Comment nous reconnecter au vivant, à la nature

https://boutique.salamandre.org/images/326x454/l-enqu%C3%AAte-sauvage-pourquoi-et-comment-renouer-avec-la-nature-_62137347e121b.pngL’enquête sauvage, de Anne-Sophie Novel

Nous savons que l’humanité est menacée par l’oppression qu’elle exerce sur la nature et par les conséquences qui en résultent : le dérèglement climatique et le recul de la biodiversité. Nous en sommes troublés, inquiets, angoissés. Mais, dans notre société urbaine, n’avons-nous pas perdu également notre connection avec le vivant, avec la nature ? De la symbiose avec la nature qui s’établit, de fait, dans les sociétés rurales d’autrefois, ne sommes-nous pas aujourd’hui devenus prisonniers d’une vie qui tourne sur elle-même sans plus ce contact réel avec le vivant sauvage, c’est-à-dire ce qui ne nous est pas soumis. C’est ainsi qu’un livre d’Anne-Sophie Novel vient nous surprendre : « L’enquête sauvage » (1). Si nous apprenions à nous retrouver avec le vivant, avec la nature, nos engagements écologiques seraient d’autant plus profonds qu’ils seraient l’expression de toute notre personnalité, à la fois de la tête et du cœur. Anne-Sophie Novel nous propose un voyage pour nous plonger dans la nature sauvage en apprenant à écouter, à observer, à ressentir, à s’ensauvager. A partir de là, c’est un nouveau genre de vie qui émerge, un terreau fertile pour l’engagement écologique.

A plusieurs reprises sur ce blog, nous avons rencontré Anne-Sophie Novel, militante écologiste et pionnière d’une économie collaborative. Nous avons rapporté son livre visionnaire : «  Vive la co-révolution. Pour une société collaborative » (2). Journaliste indépendante, spécialisée dans les questions d’environnement et d’écologie, Anne-Sophie Novel, anime un blog : « Même pas mal » (3), et collabore à plusieurs organes de presse.

 

Nous reconnecter au vivant, à la nature : un besoin vital

L’attention pour le vivant est au cœur de cette recherche. « Le vivant. Là est justement le sujet de cet ouvrage, un sujet mis à l’index par notre système politico-économique, car jugé trop « fleur bleue », bien léger et « bisounours » dans une civilisation où la recherche de vitesse, d’efficacité ou de profit génèrent de multiples violences » (p 8). Mais, de fait, c’est bien une question prioritaire qui nous concerne tous. Car, « cette rupture avec le vivant porte atteinte à tous… Et en particulier à celles et à ceux qui n’ont pas les moyens de se ressourcer régulièrement en pleine nature, de réinventer leurs vies loin des bouchons et du béton. Sans un nouveau rapport avec le vivant, notre civilisation occidentale va droit dans le mur. Et les plus fragiles d’entre nous en premier » (p 8). Anne-Sophie Novel a donc écrit un livre pour nous permettre de nous reconnecter au vivant et à la nature. Nous voici aujourd’hui en présence d’une « quête universelle » :

« Reconnecter nos vies et notre société à la nature est devenu une urgence vitale pour faire face aux crises écologiques et climatiques, pour enrayer l’extinction du vivant et renverser le modèle de développement dominé par les marchés financiers – et pour faire face aux dommages sociaux qu’ils engendrent. Il faut faire une force des interdépendances entre notre espèce et toutes les autres, la base d’un nouveau contrat social entre humains, et aussi entre humains, animaux et plantes. Il nous faut apprendre à nous appuyer sur la nature et les ressources qu’elle offre sans chercher à seulement la contraindre, la souiller ou l’épuiser. Il nous faut bâtir un monde pour tous avec des espaces naturels, sinon sauvages pour nous ressourcer » (p 8-9).

 

Anne-Sophie Novel : un nouveau point de départ

Une opportunité s’est offerte à Anne-Sophie à l’occasion du confinement du printemps 2020. Elle s’est décidée à écrire à partir d’un nouveau genre de vie. En effet, « elle s’est arrachée à la ville comme on arracherait une « mauvaise herbe », presque machinalement, par la force des choses ». Avec ses deux enfants : Adèle (10 ans) et Ulysse (5 ans), elle a « pris refuge sur la terre natale de son époux, Nicolas, dans une maison de famille conçue comme une grande cabane camouflée par les chênes en lisière de forêt… Loin de me réduire à néant, ce déracinement forcé en mars 2020 s’est révélé être une renaissance » (p 18).

Cette expérience nouvelle a été décisive. « J’ai surmonté mes peurs. Je me suis reconnectée. J’ai réveillé en moi, des souvenirs, un vécu. Je me suis enracinée tout en me déployant autrement ». C’est à partir de cette expérience qu’Anne-Sophie a trouvé un nouvel élan pour s’engager dans une enquête où elle n’a pas seulement consulté de nombreux militants, innovateurs et experts, mais, en même temps éprouvé et exprimé de nouveaux ressentis personnels. Il lui a été donné ainsi de vivre une aventure qui lui a permis « d’adopter un œil neuf pour rejoindre la nature autrement, de grandir avec elle, de renouer avec le vivant » (p 19). « Guidée par de nouvelles envies, par une autre écoute, par des questions que je n’avais jamais explorées aussi profondément, j’aspire à comprendre intimement ce que cela signifie… Qu’est-ce que le « vivant » et la « nature » pour moi ? Quels ont été nos rapports jusqu’à maintenant ? Et qu’est-ce que cela m’apporte d’y prêter une attention nouvelle ? » (p 19).

 

Le mouvement d’une enquête et l’architecture d’un livre

Ainsi, dans ce livre, Anne-Sophie Novel nous invite à la suivre dans une « enquête sauvage » composée de lectures, de réflexions personnelles, d’expériences et de nombreuses rencontres sur le terrain ». Cet ouvrage est particulièrement dense et cette densité exclue tout compte-rendu détaillé. En voici donc l’architecture et le mouvement comme Anne-Sophie nous en donne la trame. Dans un premier mouvement, au travers d’une expérience qui met en œuvre tous les sens, Anne-Sophie se connecte au vivant et à la nature. « Dans la redécouverte du vivant, il m’a fallu tendre l’oreille dans un premier temps (chapitre Ecouter), puis ouvrir les yeux et changer de regard (chapitre Observer) avant de commencer à éprouver vraiment les bienfaits de la nature (chapitre Ressentir). Plus avant, « j’ai cherché à surmonter mes peurs et mes angoisses pour entrer pleinement dans le monde sauvage et me regarder autrement (chapitre S’ensauvager). A partir de là, Anne-Sophie Novel peut envisager autrement la transformation urgemment requise par la transition écologique. « Plongeant dans nos racines profondes, j’ai considéré sous un autre prisme le soin apporté au monde végétal (chapitre Cultiver), avant de m’interroger sur nos façons d’habiter le monde (chapitre Cohabiter) : des conflits d’usage aux nombreuses solutions et initiatives pour protéger le vivant. J’en viens aux luttes et aux procédés sémantiques et juridiques développés par de multiples gardiens et gardiennes de la terre (chapitre Lutter). Et je pars à la rencontre d’éducateurs et de professeurs passionnés, mais aussi de naturaliste amateurs… qui s’engagent au quotidien à transmettre leurs découvertes et leurs solutions pour préserver l’essentiel (chapitre Transmettre).

 

A l’écoute

En lisant le premier chapitre Ecouter’, donc un point de départ, on comprend l’approche de Anne-Sophie Novel. Celle-ci apparaît clairement dans l’avant-propos du chapitre :

« Si l’on comprend que se taire permet de faire le premier pas vers la vie sauvage

Où l’on doit lâcher prise pour accepter l’inconnu et développer un autre type d’attention

Où l’on est subjugué par un sentiment océanique en pleine forêt

Où l’on se laisse guider par les oiseaux pour entrer dans la phonocène » (p 21).

Anne-Sophie nous rapporte ses expériences de marche en silence dans la nature. Et, par exemple, une « marche main dans la main et à l’aveugle ». Au total, « c’est une façon de se mettre au diapason. Il faut accepter de se taire, de ne plus rien dire, ne rien formuler, ni attendre, se laisser porter et tout oublier pour revoir tout autrement. Là où avant, j’entrais sans crier gare, sans cesser de bavarder lors de balades ou de randonnées, maintenant je marque le pas, je ralentis, je baisse la voix, j’essaye d’avancer en chœur » (p 22).

Dans une expérience de marche silencieuse en Gironde, Anne-Sophie réalise une ballade sensorielle grâce à l’organisatrice, Magali Coste, écothérapeute. Au delà de l’exercice des cinq sens les plus connus, elle apprend la complexité de la perception. C’est la découverte de « la proprioception (ou perception, consciente ou non, des différentes parties du corps), l’équilibrioception (ou sens de l’équilibre), la thermoception (ou sens de la chaleur et de l’absence de chaleur)… » (p 23).

Dans son nouveau lieu d’habitation au printemps 2020, Anne-Sophie, qui préférait la mer, a découvert la campagne. Elle nous raconte une ballade avec sa famille dans la forêt voisine. « Nous marchions depuis plusieurs heures lorsque nous avons débouché sur une clairière dont je ne connaissais pas l’existence. Il faisait doux, le temps était magnifique, les herbes étaient très hautes, une brise y dessinait des ondes de douceur. Un instant magique… A chaque pas, s’ouvraient à nous de magnifiques orchidées sauvages, de somptueux papillons tout petits tout blancs et nous savourions un moment suspendu quand un souffle inattendu vint nous surprendre… » (p 27) Anne-Sophie sursaute et interroge à ce sujet son mari Nicolas. « C’est le vent dans les arbres, le ballet de la canopée. Je suis subjuguée par le spectacle de ces éléments… C’est non seulement beau, mais tellement évident. Comment n’avais-je pas perçu auparavant la beauté de cette écume végétale ? Le vent dans ces feuillages me fait un bien fou, je le savoure, respire profondément. En moi, ce jour là, s’est passé quelque chose. J’ai été happée, comme appelée, profondément captivée. J’ai senti pousser une autre nature, insoupçonnée, indispensable… » (p 27-28).

Un autre aspect de l’écoute, c’est le chant des oiseaux. Anne-Sophie y accorde beaucoup d’importance dans ce chapitre. « La nature m’a toujours parlé et le chant des oiseaux tient, en la matière, l’essentiel de la partition. C’est d’ailleurs un trait commun à de nombreux naturalistes et amoureux de la nature que d’avoir été orientés par ces sirènes » (p 29). Comme c’est le cas tout au long de ce livre et ce qui contribue à en faire la grande richesse, Anne Sophie Novel part à la rencontre de ces chercheurs pour nous faire part de leurs découvertes. Et ainsi, elle interroge l’audio-naturaliste Fernand Deroussen « pour tenter de mieux comprendre les ressorts de l’écoute dans l’appréhension du vivant ». Et celui-ci lui dit : « Les oiseaux me passionnent, ils sont incontournables, mais en forêt, on ne les voit jamais. C’est ainsi que j’ai commencé à être attentif à leurs chants… ». Son approche débouche sur « la conscience de faire partie d’un tout ». « Dans la nature, les espèces se comprennent, il y a un langage universel, un langage d’écoute des autres formes de vie. Hélas, l’homme a perdu ce langage, l’humain ne vit que pour l’humain ». A la différence des bioacousticiens, Fernand récolte les sons à des fins artistiques. « On doit connaître ce qu’on écoute, forcément, mais je me préoccupe plus de l’émotion et de la beauté » (p 29).

Anne-Sophie est maintenant sensible aux sons. Elle écoute tous les bruits de la nuit. Et elle a remarqué le bruit de fond émis par les activités humaines et si dérangeant. Les biologistes ont commencé par étudier cette pollution sonore et à en mettre en évidence les méfaits. « A court terme, le bruit chasse les pollinisateurs et les insectes ». (p 32). Elle a même une incidence sur la végétation en réduisant le nombre de jeunes pousses… En 1962 déjà, Rachel Carson alertait sur « Le printemps silencieux ». « Nous sommes tellement bruyants que nous n’entendons plus la vie autour de nous » (p 33).

Anne-Sophie a également rencontré Frédéric Giguet, un éminent ornithologue, professeur au Muséum national d’histoire naturelle. « Pendant quinze ans, Frédéric Giguet s’est occupé du « Suivi temporel des oiseaux communs ». Fasciné par les oiseaux depuis le plus jeune âge (A six ans, il demandait déjà à ses parents d’aller en Camargue pour voir les flamants roses), cet ornithologue sait à quel point les oiseaux sont d’excellents indicateurs de l’état de santé des écosystèmes » (p 34-35). Ainsi, le programme « Oiseaux des jardins », lancé en 2012, afin d’impliquer le public dans le décompte des oiseaux, a toute sa raison d’être.

Anne-Sophie nous raconte également sa visite au « Jardin des murmures », de Magali Costes, « composé d’une prairie, d’une bambouseraie, d’un jardin médicinal et d’un petit vallon traversé par un ruisseau » (p 38). « Ces espaces très divers facilitent la reproduction de nombreux oiseaux ». « Nous sommes ici dans une communauté reconnue comme telle où « le moins que l’on puisse faire pour ménager la vie commune, c’est de ne rien faire ». Et Magali Coste, amoureuse des oiseaux, sait partager sa passion. « Nous comprenons grâce à elle que le plumage des oiseaux change chaque année, qu’ils le nettoient… Les mésanges sont même de véritables herboristes capables de ramener dans leurs nids de la lavande, de la menthe, du camphrier ou de l’immortelle dont les propriétés aromatiques ont des propriétés fongicides et insecticides qui leur sont très utiles (p 39).

Anne-Sophie poursuit son enquête en rencontrant Grégoire Loïs, ornithologue responsable du programme « Vigie-Nature » du Muséum d’histoire naturelle. La conversation se porte notamment sur les aptitudes extraordinaires des oiseaux migrateurs. « Avec lui, je réalise que les volatiles sont des messagers précieux. Ils ont parcouru des milliers d’années pour arriver jusqu’ici. Ils sont dotés de compétences « surhumaines » et savent parcourir des distances phénoménales ». « L’oiseau n’est pas perché. Il est ancré. C’est un trait d’union entre le ciel et la terre, à travers les âges, à travers les espèces » (p 40). Dans cette conversation, « le regard d’Anne-Sophie sur les volatiles a fini par se transformer totalement » (p 39).

Et si on élargissait encore l’angle de vue ? « La philosophe Viviane Despret questionne le comportement des volatiles en s’appuyant sur les travaux des ornithologues ». Elle force le trait.

« Je me dis qu’on a peut-être à faire à des compositions, voire à des partitions – au sens musical. On peut même aller plus loin et se dire que ce qui intéresse les oiseaux, ce sont les relations avec les autres oiseaux/congénères, et finalement pas des histoires de reproduction, de territoire à défendre ou à conquérir, etc… » (p 41). Et « riche des observations ornithologiques qu’elle a étudiées, elle les remet dans le sensible, dans l’étoffe du ressenti, et nous invite à inscrire notre époque… sous le signe du « Phonocène », entendu comme une ère où on va devoir entendre les sons de la terre ». « Avec l’ouïe, on est dans un rapport plutôt de curiosité. On est en quête de réel. Entrer dans le phonocène, c’est se mettre dans d’autres systèmes par rapport à la vérité qui produisent plus de réel, qui sortent de l’idée que l’humain est exceptionnel, notamment parce qu’il a le langage… » (p 42).

Anne-Sophie Novel rappelle qu’une proposition de loi pour « protéger le patrimoine sensoriel des campagnes » a été votée définitivement par le parlement français en janvier 2021.

Toutes ces découvertes n’ont pas épuisé la curiosité d’Anne-Sophie Novel qui nous dit poursuivre sa recherche par des observations personnelles et par l’exploration des ressources d’internet.

Nous venons de rapporter la richesse du chapitre : « Ecouter », tant par l’expression des ressentis de l’auteure que par une enquête soutenue auprès des meilleurs experts. Et ce n’est que le premier chapitre ! C’est dire combien ce livre est une ressource majeure. Nous y apprenons la biodiversité concrètement et sur toutes les coutures. Anne-Sophie Novel déploie dans ce livre une recherche active qui nous entraine dans un mouvement de vie en phase avec le vivant.     Dans la conclusion de ce livre, elle rappelle son intention : « Aujourd’hui, il nous faut défendre la puissance de la vie contre la logique mortifère des lobbies. Et comprendre que le monde sauvage incarne tout ce à quoi nous avons renoncé : la liberté, l’autonomie et la connaissance parfaite de notre environnement. La nature est un espace d’enseignements illimités : elle nous apprend la patience, la résilience et l’adaptation, elle nous apprend à jouir des mille ressources qu’offre le monde vivant et à lutter pour qu’il demeure ainsi » (p 232). Tout au long de ce livre, elle a bien suivi cette piste. Elle peut ainsi continuer à nous appeler à un mouvement concret : « Passez le plus de temps possible au grand air au contact de tous les êtres qui palpitent, des roches, des cours d’eau, du vent… Soyez libres, enracinés et riches de la diversité qui vous entoure, dans cette puissance spontanée (et gratuite) du vivant… » (p 233). Anne-Sophie Novel ouvre pour nous un horizon et une dynamique.

J H

  1. Anne-Sophie Novel. L’enquête sauvage. Pourquoi et comment renouer avec le vivant. Salamandre, Colibris. 2022
  2. Une révolution de l’ « être ensemble » : https://vivreetesperer.com/une-revolution-de-letre-ensemble/ Voir aussi : Anne-Sophie Novel, militante écologiste et pionnière de l’économie collaborative : https://vivreetesperer.com/anne-sophie-novel-militante-ecologiste-et-pionniere-de-leconomie-collaborative/
  3. Le blog d’Anne-Sophie Novel : Même pas mal : https://www.lemonde.fr/blog/alternatives/a-propos/

 

Voir aussi :

« Animal » de Cyril Dion : https://vivreetesperer.com/?s=Cyril+Dion+animal&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes

Ecospiritualité : https://vivreetesperer.com/ecospiritualite/

L’espérance en mouvement : https://vivreetesperer.com/lesperance-en-mouvement/

Jane Goodhall : une recherche pionnière sur les chimpanzés, une ouverture spirituelle, un engagement écologique : https://vivreetesperer.com/jane-goodall-une-recherche-pionniere-sur-les-chimpanzes-une-ouverture-spirituelle-un-engagement-ecologique/

Pistes de résistance face à la montée d’une technocratie déshumanisante

Pour un retour du soin face au mirage d’une médecine algorithmique transhumaniste

Selon Dr Louis Fouché

A notre insu, nous pouvons parfois être soumis à l’emprise d’une culture techniciste animée par une raison instrumentale et portée par une technocratie calculatrice. Si cette réalité apparaît aujourd’hui, jusqu’au risque d’une culture totalitaire, elle est le produit d’une transformation progressive qui remonte loin dans le temps. Certes, la prise de conscience écologique s’inscrit en face de ce danger, mais il nous faut entrevoir toutes les dimensions du problème. De fait, cette menace peut être perçue dans différents aspects de la vie. A cet égard, les transformations actuelles du système de santé peuvent être envisagées comme un révélateur de tendances profondes qui comportent de graves dangers. C’est le thème d’un livre du Docteur Louis Fouché : « Agonie et renouveau du système de santé. Mirage d’une médecine algorithmique transhumaniste et frémissement d’un retour au soin » (1).

Face à un technicisme déshumanisant, comment protéger et promouvoir une médecine mettant en priorité le soin et le souci de l’autre ? Le propos du docteur Louis Fouché est radical, mais il dévoile une réalité qui n’a pas encore donné lieu à une prise de conscience largement répandue. En fait, le docteur Louis Fouché est apparu sur la scène publique à l’occasion de la crise suscitée par l’épidémie du Covid. Il est alors entré en résistance vis-à-vis des directives sanitaires officielles. Médecin anesthésiste, il a manifesté beaucoup de courage en s’y opposant jusqu’à être contraint à suspendre son activité professionnelle avec le sacrifice financier correspondant. Dans ce contexte, il a animé un réseau d’entraide. Son livre témoigne de cette expérience. Cependant, plutôt que de s’enfermer dans une rancœur, même si il s’exprime parfois dans des termes choquants, il nous paraît chercher à comprendre les facteurs de la dérive et les pistes à explorer pour développer une médecine « intégrale et intégrative » dans des contextes humains appropriés.

 

Ce livre se présente donc en ces termes :

« Héritier de la pensée complexe, chère à Edgar Morin et Henri Laborit, le Dr Louis Fouché cherche la confrontation des regards, la fécondité du dissensus. Anthropologie, philosophie, éthique, sociologie, permaculture et non-violence nourrissent une réflexion renouvelée sur notre rapport à la Santé et au vivant.

Notre système de soins est à la croisée des chemins : consumérisme transhumaniste toxique, administré par quelques multinationales ; ou médecine intégrale et intégrative qui met la nature, les professionnels du soin et les patients en lien, pour une sagesse du vivant. A nous de choisir…

La crise du système de santé, mise à nue par le Covid, est une des volutes de la crise systémique profonde que nous devons traverser. Quand tout pousse à désespérer, quand des tutelles corrompues finissent d’achever nos institutions, ce livre est une porte vers l’émancipation, l’autonomie et la responsabilité » (page de couverture).

Si les analyses de Louis Fouché nous paraissent substantielles tant par l’expérience que par la culture de son auteur, nous ne les suivons pas sans réserve, mais surtout nous pouvons en contester l’interprétation.

Certes, la corruption peut affecter de grandes entreprises, de grandes institutions publiques peuvent être sous influence, mais on ne peut en déduire nécessairement un plan concerté visant à une domination mondiale. On pourrait davantage envisager une contagion des mentalités : la propagation d’une culture techniciste et technocratique telle que l’auteur la décrit. Au total, nous ne disposons pas en ce domaine d’une expertise suffisante pour avancer des évaluations.

Autre réserve : les propos de l’auteur sont empreints de passion, ce qui nous entraine et interpelle utilement, mais, dans ce mouvement, on peut regretter d’y voir parfois des jugements offensants ou ce qui nous apparait comme des exagérations. Il serait toutefois dommage que ces quelques réserves nous empêchent de saisir la portée de cet ouvrage qui nous apporte un éclairage majeur sur des dérives redoutables en cherchant ensuite des pistes de réponse dans une perspective constructive et généreuse. Nous essaierons de rapporter ce livre, non en terme d’un examen systématique, mais en empruntant le chemin de l’auteur à travers des passages significatifs.

 

L’apparition du Docteur Fouché sur la scène publique

Dans l’introduction du livre, l’éditeur explique son engagement en faveur de l’auteur et de son ouvrage. A quel titre le Dr Louis Fouché a-t-il été entendu durant la période critique du Covid ?

« Ce ne saurait être strictement son expertise en anesthésie et réanimation qui a interpellé le public lors de ses prises de parole. Ce qui a été entendu, c’est une synthèse et une mise en perspectives à la fois complexes et intelligibles, respectueuses de l’intelligence de chacun et humbles dans leur exposé. Le fruit en somme de ce qu’il avait patiemment additionné comme formations, expériences et réflexions, et qui venaient là créer une entaille dans le narratif prêt à consommer des discours officiels. Le docteur Louis Fouché n’est pas apparu avec la crise, c’est la crise qui a fait émerger tout un travail de l’ombre, des années de lecture, de patience, d’assemblages de concepts, de regards croisés, de mises en applications pratiques et de tous les détours qui les accompagnent… Et lorsque la parole émerge, elle prend immédiatement forme et résonne différemment aux oreilles, car elle a déjà modelé le réel » (p 10).

 

Une expérience et une conscience des failles et des dysfonctionnements du système de santé

De fait, c’est bien avant la crise du Covid que le Dr Louis Fouché a perçu les dérives du système de santé. Et ces dérives allaient à l’encontre de la « nécessaire humanité dans le soin ». Dès 2017, il avait demandé à s’inscrire dans un master II d’éthique et anthropologie médicales et il avait gagné en expérience dans les rencontres au cours de cette formation. Dans sa demande d’inscription, il avait clairement posé les problèmes : « Dans mes multiples casquettes professionnelles, je butte sur de multiples incohérences permanentes. Je dois soigner, mais je dois surtout « faire des actes ». Je dois « faire des économies ». Je suis égaré dans l’absence de bien commun clairement identifié… L’hôpital est encombré de complications insolubles, induites par des gouvernances technocratiques, dont les rouages sont opaques et les finalités inavouables. Le hiatus est de plus en plus flagrant entre un système de santé qui industrialise le soin et la réalité que je perçois chaque jour de la réalité des patients. La Haute Autorité de Santé le dit presque en ces termes : « Nous sommes là pour liquider le modèle artisanal de la médecine ». « Epur », chaque jour, je constate que c’est bien cet « artisanat » qui fait le soin. C’est bien la relation, et comment nous l’habitons, bref, notre éthique qui fait le soin, pas les « process » (p 23). Son mémoire de fin d’études avait été bien apprécié. Il y dénonçait notamment « les ravages d’une idéologie entrepreneuriale numérique appliquée à la santé humaine » et « la toute puissance algorithmique numérique en Santé » (p 25). Nous retrouverons ces thèmes tout au long du livre.

 

Une profession trop fermée

Louis Fouché nous raconte comment il a ressenti durant sa formation de médecin un manque d’ouverture. « Il serait bon d’avoir du recul. Et pourtant, tout médecin que je suis, je n’ai jamais eu d’histoire de la médecine dans mes cours de faculté. Il n’y a pas eu d’histoire des sciences non plus. Pas d’épistémologie. Pas de questionnement sur l’histoire du Vrai. Aucun retour sur les compétitions économiques ayant structuré les marchés de la santé. On y apprend la génétique, la biophysique, la biochimie, la biologie moléculaire. On nous apprend tous les détails. Mais jamais, on ne nous donne une vue d’ensemble… ». Il y a là un enfermement qui paraît stupéfiant. « Pas de philosophie, de sociologie ou de psychologie… Il n’y a pas de regards croisés avec d’autres médecines… ». Louis Fouché ne se résout pas à vivre et à penser dans cet univers clos. « Pourtant, il y a d’autres univers de soin, non ? Qu’est-ce que la médecine ayurvédique indienne ? Qu’est-ce que la médecine chinoise traditionnelle plurimillénaire ?… Pourquoi les guérisseurs africains connaissent-ils tous la botanique et les plantes qui guérissent ? Pourquoi quand il y a un malade, veulent-ils guérir tout entier le village ? Au fait, pourquoi n’apprend-on rien de la botanique et des plantes médicinales ?… » (p 36). Aujourd’hui, à la suite de la crise du Covid, Louis Fouché repose toutes ces questions et milite pour une médecine « intégrale et intégrative ».

Et il s’interroge également sur la manière dont la médecine s’est professionnalisée. A partir de l’exemple anglais, ne peut-on pas y voir plutôt un corporatisation ? (p 38). L’auteur examine également le cas américain. Au début des années 1900, au nom d’une certaine conception de la scientificité, le rapport Flexner préconise la « réorganisation et la centralisation des institutions médicales » au bénéfice d’une « médecine médicamenteuse ». Il en est résulté un recul du soin naturel, un poids croissant de l’industrie pharmaceutique, un recul drastique du nombre de médecins (p 39-40). Ces différentes observations concourent à mettre en évidence aujourd’hui des manques et des dérives dans la profession médicale. Dans sa veine radicale, Louis Fouché écrit : « La logique à l’œuvre, c’est la conquête méthodique des marchés… Nous sommes en train, de détruire le système de soin pour réattribuer le monopole du marché des soins aux multinationales de la finance et de la data ».

 

Une entrée en résistance

Face à l’épidémie de Covid, on observe un ensemble de réactions. C’est une situation complexe qui n’est pas exposable dans ce cadre. On notera seulement ici le choc ressenti par le docteur Louis Fouché au vu de certaines directives sanitaires. « Ce qui était raconté par le pouvoir et les médias ne correspondait pas à ce que je constatais dans mon service de réanimation. Intubez précocement. Mais les malades survivaient mieux si je les laissais sans ventilation invasive… Pas de traitement précoce. Mais tous ceux qui en avaient eu un guérissaient mieux. Les pontes avaient donné des consignes. Constat de réalité : ils avaient 40% de létalité dans leur réanimation quand nous en avions 5 à 20% en faisant autrement. Et pourtant, on n’a pas pu en parler Aucune possibilité de communiquer. Ils ont raison. Tais-toi. Point à la ligne. Pas de discussion » (p 30). Nous voyons en la réaction du docteur Fouché une exigence de conscience. « Il y eu un appel à parler. Une injonction à dire. Si toi, au contact des malades en réanimation, tu ne dis pas… Qui diras ? Alors, j’ai crié ce que je voyais. Et puis j’ai crié à l’aide. Et le plus surprenant, ça a été d’en trouver… Et nous avons essayé de nous entraider. Nous avons essayé de comprendre. Nous n’avons pas renoncé » (p 31). En conséquence, le docteur Louis Fouché a été sanctionné. Il a été contraint à la suspension, à l’été 2021.

 

La disruption, entraine une rupture

Notre société est caractérisée par un changement technique accéléré (2) lequel entraine l’économie et influe sur la vie sociale. L’auteur accorde une grande attention aux effets des ruptures qui peuvent ainsi intervenir en les caractérisant sous le terme de disruption. « La disruption est l’accélération sans précédent du rythme de la mutation technique. Il en résulte une incapacité pour le groupe d’en contrôler les usages et les règles. Corollairement, les systèmes techniques et leurs maitres (la classe des banquiers, des ingénieurs et des marchands) induisent la dislocation des systèmes sociaux et des individus » (p 66).

Louis Fouché expose les méfaits de disruption sous différents angles. Ainsi, sur le plan économique, elle s’inscrit dans les théories de Schumpeter. « Elles postulent que la destruction est créatrice… Détruire, c’est permettre de reconstruire. C’est faire changer de main la matière et donc générer du profit. Dans un postulat capitalistique, l’accélération de la rotation du capital… permet de générer du profit à l’infini. Comprenez bien, car c’est toute une économie de la prédation sur les ressources sans cesse accélérée qui trouve là une justification » (p 43). Cependant, l’innovation disruptive se développe dans une volonté de pouvoir. L’auteur y voit « la mainmise, sans partage, ni régulation d’aucune sorte, sur un marché ». Et, selon lui, il y a tentative d’appropriation des « systèmes institutionnels régulateurs ». Il y a donc là une menace totalitaire. « La disruption correspond à une façon iconoclaste de considérer un écosystème, en trouvant sa faille logicielle et organisationnelle, en vue d’en tirer le meilleur profit et d’effondrer les organisations traditionnelles de ce système » (p 44-45).

Cependant, Louis Fouché envisage également les effets de l’innovation de rupture accélérée, la disruption, sur les mentalités et sur les valeurs qu’elles portent. Le secteur de la santé offre un exemple des chamboulements induits par l’accélération technique. L’adoption d’une invention, d’une nouvelle technique requiert son acceptation par tous ceux qui sont concernés. « Un nouveau système technique doit être « métabolisé » par un groupe socio-culturel pour en faire jaillir le meilleur bien commun. Le groupe socio- culturel et les individus se trouvent transformés au passage. Dans la disruption, le rythme de mutation technique accéléré empêche ce métabolisme » (p 71). Si la mutation technique dépasse les capacités adaptives, le « Nous » se disloque. « La technique s’impose au réel. Le groupe se retrouve « toujours en retard ». Et puisqu’il est en retard, il perd sa capacité à rêver le bien commun qui pourrait advenir. Il y a perte des repères du « Nous », perte de sa raison d’être » (p 77). A cet égard, Lois Fouché peut nous fait part de son expérience en milieu hospitalier. Il y a constaté l’imposition de règles mécaniques et d’une uniformisation normative. «Quand les systèmes techniques visent à établir une automaticité algorithmique des processus, il s’ensuit une prolétarisation croissante des humains ». Les procédures se multiplient et l’artisanat se mue en routine. L’auteur porte un regard critique vis à vis de processus qui visent à remplacer l’artisan par une chaine de montage, et puis de remplacer l’ouvrier par des robots. Et, in fine, de remplacer le salarié par des algorithmes de traitement de données de masse. Il faut éradiquer l’imprévu. Et l’imprévu, c’est le vivant… » (p 73).

Si l’on en revient à l’épidémie du Covid, le docteur Louis Fouché en garde l’amère expérience d’un service de réanimation bouleversé par des règles technocratiques imposées d’en haut sans aucune pertinence par rapport à la réalité des patients. « Petit à petit, nous avons été expropriés de notre pratique médicale » (p 77). En quelque sorte, la communauté du « Nous » s’est disloquée et chacun a travaillé dans l’isolement. « La disruption résulte en la destruction du lien social et l’isolement progressif des individus atomisés » (p 79).

« Il y a dislocation du tissu social, destruction des appartenances et interdépendances antérieures, et mise en place d’une crispation totalitaire, pour tenter de maintenir, par la sclérose du mensonge, le Nous en effilochement » (p 81).

 

Technocratie et santé industrialisée

Le docteur Louis Fouché ressent une pression technocratique grandissante et il en décrit les caractéristiques et les effets dans un chapitre : « Technocratie et santé industrialisée ». Il entre d’emblée dans une interpellation au vif du sujet : « Pour planter le décor : cette exclamation de M Claude Le Pen, professeur en économie de la santé, en 2014, au Collège de France : « Nous sommes là pour liquider sans regret le modèle artisanal de la Médecine » ». Dit autrement, commente l’auteur : « Nous sommes là, nous économistes de la santé, représentant la Haute autorité de santé, pour mettre en place un marché industrialisé, normatif, rationalisé et évalué de production et de consommation de biens et services de soins. Voilà les ambitions des organisateurs du système de santé » (p 47). Et dès lors, le pouvoir s’exerce d’en haut. La décision politique se fond par ailleurs avec des motivations économiques. « Le régulateur officiel, en l’espèce l’Etat, prend en fait des décisions sous l’influence d’un régulateur occulte ». Selon Louis Fouché, ce régulateur occulte, « c’est l’ensemble des industriels du médicament, des multinationales de la finance et de la data ». « Le lexique et les méthodes de rationalisation managériale et productiviste de l’industrie s’imposent au soin » (p 50). « Il se produit l’envahissement du champ sanitaire par le champ managérial et organisationnel qui entend plier à ses modalités rationnelles, perfectionnistes, l’ensemble des strates du monde des soignants » (p 51). Pourrait-il en résulter un gain économique ? Le commentaire de l’auteur ne va pas dans ce sens. « Car on assiste à une multiplication de la fameuse tarification à l’acte. Plus on réalise d’actes, plus on gagne de l’argent… Il se produit une augmentation inarrêtable des actes… » (p 51). L’auteur décrit la dérive financière et incrimine le profit que certains en retirent. Dans cette évolution, le rôle des médecins se dégrade : « Le système de santé doit produire des soins industriellement avec efficience. Les soignants y deviennent des rouages d’une logique techno-industrielle et numérique. La Haute Autorité de santé, haute et autoritaire, impose administrativement aux soignants une praxis conforme à une justification d’efficience et d’équité » (p 54). « L’adossement du système de soins à un système technique industriel réduit la pratique soignante au pilotage d’un système technique » (p 54). A lire ce livre, on ressent une impression de déshumanisation. L’auteur se livre à une critique implacable d’un système où les bonnes intentions sont détournées et où le pouvoir revient à un milieu animé par des préoccupations administratives, techniques et commerciales. Ce système apparait comme de plus en plus omniprésent, jusqu’à influencer la production des savoirs. On se reportera à l’analyse détaillée de la critique de Louis Fouché qui, dans sa logique, peut paraître extrême. Il envisage un système où « une interdépendance est inéluctablement bâtie par le modèle industriel entre le monde du soin et le monde marchand de production technique des remèdes et des savoirs » (p 59).

 

L’expansion du numérique

Nous assistons aujourd’hui à une expansion massive du numérique. Comment ne pas en percevoir aujourd’hui les innombrables bienfaits ? Bien sûr, il y a toujours un revers de la médaille.

En garde vis-à-vis de l’accélération technique, Louis Fouché analyse la part d’effets nocifs de la numérisation dans le domaine de la santé. « Les prémices d’industrialisation formelle du soin ont permis la remise en cause de l’utilité même de l’humain comme agent du Soin. L’idéologie dominante propose désormais le modèle d’une Santé fondée sur le traitement algorithmique du big data numérique. Il s’agit en l’espèce d’accéder encore à un surcroît automatisé d’efficacité logistique opérationnelle » (p 87). La disruption numérique vient porter atteinte à la praxis des soignants. « Les soignants comme les soignés sont pris de vitesse par une technique qui vise l’efficience et le profit comme premières cibles… » (p 97). Les reproches de l’auteur vis-à-vis de effets de l’irruption du numérique dans le système de santé s’inscrivent dans une critique radicale d’« un monde rationalisé automatique » et de la menace totalitaire correspondante. Et il prend pour cible l’utopie du philosophe anglais Hobbes qui « avait proposé que la cité idéale soit comme un mécanisme d’horlogerie où tous les rouages s’imbriquent sans heurt… jubilation perfectionniste et mécaniciste qui voudrait que l’erreur disparaisse. Ce monde automatique à la « nous sommes tous des rouages » (p 98).

 

La menace de l’idéologie transhumaniste

Certes, nous traversons aujourd’hui une crise profonde, si profonde qu’elle est qualifiée d’« agonique » par Louis Fouché. Et il impute cette crise à une idéologie désignée comme « transhumaniste » Le transhumanisme est une forme réitérée de « l’hubris des philosophe grecs » « Volonté de puissance, folie des grandeurs, il s’est donné pour objectif de détruire la part faillible et fragile en l’humain pour faire advenir le transhumain en perfection » (p 32). « Le transhumanisme est une idéologie. Sa rationalité est tout entière tenue à faire advenir un monde automatique où l’humain augmenté serait libéré de la contingence » (p 32). L’auteur voit dans la disruption qui bouscule l’héritage du passé, « le mode opératoire de l’avènement de l’idéologie transhumaniste ». Louis Fouché perçoit ainsi une menace globale : « Transhumanisme, mode opératoire disruptif, outil transformatif numérique sont dans une même généalogie. Ces concepts réunis composent un antihumanisme radical » (p 33). Il y a là en quelque sorte une menace vis-à-vis de la nature humaine : « Le transhumanisme vient tuer le vivant en nous » (p 34). « Peut-on combattre cette rationalité de la perfection lisse au nom de l’attachement à un humain faillible, souffrant, mais digne et bien vivant » (p 34).

 

Un monde qui s’égare ?

C’est à partir de sa condition de médecin anesthésiste, de médecin hospitalier que le Docteur Louis Fouché a pris conscience des perturbations qui affectent notre société à partir de l’exemple des problèmes du système de santé. Et plus précisément, la défaillance de ce système vis–à-vis de la crise du Covid a joué pour lui un rôle de révélateur. En conscience, il est entré en résistance. Mais, à partir de là, sa réflexion s’est encore élargie. Sa réflexion dépasse maintenant de beaucoup la situation du système de santé, elle porte sur l’évolution de la société et de l’économie. Son livre traite certes de l’agonie et du renouveau du système de santé, mais ce thème y est inscrit plus généralement dans une analyse de la crise économique et sociale, et au delà encore, écologique. Son interpellation est radicale.

Il nous a semblé que nous ne pouvions pas ignorer cette interpellation, car elle correspond à des problèmes majeurs de notre époque.

Certes nous gardons une réserve par rapport aux interprétations de l’auteur. Nous n’entrons pas dans un style très polémique où la colère affleure et s’exprime dans des accusations catégoriques et des généralisations abusives. Entre autre : « C’est triste, mais l’histoire de notre médecine, n’est qu’une histoire de pognon et de pouvoir… » (p 40) ou « Le mandat des directeurs d’hôpitaux publics n’est pas que les gens soient bien soignés. Le mandat est de détruire l’hôpital public pour faire advenir la e-santé aux mains des multinationales de la data » (p 98). La véhémence de certains propos de l’auteur est contre productive.

Cependant, les menaces évoquées par Louis Fouché sont, au moins pour certaines, bien réelles. Ses analyses nous paraissent souvent pertinentes. Cependant, ce livre soulève de grandes questions. D’une part les dérives actuelles ne sont souvent que l’amplification de phénomènes plus anciens. Ainsi, la désappropriation des travailleurs de leurs pratiques de travail, la séparation entre direction, conception et exécution, remontent au XIXe siècle. Le même problème se pose à l’ère du numérique. Et, de même, dans le registre écologique, le pillage de la planète est une réalité de longue date. Face à des tendances qui s’inscrivent dans la longue durée, comment changer de cap et changer de cap rapidement. Des philosophes et des sociologues s’expriment à ce sujet (3). Mais le problème est aussi spirituel. C’est bien le cas lorsqu’on doit faire face à la montée de l’« hubris ». D’autre part, de grands changements comportent à la fois une part positive et une part négative. Comment pourrait-on méconnaitre les apports du numérique ?

Louis Fouché n’est pas indifférent à ces questions puisque, dans la dernière partie de son livre, il esquisse des pistes de renouveau.

 

Sortir de l’impuissance

Conscient des périls, cette lecture nous enseigne parfois d’autres menaces. La radicalité des propos de Louis Fouché nous indiquent peu de points d’appui d’autant qu’il induit de la suspicion vis à vis de nombreuses instances. Pourtant, dans la dernière partie de son ouvrage, il communique sa vitalité en traçant de nombreuses pistes.

Dns une première séquence, il apporte un état des lieux. C’est le constat d’un sentiment d’impuissance largement répandu. Puisqu’on constate que la technique ne résout pas la souffrance, « il ne reste plus rien qu’un être à la dérive sans abri et sans histoire. L’individu est découplé du réel, enchevêtré dans d’innombrables et factices réseaux sociaux numériques Il ne sait plus écrire un récit symbolique et social qui fasse sens. Le bout de la rupture entre le réel et sa narration est le totalitarisme numérique. Nous y sommes. Lost in Metaverse » (p 161).

Après avoir réitéré sa critique d’un monde ultra technique où l’humain perd sa consistance, l’auteur s’engage dans une proposition. « Y a- il un renouveau salutaire ? Voilà ce que nous allons tenter d’explorer dans cette dernière partie. Rien ne sert de démonter à tout prix la faillite du système. La plupart de nos contemporain, intuitivement, la ressente déjà. Les souffrances psychologiques et relationnelles traversées aujourd’hui sont proprement faramineuses. Il suinte, dans tous les faux bonheurs consuméristes, une solitude, une tristesse et une angoisse étouffantes… Dans les sociétés occidentales post-industrielles, coexistent à des niveaux variés, mais pour une majorité d’entre nous, une anxiété flottante sans objet, un mécontentement flottant sans objet, une perte de sens à l’existence et au travail, une perte de lien social et un isolement individualiste » (p 152). Cet état induit une fragilité sociale et politique. « Ces conditions réunies sont le terreau d’un mécanisme de masse totalitaire ». Cette insatisfaction peut se focaliser sur un objet commun dans un nous collectif.

Cependant, nous dit Louis Fouché, il ne suffit pas de comprendre en adoptant la posture d’un spectateur. Cette posture induit « une aspiration par la société du spectacle » (p 153). Il y un autre écueil : « Certains sont tentés de baisser les bras… Nous sommes impuissants quand nous somme isolés. C’est humain, mais c’est une dynamique suicidaire. On doit se mettre en lien » (p 154).

A partir de son expérience dans ses rencontres au cours de la crise du Covid, Louis Fouché peut encourager. Pendant cette crise, certains ont réagi. « Ils se sont réunis et ils ont accueilli leurs souffrances mutuelles. C’est le premier de tous les mécanismes thérapeutiques : l’écoute empathique. Avant même d’agir, savoir qu’on n’est pas seul, qu’on n’est pas fou, est le début de la mise en action » (p 156). L’auteur appelle à « aller vers le lien et l’appel du Réel ». « Réussir à sortir d’un paradigme où l’on reste à contrôler et prédire, pour aller vers l’imprévu de ressentir et s’ajuster » (p 156). Louis Fouché rapporte son action pour permettre l’expression et le partage de nombreuses expériences positives en cours aujourd’hui, des alternatives innovantes : la réalisation d’un documentaire : « Tous résistants dans l’âme ». « Un pas pour que les gens osent raconter la beauté et la transformation en cours autour d’eux. Ce faisant, j’espère qu’émergera un autre récit dominant que celui des multinationales » (p 156). Louis Fouché examine les différentes motivations de nos actions. Et, par exemple, il évoque la figure psychologique du triangle de Karpman : « des rôles qui oscillent entre celui de victime et celui de bourreau en passant par celui de sauveur » (p 160). Pour sortir de ce triangle infernal, revenir à la souveraineté. « Qu’est ce qui est en mon pouvoir, et à quel endroit je peux agir juste pour faire advenir le monde que je veux ? » (p 161). C’est un appel à la responsabilité. « Il en va dans ces considérations sur l’espoir et la souveraineté d’un enjeu de réenpuissancement. Il s’agit de reprendre sa puissance d’agir par un regard tourné sur les enjeux et les responsabilités. Il ne s’agit pas de vaincre. Il ne s’agit pas d’avoir raison. Il ne s’agit pas d’aller lutter contre. Il s’agit déjà de transformer ses propres attentes, son propre regard. Et de précipiter dans la matière une action juste par un changement d’intentions, d’émotions et d’espérances. « Be the change you want to see in the world » (Gandhi) (p 162).

 

Pistes d’action

En fonction de ses analyses et de ses idéaux, l’auteur nous propose des pistes d’action dans plusieurs chapitres successifs : « agir juste, une affaire institutionnelle, une affaire technique, quelle gouvernance ? transformation culturelle et récit positif ». En énonçant ces pistes, l’auteur s’inscrit dans l’histoire d’un non conformisme et il cherche à éviter le piège de la récupération par un ordre social et technique omniprésent. Nous renvoyons à la lecture de ces chapitres.

Louis Fouchè rappelle l’histoire du machinisme au XIXe siècle, où les ouvriers se voyaient dépossédés de leurs qualifications par l’arrivée des machines. Ils s’y opposèrent dans le mouvement luddiste. « L’irruption de la machine industrielle a suscité une désappropriation… Au-delà des bénéfices productivistes, et l’accroissement du confort matériel à bas coût du consommateur, il y a la destruction d’une classe manufacturière » (p 165). L’auteur pointe d’autres désappropriations dans le monde d’aujourd’hui. Il évoque des mouvements néoluddistes « résolument techno-critiques ». Le commentaire est nuancé : « L’action sur le cours profond des choses peut sembler faible, mais elle participe à un éveil des consciences sur les conséquences de la technique habituellement tenues sous le boisseau » (p 169).

« La pratique de l’obsolescence programmée est « le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise en marche d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement »… Concept machiavélique, s’il en est, des tenants de la destruction créatrice… Il porte en lui toute l’absurdité du système capitaliste consumériste… » (p 170). Cependant, face à cette absurdité, la riposte est décisive. En France, en 2015, l’obsolescence programmée est devenue un délit entrainant jusqu’à deux ans de prison. Surtout, « il y a une source immense d’espoir : l’avancement d’une culture de la pérennité matérielle. Les pays en voie de développement, comme de très nombreux mouvements écologistes ou de bon sens, privilégient le réusage, le recyclage et la réparation. Paradoxalement, le meilleur outil de diffusion de cette culture est justement la technique numérique moderne. Aujourd’hui des sites internet entiers sont consacrés aux low-tech lab, aux recycleries, aux ressourceries qui voient le jour un peu partout » (p 171).

L’auteur évoque également le boycott. « Les mouvements d’action collective de consommateurs visant à infléchir le comportement d’une entreprise ou d’une institution sont prometteurs. Ils permettent de rééquilibrer les rapports de force entre une communauté, ses tutelles et les entreprises marchandes » (p 176). Il y a une histoire du boycott, tel le boycott réussi de la marche du sel engagée en 1930 par Gandhi en Inde. Mais comme le souligne l’auteur, il y a une condition préalable. « Le premier travail en amont du boycott et le plus essentiel est de réunir une communauté » (p 179).

Louis Fouché constate qu’on ne peut se passer de structures protectrices à condition qu’elles soient participatives. « Les collectifs citoyens créent des alternatives aux structures institutionnelles défaillantes ou déshumanisées. Mais ces alternatives ne doivent pas rester des alternatives. Elles doivent dessiner les contours d’une institution désirable ». Il faut travailler à permettre que tous ceux qui veulent quitter le système puissent le faire. La question est posée sur différents registres, y compris la monnaie.

L’auteur pose également la question de la gouvernance. Au niveau national, des choix idéologiques conditionnent les politiques. Au plan international, l’auteur a conscience de la forte demande de régulation internationale. Mais il redoute une corruption systémique. Des conditions doivent être posées. « Il est indispensables d’avoir des espaces et des institutions internationales, mais il faut bien définir leur mandat. Leur rôle est de permettre la rencontre, le dialogue et la négociation, les coopérations, les échanges… Elles ne sont qu’une table qui permet la diplomatie ». L’auteur est par contre très méfiant vis-à-vis des autorités supranationales. « Il est, en revanche, probablement dangereux de vouloir fondre les cultures, les langues, les visions du monde dans un même idéal et sous un même ordre législatif et social » (p 197).

Dans la transformation culturelle en cours, nous avons besoin d’un « récit positif » qui puisse nous inspirer. La prise de conscience écologique fait bouger les lignes. Louis Fouché évoque ces changements à sa manière. Et il se rallie à la vision de la permaculture. « Dans le paysage écologique finalement très complexe, la permaculture semble bien la vision la plus sage et la plus intégrale. La permaculture serait une façon de penser les problèmes dans une logique écosystémique » (p 206). Ces principes de réflexion issus d’une expérimentation agricole, de par leur nature écosystémique, ont touché tous les champs de l’activité humaine. L’auteur énonce ces principes (p 205) qui s’accompagnent de « trois fondamentaux éthiques : Prendre soin de la terre, prendre soin de l’humain, partager équitablement ». La permaculture prend en compte les différents niveaux de réalité. « La logique écologique a conduit progressivement à penser les problèmes, en particulier sanitaires, comme des interactions écosystémiques intégrées complexes. Dans la permaculture, la notion d’écosystème est centrale dans les rouages de compréhension. C’est une logistique plus exigeante et élargie qui contient déjà en son sein une régulation morale et un appel au non-réagir. La transformation est déjà en cours… » (p 213).

Louis Fouché nous fait part d’un exemple spectaculaire de l’application des principes permaculturels dans le domaine de la santé. C’est l’entreprise Buurtzorg aux Pays-Bas, fondée par Jos de Blok en 2006 (4). Avant Buurtzorg, le système de soins infirmiers aux Pays-Bas avait la même trajectoire d’hyper-rationalisation bureaucratique de service de soins qu’en France. Les infirmiers avaient en général un planning établi par le siège pour optimiser leur temps de transport. Le patient n’avait pas d’infirmier défini. Les soins étaient normalisés et le temps de réalisation de l’acte minuté… Ce système a généré une insatisfaction grandissante chez les patients. Jos de Blok a quitté ce système dépersonnalisé. Il a mis en place une entreprise avec quelques amis en 2006… « Ils ont revu leurs façons de concevoir le soin. Au lieu de réaliser le soin prescrit par le médecin, ils ont commencé par prendre une collation avec le patient et discuter avec lui de son réseau social et de ses besoins réels. Puis rapidement, ils ont entrepris de densifier le réseau d’aide autour des personnes et de valoriser leurs ressources propres… ». Revenue à une raison d’être qui faisait sens, s’étant réapproprié sa façon de faire, l’entreprise a adopté « le système de petites équipes autonomes sans hiérarchie de maximum douze personnes, en charge localement d’autogérer leurs plannings, leur gouvernance, leur matériel, leurs dépenses » (p 214-215). L’entreprise s’est massivement développée jusqu’à regrouper 10 000 infirmiers. Un audit a montré que cette organisation faisait économiser 40% des actes médicaux prescrits, diminuait de 30% les hospitalisations en urgence… 50% du temps paramédical était économisé… » (p 215).

Dans le mouvement de la pensée, « depuis la fin des années 2000, a réémergé l’idée des communs. Il s’agirait d’une voix médiane entre la propriété et le collectivisme… La proposition du mouvement des communs est une réappropriation des biens communs par les communautés locales ». Louis Fouché évoque les « communs de soin et de santé intégrant aussi bien les patients et les soignants à une échelle locale » (p 217).

Tout au long de ce livre, Louis Fouché se confronte aux menaces engendrées par un modèle économique marchand, mais aussi par celles qu’il attribue à l’expansion du numérique.

Cependant, les apports du numérique ne sont-ils pas considérables ? Comment pourrait-on les refuser ? Or l’auteur répond à cette question dans une séquence : « la technique comme pharmakon » (p 186-189). « Pharmakon, c’est le poison… et le remède. L’idée du pharmakon correspond à celle des cornucopiens qui voient dans la technique une source d’abondance. Si la technique est le poison, elle devrait aussi le remède… La technique va résoudre les problèmes qu’elle a créés. » (p 186). L’auteur est dubitatif vis-à-vis de cette prétention. « Je pense que nous avons atteint un seuil de contre-productivité ». « Pourtant, je dois le concéder, la résistance dans la crise du Covid n’aurait pas existé sans les réseaux sociaux ». Dès lors, la réflexion se fait nuancée. « Ressentir et s’ajuster, et non pas essayer d’imposer une utopie au réel. Nous en reparlerons avec la non-violence et la prudence. Quand tout s’effondre, il s’agit de bâtir ensemble une bulle de cohérence autour de nous pour passer l’épreuve. Et pour la bâtir, tous les morceaux intéressants du réel peuvent être récupérés » (p 188). Cependant, Louis Fouché met en garde vis-à-vis de « l’extension totalisante du numérique ». Il « décrie une utilisation pseudo-rationalisée de la technique, puisqu’elle ne change pas l’intentionnalité fondamentale sous-jacente de ne jamais se heurter à la limite » (p 188). « En synthèse, une seconde vision du pharmakon est qu’il faut utiliser la technique à de justes fins. Pour cela, il faut redonner une hétéronomie à la technique en travaillant sur les usages mis en place par les citoyens, puis sur les conceptions symboliques des créateurs eux-mêmes, sur leur intention. Ceci ne peut se lire en première lecture qu’en mettant des freins politiques et législatifs sur le pouvoir économique » (p 193).

 

Vers un nouveau système de santé

Dans ce livre, Louis Fouché entre dans une nouvelle conception de la santé et du soin qui s’inscrit dans « la logique permaculturelle », la logique écologique ; et de par son engagement lors de la crise du Covid, il est au cœur des processus collaboratifs qui ont alors émergé. L’innovation fleurit dans les marges. Un paysage nouveau est en train d’émerger. Un horizon est en train d’apparaître. Louis Fouché peut s’exclamer : « Voilà rien moins qu’un système de santé à établir. C’est un magnifique défi » (p 219).

La logique permaculturelle renouvelle note regard. D’une certaine manière, les mouvements de médecine holistique, tels que proposés par les anthroposophes ou la plupart des ethnomédecines traditionnelles, sont dans cette ligne là. Il s’agit de concevoir l’humain en interaction et intégré dans le plus grand pour pouvoir l’aider à rester en santé… la coopération des médecins est porteuse d’espoir, mais nécessite des outils d’évaluation d’impact pertinents… » (p 207).

Il est important de prendre en considération tous les éléments. « Si vous comptez les kilos perdus dans les six mois post sleeve gastrectomie versus régime seul chez un obèse, la sleeve gastrectomie va devenir la méthode de référence. Arracher et agrafer l’estomac sera meilleur à court terme que de créer un réseau social de qualité, de rééduquer à une alimentation saine, de passer quelques lois interdisant aux industriels les distributeurs automatiques des ‘nuts’, le sur-sucrage des produits préparés, de réfléchir sur le contenu culturel, philosophique et spirituel de la personne avec lenteur et patience… L’obésité n’a pas à voir qu’avec perdre des kilos dans le minimum de temps. Le côté obscur est toujours plus rapide, plus facile, plus tentant. Mais le côté obscur n’est pas le bon chemin » (p 208).

C’est la force des ethnomédecines traditionnelles. Elles ont pour elles la sagesse du temps long. « Toutes ont en commun d’être non scientifiques, hautement symboliques, très attachées à la dimension sociale et relationnelle du déséquilibre de santé. Et toutes ont en commun de rechercher l’homéostasie avec le monde. Elles réémergent et c’est une chance ». Ainsi Louis Fouché nous parle d’une rencontre où « il y avait un ethnomédecin chinois traditionnel, un médecin ayurvédique de Pondichéry, un médecin de Daramsala en Inde en exil avec le Dalaï Lama, un druide celtique, un guérisseur africain ivoirien, un médecin anthroposophe, un homéopathe, des médecins généralistes allopathiques, un anthropologue, un réanimateur. Quelle richesse ! Quel foisonnement d’intelligences et de partages !… Médecine lente et basse-technologie permaculturelle » (p 209).

Louis Fouché réfléchit à la manière permaculturelle de dépenser le moins d’énergie pour le meilleur résultat. Une pratique low-tech. C’est une orientation : « Refaire avec le sens clinique, avec l’observation patiente. Redonner du sens à l’interprétation du réel par le praticien. J’avais ainsi proposé, il y a cinq ans, la mise en place de projets médicaux de réanimation et d’anesthésie low-tech » (p 209). L’auteur raconte comment un groupe d’internistes à Paris s’est mis à donner un cycle de cours sur « les signes » aux médecins réanimateurs. Leur parcours pédagogique visait à réhabiliter les investigations au lit du malade, à resensibiliser à l’observation clinique » (p 210). L’auteur rapporte comment l’humain reprend ses droits par rapport à une pression techniciste. « En réanimation, la sédation évolue dun cocktail meurtrier à fortes doses d’hypnotiques, de morphiniques et de curares, encore utilisés par certains services arriérés, vers une sédation light où le patient coopère et participe au soin. A preuve, le Covid où la ventilation et la prise en charge techniciste lourde ont démontré leur faiblesse et leur toxicité versus une approche physiologique peu invasive avec oxygénothérapie à haut débit. Les décisions de limitation thérapeutique sont désormais prises en concertation avec les familles, le personnel et même le patient… On utilise de plus en plus les critères créés par les patients et non par les médecins. On utilise des « patients traceurs » pour aller regarder ce que l’évaluation comptable ne sait pas regarder. Ils racontent leurs vécus d’hospitalisation et ouvrent des perspectives de progression inattendues puisqu’ils parlent tous des insuffisances du lien et de l’accompagnement humain… Au cœur même du monstre, il y a un élan, un appel à plus d’humanité… » (p 211-212).

Une culture de la coopération commence à se développer. Ainsi « apparaissent de nombreuses initiatives de soin mettant en réseau des professionnels d’horizons variés… La rencontre avec la médecine institutionnelle de tous ces acteurs est une condition de la survenue d’une médecine permacole. Les patients eux-mêmes sont en train de monter en compétence de manière extrêmement rapide. Les didacticiels, les formations en ligne, les ateliers se multiplient pour que les savoir-faire et les savoirs anciens soient transmis. Je constate avec un étonnement croissant que toute une partie de la population aspire à l’autonomie en Santé et utilise des pratiques comme le Tai Chi, le Qi Gong, le yoga ou la méditation. Il me semble que ce mouvement est désormais prégnant et qu’aucune multinationale au monde ne saura l’arrêter » (p 210-211).

Ainsi, Louis Fouché voit dans toute cette évolution un profond changement de mentalité qui s’inscrit dans la montée de la culture écologique. « La logique écologique a conduit progressivement à penser les problèmes en particulier sanitaires, comme des interactions écosystémiques intégrés complexes. Dans la permaculture, la notion d’écosystème est centrale dans les rouages de la compréhension. C’est une logique plus exigeante et élargie qui contient déjà en son sein une régulation morale et un appel au non agir » (p 213).

Cependant, dans ce contexte en mouvement, comment favoriser l’avènement d’un nouveau système ?  « Pouvons-nous inventer des communs de soin et de santé à des échelles locales intégrant aussi bien les patients et les soignants, sans intervention de l’Etat ou des multinationales ? » L’auteur en donne un exemple : « les Oasis Pleine Santé » qui sont en train d’émerger. « En lien avec les collectifs locaux sur les territoires de Forcalquier et de Lyon, elles proposent un système de soins, avec une autre logique financière et sanitaire… Je participe à bâtir patiemment et pierre par pierre, un réseau de ces initiatives locales bigarrées. Elles émergent des collectifs issus de la crise du Covid et des soignants suspendus comme des citoyens ayant à cœur de retrouver leur autonomie en santé. Le réseau qui se tisse doucement a pour nom : Une Nôtre Santé. Il est articulé avec RéinfoSanté qui veut devenir une sorte d’université citoyenne de création du savoir en Santé pour le grand public » (p 217).

Et voici qu’en quelques lignes, Louis Fouché nous présente sa vision d’un  nouveau système de santé : « Élaborer du savoir, mettre en place une praxis des soins autonomes et avec un gouvernance locale. Proposer la coopération de différents soignants autour d’un patient, avec le soutien économique de toute la communauté locale. Faire intervenir les patients eux-mêmes dans les processus de salutogenèse comme cela a été fait souvent en pathologie psychiatrique et en addictologie… Revenir à des éléments de soin low-tech et à des outils de santé façonnables localement. Conserver de notre médecine en effondrement ce qui fait sens comme l’anesthésie et la chirurgie. Voilà rien moins qu’un système de santé entier à établir. C’est un magnifique défi. Et il ne sera relevé que par un Nous réconcilié, en commun » (p 217-219).

 

Une aspiration spirituelle

Dans ce livre, Louis Fouché nous interpelle : A quoi tenons-nous ? Quelle vie voulons nous vivre ? Nous croyons nous en relation ? « Les sociologues appellent parfois le récit commun unifiant : « protension collective positive ». Il s’agit de trouver ce vers quoi le Nous a envie d’aller ensemble. Il s’agit de trouver les quelques valeurs, les quelques intentions qui rassemblent les Je atomisés en une humanité qui cherche à vivre ensemble » (p 221). L’auteur énonce quelques-unes de ces valeurs. Il nous appelle à considérer la société dans laquelle nous vivons. Nous avons vécu pendant des décennies dans un développement économique ininterrompu. Aujourd’hui, nous prenons conscience que la croissance ne peut être indéfinie. Les ressources s’épuisent. Alors il nous fait envisager une décroissance. « La décroissance est une baisse du niveau de matérialité nécessaire à la vie humaine. Comment l’homme s’y adapte est toute la question » (p 221). Si nous restons dans une demande de « toujours plus », comme le monde ne pourra offrir ce « toujours plus », plus dure sera la chute (p 222). Si nous subissons une grande frustration, il y aura parallèlement de fortes tensions . « La décroissance subie promet la guerre de tous contre tous. Au contraire, la décroissance volontaire est un chemin non violent de transformation »… « La logique de la sobriété heureuse consiste à travailler sur le désir individuel et collectif ». L’auteur évoque la pensée de Pierre Rabhi. « Dans l’ensemble, il s’agit de travailler individuellement à un changement dans ses attentes par un retour aux besoins fondamentaux. Ce retour permettra de définir clairement les priorités. Il est entendu que la société dans son ensemble changera par cette augmentation de conscience individuelle. L’imaginaire des décroissants rejoint celui de Gandhi dans sa célèbre phrase : « Be the change you want to see in the world » (p 222 ). « La sobriété heureuse est souvent associée au concept d’« insurrection des consciences » et « au pouvoir créateur de la vie civile ». En cela, elle prétend à une portée à la fois spirituelle et politique » (p 222).

Mais avons-nous des exemples historiques d’un tel changement ? Louis Fouché nous apprend qu’effectivement, « la décroissance volontaire a déjà été historiquement formulée et expérimentée. L’exemple le plus célèbre reste celui du christianisme d’état de la fin de l’empire romain. Une partie de la classe aristocratique et bourgeoise dominante, lassée de ses orgies et de la vassalisation oppressive des colonies, décide de poursuivre des objectifs non matérialistes. Elle revient de manière volontaire au dénuement. Les mouvements anachorète, puis monastique ouvrent cette ère mystique de la transition vers le Moyen Age » (p 223).

La question du récit commun désirable convoque nécessairement la question de la spiritualité. Certes, ce terme fait question pour certains embarrassés par des souvenirs religieux encombrants. C’est sans doute pourquoi le titre de ce chapitre est formulé interrogativement : « Ecospiritualité laïque ? ». Cependant Louis Fouché insiste : « Par nature, l’intention que je peux porter sur demain est de nature spirituelle. Je crois que l’Occident entre dans une époque franciscaine. Saint François d’Assise, c’est celui qui a renoncé à toutes les entraves du confort. Il est l’ami de toute chose et de tout être. Dans les Fioretti et les principales prières de François d’Assise, il y a une cosmogonie intégrée de l’homme avec l’univers. La vie est sacrée. La Création est sacrée. Elle contient le divin dans chaque fibre de l’univers et de chaque être » (p 224). Il y a là une vision à l’opposé du « cartésianisme à l’œuvre dans l’imaginaire occidental depuis les Lumières ».

« En synthèse, la Sobriété heureuse est une protension collective positive pour amoindrir les conséquences individuelles et collectives de l’effondrement. Elle constitue un travail incontournable sur l’intention individuelle dont l’espoir est d’avoir une portée socio-politique. La crise que nous traversons est en train de recréer du Sacré à tour de bras. Le vivant que l’on pourchasse partout au nom du profit et de l’efficience est sacré. L’humain est un être parmi d’autres, à nul autre pareil, dans un biotope dont il procède et dont il a besoin. A vouloir le sacrifier, on le rend sacré » (p 225).

Ce chapitre se poursuit par l’éloge de deux vertus : la prudence et la non-violence. Comme sagesse pratique appliquée, « La prudence cherche une juste mesure de l’action dans l’incertitude et la contingence du réel ». Et, autre apport, « Dans l’action comme dans la pensée, la prudence est l’intelligence du courage ». « La prudence est une sorte de sagesse conceptuelle de l’action. La prudence indique la précaution élémentaire. Il y a aussi un petit air de lenteur dans les plis du concept. Une sorte de lenteur qui observe le réel avant de prendre sa décision » (p 226).

Louis Fouché s’exprime comme un adepte de la non-violence. Il nous en décrit l’esprit et la pratique. « Rien n’est jamais gagné ou perdu. L’arène met simplement en place la nécessité d’une rencontre. Et là nait le rapport de force. Celui qui amène dans la danse la volonté de l’autre est celui dont la volonté est la plus stable. Elle reste au centre. Et l’autre reste dans mon centre. Si mon centre vacille, l’autre me balaie et m’effondre. Quelle est ma volonté ? Quel est mon centre ? C’est l’autre qui m’aide à le trouver. C’est par les attaques incessantes de l’adversaire qui cherche à me détourner de moi-même, que j’apprends qui je suis » (p 228).

Dans sa conclusion, Louis Fouché reprend au départ son expression d’indignation en évoquant une déchéance humaine. Et puis, le vent tourne. Louis Fouché évoque une parole motrice des « Dialogues avec l’ange » : « Celui qui aide, parle. La parole de consolation et d’amour plane au dessus de vous. Sans l’Amour, rien ne peut s’accomplir, ni Connaissance, ni Paix, ni Félicité. La Connaissance éclaire, le Silence remplit, le Rayon apporte la chaleur, mais seul, l’Amour relie ». Alors, je dois œuvrer aussi fort que je peux, pour qu’autre chose advienne… Pour que le courage tienne… » (p 232-233). Louis Fouché convoque la résistance et il évoque un processus dans lequel les hommes s’éveillent et se rassemblent.

Ce texte nous donne accès à l’idéal de Louis Fouché, à ce qui l’anime en profondeur. C’est une certaine vision de l’humain, une manière d’envisager la vie bonne

« On veille à l’héritage. On chérit la beauté. On contemple et on console le moribond qui meurt. On admire, on écoute, avec intelligence, l’expérience inédite que l’aîné nous partage. Tous entourent et cajolent ceux qui sont en souffrance. Celui qui souffre encore ne peut être seul. Les sages nous transmettent des vérités cachées. On rétame. On répare. Toujours, on rafistole… Et surtout, l’on maintient la précieuse flamme, la joyeuse santé. Le corps est une nef. Qui conduit au sacré. Des mystères délivrent à tous des lumières. On initie chacun pour qu’il soit dissemblable. Et, Je, unique au monde, s’assemble à la tribu. La fête est bouleversante… » (p 233-234). Dans cette inspiration poétique, nous voyons une inspiration spirituelle

 

A l’écoute de questions de fond pour l’avenir de notre société

Nous découvrons de plus en plus la diversité et l’ampleur des crises qui affectent nos sociétés. En réponse, la première requête est d’en étudier le contexte et de comprendre les données correspondantes et quelles en sont les incidences et les interprétations. C’est ce que nous essayons de faire sur ce blog en toute modestie dans les limites de nos capacités. Et, à chaque fois, nous nous demandons quel pas en avant nous pouvons réaliser, quelle ouverture proposer. Il y a des domaines où nous ne aventurons pas parce que nous manquons des compétences correspondantes. Nous évitons également les questions qui soulèvent des polémiques exacerbées parce que ce contexte rend difficile une approche honnête et nuancée (5).

Nous avons donc beaucoup hésité à présenter le livre du docteur Louis Fouché : « Agonie et renouveau du système de santé ». Car, assurément, l’auteur est très contesté. Son engagement dans une opposition vis à vis des directives sanitaires officielles lors de la crise du Covid a suscité de vives critiques non seulement à l’endroit de ses positions, mais aussi, dans la guerre idéologique qui a fait rage jusqu’à aujourd’hui, vis à vis de sa personne. Nous reportant à Wikipedia, nous n’y avons pas trouvé le portrait nuancé que nous attendions, mais plutôt un procès généralisé contre un médecin considéré comme « un diffuseur majeur de fausses informations sur la crise sanitaire » (6). Cependant, l’écoute des interviews en vidéo nous a paru infirmer les opinions très négatives circulant à son sujet (7). Certes, on pouvait naturellement être en désaccord sur certains points. On pouvait également trouver son langage excessif et même parfois choquant. Mais, le ressenti est également important. Et ici, nous ressentions chez cet homme de l’honnêteté, du courage, de l’expérience, de la compétence, une manière d’être pouvant susciter de la sympathie.         Nous avons donc lu son livre. Cette lecture a éveillé une prise de conscience de la puissance avec laquelle un technicisme numérisé se répand aujourd’hui et peut porter atteinte au bon sens humain. En étudiant le parcours du système de santé en France, Louis Fouché nous introduit dans des enjeux de civilisation, tant dans l’examen des menaces que dans la perspective des opportunités. Avec lui, nous découvrons des dynamiques positives jusqu’à un éclairage spirituel à la fin du livre. Nous ne nous sommes pas sentis autorisés à passer sous silence un ouvrage peu conventionnel, mais interpelant jusque dans son approche visionnaire.

La personnalité de Louis Fouché est apparue au grand public à l’occasion de l’épidémie du Covid . Il en va de même pour le préfacier de l’ouvrage, le docteur Didier Raoult. Dans la peur qu’elle a suscitée, l’épidémie a suscité un choc violent. Dans ce contexte, les directives sanitaires officielles se sont imposées. Elles ont été portées par les pouvoirs publics et par l’accueil d’une majorité de la population. Des voix critiques ou contestataires n’ont pas été entendues. Le camp majoritaire s’est imposé dans une forme de guerre idéologique. Cependant, une résistance est apparue en terme d’objection de conscience. Aujourd’hui, le débat autour de ces politiques est en train de s’ouvrir. Le livre de Louis Fouché est une contribution à ce débat en l’inscrivant dans un cadre beaucoup plus vaste.

Cet ouvrage met en évidence la menace constituée par la montée d’un technicisme numérisé en phase avec une économie capitaliste et un pouvoir marchand. La critique des abus de la technique avait déjà été portée par des auteurs comme Jacques Ellul et Ivan Illitch. Elle s’inscrit ici dans une actualité vive, mais elle se déploie également dans une analyse historique rejoignant le rejet du machinisme au XIXe siècle. Puisque l’auteur, à juste titre, prend en compte le temps long, les questions que nous lui adressons, portent sur ce registre.

Certes, nous pouvons aujourd’hui percevoir la menace totalitaire d’un technicisme numérique s’exerçant dans le contexte d’un écart entre direction et exécution, de la puissance des émotions médiatiques, du pouvoir de l’argent. Notre inventivité  pour répondre à cette menace doit être d’autant plus grande que cette menace vient de loin en remontant le passé. Il nous faut changer le cap et l’allure d’un grand navire. Sur le registre écologique, la question se pose de la même façon. Et d’autre part, dans la dérive actuelle, nous ne devons pas oublier les acquis de l’évolution passée : les libertés chèrement acquises par rapport aux oppressions politiques et religieuses (3), mais aussi les gains réalisés en réponse à des besoins vitaux. Bref, il nous faut garder le sens des proportions.

Si, à partir de l’exemple du système de santé, cet ouvrage nous montre une puissance destructrice à l’œuvre, la pression de la « disruption », et si, en l’occurrence, il envisage l’agonie et l’effondrement de ce système de santé, il s’achève dans l’anticipation d’un renouveau. L’auteur nous permet d’entrevoir ainsi les forces à l’œuvre. Source d’espoir, il nous donne à voir qu’un esprit nouveau est déjà l’œuvre. Si elle n’a pas encore atteint les objectifs souhaités, la pensée écologique est déjà à l’œuvre et elle modifie la manière de poser les problèmes afin des les résoudre. Ainsi, « dans la pensée écosystémique, les problèmes ne sont plus seulement vus dans une perspective locale et immédiate, mais sur l’ensemble d’un système vivant dans le temps » (p 205). Issue d’un  nouvelle manière d’envisager la culture de la terre, la permaculture devient une approche méthodologique polyvalente. Louis Fouché écrit ainsi  que « la logique permacultuelle promet de grands espoirs en Santé si elle commence à être étudiée et appliquée » (p 207). Dans cet âge du Vivant, nous changeons d’échelle, nous entrons dans une vision holistique.

C’est bien dans une vision relationnelle que se présente aujourd’hui la spiritualité. Dans son livre pionnier : « Something there » (8), David Hay envisage la spiritualité comme « une conscience relationnelle ». Une analyse de conversation avec des enfants montre combien ceux-ci se sentent reliés à la nature, aux autres personnes, à eux-mêmes et à Dieu ». Aujourd’hui, à la suite du grand théologien Jürgen Moltmann, dans la Communion Divine, l’Esprit Saint nous apparaît comme « l’Esprit qui donne la vie ». « Dans les années 1980 déjà, dans son livre : « Dieu dans la création », Jürgen Molmann écrit : « Si l’Esprit Saint est répandu sur toute la création, il fait de la communauté entre toutes les créatures, avec Dieu et entre elles, cette communauté de la création dans laquelle toutes les créatures communiquent chacune à sa manière entre elles et avec Dieu » (9). « En Lui, nous avons le mouvement, la vie et l’être » (Actes 1.28) ». Sa présence est active pour susciter une humanité fraternelle (10) ; C’est dans le même veine que se situait la théologie de François d’Assise appréciée par Louis Fouché : « une cosmogonie intégrée de l’homme tissée avec l’univers. La vie est sacrée. La Création est sacrée. Elle contient le divin dans chaque fibre de l’univers et de chaque être » (p 224). « Le corps est une nef. Qui conduit au sacré » écrit Louis Fouché dans sa conclusion (p 234). N’est-ce pas le respect de l’humain qui inspire la résistance de Louis Fouché à l’encontre d’une emprise techniciste et mécaniste à son encontre. « Le transhumanisme vient tuer le vivant en nous » (p 35).

J H

 

(1) Dr Louis Fouché. Agonie et renouveau du système de santé. Mirage d’une médecine algorithmique transhumaniste et frémissement d’un retour au soin. Note de l’éditeur. Préface par Didier Raoult. Exuvie, octobre 2022. Ce livre est présenté par son auteur dans une interview You Tube : « Origine et éthique d’un médecin engagé » : https://www.youtube.com/watch?v=ynqcf5SwcMs

Louis Fouché est également l’auteur du livre : « Tous résistants dans l’âme » (14 octobre 2021) et du film qui porte le même titre

(2) Face à une accélération et à une chosification de la société : https://vivreetesperer.com/face-a-une-acceleration-et-a-une-chosification-de-la-societe/

(3) Des Lumières à l’âge du vivant : https://vivreetesperer.com/des-lumieres-a-lage-du-vivant/

(4) A travers les méandres de l’histoire, une humanité meilleure qu’il n’y paraît : https://vivreetesperer.com/a-travers-les-meandres-de-lhistoire-une-humanite-meilleure-quil-ny-parait/

(5) Le courage de la nuance : https://vivreetesperer.com/le-courage-de-la-nuance/

(6) Wikipedia : Louis Fouché : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Fouch%C3%A9

(7) Louis Fouché. Le nouveau monde. Intreview Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=ld_iQMzerjk

(8) La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. Une recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/

(9) Dieu vivant, Dieu présent, Dieu avec nous dans un monde où tout se tient : https://vivreetesperer.com/dieu-vivant-dieu-present-dieu-avec-nous-dans-un-univers-interrelationnel-holistique-anime/

(10) Il y en a assez pour chacun : https://vivreetesperer.com/il-y-en-a-assez-pour-chacun/

 

Voir Dieu dans la nature

Lorsque je suis sensible à la beauté de la nature, j’entre dans un état d’esprit où je perçois en elle une réalité qui me dépasse, un mouvement qui m’inspire. A ce moment, je ne suis plus un observateur détaché. Je reconnais un mouvement de vie dans les êtres qui m’entourent. Je participe à un mystère. On peut citer Einstein : « Il y a deux manière de vivre la vie : l’une, c’est comme si il n’y avait de miracle nulle part. L’autre, c’est comme si tout était miracle ». Sans doute, les positions sont moins tranchées . Il y a place pour des registres de regard différents, mais pas incompatibles entre eux. Mais la pensée d’Einstein nous invite à aller plus loin : « La plus belle émotion que nous puissions éprouver, c’est le sentiment du mystère. C’est une émotion fondamentale qui est au berceau de tout art , de toute science véritables ». Dans mon évolution personnelle, j’ai pris de plus en plus conscience que l’on pouvait percevoir Dieu à l’œuvre dans la nature.

 

 

         Dieu dans la création

Jürgen Moltmann m’a aidé dans cette prise de conscience (Dieu dans la création (Cerf 1988). « Le Dieu trinitaire inspire sans cesse la création. Tout ce qui est, existe et vit grâce à l’affluence permanente des énergies… Ainsi il nous faut comprendre toute réalité créée de façon énergétique, comme possibilité réalisée de l’Esprit divin. Grâce aux possibilités et énergies de l’Esprit, le Créateur lui-même est présent dans sa création. Il ne s’oppose pas seulement à elle par sa transcendance, mais entre en elle et lui demeure en même temps immanent » (p 23).

« Tu ouvres ton souffle, ils sont créés. Tu renouvelles la face de la terre » (Psaume 104/29-30).

« L’Esprit saint est « répandu » sur toutes les créatures. La source de vie est présente dans tout ce qui existe et qui est vivant. Tout ce qui existe et vit, manifeste la présence de cette source de vie divine » (p 24).

 

 

         Dieu à l’œuvre. Un regard concret et émerveillé

Comment notre regard peut-il alors s’exercer. Scientifique, philosophe et théologien, Roy Abraham Varghese nous aide à voir ce monde comme une merveille et à percevoir Dieu à travers cette merveille. (The wonder of the world. Fountain Hills, 2003).

« Nous pouvons reconnaître l’existence de Dieu et en devenir conscient simplement en percevant les choses autour de nous. C’est l’acte de voir les choses comme créées, comme nécessitant l’existence de Dieu pour expliquer leur existence, comme dépendant de lui et finalement comme manifestant l’infini ici et maintenant. Juste comme nous voyons un poème comme un poème, et pas comme des signes imprimés, et ne pouvons le voir comme autre chose qu’un poème, de la même façon, nous ne pouvons voir les choses autour de nous seulement comme un ensemble d’atomes. mais comme des réalités qui manifestent et reflètent Dieu ». (p 62) ;

« Les senteurs et les couleurs d’une belle rose nous viennent de Dieu, manifestant sa divine présence. Naturellement, la rose n’est pas Dieu ou une partie de Dieu. Mais la rose, dans sa totalité, non seulement reflète la gloire de Dieu comme une magnifique œuvre littéraire manifeste l’esprit de son auteur, mais aussi elle nous rend Dieu présent comme une manifestation immédiate et constante de :

– la puissance divine qui la tient en existence et soutient ses activités

– L’infinie intelligence qui l’a conçue.

– La beauté ineffable à partir de laquelle ses couleurs et ses senteurs rayonnent…

Voir une rose, c’est voir une manifestation immédiate et concrète de la créativité, de l’intelligence et de l’énergie infinie. C’est voir Dieu ici et maintenant » (p 64-65)

 

 

Alors en présentant quelques photos de fleurs, non seulement nous suscitons un  émerveillement, mais nous pouvons en même temps nous ouvrir à une méditation en y percevant la présence de Dieu à travers sa création.

 

 

 

 

 

Partageons ensemble notre regard sur la nature, la manière dont nous y percevons la présence de Dieu.

 

JH

 

plus de photos de Catpiper et Ecstaticist sur flickr

Comment nos pensées influencent la réalité

 

 

« Pour une approche intégrale de la conscience » : conférence de Mario Beauregard au colloque de l’UIP : « Sciences et connaissances »

 

         Notre existence, la conscience que nous en avons, se fondent sur notre pensée. C’est dire l’importance des questions que nous pouvons nous poser sur les rapports entre nos pensées et notre être corporel. De même, c’est par la pensée que nous  participons au monde et pouvons accéder à ce qui nous dépasse. Dans un texte concernant les expériences spirituelles publié sur ce blog (1), nous nous référions au livre d’un chercheur en neurosciences, Mario Beauregard : « Du cerveau à Dieu. Plaidoyer d’un neuroscientifique pour l’existence de l’âme » (2). Par la suite, nous avons découvert un nouveau livre de ce même chercheur : « Brain wars. The scientific battle over the existence of the mind and the proof that will change our life » (3). A partir de travaux scientifiques, l’auteur y réfute les thèses matérialistes. Non, la conscience n’est pas le produit du cerveau et destinée à disparaître avec lui. Non elle ne dépend pas entièrement des mécanismes physiologiques, ainsi soumises aux seules lois de la matière. Non, la conscience humaine n’est pas qu’un épiphénomène, une forme passagère juste là en attendant de disparaître. Au contraire, l’esprit humain apparaît comme une réalité spécifique. Des recherches convergentes montrent l’influence de nos pensées sur nous-même et sur le monde extérieur. Nous avons présenté une mise en perspective de cet ouvrage sur le site de Témoins. Aujourd’hui, ce livre a été traduit en français sous le titre : « Les pouvoirs de la conscience. Comment nos pensées influencent la réalité » (4).

 

En janvier 2016, Mario Beauregard est intervenu dans le cadre du colloque organisé  par l’Université interdisciplinaire de Paris (5) ayant pour thème « Sciences et connaissances. De la matière à l’esprit ». L’Université interdisciplinaire de Paris vient de mettre en ligne sur YouTube l’ensemble des contributions des intervenants. Dans son intervention, Mario Beauregard nous présente « une approche intégrale de la conscience » (6). Il nous fait part d’abord du plan de son exposé. « Je voudrais parler dans un premier temps de ce qu’on appelle le matérialisme scientifique qui est devenu très influent dans les disciplines scientifiques et qui joue un rôle important dans les neurosciences jusqu’à présent ». Mario Beauregard montre là comment cette idéologie s’est formée et quelles sont ses conséquences. Il nous parle ensuite des recherches qu’il a réalisées à partir d’une série d’études d’imagerie cérébrale. « Ces études montrent que, contrairement à ce que certaines théories matérialistes veulent nous faire croire, l’esprit humain a une grande capacité d’influence au niveau cérébral. L’esprit humain a une grande capacité d’influence au niveau du corps, du cerveau et de tous les systèmes physiologiques qui sont connectés. Il a aussi une influence énorme à l’extérieur des limites du corps. C’est le concept appelé « l’esprit non local ». Je vais vous présenter certaines études à ce sujet. Je vais terminer en vous parlant de ce qui est en train d’émerger, à partir des études qui vous sont présentées, un nouveau paradigme qu’on a appelé un paradigme post matérialiste ». Avant de commencer son exposé, Mario Beauregard donne également quelques définitions préalables que nous retiendrons ici : « Quand je fais référence à l’esprit, c’est la traduction du terme anglais : « mind ». C’est l’ensemble des processus mentaux, qu’ils soient conscients ou non, par exemple la mémoire, la perception, les émotions, la pensée. Lorsque je fais référence à la conscience, c’est la faculté mentale qui permet d’appréhender ce qui se passe soit en relation avec le monde extérieur, soit avec ce qui se passe intérieurement sur le plan mental, par exemple la pensée, les émotions. Cela inclut aussi la conscience de soi ». A la fin de sa conférence, Mario Beauregard donne quelques références sur les évolutions en cours concernant le paradigme post matérialiste, mais pour une approfondissement complémentaire concernant l’ensemble de son exposé, il renvoie aux deux livres que nous avons évoqués. On trouvera donc maintenant une reprise du texte mettant en perspective l’apport de son livre : « Brain wars », déjà publié sur le site de Témoins.

 

 

Brain Wars. Face à une idéologie matérialiste, les pouvoirs de la conscience

Dans le livre : « Brain wars », par delà la description du conflit entre des conceptions scientifiques opposées, Mario Beauregard nous apporte des données convergentes qui montrent l’apparition et le développement d’un nouveau paradigme dans lequel l’esprit humain apparaît comme une réalité spécifique : « L’esprit n’a pas de masse, de volume ou de forme et il ne peut être mesuré dans l’espace et dans le temps, mais il est aussi réel que les neurones des neurotransmetteurs et les jonctions synaptiques. Il est aussi très puissant » (p 5).

Mario Beauregard trace une rétrospective des travaux réalisés dans ce champ d’étude. Il critique les postulats méthodologiques de l’approche matérialiste, notamment l’application des principes de la physique classique à ce domaine. Les théories jusque là dominantes ne peuvent expliquer « pourquoi et comment des expériences intérieures subjectives telle que l’amour ou des expériences spirituelles se développent à partir de processus physiques dans le cerveau » (p15). Le livre met en évidence une nouvelle manière de comprendre les rapports entre l’esprit et le corps à partir des données émergentes résultant des recherches menées dans des champs nouvellement explorés comme : l’effet placebo/nocebo, le contrôle cérébral, la neuro plasticité, la connexion psychosomatique, l’hypnose, la télépathie, les expériences aux frontières de la mort, les expériences mystiques. En prenant en compte la vision nouvelle que la mécanique quantique nous propose pour la compréhension de la réalité, Mario Beauregard inscrit les recherches sur les rapports entre le cerveau et l’esprit dans un nouveau paradigme. « Dans l’univers quantique, il n’y a plus de séparation radicale entre le monde mental et le monde physique » (p 207). Désormais, la conscience apparaît comme une réalité motrice. En exergue de son chapitre de  conclusion, l’auteur propose une citation du physicien et astronome, James Jeans : « L’univers commence à ressembler davantage à une grande pensée qu’à une grande machine ».

Ce nouveau paradigme ne nous apporte pas seulement une compréhension nouvelle, il a des conséquences pratiques pour notre vie. Désormais, nous pouvons exercer une influence positive sur notre santé et sur nos comportements, mais nous sommes appelés en même temps « à cultiver des valeurs positives comme la compassion, le respect et la paix » (p 214). A travers la description des expériences aux frontières de la mort et des expériences mystiques, nous apprenons aussi l’existence d’une réalité supérieure empreinte d’amour et de paix. Ce regard  nouveau appelle une vision spirituelle. Quand le mental et la conscience s’unifient, « nous sommes à nouveau connectés à nous-même, aux autres, à notre planète et à l’univers » (p 214). Cette mise en évidence de la conscience est un phénomène qui va entraîner des transformations profondes dans le monde.

 

Des champs nouveaux où la conscience émerge.

Les chapitres du livre nous présentent successivement des champs d’étude où la conscience apparaît désormais comme une réalité majeure. En voici quelques exemples.

 

Placebo/nocebo.

La croyance a le pouvoir de guérir ou de tuer. C’est l’effet placebo/ nocebo. L’auteur nous apporte un exemple particulièrement évocateur : un patient en train de mourir d’un cancer très avancé, apprenant l’apparition d’un nouveau médicament, le réclame et, après l’injection, connaît une guérison spectaculaire. Deux mois après, il apprend, en lisant un journal, que ce médicament a été jugé inefficace. Il rechute. Le médecin adopte un stratagème. En lui affirmant que son information est inexacte, il lui injecte de l’eau distillée. Et, à nouveau, les effets sont étonnants puisque très rapidement, la tumeur disparaît. Hélas, lisant à nouveau dans la presse la confirmation de l’inefficacité de ce médicament, il est réadmis à l’hôpital et meurt au bout de deux jours.

L’auteur ne mentionne pas seulement des cas surprenants, mais bien établis. Il nous fait part également de nombreuses recherches. Des traitements fictifs et même des opérations fictives remportent de grands succès lorsque les patients croient à leur efficacité. Mais on a vu que des croyances négatives ont parallèlement des effets néfastes. Ainsi, « À travers nos croyances, nous détenons une puissance de vie et de mort entre nos mains… La science a démontré, mainte et mainte fois, que ce que nous croyons influence significativement notre expérience de la souffrance, la réussite d’une opération, même l’issue d’une maladie. Nos attentes peuvent inciter nos corps à effectuer un travail de régulation de nos conditions physiques et émotionnelles » (p 40).

 

Neurofeedback

Plusieurs chapitres très documentés font le point sur l’influence considérable de la pensée sur les processus corporels.

Par exemple, le « neurofeedback » permet aux individus de changer certains aspects de leur fonctionnement physique et d’améliorer leur santé en traitant les informations qui leur sont fournies en temps réels sur les réponses de leur corps (comme le rythme cardiaque ou la tension musculaire). Le « neurofeedback » introduit des changements dans le fonctionnement du cerveau et peut aussi améliorer les fonctions cognitives, réduire l’anxiété et accroître le bien-être émotionnel.

 

Neuroplasticité

Bien plus, on découvre aujourd’hui les effets d’une pensée méthodiquement conduite et entraînée sur l’organisation et le fonctionnement du cerveau. Cette découverte de la « neuroplasticité » est relativement récente. Elle est apparue au cours des dernières décennies. Auparavant, les neuroscientifiques croyaient que le cerveau était figé dans son état initial parce qu’ils le concevaient comme une machine non évolutive. On sait maintenant qu’il n’en est rien. « La recherche a montré que nous pouvons intentionnellement éduquer notre mental à travers des pratiques méditatives et accroître ainsi l’activité de régions et de circuits de nos cerveaux non seulement dans le domaine de la concentration et de l’attention, mais aussi dans le domaine de l’empathie, de la compassion et du bien être émotionnel. De tels exercices peuvent même modifier la structure physique du cerveau ». A cet égard de nombreuses recherches ont été effectuées sur les effets de la méditation de moines bouddhistes et aussi de religieuses carmélites. Ces recherches mettent en évidence un effet majeur sur le fonctionnement et la structure du cerveau. L’auteur cite le Dalaï Lama : « Le cerveau que nous développons, reflète la vie que  nous menons ». Bien évidemment, cette remarque est de portée générale.

 

Psychosomatique

Dans la même perspective, Mario Beauregard traite de « la connexion entre le corps et l’esprit » qui est le fondement de la médecine psychosomatique. Cette médecine, bien qu’encore trop peu considérée, est aujourd’hui bien connue. Il y a quelques années, Thierry Janssen, dans son livre : « La solution intérieure » (7) mettait à nouveau cette approche en valeur dans une enquête à l’échelle internationale sur la manière d’envisager les rapports entre l’esprit et le corps. L’auteur apporte ici un ensemble de données qui permettent de mieux comprendre les processus correspondants.

 

Hypnose

Et dans le chapitre suivant, il traite de l’hypnose à partir des recherches qui ont été effectuées sur ce phénomène. Il en explore les effets bénéfiques sur le plan médical. L’auteur voit dans l’hypnose une situation qui permet l’expression d’une force intérieure « En fait, nous ne sommes pas contrôlés par la suggestion hypnotique. Plutôt, l’hypnose peut nous aider à laisser tomber les barrières qui nous empêchent d’utiliser des capacités latentes en nous » (p 132).

 

Communication extrasensorielle.

Mario Beauregard confirme la réalité des phénomènes psychiques dans lesquels la réalité est appréhendée au delà de l’espace et du temps. Et comme dans la plupart de ses chapitres, il commence son exposé en nous proposant des études de cas. Et ici, il s’agit des performances d’un jeune homme recruté par les services de renseignement américains, qui, à distance, a perçu des situations et fourni des informations dont on a pu vérifier la réalité.

La recherche dans le domaine de la perception extrasensorielle prouve que nous pouvons recevoir de l’information à travers l’espace et le temps sans utiliser nos sens ordinaires. L’Esprit peut également influencer à distance de la matière et des organismes vivants. Ainsi, si aucune théorie ne permet aujourd’hui d’expliquer cette catégorie de phénomènes, il y a désormais un grand nombre de données expérimentales à ce sujet. L’auteur fait appel à la physique quantique pour apporter un début d’éclairage : « La physique classique décrit l’univers comme un ensemble d’éléments isolés les uns des autres.Mais la physique quantique a montré que l’univers est fondamentalement « non local » : les particules et les objets physiques qui paraissent être isolés et séparés sont en fait profondément interconnectés indépendamment de la distance » (p 154). Mais cette explication est insuffisante, car elle ne prend pas en compte les aspects psychologiques. En fait, « les phénomènes psy ont de profondes implications pour notre compréhension du rôle de l’esprit et de la conscience dans l’univers. Ces phénomènes suggèrent que l’esprit joue un rôle fondamental dans la nature et que la psyché et le monde physique ne sont pas radicalement séparés » (p 155).

 

Expériences aux frontières de la mort.

Le phénomène des « near-death experiences » (NDR), en français désigné sous le terme : « les expériences de mort imminente » (EMI), est aujourd’hui connu par un vaste public, car il a fait l’objet, depuis plusieurs décennies, d’une abondante littérature. Très tôt, avec la parution du livre du psychiatre américain, Raymond Moody : « La vie après la vie » (8), des exemples impressionnants et vraisemblables nous ont été apportés. Aujourd’hui, la recherche à ce sujet se fait de plus en plus rigoureuses, comme en témoigne la parution récente du livre d’un chirurgien néerlandais : Pim Van Lommel : « Consciousness beyond life. The science of near-death expériences » (9) qui rend compte de recherches scientifiques dont celles menées par l’auteur. Nous n’aborderons pas ici dans le détail les phénomènes correspondants. Voici quelques conclusions de Mario Beauregard au sujet de cet horizon nouveau qui s’offre à nous aujourd’hui : « Les études scientifiques sur les « near-death experiences » réalisées au cours des dernières décennies indiquent que les fonctions mentales les plus élevées peuvent être opérantes indépendamment du corps à un moment où l’activité du cerveau est gravement endommagée ou apparemment absente (lors d’un arrêt cardiaque). Quelques unes de ces études montrent que des gens aveugles peuvent avoir des perceptions véridiques au cours d’une expérience de sortie du corps. Les études sur les expériences aux frontières de la mort suggèrent qu’après la mort physique, l’esprit et la conscience continuent à un niveau transcendant de la réalité… Ce phénomène est incompatible avec la croyance de beaucoup de matérialiste selon laquelle le monde matériel serait l’unique réalité » (p 181-182). Le contenu de ces expériences n’est pas moins important puisqu’il véhicule généralement amour et paix.

 

Expériences mystiques.

Le dernier chapitre du livre porte sur les expériences mystiques. Elles sont caractérisées par une expansion de la conscience bien au delà des limites habituelles de nos corps et de nos égos, et au delà du concept quotidien de l’espace et du temps » (p 185). D’après le philosophe britannique, Walter Stace, ces expériences ont pour traits communs « la perception d’être un à l’infini, une vie sans faille, englober toute chose, des sentiments de paix, le bonheur et la joie, l’impression d’avoir touché au fondement ultime de la réalité (quelque fois identifié avec Dieu) et une transcendance de l’espace et du temps » (p 185). Les expériences mystiques peuvent être extraverties ou intraverties. Dans le premier cas, les réalités terrestres continuent à être perçues à travers les sens physiques, mais elles sont alors transfigurées par une conscience de l’unité qui brille à travers elles. Dans les formes extraverties, le « petit soi » ordinaire s’évanouit momentanément et revient transformé. « Il y a une union temporaire avec le tout, un sentiment d’unité avec toutes choses dans l’univers, la découverte que le fondement de l’être est à l’origine de la vie. On a pu parler à ce sujet de conscience cosmique » (p186). Dans la même perspective, le livre récemment publié par David Hay : « Something there » rapporte une collecte d’expériences mystiques intervenues dans la quotidien telle qu’elle a été initiée par Alister Hardy, un autre chercheur britannique. Il a travaillé à partir de là sur le concept de spiritualité (10).

Mario Beauregard met en évidence la diversité des cadres et des situations dans lesquelles ces expériences peuvent survenir. Elles peuvent se produire en rapport ave une absorption de drogues. « Je suis d’accord avec Henri Bergson et Aldous Huxley que l’activité habituelle du cerveau joue un rôle de filtre qui, généralement, nous rend inconscient du fondement de l’être » (« Ground of being »). Les barrières seraient levées par certaines substances. Mais dans l’ensemble, le phénomène apparaît bien plus vaste et mystérieux. Chez ceux qui les ont vécues, les expériences mystiques produisent une transformation profonde dans leur vie ultérieure : un sens de la vie nouveau, un bien être psychologique. On a pu observer des changements analogues après certaines expériences aux frontières de la mort (11).

 

L’émergence d’une conscience nouvelle.

A la fin de son livre, dans sa conclusion, Mario Beauregard évoque « un grand changement dans la conscience » (« A great shift in consciousness »). En effet, à partir de champs d’étude différents, toutes ces recherches convergent dans la mise en évidence de la réalité et de la puissance de l’esprit humain et, au delà, de la réalité d’un univers spirituel qui nous dépasse infiniment : « Nos esprits peuvent être extrêmement puissants, bien plus puissants que nous pouvions l’imaginer il y a quelques décennies » (p 208). Ces facultés peuvent dépasser les contraintes habituelles à l’espace et au temps. Les expériences aux frontières de la mort mettent en évidence que l’esprit a une certaine autonomie par rapport à l’activité cérébrale. La composante mystique des expériences aux frontières de la mort montre qu’elles comportent un accès à de nouveaux univers de réalité, indépendamment du cerveau. Et, de même, les récits des expériences mystiques ouvrent nos yeux à une nouvelle vision de l’univers et de la place de l’être humain dans celui-ci. Pour interpréter ces données en termes scientifiques, Mario Beauregard fait appel aux apports de la physique quantique qui change notre perception de la réalité matérielle.

Son livre nous introduit dans un nouveau paradigme, une transformation révolutionnaire de notre représentation de l’être humaine et cette transformation intervient à partir de données scientifiques, qui, par delà les particularités sociales et culturelles, ont une portée universelle. Mario Beauregard, dans l’enthousiasme de cette découverte, proclame les aspects positifs de ce grand mouvement de la conscience. Il y voit une affirmation de la dignité de l’homme, une ouverture à des valeurs positives comme la compassion, le respect et la paix. Rejoignant la définition de la spiritualité qui nous est apportée par David Hay comme « une conscience relationnelle », Mario Beauregard nous dit que lorsque le mental, l’esprit et la conscience sont reconnus comme une réalité unifiée, « nous sommes connectés à nous-même, aux autres, à notre planète et à l’univers » (p 214).

 

Une esquisse de questionnement théologique.

La vision qui nous est présentée par Mario Beauregard  bouscule les thèses matérialistes qui remontent au XIXè siècle. Mais sa nouveauté radicale interpelle aussi tous ceux  qui réfléchissent à la place de l’être humain dans l’univers, philosophes, théologiens, mais aussi les chercheurs travaillant dans des champs scientifiques différents. Cette vision appelle une réflexion interdisciplinaire. Elle requiert également une recherche théologique. Nous situant dans une perspective chrétienne, voici quelques questions qui nous semblent appeler réflexion, en sachant, au départ, qu’en milieu chrétien, la réception de cette vision sera différente selon les mentalités. Les représentations nouvelles qui nous sont proposées par le livre de Mario Beauregard induisent de nombreux questionnements en rapport notamment avec la conception de l’homme, la manifestation du bien et du mal, la perception et la représentation de Dieu, la destinée humaine, la manière dont nous percevons le temps où nous vivons.

 

Le livre de Mario Beauregard met en valeur la dignité de l’homme. La personnalité de celui-ci n’est pas déterminée par des conditionnements biologiques. Non seulement, il a une part de liberté, mais les recherches mettent en valeur le potentiel considérable dont il dispose pour exercer une influence sur ces conditions de vie. L’esprit humain se voit reconnaître une capacité d’intervention jusque là inenvisageable, par exemple, dans certains cas, une communication qui peut s’exercer au delà des limites habituelles de notre corps. Au total, il y a là une mise en valeur de la puissance de l’esprit humain. Bien sûr, en contrepartie, la responsabilité humaine est alors davantage engagée. Car, si puissance il y a, il est d’autant plus nécessaire qu’elle s’exerce au service du bien. C’est dire que l’homme a besoin d’une inspiration bénéfique. Cependant, par delà cette interrogation, cette vision est susceptible de contrarier et d’inquiéter tous ceux qui portent sur l’homme un regard globalement négatif et pessimiste. Ainsi, dans le monde chrétien, elle se heurte à un courant de pensée enraciné dans une forme de pensée théologique qui met l’accent sur l’impact destructeur du péché originel et la corruption de la nature humaine qui en serait résultée. Cette tradition, apparue au début de la chrétienté s’est longtemps poursuivie en son sein. D’autre part, la représentation de Dieu intervient parallèlement. S’il est envisagé selon l’image des monarques dominateurs de l’Antiquité et non comme un Dieu trinitaire, communion d’amour qui appelle à la participation des êtres humains, alors on sera enclin à ne pas encourager le potentiel humain. Encore aujourd’hui, dans certains milieux, la puissance de Dieu paraît mieux valorisée si l’on pose en comparaison la faiblesse de l’homme. En regard, la représentation nouvelle de l’homme qui nous est communiquée par Mario Beauregard trouve un éclairage chez les théologiens qui mettent l’accent sur la création de l’homme par Dieu, « à son image et à sa ressemblance » (Genèse 1.26) et dans l’avènement décisif de la venue, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ qui remporte la victoire sur la mort, induit un tournant décisif dans l’histoire de l’humanité et prépare l’avènement d’une création nouvelle dans laquelle Dieu sera « tout en tous ». Comme le montre Jürgen Moltmann dans son livre : « L’Esprit qui donne la vie » (12), Dieu est à la fois transcendant et immanent. L’Esprit de Dieu est à l’œuvre dans la création. L’homme s’inscrit dans cette création et est appelé à y participer.

 

Dans cette perspective, si le mal est encore bien actif dans ce monde, la dynamique de Dieu porte la vie. Et nous sommes appelés à y participer selon les capacités qui nous sont données et dont nous voyons, à travers ce livre, qu’elles dépassent ce qu’on imaginait jusqu’ici. Et d’autre part, « Dieu est le créateur des choses visibles et invisibles ». Nous sommes appelés à dépasser une opposition tranchée entre naturel et surnaturel. C’est-à-dire, en termes caricaturaux, ce qui relèverait de l’homme et ce qui relèverait de Dieu. La découverte de capacités nouvelles accessibles à l’homme ne s’oppose pas à la puissance de Dieu, mais elle en est le reflet et elle s’inscrit dans l’œuvre de l’Esprit. Si cette vision nouvelle va à l’encontre des interdits qui avaient pu s’installer dans une inquiétude allant de pair avec l’ignorance, elle appelle au contraire une participation accrue des chrétiens à l’œuvre de l’Esprit qui devraient trouver dans la conscience du potentiel humain, un encouragement pour manifester cette oeuvre avec force par exemple dans le domaine de la guérison.

 

D’autre part, les recherches dont Mario Beauregard dresse le bilan dans le domaine des expériences aux frontières de la mort, mais aussi dans le champ des expériences mystiques, nous apporte, à travers des données empiriques, une représentation du « divin » et une perception des rapports entre le « divin » et l’humain. Cet apport appelle un approfondissement de la réflexion théologique. L’histoire nous montre le parcours des représentations de Dieu à travers les siècles dans le monde chrétien. On peut y observer des contrastes et des évolutions. Jésus nous communique une vision de Dieu comme un Etre qui se révèle dans la tendresse de l’appellation : « Papa » et comme le Père miséricordieux qui accordent à tous les hommes les bienfaits de la création : le soleil et la pluie (Matthieu 5.45). A travers son ministère terrestre, sa mort et sa résurrection, Jésus-Christ remporte la victoire sur le mal et ouvre les portes d’un univers nouveau dans lequel Dieu sera « tout en tous ». Ces quelques notations ont simplement pour but d’évoquer la bonté et la puissance infinie de Dieu telles qu’on peut en trouver une approche chez certains théologiens. La vision du « divin », qui nous est communiquée par Mario Beauregard rejoint l’approche de ces théologiens. Les expériences du « divin » sont essentiellement des manifestations d’amour et de paix. Et elles sont accordées, sans discrimination, à des hommes et des femmes issus d’univers culturels et religieux très variés. Elles se manifestent ainsi comme un don de Dieu, en  terme de grâce selon le vocabulaire chrétien. C’est une réalité qui va à l’encontre de tout exclusivisme dans lequel certains voudraient attribuer aux chrétiens la propriété des œuvres du Saint Esprit et une emprise sur l’horizon du salut. Il n’est pas de notre compétence de rendre compte ici des orientations de la théologie contemporaine. On trouvera sur ce site les apports  plusieurs théologiens qui interviennent sur cette question : William Davies dans « Spirit without frontiers » (L’Esprit sans frontière) (13), Brian McLaren dans « Generous orthodoxy » (« Orthodoxie généreuse ») (14) et Jürgen Moltmann dans l’ensemble de son œuvre (15). David Hay, dans son livre : « Something there » (10) inscrit la démarche de sa recherche dans une perspective analogue : suivre attentivement la manière dont l’Esprit s’exprime aujourd’hui.

 

Certains peuvent s’interroger sur la spécificité chrétienne. Il nous paraît que les chrétiens sont appelés à accompagner les manifestations du « divin », de la « conscience cosmique », par une réflexion inspirée par la Parole Biblique qui permettra aux personnes concernées d’avancer dans l’interprétation de ce vécu. Un bel exemple nous en est donné par l’itinéraire de Wolfhart Pannenberg qui, incroyant à l’époque, a vécu dans sa jeunesse une expérience mystique. Celle-ci a suscité en lui une recherche qui a débouché sur une entrée dans la foi chrétienne et une œuvre de théologien qui apparaît comme particulièrement significative. Mais il y a aussi une manière de vivre ces expériences dans laquelle il y a immédiatement un rapport direct et réciproque entre le vécu et une foi chrétienne déjà présente. La foi est nourrie et éclairée par l’Esprit Saint tel qu’il se manifeste dans ces expériences. Celles-ci sont vécues dans une dimension personnalisée : une relation avec Jésus-Christ. Les exemples sont innombrables, et, proche de nous à Témoins, ce rapport entre l’expérience et la Parole s’exprime bien dans le vécu d’Odile Hassenforder tel qu’elle l’exprime dans le livre : « Sa présence dans ma vie » (16). Le récit de sa guérison, expérience fondatrice qui s’accompagne d’un vif ressenti de l’amour de Dieu, témoigne de la manière dont cette expérience illumine et éclaire sa compréhension de la Parole. « Dieu se manifestait à moi par l’amour qui m’envahissait. Je me suis sentie aimée au point où cet amour débordait de moi sur tous ceux que je rencontrais… J’avais demandé la vie. Je l’ai reçu en abondance, bien au delà de ce que je pouvais imaginer : la vie éternelle… Je suis née à la vie de l’Esprit, je suis entrée dans l’univers spirituel… « Le Royaume de Dieu » dit Jésus. Ce fut une révélation pour moi… La trinité devenait une réalité aussi naturelle qu’avoir des parents… Jésus, par sa mort et sa résurrection, m’a tirée de la mort où m’entraînait le mal, pour me donner la vie éternelle en me réconciliant avec le Père… J’avais soif d’en connaître davantage. Je lisais ma Bible, surtout le Nouveau Testament. Et assez curieusement, je comprenais des choses qui m’étaient jusque-là restées hermétiques… » (p 34).

Le livre de Mario Beauregard s’inscrit dans un contexte nouveau culturel et spirituel. Dans la recherche, particulièrement dans le domaine des sciences humaines, le choix d’un sujet d’investigation, l’attention qui lui est portée, la démarche suivie ne sont pas sans rapport avec des transformations plus générales dans les manières de voir et de sentir. Dans bien des domaines, il y a des pionniers qui se heurtent d’abord à l’incompréhension, et puis, à un moment, le climat change et la même problématique commence à déboucher. Parallèlement des recherches nouvelles ébranlent les anciennes certitudes et un  nouveau paradigme émerge. Dans un livre récent : « The future of faith » (17), le théologien américain Harvey Cox, rapportant le bilan de plusieurs décennies de recherche, évoque l’apparition d’un « âge de l’Esprit » où l’expérience a une place majeure. Sur le registre scientifique des neurosciences, la recherche de Mario Beauregard correspond et contribue à un changement dans notre conception du monde et notre regard sur la vie. Dans cette période de mutation culturelle où nous vivons, nous sommes appelés à discerner « les signes des temps » (18)

 

Jean Hassenforder

 

(1)            Sur le blog : Vivre et espérer : « les expériences spirituelles » :

https://vivreetesperer.com/?p=670

(2)            Beauregard (Mario), O’Leary (Denyse). Du cerveau à Dieu. Plaidoyer d’un neuroscientifique pour l’existence de l’âme. Guy Trédaniel, 2008. Mise en perspective sur le site de Témoins

(3)            Beauregard (Marion). Brain wars. The scientific battle over the existence of the mind and the proof that will change the way we live our lives. Harper Collins, 2012. Nous reprenons ici la mise en perspective de ce livre (« la dynamique de la conscience et de l’esprit humain ») réalisée pour le site de Témoins, actuellement (mars-avril 2016) en réfection, et en conséquence, non accessible. Ce texte renvoie aux pages de ce livre, depuis lors traduit en français. Sur ce blog, une présentation du livre de Mario Beauregard : « Potentiel de l’esprit humain et dynamique de la conscience » : https://vivreetesperer.com/?p=737

(4)            Beauregard (Mario). Les pouvoirs de la conscience. Comment nos pensées influencent la réalité. Interéditions Dunod, 2013

(5)            Fondée en 1995 sous l’impulsion de Jean Staune et de Jean-François Lambert, L’Université interdisciplinaire de Paris  (UIP) a joué un rôle pionnier dans le développement d’une vision du monde  prenant en compte  démarche scientifique et démarche de foi en organisant colloques et rencontres dans une perspective internationale et interdisciplinaire. Site : http://uip.edu  Jean Staune est l’auteur de deux best-sellers, « Les clés du futur » qui analyse les mutations de la société sous les angles, technologique, sociologique, scientifique et économique, et « Notre existence a-t-elle un sens ? » qui parcourt à la fois les sciences de l’univers, de la matière, de la vie, de la conscience pour analyser les implications philosophiques et métaphysiques des découvertes scientifiques contemporaines . Voir : http://www.jeanstaune.fr

(6)            « Pour une approche intégrale de la conscience » : intervention sur YouTube de Mario Beauregard, neurologue, chercheur à l’Université d’Arizona (USA) :

https://www.youtube.com/watch?v=t9czuewM0VM

(7)            Janssen (Thierry). La solution intérieure. Vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit. Fayard, 2006. Sur le site de Témoins : « Vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit. Guérir autrement ». http://www.temoins.com/developpement-personnel/vers-une-nouvelle-medecine-du-corps-et-de-l-esprit.guerir-autrement.html

(8)            Moody (Raymond). La vie après la vie. Laffont, 1977

(9)            Van Lommel (Pim). Consciousness beyond life. The science of near-death experiences. Harper Collins, 2010. Présentation sur le blog : Vivre et espérer : « les expériences spirituelles telles que les « near-death experiences ». https://vivreetesperer.com/?p=670

(10)      Hay (David). Something there. The biology of the human spirit. Darton, Longman, Todd, 2006. Sur le site de Témoins : « La vie spirituelle comme une « conscience relationnelle ». Une recherche de David Hay sur la spiritualité d’aujourd’hui ».

http://www.temoins.com/etudes/la-vie-spirituelle-comme-une-conscience-relationnelle-.-une-recherche-de-david-hay-sur-la-spiritualite-aujourd-hui./toutes-les-pages.html

(11)      « Les expériences spirituelles telles que les « near-death expériences ». Quels changements de représentations et de comportements ? »  Article sur le blog : Vivre et espérer.

https://vivreetesperer.com/?p=670

(12)      Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999.  Présentation de la pensée théologique de Jürgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie ».

http://www.lespritquidonnelavie.com/

(13)      Davies (William R). Spirit without mesure. Charismatic faith and practice. Darton, Longman and Todd, 1996. Sur le site de Témoins : « Une ouverture théologique pour le courant charismatique ».

http://www.temoins.com/reflexions/une-ouverture-theologique-pour-le-courant-charismatique/toutes-les-pages.html

(14)      Mc Laren (Brian D). Generous orthodoxy… Zondervan, 2004 : « Une théologie pour l’Eglise émergente. Qu’est ce qu’une orthodoxie généreuse ? »

http://www.temoins.com/etudes/une-theologie-pour-l-eglise-emergente.-qu-est-ce-qu-une-orthodoxie-genereuse/toutes-les-pages.html

(15)       Blog sur la pensée théologique de Jürgen Moltmann : « L’Esprit qui donne la vie »

http://www.lespritquidonnelavie.com/

(16)      Hassenforder (Odile). Sa présence dans ma vie. Empreinte, Temps présent, 2011. Des passages de ce livre ont fréquemment été présentés sur ce blog : Vivre et espérer

(17)      Cox (Harvey). The future of faith. Harper, 2009  Sur le site de Témoins : « Quel horizon pour la foi chrétienne ? « The future of faith » par Harvey Cox »

http://www.temoins.com/publications/quel-horizon-pour-la-foi-chretienne-the-future-of-faith-par-harvey-cox.html

(18)      Parole de Jésus sur les signes des temps : Matthieu 16.3. Sur le site de Témoins : «  Les signes des temps. Comprendre notre environnement culturel et pratiquer une théologie du quotidien »

http://www.temoins.com/culture/les-signes-des-temps.-comprendre-notre-environnement-culturel-et-pratiquer-une-theologie-du-quotidien.html

A l’écoute d’une voix bienfaisante

 

« Dieu appelle » : des paroles inspirantes.

 

Notre vie s’inscrit dans un tissu de relations. J’éprouve ce désir de relation : partager ce qui est bon et beau, reconnaissance mutuelle, bienfait de la présence, accompagnement dans les épreuves. Nous faisons partie d’un tout. Tout se tient. Dans cette interrelation, n’y aurait-il pas plus particulièrement une présence qui entre en relation avec nous en nous manifestant un amour attentif et en nous communiquant une inspiration vivifiante. Nous ne sommes pas seuls dans l’univers. Il y a bien une voix qui cherche à se faire entendre. C’est bien ce que nous dit le récit biblique. Dieu, communion d’amour, s’est révélé dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Il a ouvert une relation qui se poursuit aujourd’hui dans l’Esprit. Cette relation s’exerce dans des formes différentes, entre autres, dans la fréquentation de la Parole Biblique et dans la prière, et elle a besoin de se nourrir de représentations. Qui est Dieu ? Comment lui parler ? Comment le message qui nous est destiné s’inscrit-il dans ce que Dieu nous a déjà communiqué ? Les moments varient. Ce peut être le ressenti d’ « une vie bonne » qui nous invite à exprimer une louange et à participer davantage à la générosité de Dieu. Ce peut être aussi un temps d’épreuve où on est pressé de toute part et où l’horizon paraît bouché. Alors oui, quelle grâce d’entendre une voix qui encourage, qui communique force et confiance !

Parmi les livres qui peuvent nous aider dans cette recherche spirituelle, il y a un recueil de messages inspirés : « Dieu appelle » (1). Ce livre a été publié en Angleterre durant l’entre deux guerres, puis traduit en français par un pasteur qui a joué un rôle important de médiateur culturel. Cet ouvrage a été vendu à un grand nombre d’exemplaires au long des années et il rencontre encore aujourd’hui une réception favorable. Il traverse les frontières confessionnelles. Cette diffusion est un véritable phénomène sur lequel nous reviendrons.

 

« Dieu appelle » : quel contexte ?

 

Mais comment ce livre a-t-il été écrit ? C’est ce que nous rapporte le pasteur Géofranc, lui-même traducteur de cet ouvrage dans l’édition française.

« Ce livre n’est pas un livre ordinaire. Le contenu a été reçu par deux humbles femmes qui ont tenu à conserver l’anonymat, plus particulièrement par l’une d’entres elles, d’ailleurs. Elles avaient été amenées à s’unir étroitement pour rechercher quotidiennement les directions d’en haut par l’Esprit, afin d’y conformer ensemble leur vie. Ce livre est donc comme la réponse même de Dieu à leur volonté d’entière et courageuse consécration ».

Géofranc nous éclaire sur le contexte de cette écriture en dissipant les objections qui pourraient être émises à l’égard de cette entreprise. « C’est en invoquant la présence du Christ glorifié, l’Eternel vivant qui a dit à ses disciples : « Je suis avec  vous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Matth 28.20) que ces pages ont été reçues. Mais il ne s’agit aucunement de messages « dictés » ou d’écriture automatique. Il s’agit de ce que le Christ, actuellement vivant et agissant par l’Esprit, peut communiquer d’inspiration pratique, de vive lumière, de directions et d’éclaircissements précis, parfois même d’un enseignement d’une valeur exceptionnelle à des âmes humblement disponibles et qui s’efforcent de l’écouter, en faisant taire devant Lui toutes les voix humaines. On ne cherchera pas dans ces pages une inspiration littérale, ou l’expression infaillible d’une sorte de révélation complémentaire, adaptée à des besoins particuliers. On y cherchera bien plutôt une libre parole de Dieu s’adressant aux âmes sincères. »

 

Des thèmes privilégiés.

 

Nous recevons ces paroles dans notre être profond. Elles répondent à telle ou telle aspiration, à tel ou tel besoin. Mais, à tous, elles communiquent un état d’esprit, une manière d’être, un regard. Des thèmes privilégiés reviennent au fil des pages. En voici quelques uns.

C’est un appel à la communion. « Ces haltes avec moi ne sont pas tant des moments où vous devez demander d’être éclairés et conduits que des moments où vous devez vous placer devant moi afin de prendre effectivement conscience de ma présence. Le sarment demande-t-il constamment au cep de lui fournir la sève et de lui montrer dans quelle direction il doit s’orienter. Non, n’est-ce pas ? Cela résulte tout naturellement du fait qu’il est uni au cep… et vous êtes les sarments (Cf Jean 15.1-5)… Ainsi, mes enfants, une seule chose importe vraiment pour vous. C’est d’être unis à Moi. Tout le reste suit d’une façon si naturelle ! Et il suffit souvent, pour que cette union soit réalisée, que vous deveniez conscients de ma Présence » (p 114-115).

C’est un appel à la confiance. « Vous ne sauriez périr mes enfants, car la vie qui vous anime est la Vie de la vie. C’est la Vie, qui, à travers les siècles, a soutenu et gardé mes serviteurs dans le péril, dans l’adversité, dans l’affliction. Une fois que vous êtes nés de l’Esprit (Cf Jean 3.5-6), l’Esprit devient votre souffle de Vie. Vous ne devez donc jamais vous abandonner au doute ou aux soucis, mais avancer pas à pas dans le chemin de la liberté. Ayez soin seulement d’y marcher avec moi » (p116).

C’est un appel à l’amour. « Appelez souvent la bénédiction de Dieu sur les autres, sur ceux en particulier qui vous contredisent et s’opposent à vous ou sur ceux que vous désirez aider. Faites le de tout votre cœur, désireux vraiment de voir se répandre à flot sur eux la bénédiction, la joie et le succès… Quant à leur nécessaire redressement ou formation… remettez-vous à Moi pour les assurer… Ah, si mes enfants voulaient bien ne pas se mêler de mes affaires et s’en tenir à ce que je leur demande ! Aimez donc. Je le répète, aimez encore, aimez toujours. L’amour vous fera surmonter toutes vos difficultés

Dieu, en qui le mal perd toute réalité, Dieu, en qui le bien, au contraire trouve sa réalité, Dieu est amour. Quand vous vous aimez les uns les autres, vous laissez Dieu agir dans votre vie. Or laisser Dieu agir dans sa vie, c’est permettre à cette vie de répandre tout ce que l’homme peut manifester d’harmonie, de beauté, de joie et de bonheur « p 117-118).

C’est un appel à la prière. « La prière modifie tout. Elle recrée. Elle agit irrésistiblement. Ainsi donc, priez ! Priez sans cesse (I Thess 5-7). Priez jusqu’à ne presque plus formuler de prière parce que vous serez établis sur le roc de la foi absolue… Priez surtout et toujours jusqu’à ce que votre prière culmine en louange. C’est la seule note sur laquelle devrait se terminer la vraie prière. Quand on se tourne vers l’homme : amour fraternel et rire confiant. Quand on se tourne vers Dieu, prière de louange » (p 138).

Ces messages invitent à la joie, à la paix, au calme intérieur. « Toute agitation contrarie le bien. Le calme, par contre, le favorise et prive le mal de ses atouts… Commencez par vous tenir tranquille et sachez que je suis Dieu. Efforcez-vous ensuite de n’agir que sous ma direction. En Dieu, l’on demeure toujours calme. Le calme est la confiance en action. Seule la confiance, une absolue confiance peut assurer le calme… » (p 131-132).

« Soyez remplis de joie. La joie est salutaire. La joie guérit. Réjouissez-vous du moindre rayon de soleil, du moindre sourire, du moindre acte de bonté ou d’amour, du moindre service rendu… Refusez d’être abattu… Aimez et sachez rire. Je suis avec vous . Je porte vos fardeaux… » (p 14-15).

Il y a dans ces messages beaucoup de sagesse : « Ne vous croyez pas tenus de porter les péchés et les souffrances du monde. Pour le faire et vivre, il faut être le Christ. Attachez-vous plutôt à découvrir autour de vous ceux qui font preuve d’amour, de sincérité, de bonté et de courage » (p 180). Ces messages encouragent et orientent vers le positif. « Tout est bien », répète souvent cette voix pour nous rassurer et nous réconforter (cf index).

Parfois, un éclairage original vient corriger des représentations qui ont pu être marquées par des images contraignantes :

« Ce que l’on entend par la « conversion » n’est souvent que la découverte du « Grand Ami ».

Ce que l’on entend par la « religion » est la connaissance du « Grand Ami »

Ce que l’on entend par la « sainteté » est l’imitation du « Grand ami » ou la conformité de nos deux vies.

La « perfection », cette perfection à laquelle j’appelle tous les hommes : « Soyez parfait comme votre Père Céleste est parfait » (Matth 5.48) consiste en somme à être comme votre Grand Ami, afin de devenir à votre tour, un ami semblable pour les autres…

Je suis votre Ami… Songez un peu à tout ce que signifie les termes d’Ami et de Sauveur. Un ami est toujours disposé à venir en aide… Il prévient vos besoins… Sa voix est celle de la tendresse qui trouve les mots pour détendre les nerfs fatigués et pour rassurer l’âme agitée et envahie par la peur… Tachez de vous représenter ce que doit être l’Ami parfait, celui que rien ne décourage, qui se donne sans réserve, qui a triomphé de tout et qui peut tout. Je suis pour vous cet Ami… » (p 180-181).

Quel chemin à parcourir ! Mais, ces paroles ne suscitent pas la culpabilisation ou le découragement, car il nous est simplement demandé d’entrer dans une relation qui porte la Vie. Jésus nous dit que l’arbre se juge à ses fruits. Ici, ce sont les fruits de l’Esprit : « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté… » (Epitre aux Galates 5.22).

Ces écrits sont présentés en terme de méditations quotidiennes. Nous les recevons dans le contexte de nos sensibilités. On peut attendre de ces paroles une transformation progressive de notre mentalité.

 

Pendant plusieurs dizaines d’années après sa parution, ce livre a été réédité plusieurs fois et continue aujourd’hui son œuvre bienfaisante.

Et son parcours, qui traverse les frontières confessionnelles, est impressionnant. Ce recueil a été publié en Grande-Bretagne. Il a été reconnu et traduit en français par un pasteur, Georges F Grosjean (2). Celui-ci, originaire du Jura suisse, a effectué ses études au Canada, puis a exercé un ministère pastoral en France. Il a fait connaître dans notre pays les fruits d’un renouveau spirituel advenu en Grande-Bretagne dès l’entre-deux guerres. Aujourd’hui, les textes de ce recueil sont présentés sur un site catholique au titre de ce que l’Eglise catholique appelle une « révélation privée » (3).

Cette reconnaissance, par tant de canaux et par tant de lecteurs, est, pour nous, une œuvre de discernement. En recevant ce livre, nous recevons une inspiration, mais nous pouvons également la partager. Des amis proches ont beaucoup reçu de ce livre. Alors, partageons et exprimons aujourd’hui notre reconnaissance. « Silencieusement, le travail de l’Esprit s’accomplit » (p 64).

 

(1)            Dieu appelle. Traduit de l’anglais par Géofranc (Pasteur Georges F Grosjean). A la Baconnière. La publication de ce livre a été suivie par celle d’un deuxième recueil : « Vivre par l’Esprit ». Avec quelques autres, ce livre a été présenté dans un article mis en ligne sur le site de Témoins : « Entrons avec confiance dans la relation avec Dieu » : http://www.temoins.com/ressourcement/vie-et-spiritualite/ressourcement/entrons-avec-confiance-dans-la-relation-avec-dieu

(2)            Parcours de vie de Georges F Grosjean (pseudonyme : Geofranc) : « Georges François Grosjean (1891-1981) » : http://sitepasteurs.free.fr/bios/grosjean.htm

(3)            Site catholique : « Prière d’église » : http://home.nordnet.fr/caparisot/html/dieuapdeux.html

 

Des ami(e)s nous ont dit l’apport de ce livre pour eux. Voici à ce sujet le  témoignage de Nadine :

« J’apprécie l’esprit des deux livres de méditations quotidiennes : « Dieu appelle » et « Vivre par l’Esprit ». Le matin, je commence ma journée par la lecture de la Bible et par ces méditations. Cette parole pour chaque jour m’encourage dans ma vie chrétienne, elle me donne une ligne directrice pour la journée qui m’aide à demeurer dans le calme et la tranquillité quoiqu’il arrive.

Bien souvent, cette méditation me rejoint dans mon vécu en me préparant aux évènements, en me confirmant une intuition ou en m’éclairant sur un point d’incertitude. Bien souvent aussi, je la reçois, comme la parole même du Seigneur à ce moment là. Deux choses que j’admire chez leurs auteures : leur proximité avec l’Esprit de Dieu et leur choix de ne pas divulguer leur identité. Ces deux livres sont une référence pour moi et m’accompagnent jour après jour ».