Contempler la création

Louez l’Eternel du bas de la terre, Monstres marins et vous tous abimes :
Feu et grĂȘle, neiges et brouillards ;
Vents impétueux qui exécutez ses ordres ;
Montagnes et toutes les collines ;
Arbres fruitiers et tous les cÚdres ;
Animaux et tout le bétail ;
Reptiles et oiseaux ailés ;

Qu’ils louent le nom de l’Eternel
Car son nom seul est élevé ;
Sa majesté est au dessus de la terre et des cieux

Psaume 148 7-10,13

Dans cette sĂ©quence (1), frĂšre Richard Rohr partage sur la maniĂšre de « voir » et de percevoir Dieu dans les formes de la nature sur la base d’une spiritualitĂ© incarnĂ©e.

10 octobre 2021
Contempler la création

 La spiritualitĂ© de la crĂ©ation a ses origines dans les Écrits hĂ©braĂŻques tels que les psaumes 104 et 148. C’est une spiritualitĂ© qui est enracinĂ©e, en premier, dans la nature, dans l’expĂ©rience, et dans le monde tel qu’il est. La riche spiritualitĂ© hĂ©braĂŻque a formĂ© l’esprit et le cƓur de JĂ©sus ».

Richard Rohr fait remarquer alors combien nous sommes habituĂ©s Ă  penser la religion en terme d’idĂ©es, de concepts et de formules trouvĂ©s dans des livres. « Ce n’est pas lĂ  oĂč la religion commence. Ce n’est pas la spiritualitĂ© biblique. Celle-ci commence en observant ce qui est ».

Paul Ă©crit : « DĂ©jĂ  depuis la crĂ©ation du monde, l’essence invisible de Dieu et sa puissance Ă©ternelle ont Ă©tĂ© vues clairement par la comprĂ©hension de l’esprit des choses crĂ©Ă©es » (Rom 1.20). Nous connaissons Dieu Ă  travers les choses que Dieu a faites. La premiĂšre fondation de toute vraie vision religieuse est tout Ă  fait simplement d’apprendre Ă  voir et Ă  comprendre ce qui est ».

Or, selon Richard Rohr, « la contemplation, c’est rencontrer la rĂ©alitĂ© dans sa forme la plus simple et la plus directe, sans jugement, sans explication et sans contrĂŽle ».

Richard Rohr nous appelle Ă  voir dans le monde les « vestigia Dei », ce qui signifie les empreintes de Dieu. Apprendre Ă  aimer pour voir. « Nous devons commencer avec une pierre. Puis nous passons de la pierre au monde vĂ©gĂ©tal et nous apprenons Ă  apprĂ©cier les choses qui grandissent et Ă  voir Dieu en elles. Peut-ĂȘtre, une fois que nous pourrons voir Dieu dans les plantes et les animaux, nous pourrons voir Dieu dans nos prochains. Et puis, nous pourrons apprendre Ă  aimer le monde. Et puis quand tout cet amour aura pris place, quand ce regard sera advenu, quand de telles personnes viendront Ă  moi et me diront qu’elles aiment JĂ©sus, j’y croirais. Elles sont capables d’aimer JĂ©sus. Leur esprit est prĂ©parĂ©. Leur esprit est libĂ©rĂ© et il a appris Ă  voir et Ă  recevoir, comment rentrer en soi et en sortir. De telles personnes pourraient bien comprendre comment aimer Dieu ».

 

La dance de la vie

Richard Rohr voit en François d’Assise comme un premier exemple de quelqu’un qui a dĂ©couvert en lui-mĂȘme la connexion universelle de la crĂ©ation. Il nous fait part d’un apport de Sherri Mitchell sur la sagesse de s’accorder dans l’harmonie de la rĂ©alitĂ©.

« Chaque chose vivante a son propre chant de la crĂ©ation, son propre langage et sa propre histoire. En vue de vivre harmonieusement avec le reste de la crĂ©ation, nous devons vouloir Ă©couter et respecter toutes les harmonies en mouvement autour de nous ». C’est faire appel Ă  tous nos sens pour envisager le monde. « Quand nous vivons comme des ĂȘtres disposant de plusieurs sens, nous dĂ©couvrons que nous sommes capables de comprendre le langage de chaque chose vivante. Nous entendons la voix des arbres et nous comprenons le bourdonnement des abeilles. Alors nous commençons Ă  rĂ©aliser que c’est la substance inter-tissĂ©e de ces rythmes flottants qui nous tient dans un Ă©quilibre dĂ©licat avec toute vie. Alors notre vie et notre place dans la crĂ©ation commencent Ă  faire sens d’une maniĂšre complĂštement nouvelle.

Sherri Mitchell nous raconte ensuite une expérience de cet ordre.

Dans une chaude journĂ©e d’étĂ©, dans un Ă©tat mĂ©ditatif, elle a remarquĂ© le minuscule rampement d’une fourmi prĂšs d’un brin d’herbe.

« Comme j’observais la fourmi en train de bouger, son petit corps a commencĂ© Ă  s’illuminer. Puis le brin d’herbe sur lequel il marchait s’est lui aussi Ă©clairĂ©. Comme j’étais lĂ  et j’observais, tout l’endroit qui m’entourait a commencĂ© Ă  s’éclairer. J’étais assise, m’émerveillant tranquillement devant cette vue nouvelle, sans bouger de peur de la perdre. Pendant que j’étais assise lĂ , respirant avec le monde autour de moi, les fermes lignes de mon ĂȘtre ont commencĂ© Ă  s’estomper. Je me suis sentie en expansion et en train de me fondre avec tout ce que j’observais. Soudain, il n’y avait plus de sĂ©paration entre moi, la fourmi, l’herbe, les arbres et les oiseaux. Nous respirions avec la mĂȘme respiration. J’étais envahie par ce sens de parentĂ© tellement beau et complet avec toute la crĂ©ation  ».

 

Sentir la nature

Richard Rohr nous convie à expérimenter une vie en pleine nature.

A l’exemple de François d’Assise, il a lui-mĂȘme vĂ©cu quelques moments d’ermitage dans la nature. Il raconte comment il a dĂ©couvert ce qui se passait chez les animaux et dans les arbres. Combien nous perdons lorsque nous sommes coupĂ©s de la nature  « Mes temps d’ermitage m’ont resituĂ© dans l’univers de Dieu, dans la providence et dans le plan de Dieu. J’ai eu le sentiment d’ĂȘtre rĂ©alignĂ© avec ce qui est. J’appartenais et donc j’étais sauvé  »

« Quand nous sommes en paix et que nous ne y opposons pas, quand nous ne sommes pas en train de fixer et de contrĂŽler le monde, quand nous ne sommes pas remplis de colĂšre, tout ce que nous pouvons faire est de commencer Ă  aimer et pardonner. Rien d’autre ne fait sens lorsque nous sommes seuls avec Dieu. Il n’y a rien qui vaille de retenir parce qu’il n’y a rien d’autre dont nous ayons besoin. Je pense que c’est dans cet espace de libertĂ© que le rĂ©alignement advient. François vivait un tel alignement  ».

 

Les cercles sacrés

Richard Rohr voit la TrinitĂ© comme un « cercle de danse » d’amour et de communion mutuelle. « Ceux d’entre nous qui ont grandi avec la notion trinitaire de Dieu communĂ©ment rĂ©pandue, voient la rĂ©alitĂ© consciemment ou inconsciemment, comme un univers en forme de pyramide, avec Dieu au sommet d’un triangle et tout le reste en dessous. Mais c’est exactement ce que la TrinitĂ© n’est pas. Les premiers PĂšres de l’Eglise disaient que la mĂ©taphore la plus proche pour envisager Dieu, c’était un cercle de danse de communion. Ce n’était pas une situation hiĂ©rarchique, monarchique ou une pyramide.

Richard Rohr cite alors Randy Woodley, un thĂ©ologien d’origine Cherokee (tribu indienne). « Notre modĂšle de la relation Ă  toute chose est un simple symbole utilisĂ© par les autochtones amĂ©ricains : le cercle. L’harmonie dans le genre de vie est souvent entendue en terme symbolique de cercle ou de cerceau ». Rassemblons-nous
 faisons un cercle
 Le cercle n’a ni dĂ©but, ni fin et on peut y entrer n’importe oĂč et n’importe quand. « Quand nous nous rassemblons dans un cercle, la priĂšre a dĂ©jĂ  commencé  Nous nous rassemblons l’un avec l’autre et avec le Grand MystĂšre mĂȘme sans qu’un mot ait Ă©tĂ© dit ».

Randy Woodley nous introduit dans le symbolisme pour les peuples autochtones et pour la terre elle-mĂȘme.

« Dans presque toutes les tribus autochtones d’AmĂ©rique du Nord, le cercle ou le cerceau est considĂ©rĂ© comme un symbole de la vie. Ce symbole est une puissante reprĂ©sentation de la terre, de la vie, des saisons, des cycles de maturitĂ© etc  ».

 

Une priÚre centrée sur la création

« La nature spirituelle de la CrĂ©ation a toujours Ă©tĂ© lĂ  depuis le Big Bang
 L’Esprit et la matiĂšre ont Ă©tĂ© un depuis que Dieu a dĂ©cidĂ© de se manifester ».

« Le Christ est partout. La planĂšte entiĂšre est ointe et messianique. Tout porte le mystĂšre du Christ
 Quand nous apprenons cela, nous sommes en communion. ». Nous sommes en communion lorsque nous allons Ă  l’église
 Nous  sommes en communion dans la pause de la salle de bain. Nous sommes en communion quand  nous sommes dans la nature.

Richard Rohr convie une sƓur franciscaine, JosĂ© Hobday Ă  s‘exprimer. Elle Ă©crit comment elle a appris Ă  « prier sans cesse » Ă  partir de la spiritualitĂ© autochtone de sa mĂšre qui honorait le sens d’ĂȘtre en communion, en harmonie constante, d’ĂȘtre avec Dieu en toutes choses. « Ma mĂšre priait comme une amĂ©ricaine autochtone. Cela signifie qu’elle se voyait priant en vivant et vivant en priant. Elle essayait de prier sa vie. Elle exprimait, par exemple sa priĂšre de gratitude dans la maniĂšre dont elle faisait les choses : Quand vous remuez les flacons d’avoine, faites le lentement de maniĂšre Ă  ne pas oublier que les flacons d’avoine sont un don et qu’il ne faut pas les prendre pour acquis. Elle faisait les choses en priant. Elle priait mĂȘme en marchant
 Elle m’enseignait Ă  marcher doucement sur la terre parce que la terre est notre mĂšre. Quand nous marchons, disait-elle, nous devrions ĂȘtre prĂȘts Ă  entrer dans chaque mouvement de beautĂ© que nous rencontrons ».

Qu’est-ce que Richard Rohr a appris de la spiritualitĂ© amĂ©ricaine autochtone ? « D’abord Ă  faire que ma priĂšre soit centrĂ©e sur la crĂ©ation. Les indiens prient comme Ă©tant en famille avec la crĂ©ation. Dans notre priĂšre, nous pourrions penser aux crĂ©atures
 et Ă  leur relation avec la crĂ©ation. C’est ce que les amĂ©ricains autochtones ont fait. Cela ne les a pas seulement gardĂ©s en contact avec la crĂ©ation, mais aussi bien avec le CrĂ©ateur.

 

Révérer la création et le Créateur

Pour Richard Rohr et la tradition franciscaine, l’incarnation est au cƓur d’une spiritualitĂ© affirmant la crĂ©ation. Nous rencontrons Dieu dans la crĂ©ation parce que nous rencontrons Dieu partout. Au lieu d’ĂȘtre une barriĂšre Ă  la vie spirituelle, la crĂ©ation est une porte. Les gens qui vivent en relation profonde et harmonieuse avec la nature ont toujours su cela. Richard Rohr a trouvĂ©, dans ses conversations avec des anciens autochtones, une perspective sur la nature de la rĂ©alitĂ© qui commence avec un Ă©clairage sur la nature du CrĂ©ateur. Et il cite Ă  ce sujet, un verset de l’épitre aux romains (1. 19-20) : « Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance Ă©ternelle et sa divinitĂ©, se voient comme Ă  l’Ɠil, depuis la crĂ©ation du monde, Ă©tant considĂ©rĂ©es dans ses ouvrages  ». « L’Ecriture est cohĂ©rente avec la vision du monde indigĂšne que la nature du CrĂ©ateur est visible dans la crĂ©ation. Qu’est- ce que la crĂ©ation nous dit de la nature de Dieu ? Les peuples indigĂšnes ont Ă©tĂ© accusĂ©s d’animisme, c’est Ă  dire d’adorer la crĂ©ation plutĂŽt que le CrĂ©ateur. Mais, en rĂ©alitĂ©, le fondement de la spiritualitĂ© indigĂšne, c’est la rĂ©vĂ©rence
 La rĂ©vĂ©rence, c’est un profond respect. Le CrĂ©ateur est Ă©vident dans la crĂ©ation qui nous entoure. Je puis voir cela et en faire l’expĂ©rience avec mes sens
 L’humilitĂ©, c’est reconnaĂźtre que je ne suis pas sĂ©parĂ© de la crĂ©ation. Je fais partie du tissu de la vie. J’ai appris que cette dĂ©pendance mutuelle est un don. La vie est un don ».

J H

  1. Center for action and contemplation. Contemplating creation : https://cac.org/contemplating-creation-2021-10-10/

Voir aussi sur ce blog:
L’homme, la nature et Dieu : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/
Enlever le voile: https://vivreetesperer.com/enlever-le-voile/
La grande connexion : https://vivreetesperer.com/la-grande-connexion/

Et la présentation du livre de Richard Rohr: The divine dance:
https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/
https://vivreetesperer.com/reconnaitre-et-vivre-la-presence-dun-dieu-relationnel/

 

Le secret d’une rĂ©sistance non-violente efficace

Gagner la paix et obtenir justice Ă  travers la non violence

jamila-headshotA travers le monde, nous voyons les ravages engendrĂ©s par les guerres. La violence rĂ©pond Ă  la violence. De grandes souffrances en rĂ©sultent. Est-il possible d’échapper Ă  cet engrenage ?

Jamila Raqib peut nous apporter une rĂ©ponse Ă  cette question. En effet, non seulement  travaille-t-elle depuis treize ans Ă  dĂ©velopper des stratĂ©gies et des pratiques d’action non violente dans des organismes comme Albert Einstein Institution ou le Center for International Studies au Massachusetts Institute of Technology (1),  mais elle a elle-mĂȘme vĂ©cu l’expĂ©rience d’une situation de guerre et de violence. Ainsi, pouvons-nous entendre son tĂ©moignage et son enseignement dans une vidĂ©o de Ted Talks Live (2).

Afghane, Jamila Raqib est nĂ©e en Afghanistan, six mois aprĂšs l’invasion soviĂ©tique et elle a vĂ©cu alors dans un climat de souffrance et de peur. « Ces expĂ©riences prĂ©coces ont grandement impactĂ© ma pensĂ©e sur la guerre et les conflits. J’ai appris que lorsqu’une question fondamentale est en jeu, la majoritĂ© des gens ne considĂšrent pas l’abandon. Dans ce genre de conflits, quand les droits des gens sont enfreints, que les pays sont occupĂ©s, qu’ils sont opprimĂ©s et humiliĂ©s, ils ont besoin d’un moyen puissant pour rĂ©sister et riposter. Alors, peu importe Ă  quel point la violence est destructrice et terrible, ils l’utiliseront ».

Alors, que faire ? Comment résister à cet engrenage maléfique ?

« Il n’y a qu’une seule solution : « Leur offrir un outil qui soit un moyen au moins aussi puissant et efficace que la violence ». Pendant ces treize derniĂšres annĂ©es, Jamila Raquib a travaillĂ© en ce sens. « Elle a enseignĂ© Ă  des personnes se trouvant dans les situations les plus difficiles du monde Ă  utiliser la lutte non-violente pour mener des conflits ».

De fait, l’action non violente est plus rĂ©pandue que l’on ne pense. N’est-ce pas ainsi que beaucoup de droits ont Ă©tĂ© gagnĂ©s au cours des derniĂšres dĂ©cennies ? Mais, ces modes d’action n’ont pas Ă©tĂ© suffisamment Ă©tudiĂ©s. On en dĂ©couvre aujourd’hui la grande variĂ©tĂ©.

On doit donc Ă©largir notre champ de vision concernant les formes d’action non violente. Ces formes sont nombreuses. Et coordonnĂ©es dans une stratĂ©gie, elles sont particuliĂšrement efficaces

 « J’ai rĂ©cemment rencontrĂ© un groupe d’activistes Ă©thiopiens et ils m’ont dit une chose que j’entend souvent. Ils m’ont dit avoir dĂ©jĂ  essayĂ© la non-violence et que cela n’avait pas marchĂ©. Il y a des annĂ©es, ils ont manifestĂ©. Le gouvernement a arrĂȘtĂ© tout le monde, marquant la fin du mouvement ». Mais la lutte non-violente ne se rĂ©sume pas Ă  la manifestation. Elle se manifeste Ă  travers toute une sĂ©rie de mĂ©thodes. « Ma collĂšgue et mentor, Gene Sharp, a identifiĂ© 198 mĂ©thodes d’action non violente. Et manifester n’en est qu’une ».

Jamila Raquib mentionne et dĂ©crit un bel exemple de victoire remportĂ©e Ă  travers une action non-violente ayant jouĂ© sur plusieurs registres. « Jusqu’il y a quelques mois, le Guatemala Ă©tait dirigĂ© par d’anciens militaires corrompus ayant des liens avec le crime organisĂ©. La plupart des gens le savaient, mais se sentaient impuissants face Ă  cela, jusqu’à ce qu’un groupe de citoyens, 12 personnes ordinaires, lance un appel Ă  leurs amis sur facebook de se retrouver sur la place centrale avec des pancartes disant : « Reununcia Ya »  (DĂ©missionnez). A leur grande surprise, 30000 personnes sont venues. Ils ont continuĂ© pendant des mois et les protestations se multipliaient  ». Le prĂ©sident refusant de dĂ©missionner, « les activistes ont rĂ©alisĂ© qu’ils ne pouvaient pas juste protester et demander au prĂ©sident de dĂ©missionner. 
 Ils ont organisĂ© une grĂšve gĂ©nĂ©rale. Les gens de tout le pays refusĂšrent de travailler
 En cinq jours, le prĂ©sident et des douzaines d’autres membres du gouvernement avaient dĂ©missionné ».

Des actions isolĂ©es ne peuvent l’emporter. Une stratĂ©gie globale est nĂ©cessaire. « Il a fallu des milliers d’annĂ©es pour dĂ©velopper la technique de guerre avec d’énormes ressources
 Pendant ce temps, la lutte non-violente est rarement systĂ©matiquement Ă©tudiĂ©e
. Apprenons plus des actions non-violentes ayant fonctionnĂ© et comment les rendre plus puissantes
. Avec l’innovation humaine, nous pouvons rendre la lutte non–violente plus puissante que les nouvelles technologies de la guerre. Le plus grand espoir de l’humanitĂ© rĂ©side non pas dans la condamnation de la violence, mais dans l’obsolescence de la violence ».

Nous voici à un tournant (3). Voici une perspective plus vaste qui s’ouvre à nous.

J H

 

(1)            Biographie de Jamila Raqib sur le site du Albert Einstein Institute : https://www.aeinstein.org/about/people/jamila-raqib/

(2)            « Le secret d’une communication non-violente efficace ». Une vidĂ©o de Jamila Raqib at TED talks live. Traduction en français par Morgane Quilfen : https://www.ted.com/talks/jamila_raqib_the_secret_to_effective_nonviolent_resistance/up-next?language=fr

(3)            « Une bonne nouvelle : La paix, çs s’apprend ». Entretien avec Thomas d’Ansembourg : https://vivreetesperer.com/?p=2596                                 « Mandela et Gandhi, acteurs de libĂ©ration et de rĂ©conciliation » : https://vivreetesperer.com/?p=2739

 

DĂ©couvrir les merveilles de la forĂȘt Ă  travers un esprit de dĂ©couverte

DĂ©couvrir les merveilles de la forĂȘt Ă  travers un esprit de dĂ©couverte alliant un savoir ancestral aux dĂ©couvertes scientifiques les plus rĂ©centes

 La voix des arbres

Par Diana Beresford-Kroeger

Nous entrons aujourd’hui dans la dĂ©couverte de merveilles du monde vivant jusque lĂ  inconnues. Ainsi, nous portons un regard nouveau sur les animaux, et plus rĂ©cemment encore sur les vĂ©gĂ©taux, en particulier le monde de la forĂȘt (1). Certaines personnes peuvent particuliĂšrement nous en entretenir, car, elles-mĂȘmes, sont engagĂ©es avec passion  dans un chemin de dĂ©couverte. C’est le cas de Diana Beresford-Kroeger, auteure d’un livre : « To speak for the Tree », traduit et publiĂ© en français sous le titre : « La voix des arbres. Une vie au service des arbres, du savoir des druides aux plus rĂ©centes dĂ©couverts de la botanique » (2). Cette Ɠuvre est le fruit d’un parcours original qui nous est rĂ©sumĂ© ainsi : «  Une jeune orpheline en Irlande dans les annĂ©es 1950 que les femmes de la vallĂ©e de Lisheens ont prise sous leurs ailes pour lui transmettre un savoir ancestral. Un esprit brillant, une scientifique accomplie, Ă  la double compĂ©tence en biochimie mĂ©dicale et en botanique. Une amoureuse passionnĂ©e de la forĂȘt. Diana Beresford-Kroger est tout cela Ă  la fois, et son itinĂ©raire rĂ©solument atypique l’amĂšne Ă  opĂ©rer la synthĂšse de son hĂ©ritage celte et des connaissances scientifiques actuelles pour rĂ©concilier l’homme et la forĂȘt. Depuis des annĂ©es, elle consacre toute son Ă©nergie Ă  prĂ©server la biodiversitĂ© forestiĂšre, aussi bien en apportant sa caution scientifique Ă  diffĂ©rentes luttes que dans l’espace de son arboretum canadien ,oĂč elle s’acharne Ă  regrouper et Ă  hybrider des espĂšces particuliĂšrement adaptĂ©es au changement climatique  » (page de couverture).

Harmonie celte. La vallée de Lisheens

 Diana a eu un pĂšre anglais et une mĂšre irlandaise. Son pĂšre et sa mĂšre se sĂ©parent. A l’ñge de 12 ans, Dina perd sa mĂšre dans un accident. Elle se retrouve seule, orpheline. Elle Ă©chappe Ă  la menace, enfermĂ©e dans un pensionnat de mauvaise rĂ©putation, car un oncle accepte de la prendre sous sa responsabilitĂ© jusqu’à sa majoritĂ© Ă  21 ans. La relation avec celui-ci ira en s’amĂ©liorant dans le temps. Adolescente, elle bĂ©nĂ©ficie de la grande bibliothĂšque de son oncle et une conversation s’établit avec lui. Par ailleurs, sa rĂ©putation scolaire va croissante. A la fin de ses Ă©tudes secondaires, elle entrera Ă  l’universitĂ©. Cependant, Diana fait Ă©tat des souffrances, de la solitude et de la peur, qui ont marquĂ© ses jeunes annĂ©es. En contre point, les vacances d’étĂ© qu’elle a passĂ©es dans la vallĂ©e de Lisheens ont Ă©tĂ© pour elle une planche de salut, car non seulement elle y a trouvĂ© une chaleur affective, mais elle y a accĂ©dĂ© Ă  une sagesse, la sagesse celte encore prĂ©sente dans le refuge de cette vallĂ©e.

« Aujourd’hui encore, Liesheens tient un place unique dans le paysage de mon esprit. Une gĂ©nĂ©rositĂ© presque tangible y imprĂ©gnait l’atmosphĂšre. J’ai eu la chance d’en bĂ©nĂ©ficier pendant le temps que j’ai passĂ© lĂ -bas avec Nellie (sa grand-tante) et Pat. En matiĂšre d’hospitalitĂ©, les lois (celtes) des brehons s’appliquaient toujours avec la mĂȘme vigueur, or, en vertu de ces lois, en tant qu’orpheline, je devenais enfant de tous. MĂȘme le plus pauvre des pauvres se devait de me donner quelque chose
 AprĂšs la mort de mes parents, mes liens avec les habitants de la vallĂ©e sont devenus plus profonds. Les gens me regardaient diffĂ©remment. Ils me saluaient avec une chaleur qui me faisait monter les larmes aux yeux » (p 36-37).

« Pendant mon enfance, cette vallĂ©e rurale Ă©tait peut-ĂȘtre le site le  plus riche et le mieux conservĂ© de la culture celte dans tout le pays (p 38). Diana en dĂ©crit diffĂ©rents aspects : les artefacts en pierre, l’alphabet ogham, la langue gaĂ©lique. « D’habitude, le transfert de savoir d’une gĂ©nĂ©ration Ă  l’autre n’avait lieu que dans le cadre de la famille ». Ici, on fit une exception pour Diana. Elle apprit par la voix douce de sa tante le projet de lui donner une Ă©ducation celte. « Elle m’a expliquĂ© que j’allais bĂ©nĂ©ficier de ce qu’elle appelait « une tutelle brehonne », un arrangement grĂące auquel on m’enseignerait tout ce que je devais savoir pour ĂȘtre autonome en tant que jeune fille, bientĂŽt femme. J’aurais de nombreux professeurs qui m’enverraient chercher le moment venu. Elle serait la premiĂšre et nos leçons devaient commencer sur le champ » (p 41).

Effectivement, Nellie emmena Diana dans des chemins et dans des lieux oĂč poussaient de multiples plantes et de multiples fleurs. Elle cueillit une feuille parmi bien d’autres et la prĂ©senta Ă  Diana en lui demandant de la sentir, de la mĂ©moriser et en l’appelant par son nom. Elle poursuivit son instruction en lui prĂ©sentant une plante mĂ©dicinale « Il s’agit d’un remĂšde important pour de nombreux maux. On s’en sert pour guĂ©rir les rhumes en hiver et pour Ă©loigner les insectes ou traiter les piqĂ»res en Ă©tĂ©. C’est une herbe trĂšs ancienne qu’on utilisait il y a bien longtemps dans les cĂ©rĂ©monies et dont les propriĂ©tĂ©s sont puissantes
 Elle passa Ă  une autre plante avant de se lancer dans l’exposĂ© de ses propriĂ©tĂ©s mĂ©dicinales. C’est ainsi que s’est dĂ©roulĂ©e une promenade pharmaceutique
 » (p 42). DĂ©concertĂ©e au dĂ©part, Diana s’est mise Ă  apprendre petit Ă  petit. « Entre les leçons de Nellie, ou Ă  l’occasion celles de Pat, s’intercalaient d’autres leçons avec des professeurs rĂ©partis dans toute la vallĂ©e. L’effectif final dĂ©passait les vingt personnes et l’infirmiĂšre, Madame Creedon, qui connaissait tout le monde Ă  l’entour, Ă©tait la grande organisatrice de mon planning » (p 43). Les leçons portaient sur diffĂ©rents sujets : poĂ©sie, propriĂ©tĂ©s des ‘simples’, compĂ©tences pratiques, psychologie de la vie quotidienne, mĂ©ditation celte par le silence
 Et puis, il y avait l’école de la vue : une relation heureuse avec les animaux de la ferme, et parfois un conseil thĂ©rapeutique comme celui qui lui permit de se dĂ©barrasser de verrues. Diana recevait des leçons trĂšs variĂ©es. « Ce n’est qu’en grandissant que certaines leçons ont pris un sens renouvelĂ© pour des raisons diverses. Les unes m’ont appris des vĂ©ritĂ©s profondes sur moi-mĂȘme, des compĂ©tences et des maniĂšres d’approcher le monde qui m’ont propulsĂ©e vers mes plus grandes rĂ©ussites. D’autres m’ont montrĂ© qu’on pouvait avoir un vision plus globale de la nature
 » (p 63). En apprenant l’alphabet oghamique, Diana a dĂ©couvert que la plupart des lettres portaient le nom d’un arbre. Dans la deuxiĂšme parie de son livre, elle entreprend une description des arbres et de leurs qualitĂ©s en se rĂ©fĂ©rant aux lettres de cet alphabet.

«  A la fin de la troisiĂšme annĂ©e d’enseignement, Nellie m’a emmenĂ©e au cabinet de l’infirmiĂšre
 Quand nous sommes arrivĂ©s, il y avait lĂ  tous les gens de la vallĂ©e qui avaient contribuĂ© Ă  mon Ă©ducation au cours de ma tutelle. C’était une cĂ©rĂ©monie de fin d’études. Au milieu de la salle et de toutes ces vieilles personnes chĂšres Ă  mon cƓur, je me suis sentie enveloppĂ©e d’amour, baignĂ©e dans une chaleur inouĂŻe. J’étais capable de tout rĂ©ussir, une certitude dont j’aurais besoin plus tard. Mary Cronin Ă©tait lĂ  pour mettre un point final Ă  ma tutelle en se penchant sur mon avenir. Mary Ă©tait la prophĂ©tesse locale. Le don de clairvoyance se transmettait dans sa famille
 A la fin, elle ouvrit les bras pour englober toute la salle et j’ai compris qu’elle m’indiquait ainsi que ces derniers mots venaient de tous les prĂ©sents, de toute la vallĂ©e et de la tradition celte. « Diana, tu as reçu une charge sacrĂ©e », a-t-elle dit d’une voix brisĂ©e par l’émotion. « Nous sommes vieilles, nous ne vivrons pas Ă©ternellement. A notre mort, tu seras la derniĂšre voix de l’ancienne Irlande. Il n’y en aura plus aprĂšs toi » (p 84).

 

Une recherche intégrative

Une approche interdisciplinaire prenant en compte les savoirs ancestraux

Scolairement excellente, aprĂšs ses Ă©tudes secondaires, Diana est entrĂ©e Ă  l’UniversitĂ© de Cork. Elle a optĂ© « pour un double cursus en biochimie mĂ©dicale et en botanique ». Et trĂšs vite, elle exprime un grand enthousiasme pour des dĂ©couvertes qui traduisent un lien entre les savoirs reçus dans son Ă©ducation celte et les connaissances botaniques. « Mon deuxiĂšme TD de Botanique portait sur Chondras crispus, une algue rouge connue sous le nom de « mousse d’Irlande ». La voir lĂ  sur la table du labo, c’était comme tomber sur un vieil ami dans un nouveau dĂ©cor. Ma grand-tante Nellie m’avait parlĂ© de cette algue Ă  Lisheens
 Elle m’avait appris qu’au temps de la grande Famine, au milieu du XIXe siĂšcle, les gens Ă©taient particuliĂšrement exposĂ©s Ă  la tuberculose Ă  cause de la malnutrition. Chondras crispus, disait-elle, recelait le remĂšde Ă  ce mal. Il fallait arracher la plante du rocher et la faire bouillir entiĂšre, et elle libĂ©rait alors un mucilage visqueux aux puissantes vertus curatives efficaces dans le traitement de la tuberculose
 En dissĂ©quant l’algue, j’ai constatĂ© qu’elle contenait effectivement du mucilage. A la fin du TD, je me suis prĂ©cipitĂ© Ă  la bibliothĂšque de mĂ©decine. Et j’y ai appris que la substance gĂ©latineuse issue du Chondras crispus avait de puissantes propriĂ©tĂ©s antibiotiques  » (p 89-90).

Ce fut lĂ  le premier croisement entre les savoirs reçus par Diana dans la vallĂ©e celte et son enseignement universitaire. Et cela a comptĂ© pour elle. « Il est difficile de dĂ©crire le sentiment que m’a procurĂ© la confirmation des enseignements de Nellie. J’aimais beaucoup mes professeurs de Lisheens, mais je n’avais pas totalement exclu l’idĂ©e qu’ils m’avaient transmis de vieilles superstitions. J’avais besoin de vĂ©rifier par moi-mĂȘme ce qu’ils m’avaient appris
 Lire dans un volume de la facultĂ© de mĂ©decine que Chondras crispus contenait bel et bien des actifs que Nellie avait Ă©voquĂ©s, aprĂšs avoir moi-mĂȘme tirĂ© de cette algue la substance dont elle m’avait parlĂ©, voilĂ  qui constituait la premiĂšre preuve irrĂ©futable que les leçons dispensĂ©es pendant ma tutelle Ă©taient fondĂ©es sur des faits. J’en tirai du soulagement, un sentiment d’accomplissement et la joie que l’on Ă©prouve face Ă  la vĂ©ritĂ© de la nature ». Diana a compris lĂ  quelle serait sa mission. « Le savoir que j’avais reçu Ă  Lisheens se transmettait oralement. Il n’existait sous aucune autre forme. Or, dans la bibliothĂšque de mĂ©decine, je retrouvais ces mĂȘmes connaissances, obtenues et prĂ©sentĂ©es de maniĂšre totalement diffĂ©rente, puisque consignĂ©es dans un livre. A cet instant, j’ai compris que je pouvais servir de pont entre ces deux mondes, celui de mes ancĂȘtres et le monde scientifique. Cette prise de conscience extrĂȘmement motivante me donna envie de mettre Ă  l’épreuve tout ce qu’on m’avait enseignĂ© Ă  Lisheens (p 91).

Diana s’est donc engagĂ©e, au fur et Ă  mesure, dans cette recherche. « Mon double cursus m’a Ă©quipĂ©e de l’association idĂ©ale pour Ă©prouver les connaissances de Lisheens. J’ai pu trĂšs tĂŽt dĂ©celer les liens entre le monde mĂ©dical et le monde botanique » (p 92). Diana s’est intĂ©ressĂ© aux propriĂ©tĂ©s biochimiques des plantes et elle a Ă©tabli un lien avec ses nouvelles connaissances en biochimie humaine. Elle a poursuivi ensuite son approche intĂ©grative expĂ©rimentĂ©e lors de son premier cycle universitaire. « Le modĂšle de recherche grossier que j’ai crĂ©Ă© pour moi-mĂȘme au premier cycle est celui dont je me suis servi pendant toute ma carriĂšre universitaire. Les sources de connaissance sur lesquelles il est fondĂ© – les savoirs celtiques ancestraux, la botanique classique et la biochimie mĂ©dicale – ont façonnĂ© ma pensĂ©e. Quand j’étudie une plante, mon esprit a tendance Ă  travailler dans deux directions Ă  la fois. A partir de ma comprĂ©hension du vĂ©gĂ©tal, je vais vers le corps humain, et Ă  partir de ma comprĂ©hension du corps humain, je vais vers le vĂ©gĂ©tal. Je n’ai jamais Ă©chouĂ© Ă  trouver un ou plusieurs points oĂč se rejoignent ces deux directions. Chaque plante est intimement liĂ©e aux  ĂȘtres humains et Ă  notre santĂ©. Les gens de Lisheens le savaient aussi bien que d’autres choses encore. De ces toutes premiĂšres recherches jusqu’à aujourd’hui, j’ai pu confirmer scientifiquement presque tout ce qu’ils m’ont enseignĂ© lors de ma tutelle. La seule chose qui ait Ă©chappĂ© Ă  mon entendement, c’est la tĂ©lĂ©pathie, ces liens invisibles dont ils m’ont dit qu’ils existaient entre les esprits humains.  Je travaille encore dessus » (p 93).

 Diana rĂ©ussit brillamment son premier cycle universitaire et elle se pose alors la question de son orientation. Elle en a envisagĂ© deux : « poursuivre vers un diplĂŽme de mĂ©decine – la suite logique de ma formation de biochimie – ou passer en maitrise » (p 98). Finalement, « elle a optĂ© pour un master dans la continuitĂ© de ses Ă©tudes de biochimie et de botanique. C’était la voie qui m’offrait la vision et la comprĂ©hension les plus larges possibles du monde naturel. Mon sujet de recherche portait sur les hormones qui rĂ©gulent les plantes et sur la rĂ©sistance au gel de toutes les espĂšces
 Je voulais comprendre les limites du monde vĂ©gĂ©tal et l’une des clĂ©s pour cela consistait Ă  comprendre l’action rĂ©gulatrice des hormones chez les plantes ». Diana dĂ©veloppait une vision globale : « La biochimie de l’humanitĂ© liĂ©e Ă  celle des arbres et des plantes, ce qu’on pouvait voir dans les hormones ». Et, de mĂȘme, elle a pris connaissance du processus de la photosynthĂšse et de son rĂŽle crucial dans le maintien de l’équilibre climatique. « Que se passerait-il si les plantes – disons les forĂȘts – disparaissaient de la planĂšte ? La rĂ©ponse est Ă©vidente : la vie s’éteindrait » (p 102-103). Dans les serres de l’universitĂ©, « Diana a mesurĂ© la taille, la croissance et les proportions d’un vaste Ă©ventail d’espĂšces placĂ©es dans diffĂ©rentes conditions environnementales. Elle examinait le plus largement possible la façon dont les plantes rĂ©agissent aux modifications de leur environnement  » (p 101). Ces premiĂšres recherches terminĂ©es en 1965, « ont permis d’identifier des caractĂ©ristiques permettant de dĂ©terminer les espĂšces les mieux Ă©quipĂ©es pour survivre dans un monde en transformation. J’ai moi-mĂȘme suivi ce guide pour sĂ©lectionner et sauvegarder des espĂšces patrimoniales de plantes et d’arbres rares sur la ferme que j’habite aujourd’hui » (p 105).

Les excellents rĂ©sultats universitaires de Diana lui permettaient de postuler Ă  de nombreux postes. Elle a acceptĂ© une bourse fĂ©dĂ©rale amĂ©ricaine pour Ă©tudier la chimie nuclĂ©aire sur le campus de Storrs, universitĂ© du Connecticut. Ella a choisi ensuite pour son doctorat l’UniversitĂ© Carleton Ă  Ottawa au Canada. Le champ d’étude serait les hormones chez les plantes. « Me basant sur ma comprĂ©hension prĂ©existante de la biochimie mĂ©dicale, j’ai Ă©largi mon champ d’investigation au delĂ  de la botanique et comparĂ© la fonction des hormones chez les plantes et les ĂȘtres humains. L’action de ces substances avaient Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©es chez les hommes, mais leur existence chez les arbres n’était pas connue
 J’ai prouvĂ© que ces voies mĂ©taboliques existaient chez les plantes, plus chez certaines que chez d’autres, et surtout chez les arbres » (p 211). Ainsi, selon Diana, « les arbres contiennent les mĂȘmes substances que notre cerveau ». AprĂšs avoir obtenu son doctorat, Diana a travaillĂ© dans une ferme expĂ©rimentale, puis Ă  la facultĂ© de mĂ©decine d’Ottawa.

 L’itinĂ©raire professionnel de Diana a donc Ă©tĂ© riche et fĂ©cond. Et nĂ©anmoins, elle a du « faire face aux frustrations familiĂšres Ă  toute femme tentant de s’imposer au milieu professionnel dans les annĂ©es 1970 et 1980 » (p 115). Cependant elle va s’installer dĂ©finitivement au Canada. Elle se dit « redevable aux peuples autochtones d’AmĂ©rique du Nord qui, globalement, ont gardĂ© intact le continent » ; Ă  son arrivĂ©e, le Canada lui est apparu comme «  un pays d’une grande beautĂ© oĂč l’eau Ă©tait abondante
 Ici le systĂšme botanique Ă©tait phĂ©nomĂ©nal. J’avais envie de crier au monde que ce pays Ă©tait fabuleux  » (p 110). C’est lĂ , dans une soirĂ©e Ă  Carleton qu’elle rencontre celui qui va devenir son mari Christian Kroeger. « Nous sommes sortis ensemble, nous avons achetĂ© un terrain, nous nous sommes mariĂ©s et nous nous sommes mis au travail, marteau en main, pour construire cette ferme oĂč nous vivons maintenant depuis plus de quarante ans » (p 114).

 

La voix des arbres et des forĂȘts

Diana va s’installer dans ce lieu et, avec Christian, elle va y rĂ©aliser un nouvel Ă©cosystĂšme en partant Ă  la recherche d’espĂšces en voie de disparition pour les accueillir dans cet ensemble. En se libĂ©rant de ses contraintes professionnelles, elle va consacrer Ă  cette tĂąche toute son Ă©nergie. « ArrivĂ©e Ă  un point oĂč je ne supportais plus la situation Ă  mon travail, je suis rentrĂ©e et j’ai dit Ă  Christian que j’en avais assez des brimades, du harcĂšlement sexuel et de la mesquinerie typique des sciences Ă  l’universitĂ©. Nous avions dĂ©jĂ  construit une maison, et plantĂ© des jardins et un verger » (p 115).

Lors de son mariage avec Christian en 1974, Diana s’était vu offrir par ses collĂšgues les fruitiers rustiques qu’elle avait sollicitĂ©. Pour le dĂ©veloppent du jardin potager, elle avait recours Ă  « un large Ă©ventail de semences patrimoniales. « Quand nous avions tous les deux un peu de temps libre, nous nous lancions dans des expĂ©ditions pour dĂ©nicher des plantes locales dans l’est de l’Ontario
 Je voulais des arbres aussi proches que possibles de la forĂȘt primaire. ». Ils recherchaient tout particuliĂšrement les lieux sauvages qui avaient ainsi Ă©chappĂ© Ă  l’éradication systĂ©matique des colons. « C’est lĂ  qu’on trouvait encore des arbres indigĂšnes de qualitĂ© ». « Quand Christian et moi cherchions des fruitiers Ă  ajouter Ă  notre verger, nous nous mettions en quĂȘte de vestiges de ferme dans des secteurs inhabitĂ©s identifiĂ©s comme des terres agricoles sur de vieilles cartes et toutes mes roses proviennent de boutures prĂ©levĂ©es dans des cimetiĂšres oubliĂ©s
 j’ai Ă©galement crĂ©Ă© mon allĂ©e de ‘simples’ perdus d’AmĂ©rique du Nord. La philosophie biochimique qui prĂ©side Ă  ce secteur du jardin est basĂ©e sur les aĂ©rosols, ou composĂ©s organiques volatils, libĂ©rĂ©s par les plantes, fondement scientifique de bon nombre de vieux remĂšdes autochtones. Leurs propriĂ©tĂ©s curatives m’intĂ©ressent particuliĂšrement en tant que scientifique
 » (p 123).

Diana et Christian ont parlĂ© avec de vieux fermiers. Ils sont partis Ă  la recherche d’espĂšces d’arbres perdues de vue.

« Toutes les PremiĂšres nations connaissaient le Prela  trifoliata et s’en servaient dans leur mĂ©decine traditionnelle. Cet arbre contient un actif synergique qui stimule les principaux organes et augmente leur mĂ©tabolisme  » (p 126). Elle a entamĂ© une enquĂȘte pour le retrouver. Pas de rĂ©ponse. « Cet arbre avait autrefois une immense valeur et je pense qu’il pouvait toujours en avoir une pour l’avenir, mais au lieu de cette puissance positive, capable de soigner, nous avons une soustraction, un trou en forme d’arbre – et du remĂšde qui allait avec » (p 127). Cinq ans plus tard, dans une invitation au Texas, Diana a rencontrĂ© une riche personne qui possĂ©dait des terres au Nouveau Mexique, et notamment des terres rocailleuses. Or Prelea pousse dans la rocaille. Diana lui demanda donc si on pouvait trouver un Prelea dans son domaine. Et finalement, Ă  la grand joie de Diana, on en a effectivement trouvĂ© un au Nouveau Mexique.

Avec son mari, Diana est parvenu Ă  dĂ©velopper un Ă©cosytĂ©me bien pensĂ© et bien gĂ©rĂ©. « Je peux dire aujourd’hui que l’intĂ©gralité  de nos soixante-cinq hectares est pensĂ©e de façon Ă  encourager la vie. Les haies que nous avons plantĂ©es en pĂ©riphĂ©rie attirent des oiseaux et des insectes qui trouvent amplement de quoi se nourrir et se loger quand ils arrivent, ainsi qu’un rĂ©pit face Ă  l’offensive chimique qu’ils subissent presque partout ailleurs. Des dĂ©tails tels que l’emplacement des nichoirs sur notre promenade des Merles bleus ou la dĂ©cision de laisser les pics maculĂ©s tranquilles, s’inscrivent dans une dĂ©marche cohĂ©rente. En contemplant le tout, on pourrait facilement croire qu’un plan unique a prĂ©sidĂ© Ă  l’amĂ©nagement de notre ferme. Ce n’est pas faux. DĂšs le dĂ©but, le plan consistait Ă  tendre vers le plan inhĂ©rent de la nature
 J’ai commencĂ© Ă  sauver des espĂšces parce que je les estimais trop importantes pour qu’on les laisse disparaitre. Quand j’ai choisi d’insister sur les rĂ©sistances au gel et Ă  la sĂ©cheresse, c’est parce que le travail fait pendant mon master m’avait convaincu que la dĂ©forestation mĂšnerait tout droit au changement climatique » (p 137).

Un jour, Diana a pris conscience de l’originalitĂ© de ce processus. « Un matin, je me suis rĂ©veillĂ©e devant le spectacle d’un cardinal rouge qui me fixait depuis une branche de l’abricotier couvert de fleurs roses en Ă©toile. J’ai alors vĂ©cu un instant d’harmonie, ou j’ai mesurĂ© pour la premiĂšre fois tout ce que j’avais construit en partenariat avec le monde naturel
 J’ai inventĂ© le terme « bioplanification » pour dĂ©crire ma dĂ©marche
 Le « bioplan » est un « schĂ©ma directeur de toute l’interconnexion de la vie dans la nature ». C’est la toile visible et invisible qui relie le saule au pic maculĂ©, au papillon, Ă  l’ichneumon, et qui les relie tous Ă  nous
 La bioplanification, c’est l’acte de faciliter et d’encourager le bioplan. Dans un jardin ou sur une ferme, cela implique de rĂ©aligner le jardin pour faciliter son utilisation comme habitat naturel » (p 138).

Comme nous avons pu nous en rendre compte jusqu’ici, Diana accorde une grande importance aux arbres. Elle en connaĂźt les vertus. Face au changement climatique, elle proclame l’importance des forĂȘts (p 140-141). Diana consacre un chapitre Ă  ce qu’elle appelle l’arbre mĂšre. Elle Ă©voque lĂ  de grands arbres qui entretiennent tout un Ă©cosystĂšme, des oiseaux qui viennent se poser dans leurs branches jusqu’aux plantes qui poussent Ă  l’ombre de leur feuillage. « Ce sont des points focaux d’activitĂ© et de vitalité  Les arbres mĂšres sont des individus dominants dans n’importe quel systĂšme forestier. Ils produisent acides aminĂ©s, acides gras, protĂ©ines vĂ©gĂ©tales et sucres complexes qui nourrissent le monde naturel
 Bon nombre d’arbres mĂšres protĂšgent le sol qu’ils occupent en produisant un arsenal de composĂ©s allĂ©lochimiques qui, dĂšs le printemps, se dĂ©versent automatiquement dans la terre. Cela permet Ă  l’arbre de prĂ©parer son propre terrain Ă  recevoir les minĂ©raux dont il a besoin. L’arbre mĂšre adulte diffuse dans l’air qui l’entoure des aĂ©rosols incitatifs ou dissuasifs. Il peut nourrir et protĂ©ger d’autres individus sous sa canopĂ©e. Il est un des meneurs de cette communautĂ© que nous appelons forĂȘt, et partout sur terre, les forĂȘts reprĂ©sentent la vie » (p 149).

 

Un engagement

La vie de Diana se manifeste dans la recherche et dans l’expĂ©rimentation, mais aussi dans la promotion d’une vision et dans une action militante. Elle intervient pour protĂ©ger la forĂȘt. Elle rend hommage Ă  ceux qui en prennent soin. Ainsi raconte-t-elle comment dans un colloque consacrĂ© Ă  la forĂȘt, elle a fait l’éloge des peuples autochtones du Canada, des PremiĂšres Nations (p 154).

Cet engagement s’inscrit dans une vision spirituelle.

« J’ai eu la chance immense de naĂźtre juste Ă  temps pour recevoir une instruction celtique
 C’est armĂ©e de cette vision spirituelle de la nature que je suis entrĂ©e dans les cercles universitaires et j’ai dĂ©couvert qu’elle n’y Ă©tait pas la bienvenue. On m’a dit que la science et le sacrĂ© ne faisait pas bon mĂ©nage. Chez les universitaires, un scientifique n’est pas censĂ© se fier au savoir des cultures autochtones. C’est cette attitude, entre autres, qui m’a Ă©loignĂ©e des institutions scientifiques et Ă©ducatives et poussĂ©e dans la marge ; j’y ai ƓuvrĂ© de longues annĂ©es avant de trouver un public avec qui partager ce que j’avais appris, ce que j’avais toujours su et ce que j’avais Ă  dire. A prĂ©sent, toutefois, je sais que cette foi dans la valeur spirituelle et scientifique des forĂȘts n’est pas condamnĂ©e Ă  rester Ă  la marge de notre culture. Un mouvement de masse peut naĂźtre  » (p 160).

 Ainsi, le livre de Diana s’achĂšve par une vision mobilisatrice. « Une divinitĂ© que nous comprenons tous se manifeste dans la nature. Quand on marche en forĂȘt, qu’elle soit petite ou grande, on arrive dans un certain Ă©tat d’esprit et on en ressort plus calme. On a cette sensation d’arpenter une cathĂ©drale, et on n’est plus jamais le mĂȘme. On sort du bois en sachant qu’il nous est arrivĂ© quelque chose de plus grand. La science nous permet d’expliquer en partie cette expĂ©rience sacrĂ©e. Nous savons Ă  prĂ©sent que les alpha – et le bĂȘta – pinĂšnes produits par la forĂȘt amĂ©liorent l’humeur et affectent le cerveau Ă  travers le systĂšme immunitaire, que les pinĂšnes libĂ©rĂ©s dans l’air par les arbres sont absorbĂ©s par notre corps, qu’ils nous recentrent et nous inspirent de la pitiĂ© par rapport Ă  ceux que nous voyons. Une simple marche en forĂȘt agit comme des vacances sur l’esprit et sur l’ñme, et permet Ă  votre imagination et Ă  votre crĂ©ativitĂ© de fleurir. A mon sens, c’est un miracle et il nous reste tant d’autres miracles Ă  dĂ©couvrir. Nous Ă©prouverons la joie de ces miracles. Nous sauverons les forĂȘts et notre planĂšte  » (p 164).

 

Un livre original

 Ce livre nous prĂ©sente un parcours particuliĂšrement original puisque, pour une part essentielle, il tĂ©moigne du passage d’une civilisation traditionnelle Ă  la culture moderne. La civilisation celte nous apparaĂźt aujourd’hui comme une grande civilisation. Elle a mĂȘme rĂ©ussi Ă  se maintenir pendant de siĂšcles Ă  l’ouest de l’Europe. Diana Beresford-Kroeger a pu en recueillir la substance avant qu’elle ne disparaisse sous la pression de la culture scientifico-technique occidentale. Cette derniĂšre cependant entre aujourd’hui dans une crise profonde, parce que ses  dĂ©rives ont entrainĂ© et entrainent de redoutables dĂ©rĂšglements. Si un courant se lĂšve pour promouvoir un Ăąge de vivant, il se heurte aux crispations de la culture moderne individualiste et Ă  une mentalitĂ© technico scientifique analytique et rĂ©ductionniste. La philosophe Corinne Pelluchon exprime clairement cette rĂ©alité : « Le potentiel de destruction attachĂ© au rationalisme moderne doit ĂȘtre examinĂ© ave la plus grande attention
 Dans les dĂ©rives, Corinne Pelluchon envisage une raison se rĂ©duisant Ă  une rationalitĂ© instrumentale, oubliant d’accorder attention Ă  la dimension des fins : « ce qui vaut », et un dualisme sĂ©parant l’humain du vivant » (3).

De fait, l’approche Ă©cologique prĂ©sente une dimension holistique. Les conceptions du monde qui prĂ©valent dans de nombreuses sociĂ©tĂ©s, non occidentales, ne s’alignent pas sur la pensĂ©e mĂ©caniste qui s’attarde en Occident. A cet Ă©gard, le parcours de Diana Beresford-Kroeger est extraordinairement Ă©clairant. En effet, elle nous prouve la validitĂ© et la consistance de savoirs ancestraux fondĂ©s sur une expĂ©rience collective de longue durĂ©e et elle nous invite Ă  reconnaĂźtre des valeurs spirituelles et Ă©thiques en phase avec une recherche de sens renouvelĂ©e. On pourrait croiser cette approche avec celle de certains anthropologues.

Cependant, l’apport de Diana montre Ă©galement l’efficacitĂ© et l’utilitĂ© de disciplines scientifiques comme la biochimie et, bien sur, la botanique. Et aujourd’hui, le scientisme est en recul. Comme le montre Vinciane Despret dans son livre : « Le loup habitera avec l’agneau » (4), aujourd’hui, en Ă©thologie, le mĂ©thodologies rigides sont contestĂ©es. PionniĂšre de la recherche sur les chimpanzĂ©s, Jane Goodhall s’est distinguĂ©e par son ouverture, sa reconnaissance du vivant (5) et elle vient de recevoir le prix Templeton ; ce prix, dĂ©cernĂ© depuis plusieurs dizaines d’annĂ©es montre que science et spiritualitĂ© peuvent faire bon mĂ©nage. Diane Beresford-Kroeger Ă©voque « une expĂ©rience sacrĂ©e » en prĂ©sence de la forĂȘt. Jane Goodhall Ă©prouvait un sentiment comparable dan la forĂȘt de GombĂ©. Aujourd’hui, Ă  l’ñge du vivant, la spiritualitĂ© va de pair avec l’écologie. Ainsi, thĂ©ologien, sociologue et acteur dans la vie civile, Michel Maxime Egger a Ă©crit un livre intitulé : « Ecospiritualité » (6) : « L’écospiritualitĂ© affirme que l’écologie et la spiritualitĂ© forment un tout parce que sans une nouvelle conscience et un sens du sacrĂ©, il ne sera pas possible de faire la paix avec la Terre ». Et il nous appelle Ă  « rĂ©enchanter notre relation avec le vivant » (7).

Le tĂ©moignage de Diana Beresford-Krueger apporte une note originale dans cette littĂ©rature. C’est d’abord l’histoire d’une vie qui a souffert de sa condition d’orpheline et qui ayant trouvĂ© un rĂ©confort dans une vallĂ©e d’Irlande peut nous entretenir de la grandeur de la civilisation celte juste avant qu’elle ne disparaisse. Elle nous lĂšgue ainsi le trĂ©sor de ses savoirs et de ses pratiques, mais en en montrant la fĂ©conditĂ© et l’actualitĂ© grĂące aux Ă©tudes scientifiques qu’elle a pu entreprendre et Ă  la recherche de grande ampleur qui s’en est suivie et qui a mis en valeur l’apport des arbres et des forĂȘts

Jean Hassenforder

 

  1. Peter Wohlleben. La vie secrĂšte des arbres. Les ArĂšnes, 2017
  2. Diana Beresford-Kroeger. La voix des arbres. Une vie au service des arbres, du savoir des druides aux plus récentes découvertes de la botanique. Tana éditions, 2023. Les éditions Tana publient des livres concernant la pratique écologique
  3. Des lumiùres à l’ñge du vivant : https://vivreetesperer.com/des-lumieres-a-lage-du-vivant/
  4. Une vision nouvelle des animaux : https://vivreetesperer.com/une-vision-nouvelle-des-animaux/
  5. Jane Goodhall : Une recherche pionniÚre sur les chimpanzés, une ouverture spirituelle, un engagement écologique : https://vivreetesperer.com/jane-goodall-une-recherche-pionniere-sur-les-chimpanzes-une-ouverture-spirituelle-un-engagement-ecologique/
  6. Ecospiritualité : https://vivreetesperer.com/ecospiritualite/
  7. Réenchanter notre relation avec le vivant : https://vivreetesperer.com/reenchanter-notre-relation-au-vivant/

Comme les oiseaux du ciel


GĂ©nĂ©reusement ouverte en « creative commons », la galerie de Siddarth Sharma (1), nous prĂ©sente, entre autres, des images harmonieuses de petits oiseaux voletant parmi des plantes fleuries. « Les colibris », nous dit-on sur le dictionnaire Larousse, « fascinent par leur taille minuscule. Ils passent de fleur en fleur pour trouver le nectar qui constitue l’essentiel de leur alimentation » (2). Ces photos expriment une harmonie colorĂ©e entre les oiseaux et les fleurs, et on trouve matiĂšre Ă  contemplation dans ces instants oĂč le temps semble suspendu dans la paisible beautĂ© qui s’offre Ă  nous.

#

_SMS2194

Pierre Rabhi, bien connu de tous ceux qui militent pour une pratique de vie Ă©cologique, nous raconte une lĂ©gende amĂ©rindienne (3). Au cours d’un immense incendie qui semble Ă©chapper Ă  tout contrĂŽle et Ă  tout remĂšde, un colibri s’active quand mĂȘme en petit pompier. Les autres animaux sont atterrĂ©s, mais, Ă  ses dĂ©tracteurs qui lui disent : « Ce n’est pas avec ses gouttes d’eau que tu vas Ă©teindre le feu », il rĂ©pond : « Je le sais, mais je fais ma part ». La vie, qui refuse la mort, se manifeste ainsi dans la persĂ©vĂ©rance et dans l’humilitĂ©. Et, sur ces photos, dans une apparence de fragilitĂ©, ces petits oiseaux s’inscrivent dans une harmonie qui les porte.

Dans l’Evangile de Matthieu (Mat 6. 15-34), JĂ©sus Ă©voque les oiseaux du ciel : « Regardez les oiseaux du ciel.  Ils ne sĂšment, ni ne moissonnent. Ils n’amassent rien dans les greniers, mais votre PĂšre cĂ©leste les nourrit  ». Et, de mĂȘme, JĂ©sus Ă©voque la beautĂ© des fleurs : « ConsidĂ©rez comment croissent les lis des champs : ils ne travaillent, ni ne filent. Cependant, je vous dis que Salomon, mĂȘme dans toute sa gloire, n’a pas Ă©tĂ© vĂȘtu comme l’un d’eux ». Dans son enseignement connu sous le titre de « Sermon sur la montagne », JĂ©sus nous appelle Ă  sortir de notre Ă©gocentrisme et Ă  vivre en harmonie avec Dieu et avec les hommes : « Cherchez premiĂšrement le royaume et la justice de Dieu ». Dans la confiance qui inspire et accompagne cette dĂ©marche, nous recevrons, en mĂȘme temps, une rĂ©ponse Ă  nos besoins.

#

_SMS2226

Le contexte est bien l’interconnexion entre Dieu, les hommes et la nature. Dans un commentaire (4), un thĂ©ologien grec nous rappelle d’autres textes bibliques qui mettent en Ă©vidence la gĂ©nĂ©rositĂ© de Dieu dans la crĂ©ation. Ainsi le psaume 104 est entiĂšrement dĂ©diĂ© Ă  cette prĂ©sence crĂ©atrice dans une Ă©vocation souvent trĂšs poĂ©tique : « Il conduit les sources dans des torrents qui coulent entre les montagnes. Elles abreuvent tous les animaux des champs. Les Ăąnes sauvages y Ă©tanchent leur soif. Les oiseaux du ciel habitent sur leurs bords et font rĂ©sonner leur voix parmi les rameaux ». Et, dans la veine prophĂ©tique, en EsaĂŻe 65, une nouvelle terre est annoncĂ©e dans laquelle on trouvera paix et abondance. Ainsi, sommes nous Ă©galement invitĂ©s Ă  regarder en avant dans la vision d’une nouvelle crĂ©ation (5) dont nous pouvons voir des signes d’anticipation.

Lorsqu’elle Ă©voque les oiseaux du ciel et les fleurs des champs, la parole de JĂ©sus, nous appelle Ă  un regard ouvert au mouvement de la bontĂ© et de la gĂ©nĂ©rositĂ© de Dieu qui s’illustre aussi dans la beautĂ© de sa crĂ©ation. Les photos d’oiseaux que nous prĂ©sente Saddarth Sharma dans sa galerie tĂ©moignent de cette beautĂ© et nous ouvrent Ă  la contemplation.

#

J H

#

(1)            Galerie de Siddarth Sharma sur Flickr. http://www.flickr.com/photos/33587234@N04/with/6223883919/ Parmi les photos, certaines nous prĂ©sentent une faune et une  flore Ă©voquant des pays tropicaux, mais elles proviennent du parcours dans un marais en Floride et en GĂ©orgie aux Etats-Unis. La licence : « creative commons » permet la reproduction de ces photos, mais Ă©videmment en prĂ©cisant que notre commentaire n’engage pas l’auteur de celles-ci.

(2)            Les colibris, d’aprĂšs l’encyclopĂ©die Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/encyclopedie/vie-sauvage/colibri/184040

(3)            Sur le site : agir pour l’environnement : prĂ©sentation de « Colibris. Mouvement pour la terre et l’humanisme ». http://www.agirpourlenvironnement.org/partenaires/colibris

(4)            Ekarerini G Tsalampouni. Like the birds of the sky and the lilies of the fields. An orthodox eco-exegetical reading of Matthew 6. 25-34 in an age of anxiety. Une approche écologique dans la lecture exégétique du texte de Matthieu https://www.academia.edu/1483642

(5)            Comme en d’autres articles sur ce blog, nous trouvons un Ă©clairage dans la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann qui prend en compte, entre autres la dimension Ă©cologique : Voir : « Dieu dans la crĂ©ation » sur le blog : « l’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=766  Et, sur ce blog : « Vivre en harmonie avec la nature. Ecologie, thĂ©ologie et spiritualité » : https://vivreetesperer.com/?p=757

#

Voir aussi sur ce blog : « Voir Dieu dans la nature » : https://vivreetesperer.com/?p=152

Une vie pleine, c’est une vie qui a du sens

Emily Esfahani SmithLa vie aspire à plus qu’au bonheur

« There is more to life than being happy »

Selon Emily Esfahani Smith

Quelle vie voulons-nous avoir ? Qu’est-ce que nous recherchons en premier dans notre vie ? Quelle est notre reprĂ©sentation de la vie bonne, de la vie pleine ? Incidemment, ce questionnement transparait dans les vƓux que nous faisons Ă  nos proches et Ă  nos amis au nouvel an ou lors d’un anniversaire. Le mot bonheur vient alors Ă  notre esprit. Mais comment envisageons-nous le bonheur ? Sans doute, nous ne donnons pas tous la mĂȘme signification Ă  ce terme. Une jeune psychologue amĂ©ricaine, Emily Esfahani Smith nous appelle Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  cette question dans un entretien vidĂ©o TED : « There is more to life than being happy » (1).

De fait, il s’agit lĂ  d’une question existentielle, une question qui implique toute notre existence. Et si Emily l’aborde aujourd’hui en psychologue, c’est parce qu’elle se l’est posĂ©e d’abord dans sa premiĂšre jeunesse, dans sa vie d’étudiante. Ce questionnement a dĂ©bouchĂ© sur une recherche qui s’est inscrite dans le champ de la psychologie, une psychologie elle-mĂȘme en quĂȘte aujourd’hui dans ce domaine. Et, comme on le verra, ce mouvement n’est pas une particularitĂ© amĂ©ricaine. Il est aujourd’hui international.

DĂ©jĂ , aprĂšs la seconde guerre mondiale, un psychiatre, Viktor Frankl (2), en sortant de camps de concentration, avait mis en Ă©vidence l’importance vitale du sens qui donne Ă  notre vie une capacitĂ© de rĂ©sister aux Ă©preuves et une force dans la vie. Dans une autre conjoncture, Ă  un autre moment de l’histoire, Emily a Ă©tĂ© conduite Ă©galement Ă  se poser la question du sens, car elle s’est rendu compte que la recherche d’un bonheur superficiel, en terme de satisfaction individualiste et passagĂšre, dĂ©bouchait sur une impasse. Ainsi nous dit-elle : « Avant, je pensais que le but de la vie Ă©tait la poursuite du bonheur. Tout le monde disait que le chemin du bonheur Ă©tait la rĂ©ussite, alors j’ai cherchĂ© ce travail idĂ©al, ce petit ami idĂ©al, ce bel appartement. Mais, au lieu de me sentir satisfaite, je me sentais anxieuse et Ă  la dĂ©rive. Je n’étais pas seule. Mes amis aussi rencontraient des difficultĂ©s ». Et, en suivant des cours de psychologie positive Ă  l’universitĂ©, Emily a dĂ©couvert qu’il y avait bien un malaise largement rĂ©pandu dans la sociĂ©tĂ©. Si la poursuite du bonheur est aujourd’hui une motivation courante, elle s’avĂšre manifestement dĂ©faillante. « Ce qui m’a vraiment frappĂ© est ceci : Le taux de suicide est en augmentation Ă  travers le monde et en AmĂ©rique, il a rĂ©cemment atteint son point le plus haut en trente ans. MĂȘme si objectivement les conditions de vie s’amĂ©liorent
 plus de gens se sentent dĂ©sespĂ©rĂ©s, dĂ©primĂ©s et seuls. Il y a un vide qui ronge les gens et il ne faut pas forcĂ©ment ĂȘtre en dĂ©pression clinique pour le ressentir. TĂŽt ou tard, nous nous demandons tous : Est-ce lĂ  tout ? ».

 

On doit aller plus loin dans la comprĂ©hension de la vie. « De nombreux psychologues dĂ©finissent le bonheur comme un Ă©tat de confort et d’aisance, se sentir bien dans l’instant ». Cependant, comme l’indique en France le psychologue Jacques Lecomte,  le bien–ĂȘtre ne suffit pas. Nous avons besoin Ă©galement d’une motivation, d’une inspiration qui nous sont apportĂ©es par le sens que nous donnons Ă  notre vie (3). Ainsi Emily a choisi d’entrer dans la voie du sens. « Notre culture est obsĂ©dĂ©e par le bonheur, mais j’ai dĂ©couvert que chercher du sens est la voie la plus Ă©panouissante. Les Ă©tudes montrent que les gens qui trouvent du sens Ă  leur vie sont plus rĂ©silients, s’en sortent mieux Ă  l’école et vivent plus longtemps ». Parce que cette question lui paraissait essentielle, Emily s’est engagĂ©e dans la recherche. Pendant cinq ans, « elle a interviewĂ© des centaines de gens et lu des milliers de pages de psychologie, de neuroscience et de philosophie ». Elle a publiĂ© un livre : « The power of meaning crafting a life that matters » qui vient d’ĂȘtre traduit en français sous le titre : « Je donne du sens Ă  ma vie. Les quatre piliers essentiels pour vivre pleinement » (4).

 

Les quatre piliers essentiels pour vivre pleinement.

Emily distingue quatre piliers pour vivre pleinement :  l’appartenance, la raison d’ĂȘtre, la transcendance, la mise en rĂ©cit.

« Le premier pilier est l’appartenance. L’appartenance dĂ©coule du fait d’ĂȘtre dans des relations ou vous ĂȘtes estimĂ© pour qui vous ĂȘtes intrinsĂšquement et oĂč vous estimez Ă©galement les autres ».  Cependant, l’appartenance n’est pas une panacĂ©e, car tout dĂ©pend de la qualitĂ© du groupe auquel on appartient. « La vraie appartenance Ă©mane de l’amour. Elle existe dans de moments partagĂ©s entre deux personnes ». Nous savons combien les relations ont une importance vitale (5). Emily donne un exemple : Lorsque son ami Jonathan achĂšte rĂ©guliĂšrement son journal au mĂȘme vendeur de rue Ă  New York, il se crĂ©e lĂ  aussi une relation qui induit une reconnaissance rĂ©ciproque, un climat de confiance Elle Ă©voque un incident oĂč cette confiance a Ă©tĂ© Ă©brĂ©chĂ©e. Il est important de veiller Ă  la qualitĂ© de nos relations. « Je passe devant une personne que je connais sans la reconnaĂźtre. Je regarde mon tĂ©lĂ©phone quand quelqu’un me parle. Ces actions dĂ©valuent les autres. Il les font se sentir invisibles et sans valeur.     Quand vous avancez avec  amour, vous crĂ©ez un lien qui nous tire tous vers le haut ».

Pour beaucoup, l’appartenance est la source essentielle de sens dans la vie. Pour d’autres, la clĂ© du sens est la poursuite d’un but qui donne une raison d’ĂȘtre. C’est le second pilier. « Trouver un but dans la vie n’est pas la mĂȘme chose que de trouver un travail qui vous rend heureux ». Avoir un but dans la vie pour le bien des autres est une motivation qui engendre orientation et mobilisation de la vie. « Un agent hospitalier m’a dit que son but Ă©tait de guĂ©rir les malades. Beaucoup de parents me disent que leur but est d’élever leurs enfants. La clĂ© du but dans la vie est d’utiliser nos forces pour servir les autres . Bien sur, beaucoup d’entre nous le font Ă  travers leur travail. C’est ainsi que nous contribuons et nous sentons utiles. Cela signifie aussi que des problĂšmes tels que le dĂ©sengagement au travail, le chĂŽmage, un faible taux de participation Ă  la vie professionnelle ne sont pas que des problĂšmes Ă©conomiques, ce sont des problĂšmes existentiels. En n’ayant pas quelque chose de louable Ă  faire, les gens sont perdus ».

Il y a une troisiĂšme maniĂšre d’accĂ©der Ă  un sens dans sa vie. C’est la transcendance. La transcendance se manifeste dans des contextes diffĂ©rents, par exemple dans la vie en Ă©glise ou dans des communautĂ©s religieuses. Elle apparaĂźt Ă©galement dans des expĂ©riences spirituelles (6). « Les Ă©tats de transcendance sont ces rares moments oĂč vous vous Ă©levez au dessus de l’agitation quotidienne. Votre conscience de vous mĂȘme s’estompe et vous vous sentez connectĂ©s Ă  une rĂ©alitĂ© supĂ©rieure. Pour moi, en tant qu’écrivain, cela se produit Ă  travers l’écriture. Parfois cela m’emporte tellement que je perd tout sens de l’espace-temps. Ces expĂ©riences transcendantes peuvent nous changer. Dans une recherche, on a demandĂ© Ă  des Ă©tudiants de regarder un eucalyptus de 60 mĂštres de haut pendant une minute. AprĂšs cela, ils se sont sentis moins Ă©gocentriques et se sont comportĂ©s plus gĂ©nĂ©reusement quand ils avaient l’opportunitĂ© d’aider quelqu’un ».

A l’appartenance, la raison d’ĂȘtre Ă  travers la poursuite d’un but, la transcendance, Emily ajoute « un quatriĂšme pilier du sens ». C’est « la narration, l’histoire que vous racontez Ă  votre propos. CrĂ©er un rĂ©cit Ă  partir des Ă©vĂšnements de votre vie apporte de la clartĂ©. Cela aide Ă  comprendre comment vous ĂȘtes devenus vous-mĂȘme. Nous ne rĂ©alisons pas toujours que nous sommes l’auteur et que nous pouvons changer notre façon de raconter. Notre vie n’est pas uniquement une liste d’évĂšnements. Vous pouvez Ă©diter, interprĂ©ter et raconter votre histoire, mĂȘme en Ă©tant contraint par les faits ».

En exemple, Emily nous raconte le parcours d’Emeka, un jeune homme paralysĂ© aprĂšs avoir jouĂ© au football. Il a su adopter une attitude positive et l’affirmer dans son histoire de vie. « Le psychologue Dan Mc Adams appelle cela « une histoire rĂ©demptrice » oĂč le mauvais est rachetĂ© par le bon. Les gens ayant une vie pleine de sens racontent l’histoire de leur vie Ă  travers la rĂ©demption, la croissance et l’amour ».

Emily accorde ainsi une grande importance au rĂ©cit personnel au point de l’inclure parmi les quatre grands piliers sur lesquels repose une vie qui a du sens. L’histoire de vie est effectivement une voie privilĂ©giĂ©e pour dĂ©couvrir, exprimer et affirmer le sens de notre existence. C’est aussi ce qu’exprime le tĂ©moignage dans le contexte de milieux chrĂ©tiens.

 

Le parcours d’Emily : une expĂ©rience de vie et une vision

Emily a grandi dans une famille qui s’inscrivait dans une culture spirituelle de l’Islam : la culture soufi. Elle a pu vivre des valeurs fortes qui sont effectivement porteuses de sens : une solidaritĂ©, une expĂ©rience spirituelle partagĂ©e et chaleureuse. « Quand je suis partie Ă  l’universitĂ© et sans l’encrage soufi quotidien  dans ma vie, je me sentais larguĂ©e. J’ai commencĂ© Ă  chercher ces choses qui font que la vie en vaut la peine. C’est ce qui m’a conduite Ă  ce voyage. En y repensant, je me rend compte que la maison soufie avait une vraie culture du sens de la vie. Les piliers faisaient partie de l’architecture et la prĂ©sence des piliers nous aidait Ă  vivre plus profondĂ©ment ». Et d’ailleurs, en terminant cet entretien,  Emily raconte comment son pĂšre, en passe de subir une grave opĂ©ration, a Ă©tĂ© soutenu par la pensĂ©e d’amour qu’il portait Ă  ses enfants. « Mon pĂšre est menuisier et soufi. C’est une vie humble, mais une bonne vie. Son sens d’appartenance Ă  une famille, son but en tant que pĂšre, sa mĂ©ditation transcendante, la rĂ©pĂ©tition de nos noms, il dit que ce sont les raisons pour lesquelles il a survĂ©cu . C’est l’histoire qu’il raconte. C’est le pouvoir du sens dans la vie. Le bonheur va et vient. Mais quand la vie est vraiment belle, si les choses tournent trĂšs mal, avoir un sens Ă  sa vie vous donne une chose Ă  laquelle vous pouvez vous accrocher ».

 

Un Ă©clairage pour nos vies

L’approche d’Emily Esfahani Smith sur la maniĂšre de donner du sens Ă  notre vie nous parait particuliĂšrement utile et prĂ©cieuse. En effet, c’est Ă  partir de son expĂ©rience personnelle en lien avec celle d’une jeune gĂ©nĂ©ration qu’Emily s’est engagĂ©e dans une recherche de long cours pour rĂ©pondre aux questions existentielles qui prennent aujourd’hui une importance croissante. Et elle apporte des rĂ©ponses qui prennent en compte la diversitĂ© des situations et des parcours.

Nous savons par expĂ©rience combien la question du sens a une importance vitale. C’est bien Ă  cette question qu’Odile Hassenforder, trĂšs prĂ©sente sur ce blog, a rĂ©pondu dans son livre : « Sa prĂ©sence dans ma vie » (7) Ă  travers une expĂ©rience du don de Dieu et un vĂ©cu de fraternitĂ© et de spiritualitĂ© chrĂ©tienne. Et, sur ce blog, notre intention est bien d’ouvrir des pistes et rĂ©aliser des outils de comprĂ©hension pour des chercheurs de sens en faisant appel Ă  des rĂ©cits, des rĂ©flexions et des recherches. C’est notre motivation. Ainsi nous nous trouvons en affinitĂ© avec la dĂ©marche d’Emily.

Son livre : « Je donne du sens Ă  ma vie » (4) prolonge son entretien en vidĂ©o dans un texte abondamment documentĂ©. Nous pouvons reprendre ici sa conclusion. Elle y reprend une affirmation de Viktor Frankl  (2): « l’amour est le plus grand bien auquel l’homme peut aspirer. L’ĂȘtre humain trouve son salut Ă  travers et dans l’amour ». Et elle poursuit : « L’amour est bien Ă©videmment au cƓur d’une vie pleine de sens. C’est un ingrĂ©dient indissociable des quatre piliers du sens qui apparaĂźt de façon rĂ©currente  dans les histoires de personnes que j’ai relatĂ©es »  « L’acte d’amour commence par la dĂ©finition mĂȘme du sens. Il commence par le fait de sortir de sa coquille pour se connecter aux autres et contribuer Ă  quelque chose ou Ă  quelqu’un plutĂŽt qu’à soi.  « Plus quelqu’un s’oublie lui-mĂȘme et se dĂ©voue Ă  une cause ou Ă  quelqu’un d’autre, plus il est humain », Ă©crit Viktor Frankl. C’est le pouvoir du sens
 C’est prendre le temps de s’arrĂȘter pour saluer le marchand de journaux ou pour rĂ©conforter un collĂšgue qui parait dĂ©primĂ©. C’est aider les gens Ă  ĂȘtre en meilleure santĂ©, Ă  ĂȘtre un bon parent ou un bon tuteur pour un enfant. C’est contempler avec Ă©merveillement le ciel Ă©toilé et assister aux complies avec des amis. C’est Ă©couter attentivement l’histoire d’un proche. C’est prendre soin d’une plante. Ce sont des actes humbles en soi. Mais ensemble, ils illuminent le monde » (p 276-278).

 

J H