Cosy, réconfort, joie partagée dans un bonheur simple… Il y a dans nos vies et notamment dans nos vies familiales, des moments où nous éprouvons très concrètement la joie d’aimer et d’être aimé, un bonheur sans mélange qu’il est bon de pouvoir exprimer avec reconnaissance. Hélène nous fait part d’un de ces moments de grâce où tout s’accorde harmonieusement…
J H
Réconfort intérieur
Notre Papi, aux couleurs argentées, au regard patient et sage, aux paroles souvent pleines d’encouragements, de maturité et faites d’expériences justes, enrichissantes et éclairantes : Nous l’aimons beaucoup !
Pour tout ce qu’il est et tout ce qu’il donne…pour son soutien et sa compréhension si précieuses à nos yeux.
A son âge , lui offrir un cadeau d’anniversaire demande réflexion, alors voilà nous voulions quelque chose à l’image du réconfort qu’il distille autour de lui…de jolis verres à vin, pour des moments en partage, et pour lui, oui pour lui, un plaid, doux, chaud, bleu gris, et qu’elle fut sa surprise en découvrant ce grand carré de tissus tout en s’enveloppant dedans : « une sensation d’extrême protection et de confort réconfortant ». « C’est mon doudou !! »
Et alors une partie des plus petits enfants sont venus se blottir tout contre lui, un moment d’une tendresse inouïe qui nous restera en mémoire. Papi nous t’aimons, et dans un bout de tissus nous te prenons nous aussi tous dans nos bras. Merci à toi !!
« Blueturn » : la terre vue du ciel Selon Jean-Pierre Goux
Nous avons de plus en plus conscience du caractère exceptionnel de cette terre qui accueille notre humanité et qui est maintenant notre « maison commune » (1). Les photos de la terre vue du ciel participent au développement de cette vision. Dans une intervention à la rencontre FED X Vaugirard Road 2016 sur le thème : « Penser l’invisible », Jean-Pierre Goux nous présente un parcours de près de vingt ans dans lequel il a milité pour une meilleure visibilité de ces photos : « Voir la terre comme vous ne l’avez jamais vue » (2). En découvrant combien le regard sur cette planète peut être chargé d’émotion et porter un potentiel de grâce et d’amour, on suit avec passion l’aventure de Jean-Pierre Goux d’autant plus que celui-ci la retrace avec beaucoup d’humour et d’émotion.
Pour commencer, Jean-Pierre Goux nous présente une photo de la terre vue du ciel dans sa globalité. « Vous avez tous vu cette photographie au moins sur la couverture de vos livres d’histoire, et sans doute bien ailleurs, car cette photo est la plus reproduite de toute l’histoire de l’humanité. Pourquoi ? Elle est unique. C’est la seule qu’on ait de la terre toute éclairée ». Ou, du moins, c’est la seule qu’on avait jusqu’à l’année dernière. « En effet, elle a été prise en 1972 par les astronautes de la mission Apollo 17, la dernière des missions Apollo. Dans les missions précédentes, la terre n’était jamais complètement éclairée. Elle s’appelle : « Blue marble ». Donc c’est la première photo qu’on a eu, mais c’est aussi la dernière ».
C’est une photo qui a tout changé, nous dit Jean-Pierre Goux. « Pour la première fois , l’humanité voyait sa maison. Elle découvrait que la terre était ronde. On le savait. On nous l’avait dit. On en qavait la preuve. Cette photo nous a aussi fait comprendre que notre planète était magnifique, mais qu’elle était aussi fragile, perdue dans une identité noire et lugubre. Elle nous adonné envie de la protéger. Cette photo a démarré un mouvement qu’on appelle la conscience planétaire. Elle est intervenue en 1972 quand les problèmes environnementaux devenaient globaux et a contribué au développement du mouvement écologiste. Malheureusement, les effets de cette photo se sont estompés avec les décennies ».
J P Goux nous raconte alors comment il en est venu à s’interroger personnellement sur cette photo. « Mon histoire avec la terre a démarré, il y a une vingtaine d’années, en 1996. Un ami d’école d’ingénieurs, qui faisait un stage à l’aérospatiale, m’offre un livre qui a changé ma vie. Je n’imaginais pas à l’époque qu’il allait m’emmener aussi loin. Ce livre, il s’appelait : « Clairs de terre ». Il a été édité par l’association des « explorateurs de l’espace » (une association des anciens astronautes). En feuilletant ce livre, j’ai vu des photos de la terre vue de l’espace, à couper le souffle. Mais ce qui m’a surtout intrigué, c’étaient les textes qui étaient à côté de ces photos. C’étaient des citations d’astronautes d’une poésie extraordinaire qui semblaient avoir été saisis par la grâce, mais surtout par un amour que je n’avais jamais autant vu pour la terre. Je me suis dit qu’il y avait là quelque chose à exploiter pour changer les choses et rendre le monde meilleur… ». Ainsi, pendant des dizaines et des dizaines de citations, on voit des hommes et des femmes de toutes nationalités manifester un amour incommensurable pour la terre. Quelque chose paraissait les avoir touché. Cet effet a été étudié et porte le nom d’ « overview effect » (3). Il a été montré scientifiquement que l’effet combiné de l’apesanteur, de la peur, du silence, et de l’exposition au grand large de la terre tournant avec un rythme lancinant, crée toutes les conditions pour une expérience mystique, extatique, une expérience qui a marqué à vie ceux qui l’ont vécue. Ces astronautes étaient persuadés que la terre est un être vivant, interconnecté et qu’il fallait absolument le préserver… Le seul problème, c’est qu’il n’y avait que 500 personnes qui avaient vécu cette transformation !!!
A cette époque, Al Gore était vice-président des Etats-Unis, très investi dans l’écologie. En 1998, deux mois après le protocole de Kyoto, et se demandant comment sensibiliser les gens au défi du changement climatique, « Une nuit, inspiré par « Blue marble » et ce que cette photo avait changé quand il était plus jeune, il eut le rêve d’envoyer une sonde dans l’espace pour filmer la terre en temps réel et diffuser les images sur internet pour que les gens voient le visage illuminé de Gaïa ». En réponse, la Nasa s’engagea dans ce projet.
« Le problème, c’est que pour avoir ces images, c’est très compliqué parce que, si vous voulez avoir en temps réel des images de la terre complètement éclairée, il faut être sur l’axe terre-soleil, parce que c’est le seul axe où la terre est complètement éclairée. Si vous êtes trop près du soleil, la force du soleil vous attire. Si vous êtes trop près de la terre, la force de la terre vous attire. En fait, il n’y a qu’un point qui correspond entre les deux, le point de Lagrange L1 où les deux forces s’annulent. Mais il est à 1,5 million kilomètres de la terre. La Nasa a relevé le défi et construit un satellite adéquat. Cependant Al Gore ayant été défait aux élections présidentielles américaines en 2000, le projet fut interrompu par le nouveau pouvoir politique. Jean-Pierre Gout, alors chercheur mathématicien aux Etats-Unis, fut profondément déçu, car il attendait de cette initiative un renouveau de la sensibilisation à la conscience planétaire. Mais il ne perdit pas confiance et continua à suivre les évènements. En 2013, il découvre que l’administration Obama relance le projet sous une autre forme. C’est le projet « Discovr ». L’exécution est confiée à la firme « Space X ». En juin 2015, le satellite atteint sa destination. Et, en septembre 2015, un site web commence à diffuser des photos de la terre au rythme de 10 à 20 photos par jour. Cependant cette performance n’est pas vraiment mise en valeur. « Personne n’a parlé de ces photos. Personne ne les a utilisées. Aucun « overview effect » n’a été déclenché. Un grand désarroi m’a habité. Tout ça pour ça ! ».
Et puis, à nouveau, Jean-Pierre Goux est inspiré. Il prend contact avec un ami, le même qui lui avait passé le livre : « Clairs de Terre ». Cet ami accepte de travailler avec lui, via internet « On a passé des nuits à voir ce qu’on pouvait faire avec ces images , via internet. Un soir : eurêka ! Si on disposait plusieurs images de la terre prises sous différents angles et qu’on les projetait sur une sphère en les interpolant, on devrait pouvoir créer cette fameuse vidéo à laquelle j’aspirais. On y a travaillé plusieurs nuits et, un soir, on a vu la terre tourner pour la première fois devant nos yeux. On était émerveillé ! ».
Les deux chercheurs ont décidé de tester les réactions des gens. Ils ont mis la vidéo sur internet et ils l’ont taggée : la Nasa. « Quelques heures après, on a reçu un mail de la Nasa qui nous félicitait en nous demandant comment on avait réalisé cette vidéo : Quand on a été en contact avec le responsable de la mission « Discovr », cela a été pour nous un des moments les plus forts de notre parcours… ».
Jean Pierre-Goux a réalisé son rêve et nous le communique. « Ce rêve, c’est qu’on s’approprie tous ces images en partageant le sentiment d’un bien collectif qu’on doit protéger. On a créé un projet : « Blueturn » (le tournant bleu) et sur le site : blueturn.earth (4), on peut trouver toutes ces images, toutes ces vidéos. Avec ces images, on espère générer un nouvel enthousiasme autour de cette planète et surtout des projets artistiques, méditatifs et éducatifs inédits. On espère que ces projets pourront plonger chacun de nous dans un « overview effect » et nous amener au prochain niveau de conscience planétaire. Quand les astronautes de la mission Apollo 17 ont pris la photo « Blue marble », ils ne savaient pas ce qui allait se passer. Nous non plus. Ces images sont les vôtres. A vous de jouer ! ». Nous participons à ce mouvement.
(2) « Voir la terre comme vous ne l’avez jamais vue ». Talk de Jean-Pierre Goux au colloque : « Penser l’invisible » organisé par Ted X Vaugirard Road. 13 juillet 2016 https://www.youtube.com/watch?v=Boe8F09OvWI
Nous ne pouvons pas ignorer les messages de plus en plus précis et de plus en plus pressants qui annoncent un bouleversement climatique et la ruine de la biodiversité. Mais que faire ? Refuser d’y penser ou au contraire affronter le défi. Ces dernières années, la prise de conscience a grandi et elle a même débouché sur la réussite d’une grande négociation internationale, la COP 21. Mais des mesures techniques suffisent-elles ? Comme tout se tient, nous sommes également appelés à changer de genre de vie, et pour cela, nous devons modifier notre regard et adopter des comportements nouveaux. Nous avons besoin d’y voir plus clair, de découvrir de nouveaux chemins. Un film vient de sortir et répond à cette question.
« Demain » est un film documentaire français réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent. Devant un futur que les scientifiques annoncent préoccupant, leur film a la particularité de ne pas donner dans la catastrophe » (Wikipedia). En réponse à leurs questions, qui sont aussi les nôtres, les deux jeunes réalisateurs, Cyril et Mélanie, sont partis aux quatre coins de la planète pour trouver les hommes et les femmes qui proposent des solutions à ces problèmes ». Ils ont découvert, et ils nous permettent d découvrir avec aux, qu’un mouvement est déjà en marche pour répondre à ce défi. « Partout, des hommes et des femmes racontent un autre monde qui respecte la nature et les humains, d’autres façons de faire l’agriculture et l’économie, d’autres formes d’éducation et de démocratie… Ces personnes écrivent une nouvelle histoire. Elles nous disent qu’il faut nous bouger maintenant » (1)
Nous voyons ainsi des innovations apparaître et apporter des transformations radicales dans les principaux secteurs de l’activité humaine : l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie, l’éducation. Et l’on s’aperçoit qu’un nouvel état d’esprit est en train d’émerger et, qu’en certains lieux, le changement est déjà très avancé.
Cultiver la terre autrement, c’est aussi traduire une attitude nouvelle vis à vis de la nature.
Ainsi, en ville, ressent-on sans doute davantage un manque qui tient à son éloignement. Et la recherche d’un nouveau mode d’accession à la nourriture est une expression de vie. Petite ville anglaise en déshérence dans une région ayant perdu son industrie, Todmorden est devenu le berceau d’une culture de légumes et de fruits au sein même d’une ville. Cette innovation s’est répandue ensuite en Grande-Bretagne et dans le monde. C’est le mouvement des « Incroyables comestibles ». Oui, incroyable, mais vrai !
Et cette vidéo nous présente également les fermes urbaines qui ont commencé à se développer dans la ville américaine de Détroit ruinée par la perte de son industrie automobile. Mais l’apparition des fermes urbaines correspond à un besoin plus général puisque, comme il nous est rappelé, aujourd’hui le phénomène urbain devenant majoritaire, il est bon d’en rapprocher la production de nourriture. Et, en même temps, on prend conscience des dégâts suscités par une agriculture industrielle, grande consommatrice d’énergie et peu protectrice des sols. En fait, elle met à mal les équilibres naturels. Un paradigme opposé est en train de s ‘affirmer : la permaculture qui associe les espèces, régénère les sols et déploie un travail respectueux de la nature. La vidéo nous montre un exemple impressionnant et réjouissant de cette nouvelle forme de culture à la ferme du BecHellouin en Normandie.
On sait aujourd’hui combien la consommation des carburants fossiles dérègle le climat. Ce dérèglement climatique est une grande menace. Or, à nouveau, ce reportage nous apporte une bonne nouvelle. Partout dans le monde, les énergies renouvelables se développent rapidement. Les énergies issues de la biomasse, les dispositifs solaires et éoliens sont aujourd’hui compétitifs. A nouveau, les exemples présentés par cette vidéo de l’Ile de la Réunion à l’Islande sont éloquents. A Copenhague, c’est toute la vile qui se transforme. Car si l’énergie éolienne est une ressource particulièrement efficace au Danemark, dans la ville elle-même, un processus est mis en œuvre pour réduire la consommation d’énergie. Le paysage urbain se modifie en favorisant le développement du vélo et de la marche à pied. La transformation de la vie urbaine apparaît également dans la manière dont la ville de San Francisco parvient à recycler 80% de ses déchets.
A travers ces exemples, on perçoit également l’apparition d’un nouveau genre de vie, plus économe et plus sobre. Et justement, PierreRabhi, paysan philosophe aujourd’hui bien connu, accompagnateur du mouvement Colibris, dénonce l’aberration que représente une croissance économique indéfinie au profit d’une humanité insatiable. Le reportage s’oriente alors vers les prémices d’une nouvelle économie. La vidéo nous présente une entreprise particulièrement innovante à tous égards, et notamment en matière de développement durable : Pocheco. Les réalisateurs mettent également l’accent sur des expériences de monnaie locale qui réduisent l’emprise des banques et encouragent une économie de proximité. Les exemples sont empruntés à la Suisse et à la Grande-Bretagne (Totnes et Bristol).
Mais, les difficultés rencontrées pour développer une nouvelle économie ne tiennent-elles pas, pour une part, à la distance qui s’est installée entre les gouvernants et les gouvernés ? Cette question est abordée, peut-être un peu trop sommairement. Mais, là aussi, des exemples positifs nous sont apportés. C’est l’insurrection non violente des citoyens islandais face à la gestion politique de la banqueroute des banques d’Islande. C’est la république des villages enInde. Ce reportage nous présente l’action concrète d’un maire qui parvient à transformer la vie de sa commune, ce qui implique également un changement dans les mentalités.
Et, bien sûr, cette ®évolution requiert une nouvelle éducation. A cet égard, l’exemple de la Finlande est remarquable. L’enseignement finlandais montre qu’il est possible à la fois d’obtenir d’excellents résultats scolaires dans les classements internationaux et de développer un climat de confiance et de respect qui encourage la réussite de tous les enfants dans la reconnaissance de la diversité de leurs rythmes, de leurs aptitudes et de leurs aspirations. La Finlande met en pratique, à une vaste échelle, ce que les pionniers de l’éducation nouvelle ont expérimenté et formulé.
Le film : « Demain » est en salle depuis le 2 décembre 2015. Et, en quelques mois, il a déjà été vu en France par plus d’un million de spectateurs. C’est dire combien il répond à à un besoin de compréhension et d’action. Et, c’est vrai, face aux menaces, il nous encourage lorsqu’il se conclut sur cette parole : « Si on se rassemble, on a tous le pouvoir de changer le monde ».
Ce film rassemble les pièces d’un puzzle et nous voyons apparaître l’image d’un monde nouveau. Et, il est aussi un fil conducteur. Il nous montre un chemin. On perçoit, dans le déroulement de ce film, un souffle épique. De découverte en découverte, nous éprouvons un sentiment d’émerveillement. Et nous ressentons du bon, du bien et du beau, car ce film ne nous parle pas seulement de découvertes techniques, fondamentalement, il nous montre également une qualité nouvelle de la relation humaine. C’est une émergence. C’est un monde nouveau qui est en train d’apparaître. Et, personnellement, nous voyons, dans cette émergence, l’œuvre de l’Esprit (2).
De nombreux articles parus sur ce blog rejoignent la démarche de ce film (3). Celui-ci est désormais accessible en DVD (4). C’est un bel outil pour encourager la prise de conscience qui est aujourd’hui engagée.
J H
(1) Co-produit par le mouvement Colibris, le film « Demain » a reçu le César du meilleur film documentaire. Voir aussi le livre de Cyril Dion sur le même thème : Demain. Un nouveau monde en marche. Actes Sud, Domaine du possible, 2015. Site du film « Demain ». Bande-annonce : http://www.demain-lefilm.com
(2) « L’ « essence » de la création dans l’Esprit est la « collaboration », et les structures manifestent la présence de l’Esprit, dans la mesure où elles font connaître l’ « accord général ». « Au commencement était la relation » (M Buber) Jürgen Moltmann. Dieu dans la création p 25 Un blog sur la pensée théologique de Moltmann : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com
La stratégie de la bienveillance, selon Juliette Tournand
Une intervention dans un colloque TEDx Rennes (1) commence, avec beaucoup d’humour, par l’évocation d’une petitescène de la vie quotidienne. A partir de cet exemple, Juliette Tournand nous explique comment elle a créé et développé une stratégie de la bienveillance dans le cadre de sa profession de coach dans les milieux d’entreprise (2). Avec beaucoup de finesse, de compréhension et d’humour, elle nous permet de découvrir le rôle moteur de la bienveillance dans la manière de communiquer. Juliette Tournand nous explique comment elle est parvenue à élaborer une « stratégie de la bienveillance » (3), capable d’induire des relations positives dans le champ professionnel.
Au départ, Juliette Tournand nous raconte une rencontre familiale. « Vous êtes invité chez une tante que vous aimez beaucoup et, quand vous arrivez chez elle, lorsqu’elle vous accueille, adorable : « Ma chérie, j’espère que tu aimes les tripes »… Imaginez que vous ayez horreur des tripes… Cette situation, pour modeste qu’elle soit, vous dépasse et vous obligez à vous dépasser ». La nièce est confrontée à un dilemme. Si par peur de contrarier ou par politesse, elle ne dit rien, alors elle va manger des tripes, et même entrer dans un engrenage : « C’est bon, alors reprends en ! ». Et si cette nièce réagit vivement : « Les tripes, j’ai horreur de ça », alors, vous n’y pouvez rien, votre tante entendra qu’elle vous fait horreur ». « Dans les deux cas, vous aurez dépassé les limites de l’affection qui vous lient à cette adorable tante ».
Comment sortir de ce dilemme ? « Il y a forcément une solution, mais de quel coté se tourner pour la trouver ? J’ai commencé à me poser cette question à l’âge de 15 ans. La question a pris de l’ampleur quand je suis devenu salariée et que j’entendais : « il faut respecter le cadre ». Et puis, un beau matin, « Mais voyons, il faut savoir sortir du cadre ! ». Oui, mais dans quelle direction ? ». Juliette Tournand s’est donc beaucoup interrogé jusqu’au jour où elle a découvert une stratégie, c’est à dire « une ligne de conduite constante pour réussir ». C’était une stratégie biomathématique, les mathématiques de la vie. Mais en fait, elle se réduisait à du donnant-donnant ; « Si tu es sympa, je suis sympa. Si tu tapes, je tape. La cour de récré ! Il n’y a pas besoin de mathématiques pour en arriver là ! ». Et pourtant, cette stratégie avait été championne dans un tournoi organisé à l’université du Michigan en 1979 précisément sur la gestion des relations humaines (4). Et son auteur, Anatol Rapoport, russe, puis américain et canadien, avait fait une brillante carrière : pianiste virtuose, docteur en biomathématique, puis professeur émérite à l’université de Toronto. Et, bien plus, il avait fait partie du petit groupe de négociateurs pour la paix nucléaire dans les dernières années de la guerre froide de 1975 à 1985. Quoiqu’il en soit, cette stratégie avait deux grandes limites. Si, dans un environnement compétitif, elle réussissait à attirer le plus grand nombre de coopérateurs, elle ne pouvait pas amener quelqu’un en particulier à coopérer. Et, si elle avait été gagnante dans un jeu de tournoi, ce jeu modélisait la vie, mais ce n’était pas la vraie vie.
Alors, Juliette Tournand a continué à s’interroger « jusqu’au jour où elle a commencé à voir cette stratégie comme une enveloppe, une carrosserie ». « J’ai ouvert le capot et j’ai trouvé trois forces très simples, si simples qu’on passe à coté lorsqu’on n’y prend pas garde ». « La première, ce n’était pas la réciprocité qu’on entend dans le terme de donnant-donnant. La première, la force majeure, l’axe, le nord de la boussole, c’était la bienveillance. La réciprocité arrivait après en deuxième. Et ça change tout. La réciprocité arrive en face de la bienveillance déjà émise à l’autre, aux autres. Et la troisième force, c’était la clarté qui permet de repérer le point où bienveillance et réciprocité se rejoignent. C’était clair. La bienveillance, accompagnée de ses deux dames de compagnie : la réciprocité et la clarté, constituaient l’axe que je cherchais.
Et ça marche bien dans la vraie vie, parce que ce que vous réussissez spontanément, facilement, longtemps, vous le réussissez depuis le centre de ces trois forces ! ». Alors Juliette Tournand revient à la petite scène de vie par laquelle elle avait commencé sa causerie : La visite chez une tante qui a préparé pour vous un plat que vous détestez. Un bon test pour cette stratégie n’est-ce pas ? Et un test qu’on se plait voir raconter avec un tel humour. « Alors bien sur, il restait à faire passer à ces trois forces les limites de la vraie vie pour le jour où vous allez chez une tante que vous aimez beaucoup et qui vous fait un plat que vous détestez. A ce moment, vous êtes tenté de vous dire : tout ça, c’est de la théorie, mais soyons pragmatique. Soit je m’écrase. Soit je t’écrase. Mais soyons plutôt vraiment pragmatique. Laissez-vous inspirer par ces trois forces. Et si vous disiez à votre tante : »Des tripes, mais je déteste ça autant que je t’aime toi ». Alors, chez certains d’entre vous, une petite voix malveillante retient l’idée en disant : « Les déclarations d’amour pour un plat de tripes, n’est-ce pas un peu gros ? N’est-ce pas un peu facile ? Non ce n’est pas trop facile : vous détestez les tripes et vous aimez votre tante. C’est clair. Cette réponse est bienveillante pour vous : vous ne mangerez pas de tripes, bienveillante pour votre tante. Et elle est parfaitement claire. Alors, peut-être que dans votre famille, on ne se dit pas qu’on s’aime comme cela. Ce ne sont pas des mots qu’on dit, mais justement, votre tante, surprise par cette réponse qui l’étonne et, bien sur, l’enchante, éclate de rire et décide de battre une omelette à votre intention… ». A cette configuration, s’ajoute ainsi « la force de la vie, la liberté d’innover qui « s’appuie sur la situation pour rejoindre bienveillance, clarté et réciprocité ».
Juliette Tournand nous rapporte que cette nouvelle vision a trouvé très vite écho chez les clients du cabinet de consultants dans lequel elle travaillait. Cela a suscité de beaux contrats. Mais cela a suscité de la jalousie envers elle dans toute la ligne hiérarchique de son entreprise. « Incroyable, mais banal ! ». Un conflit est apparu. Juliette s’est laissée entrainer dans « une réciprocité de la malveillance ». Quand elle en a pris conscience, elle a réagi. Elle est sortie du système et finalement cette épreuve a concouru au projet qu’elle entretenait de devenir un jour son propre patron. Elle pouvait s’appuyer sur la confiance des clients. Le système qui l’avait servi, puis desservi, avait été une étape qui lui permettait de réaliser son rêve. « La voie de la bienveillance stratégique m’avait poussé à l’endroit particulièrement ajusté à ma situation ».
« Depuis dix ans que j’accompagne des dirigeants d’entreprise et aussi des sportifs de haut niveau, je me suis aperçu que les stratégies qui réussissent prennent toutes appui sur l’originalité, la singularité de situations difficiles qui sont regardées depuis la bienveillance stratégique : bienveillance, clarté et réciprocité… La bienveillance qui réussit, c’est la bienveillance qui part de vous pour rejoindre les autres. Entrainez vous dans des situations familières, avec des gens qui ne vous font pas peur. Entrainez-vous au plaisir qu’il y a, dans des situations difficiles, de vous arracher à la frustration pour savourer le plaisir qu’il y a à faire mieux que gérer les conflits, les dépasser pour aller jouir de la liberté d’innover et de rencontrer le concours des autres. Mon rêve, c’est que nous soyons nombreux à partager cette vision et cette pratique, à découvrir que nous avons le pouvoir de modifier notre microclimat, que nos microclimats se rejoignent ».
Et on peut considérer le monde dans cet esprit. Aujourd’hui, le climat est un enjeu planétaire et cet enjeu est entre nos mains. Développer une ambiance de bienveillance et de collaboration entre nous, nous dit Juliette Tournand, c’est aussi réduire les frustrations et le besoin de nous en consoler dans une consommation excessive. Dans cette esprit, « il y a des chances que « bienveillants mutuellement entre nous les humains, nous le devenions naturellement vis à vis de notre planète ». Si cet objectif peut paraître ambitieux, tout ce qui concourt à un changement de mentalité est précieux. La stratégie de la bienveillance est une démarche qui participe à une évolution positive de notre vision du monde et y concourt.
La causerie de Juliette Tournand est particulièrement attirante parce que celle-ci s’exprime avec beaucoup de finesse, d’empathie, d’humour, et parce qu’à travers son analyse, elle nous ouvre un horizon et un chemin pour de meilleures relations humaines.
Aujourd’hui, nous assistons à une prise de conscience. On perçoit mieux les effets positifs d’attitudes classiquement reconnues comme ayant une valeur spirituelle, religieuse ou morale. Cette évolution avait déjà été remarquée, il y a quelques années, dans les écrits en sciences humaines. Ainsi, en février 2011, le magazine : Sciences humaines a publié un dossier : « Retour de la solidarité, empathie, altruisme, entraide » (5). Récemment, un des pionniers de la psychologie positive en France, Jacques Lecomte a écrit un livre sur « Les entreprises humanistes » (6) dans lequel il montre comment « certaines valeurs et attitudes fondamentales (confiance en l’autre, empathie, respect, coopération, bienveillance, esprit de service etc) peuvent avoir un impact positif au sein des organisations ». La « stratégie de la bienveillance » s’inscrit dans cette évolution en cours et y contribue.
Bien entendu, la bienveillance a toujours été présente dans les relations lorsque des personnes bienveillantes s’y exprimaient. Et on peut s’interroger sur le danger d’instrumentalisation de certaines valeurs. Cependant, leur affirmation dans des formes élaborées est généralement positive. Et, au total, nous percevons dans ce mouvement , une inspiration. Si Juliette Tournand a mis en forme l’efficacité de la bienveillance, n’est-ce pas parce qu’elle était elle-même prédisposée à en vivre et à en percevoir la valeur. Il y aujourd’hui une prise de conscience renouvelée de ce qui élève l’humanité à travers les siècles. A propos de sa démarche, Juliette Tournand a pu écrire par ailleurs : « En mettant cette stratégie en tension avec le texte biblique relu par une psychanalyste laïque, j’avais ainsi l’accord rarissime de deux grandes directions de conscience ». Pour nous, nous trouvons un éclairage dans un récent livre de Lytta Basset qui, en théologienne, nous invite à « oser labienveillance » (7). Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand.
La bienveillance est une force motrice. Voilà une dynamique qui apparaît dans « la stratégie de la confiance » mise en œuvre par Juliette Tournand.
(2) Site de Juliette Tournand : « Juliette Tournand. Coopération et réussite durable avec la stratégie de la bienveillance » : http://www.juliette-tournand.com
(3) Juliette Tournand est l’auteur de plusieurs livres dont : La stratégie de la bienveillance ou l’intelligence de la coopération. 3è éd. Interéditions, 2014
(6) Sur ce blog : « Vers un nouveau climat de travail dans des entreprises humaniste et conviviales : un parcours de recherche avec Jacques Lecomte » : https://vivreetesperer.com/?p=2318
(7) Sur ce blog : « Bienveillance humaine. Bienveillance divine. une harmonie que se répand. Lytta Basset : Oser la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842
La Pentecôte… à la suite de Pâques, c’est l’émergence d’un monde nouveau, c’est le partage d’un émerveillement, c’est une communion qui fait tomber les barrières… Voici un message qui nous dit : Oui, c’est possible. En Christ ressuscité, un autrement se prépare et, dès maintenant, l’Esprit de Dieu est à l’œuvre et nous participons à la communion divine.
Dieu nous ouvre à sa communion
« La communion du saint Esprit soit avec vous tous », tels sont les termes d’une formule chrétienne de bénédiction très ancienne (2 Cor 13.13) (p 295). Jürgen Moltmann nous montre comment cette parole nous éclaire sur la dimension et la portée de cette communion (1).
« Cette communion de l’Esprit saint « avec vous tous » correspond à sa communion avec le Père et le fils. Elle n’est pas un lien extérieur seulement avec la nature humaine, mais provient de la vie de communion intime du Dieu tri-un riche en relations et elle l’ouvre aux hommes en sorte que ces hommes et toutes les autres créatures soient accueillis afin d’y trouver la vie éternelle.
L’Esprit œuvre dans la communauté humaine
A une époque qui commence à prendre conscience des excès de l’individualisme, Moltmann exprime l’importance du lien social. « L’expérience de la communauté est expérience de vie, car toute vie consiste en échanges mutuels de moyens de subsistances et d’énergie, et en relations de réciprocité » (p 297). La vie de l’être humain dépend de son accomplissement comme être en relation. « Une vie isolée et sans relations, c’est à dire individuelle au sens littéral du terme et qui ne peut pas être partagée, est une réalité contradictoire en elle-même. Elle n’est pas viable et elle meurt. C’est pourquoi la « communion de l’Esprit saint » n’est qu’une autre expression pour désigner « l’Esprit qui donne la vie ». Par ses énergies créatrices, Dieu-Esprit crée dans la communion avec lui, le réseau des relations de communion dans lesquelles la vie surgit, s’épanouit et devient féconde. De ce point de vue, la « communion de l’Esprit saint » est l’activité de l’Esprit créatrice de communauté. La vie naît de la communauté, et là où naissent des communautés qui rendent la vie possible et la promeuvent, là l’Esprit de Dieu est à l’œuvre. Là où nait une communauté de vie, il y a également communion avec l’Esprit de Dieu qui donne la vie » (p 298).
Amour et liberté
Cette vie communautaire requiert la prise en compte de la diversité. « Le concept trinitaire de la communion considère d’emblée la multiplicité dans l’unité … La vraie communauté ouvre les possibilités individuelles dans la plus grande des multiplicité… Les créatures concernées font l’expérience de la « communion de l’Esprit saint » aussi bien sous la forme de l’amour qui unit que sous celle de la liberté qui permet à chacune d’advenir à elle-même selon son individualité propre… La communion qui est au service de la vie ne peut être comprise que comme une communion qui intègre et qui réalise l’unité comme la multiplicité, et qui, en même temps, différencie et fait accéder à la multiplicité dans l’unité » (p 299).
Expérience de soi-même et expérience sociale
A partir d’une recherche auprès d’enfants, la spiritualité a pu être définie comme « une conscience relationnelle » (2). La pensée théologique de Moltmann s’oriente dans la même direction. « Les expériences de Dieu ne sont pas faites seulement de façon individuelle dans la rencontre de l’âme solitaire, propre à chacun, avec elle-même. Elles sont faites aussi et en même temps, sur le plan social, dans la rencontre avec les autres…Dans l’expérience de la bienveillance des autres, nous faisons l’expérience de Dieu. Dans le fait d’être aimés, nous ressentons la proximité de Dieu… L’expérience de Dieu dans l’expérience sociale et l’expérience de Dieu dans l’expérience de soi-même, ne doivent pas être opposées sous la forme d’une alternative. Il s’agit en vérité de deux faces de la même expérience de la vie, au sein de laquelle nous faisons l’expérience des autres et de nous-mêmes » (p 300).
Une expérience de la nature
« Au delà de l’expérience de soi-même et de l’expérience sociale, l’expérience de Dieu devient aussi, grâce notamment à la communion de l’Esprit, une expérience de la nature, puisque l’Esprit est celui qui crée et qui renouvelle toutes choses…. L’expérience de l’Esprit qui donne vie, qui est faite dans la foi du cœur et dans la communion de l’amour, conduit d’elle-même au delà des frontières de l’Eglise, vers la redécouverte de ce même Esprit dans la nature, les plantes, les animaux et dans les écosystèmes de la terre » (p 28).
Un chant vient à notre mémoire :
« Dans le monde entier, le Saint Esprit agit…
Au fond de mon cœur, le Saint Esprit agit… »
Cette action est la manifestation et l’expression d’une communion.
Participer à cette communion, c’est aussi mieux la reconnaître dans ses différents aspects. Dieu est vivant et nous appelle à vivre pleinement (3).
J H
(1) Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999. L’article renvoie aux paginations de ce livre. Introduction à la pensée théologique de Jürgen Moltmann : http://www.lespritquidonnelavie.com
(2) Hay (David). Something there. The biology of the human spirit. Darton, Longman and Todd, 2006 (Voir p 139). Voir sur ce blog : « Les expériences spirituelles » : https://vivreetesperer.com/?p=670
(3) Moltmann (Jürgen). The living God and the fullness of life. World Council of Churches, 2016. Voir sur ce blog : « Dieu vivant. Dieu Présent. Dieu avec nous dans un monde où tout se tient » : https://vivreetesperer.com/?p=2267