « Une interaction créative, dynamique entre la conscience de réalisation et la conscience éveillée ont changé mon chemin » (p 167).

Dans les derniers chapitres du livre, Lisa Muller nous décrit la manière dont le cerveau se manifeste dans « une attention éveillée », « une connexion éveillée » et « un cœur éveillé »… des textes riches en aperçus et en exemples.

Ce livre nous apporte une vision nouvelle. C’est une contribution essentielle. « Quand nous vivons avec un cerveau éveillé, en utilisant le mode de réalisation et le mode éveillé, en équilibre, nous utilisons la plénitude de ce que nous sommes et la manière dont nous sommes branchés pour percevoir. Le cerveau éveillé est fondateur dans la connaissance humaine et l’histoire. L’appel à la conscience éveillée se manifeste à travers les différentes religions et les traditions éthiques. à travers les arts et la musique, à travers les actions humanitaires et l’altruisme. Le cerveau éveillé est le siège de la perception de la transcendance et de l’immanence. Le cerveau éveillé ouvre notre sensibilité au ressenti d’une présence qui nous guide et à la sacralité dans la vie quotidienne » (p 242). Et, bien sûr, cette prise de conscience a un impact sur la société.

 

Une nouvelle perspective

Dans ce livre : « The awakened brain », Lisa Miller nous ouvre un nouvel horizon tant dans le domaine de la santé mentale que dans notre manière d’envisager la vie. Ce livre magistral est, en même temps, le récit d’une découverte scientifique révolutionnaire et un témoignage qui nous apporte un nouveau regard sur la vie. Nous accueillons cette vision innovante dans une approche théologique qui nous permet de reconnaître la présence de Dieu avec nous et en nous. « Dieu vivant, Dieu présent, Dieu avec nous dans un monde où tout se tient » (2). C’est le titre d’un article exprimant les approches convergentes de Jürgen Moltmann et de Diana Butler Bass. « Dieu, le créateur du Ciel et de la Terre est présent par son Esprit cosmique dans chacune de ses créatures et dans leur communauté créée » écrit le théologien Jürgen Moltmann. Et Diana Butler Bass, historienne et théologienne américaine écrit : « Ce glissement d’un Dieu vertical vers un Dieu qui se trouve à travers la nature et la communauté humaine est le cœur de la révolution spirituelle qui nous environne ». La disposition spirituelle de Lisa Miller peut également être accueillie dans l’approche du théologien franciscain américain, fondateur et animateur d’un Centre pour l’action et la méditation, Richard Rohr. Dans son livre, « la Danse divine », Richard Rohr écrit : « Dieu est celui que nous avons nommé Trinité, le flux (« flow ») qui passe à travers toute chose sans exception et qui fait cela depuis le début… Toute implication vitale, toute force orientée vers le futur, toute pensée d’amour, tout élan vers la beauté, tout ce qui tend vers la vérité, tout émerveillement devant une expression de bonté, tout bond d’élan vital comme diraient les français, tout bout d’ambition pour l’humanité et la terre, est éternellement un flux du Dieu Trinitaire ». Voici une invitation à être « paisiblement joyeux et coopératif avec la générosité divine qui connecte tout à tout ».

« Le don de Dieu trinitaire et l’expérience pratique, ressentie, de recevoir ce don, nous offre une reconnexion bien fondée avec Dieu, nous même, les autres et le monde ».

Dans l’horizon ouvert par ces théologiens (4), nous aimons relire la conclusion de Lisa Miller : « Nous pouvons nous éveiller à la vraie trame du monde, une tapisserie en évolution que nous pouvons à la fois contempler et aider à la création, dans laquelle chaque fil importe et aucun brin n’est seul. Nous pouvons vivre dans l’isolement ou nous pouvons nous éveiller à une connaissance commune, à une communication avec tous les êtres vivants et à un alignement profond et ressenti avec la source de la conscience » (p 242).

J H

  1. Lisa Miller. The awakened brain. The science of spirituality and our quest for an inspired life. Random House, 2021 Lisa Miller est également l’auteur du livre: The spiritual child. A new science on parenting for health and lifelong thriving
  2. Dieu vivant, Dieu présent, Dieu avec nous dans un monde où tout se tient : https://vivreetesperer.com/?s=dieu+vivant%2C+Dieu&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes
  3. La Danse divine (The Divine dance) par Richard Rohr : https://vivreetesperer.com/?s=danse+divine&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes
  4. En dehors des théologiens, voir aussi la contribution de chercheurs sur la spiritualité : Une vie pleine de sens, c’est une vie qui a du sens (Emily Esfahani Smith) https://vivreetesperer.com/une-vie-pleine-cest-une-vie-qui-a-du-sens/ La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. Une recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/