Dieu vivant, Dieu présent, Dieu avec nous dans un monde où tout se tient

 

Deux approches convergentes : Jürgen Moltmann et Diana Butler Bass

 

A partir d’une approche scientifique, technique ou sociale, on découvre de plus en plus aujourd’hui que nous vivons dans un univers en interaction, un univers où tout se tient. Pour certains, cela ne va pas de soi, car c’est une nouveauté qui bouleverse un héritage intellectuel ou religieux. Où est Dieu ? Ce mouvement appelle une réflexion théologique.

 

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La communauté de la création

 

Dans les années 1980 déjà, dans son livre : « Dieu dans la création » (1), Jürgen Moltmann pouvait écrire : « Si l’Esprit Saint est répandu sur toute la création, il fait de la communauté entre toutes les créatures avec Dieu et entre elles, cette communauté de la création dans laquelle toutes les créatures communiquent chacune à sa manière entre elles et avec Dieu… L’existence, la vie et le réseau des relations réciproques ont lieu dans l’Esprit. « En Lui, nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes des apôtres 1.28) (p 24)… Dieu le créateur du ciel et de la terre est présent par son Esprit cosmique dans chacune de ses créatures  et dans leur communauté créée. Dieu n’est pas seulement le créateur du monde, mais aussi l’Esprit de l’univers. Grace aux forces et aux possibilités de l’Esprit, le créateur demeure auprès de ses créatures, les vivifie, les maintient dans l’existence et les mène dans son royaume futur » (p 28). Dieu est à la fois transcendant et immanent.

 

 Le Dieu vivant

 

Aujourd’hui, dans la lignée de ses nombreux ouvrages (2), le nouveau livre de Jürgen Moltmann, publié par le Conseil Mondial des Eglises, s’intitule : « The living God and the fullness of life » (Le Dieu vivant et la plénitude de vie » (3). L’auteur s’adresse en premier à un public marqué par une culture moderne qui ferait appel à « des concepts humanistes et matérialistes » de la vie, une culture dans laquelle Dieu serait absent. Cette vie sans transcendance engendre un manque et induit ce que Moltmann appelle une « vie diminuée ».

Si une forme de christianisme a pu apparaître comme un renoncement à une vie pleinement vécue dans le monde, Moltmann nous présente au contraire un Dieu vivant qui suscite une plénitude de vie. Dieu n’est pas lointain. Il est présent et agissant. « Avec Christ, le Dieu vivant est venu sur cette terre pour que les humains puissent avoir la vie et l’avoir en abondance (Jean 10.10). Moltmann nous propose une spiritualité dans laquelle « la vie terrestre est sanctifiée » et qui se fonde sur la résurrection du Christ. Dans la dynamique de cette résurrection, « l’horizon de l’avenir, aujourd’hui assombri par le terrorisme, la menace nucléaire et la catastrophe environnementale, peut s’éclairer. Une lumière nouvelle est projetée sur le passé et ceux qui sont morts. La vie entre dans le présent pour qu’on puisse l’aimer et en jouir… Ce que je désire, écrit Moltmann, c’est de présenter ici une transcendance qui ne supprime, ni n’aliène notre vie présente, mais qui libère et donne vie, une transcendance par rapport à laquelle nous ne ressentions pas l’envie de lui tourner le dos, mais qui nous remplisse d’une joie de vivre » (p X-XI).

 

 Une vie divine

 

Jürgen Moltmann consacre un chapitre à la vie éternelle. Cette vie ne tourne pas le dos à la condition terrestre de l’homme, mais elle l’anime. Elle ne s’adresse pas à des individus qui seraient polarisés sur le salut de leur âme. Elle s’inscrit dans un univers interrelationnel. « L’être humain n’est pas un individu, mais un être social… Il meurt socialement lorsqu’il n’a pas de relations ». Ainsi, selon Moltmann, la vie éternelle s’inscrit dans trois dimensions : « Comme enfants de Dieu, les êtres humains vivent une vie divine. Comme parents et enfants, ils s’inscrivent dans la séquence des générations humaines. Comme créatures terrestres, ils vivent dans la communauté de la terre » (p 73). Dès lors, le chapitre s’articule en trois parties : « In the fellowship of the divine life » (Dans la communion de la vie divine) ; « In the fellowship of the living and of the dead » (Dans la communion entre les vivants et les morts) ; « In the fellowship of the earth » (dans la communion avec la terre).

« On entend dire que la vie sur terre n’est rien qu’une vie mortelle et finie. Dire cela, c’est accepter la domination de la mort sur la vie humaine. Alors cette vie est bien diminuée. Dans la communion avec le Dieu vivant, cette vie mortelle et finie, ici et maintenant, est une vie interconnectée, pénétrée par Dieu et ainsi, elle devient immédiatement une vie qui est divine et éternelle » (p 73). « La vie humaine est enveloppée et acceptée par le divin et le fini prend part à l’infini. La vie éternelle est ici et maintenant. Cette vie présente, joyeuse et douloureuse, aimée et souffrante, réussie ou non, est vie éternelle. Dans l’incarnation du Christ, Dieu accepté cette vie humaine. Il l’interpénètre, la réconcilie, la guérit et la qualifie pour l’immortalité. Nous ne vivons pas simplement une vie terrestre, ni seulement une vie humaine, mais nous vivons aussi simultanément une vie qui est remplie par Dieu, une vie dans l’abondance (Jean 10.10)… Ce n’est pas la foi humaine qui procure la vie éternelle. La vie éternelle est donnée par Dieu et elle est présente dans chaque vie humaine, mais c’est le croyant qui en a conscience. On la reconnaît objectivement et subjectivement, on l’intègre dans sa vie comme la vérité. La foi est une joie vécue dans la plénitude divine de cette vie. Cette participation à la vie divine présuppose deux mouvements qui traversent les frontières : l’incarnation de Dieu dans la vie humaine et la transcendance de cette vie humaine dans la vie divine… » (p 74).

 

Reconnaître Dieu dans le monde

 

Au contact de la vie des gens au plus près de leur expérience à travers ses rencontres, mais aussi à même d’interpréter les évolutions grâce à une culture d’historienne et de théologienne, Diana Butler Bass a publié, il y a quelques années, un livre intitulé « Christianity after religion » (4). Dans cet ouvrage, elle situe l’éveil spirituel (« spiritual awakening ») qui a lieu actuellement aux Etats-Unis, dans une rétrospective historique qui montre à la fois les continuités et les émergences. Diana Butler Bass vient de publier un nouveau livre intitulé : « Grounded.  Finding God in the world. A spiritual revolution » (5). « Ce qui apparaît comme un déclin  de la religion organisée indique en fait une transformation majeure dans la manière dont les gens comprennent Dieu et en font l’expérience. Le Dieu distant de la religion conventionnelle cède la place à un sens plus intime du sacré qui irrigue le monde. Ce glissement d’un Dieu vertical vers un Dieu qui se trouve à travers la nature et la communauté humaine est le cœur de la révolution spirituelle qui nous environne et qui interpelle non seulement les institutions religieuses, mais aussi les institutions politiques et sociales… Ce livre observe et rapporte un changement radical dans la manière dont beaucoup de gens situent Dieu et pratiquent leur foi. L’auteur invite ainsi les lecteurs à rejoindre cette révolution spirituelle en cours d’émergence, à trouver une expression revitalisée de la foi et à changer le monde » (6).

 

Dieu avec nous

 

Dans un article paru sur le blog du Hutchinson Post (7), Diana Butler Bass indique les grandes orientations de sa recherche.

« Où est Dieu ? Pendant des siècles, la plupart des religions ont enseigné que Dieu était au ciel et qu’il existait un univers à trois étages avec Dieu au sommet dans le ciel avec les anges, puis nous les hommes embrouillés sur la terre, et, en dessous de nous, Satan et les démons en enfer avec la menace d’une punition éternelle. Le ciel était très éloignés et le Dieu qui vivait là haut apparaissait comme une divinité inaccessible : Roi, Gouverneur, Maître, Juge et Père. Pour atteindre ce Dieu là, il y avait toute une gamme de médiateurs et de médiations… ». Jürgen Moltmann, lui aussi, a décrit la manière dont ce Dieu transcendant opérait en montrant combien cette représentation était en contradiction avec la vie et l’enseignement de Jésus.

Diana Butler Bass montre comment cette conception de la divinité a été remise en cause au cours des dernières décennies. Elle a suscité le développement de l’agnosticisme et de l’athéisme, mais globalement, la plupart des gens qui ont rompu avec les églises  continuent à croire en Dieu. En fait, « ce qu’ils rejettent, c’est une certaine conception de la divinité tandis que, dans le même mouvement, ils essaient de resituer Dieu dans leur vie… Où est Dieu ? Plus là-haut dans le ciel. Dieu est avec nous. Souvent inaperçue ou mal comprise par les commentateurs et même quelques leaders religieux, un glissement théologique est en train d’advenir parmi nous : une révolution dans la manifestation de la proximité divine… C’est un Dieu qui est totalement présent dans le chaos, la souffrance et la confusion qui nous environne, l’Esprit qui nous invite à sauver la planète et à faire la paix avec la famille humaine toute entière et qui est un compagnon et un partenaire pour créer un avenir rempli d’espérance. Le seul Dieu qui fait sens est un Dieu de compassion et d’empathie qui partage la vie du monde ».

 

La théologie de Jürgen Moltmann nous éclaire sur ce Dieu là. C’est un Dieu qui ne réside pas loin de nous, mais qui est engagé dans la création, engagé dans l’humanité. « Le message du Christ annonçant la résurrection et la vie, a libéré une puissance de vie parmi les premiers chrétiens, une force qui a rendu possible de nouveaux commencements et un changement qui a permis à des hommes et à des femmes de créer ce qui avait été jusque là inconnu. Je crois que cette force peut se déployer également dans le monde moderne et qu’elle porte en elle-même la plénitude de vie à laquelle beaucoup de gens aspirent. Ceux qui croient, ceux qui aiment, ceux qui espèrent, tirent leur force du Dieu vivant et, dans leur proximité avec Dieu, ils font l’expérience d’une vie dans sa plénitude » ( p IX).

 

Nous vivons dans une période de grandes mutations qui induit et appelle des changements profonds dans les mentalités. Parce que, depuis plusieurs décennies, Jürgen Moltmann est à l’écoute des aspirations et des questionnements des gens de notre époque, dans la mouvance de l’Esprit et une approche renouvelée de la Parole, il a développé une pensée théologique qui inspire notamment les chrétiens engagés dans le courant de l’Eglise émergente (8).

Diana Butler Bass participe, elle aussi, à la recherche d’une manière nouvelle de penser et de vivre la foi chrétienne. Dans son livre (p 277-278), elle nous raconte son cheminement ponctué par des conversions successives, d’abord à la vision protestante évangélique, puis à un christianisme libéral dans l’expression de l’Eglise épiscopale, et enfin, en 2001, la prise de conscience qu’il lui fallait dépasser la conception d’« un Dieu vertical ». « Ma troisième conversion n’a pas été le rejet de l’Eglise (comme l’expression vivante de Jésus dans le monde), ni celui du christianisme ou de la foi… Mon mouvement a été de quitter une conception verticale de Dieu et de me tourner vers un Dieu-avec-nous et une espérance dans une foi communautaire… ».

Dans ce monde en mutation, les parcours de foi sont divers. Mais, dans le même mouvement, des tendances communes apparaissent. La pensée théologique de Jürgen Moltmann fait appel à des apports de différents milieux chrétiens, comme, par exemple l’orthodoxie ou le pentecôtisme, et aussi du judaïsme. Et, dans le champ écologique, on note une convergente évidente entre la vision de Moltmann et celle du pape François (9) dont, en exergue de son livre, Diana Butler Bass cite un passage de son encyclique Laudato Si : « Tout est en relation, et nous êtres humains, nous sommes unis comme des frères et des sœurs en marche dans un merveilleux pèlerinage, entrelacés ensemble par l’amour que Dieu a pour chacun… et qui nous unit aussi dans une tendre affection pour notre frère soleil, notre sœur lune, notre frère rivière et notre mère terre ».

Oui, ensemble, nous voulons accueillir et suivre le Dieu vivant.

 

J H

 

(1)            Moltmann (Jürgen). Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988

(2)            On trouvera une introduction à la pensée théologique de Jürgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com. Dans une autobiographie : « The broad place », Moltmann relate sa vie et l’évolution de son œuvre. Ce livre est présenté dans un article : « Une théologie pour notre temps » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695

(3)            Moltmann (Jürgen). The living God and the fullness of life. World Council of churches, 2016

(4)            Butler Bass (Diana). Christianity after religion. The end of the church and the birth of a new spiritual awakening. Harper one, 2012. Sur le site de Témoins, une mise en perspective : « La montée d’une nouvelle conscience spirituelle » : http://www.temoins.com/etudes/recherche-et-innovation/etudes/la-montee-dune-nouvelle-conscience-spirituelle-dapres-le-livre-de-diana-butler-bass-l-christianity-after-religion-r

(5)            Butler Bass (Diana). Grounded. Finding God in the world. A spiritual evolution. Harper one, 2015. Ce livre est salué par des personnalités chrétiennes comme Brian Mc Laren, une des voix de l’Eglise émergente aux Etats-Unis : « Il n’y a rien de pire que de dormir lorsqu’il y a une révolution » écrit Diana Butler Bass. Ce livre nous aidera à nous éveiller. Il nous équipera pour être un participant enthousiaste dans ce que je crois être le mouvement le plus profond et le plus important qui prend forme à notre époque »

(6)            Présentation du livre en couverture

(7)            Sur le blog du Huff Post : « Where is God ? » par Diana Butler Bass : http://www.huffingtonpost.com/diana-butler-bass/grounded-where-is-god_b_8251022.html

(8)            « L’Eglise émergente en conversation avec Jürgen Moltmann. L’Eglise transformationnelle. Interview de Patrick Oden » : http://www.temoins.com/etudes/recherche-et-innovation/etudes/leglise-emergente-en-conversation-avec-juergen-moltmann-leglise-transformationnelle-interview-de-patrick-oden

(9)            « Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, Pape François, Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/?p=2151

 

Sur le même sujet, sur le blog : Vivre et espérer :

« Une théologie pour la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1917

« Reconnaître la présence de Dieu à travers l’expérience » : https://vivreetesperer.com/?p=1008

« Vivre en harmonie avec la nature » : https://vivreetesperer.com/?p=757

Face à la violence, l’entraide, puissance de vie dans la nature et dans l’humanité

 L’entraide, l’autre loi de la Jungle,  par Pablo Servigne et Gauthier Chapelle

41qMkIivvEL._SX327_BO1,204,203,200_Comment nous représentons-nous le monde ? Comme un champ de bataille où les plus forts éliminent les plus faibles, ou bien, au contraire, comme un espace où l’entraide et la collaboration peuvent s’affirmer. Certes, la réalité est plus complexe. Elle est parcourue par des contradictions. Cependant, notre conception du monde a une influence directe sur notre manière d’y vivre et d’y agir. Si notre vision de monde et de la société est sombre et ne laisse pas de place à l’espoir, alors le pessimisme entrainera le repli sur soi et la démobilisation. Au contraire, si nous voyons dans ce monde une place pour le bien et le beau, alors nous pourrons chercher à l’accroitre et à participer à une œuvre d’amélioration et de transformation positive.

Ces visions du monde varient dans le temps et dans l’espace et on peut percevoir une relation entre ces manières d’envisager le monde et les conceptions philosophiques et religieuses. Aujourd’hui, des changements interviennent dans nos représentations au sujet de l’homme et de la nature. La parution du livre de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle : « L’entraide. L’autre loi de la jungle » (1) témoigne de cette évolution. En effet, les auteurs font apparaître une vision nouvelle à partir d’une littérature de recherche, récente, abondante, multiforme en réalisant ainsi « un état des lieux transdisciplinaires, de l’éthologie à l’anthropologie, en passant par l’économie, la psychologie et les neurosciences ». Et, à partir de cette synthèse, ils démontrent qu’à côté de la lutte pour la vie ou de la loi du plus fort,  il y a aussi « une autre loi aussi ou plus puissante qu’elle, la loi de la coopération et de l’entraide ». « De tout temps, les humains, les animaux, les plantes, les champignons et les micro organismes ont pratiqué l’entraide. Qui plus est, ceux qui survivent le mieux aux conditions difficiles ne sont pas forcément les plus forts, mais ceux qui s’entraident le plus ». Et les auteurs vont ainsi nous aider à « comprendre la nature coopérative de l’être humain dans le sillage de celle des autres organismes vivants ».

 

La nature, de la lutte pour la vie à l’entraide   

A partir de l’œuvre de Darwin, une interprétation s’est développée mettant l’accent sur la lutte pour la vie, la loi du plus fort, la loi de la jungle.  Dans certains milieux, cette interprétation s’est étendue à l’humanité en justifiant les pires excès. Mais aujourd’hui, cette interprétation est non seulement battue en brèche, elle est bousculée par un ensemble de recherche qui mettent en valeur l’importance de l’entraide dans l’univers du vivant. « A partir de Darwin, et durant presque tout le XXè siècle, les biologistes et les écologues ont cru que les forces principales qui structuraient les relations entre espèces au sein de ces systèmes étaient la compétition et la prédation. Les expériences ont été conçues pour mettre cela en évidence et, naturellement, c’est ce qu’on a fini par observer. L’histoire de l’observation des forces inverses (les relations mutuellement bénéfiques) a été bien plus laborieuse. Elle a véritablement explosé dans les années 1970. Aujourd’hui, les études se comptent par milliers » (p 33). Ainsi, la recherche aujourd’hui fait apparaître des modes d’entraide très variés dans tous les registres du monde animal et du monde végétal. « Entre semblables, entre lointains cousins, entre organismes qui n’ont rien à voir », nous disent les auteurs. Et, dans ce paysage multiforme, les espèces les plus anciennes ont également poursuivi leur évolution en association avec les autres êtres vivants. Ainsi les bactéries pratiquent l’entraide à tous les niveaux. Et elles s’associent aux plantes et aux animaux. « Depuis 3,8 milliards d’années, le vivant a développé mille et une manière de s’associer, de coopérer, d’être ensemble ou carrément de fusionner. Ces relations entre êtres identiques, semblables ou totalement différents peuvent prendre des formes multiples… On découvre avec émerveillement ce que nous nommons « symbiodiversité »…. Et la conclusion, « c’est que, chez les autres qu’humains,1) l’entraide existe 2) elle est partout 3) elle implique potentiellement tous les êtres vivants, y compris  l’espèce humaine » (p 49-50).

 

 

L’homme et la nature

Alors pourquoi des milieux influents ont-ils retenu dans leur étude de la nature principalement ce qui était rivalité, violence, prédation ? Cette attitude remonte au début de la modernité, à une époque où l’homme s’est hissé au dessus de la nature en projetant sur elle un caractère de sauvagerie. Mais cette tendance s’est accrue au XIXè siècle  où la parution du livre de Charles Darwin : « De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle » a donné lieu à des interprétations valorisant la lutte pour la vie et la loi du plus fort. Cependant, certains se sont opposés à ces représentations. Ainsi, un géographe russe, par ailleurs prince et anarchiste, Pierre Kropotkine, a publié en 1902 un livre : « L’entraide, facteur de l’évolution ». Il est aujourd’hui remis à l’honneur après des décennies où les théories compétitives  avaient le vent en poupe. Au milieu des années 1970, encore, une nouvelle discipline apparaît : la sociobiologie selon laquelle le socle de la vie serait la compétition entre les gènes et entre les individus. Cependant, au début des années 2000, le fondateur de la sociobiologie, E O Wilson revient sur son hypothèse initiale en privilégiant le milieu par rapport aux gènes. On assiste à « un effondrement du château de cartes théoriques de la sociobiologie des années 70 ». Mais, plus généralement, au début du XXIè siècle, il y a un changement majeur de tendance. « La période qui s’ouvre dans les années 2000, est caractérisée par une véritable escalade du nombre d’expériences sur les mécanismes d’entraide, en particulier grâce aux avancées en économie expérimentale, en sciences politiques, en climatologie ou encore en neurosciences ainsi qu’à l’explosion de la génétique moléculaire qui confirme  l’omniprésence et l’ancienneté des symbioses » (p 67).

 

L’évolution de l’entraide humaine

L’entraide humaine a été active aux différentes étapes de l’histoire humaine. Elle s’est généralisée à travers des normes sociales. Ce livre est introduit par un sociologue Alain Caillé qui se réfère à l’œuvre de l’anthropologue Marcel Mauss dans son célèbre « Essai sur le don ». « Au cœur du rapport social, on trouve non pas le marché, le contrat ou le donnant-donnant, mais la triple obligation de donner, recevoir et rendre. Ou si l’on préfère la loi de la réciprocité »  ( p 25). Autour de la « Revue du Mauss », un groupe de chercheurs s’inspire de cette analyse et réfute une croyance dominante : « l’axiomatique utilitariste de l’intérêt » : l’interprétation de la vie sociale en terme d’intérêts individuels en compétition. Cette croyance inspire le néolibéralisme actuel. Mais  comme la conception compétitive est aujourd’hui remise en cause en biologie, la même contestation apparaît dans les sciences sociales. Une nouvelle vision de l’homme émerge. A travers un ensemble de  recherches rapportant de nombreuses situations, les auteurs font ressortir l’omniprésence de l’entraide dans la vie sociale d’aujourd’hui. Ainsi s’égrainent plusieurs chapitres : « L’entraide spontanée. Les mécanismes de groupe. L’esprit de groupe. Au delà du groupe ». Ces chapitres ne démontrent pas seulement la puissance de l’entraide. Il décrivent et analysent avec précision les pratiques engagées et les processus en cours. Ainsi, on peut se reporter à ces chapitres pour analyser et améliorer ses propres pratiques.

 

Une prise de conscience

Pourquoi cette prise de conscience intervient-elle après une longue période où l’entraide a été méconnue ? Quels ont été les obstacles ? Et aujourd’hui à quoi tiennent les résistances ?

« Le principal obstacle à l’assimilation de ces travaux est la puissance de deux mythes fondamentaux de notre imaginaire collectif

1)   La croyance que la nature (dont la nature humaine) est fondamentalement compétitive et égoïste, et, par conséquent

2)   La croyance que nous devons nous extraire de celle-ci pour empêcher le retour de la barbarie.

Baignés dans cette mythologie depuis plus de 400 ans, nous sommes devenus des experts en compétition, considérant que ce mode constituait l’unique principe de vie (p 277).

En regard, les auteurs montrent, combien, dans une histoire longue, l’entraide s’est affirmée comme une caractéristique de l’humanité. « Ce qui fait de nous des êtres ultra-sociaux provient à la  fois de notre passé (animal) et aussi de notre longue histoire culturelle et de nos interactions sociales présentes » ( p 278). Aujourd’hui, en considérant l’environnement social, on peut mettre en évidence les facteurs propices à l’entraide chez les êtres humains.

 

Un livre innovant

Ce livre est la résultante d’un travail de longue haleine qui n’aurait pu advenir sans la motivation et l’enthousiasme de ses auteurs. « Nous avons démarré ce chantier il y a une douzaine d’années avec autant d’enthousiasme que de naïveté. Notre label « biologique » ne nous avait pas préparé à absorber les incroyables avancées des sciences humaines. Explorer tout cela a été une incroyable aventure » (p 28). Cet ouvrage ouvre des chemins nouveaux. Il participe à un nouvel état d’esprit qui s’ouvre à l’émerveillement et au respect des êtres vivants. « L’écriture de ce livre nous a fait ressentir notre participation intense à une vague qui  redéfinit en douceur ce que l’on est, et donc ce que l’on peut être… un sentiment fort d’appartenir à un ensemble plus grand, à une famille étendue…  Ce voyage a révélé notre interdépendance radicale avec l’ensemble de la toile du vivant et celle des interactions humaines. Pour nous, ce concept même d’individu a commencé à perdre son sens comme si aucun être vivant n’avait jamais existé, n’existe et n’existera seul. Notre liberté semble s’être construite à travers cette toile d’interactions, grâce à ces liens qui nous maintiennent debout depuis toujours » ( p 298).

 

Perspectives

Nous vivons dans un temps de crises (2). C’est une époque où on assiste à la fois à des décompositions et des recompositions.  Les menaces sont bien souvent apparentes. Elles retiennent donc notre attention au point parfois de nous entrainer dans une polarisation sur tout ce que l’on peut craindre. Et alors, nous risquons de nous égarer, car nous ne sommes plus à même d’apercevoir les changements positifs, les voies nouvelles qui sont en train d’apparaître et donc d’y participer. Ainsi, aujourd’hui, il y a bien des changements positifs dans les mentalités, encore à bas bruit, si bien qu’il faut y prêter attention.

Ce livre sur l’entraide s’inscrit dans un mouvement profond qui prend de l’ampleur depuis la fin du XXè siècle. Au cours des dernières années, par deux fois, le magazine Sciences humaines nous a informé sur l’évolution des esprits. En février 2011, c’est un dossier consacré au « retour de la solidarité : empathie, altruisme, entraide » (3). La coordinatrice du dossier, Martine Fournier, peut déjà anticiper par rapport au livre de Pablo Servigne et Gauthier-Chapelle. « Alors que la théorie de l’évolution était massivement ancrée dans un paradigme Darwinien « individualiste », centré sur la notion de compétition et de gène égoïste, depuis quelques années, un nouveau visage de la nature s’impose. La prise en compte des phénomènes de mutualisme, symbiose et coévolution entre systèmes tend à montrer que l’entraide et la coopération seraient des conditions favorable de survie et d’évolution des espèces vivantes, à toutes les étapes de la vie ». Et elle rejoint aussi le préfacier du livre, Alain Caillé, dans un rejet de l’idéologie de l’ « homo oecumenicus » à la recherche de son intérêt égoïste et des vertus de la société libérale et de la compétition.

En juin 2017, Sciences Humaines publie un nouveau dossier sur le même thème : « Empathie et bienveillance. Révolution ou effet de mode ? » (4). Le coordinateur, Jean Dortier, met en évidence un mouvement profond qui prend de l’ampleur. Ainsi l’usage du mot : empathie « grimpe en flèche dans les décennies 1990 et 2000 ».

Au cours des dernières années, plusieurs ouvrages ont également porté cette vision nouvelle. Entre autres, nous avons présenté le livre de Jérémie Rifkin : « Vers une civilisation de l’empathie » ( 2011) (5) et celui de Jacques Lecomte : « La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité » (2012) (6).

En 2017, le livre de Michel Serres : « Darwin, Bonaparte, le samaritain. Une philosophie de l’histoire » (7) vient nous interpeller, car il nous propose « un grand récit » qui récapitule les différentes étapes de notre évolution pour nous proposer une vision anticipatrice. En effet, après avoir décrit les affres d’un « âge dur » voué aux guerres et dominé par la mort, Michel Serres perçoit un tournant intervenu depuis la fin de la seconde guerre mondiale : l’apparition d’un « âge doux » convivial et inventif en lutte contre la mort. Cet « âge doux » se caractérise par l’importance donnée au soin et à la médecine, un mouvement pour assurer et développer la paix, l’expansion d’internet et la révolution numérique. C’est la montée d’un nouveau mode de relation entre les hommes. A l’occasion, face à des préjugés contraires, Michel Serres écrit : « Contre toute attente, les statistiques révèlent que les hommes pratiquent l’entraide plutôt que la concurrence ».

La prise de conscience actuelle du rôle majeur de l’entraide et de la collaboration est le fruit d’un ensemble de recherches, mais ces recherches elles-mêmes traduisent un changement de regard. Il y a un phénomène qui s’inscrit dans une trame historique et qui marque un changement de cap. Si on considère le passé, c’est un « âge dur » qui apparaît. Certains y ont vu une « guerre de la nature » et une lutte constante pour la vie. Pour ceux qui ne se résignent pas à voir l’histoire comme  une victoire définitive des puissants sur les plus faibles, comme un chemin de croix perpétuel, la prise de conscience des manifestations de l’entraide est un précieux apport. Il y a dans cette période des faits historiques qui interviennent comme des germes d’une autre vie. Ainsi, par exemple, les paroles de Jésus, comme la parabole du samaritain mise en exergue par Michel Serres marquent l’affirmation d’une autre vision du monde, d’une autre pratique de vie. A travers les méandres de sa mise en œuvre, « la leçon majeure du christianisme n’enseigne-t-elle pas l’incarnation, l’allégresse vive de la naissance, enfin la résurrection non pas comme une victoire contre les ennemis comme pendant le règne de la mort, mais contre la mort elle-même », écrit Michel Serres. Jürgen Moltmann, le théologien de l’espérance, envisage la résurrection non seulement comme une victoire contre la mort, mais comme le point de départ d’un processus de nouvelle création vers un monde en harmonie où Dieu sera tout en tous ». « Le christianisme est résolument tourné vers l’avenir et il invite au renouveau. La foi est chrétienne lorsqu’elle est la foi de Pâques. Avoir la foi, c’est vivre dans la présence du Christ ressuscité et tendre vers le futur royaume de Dieu » ( 8). Dans cette perspective, il est important de pouvoir constater que la constitution de la nature, envisagée dans les termes d’une première création, est déjà, pour une part, dans l’entraide et la collaboration.

La nature est aussi caractérisée par une interrelation entre tous ses éléments. C’est la constatation des auteurs en fin de parcours : « Ce voyage a révélé notre interdépendance radicale avec l’ensemble de la toile du vivant et celle des interactions humaines ». Et, en entrée de livre, figure une magnifique citation de Victor Hugo : « Rien n’est solitaire, tout est solidaire… Solidarité de tout avec tout et de chacun avec chaque chose. La solidarité des hommes est le corollaire invincible de la solidarité des univers. Le lien démocratique est de même nature que le rayon solaire ». Nous pouvons envisager cette solidarité dans la vision que nous propose Jürgen Moltmann dans son livre : « Dieu dans la création. Traité écologique de la création » (1988) (9) : « L’essence » de la création dans l’Esprit est, par conséquent, la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit, dans la mesure où elles font reconnaître l’ « accord général ». « Au commencement était la relation » (Martin Buber).

Et si la prise de conscience de la réalité et de la montée de l’entraide, de la collaboration, de l’empathie et de la bienveillance était une inspiration de l’Esprit et un signe dans un parcours traversé par des crises et des soubresauts. Cette mise en évidence de l’entraide n’entre-t-elle pas dans une vision nouvelle de l’humanité qui commence à se faire jour dans la grande crise à laquelle elle est confrontée ?

Ce livre sur l’entraide est un livre important. Voici un chantier que les deux auteurs, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle ont commencé il y a une douzaine d’années et l’ont conduit avec persévérance pour réaliser la synthèse de multiples recherches dans des disciplines différentes. Ils confirment ainsi la puissance du courant de recherche qui assure la reconnaissance et la promotion de l’entraide. Cependant, à travers plusieurs chapitres, cet ouvrage peut également nous guider pour mieux comprendre et améliorer nos pratiques sociales. Voici un livre qui compte dans le mouvement des idées pour une nouvelle vision de la nature et de l’humanité.

J H

 

(1)            Pablo Servigne. Gauthier Chapelle. L’entraide. L’autre loi de la jungle. Les liens qui libèrent, 2017                                                                            Voir aussi une vidéo OBS : « La loi de la jungle, c’est aussi la loi de l’entraide » : https://www.youtube.com/watch?v=-gB5x4LshGo

(2)            Michel Serres. Temps des crises. Le Pommier, 2009 (Poche)           Voir aussi la vidéo : «  Le temps des crises » : https://www.youtube.com/watch?v=-gB5x4LshGo                   Une analyse des crises actuelles dans le livre de Frédéric Lenoir. Sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=1048

(3)            « Quel regard sur la société et sur le monde ? Le retour de la solidarité : empathie, altruisme, entraide »  : https://vivreetesperer.com/?p=191

(4)            « Empathie et bienveillance. Révolution ou effet de mode » : https://vivreetesperer.com/?p=2639

(5)            « Vers une civilisation de l’empathie. A propos du livre de Jérémie Rifkin » : http://www.temoins.com/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux/

(6)            « La bonté humaine. La recherche et l’engagement de Jacques Lecomte » : https://vivreetesperer.com/?p=674

(7)            Michel Serres. Darwin, Bonaparte et le samaritain. Une philosophie de l’histoire. Le Pommier, 2016                   « Une philosophie de l’histoire » : https://vivreetesperer.com/?p=2479

(8)            Jürgen Moltmann. De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte. Temps présent, 2012 ( p 109-110)                  Voir aussi : « Une théologie pour notre temps. L’autobiographie de Jürgen Moltmann » : http://www.temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/

(9)            Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988 ( p 25)

Sur le blog : L’Esprit qui donne la vie : « Dieu dans la création » : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/

Vers un nouveau climat de travail dans des entreprises humanistes et conviviales : un parcours de recherche avec Jacques Lecomte.

Sens et bonheur au travail : malgré tout, c’est possible

 La situation du travail en France est préoccupante. Le taux de chômage est particulièrement élevé. C’est un poids qui pèse sur la jeunesse. Dans la grande mutation en cours, des métiers disparaissent et d’autres naissent. La reconversion des perdants est bien souvent difficile. Les relations entre employés et employeurs continue à souffrir d’un effet de domination. Et, de plus, l’accélération technologique entraine un accroissement du stress dans divers secteurs. On peut donc entretenir une sombre image de la situation du travail en France.

Cependant, si on poursuit l’investigation, on constate que cette image ne rend pas compte entièrement de la réalité. Il y a aussi actuellement des changements en cours qui sont porteurs d’une amélioration sensible dans les conditions de travail. Mais ces changements sont souvent encore à leurs débuts et donc peu visibles. Par suite d’un état d’esprit négatif, ils sont également sous-estimés. Cette méconnaissance ralentit le mouvement innovant qui s’esquisse aujourd’hui.

Cette évolution du travail s’inscrit dans une grande mutation de l’économie dont on commence à percevoir les orientations telles que par exemple Jérémy Rifkin les présente dans son livre : « La Troisième révolution industrielle » (1). Et parallèlement, on observe une avancée d’un état d’esprit nouveau. Le même Jérémie Rifkin montre, dans un autre ouvrage, une émergence de l’empathie (2). La collaboration, la  convivialité correspondent à des aspirations montantes est se traduisent par des pratiques nouvelles comme en témoigne l’essor de l’économie collaborative (3) ou le développement d’espaces nouveaux, « tiers lieu » pour une cordialité informelle (4). Ces changements, ces tendances sont particulièrement visibles à l’échelle internationale. En France, on peut s’interroger sur les freins qui interviennent dans les mentalités comme, par exemple, un manque de confiance, particulièrement prononcé (5).

Mais il y a aussi des voix nombreuses qui indiquent et balisent les voies d’une évolution positive. Ainsi, Jean Staune, bien connu pour son action innovante pour développer une vision du monde nourrie par le dialogue entre foi et science (6), est impliqué professionnellement dans l’enseignement du management. A partir d’une culture pluridisciplinaire, il a écrit un livre : « Les clés du futur » (7) qui tient son pari de « réinventer ensemble la société, l’économie et la science ». Cet ouvrage, qui nous ouvre les portes du monde de demain, ne peut manquer d’envisager le rôle nouveau des entreprises : « C’est quoi une entreprise vraiment responsable ? » (p 611). Aujourd’hui, Jacques Lecomte, un des principaux experts de la psychologie positive (8), auteur du livre sur « La bonté humaine » que nous avons présenté sur ce blog (9), vient de publier un livre sur « les entreprises humanistes » (10). Ces entreprises portent une conception nouvelle du travail. Voici donc, là aussi, un courant encore peu connu, voire méconnu, qui est en train de se développer et de changer la donne. Des personnalités emblématiques ont salué les ouvrages de Jean Staune et de Jacques Lecomte. Jacques Attali a préfacé « Les clés du futur ». Edgar Morin évoque l’étude sur « les entreprises humanistes » comme « une contribution importante à l’humanisation du travail et au travail de l’humanisation ».

 

Un livre-ressource pour une vision nouvelle de l’entreprise

 L’énoncé des grandes sections du livre de Jacques Lecomte sur les entreprise humanistes, nous permet de saisir l’ampleur et l’importance du projet : « L’épanouissement de la personne au travail. Des relations d’équipe harmonieuses. L’entreprise au service de la société. Les réponses aux défis environnementaux. Repenser les raisons d’être des entreprises ».

Cet ouvrage conjugue des savoirs issus de la recherche et une présentation particulièrement accessible. Vingt chapitres bien ciblés se succèdent avec des titres attirants. A chaque fois, l’auteur nous communique « une synthèse des travaux scientifiques et présente de multiples expériences concrètes », à l’échelle internationale, cela va de soi. La démonstration est rigoureuse, mais elle est aussi clairement et agréablement présentée. Chaque chapitre est précédé de quelques citations signifiantes et se termine par une brève synthèse : « Résumons-nous ». Ainsi, ce livre de 500 pages qui est une véritable « somme » sur ce thème, n’est en rien pesant. Il est percutant car il met à mal de nombreux préjugés, et, en même temps, il est enthousiasmant, car il met en évidence l’apparition d’un nouvel état d’esprit, la montée de nouvelles pratiques.

Pour écrire ce livre, l’auteur nous dit s’être inspiré de trois sources complémentaires d’inspiration : « la psychologie positive, le convivialisme et une vision optimiste de l’être humain » (p 10-13). Ces conceptions sont elles-mêmes récentes et innovantes. Ainsi ce livre conjugue un regard neuf et la mise en évidence d’une réalité émergente. Manifestement, il est en phase avec les aspirations nouvelles qui montent tout particulièrement dans les jeunes générations. Ce livre est ainsi remarquablement tissé.

Mais quelles sont plus précisément les intentions de l’auteur ? Jacques Lecomte nous les expose dans le prologue. Il part d’une expérience : celle du redressement et de la réussite de l’entreprise française Armor, spécialisée dans les technologies d’impression. Deux postulats majeurs ont été à l’origine de cette évolution victorieuse : « Une sensibilité humaine et la confiance accordée à chacun des employés de l’entreprise ; un engagement en faveur de l’environnement ». « Cette histoire illustre remarquablement la plupart des valeurs qui sont présentes dans ce livre : la motivation par le sens donné au travail, la confiance dans les collaborateurs, le leadership serviteur, le sentiment de la justice organisationnelle, la finalité humaniste de l’entreprise, sa responsabilité sociétale et environnementale, y compris dans des moments difficiles » (p 9). Si ces valeurs ont fondé la réussite de cette histoire, la recherche de Jacques Lecomte montre qu’effectivement « certaines valeurs et attitudes fondamentales (confiance en l’autre, empathie, respect, coopération, bienveillance, esprit de service, etc.) peuvent avoir un impact positif au sein des organisations… La pertinence de ces valeurs se vérifie aussi dans les relations entre les entreprises et le monde extérieur, les rapports entre industriels et militants humanitaires ou environnementaux aboutissant à de bien meilleurs résultats lorsqu’ils sont marqués par une confiance réciproque lucide, un pari sur la bonne volonté et la sincérité d’autrui, plutôt que lorsqu’ils sont caractérisés par la suspicion et la dénonciation mutuelle… Ceci invite à une perspective élargie. La dernière partie de ce livre reconsidère radicalement la raison d’être des entreprises… Plutôt que d’être orientées vers la recherche d’une augmentation du profit au bénéfice des actionnaires, elles devraient être des communautés de femmes et d’hommes qui agissent ensemble au service du bien commun » (p 10).

 

L’optimisme,  un levier pour changer le monde

          Jacques Lecomte conclut son livre par un appel à l’optimisme comme levier pour changer le monde. Et il invoque au départ une magnifique pensée d’Helen Keller, une jeune fille aveugle et sourde, qui a été délivrée de son enfermement : « L’optimisme est la foi qui conduit à la réussite. Rien ne peut être fait sans espoir » (p 462).

Avec Jacques Lecomte, nous pensons que de bonnes pratiques, des pratiques positives peuvent se répandre aujourd’hui. Et, dans ce domaine, l’auteur nous donne quelques exemples de changements rapides dans les représentations. « Tout change très vite, souvent positivement, même si les médias ont tendance à relayer les mauvaises nouvelles. Il y a vingt ans, un individu qui aurait parlé de bienveillance et d’empathie en entreprise serait passé pour un doux rêveur. De nos jours, ces attitudes paraissent d’une évidente nécessité. Il y a vingt ans, peu d’industriels s’impliquaient dans une démarche de responsabilité environnementale. C’est aujourd’hui une pratique courante. Ce qui était exception est maintenant devenu la règle » (p 463).

 

Un processus ouvert vers l’avenir

Dans le monde d’aujourd’hui, sachons ne pas voir seulement les décompositions et les déconstructions, mais aussi les recompositions et les reconstructions. Bien plus, il y a dans ce livre un air de nouveauté. Un nouveau paysage est en train d’apparaître. A ce point, on pouvait ne pas s’y attendre, mais ce nouveau regard est en phase avec une analyse rigoureuse des pratiques innovantes et la mise en évidence des changements dans les mentalités. Dans notre propre démarche interprétative, nous voyons là une émergence dans laquelle nous reconnaissons une inspiration de l’Esprit. Dans l’espérance, nous sommes enclins à regarder vers l’avenir (11).

Dans une situation de crise où les difficultés abondent, ce livre vient ouvrir un horizon. Certes, pour certains qui subissent de plein fouet les intempéries économiques, cet ouvrage peut paraître décalé. Mais, pour une bonne partie d’entre nous, il n’indique pas seulement une perspective à long terme, mais aussi un processus qui a déjà commencé. Il nous invite à oeuvrer en ce sens là où nous sommes et déjà en communiquant à ce sujet. Ce livre est un excellent outil pour permettre cette communication, car il encourage et légitime tous ceux qui veulent travailler dans cet esprit.

J H

 

(1)            Rifkin (Jérémie). La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde. LLL Les liens qui libèrent, 2012. Sur ce blog : « Face à la crise, un avenir pour l’économie » : https://vivreetesperer.com/?p=354

Voir aussi : « Rifkin (Jérémie). La nouvelle société du coût marginal zéro. Les liens qui libèrent, 2014

(2)            Rifkin (Jérémie). Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie. Les liens qui libèrent, 2011. Sur ce blog : « La force de l’empathie » : https://vivreetesperer.com/?p=137

(3)            Voir sur ce blog : « Une révolution de l’« être ensemble » (présentation du livre : « Vive la co-révolution. Pour une société collaborative) : https://vivreetesperer.com/?p=1394

« Société collaborative. La fin des hiérarchies » : https://vivreetesperer.com/?p=2205

(4)            Sur ce blog : « Appel à la fraternité. Pour un nouveau vivre ensemble » : https://vivreetesperer.com/?p=2086

(5)            Sur ce blog : « Promouvoir la confiance dans une société de défiance. Les pistes ouvertes par Yves Algan » » : https://vivreetesperer.com/?p=1306

(6)            Jean Staune est, entre autres, le co-fondateur de l’Université interdisciplinaire de Paris et l’auteur d’un livre signifiant : « Notre existence a-t-elle un sens ? Une enquête scientifique et philosophique » (2007).

(7)            Staune (Jean). Les clés du futur. Réinventer ensemble la société, l’économie et la science. Plon, 2015

(8)            Jacques Lecomte est responsable du site : http://www.psychologie-positive.net

(9)            Lecomte (Jacques). La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité. Odile Jacob, 2012. Sur ce blog : « La bonté humaine » : https://vivreetesperer.com/?p=674

(10)      Lecomte (Jacques). Les entreprises humanistes. les Arènes, 2016

(11)      « Espérer et agir. Agir est espérer. L’espérance comme motivation et accompagnement de l’action » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=900 « Nous devenons actif pour autant que nous espérions. Nous espérons pour autant que nous puissions entrevoir des possibilités futures. Nous entreprenons ce que nous pensons être possible ». Introduction à la pensée de Jürgen Moltmann, théologien de l’espérance  et auteur d’un livre sur « L’Esprit qui donne la vie », sur le blog : http://www.lespritquidonnelavie.com

 

Voir aussi sur ce blog :

« Pour une intelligence collective. Eviter des décisions absurdes et promouvoir des choix pertinents » : https://vivreetesperer.com/?p=763

« Bienveillance Humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand » : https://vivreetesperer.com/?p=1842

Alexandre Gérard : chef d’entreprise, pionnier d’une « entreprise libérée »

 Le travail est bien une composante majeure de notre vie. Ainsi, les conditions dans lequel il s’effectue, influent sur notre état d’âme,  sur toute notre existence. En héritage des siècles passés, le travail est souvent ressenti comme une charge et, au sein de la majorité des entreprises, il est généralement vécu dans un encadrement hiérarchique. Cependant, dans la culture actuelle où les employés, particulièrement les jeunes générations (1) désirent communiquer et s’exprimer et sont en quête de sens, le système hiérarchique paraît de plus en plus inapproprié et en porte à faux. Face à ce malaise, des entreprises pionnières apparaissent et s’organisent en terme de collaboration. Ce mouvement est bien décrit par Jacques Lecomte dans son livre sur « les entreprises humanistes » (2). Il s’expérimente également dans le courant des « entreprises libérées » (3). Dans ces entreprises, les salariés ne sont plus assujettis à un contrôle hiérarchique. Ainsi ils peuvent réaliser leurs tâches dans un esprit d’initiative et de travail d’équipe. Dans un exposé à Ted X Saclay (4), un chef d’entreprise, Alexandre Gérard, nous dit pourquoi et comment il a engagé son entreprise dans cette voie nouvelle.

 

 

Une entreprise témoin : Chronoflex

 On sait qu’un climat nouveau commence à apparaître dans les entreprises investies dans la culture digitale. Mais ce nouvel état d’esprit est également en train d’émerger dans des entreprises plus classiques. Effectivement, Alexandre Gérard est PDG de Chronoflex, une entreprise qui est consacrée au dépannage et à la réparation des flexibles hydrauliques sur site. Alexandre Gérard a créé cette entreprise en 1995 et elle compte aujourd’hui 300 salariés. En 2009, cette entreprise est frappée par la crise de plein fouet et contrainte à de nombreux licenciements économiques. En 2010, Alexandre Gérard décide de reprendre les choses en main et d’adopter un management libérateur. Cette aventure est relatée sur le site : « Oser entreprendre. Agir pour libérer les hommes et les organisations » (5). La rencontre avec Isaac Getz et JF Zobriot, respectivement théoricien et praticien de l’entreprise libérée a inspiré Alexandre Gérard. « Même si cet échange l’a déstabilisé, il y a trouvé les moyens et l’énergie pour instaurer un modèle similaire chez Chronoflex ». « Dans un premier temps, Chronoflex a arrêté de manager en fonction des 3% qui ne respectaient pas les règles. On part du constat que la plupart des règles sont établies dans l’organisation par rapport aux 3% des salariés qui auraient tendance à enfreindre la règle (vol, dégradation) contraignant les 97% autres. Il décide alors de donner la parole à ses salariés, de coopter l’action collective, de laisser faire et surtout de faire confiance à l’autre. « Avant, j’utilisais un seul cerveau pour prendre des décisions, le mien, maintenant, j’en utilise 300 et ça va mieux ». Après un bref chaos dans son organisation, de nouvelles règles ont été définies et les effectifs dits « perturbateurs » sont partis d’eux-mêmes. Et une autre organisation est apparue.

° Les équipes se sont regroupées pour construire une vision commune et des valeurs partagées : assurer la performance par le bonheur, cultiver l’amour des clients, constituer des équipes respectueuses et responsables et enfin conjuguer esprit d’ouverture et ouverture d’esprit.

° Les managers ont pratiqué la stratégie des petits cailloux. Ils ont demandé aux collaborateurs de rapporter tous problèmes liés à l’exercice de leurs fonctions pour les en délivrer.

° Enfin ils ont supprimé tous les signes de pouvoir au sein de l’organisation pour un meilleur sentiment d’équilibre, d’équité et d’égalité. Plus de bureau fixe, plus de place de parking. Comme tous ses salariés, Alexandre Gérard se gare sur le parking là où il y a de la place ».

 

Entreprise libérée. Pourquoi ? Comment ?

Dans son intervention Ă  Ted x Saclay, Alexandre GĂ©rard nous communique sa vision et les fondements de son inspiration.

« Durant quinze ans, j’ai été le patron d’une entreprise classique. En 2010, ma vie entière a changé. Je venais de rencontrer le chemin des entreprises libérées. Entreprises libérées, organiques, humanistes… Ce n’est pas l’appellation qui importe. Ce qui est important, c’est ce que nous tentons d’en faire. Conjuguer de notre mieux la confiance et la liberté. A la clef, des personnes plus engagées, mieux dans leur peau et une organisation plus performante. Bien sûr, le manager est le manager, mais son rôle est différent. A la manière du jardinier, il est là pour créer un environnement favorable à la créativité des personnes. Les managers sont là pour permettre aux équipes de grandir, de se réaliser. Ce mouvement fédère actuellement des centaines d’entreprises ».

Cette nouvelle approche requiert une transformation des croyances. Alexandre Gérard nous propose trois clés de lecture.

La première s’inscrit dans la psychologie sociale. C’est la prophétie auto-réalisatrice, bien connue sous le nom d’effet Pygmalion. « Robert Rosenthal (6), psychologue américain, confie des rats à ses élèves. L’objectif : faire traverser un labyrinthe le plus rapidement possible. La première équipe reçoit des rats dits exceptionnels ; la seconde équipe, des rats dits peu agiles. Ils les entrainent et les résultats arrivent. Ce sont les rats exceptionnels qui vont gagner l’épreuve très haut la main. En réalité, les rats ont été affectés de façon totalement aléatoire. On constate ainsi que le regard de la société, du manager sur une équipe influe directement sur le résultat de l’équipe ». Et il en va de même dans une seconde expérience. Des enfants réputés très doués alors qu’ils sont dans la moyenne sont remarqués et encouragés bien davantage par les professeurs si bien qu’ils réussissent beaucoup mieux. « Bienvenue dans le monde des prophéties auto-réalisatrices. Notre regard sur les autres les change ».

La seconde clé de l’histoire nous est donné par Douglas McGregor, professeur au MIT dans les années 50 (7). Dans son livre sur la dimension humaine de l’entreprise, « McGregor nous explique que, derrière le modèle de l’organisation dominante, c’est à dire l’organisation pyramidale, il y a une croyance. Cette croyance, c’est que les gens n’aiment pas travailler, c’est qu’ils font tout ce qu’ils peuvent pour l’éviter. Et c’est pour cela que l’on va mettre des managers pour expliquer aux gens ce qu’ils doivent faire. Et si le boulot est bien fait, carotte, récompense. Et si il est mal fait, bâton, sanction. McGregor nous révèle qu’il existe d’autres types d’entreprise fondés sur d’autres croyances. On y croit que le travail est aussi naturel que le loisir. Ces entreprises vont mettre l’humain en leur cœur et faire place à la performance collective. Ces entreprises deviennent plus agiles et, sur le long terme, plus performantes ».

Mais, dans le modèle dominant actuellement, comment se répartissent les attitudes vis à vis du travail ? C’est la troisième clé de lecture. Alexandre Gérard rapporte une enquête de Gallup. Les gens au travail se répartissent en trois catégories. Les engagés sont enthousiastes, heureux de travailler. Mais ils ne représentent que 13% de l’échantillon. Les désengagés ne s’impliquent pas. Pour eux, la vraie vie commence en dehors du travail. Ils constituent la grande majorité des sondés : 63%. Enfin, il y a un autre groupe : les « activement désengagés », ceux qu’on pourrait considérer comme toxiques pour l’organisation. Ils constituent 24% de l’échantillon.  « Imaginez un bateau avec des rameurs qui se comporteraient de la même manière… Les organisations pyramidales peuvent s’interroger ».

Alors comment créer une entreprise alternative ?

« Isaac Getz, l’auteur de « Liberté et compagnie » (8), aujourd’hui un best-seller, a théorisé le leadership libérateur. Dans ces organisations, le rôle du patron est au fond celui du jardinier. Et comme le jardinier doit garantir l’accès à l’eau, à la lumière et aux nutriments pour ses plantes, le patron doit garantit trois choses : La première, c’est l’égalité intrinsèque… Je ne parle pas d’égalitarisme surtout à la française. Simplement, c’est une philosophie du management. Le second ingrédient, c’est la possibilité donnée à tous de se réaliser, par exemple de se former, de construire son parcours de vie au sein de cette organisation. Le troisième ingrédient : faire que chacun, quelque soit son rôle, puisse prendre toutes les décisions nécessaires au projet de l’entreprise, sans avoir besoin de l’autorisation d’un chef ou de la procédure 414. Voilà : c’est ce regard positif que nous allons poser sur  chacun de nos équipiers qui, parfois, va lui permettre de se réaliser, parfois même de se révéler ».

 

Changer soi-même pour que l’organisation change

 « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde » déclarait Gandhi. La conviction qu’il y a un lien étroit entre changement personnel et changement collectif s’est répandue dans un vaste courant de pensée et d’action. « Changer soi-même pour que le monde change », inspire encore aujourd’hui un mouvement comme Initiatives et changement » (9). Cette prise de conscience s’étend et elle apparaît maintenant à certains non seulement comme une évidence existentielle, mais comme une nécessité pratique.  Alexandre Gérard nous le dit : Si le regard porte le changement autour de soi, comment changer son regard ? « Il a fallu d’abord que j’aille regarder à l’intérieur de moi. Grâce à mon coach Jean-Luc et à de nombreux mois de travail, j’ai pu travailler mon lâcher-prise. Je croyais, par exemple, que si je n’étais pas au cœur de la bataille à prendre toutes les décisions dans l’entreprise, il ne pouvait rien se passer de bien. Imaginez ce que j’ai pu ressentir quand, après un an de voyage en famille autour du monde, je reviens et je me rends compte que l’entreprise marche mieux que quand j’étais là. J’ai pu apprivoiser ma vulnérabilité. Quand je suis dans le doute, je mets inconsciemment en place des mécanismes de contrôle très puissants qui découragent mes équipiers. J’arrive aujourd’hui en partie à partager avec eux ces difficultés. J’ai pu aussi découvrir ma part d’ombre, vous savez cette partie de chacun d’entre nous qu’on passe une partie de notre temps à essayer de masquer aux autres. Chez moi, cette partie pourrait être moins humble que je le voudrais, avoir envie de convaincre et de convaincre à tout prix… Nous avons besoin de nous aligner, cerveau, cœur et tripes.

 

Un mouvement significatif

Avec Alexandre Gérard, nous découvrons une entreprise différente de la représentation que beaucoup lui attribuent : un lieu nécessaire, mais contraignant et parfois opprimant. Cette représentation procède d’une expérience encore largement répandue, mais dans sa puissance d’évocation, plus encore peut-être, elle est issue d’un héritage historique. Dans une certaine tradition religieuse, le travail était perçu comme une punition. Et, par la suite, l’entreprise a été vécue comme un lieu d’exploitation. Certes, la réalité historique est beaucoup plus complexe. Mais la représentation de l’entreprise  puise à la fois dans le passé et dans le présent. Et aujourd’hui, on le sait, nous vivons en France dans une société où, à l’inverse de la situation dans beaucoup de pays étrangers, la confiance peine à s’affirmer (10). Il y a quelque part une agressivité latente. Cependant une évolution est en cours. Ainsi perçoit-on aujourd’hui le rôle des entreprises comme force de développement économique. Le progrès des « entreprises humanistes » (2), l’apparition des « entreprises libérées » (3) s’inscrivent dans un changement profond de mentalités.

L’intervention d’Alexandre Gérard s’appuie sur une expérience vécue : le passage de l’entreprise Chronoflex d’une forme classique à une dynamique fondée sur la collaboration et la créativité. Beaucoup, parmi nous travaillent encore dans des structures traditionnelles, en ressentent les contraintes et expriment leur morosité. Alors, c’est une bonne nouvelle d’apprendre qu’on peut travailler autrement, qu’une autre forme d’entreprise est possible. Oui, c’est possible et le témoignage d’Alexandre Gérard nous dit pourquoi et comment.

Cependant, l’aspiration au changement ne se limite pas au travail dans les entreprises. Elle se manifeste dans toutes les organisations. C’est la recherche d’un nouveau modèle privilégiant la participation, la collaboration, l’intelligence collective. Cet état d’esprit germe dans les administrations (11). Et on peut observer les mêmes attentes confrontées aux mêmes résistances dans beaucoup d’institutions.

Alexandre Gérard met en évidence l’importance du regard que nous portons sur les humains. Ainsi, tout dépend de notre attitude ! Quelle responsabilité ! Quel potentiel ! Quel appel au changement personnel et à la transformation intérieure ! Or voici qu’on observe aujourd’hui un courant en faveur de l’empathie, de la bienveillance, de la psychologie positive (12). Les sciences humaines s’allient à la spiritualité. Et, certaines composantes religieuses apportent leur contribution (13). Car, ce qui est en cause nous concerne tous. C’est le choix du respect, de la sympathie, de la confiance en l’autre. Cette confiance en l’autre ne requiert-elle pas plus généralement une adhésion implicite ou explicite à une vision positive de notre destinée commune dans le monde et à une dynamique relationnelle ? (14)

J H

 

(1)            « Génération Y : une nouvelle vague pour une nouvelle manière de vivre » : https://vivreetesperer.com/?p=2652

(2)            « Vers un nouveau climat de travail dans des entreprises humanistes et conviviales. Un parcours de recherche avec Jacques Lecomte » : https://vivreetesperer.com/?p=2318

(3)            Wikipedia : entreprise libérée : https://fr.wikipedia.org/wiki/Entreprise_libérée

(4)            TED x Saclay : au service du vivant : jeudi 30 novembre 2017 : Alexandre Gérard : Entreprise libérée : la patron qui a osé changer son regard sur les autres » :

https://www.youtube.com/watch?v=EW2xjH2Py2s

Autre vidéo sur TED x Rennes : https://www.youtube.com/watch?v=VebUucpwAZc

Par ailleurs, Alexandre Gérard est auteur d’un livre : « Le patron qui ne voulait plus être chef ».

(5)            « Alexandre Gérard a libéré l’entreprise Chronoflex et ses 300 salariés » sur le site : « Oser entreprendre. Agir pour libérer les hommes et les organisations » : http://www.oser-entreprendre.fr/alexandre-gerard-a-libere-lentreprise-chronoflex-et-ses-300-salaries/

(6)            Wikipedia : « Robert Rosenthal » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Rosenthal

(7)            Wikipedia : « Douglas McGregor » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Douglas_McGregor

(8)            Wikipedia : « Isaac Getz » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Isaac_Getz

(9)            « Interview de Myriam Bertrand, volontaire du service civique, à « Initiatives et changement » : https://vivreetesperer.com/?p=1780

(10)      « Promouvoir la confiance dans une société de défiance » : https://vivreetesperer.com/?p=1306

(11)      Des initiatives personnelles témoignent du changement d’esprit. « Pour un processus de dialogue en collectivité. Un chemin vers l’intelligence collective » : https://vivreetesperer.com/?p=2631

(12)      « Empathie et bienveillance. Révolution ou effet de mode » https://vivreetesperer.com/?p=2639

(13)      « Lytta Basset : Oser la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842

Non-violence : une démarche spirituelle et politique » : https://vivreetesperer.com/?p=2739

« La rencontre entre le président Obama et le pape François » : https://vivreetesperer.com/?p=2192

(14)      Voir le monde qui se construit en terme de relations : « L’« essence » de la création dans l’Esprit est par conséquent la « collaboration », et les structures manifestent la présence de l’Esprit, dans la mesure où elles font connaître l’« accord général ». « Au commencement était la relation » (M Buber). (Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Cerf, 1988). Pouvoir, dans l’espérance, nous inscrire dans la dynamique d’un nouveau monde en préparation, pour le chrétien, en Christ ressuscité, la venue d’un monde réconcilié où Dieu sera tout en  tous (Jürgen Moltmann. La théologie de l’espérance).

L’espérance en mouvement

L'espérance en mouvementAffronter la menace environnementale et climatique pour une nouvelle civilisation écologique

Joanna Macy Chris Johnstone Michel Maxime Egger

 Les éditions Labor et Fides nous offre une collection dédiée à la question écologique. « Les études des scientifiques convergent. La civilisation industrielle basée sur la consommation industrielle des ressources entame désormais une confrontation ultime avec les limites du système terre dont elle dépend. Les dérèglements et dégradations en cours provoquent des dommages et catastrophes naturelles de plus en plus graves et des souffrances intolérables à un nombre croissant d’êtres humains. La collection « Fondations écologiques » dirigée par Philippe Roch et Michel Maxime Egger, propose des ouvrages cherchant à dégager les concepts, les valeurs et les moyens propres à fonder une civilisation respectueuse des limites écologiques d’un côté, et de la diversité des aptitudes et des aspirations humaines de l’autre » ( p 4).

En 2018, est paru dans cette collection, un livre de deux personnalités écologiques anglophones : Joanna Macy et Chris Johnstone : « L’Espérance en  mouvement. Comment faire face au triste état de notre monde sans devenir fou » (1). Ce livre est préfacé par Michel Maxime Egger, un pionnier francophone de l’écospiritualité et de l’écopsychologie (2). En suivant cette préface (au thème repris dans une vidéo)  (3), nous entrerons dans la perspective de la transition écologique et nous apprécierons l’appel de ce livre dans toute son originalité.

https://www.youtube.com/watch?v=CRk5dpvoUDQ

Vers un nouveau paradigme : écologie extérieure et écologie intérieure.

« Il ne s’agit pas seulement de protéger le milieu naturel, mais de transformer le paradigme  culturel, psychologique et spirituel qui sous-tend le modèle productiviste et consumériste qui détruit la planète…Pour cela, l’économie extérieure ne suffit pas… Cette écologie doit être complétée par une écologie intérieure et verticale… Cette nouvelle approche de l’écologie centrée sur l’approche de relations réharmonisées avec la terre et tous les être qui l’habitent, a pris de plus en plus d’ampleur ces vingt dernières années … Elle se décline selon deux axes : l’écopsychologie qui explore les relations profondes entre la psyché humaine et la terre… et l’écospiritualité qui ouvre explicitement à une dimension de mystère et d’invisible, de transcendance et de sacré, non réductible aux noms et aux formes multiples –doctrinales symboliques et rituelles – que leur donnent les traditions religieuses instituées » ( p 9-10).

 

Une visionnaire : Joanna Macy

  Joanna Macy, l’auteure du livre : « L’Espérance en mouvement », est « l’une des grandes figures de la « révolution tranquille » qui apparait aujourd’hui. Elle est l’une des rares à participer à la fois aux deux courants de l’écopsychologie et de l’écospiritualité ». Michel Maxime Egger nous présente les grandes étapes de sa vie, les « cercles expansifs » de son parcours.

Le premier cercle recouvre ses racines judéo-chrétiennes. « Si elle a vécu Dieu comme « une présence chaude et enveloppante » pendant son enfance, la théologie universitaire va transformer cette présence en vide et la foi chrétienne en injonctions morales ». Elle s’éloigne ( p 12).

Le deuxième cercle est sa formation universitaire. « Joanna a fait une formation en théorie générale des systèmes. Cela lui a donné des outils conceptuels forts pour une compréhension holistique et organique des problèmes de la planète ». Elle a vu dans cette approche « la plus importante révélation cognitive de notre temps, de la physique à la psychologie ». « Elle montre que nous tissons notre monde en une toile vivante qui forme notre demeure qu’il ne tient qu’à nous de perpétuer » ( p 13).

« Le troisième cercle est la découverte du bouddhisme à travers la rencontre avec des maitres tibétains ». Dans les années 60, elle participe à des actions humanitaires dans des régions bouddhistes. « Le bouddhisme lui a appris la nécessité de regarder la souffrance en face. Plus encore, il lui a permis de développer les ressources intérieures pour assumer cette dernière, vivre avec elle et la transformer en force de vie. Il l’a également ouverte à l’expérience de la compassion comme réponse organique à l’interdépendance de  toutes choses qui constitue la loi de la toile de la vie ». Cette inspiration spirituelle va l’accompagner dans son engagement écologique.

Cet engagement se poursuit sans l’approche de l’écologie profonde, une identification avec les réalités naturelles. « Une manière de rompre avec une posture anthropocentrique et de prendre conscience de l’unité ontologique de l’être humain avec la terre et les êtres qui la peuplent » ( p 14).

Enfin, on peut percevoir un cinquième cercle dans son engagement pour la surveillance des déchets nucléaires. « L’énergie atomique  constitue le symbole par excellence de la nature brisée et de la séparation de l’être humain avec la Terre ».

« Pour Joanna Macy, les cinq cercles n’en font qu’un. Elle voit entre eux de fortes convergences : la pensée et la pratique bouddhiste entrent en interaction avec les valeurs du mouvement vert et les principes gandhiens, la psychologie humaniste avec l’écoféminisme, l’économie durable avec la théorie des systèmes, l’écologie profonde et la nouvelle science paradigmatique » ( p 15).

 

Le Travail qui relie

« C’est riche des apports de tous ces cercles que Joanna Macy va, à partir du milieu des années 80, développer « le Travail qui relie », une méthodologie puissante de transformation personnelle et collective pour contribuer au changement de cap » ( p 16).

Car c’est bien à un changement de cap que Joanna Macy nous appelle à l’encontre de deux autres scénarios : « On fait comme d’habitude » et : on se prépare à subir « la grande désintégration ». Tout ce livre a pour but de renforcer « notre contribution au changement de cap en faisant tout notre possible » ( p 29-30).

Michel Maxime Egger porte son regard d’analyste, d’interprète et de tĂ©moin sur l’approche du « Travail qui relie ». « le but essentiel du travail qui relie est d’amener les gens Ă  dĂ©couvrir et Ă  faire l’expĂ©rience de leurs connexions naturelles avec les ĂŞtres qui les entourent ainsi qu’avec la puissance systĂ©mique et autorĂ©gĂ©nĂ©ratrice  de la grande toile de la vie, cela afin qu’ils puissent trouver l’énergie et la motivation de jouer leur rĂ´le dans la crĂ©ation d’une civilisation durable » (Joanna Macy) ( p 12). L’objectif est d’aider les personnes Ă  Ă©veiller et dĂ©velopper leurs ressources – intĂ©rieures et sociales –  pour passer du dĂ©ni Ă  la rĂ©alitĂ©, de l’apathie au dĂ©sir d’agir, de l’impuissance Ă  l’empowerment, de la compĂ©tition Ă  la coopĂ©ration, du dĂ©sespoir Ă  la rĂ©silience, du moi ego-centrĂ© au soi relié »…

Cette série de passages est le cœur de ce que Joanna Macy appelle « l’espérance en mouvement » qui constitue le titre de cet ouvrage… « L’espérance vient de l’intérieur. Ele jaillit du cœur profond, telle une aspiration à accomplir le non encore advenu de l’histoire. L’espérance est en cela intrinsèquement liée au processus de la personne qui grandit en humanité et réalise son potentiel cosmique, humain et divin » ( p 17).

Le « Travail qui relie » se présente comme une spirale qui se déploie organiquement selon quatre temps :

S’enraciner dans la gratitude

Honorer sa souffrance pour le monde

Changer de vision

Aller de l’avant

C’est cette approche que présente Joanna Macy dans ce livre.

A travers la gratitude, « reconnaître les dons de la vie donne des forces ». A travers cette analyse, l’auteure rejoint la recherche psychologique dans ses découvertes récentes (4).

Honorer notre souffrance pour le monde, c’est accepter nos émotions face aux malheurs du monde, ne pas les refouler. C’est accepter de voir la réalité en face et ne pas nous réfugier dans le déni. C’est accepter d’entrer en relation avec les victimes dans une attitude d’empathie et de compassion. L’auteure nous appelle à reconnaitre et à accepter notre souffrance pour le monde. « Quand nous entendons les pleurs de la terre en nous, non seulement nous nous libérons des résistances, mais nous permettons la circulation des flux de reliance qui nous connectent avec le monde. Ces canaux agissent comme un système racinaire qui nous donne accès à une force et à une reliance qui perdurent aussi anciennes que la vie elle-même » (p 112). Dans cette pratique d’acceptation de la souffrance du monde, Joanna Macy fait largement appel aux ressources de la tradition bouddhiste. On pourrait de même se reporter à la compassion divine telle qu’elle se manifeste dans l’inspiration chrétienne.

En nous invitant ensuite à porter un nouveau regard, Joanna Macy élargit notre conscience comme l’indiquent les titres des différents chapitres :  une conscience de soi élargie ; un pouvoir d’un autre genre ; une expérience plus riche de la communauté ; une vision élargie du temps.

Et puis, nous pouvons ensuite aller de l’avant : Joanna Macy nous parle d’inspiration, d’imagination, d’intelligence collective, de confiance, de reliance. « Nous vivons à un moment où le corps vivant de notre terre est attaqué. Cependant, l’agresseur n’est pas une force étrangère, mais notre propre société de croissance industrielle. Dans le même temps, un processus de récupération extraordinaire est en cours, une réponse créative vitale que nous appelons le changement de cap. En relevant le défi de jouer le meilleur rôle possible, nous découvrons ce trésor qui enrichit nos vies et participe à la guérison du monde. Une huitre en réponse au traumatisme fait pousser une perle. Et nous, nous faisons pousser pour l’offrir ainsi, notre don de l’espérance en mouvement » (p 290).

 

Le mouvement de l’espérance

Dans son œuvre militante pour une nouvelle civilisation écologique, Michel Maxime Egger a écrit de nombreux livres. Et, aux éditions Jouvence, il a publié un livre accessible à tous : « Ecospiritualité. Réenchanter notre relation à la nature » (5). Voici ce qu’il écrit à propos de l’espérance : « L’espérance vient de l’intérieur. Elle jaillit du cœur profond,  telle une aspiration pour faire advenir le non encore advenu de l’histoire… C’est là qu’intervient la foi. Non pas comme une adhésion à un système de croyances, mais comme le fruit de l’expérience intime du divin. Ma foi est la connaissance que « la vie va vers la vie » et que « la mort n’est pas la fin de tout »… « Elle donne du sens, le courage de vivre et de s’engager, une confiance fondamentale en la vie, en l’Esprit, en la capacité de l’humain à changer » (p 115)

Si l’espérance monte ainsi du cœur profond, nous y voyons un mouvement général de l’Esprit qui fait lever cette espérance, une dynamique qui nous porte ensemble vers l’avenir. En termes chrétiens, la théologie de l’espérance développée par Jürgen Moltm

ann nous permet d’entrer dans cette dynamique et d’y reconnaĂ®tre l’œuvre de Dieu. « La promesse de Dieu ouvre le futur et donne ainsi le courage d’aller vers l’avant ». « La promesse que l’avenir de Dieu s’ouvre Ă  nous donne naissance Ă  une mission dans l’histoire, de telle sorte que cet avenir puisse ĂŞtre anticipĂ© dans le contexte des possibilitĂ©s que nous dĂ©couvrons » (6) « Le Dieu qui a ressuscitĂ© JĂ©sus est le crĂ©ateur d’une existence nouvelle de tout ce qui est créé ». « La rĂ©surrection est le premier acte de la nouvelle crĂ©ation de ce monde transitoire en une forme nouvelle vraie et durable ».  Dieu renouvelle la terre. Si aujourd’hui le monde est encore exposĂ© aux forces de mort – et combien ne le voit-on pas aujourd’hui ! –  il est appelĂ© Ă  devenir la maison de Dieu ( 7). La pensĂ©e de JĂĽrgen Moltmann et du pape François dans l’encyclique Laudato si’ se rencontrent (8).

Une perspective analogue est exprimĂ©e par Michel Maxime Egger : « L’Esprit est toujours Ă  l’œuvre agissant Ă  l’intĂ©rieur de la CrĂ©ation. Le rĂ©cit allĂ©gorique de l’Apocalypse, qui clĂ´t la Bible,  raconte l’histoire – invisible, souterraine, spirituelle – qui se joue sous la surface de l’histoire apparente, pleine de bruits et de fureurs. Cette histoire visible – avec ses nĹ“uds, ses fils coupĂ©s, brisĂ©e et enchevĂŞtrĂ©s qui symbolisent les souffrances, violences, et dĂ©sordres de la CrĂ©ation – reprĂ©sente l’envers de la toile de la vie que le divin continue  de tisser –silencieusement et amoureusement –  avec nos vies et celles de toutes les crĂ©atures. Cela, dans l’attente que les ĂŞtres humains opèrent la mutation de conscience, le retournement intĂ©rieur nĂ©cessaire pour permettre au motif harmonieux de l’endroit de se manifester ».

« L’écospiritualité invite chacun et chacune à s’ouvrir à une telle vision d’espérance et à effectuer cette transformation. Elle souhaite ainsi nourrir le désir de nous engager pour la transition vers une société écologique, juste et résiliente ». ( p 117).

Ainsi, le livre de Joanna Macy et Chris Johnstone : « L’espérance en mouvement » est bien nommé. Cette espérance est en marche aujourd’hui à travers des voies à la fois diverses et convergentes (9).

J H

  1. Joanna Macy, Chris Johnstone. L’espérance en mouvement. Comment faire face au triste état de notre monde sans devenir fou. Préface de Michel Maxime Egger. Labor et Fides, 2018
  2. Michel Maxime Egger est sociologue, écothéologien et acteur engagé de la société civile en Suisse. Il est l’auteur de plusieurs livres. Il a fondé le réseau : Trilogies « pour mettre en dialogue traditions spirituelles, quêtes de sens, écologie et grands enjeux socio-économiques de notre temps ». Il chemine dans la spiritualité chrétienne orthodoxe. http://trilogies.org/auteurs/michel-maxime-egger
  3. Vidéo de Michel Maxime Egger présentant le travail qui relie https://www.youtube.com/watch?v=CRk5dpvoUDQ
  4. « La gratitude : un mouvement de vie » : https://vivreetesperer.com/la-gratitude-un-mouvement-de-vie/
  5. Michel Maxime Egger. Ecospiritualité. Réenchanter notre relation avec la nature. Jouvence, 2018
  6. « Une théologie pour notre temps… Chapitre : une théologie de l’espérance : https://lire-moltmann.com/une-theologie-pour-notre-temps/
  7. « Dieu dans la création » : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/
  8. « Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/
  9. Entre autres, chemins écologiques sur ce blog :                          « Vers une économie symbiotique » : https://vivreetesperer.com/vers-une-economie-symbiotique/              « L’homme, la nature et Dieu » : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/                « Comment entendre les principes de la vie cosmique pour entrer en harmonie : https://vivreetesperer.com/comment-entendre-les-principes-de-la-vie-cosmique-pour-entrer-en-harmonie/                                                                                   « Une approche spirituelle de l’écologie (Sur la Terre comme au Ciel) : https://vivreetesperer.com/une-approche-spirituelle-de-lecologie/

Aspects politiques et économiques de l’écologie :

« La course pour la terre » : https://vivreetesperer.com/la-course-pour-la-terre/

« Le New Deal Vert » : https://vivreetesperer.com/le-new-deal-vert/