Les mots ne désignent pas seulement des réalités. Ils contribuent à nous permettre de les reconnaître et de les promouvoir.
Employer le mot joie, c’est évoquer, selon le Petit Robert, une émotion agréable et profonde, un sentiment exaltant ressenti par toute la conscience. Et il y a de nombreux synonymes : allégresse, ravissement, enthousiasme, gaité…
Mais comment recevons-nous ce vocable ? y a-t-il en nous, dans notre héritage des obstacles à la joie comme au bonheur ? Ou bien y accédons-nous facilement et même parfois dans un bonheur profond ?
Mais le ressenti de la joie n’est-il pas également pluriel ? Ne se construit-il pas différemment en fonction des sources et selon les situations ?
Cependant la joie n’est-elle pas à rechercher et à recevoir comme un cadeau pour notre existence ? C’est le message évangélique. C’est la parole de Jésus. Si la joie est un fruit de l’émerveillement, elle est aussi un espace de vie positive, un lieu de résistance au regard de l’ombre. Entendre parler de joie, c’est apprendre à la reconnaître dans un mouvement qui vient de sa source.
Une méditation d’Anne Faisandier
C’est une méditation sur la joie que Anne Faisandier partage avec nous dans cette courte vidéo (1).
Non la joie, ce n’est pas « un sentiment, une émotion qui peut paraître un peu mièvre, un peu simple, un peu léger peut-être ». C’est un état d’âme « fondamental ». « C’est comme cela qu’en parle la Bible, en particulier l’Evangile comme d’une note de fond qui peut nous permettre d’être irrigué, de s’enraciner dans quelque chose qui permet de vivre debout, d’être vivant en quelque sorte. Cette joie, c’est quelque chose qui est très enraciné et qui est même de l’ordre de la résistance, du combat ».
Anne Faisandier partage avec nous une inspiration évangélique qui va en ce sens. « La nuit de Noël, c’est une joie qui est lumineuse et qui vient s’opposer à la nuit. La parabole de la Brebis perdue est un symbole de la personne qui change de vie, qui choisit la vie, qui choisit de se retourner du côté de la vie et pas ce qui l’a tiré vers la face sombre de l’existence. Dans l’Evangile de Jean, retenu ici, Jésus parle de cette joie juste avant sa mort. C’est dans son dernier discours avec ses disciples. Et il prend l’image de la comparaison avec l’accouchement (Jean 16.21). Il nous dit que la joie de l’Evangile, c’est une joie imprenable comme est la joie de la mère qui vient de donner naissance. Et il prend cette image de la naissance comme étant l’archétype de l’action de Dieu dans nos vies ».
Alors, Anne Faisandier peut nous appeler à prendre du temps pour revisiter nos vies : « J’aimerais vous souhaiter, pendant cet été, à regarder vos vies, pour voir où Dieu agit, où Dieu a fait naitre quelque chose qui vous remplit de joie ; mais aussi autour de vous, dans la vie des gens : qu’est-ce qui est porteur de joie et d’espérance, parce que, sans doute, Dieu se cache derrière et que cela vaut le temps de le remercier et de le louer et de lui combien nous sommes heureux qu’il nous permette de choisir la vie ».
Sa présidence achevée, Barack Obama poursuit son engagement politique sous une autre forme. Ainsi, le 25 mai 2017, a-t-il répondu à l’invitation du Kirchentag, un grand rassemblement socio-religieux et socio-culturel organisé, tous les deux ans, à l’instigation de l’Eglise protestante allemande (1), cette année en rapport avec le 500 ème anniversaire du commencement de la Réforme sous l’impulsion de Martin Luther.
Très populaire en Allemagne, Barack Obama a été accueilli par une foule enthousiaste où les jeunes étaient très nombreux. Il s’est exprimé de pair avec Angela Merkel. Après l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis et tout ce que cela représente de régression politique et sociale, Barack Obama avait prononcé à Athènes un remarquable discours sur le sens de la démocratie (2), puis il avait rencontré à Berlin Angela Markel, une partenaire politique estimée comme si il voulait l’encourager à assurer la défense des valeurs démocratiques dans un monde perturbé par une vague de peur et d’enfermement. Le revoilà donc à Berlin ce mois de mai dans une Europe affermie dans son existence démocratique par l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron (4) auquel Barack Obama avait fait part de son soutien.
Lors de ses déplacements comme président des Etats-Unis dans les grands ensembles continentaux (Asie, Amérique latine, Afrique….), Barack Obama s’adressait aux jeunes leaders de ces ensembles pour les encourager dans leur action pour le développement et la démocratie dans une ambiance simple et conviviale. On pouvait y apprécier une attitude quasi fraternelle (3). Aujourd’hui, à partir de son expérience politique, il veut poursuivre ces échanges pour encourager une jeune génération à prendre ses responsabilités. Lors de la rencontre au Kirchentag, il a rappelé son engagement à cette jeune génération particulièrement présente dans ce rassemblement.
Dans une vision chrétienne caractérisée par une tonalité d’espérance et d’ouverture (5), dans une analyse des problèmes d’un monde dont il connaît bien le fonctionnement, Barack Obama nous permet de mieux nous situer à l’échelle des grandes questions qui nous concernent tous aujourd’hui. Une vidéo nous rapporte son intervention en dialogue avec Angela Merkel et ses interlocuteurs allemands dans une ambiance chaleureuse qui se marque sur les visages des participants (6). Nous présentons ici des extraits de cette intervention.
Un idéal à partager
Barack Obama rappelle que sa vie publique a commencé en travaillant avec les églises dans les quartiers pauvres de Chicago. « Lorsqu’on veut créer un monde meilleur, cela requiert de regarder vers un but et d’avancer avec foi (sense of purpose and sense of faith). Nous avons besoin de croire que nous pouvons entrer en relation avec les gens avec de la gentillesse et de la tolérance et que nous pouvons gérer les différences entre les nations, entre les religions. Nous trouvons une unité dans la croyance en Dieu. Ce sont ces convictions qui m’ont porté dans mon travail et dans ma vie et je suis très encouragé en voyant autant de jeunes aujourd’hui ».
La jeune génération est une force montante. « A une époque où le monde est un lieu très compliqué, où nous sommes bouleversé par une violence terrible, telle qu’elle vient de se manifester à Manchester, nous savons que le terrorisme est un grand danger, car il y a des gens qui veulent faire du mal aux autres simplement parce qu’ils sont différents d’eux. Mais cette époque est aussi une période de grande opportunité. Maintenant que je ne suis plus président, mais néanmoins en situation d’influence, je pense être en capacité d’aider de plus en plus de jeunes à faire face à ces défis. Je veux encourager une nouvelle génération dans l’exercice d’un leadership de manière à marginaliser ceux qui veulent nous diviser et à rassembler de plus en plus de gens pour réaliser un bien commun.
Une tâche à poursuivre.
Pendant huit ans, Barack Obama a été président des Etats-Unis. Comment a-t-il exercé son action dans cette haute fonction ? « Je suis très fier du travail que j’ai effectué en étant président. Quand vous entrez dans la vie publique, vous devez reconnaître que vous ne réaliserez jamais 100% de ce que vous souhaiteriez. Ce que vous devez essayer de faire, c’est travailler avec d’autres qui partagent les mêmes valeurs, la même vision, pour essayer de rendre les choses meilleures en sachant que vous n’atteindrez pas la perfection ». Barack Obama cite en exemple la réforme de l’accès aus soins médicaux (« Obamacare »). 20 millions de personnes nouvelles ont bénéficié de cette réforme, mais nous n’avons pas réussi à couvrir 100% de la population et aujourd’hui. Après mon départ, la réforme est remise en question ».
Le progrès se réalise pas à pas, avec parfois des reculs provisoires. Au delà du court terme, il faut voir à plus long terme . Il y a des étapes. Barack Obama estime qu’après avoir accompli sa tâche, avec ses imperfections, il est bon de passer la relève à une génération plus jeune. « Chaque génération a une contribution à apporter. En considérant ce qui est arrivé pendant ma vie, malgré toutes les tragédies actuelles, le monde n’a jamais été plus riche, en meilleure santé, mieux éduqué. Les jeunes aujourd’hui ont accès à une information et à des opportunités qui étaient inconnues à l’époque où je suis né. Mais la poursuite du progrès dépend de la jeune génération. Je me donne pour but de l’aider ».
Quel ordre international ?
L’ordre international est à un tournant. C’est un moment important pour la communauté internationale. Je suis né en 1961. A l’époque, Berlin était divisé. Nous venions tout juste de sortir d’une guerre dévastatrice. Les dictatures régnaient dans une grande partie du monde. Certains pays commençaient seulement à sortir du colonialisme. L’apartheid prévalait en Afrique du Sud. Pourtant, à cause d’un ensemble d’idéaux et de principes : le règne du droit, la dignité de l’individu, la liberté de religion, la liberté de la presse, une économie libérale basée sur le marché, à cause de ces principes qui ont prévalu en Europe et aux Etats-Unis et dans d’autres pays qui se sont joint à eux en ce sens, nous avons vu un progrès incroyable. En Europe, il n’y a jamais eu plus grande prospérité et plus grande paix que dans ces trois ou quatre dernières décennies. C’est une remarquable réalisation. Et parfois les jeunes la considèrent comme allant de soi. Mais aujourd’hui, nous devons reconnaître qu’à cause de la mondialisation et de la technologie, et de la disruption que cela entraine, à cause des inégalités qui existent entre les nations et à l’intérieur des pays, à cause de l’inquiétude en lien avec le rétrécissement du monde à l’ère de la communication internet, à cause de la crise des réfugiés, cet ordre international qui a été créé et existe aujourd’hui, devrait changer, être remis à jour, être renouvelé, parce que nous sommes confrontés aujourd’hui à un récit concurrent empreint de peur, de xénophobie, de nationalisme, d’intolérance, de tendances anti-démocratiques. Comme citoyen des Etats-Unis et membre de la communauté mondiale, je pense qu’il est très important que nous soutenions les valeurs et les idéaux qui sont les meilleurs et que nous repoussions les tendances qui violent les droits humains, suppriment la démocratie ou réduisent la liberté de conscience et la liberté religieuse. C’est une bataille significative que nous devons mener et elle n’est pas toujours facile ». Barack Obama cite alors l’exemple de la Syrie avec toute la désolation qui règne dans ce pays. On ne peut se désintéresser de ce qui arrive dans une autre partie du monde. « Nous devons reconnaître que ce qui arrive dans une autre partie du monde ou dans des pays isolés, que ce soit en Afrique, en Asie, en Amérique latine, a un impact sur nous et que nous sommes appelés à nous engager pour aider ces pays à trouver la paix et la prospérité. Comme président des Etats-Unis, j’ai fait de mon mieux même si je n’ai pas toujours eu les outils pour le faire. Mais du moins j’ai essayé. Et lorsque nous persévérons, il peut arriver dans ces situations ce que le président Abraham Lincoln a évoqué : « Les anges les meilleurs de notre nature peuvent s’éveiller »
Comment aider les réfugiés ?
L’Allemagne a été confronté récemment à un afflux de réfugiés et ce problème a été affronté avec beaucoup de courage par la chancelière Angela Merkel. Barack Obama a donc été interrogé sur cette question. « En fonction de la géographie, de la présence des océans, nous n’avons pas eu un aussi grand nombre de réfugiés venant de Syrie ou d’Afghanistan. Mais il y a aux Etats-Unis, une immigration importante venant du Mexique et, plus récemment, d’Amérique centrale et d’Amérique latine. Et comme président des Etats-Unis, j’ai été confronté à ce problème.
Aux yeux de Dieu, un enfant, de l’autre côté de la frontière, est aussi digne d’amour et de compassion que mon propre enfant. Nous ne pouvons les distinguer en terme de valeur et de dignité, et tous méritent amour, abri, éducation et opportunité . Mais lorsque nous sommes à la tête de grands états nationaux et que nous avons une responsabilité vis à vis de nos citoyens et des gens à l’intérieur de nos frontières, alors le travail du gouvernement est d’exprimer humanité, compassion et solidarité avec ceux qui sont dans le besoin, mais aussi de reconnaître que nous devons agir dans le cadre de contraintes légales, de contraintes institutionnelles et des obligations vis à vis des citoyens des pays que nous servons. Et ce n’est pas toujours facile. Un moyen de faire du meilleur travail est de créer plus d’opportunité pour les gens dans leur propre pays. C’est donc un défi de faire comprendre à nos concitoyens que lorsque nous suscitons du développement en Afrique, ou que nous sommes impliqués dans une résolution de conflits ou dans des endroits où il y a une guerre, lorsque nous faisons des investissements pour faire face au changement climatique et aux problèmes que ce changement entraîne pour les agriculteurs, nous ne faisons pas tout cela simplement par charité, parce que c’est une bonne chose d’agir avec gentillesse, mais aussi parce que si il y a une disruption dans ces pays, si il y a un conflit, si il y a une mauvaise gouvernance, si il y a une guerre, si il y a de la pauvreté, alors dans ce nouveau monde où nous vivons, nous ne pouvons pas nous isoler, nous cacher derrière un mur. Il est très important pour nous de voir que ces investissements contribuent à notre propre bien être et sécurité.
Les religions et la vie politique
Quel rapport entre les religions et la vie politique ? Barack Obama s’exprime à partir de l’exemple américain. « Les Etats-Unis sont un pays très religieux et je pense que c’est une grande source de force. Mais, pour une part, historiquement, ce dynamisme est lié à la séparation entre l’Etat et l’Eglise qui a été envisagée comme une protection des communautés de foi pour qu’elles puissent pratiquer librement ». Comment le rapport entre religions et vie politique peut-il s’exercer au mieux ? « Nous avons besoin de reconnaître que, dans toute démocratie, il y a des gens engagés dans des religions très différentes. Et la démocratie requiert des compromis. Quand nous évoquons la foi religieuse, par définition, il y a certains points où nous ne faisons pas de compromis. Et je pense que nous faisons parfois fausse route en introduisant ce refus de compromis dans le processus politique ».
Barack Obama appelle au respect et à la gestion de la diversité. « Si nous sommes probablement une nation chrétienne, nous sommes aussi une nation musulmane, une nation hindoue, une nation juive et une nation de non croyants. Mais nous pouvons trouver des conceptions et des principes moraux qui nous relient ensemble et nous rencontrer sur ce consensus qui nous permet de progresser ensemble.
Même dans notre propre famille religieuse, il y a certains points où nous pouvons être en désaccord. Parfois cela peut nous troubler. Personnellement, dans ma propre foi, je pense qu’il est utile d’accepter un petit bout de doute. Nous croyons en des réalités qui ne sont pas visibles et, en conséquence, j’essaie d’être humble. Je ne prétend pas que Dieu parle exclusivement à travers moi. J’assume que Dieu partage de la sagesse dans tous les gens. Si je suis convaincu que j’ai toujours raison, la conclusion logique se traduit parfois en une grande cruauté et une grande violence. Dans un monde pluraliste, dans un monde où il y a des gens différents venant de diverses traditions religieuses, cherchons à réaliser que nous sommes, les uns et les autres, partie de la vérité ».
La foi : une motivation
« Je pense aux défis auxquels nous devons faire. Si notre réponse n’est pas parfaite et s’élabore à travers l’action et la réflexion, elle est motivée par notre foi et les valeurs et les idéaux qui sont les plus importants pour nous. Nous devrions être prêts à risquer quelque chose pour la cause à laquelle nous tenons. Nous devrions être prêts à contester une pratique traditionnelle. Aux Etats-Unis, ce sont des gens de foi qui, les premiers, ont parlé contre l’esclavage. Cela appelait une juste colère contre une institution qui semblait ressortir de l’ordre naturel. C’était un mouvement radical qui a élevé la conscience du peuple et qui a conduit une longue marche vers la liberté. Ainsi nous sommes appelé à agir selon ce que nous croyons vrai et juste. Lorsque nous agissons ainsi, ma seule suggestion, c’est de nous rappeler que Dieu ne parle pas seulement à nous. Pour moi, la force de notre foi trouve sa confirmation lorsque nous acceptons de nous engager avec des gens ayant des vues différentes et d’être prêts à les écouter et à les considérer ». L’avancée peut prendre du temps. L’important, c’est de persévérer même quand c’est difficile.
Les grandes questions
Quelles sont les grandes questions qui concernent la politique internationale, Barack Obama énonce deux questions. La première est relative au développement. La seconde concerne les budgets militaires.
« L’écart croissant entre les opportunités, les inégalités de plus en plus grandes entre les nations et à l’intérieur des nations, voilà une des questions majeures que cette génération et les prochaines générations auront à affronter. Le volume de richesse, d’opportunité et de consommation qui existe au sommet, en comparaison avec les besoins énormes qui existent dans le monde, est une situation que je trouve insupportable.
Il y a assez pour nourrir chacun, pour loger et vêtir chacun, pour éduquer chacun si nous sommes capables de mettre en route un processus social qui reflète nos valeurs. Ce n’est pas facile à faire. Ce n’est pas simplement faire un chèque et envoyer de l’argent. C’est créer une société qui parvienne à se suffire à elle-même et manifeste de la détermination et de la dignité. C’est pourquoi quand nous examinons un budget pour une aide au développement, nous nous centrons sur la manière non pas de donner simplement du poisson, mais d’apprendre à le pêcher. Nous voulons aussi nous assurer que la gouvernance cherche à promouvoir les intérêts de gens à la base. Cependant, on doit se rendre compte des énormes progrès qui ont été réalisés, même dans la durée limitée de mon existence. Juste dans les dernières décennies, il y a eu des centaines de millions de gens qui sont sortis de l’extrême pauvreté, en Chine, en Inde, dans certaines parties de l’Afrique. Il y a beaucoup à faire, mais il encourageant de voir tout ce qui a été déjà fait ».
Il y a une autre grande question. Elle concerne les budgetsmilitaires. « Ce que j’aurais aimé voir, par exemple, c’est l’ultime élimination des armes nucléaires de cette planète. Absolument ! Un moment, nous sommes parvenus quelque peu à réduire les armements nucléaires russes et américains. Cependant, de la même façon qu’il a fallu du temps pour sortir des gens de la pauvreté, réduire le besoin de budgets militaires demandera un effort long et persévérant. Il est vrai que nous vivons dans un monde dangereux ». Barack Obama cite l’exemple de l’Afrique où les Etats-Unis sont appelés à intervenir pour rétablir la paix et assurer la sécurité des organisations humanitaires. Il montre aussi combien les conflits militaires sont souvent en rapport avec des problèmes de développement. Ainsi, « notre budget national de sécurité ne devrait pas être conçu uniquement en terme d’armements, mais aussi en terme de développement, en terme de diplomatie, en terme de soutien à l’éducation des filles et des paysans ».
A un carrefour de l’histoire
A ce moment de l’histoire, l’Occident semble traversé par deux tendances adverses. D’un côté, animée par le rêve d’une grandeur passée, inquiète par rapport aux changements économiques, sociaux , culturels, une tendance qui préconise un retour en arrière, un repli sur soi, le renvoi des migrants, un rejet de la solidarité internationale. En regard, un mouvement engagé de longue date, mais qui aujourd’hui prend de l’ampleur : une coopération internationale croissante tant économique que sociale et culturelle, la prise de conscience d’une unité du monde dans la construction d’une civilisation nouvelle attentive aux droits humains, une solidarité accrue face à des menaces internes et externes comme le maintien ou la progression des inégalités ou le réchauffement climatique. Si la description de ces deux tendances opposées est quelque peu sommaire, voire caricaturale, il y a là néanmoins le cadre d’une forte tension marquée en 2016 par des succès importants remportés par la tendance régressive au cœur même de l’Occident : la victoire du Brexit en Grande-Bretagne, l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.
Pendant ses deux mandats présidentiels, Barack Obama a conduit les Etats-Unis dans la voie de l’ouverture, de la solidarité internationale, du respect des minorités, d’une progression d’un mieux être social, du progrès écologique. Il a mené cette lutte dans un esprit de respect vis à vis des personnes, une attitude empathique et chaleureuse induisant un consensus. Dans cette tâche difficile, il a été porté par une inspiration chrétienne ouverte. Sa présence au Kirchentag en mai 2017 nous paraît ainsi particulièrement significative. Barack Obama exprime le mouvement pour un monde plus solidaire et plus respectueux des personnes, un mouvement tourné vers l’avenir et non vers le passé. Il s’adresse tout particulièrement à la jeune génération qui est en train de grandir sur les différents continents.
Quelques jours auparavant, l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République Française témoignait de la victoire d’une tendance « progressiste » qui marquait une inflexion majeure dans la conjoncture internationale en marquant un coup d’arrêt par rapport à la tendance préconisant le repli, le rejet, le dissociation. Ainsi, Barack Obama a pu intervenir dans un contexte où, à nouveau, on pouvait entrevoir un horizon d’ouverture. Au cœur de l’Europe, à Berlin, ce dialogue a témoigné d’une espérance qui, dans le contexte du Kirchentag, s’exprimait dans une ambiance de fraternité chrétienne. Barack Obama nous aide ici à voir quels sont actuellement les grands enjeux politiques et de quelle manière on peut les aborder. Il nous permet de dépasser nos ressentis immédiats pour nous situer dans la durée. Le processus démocratique nous permet d’avancer vers de meilleures solutions, mais il inclut aussi des reculs. Barack Obama nous appelle à un engagement patient et persévérant. Nous partageons ici ce que nous percevons à travers la vidéo de cette rencontre : une conviction, une pensée ouverte et prospective, une convivialité fraternelle.
J H
(1) Présentation du Kirchentag sur « Free Wikipedia » : « le « Deutscher Evangelischer Kirchentag » est une assemblée de membres laïcs de l’Eglise Evangélique allemande qui organise un rassemblement biaannuel concernant la foi, la culture et la politique ».
Du 24 au 28 mai 2017, le Kirchentag a célébré le 500è anniversaire de la Réforme dans une grande manifestation « joyeuse, diverse et multiculturelle » (« Réforme »). Un compte-rendu sur le site du Centre d’information sur l’Allemagne : http://www.allemagne.diplo.de/Vertretung/frankreich-dz/fr/__pr/nq/2017-05/2017-05-30-kirchentag-protestant-pm.html?archive=4908386 L’hebdomadaire « Réforme » (1er juin 2017) a consacré une double page (p 4-5) à cet événement marquant qui, à travers une forte participation jeune et internationale, témoigne de la vitalité d’une foi chrétienne au sein du monde d’aujourd’hui. Dans un article intitulé « La foi visible », Jean-Paul Willaime écrit ainsi : « Le fait que deux éminentes personnalités politiques protestantes : l’ancien président des Etats-Unis, Barack Obama et la chancelière Angela Merkel aient accepté de discuter de démocratie et d’engagement à Berlin au 36è Kirchentag… constitue incontestablement un événement »
(3) Lors de ses déplacements internationaux, Barack Obama s’adresse fréquemment aux « leaders » des régions visitées dans des rencontres caractérisées par un dialogue dynamique et convivial. Deux exemples : Asie du Sud Est : https://www.youtube.com/watch?v=j3GuzhWdiiI
(6) Barack Obama and Angela Merkel speak at Kirchentag in Berlin. Vidéo principalement à partir de laquelle nous avons travaillé pour présenter des extraits adaptés en français. Nous renvoyons à cette vidéo qui apporte non seulement la parole dans son extension, mais aussi l’expression des participants à travers leurs visages.
Empathie est un terme de plus en plus fréquemment employé. Sciences Humaines, dans son numéro de juin 2017, nous offre un dossier sur l’empathie (1).
« L’empathie est une notion désignant la compréhension des sentiments et des émotions d’un autre individu, voire, dans un sens plus général de ses états non émotionnels, de ses croyances. En langage courant, ce phénomène est souvent rendu par l’expression : « se mettre à la place de l’autre ». Cette compréhension se traduit par un décentrement, et peut mener à des actions liées à la survie du sujet visé par l’empathie. Dans l’étude des relations interindividuelles, l’empathie est donc différente des notions de sympathie, de compassion, d’altruisme qui peuvent en résulter ». Cette définition de Wikipedia (2) converge avec les significations dégagées par SciencesHumaines : « L’empathie cognitives consiste à comprendre les pensées et intentions d’autrui… L’empathie affective est la capacité de comprendre, non pas les pensées, mais les émotions d’autrui…L’empathie compassionnelle est l’autre nom de la sollicitude. Elle ne consiste pas simplement à constater la souffrance ou la joie d’autrui, mais suppose une attitude bienveillante à son égard ». Ainsi, en regard d’un individualisme égocentré, l’empathie fonde une relation attentionnée à autrui : « Se mettre à la place des autres ». Elle débouche sur la sollicitude, sur la bienveillance, sur la sympathie. C’est une capacité qui nourrit les relations humaines.
La montée de l’empathie
Pour qui perçoit les expressions de ceux qui s’intéressent à la vie humaine et à sa signification, à la fois sur le Web et dans la littérature courante, il apparaît que le terme : empathie est de plus en plus employé. Et on observe la même évolution positive pour un terme comme : bienveillance. On ressent là un changement d’attitude, une évolution dans les représentations comme si un nouveau paradigme émergeait peu à peu dans la vie sociale. A une époque troublée comme la notre, où les menaces abondent, où la violence s’exprime de diverses manières, notamment sur le Web, n’y aurait-il pas là une tendance à long terme qui soit pour nous une source d’encouragement et d’espoir. Dans ce dossier de Sciences Humaines, un article introductif de Jean-François Dortier : « Empathie et bienveillance, révolution ou effet de mode ? », nous aide à y voir plus clair (3).
« Comment un mot quasi inconnu, il y a un demi-siècle, a pris autant d’importance en si peu de temps ? Ce succès du mot en dit long tant sur la façon de penser les rapports humains que sur nos attentes dans ce domaine ». Jean-François Dortier nous présente ainsi un graphique très évocateur sur l’usage du mot « empathie » dans les livres de langue française de 1950 à aujourd’hui. En lente progression durant les décennies 1960, 1970 et 1980, l’usage grimpe en flèche dans les décennies 1990 et 2000.
De fait, cette progression est d’autant plus puissante que la recherche sur ce thème et l’intérêt qu’il éveille, s’exerce dans une grande variété de champs. « Dans le monde animal, l’éthologue Franzde Waal se taille de beaux succès avec ses ouvrages sur l’empathie chez les primates… Dans le règne animal, la solidarité est omniprésente… Chez le petit humain, l’empathie joue un rôle fondamental dès la naissance… ». Et cette disposition est nécessaire dans tout le processus d’éducation. Mais, plus généralement, « l’empathie est devenue un enjeu humain majeur pour comprendre les humains et construire le « vivre ensemble ». Au travail, à l’école, à l’hôpital, et même en politique (4), l’empathie et son corollaire la bienveillance sont sollicitées pour rendre les collectifs humains plus viables ». Il peut y avoir des difficultés et des oppositions, mais progressivement secteur après secteur, la bienveillance gagne du terrain. Ainsi, à la fin du XXè siècle, elle s’impose dans la théorie et la pratique du « care ». Elle va de pair avec l’apparition de la « communication non violente » et l’essor de la psychologie positive au début du XXIè siècle. Et comme en traite deux articles dans ce dossier, elle inspire de plus en plus l’éducation et pénètre dans la gestion des entreprises. A cet égard, nous avons rendu compte sur ce blog du livre phare de Jacques Lecomte : « Les entreprises humanistes. Comment elles vont changer le monde » (5). Par ailleurs, la progression de l’empathie dans les mentalités se réalise à l’échelle internationale comme le montre l’économiste et philosophe américain, Jérémie Rifkin, dans un livre de synthèse : « The empathic civilization. The rise to global consciousness in a world in crisis » (2009) traduit en français sous le titre : Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation del’empathie » (6).
Un changement de regard
Face à une vision pessimiste de l’homme qui enferme celui-ci dans le mal et la violence, une vision qui remonte loin dans le temps et s’est appuyée sur des conceptions religieuses et philosophiques (7),
à l’encontre, un puissant mouvement est apparu et met l’accent sur la positivité. Il se manifeste à la fois dans les idées et dans les pratiques. En février 2011, déjà, Sciences Humaines avait publié un dossier : « Retour de la solidarité : empathie, altruisme, entraide » (8). Et Martine Fournier, coordinatrice de ce dossier, pouvait écrire : « L’empathie et la solidarité seraient-elles devenues un paradigme dominant qui traverse les représentations collectives ? De l’individualisme et du libéralisme triomphant passerait-on à une vision portant sur l’attention aux autres ? Le basculement s’observe aussi bien dans le domaine des sciences humaines et sociales qu’à celles de la nature. Ainsi, alors que la théorie de l’évolution était massivement ancrée dans un paradigme darwinien « individualiste » centré sur la notion de compétition et de gêne égoïste, depuis quelques années un nouvel usage de la nature s’impose. La prise en compte des phénomènes de mutualisme, symbiose et coévolution entre organismes tend à montrer que l’entraide et la coopération seraient des conditions favorables de survie et d’évolution des espèces vivantes à toutes les étapes de la vie ».
Il y a là un changement de regard. Les découvertes elles-mêmes dépendent pour une part des questions posées, c’est à dire d’une nouvelle orientation d’esprit. Une transformation profonde de la manière de penser et de sentir est en cours. Cette transformation porte une signification spirituelle. Elle rompt avec des représentations anciennes. Elle s’inscrit dans un contexte d’universalisation où différentes traditions viennent apporter leur contribution. Pour notre part, nous nous référons à la « parabole du bon samaritain » rapportée dans l’Evangile de Luc (10.29-37). L’empathie compassionnelle s’y manifeste puissamment. « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups et s’en allèrent, le laissant à demi mort… » Passent deux religieux sans lui prêter attention. « Mais un samaritain qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit… Il prit soin de lui ». Dans un livre sur la philosophie de l’histoire : « Darwin, Bonaparte et le Samaritain », Michel Serres voit notre humanité en train de sortir d’un état de violence et de guerre dans lequel elle a été enfermée pendant des millénaires. Et si la paix commence à apparaître, Michel Serres voit dans la figure du Samaritain l’emblème de l’entraide et de la bienveillance. Cette parole de Jésus a grandi et porté des fruits.
Empathie, bienveillance : l’audience de ces notions est-elle un effet de mode ou une révolution ? S’interroge Jean-François Dortier dans le titre de son article en introduction du récent dossier de Sciences Humaines. Dans les tempêtes de l’actualité, on perçoit et on déplore des pulsions de violence et d’agressivité. Mais, par delà, à une autre échelle de temps, on peut apercevoir un autre mouvement. Le montée de l’empathie et de la bienveillance nous parait plus qu’un effet de mode. Lorsqu’on mesure l’ampleur et la pénétration de ce mouvement, on peut y voir une évolution en cours des mentalités.
J H
(1) Dossier : Les pouvoirs de l’empathie, p 24-45. Sciences Humaines, juin 2017
(3) Jean-François Dortier. Empathie et bienveillance. Révolution ou effet de mode ? Sciences Humaines, juin 2017, p 26-31
(4) Pour la première fois à notre connaissance, la bienveillance est apparue en politique. Ce fut dans la campagne présidentielle en marche d’Emmanuel Macron. Edouard Tétreau nous fait part de cette réalité dans un article des Echos : « Les leçons de la start Up Macron » (15 mai 2017) : « Leçon numéro 3 : cette réussite tient aussi – surtout ? – à un mot et une réalité bien rarement vue et entendue dans ma génération et les précédentes, dans le monde du travail en France. Ce mot et cette réalité s’appellent la bienveillance. En jetant les bases de son mouvement et de son pari, Emmanuel Macron a exigé, et obtenu, de ses plus proches collaborateurs, cette qualité-là. La bienveillance entre eux, et vers l’extérieur. Les cyniques du XXème siècle, ceux qui n’ont rien compris au film de ces dernières semaines, doivent s’esclaffer à l’évocation de ce mot, signifiant le « sentiment par lequel on veut du bien à quelqu’un ». La bienveillance n’est pas la faiblesse, ou la gentillesse façon Bisounours. Elle est l’apanage des forts, qui choisissent de mettre de côté leurs petits intérêts privés pour se mettre au service de l’intérêt général. Les médiocres ne pouvant s’occuper que d’eux-mêmes ».
(5) Jacques Lecomte. Les entreprises humanistes. Les Arènes, 2016. Mise en perspective sur ce blog : « Vers un nouveau climat de travail dans une entreprise humaniste et conviviale » : https://vivreetesperer.com/?p=2318
(7) Ce regard négatif sur l’homme a été lié à une conception écrasante du péché originel. Voir à ce sujet : Lytta Basset. Oser la bienveillance. Albin Michel, 2014 Voir sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=1842 Un autre facteur a été le Darwinisme social associé à une conception matérialiste. Voir le chapitre : « The theory of evolution and christian theology : from « the war of nature » to natural cooperation and from « the struggle for existence » to mutual recognition » p 209-223, dans : Jürgen Moltmann. Sun of righteousness, arise ! God’s future for humanity and the Earth. Fortress Press, 2010
(8) Le retour de la solidarité. Dossier animé par Martine Fournier. Sciences humaines, février 2011. Mise en perspective sur ce blog : « Quel regard sur la société et sur le monde ? » : https://vivreetesperer.com/?p=191
(9) Michel Serres. Darwin, Bonaparte et le samaritain. Une philosophie de l’histoire. Le pommier, 2016. Sur ce blog, mise en perspective : « Au sortir de massacres séculaires, vers un âge doux portant la vie contre la mort » : https://vivreetesperer.com/?p=2479
Intervention du pape François à la conférence TED 2017 : The future, you
Il y a aujourd’hui dans le monde un espace dans lequel les gens voulant exprimer une idée qui leur tient à cœur, souvent à travers leur histoire de vie, une idée reconnue par ailleurs comme digne d’être diffusée dans le monde (« worth spreading ideas »), peuvent en rendre compte à travers un court exposé (talk) ne dépassant pas 18 minutes et enregistré en vidéo. Si au départ le sigle TED correspond à : « Technology. Entertainment. Design » (1), tous les domaines de l’activité et de la pensée humaine sont aujourd’hui couverts. Des conférences TED ont commencé à se tenir annuellement aux Etats-Unis à partir de 1990. En 2006, on décide d’en diffuser le contenu à travers le monde en ligne sur internet. Et, par ailleurs, les lieux d’expression se démultiplient en apparaissant dans des villes de nombreux pays sous l’appellation TED X (2).
Cette année, la conférence internationale à Vancouver vient de se dérouler sur le thème : « The future, you ». Comment sommes-nous personnellement impliqué dans l’avenir en gestation ? Le pape François a été invité à s’exprimer dans un exposé intitulé : « La raison pour laquelle le seul futur qui mérite d’être conçu inclut tout le monde » (3). Cet exposé s’adresse à des gens très divers à travers le monde et il nous paraît communiquer un message d’amour et d’espérance qui porte la vie.
Un espace interconnecté
Le pape François constate que les êtres humains ne peuvent pas vivre isolés, mais que, de fait, nos vies sont interconnectées.
« L’avenir est fait de rencontres, car la vie n’existe que dans nos relations avec les autres. Mes quelques années de vie ont renforcé ma conviction que notre existence à tous est profondément liée à celle des autres. La vie n’est pas un temps qui s’écoule, la vie est interraction. Aujourd’hui, même la science suggère que la réalité est un lieu où chaque élément se connecte et interagit avec tous les autres ».
François Bergoglio, aujourd’hui le pape François, sait combien nos itinéraires s’entrecroisent. « Je suis né dans une famille de migrants. Mon père, mes grands-parents, comme beaucoup d’autres italiens, sont partis en Argentine et ont connu le destin de ceux qui ont tout quitté. J’aurais très bien pu devenir moi aussi un laissé-pour-compte. C’est pourquoi je m’interroge encore au plus profond de moi : pourquoi eux et pas moi ? »
Mais, puisqu’en réfléchissant à la réalité du monde et au déroulement de nos vies, nous constatons qu’il y a partout interrelation, nous percevons également qu’une vie harmonieuse requiert des connexions saines entre les hommes. « Nous avons tous besoin les uns des autres. Aucun de nous n’est seul au monde, un « moi » autonome et indépendant, séparé des autres. Nous ne construirons l’avenir qu’en étant ensemble, en n’excluant personne. Nous n’y réfléchissons pas souvent, mais tout est connecté, nous devons rétablir des connections saines entre nous ». Cela requiert par exemple d’entrer dans un processus de pardon et de réconciliation.
Plus généralement, « De nos jours, beaucoup d’entre nous semblent croire qu’il sera impossible d’avoir un avenir heureux. Bien qu’il faille prendre ces préoccupations très au sérieux, on peut inverser la tendance. Nous les dépasserons si nous ne fermons pas notre porte au monde extérieur. Le bonheur ne peut être trouvé que s’il y a une harmonie entre le tout et l’individuel ».
Un élan de solidarité et de générosité.
Nous ne pouvons ignorer la pauvreté, la misère engendrées par les inégalités, la polarisation sur la production de biens marchands au dépens de la vie humaine. « Comme ce serait merveilleux si la solidarité, mot magnifique et parfois dérangeant, n’était pas réduite au travail social et devenait au contraire l’attitude naturelle dans les choix politiques, économiques et scientifiques et dans les relations entre les individus, entre les peuples, entre les pays ».
Loin d’exprimer à ce sujet une attitude pessimiste sur la nature humaine, le pape François met en valeur un potentiel de générosité et de bonté . « La solidarité est une réaction naturelle qui vient du cœur de chacun. Oui, une réaction naturelle ! Quand on réalise que la vie, même au milieu de tant de contradictions, est un don, que l’amour est la source et le sens de la vie, comment peut-on réprimer cette envie de faire le bien à autrui. Pour faire le bien, il faut de la mémoire, il faut du courage, il faut de la créativité. Et je sais bien que Ted réunit beaucoup d’esprits créatifs. Oui, l’amour requiert une attitude créative, concrète et ingénieuse. Les bonnes intentions et les formules convenues, qu’on utilise si souvent pour apaiser notre conscience, ne suffisent pas. Aidons-nous les uns les autres à nous rappeler que l’autre n’est ni une statistique, ni un nombre. L’autre est toujours une présence, une personne dont il fait prendre soin ».
Alors, pour nous éclairer, peut remonter cette parole si unique : l’histoire du Bon Samaritain racontée par Jésus (Evangile Luc10. 25-36). « L’histoire du Bon Samaritain est l’histoire de l’humanité actuelle. La voie des hommes est pavée de blessures, car tout est centré sur l’argent, les possessions et non sur les hommes. Les gens qui se disent respectables ont souvent l’habitude de ne pas s’occuper des autres, laissant des populations entières abandonnées sur la route. Heureusement, il y a ceux qui créent un monde nouveau en prenant soin des autres »…. « Nous avons tant à accomplir, nous devons le faire ensemble. Mais comment le faire avec tout le mal que nous respirons ? Grâce à Dieu, aucun système ne peut annihiler notre désir de nous ouvrir au bien, à la compassion, ni notre capacité de réagir face au mal ; tout ça vient du plus profond de notrecœur… Dans les ténèbres des conflits actuels, chacun d’entre nous peut devenir un cierge éblouissant, une preuve que la lumière peut vaincre les ténèbres, et jamais l’inverse ».
Une dynamique s’espérance
Dans les dernières décennies, en christianisme, l’espérance est devenue inspiratrice d’une action collective. C’est ce qu’exprime ici le pape François. « Pour les chrétiens, le futur a un nom, et ce nom est l’Espérance. Espérer ne veut pas dire être un optimiste naïf et ignorer la tragédie que vit l’humanité. L’Espérance est la vertu d’un cœur qui ne demeure pas dans le passé, qui ne fait pas que passer dans le présent, mais qui est capable de voir des lendemains. L’Espérance est la porte qui mène vers l’avenir. L’Espérance est une graine de vie, cachée, humble, qui, avec le temps, deviendra un arbre immense… L’Espérance commence avec une seule personne. Quand il y a un « nous », c’est une révolution qui commence ».
La révolution de la tendresse
Le message se poursuit à travers un appel à la tendresse. Qu’est-ce que la tendresse ? C’est l’amour qui se rapproche et se concrétise. C’est un mouvement qui part du cœur et arrive aux yeux, aux oreilles et aux mains. La tendresse nous demande de nous servir de nos yeux pour voir l’autre, et de nos oreilles pour l’écouter, pour écouter les enfants, les pauvres, ceux qui ont peur de l’avenir, pour entendre le cri silencieux de notre maison commune, notre terre polluée et malade. La tendresse nous demande de nous servir de nos mains et de notre cœur pour réconforter l’autre, pour prendre soin de ceux dans le besoin ». Quel merveilleux registre de relation !
« La tendresse, c’est se mettre au niveaude l’autre ». Et, à nouveau, un geste, une parole vient nous éclairer. « Dieu est descendu en Jésus pour être à notre niveau. C’est le chemin que le Bon Samaritain a suivi. C’est le chemin que Jésus lui-même a pris. Il s’est abaissé, il a vécu toute son existence humaine à parler le langage vrai, le langage concret de l’amour ». Le pape François nous appelle à suivre le chemin de la tendresse. « La tendresse n’est pas une faiblesse, c’est une force. C’est le chemin de la solidarité, le chemin de l’humilité ». Combien cette humilité est nécessaire chez les puissants !
Dans le monde d’aujourd’hui, chacun a un rôle à jouer. « L’avenir est entre les mains des hommes qui reconnaissent l’autre comme un individu et eux-mêmes comme un élément du « nous ». Nous avons tous besoin de l’autre ».
En accueil
Voici un message en affinité avec les orientations développées dans ce blog.
Oui, il y a bien aujourd’hui une prise de conscience des interconnections qui interviennent à tous les niveaux. Comme l’écrit Jürgen Moltmann : « Si l’Esprit Saint est répandu sur toute la création, il fait de la communauté de toutes les créatures , avec Dieu et entre elles, cette communauté de la création dans laquelle toutes les créatures communiquent chacune à sa manière entre elles et avec Dieu »… L’« essence » de la création est par conséquent la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit dans la mesure où elles font connaître l’ « accord général ». « Au commencement était la relation » (Martin Buber ») (4).
De fait, cette conscience de l’interconnexion se manifeste maintenant jusque dans l’existence quotidienne. Ainsi, dans son livre : « Sa présence dans ma vie », Odile Hassenforder peut écrire : « Assez curieusement, ma foi en notre Dieu, qui est puissance de vie, s’est développée à travers la découverte de nouvelles approches scientifiques qui transforment notre représentation du monde. Dans cette nouvelle perspective, j’ai compris que tout se relie à tout et que chaque chose influence l’ensemble. Tout se tient. Tout se relie. Pour moi, l’action de Dieu s’exerce dans ces interrelations »(5).
Dans cette perspective, nos vies personnelles et aussi bien la vie sociale dépendent de la qualité des relations humaines. Avec le pape François, Jürgen Moltmann met en évidence l’importance « des connexions saines entre les hommes ». « Une vie isolée et sans relations, c’est à dire individuelle au sens littéral du terme et qui ne peut être partagée est une réalité contradictoire en elle-même. Elle n’est pas viable et elle meurt… La vie nait de la communauté, et là où naissent des communautés qui rendent la vie possible et la promeuvent, là l’Esprit de Dieu est à l’oeuvre » ( 6) Ainsi, c’est bien à travers la solidarité que l’humanité peut subsister et s’épanouir.
Tout se tient, mais tout est également en mouvement. Et c’est pourquoi le papa François proclame la vertu de l’espérance qui ouvre notre horizon vers l’avenir. Sa pensée rencontre là aussi celle de Jürgen Moltmann, le théologien de l’espérance (7). « Le christianisme déborde d’espérance… Il est résolument tourné vers l’avenir et invite au renouveau… L’avenir n’est pas un aspect du christianisme, mais l’élément de la foi qui se veut chrétienne… La foi est chrétienne lorsqu’elle est la foi de Pâques. Avoir la foi, c’est vivre dans la présence du Christ ressuscité et tendre vers le futur royaume de Dieu » (8).
Le pape François appelle tous les hommes à une révolution de la tendresse, car il perçoit en chacun un potentiel de générosité. Et nous savons qu’il est entendu en retour. Nous quittons les rives d’une civilisation où l’homme était écrasé par un regard mortifère et culpabilisant. Aujourd’hui, nous voyons apparaître des courants nouveaux qui portent la bienveillance (9) et appellent un regard positif (10). La théologienne Lytta Basset intitule un de ses livres : « Oser la bienveillance » (11). Ce blog est témoin du changement de sensibilité qui est en train d’advenir. En évoquant une révolution de la tendresse, en rappelant l’histoire du Bon Samaritain, à l’époque un message inouï (12), le pape François montre comment la graine semée par Jésus est en train de grandir aujourd’hui. Si la violence est présente aujourd’hui dans nos sociétés, en entendant le pape François, on peut constater également que la bonté éveille la bonté. Et, comme il le dit : « la lumière peut vaincre les ténèbres, et jamais l’inverse ».
(2) Les conférences Ted X sont maintenant présentes dans de nombreuses ville de France et, sur ce blog, nous mettons souvent les « talks » correspondants en valeur
(8) Jûrgen Moltmann. De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte, 2012 (p 109-110) Présentation du livre : https://vivreetesperer.com/?p=572
(9) Ce mouvement vers la mise en valeur et la mise en œuvre de la bienveillance est visible sur le web, notamment dans des talks TED X . Sur ce blog, les articles indexés à ce terme : https://vivreetesperer.com/?s=bienveillance+
(10) La psychologie positive est en plein développement en France depuis le début du siècle. Voir le site : http://www.psychologie-positive.net/spip.php?article8 Sur ce blog, analyse de plusieurs livre de Jacques Lecomte, un pionnier de la psychologie positive en France : « La bonté humaine. Est-ce possible ? » : https://vivreetesperer.com/?p=674
(12) Dans son livre : « Darwin, Bonaparte et le samaritain », Michel Serres met en valeur la figure pionnière du Bon Samaritain : « Une philosophie de l’histoire » : https://vivreetesperer.com/?p=2479
Témoignage et enseignement d’Elisabeth Grimaud, neuropédagogue
L’aspiration au bonheur est naturelle chez l’homme. Cette recherche prend des formes différentes. Elle est plus ou moins profonde, plus ou moins exigeante. Et, de même, les réponses se situent à différents niveaux et sur différents registres. Neuropsycholinguiste, Elisabeth Grimaud nous apporte une approche empirique. Qu’est-ce qui nous rend plus heureux ? Comment identifier et développer les attitudes qui contribuent au bonheur ? Et, dans une personnalité humaine où différentes composantes interviennent, comment le cerveau participe-t-il à la réalisation du bonheur ? « Le bonheur est un état d’esprit », nous dit Elisabeth, « mais cela se travaille ». Cette approche met en avant l’expérience et elle rencontre la notre. Elle appelle une expression du ressenti. Elle aide à mieux comprendre les interrelations entre nos attitudes, nos pratiques et l’activité de notre cerveau, notamment à travers la production de neurotransmetteurs. Dans cette perspective, les activités qui mettent en œuvre le beau, le bien et le bon apparaissent comme ayant un rôle moteur dans la réalisation du bonheur.
Dans son « talk » à Ted X Roanne, Elisabeth Grimaud, chercheur en psychologie cognitive (1), explique comment le cerveau correspond avec certaines attitudes à travers des secrétions qui suscitent du bien-être. Ainsi a-t-elle intitulé sa communication : « Programmez votre cerveau pour le bonheur » (2). Cependant, si cet exposé débouche sur une analyse scientifique, il procède à partir du témoignage de l’intervenante nous rapportant la manière dont elle a ressenti sa visite d’un chef d’œuvre de l’architecture espagnole : l’Alhambra à Grenade. Elle nous fait part d’un enthousiasme communicatif. Cette expression chaleureuse nous invite à entrer dans une pratique du beau, du bien et du bon, à en percevoir les effets et à comprendre, en regard, les processus en cours dans le cerveau.
La visite de l’Alhambra
Comment Elisabeth Grimaud a-t-elle vécu sa visite à l’Alhambra ? Auteur d’une recherche sur l’enseignement cérébral par les jeux, Elisabeth a donc participé à un colloque scientifique international à Grenade. Et c’est à cette occasion que le troisième jour, elle a pu visiter « ce monument extraordinaire : l’Alhambra » .
Elle a commencé par les jardins. Ainsi est-elle d’abord rentrée « dans une grande allée tapissée d’arbres ». « En avançant, je me suis sentie entrer dans un univers »… Puis, en arrivant, il y avait un parterre de fleurs. « Je suis passée à coté d’une rose. Je me suis arrêtée. Cette rose m’a frappée parce qu’elle avait une couleur intense. A ce moment là, j’étais avec la fleur et rien d’autre… J’ai continué la visite. Je me suis rendu compte qu’il y avait une odeur qui se dégageait. Cela sentait bon. Il y avait une odeur d’été. C’était du chèvrefeuille. Je ressentais du bien-être ».
« En continuant la visite, j’ai accédé au monument. Le palais de l’Alhambra est constitué de différents espaces et de différentsbâtiments. Et ces bâtiments ont tous une spécificité. Ils sont immenses, et, en même temps, dans cette immensité, il y a du détail, infiniment de détails. La sculpture est partout. L’immensité se conjugue avec une précision extraordinaire. Pendant plusieurs heures, j’ai monté des marches et, à chaque fois, l’effort en valait la peine…
Quand je suis passé devant le magasin de souvenirs, j’ai eu envie d’acheter quelque chose pour mon conjoint, mes enfants. J’ai trouvé un livre où il y avait des photos correspondant à ce que j’avais vu, suscitant des émotions ressemblant à celles que j’avais ressenties. Quand je suis ressorti de ce magasin, j’étais heureuse. Je l’avais fait pour ceux que j’aime.
Et pendant toute cette visite, j’ai vécu ce que j’appelle le bonheur, ce que j’enseigne et dont je parle beaucoup ».
Correspondance entre le vécu et les activités cérébrales
Elisabeth Grimaud revient ensuite sur ce vécu et en analyse les différents aspects en les mettant en relation avec les activités du cerveau. « Les différentes manières dont j’ai vécu ce bonheur s’expriment par l’émotion et s’expliquent grâce aux mécanismes du cerveau ». Ainsi, en terme de « d.o.s.e », elle énonce les différents neurotransmetteurs qui ont été émis par le cerveau : dopamine, ocytocine, sérotonine, endorphine. Et elle nous apprend en quoi l’apparition de chaque neurotransmetteur correspond à une de ces activités durant cette visite de l’Alhambra.
« La dopamine est le neurotransmetteur de la réussite. Je montais les marches parce qu’à chaque fois, je sentais que j’allais vers une réussite. Ce que j’allais voir méritait un effort.
Dans le magasin, il y a eu activation de l’ocytocine qui correspond à l’attachement, à la reliance. A chaque fois que vous vous reliez à quelqu’un : famille, enfants, un bon copain, vous êtes heureux. Qu’est-ce que cela fait du bien de se voir ! Ma famille n’était pas là. mais je pensais à eux. J’étais avec eux.
A la fin de mon parcours, j’avais coché toutes les cases du programme. J’étais contente de moi. J’étais satisfaite. La sérotonine correspond à cette satisfaction de voir la tâche accomplie.
Enfin, l’endorphine agit en contraste. Elle amortit la douleur. Vous êtes fatigué. Et à ce moment, vous ne le ressentez plus. Cette gestion de votre fatigue vous permet de continuer. Vous sentez à nouveau un peu de bien-être ».
Cette analyse nous permet de mieux comprendre ce qui se passe en nous dans nos propres expériences. Mais Elisabeth Grimaud nous invite également à développer notre capacité d’activer ces neurotransmetteurs. Ils découlent de certaines activités mentales, mais ils peuvent aussi les stimuler. « Vous avez la possibilité d’activer les neurotransmetteurs et l’entrainement cérébral peut vous aider en ce sens ».
Le beau, le bien et le bon
Elisabeth Grimaud nous présente ainsi une approche à travers laquelle il est possible de développer une disposition au bonheur à travers une aptitude à produire les neurotransmetteurs correspondants. Mais dans quel esprit ? C’est ici qu’en évoquant son expérience de la visite de l’Alhambra, Elisabeth Grimaud nous invite à nous exercer dans le sens du beau, du bien et du bon. « Lorsque vous mettez en activité ces trois mots simples, tous les jours dans votre quotidien, vous activez un peu de cette dose de bien-être qui va vous apportez du bonheur ».
« Le beau, c’est savoir s’émerveiller. Lorsque j’étais avec cette rose, le l’ai sentie, je l’ai vue. Je me suis émerveillée. Qu’est-ce que cela a suscité dans mon corps ? Cela a fait monter le niveau d’ocytocine qui permet à la dopamine d’être davantage présente et d’apporter du bien-être. Cet émerveillement peut s’opérer à partir de nos cinq sens.
Le bien, c’est le fait de s’appliquer et de s’impliquer. Lorsque vous vous appliquez et que vous vous impliquez, vous recevez de la sérotonine. C’est le plaisir et la fierté de la tâche accomplie. Cela peut se réaliser dans le quotidien jusque dans de tout-petits riens ».
Le bon, c’est entrer en relation. « Dans ma visite, lorsque je suis entré au magasin, je me suis tournée vers les autres en pensant aux miens. Quand on se tourne vers les autres, selon la psychologie positive, on augmente son propre niveau de bien-être ». On peut être aussi un ami pour soi-même. Elisabeth est sensible aux dangers du narcissisme et d’un développement autocentré. Ainsi met-elle l’accent sur les bienfaits de la relation.
Au total, « quand on considère l’augmentation du bien-être dans le corps, il se fait en étant en lien avec les autres, avec l’environnement par les cinq sens, avec ce que l’on fait. C’est avec le beau, le bien, le bon que vous développez votre bonheur au quotidien ».
Echos
Nous écoutons Elisabeth Grimaud comme une amie qui nous raconterait un moment heureux de sa vie. Et en même temps, elle nous éclaire sur les ressorts de nos émotions et de nos comportements. Quelque part, on ressent là une harmonie.
Ce commentaire ajoute ici un autre angle de vue qui nous paraît complémentaire.
La neuropédagogue met l’accent sur le rôle du cerveau et la manière d’en tirer parti à travers des comportements positifs puisqu’il les répercute en effets bienfaisants. Cependant, à notre sens, le cerveau n’est pas le maître du jeu. C’est notre pensée qui oriente. Nous nous émerveillons. Nous aimons. Et, comme dans le cas de la gratitude (3), ces émotions positives entrainent des réactions neuronales qui se traduisent en effets bienfaisants. Et de fait, il y a interaction. Une bonne habitude s’ancre et va s’amplifier à travers cet ancrage. On découvre aujourd’hui la puissance de la pensée. Avec le chercheur en neurosciences, Mario Beauregard, on peut voir que « l’esprit humain a une grande capacité d’influence au niveau du corps, du cerveau et de tous les systèmes physiologiques qui sont connectés » (4).
Cependant, nous vivons dans une culture qui a longtemps été influencée par un héritage philosophique et religieux où l’âme et le corps étaient séparés et le corps dévalorisé. On peut ajouter à cela un point de vue pessimiste sur la nature humaine (5). Ce contexte est réfractaire à une approche telle que celle qui nous est présentée ici.
Dans son livre : « Dieu dans la création » (6), Jürgen Moltmann (7) ouvre la voie d’une approche théologique globale, holistique : « Les recherches actuelles mettent en valeur les interactions entre le psychisme et le corps ». Ce phénomène est bien reçu dans la vision d’une anthropologie biblique où « l’homme apparaît toujours comme un tout ». « L’homme est une totalité qui s’exprime à travers son corps. La corporéité est la fin de toutes les œuvres divines ». « La présence de Dieu dans l’Esprit n’est plus localisée uniquement dans la conscience ou dans l’âme, mais dans la totalité de l’organisme humain ».
Nous faisons référence ici à l’expérience spirituelle d’OdileHassenforder (8) en phase avec la vision interactive qui se développe aujourd’hui : « Ma foi en notre Dieu, qui est puissance de vie, s’est développée à travers la découverte des nouvelles approches scientifiques qui transforment nos représentations du monde. Dans cette nouvelle perspective, j’ai compris que tout se relie à tout et que chaque chose influence l’ensemble. Tout se tient. Tout se relie. Pour moi, l’action de Dieu s’exerce dans ces interactions ».
En entendant Elisabeth Grimaud nous parler de la prédisposition du cerveau à exercer des effets positifs en rapport avec la mise en œuvre du beau, du bien et du bon, on peut s’écrier avec un psaume (139. 14) : « Je te loue que je suis une créature si merveilleuse ».
Dans une épitre du Nouveau Testament (Philippiens 4. 8), on trouve cette recommandation : « Que tout ce qui est bon, tout ce qui est vrai, juste, agréable… soit l’objet de vos pensées ». Cette recommandation, cette expression de sagesse va de pair avec le « beau, le bien, le bon » au cœur du processus mis en valeur par Elisabeth Grimaud. Ainsi pourrait-on avancer que dans son exposé, on peut voir une rencontre entre neurosciences, psychologie positive et sagesse. C’est une rencontre qui s’effectue ici dans une expérience relatée avec simplicité et enthousiasme, de quoi éveiller en écho un accueil chaleureux.
(2) La rencontre avec Elisabeth Grimaud à Ted X Roanne : « Beau, bien, bon, programmez votre cerveau pour le bonheur » (Nous en rapportons quelques extraits) https://www.youtube.com/watch?v=tKIYGevgAxA
(6) Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988. Chapitre : « La corporéité est la fin de toutes les œuvres divines » (p 311-349)