par jean | Mai 15, 2014 | ARTICLES , Vision et sens |
Face aux pensées négatives, Dieu nous visite et nous libÚre .
MĂ©ditation de CĂ©cile de Broissia Ă propos du Cantique de Zacharie (1)
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        CĂ©cile de Broissia nous introduit dans un univers relationnel porteur dâune vie pleine et abondante. Rejoignant dâautres contributions publiĂ©es sur ce blog (2), elle nous appelle Ă entrer dans la confiance et dans la bienveillance en voyant le bien, disant le bien, recevant le bien : « La premiĂšre parole que Zacharie prononce sâadresse Ă Dieu pour le bĂ©nir, dire du bien de Lui. Nâest-ce pas le propre de tout croyant de dire du bien ? Croire en soi et dire du bien de soi, croire en les autres et croire quâils nous veulent du bien et enfin croire en Dieu qui ne nous veut que du bien puisquâil nâest quâamour ». Dieu est Ă notre cĂŽtĂ© dans notre combat contre les pensĂ©es nĂ©gatives qui font obstacle et viennent ternir notre vie. « Il attend que nous lui ouvrions la porte de notre cĆur, que nous lui demandions se nous aider et par la brĂšche ouverte, avec la force de son bras, il vient nous visiter et nous arracher aux mains de nos ennemis ». VoilĂ une mĂ©ditation qui vient Ă notre rencontre dans le concret de notre existence, une parole qui sonne juste et qui nous encourage.
J H
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Cantique de Zacharie (Luc 1, 67-79)
Zacharie, son pĂšre, fut rempli de lâEsprit Saint et prononça ces paroles prophĂ©tiques :
« BĂ©ni soit le Seigneur, le Dieu dâIsraĂ«l, parce quâil a visitĂ© son peuple pour accomplir sa libĂ©ration.
Dans la maison de David, son serviteur, il a fait se lever une force qui nous sauve.
Câest ce quâil avait annoncĂ© autrefois par la bouche de ses saints prophĂštes :
Le salut qui nous délivre de nos adversaires, des mains de tous nos ennemis.
Il a montrĂ© sa misĂ©ricorde envers nos pĂšres, il sâest rappelĂ© son Alliance sainte :
Il avait jurĂ© Ă notre pĂšre Abraham quâil nous arracherait aux mains de nos ennemis,
Et nous donnerait de célébrer sans crainte notre culte devant lui,
 Dans la piété et la justice, tout au long de nos jours.
Et toi, petit enfant, on tâappellera prophĂšte du TrĂšs-haut,
Car tu marcheras devant le Seigneur pour lui préparer le chemin,
Pour rĂ©vĂ©ler Ă son peuple quâil est sauvĂ©, que ses pĂ©chĂ©s sont pardonnĂ©s.
Telle est la tendresse du cĆur de notre Dieu.
Grùce à elle, du haut des cieux, un astre est venu nous visiter ;
Il est apparu Ă ceux qui demeuraient dans les tĂ©nĂšbres et lâombre de la mort,
Pour guider nos pas sur le chemin de la paix. »
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        Zacharie vient de faire lâexpĂ©rience du doute et de lâincroyance qui lâont rendu muet. Quand il retrouve la parole, il partage aux autres ce quâil a longuement contemplĂ© dans le silence et sa parole jaillit en un chant de bĂ©nĂ©diction et dâaction de grĂące.
La premiĂšre parole que Zacharie prononce sâadresse Ă Dieu pour le bĂ©nir, dire du bien de Lui. Nâest ce pas le propre de tout croyant de dire du bien ? Croire en soi et dire du bien de soi, croire en les autres et croire quâils nous veulent du bien et enfin croire en Dieu qui ne nous veut que du bien puisquâil nâest quâamour.
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        Nous passons tous par des moments de doute, dâincroyance, de mĂ©fiance, de jalousie, de peur, de soupçon dans nos relations avec nous-mĂȘmes, les autres et Dieu. Ces pensĂ©es nĂ©gatives nous empĂȘchent de vivre et nous font du mal, ce sont lĂ nos ennemis intĂ©rieurs et nos adversaires quâil nous faut combattre. Dieu est Ă notre cĂŽtĂ© dans notre combat. Il attend que nous lui ouvrions la porte de notre cĆur, que nous lui demandions de nous aider et par la brĂšche ouverte, avec la force de son bras, il vient nous visiter et nous arracher aux mains de nos ennemis.
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        Zacharie annonce un Dieu proche, incarnĂ©, qui sâintĂ©resse Ă nous et vient nous visiter aujourdâhui comme il a visitĂ© autrefois son peuple. Tout Ă coup, il lui est donnĂ© de comprendre ce qui lui arrive et de relier son histoire personnelle Ă celle de son peuple. Comme Dieu a libĂ©rĂ© son peuple de lâesclavage et conduit en terre promise, Dieu a libĂ©rĂ© Zacharie de son incroyance et de son mutisme. Zacharie nous invite Ă relire notre histoire et Ă faire mĂ©moire de toutes les fois oĂč nous sommes visitĂ©s. Dieu nous fait signe par un Ă©vĂšnement, une rencontre, une joie, une Ă©preuveâŠ
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        Zacharie bĂ©nit encore le Seigneur : Il a montrĂ© sa misĂ©ricorde envers nos pĂšres, il sâest rappelĂ© son Alliance Sainte. Oui, Dieu est un Dieu bon et fidĂšle. Il est le seul en qui nous pouvons avoir totalement confiance car il ne nous oubliera jamais et nous relĂšvera mĂȘme si nous lâoublions. Il nous lâa promis : « Et moi je suis avec vous tous les jours jusquâĂ la fin du monde » (Matthieu 28, 20). Il nous a promis de nous donner de cĂ©lĂ©brer sans crainte notre culte devant lui dans la piĂ©tĂ© et la justice tout au long de nos jours. Tout simplement vivre notre vie dans le rĂ©el de son existence en nâayant pas peur, puisant notre force, notre courage de vivre, dans la certitude que le Seigneur nous accompagne. Et pour avoir cette certitude de la prĂ©sence de Dieu Ă nos cĂŽtĂ©s, il nous est bon de prendre un moment dans la journĂ©e pour nous relier Ă Dieu : prendre conscience et le remercier pour les bienfaits reçus des autres et aussi pour tout le bien quâil nous a permis de faire. Accepter notre vie telle quâelle est avec le bon et le moins bon, surtout avoir confiance en la bontĂ© de Dieu pour nous tels que nous sommes et demander de lâaide pour ĂȘtre tout au long de nos jours plus humain, plus vivant, plus aimant, plus juste avec nous-mĂȘmes, les autres et Dieu.
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        Imaginons ensuite Zacharie, ce prĂȘtre ĂągĂ©, sâadressant Ă son enfant avec tendresse et le prenant dans ses bras. Et toi, petit enfant, on tâappellera prophĂšte du TrĂšs-Haut.
Devenir tout petit pour laisser Ă Dieu toute sa place. Ne pas se prendre pour Dieu mais marcher devant le Seigneur pour lui prĂ©parer le chemin, pour rĂ©vĂ©ler Ă son peuple quâil est sauvĂ©, que ses pĂ©chĂ©s sont pardonnĂ©s. Se montrer tendre et bienveillant envers nous-mĂȘmes, les autres et Dieu afin que chacun croie en lui-mĂȘme, en les autres et en Dieu.
Croire et témoigner de la tendresse de Dieu qui ne nous abandonne pas à nos ténÚbres et à nos chemins de mort et se laisser guider par Jésus, lumiÚre intérieure, vers un chemin de paix.
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CĂ©cile de Broissia
Le samedi 26 avril 2014, invitĂ©e sur le blog : « Au bonheur de Dieu », animĂ©e par MichĂšle Jeunet, SĆur MichĂšle au CĂ©nacle de Versailles.
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(1)           Méditation du Cantique de Zacharie, sur le blog « aubonheurdedieu-soeurmichele » : http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/article-invite-es-cecile-de-broissia-11-cantique-de-zacharie-123445316.html
(2)           Voir aussi sur le blog : Vivre et espĂ©rer : « Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se rĂ©pand. Lytta Basset : Oser la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842      Â
              « DĂ©velopper la bontĂ© en nous, un habitus de bonté » : https://vivreetesperer.com/?p=1838                 Â
              « Quelle est notre image de Dieu ? » : https://vivreetesperer.com/?p=1509                                                Â
              « Comme les petits enfants » : https://vivreetesperer.com/?p=1640                                                 Â
              « Entrer dans la bĂ©nĂ©diction » : https://vivreetesperer.com/?p=1420                                                     Â
              « La beautĂ© de lâĂ©coute » : https://vivreetesperer.com/?p=1219
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Voir aussi une autre méditation de Cécile de Broissia présentée sur le site de Témoins : « Une invitation à la confiance. Annonce à Zacharie » : http://www.temoins.com/ressourcement/une-invitation-a-la-confiance-annonce-a-zacharie
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par jean | Oct 2, 2017 | ARTICLES , Expérience de vie et relation |
Un apport positif et un dĂ©sir dâaller plus loin
Je suis entrĂ© Ă facebook, il y a quelques annĂ©es, en 2011. Comment cette activitĂ© sâest-elle dĂ©veloppĂ©e et comment se dĂ©roule-t-elle aujourdâhui ? Quel rĂŽle joue-t-elle actuellement dans mon existence quotidienne ? Quelles sont les convictions et les valeurs qui mâinspirent dans la participation Ă ce rĂ©seau ? Quel bilan puis-je Ă©tablir aujourdâhui ? Câest un essai dâobservation en vue de partager mon expĂ©rience.
        Quâest ce qui mâa incitĂ© Ă mâinscrire Ă facebook ? Il y avait un dĂ©sir de relation. Et, comme je venais de crĂ©er un blog : Vivre et espĂ©rer, jâavais le dĂ©sir dâen partager les expressions. Bref, ma motivation, câĂ©tait un dĂ©sir de dialogue et de partage. Ma pratique facebook a-t-elle rĂ©pondu Ă ce besoin ?
Aujourdâhui, en septembre 2017, avec qui suis-je en contact ? Si je compte 220 « amis », je puis rĂ©partir en trois groupes lâorigine des messages que je reçois.
Dans un premier groupe , il y a des relations qui sâexpriment plus familiĂšrement et qui communiquent facilement au sujet des Ă©vĂšnements de leur vie quotidienne . Dans ce groupe, il y a quelques personnes que je connais personnellement. Il y aussi des relations qui se sont ajoutĂ©es au cours du temps. Lâimplication est plus ou moins directe. Ces expressions portent sur le ressenti de la vie quotidienne. Elles apportent de la fraicheur et Ă©veillent la sympathie. On peut parfois y percevoir un appel. Ce sont souvent de belles et bonnes choses qui sont partagĂ©es : la vie de famille, des goĂ»ts de nature, des intĂ©rĂȘts artistiques, et plus avant, des convictions. Facebook appelle Ă souhaiter les anniversaires. Ce peut ĂȘtre un geste conventionnel. Pour ma part, par rapport aux amis que je connais personnellement, jâessaie, Ă chaque fois, dâexprimer ce que je ressens en profondeur. Au total, il y a lĂ une forme de convivialitĂ© Ă partir de laquelle le terme ambitieux dâ « ami »  peut se trouver plus ou moins validĂ©.
Le deuxiĂšme groupe est composĂ© de relations qui interviennent dans le champ social, politique, intellectuel et religieux , pour moi, chrĂ©tien en lâoccurrence. La communication qui en rĂ©sulte mâapporte des rĂ©flexions et des informations qui sont trĂšs prĂ©cieuses pour mon entendement.
Au cours du temps, il sây est ajoutĂ© un ensemble de mĂ©dias trĂšs variĂ©s qui forment un troisiĂšme groupe . Il sây ajoute le partage dâarticles et de vidĂ©os par des personnes avec qui je suis en relation. Ces ressources couvrent de nombreux domaines, entre autres, lâactualitĂ© politique. Câest Ă travers facebook et, plus gĂ©nĂ©ralement, sur internet que jâai suivi la campagne prĂ©sidentielle en allant directement aux sources. Cette information a Ă©galement une dimension internationale et jâai pu suivre ainsi des Ă©vĂšnements de la vie politique anglaise et amĂ©ricaine. En fonction de mon inclination, je suis Ă©galement bien informĂ© des pratiques innovantes dans le domaine Ă©cologique.
Au total, on apprend beaucoup . Il ne se passe pas une semaine sans que je trouve sur facebook plusieurs textes ou vidĂ©os qui sont pour moi des apports originaux auquel je nâaurais pas eu accĂšs sans cette frĂ©quentation. Ces apports peuvent ĂȘtre Ă lâorigine dâarticles sur mon blog (1). Et pour dâautres, moins consĂ©quents, je les partage sur mon journal pour en accroitre la diffusion et les mĂ©moriser. Câest un choix qui se reproduit plusieurs fois par semaine (2). Cependant, en contrepartie, on doit prendre garde de ne pas se laisser fasciner par cette proposition incessante, par ce flux abondant, constamment renouvelĂ©.
Pour ma part, je suis venu et je viens sur facebook dans un dĂ©sir de participation et non de consommation. Alors quâest-ce que je partage sur mon journal ? Jây partage des textes renvoyant aux articles sur les blogs et sites oĂč jâinterviens : Vivre et espĂ©rer ; LâEsprit qui donne la vie ; TĂ©moins. Je reprends frĂ©quemment, pour les partager des vidĂ©os et des textes apprĂ©ciĂ©s dans la frĂ©quentation de mon mur. Et, par ailleurs, je me suis constituĂ© une collection de photos issues de sites flickr. Jây puise rĂ©guliĂšrement pour partager une photo belle et signifiante.
Je viens Ă Facebook dans le dĂ©sir dâapporter une contribution positive qui est aussi lâexpression dâune conviction profonde, une contribution positive exprimant un dĂ©sir de partage. De la mĂȘme façon, tout en veillant Ă lâauthenticitĂ© de mon expression, je clique abondamment sur la mention : jâaime, et parfois mĂȘme jâadore. Et bien sĂ»r, je mâattriste parfois aussi. Je joins Ă©galement des commentaires exprimant approbation, sympathie et encouragement.  Manifester de lâempathie, exprimer de la bienveillance, câest contribuer Ă un Ă©tat dâesprit positif , Ă un climat de confiance . Par les uns et par les autres, Ă travers Facebook, nous pouvons Ă©galement accĂ©der Ă des campagnes pour peser en faveur de causes sociales ou Ă©cologiques. Je participe Ă certaines.
Sur Facebook, des opinions diffĂ©rentes sâexpriment. Parfois jâentre en dialogue. Mais je ressens les limites pour la rĂ©alisation dâun dialogue construit. La dimension des commentaires rend difficile lâexpression dâun point de vue nuancĂ©. Et lâon rencontre parfois des opinions abruptes et passionnĂ©es . Aller plus avant demanderait beaucoup de temps. Par ailleurs, il y a des lieux oĂč la violence affleure. Je cherche Ă ne pas entrer dans ces confrontations. Lorsquâil me semble que la rĂ©ception est possible, jâessaie un commentaire rĂ©flĂ©chi.
Je ne suis pas expert dans lâusage dâinternet. Je nâutilise pas pleinement le potentiel de facebook, et, par exemple, la messagerie. Je sais aussi lâexistence de groupes. Depuis peu, je frĂ©quente : « La paix, ça sâapprend » et « TranscendArts ».  Jây dĂ©couvre positivement une rĂ©ception accueillante. Des contacts peuvent se prĂ©senter. Je vais poursuivre mon exploration. Jâai donc beaucoup Ă apprendre.
Si maintenant, je fais le point sur la maniĂšre dont jâai pu rĂ©aliser mes intentions initiales, le bilan est mitigĂ©Â .  Si il y a parfois de nouvelles rencontres, globalement, je ne me suis pas engagĂ© en profondeur dans des relations amicales nouvelles. Les affinitĂ©s ne sont pas lĂ nĂ©cessairement. Mes limites mâincitent Ă la prudence. Mais je nâai pas non plus trouvĂ© une grande audience pour les productions du blog que jâanime. Si mon public est assez nombreux et variĂ©, il mâarrive de mâinterroger sur la capacitĂ© dâĂ©coute de mes « amis ». Ne vient-on pas parfois sur facebook pour sâexprimer plutĂŽt que pour entendre ce que les autres ont Ă vous dire ? Je puis mâinterroger moi aussi sur mon attitude. Certes il faut compter sur le souhait de chacun de ne pas sâengager dans une pratique trop couteuse en temps dans le rapport avec des propositions qui paraissent trop Ă©loignĂ©es des vĂŽtres. Mais pourquoi y a-t-il parfois si peu dâĂ©cho pour de simples expressions de beautĂ© et de bontĂ©Â ? Les chemins se croisent sans toujours se rencontrer. Cela peut ĂȘtre ressenti comme une source de frustration.
Cependant, il y a un autre aspect du bilan qui lui, est trĂšs, trĂšs positif. Jâai beaucoup appris Ă travers facebook. Aujourdâhui, câest pour moi une source dâinformation essentielle . A travers facebook, je peux non seulement suivre lâactualitĂ©, mais trouver des ressources originales auxquelles je nâaurais pas accĂšs sans ce potentiel qui sâoffre Ă moi. Et puis, je bĂ©nĂ©ficie de la tonalitĂ© positive que me renvoie en gĂ©nĂ©ral cet ensemble dâ « amis » avec lesquels je suis associĂ©. Cette tonalitĂ© tient pour beaucoup au cadre bienveillant que Facebook nous propose avec lâintention de susciter sympathie et dialogue comme en tĂ©moigne les mentions mises Ă notre disposition. Câest le choix dominant entre le « jâaime » et lâabstention. En dehors des commentaires oĂč une hostilitĂ© peut sâexprimer , les promoteurs ont exclu toute rĂ©action exprimant un rejet. Jâapprends aussi la diversitĂ© des rĂ©actions pour les prendre en considĂ©ration et y rĂ©flĂ©chir. Au total, câest une Ă©thique du positif . JâapprĂ©cie ce choix de la bienveillance (3) . Ainsi globalement, Facebook induit de la convivialitĂ©, une convivialitĂ© qui se traduit parfois uniquement par un voisinage, mais un bon voisinage.
 Quoiquâil en soit, grĂące Ă Facebook, je puis ĂȘtre « citoyen » du net, tĂ©moin de mon espĂ©rance. Je puis adopter une attitude qui se veut empathique, bienveillante, encourageante ; et mon dĂ©sir, câest dâaller plus loin dans le partage . Au total, plus je frĂ©quente Facebook, plus je me rend compte combien ce rĂ©seau compte pour moi.
J H
(1)           Quelques articles rĂ©cents parus sur Vivre et espĂ©rer ayant pour origine une rencontre sur facebook : « Prayer of the mothers ». Un chant mobilisateur de Yael Deckelbaum pour la marche des femmes juives et arabes pour la paix » : https://vivreetesperer.com/?p=2681 – « Plus proches sur facebook. Plus solidaires dans le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=2657 – « La joie : une force de vie » : https://vivreetesperer.com/?p=2660 – « La raison pour laquelle le seul futur qui mĂ©rite dâĂȘtre conçu inclut tout le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=2634 – « Une bonne nouvelle : la paix, ça sâapprend » : https://vivreetesperer.com/?p=2596
(2)           Quelques messages issus de facebook retransmis en partage Ă travers mon journal facebook : °15 septembre 2017. Une priĂšre formulĂ©e par Pierre LeBel lors dâun concert organisĂ© pour cĂ©lĂ©brer le 10Ăš anniversaire de la dĂ©claration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. °14 sept. Une approche pour aider les couples Ă vivre unis. Avec Vincent Hulin, Imago au BĂ©nin (vidĂ©o). °13 sept. MichĂšle Jeunet sur la douceur de JĂ©sus dans lâEvangile de Matthieu (11.28-30). 9 sept. °Jean Viard, sociologue engagĂ©, prĂ©sente lâĂ©conomie circulaire (VidĂ©o). ° 9 sept. Jean-Michel Blanquer assure une aide aux devoirs au sein mĂȘme des Ă©tablissements scolaires (vidĂ©o). ° 9 sept. A Bogota, le pape François met en valeur la culture de la rencontre familiĂšre aux jeunes. _° 8 Sept.  Magnificence des fleurs poussant dans le dĂ©sert dâAtacama (vidĂ©o). ° 6 sept. Cantique Ă Ouagadougou (vidĂ©o). ° 6 sept.  La ferme du Bec Hellouin, pionniĂšre en permaculture (vidĂ©o). ° 6 sept. Une vision de la nouvelle Ă©conomie par Nicolas Hulot (vidĂ©o)âŠÂ  Lien avec mon journal facebook : https://www.facebook.com/jean.hassenforder?ref=tn_tnmn
(3)           « Lytta Basset. Oser la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842
Voir aussi : « Plus proches sur facebook. Plus solidaires dans le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=2657
par jean | Jan 4, 2018 | ARTICLES , Expérience de vie et relation , Hstoires et projets de vie |
Une expérience de la relation
Selon Camille Syren
 Apprendre Ă sâaimer. Sâaimer soi-mĂȘme. Sâaimer toi et moi. Sâaimer entre nous, ensemble .
Si on ne sâaime pas soi-mĂȘme, comment peut-on recevoir le flux de lâamour et le rĂ©pandre autour de soi ? Câest une Ă©tape majeure, mais elle ne va pas de soi. Parce quâelle peut rencontrer des oppositions dans un hĂ©ritage psychologique, et parce que, culturellement et religieusement, cette Ă©tape peut ĂȘtre sous-estimĂ©e, voire dĂ©niĂ©e.
Comment apprendre Ă sâaimer ? Au fond de notre cĆur, nous savons bien que lâamour partagĂ© est la source qui porte la vie et qui fonde la communautĂ© humaine. Alors, quels chemins pouvons nous emprunter ? Quel bonheur lorsque, Ă ce sujet, nous pouvons entendre une parole authentique fondĂ©e sur une expĂ©rience personnelle ! Et justement, câest ce que nous apprĂ©cions dans lâintervention de Camille Syren, en octobre 2017, Ă TED X La Rochelle (1). Comment fait-on pour sâaimer soi-mĂȘme, toi et moi et tous ensemble ? Câest une question qui a Ă©tĂ© et qui est au cĆur de Camille. Il y a, dans ses paroles, non seulement une expĂ©rience murie et une rĂ©flexion construite, mais aussi un engagement affectif. Et, dans cette expression dâun amour vĂ©cu, il y a un courant qui passe . Accompagnons lâĂ©coute de cette vidĂ©o par des notes qui vont nous permettre de mĂ©diter doublement Ă partir de cette contribution.
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Un chemin
« Sâaimer (mâaimer), Sâaimer (toi et moi). Sâaimer (les uns les autres), câest pareil . Et je crois que dans la vie, câest pareil ». Câest tout un chemin. Pour Camille Syren, « Cela fait 43 ans de recherche appliquĂ©e. Le voyage certainement le plus intĂ©ressant et le plus utile que jâai jamais fait. Ce qui mâamĂšne Ă vous dire aujourdâhui que le bien le plus utile et le plus prĂ©cieux que jâai, câest justement mon aptitude Ă aimer . Et la bonne nouvelle, câest que cette aptitude sâapprend. Il nây a pas ceux qui naissent avec et ceux qui naissent sans⊠Apprendre Ă tisser des relations de qualitĂ©, câest de lâor en barre. On nây croit pas assez. Câest puissant. Si il y avait une seule chose Ă cultiver, câest bien celle-ci ».
Dans la vie de Camille, il y a eu un dĂ©clic et puis, tout un processus sâest mis en marche. « Quand jâavais 14 ans, jâai reçu de son auteur, un autocollant : « DĂ©claration des droits Ă lâamour ». Quand jâai lu cela, je me suis dit : « Ouah, je rĂȘve ! Si un jour, jâarrive Ă faire cela ! ». Et du coup, je me suis dit : Si quelquâun lâa Ă©crit, donc câest possible. Et je dĂ©cide dây croire. Je me suis dit aussi : je dĂ©cide dây avoir droit. MĂȘme moi, qui avait Ă©tĂ© abimĂ©e, pour bien savoir aimer ou me laisser aimer. Et puis, troisiĂšme chose que je me suis dit : je veux savoir comment on fait. Et, depuis, je nâai jamais arrĂȘtĂ© de chercherâŠÂ ».
«  La cabane à gratter » : une association de quartier
 Camille nous donne un premier exemple de lâesprit qui lâanime : sa participation Ă une association de quartier.
« La cabane Ă gratter », câest une petite association dans mon quartier que jâai rencontrĂ© pour la premiĂšre fois, il y a quelques annĂ©es. InstallĂ©e sur le trottoir, une petite cahute en bois de toutes les couleurs. Quand jâai fait connaissance, elle Ă©tait tenue par Gervais, un grand « black » avec un cĆur dâor, qui savait trĂšs bien sây prendre pour faire de la place Ă chacun, qui quâil soit, dâoĂč quâil vienne. Cette rencontre a accrochĂ© mon cĆur. Moi qui ai toujours eu Ă cĆur de mettre de la diversitĂ© dans ma vie, dĂ©jĂ pour mourir moins bĂȘte, car la rĂ©alitĂ© est toujours complexe. Alors, moi aussi, jâai commencĂ© Ă frĂ©quenter la cabane comme ces gens isolĂ©s du quartier, comme les personnes dĂ©racinĂ©es, en transition, loin de chez elle, comme il peut y en avoir dans un quartier de la gare.
Ce que jâai aimĂ© dans « la cabane Ă gratter », ce sont deux choses. Une petite phrase dâune habituĂ©e de la cabane : « Quand on ne gratte pas, on ne peut pas savoir ». Et bien, je trouve que câest vrai pour tout. Ne jamais se contenter des apparences. En ce qui me concerne, en ce qui te concerne, en ce qui nous concerne. Toujours gratter un peu derriĂšre. On y trouve des pĂ©pites ⊠A la fin dâune fĂȘte de NoĂ«l, une des plus belles fĂȘtes de NoĂ«l que jâai passĂ©, je rentre chez moi Ă la maison avec mes enfants qui vont Ă lâĂ©cole, qui sont au chaud⊠Depuis ma place Ă moi, il nâest pas si simple dâĂȘtre Ă paritĂ©, de passer une fĂȘte de NoĂ«l avec quelquâun qui a une histoire Ă coucher dehors, pour de vrai, avec quelquâun qui nâa plus rien, avec quelquâun qui nâa personne autour de lui pour lâaimer⊠Cette capacitĂ© dâĂȘtre profondĂ©ment connectĂ© dâhumain Ă humain, quelque soient les statuts, ĂȘtre ensemble, câest un plaisir profond. Des moments comme cela, il devrait y en avoir plus souvent ».
Apprendre Ă vivre la rencontre
 Cependant, si on peut ĂȘtre prĂ©disposĂ© Ă cette expĂ©rience de la rencontre, on a besoin aussi de sây familiariser, de dĂ©velopper en nous cette aptitude, car « cette aptitude lĂ , elle se cultive ». Camille nous fait part de son apprentissage. Comment a-t-elle appris Ă sâaimer, Ă se rencontrer, Ă rencontrer lâautre ?
« Je parle de traversĂ©e. Il ne suffit pas dâavoir des bottes de sept lieues. Il y a quelques passages obligĂ©s . Et la premiĂšre rencontre Ă faire, câest soi . Cela tombe bien, car pour se rencontrer, on a la matiĂšre premiĂšre la plus infinie qui existe, renouvelable, gratuite, hyperperformante, disponible tout le temps et chez tout le monde. Tout est lĂ et tout est juste. Câest ma sensibilitĂ©. Câest votre sensibilitĂ©. RĂ©apprendre Ă sentir. Apprendre quelque chose que je sens. Comprendre quelque chose que je sens et agir.
Mais il y a deux idées reçues qui me révoltent .
La premiĂšre, câest quâil y aurait des Ă©motions nĂ©gatives. Or, toutes les Ă©motions sont importantes. Cela rappelle le petit jeu pour guider une recherche : « Tu brĂ»les. Tu refroidis ». Si on ne disais que « tu brĂ»les » Ă celui qui cherche, il pourrait chercher longtemps ! De mĂȘme, dans la vie, on a besoin des autres indications : traces de peur, de colĂšre, de tristesse. Toutes ces indications sont juste celles dont on a besoin pour aller vers la satisfaction suffisante de nos besoins. Et lĂ est le plaisir. On appelle cela le plaisir chez les humains. Pas dâĂ©motions nĂ©gatives. Elles sont toutes bonnes Ă prendre. Et quand cela prend le tour dâune Ă©motion destructrice, voire violente, que ce soit pour soi-mĂȘme ou pour les autres, ce nâest pas une Ă©motion, câest un mĂ©canisme de dĂ©fense. Ce nâest pas la mĂȘme chose. Et en gĂ©nĂ©ral, cela nous vient de loin et mĂȘme de trĂšs loin. Et les mĂ©canismes de dĂ©fense, on en a tous. Câest un court-circuit. Et cette zone dâombre vulnĂ©rable, nous devons ĂȘtre capable de la respecter, de la regarder avec tendresse, car il nây a que comme cela quâelle nous dĂ©livrera lâinformation dont on a besoin pour pouvoir faire diffĂ©remment.
DeuxiĂšme idĂ©e reçue : Cela ne peut pas changer . Entendre cela me dĂ©sespĂšre. Quand jâentendais dire, Ă 14 ans, on ne peut pas changer, quelle bonne excuse pour ne pas bouger les lignes. Et les siennes dâabord ! »
Toi et moi
Apprendre Ă sâaimer, câest un processus. Câest sâaimer soi, mais câest aussi sâaimer, toi et moi.
« Une seconde rencontre Ă faire : toi et moi. Que ce soit mon conjoint, mon voisin, mon boss, ma boulangĂšre⊠Or, parfois, la diversitĂ© nous agace. Je ne sais pas si vous avez dĂ©jĂ rempli le coffre dâune voiture avec votre compagne, votre compagnon⊠On nâa pas la mĂȘme façon ! Cette deuxiĂšme rencontre, câest dĂ©passer le « ou toi, ou moi » pour penser : « tout moi et tout toi ». Cela mâĂ©merveille, car je vois que cela marche. Quand je suis « tout moi » et que je ne lĂąche pas ce moi, cela me laisse assez tranquille pour permettre Ă lâautre dâĂȘtre « tout toi ». Il y a quelque chose qui arrive que jamais je nâaurais inventĂ© tout seul et quâil (elle) nâaurait jamais inventĂ© tout seul. Câest encore mieux quâon aurait pu lâimaginer. Bienvenue dans la vraie vie, mais en mieux. Câest la rĂ©alitĂ© augmentĂ©e.
Assumer la diversitĂ© . Mais se rencontrer comme cela, câest du courage. La premiĂšre chose dont vous devez vous Ă©quiper, câest la sensibilitĂ©. Et puis, pour moi, jâaime quand cela marche et jâaime les gens. Et quand je dĂ©cide dâaimer quelquâun, et bien, je dĂ©cide de ne pas lĂącher si facilement. Et, du coup, je mâoccupe du « entre » en mettant de lâĂ©nergie dans le courage dâaller au contact et dire le bien. Quand vous voyez quelque chose de bon et que vous ne le dites pas, un compliment que vous retenez, il manque Ă lâunivers. Câest quelque chose de perdu pour lâunivers .
Et puis, bien sĂ»r, il y a toujours des choses qui restent en touche, des tensions dont on ne sâest pas occupĂ© parce que : pas de temps, parce que : pas si important, parce que : autre chose Ă faire. Et bien, quand cela reste en travers, câest quâil y a quelque chose Ă faire . Sinon, cela pourrait bien se mettre en travers de ma santĂ©, en travers de notre relation, mettre Ă distance »
Se rencontrer entre nous, ensemble
 Cette dynamique interpersonnelle débouche sur un mouvement de convivialité, de vie commune, un vrai savoir-faire pour le vivre ensemble
« Se rencontrer, câest se rencontrer soi-mĂȘme, se rencontrer toi et moi, se rencontrer entre nous. Quand on sait faire cela de mieux en mieux, cela se pratique, cela se dĂ©cide, cela se tisse. Se rencontrer entre nous, câest plus complexe encore, car il y a un lien entre plusieurs personnes, toutes celles qui participent au collectif. Il va falloir sâoccuper de chaque personne et sâoccuper du « entre ». Si on sait bien faire cela, le rĂ©sultat dĂ©passe nos espĂ©rances.
Pourquoi cela se complique au moment oĂč on devient un collectif ? Parce quâon vit lĂ avec une question. On vient au monde avec une question. Quelle est ma place ? Trouver ma place dans ma famille mĂȘme si elle est toute petite, trouver ma place dans mon collectif dâamis, dans mon job, dans mon entreprise, dans mon association⊠Et dĂšs que jâai peur pour ma place, dĂšs que je ne suis pas sĂ»r dâen avoir une, les choses se crispent. Quand chacun dans un groupe ose prendre sa place, sâoccupe du « entre » pour que chacun ait la permission rĂ©elle de prendre sa place, alors il y a un espace, un « truc magique » qui se passe, qui est : « il y a de la place pour tout le monde ».
        A partir de cette intelligence lĂ , Ă la fois Ă©motionnelle, relationnelle, mais aussi une forme de saut dans le vide, ne pas avoir de plan prĂ©Ă©tabli au dĂ©part , quand on mise sur ce quâon a, sur ce chacun aime, ses limites, ses handicaps, ses « pas possible », la complĂ©mentaritĂ© fera forcĂ©ment quelque chose de bien . Câest un sacrĂ© lĂącher prise par rapport Ă notre envie de contrĂŽler, de savoir Ă lâavance. Et cette attitude est valable aussi bien quand je pilote la campagne Ă gratter que quand jâĂ©labore ma stratĂ©gie dâentreprise : faire de la place Ă chacun et , pour le reste, laisser faire lâunivers. Et bien, ces choses lĂ , jamais lâintelligence artificielle ne pourra le faire Ă notre place.
Savoir sâaimer, cela sâapprend, câest notre bien le plus prĂ©cieux, alors cultivons-le ! ».
Un message Ă©mouvant, Ă©clairant, mobilisateur
 En rapportant les propos de Camille Syren dans les termes familiers oĂč elle nous communique son expĂ©rience personnelle, nous accompagnons ici sa parole par un Ă©crit pour nous permettre de mieux en apprĂ©cier la portĂ©e. Apprendre Ă sâaimer dans tous les registres de la rencontre : sâaimer soi-mĂȘme, sâaimer toi et moi, sâaimer entre nous ensemble, pour Camille, cette visĂ©e se rĂ©alise Ă travers un engagement personnel qui allie Ă©motion, observation et rĂ©flexion. Câest une dynamique qui se rĂ©pand, car si on apprend Ă sâaimer, lâaffection reçue peut y contribuer.
Nous sentons bien quâil y a dans lâexpĂ©rience de lâamour une dimension qui nous dĂ©passe et que nous pouvons Ă©voquer en des termes diffĂ©rents, par exemple, cet « univers » que Camille Syren nous invite à « laisser faire » ou bien nous le prĂ©sente comme « nous appelant Ă exprimer tout ce qui est bon ». Pour nous, nous nous reconnaissons dans la vision du monde du thĂ©ologien JĂŒrgen Moltmann lorsquâil nous parle de « lâEsprit qui donne la Vie » : « Lâessence de la crĂ©ation dans lâEsprit est « la collaboration » et les structures manifestent la prĂ©sence de lâEsprit dans la mesure oĂč elles font connaĂźtre « lâaccord gĂ©nĂ©ral ». « Au commencement Ă©tait la relation » (Martin Buber) (2). Lâamour est au coeur du message de JĂ©sus.
Cette intervention nous instruit sur bien des obstacles dont nous nâavons pas toujours conscience. Sans se rĂ©fĂ©rer directement Ă des savoirs, comme des connaissances psychologiques ou lâapproche de la communication non violente, Camille nous Ă©claire par une rĂ©flexion Ă partir de son expĂ©rience personnelle, une rĂ©flexion que nous recevons dâemblĂ©e. Il y a dans ce tĂ©moignage lâexpression dâune Ă©motion qui Ă©veille la nĂŽtre et nous met en mouvement. En suivant le chemin de lâamour vĂ©cu : sâaimer, toi et moi, sâaimer entre nous, nous entrons dans une dynamique. Câest un souffle de vie.
J H
(1)           Comment on fait pour sâaimer ? Camille Syren TED x La Rochelle https://www.youtube.com/watch?v=i6ZmfE15LhY
(2)            Dans ce blog, nous faisons souvent appel Ă lâĂ©clairage de JĂŒrgen Moltmann. Citation p 25 (Dieu dans lâUnivers, Cerf, 1988). JĂŒrgen Moltmann. LâEsprit qui donne la vie. Cerf, 1999
Sur ce blog, voir aussi :
Lytta Basset. Oser la bienveillance : https://vivreetesperer.com/?p=1842
La raison pour laquelle le seul futur qui mĂ©rite dâĂȘtre conçu inclut tout le monde (Pape François TED) : https://vivreetesperer.com/?p=2634
Une belle vie se construit avec de belles relations
https://vivreetesperer.com/?p=2491
On ne dit jamais assez aux gens quâon aime quâon les aime
https://vivreetesperer.com/?p=2224
Devenir plus humain. Une culture de lâamour, de lâaccueil de lâautre, dâacceptation de la diffĂ©rence (Jean Vanier) : https://vivreetesperer.com/?p=2105
Se sentir aimĂ© pour sâaccepter (Luc-Olivier Bosset) : https://vivreetesperer.com/?p=2100
Des petits riens de grande portée. La bienveillance au quotidien (Odile Hassenforder) : https://vivreetesperer.com/?p=1849
par jean | Juin 9, 2024 | ARTICLES , Société et culture en mouvement |
Une nouvelle pensée économique selon Eloi Laurent
Pour rĂ©aliser les transformations Ă©conomiques requises urgemment par la crise Ă©cologique, nous avons besoin de considĂ©rer lâĂ©conomie sous un jour nouveau. Câest pourquoi Eloi Laurent nous propose un livre intitulĂ©Â : « Ăconomie pour le XXIe siĂšcle. Manuel des transitions justes » (1). Eloi Laurent est enseignant-chercheur Ă lâOFCE/Sciences Po et Ă Ponts Paris Tech et Ă lâinternational ; il a enseignĂ© dans les universitĂ©s Harvard et Stanford. Il est donc bien placĂ© pour constater « la perplexitĂ© croissante des Ă©tudiants » vis-Ă -vis de lâenseignement dâune « économie aveugle Ă lâĂ©cologie comme sâil sâagissait de deux mondes parallĂšles ».
« Ăconomiste engagĂ© dans le dĂ©bat public, il jette ici un regard critique et constructif sur sa discipline ». « Ce manuel innovant propose une Ă©conomie pour le XXIe siĂšcle, qui intĂšgre dĂ©fis Ă©cologiques et enjeux sociaux : une Ă©conomie qui part de la biosphĂšre plutĂŽt que de la traiter comme une variable dâajustement ; une Ă©conomie qui place au centre la crise des inĂ©galitĂ©s sociales plutĂŽt que lâobsession de la croissance ; une Ă©conomie organique en prise avec le vivant dont nous dĂ©pendons ; une Ă©conomie en dialogue avec les autres disciplines. En somme, une Ă©conomie mise au service des transitions justes qui ont pour but de prĂ©server notre planĂšte et nos libertĂ©s » (page de couverture).
Comme la prise de conscience Ă©cologique nous a appelĂ© Ă Ă©tudier sur ce blog des pistes de transformation dans diffĂ©rents domaines, depuis lâĂ©conomie (2) et la socio-politique (3) ou lâenvironnementalisme (4) jusquâĂ la philosophie (5) et la spiritualitĂ© (6), cet ouvrage est particuliĂšrement bienvenu car il nous offre un chemin qui allie la prise en compte des effets mortifĂšres des inĂ©galitĂ©s et des politiques Ă©cologiques pour tracer le chemin de âtransitions justesâ.
Ce livre sâorganise en deux grandes parties .« La premiĂšre partie prĂ©sente un cadre, une mĂ©thode et des outils pour insĂ©rer lâĂ©conomie entre la rĂ©alitĂ© Ă©cologique et les principes de justice. La seconde partie applique cette approche social-Ă©cologique Ă toutes les grandes questions de notre temps : la biodiversitĂ©, les Ă©cosystĂšmes, lâĂ©nergie, le climat, etc⊠et donne Ă voir tous les leviers dâaction pour mener Ă bien des transitions justes : Nations unies, Union europĂ©enne, gouvernement français, territoires, entreprises, communautĂ©s » (page de couverture). On se reportera Ă ces diffĂ©rents champs dâĂ©tude. Nous introduirons ici le lecteur Ă la maniĂšre dont Eloi Laurent prĂ©sente les attendus de la nouvelle Ă©conomie et lâapproche sociale-Ă©cologique au cĆur de cette vision nouvelle
Ce que lâĂ©conomie savait, ce quâelle a oubliĂ©, ce quâelle peut encore nous apprendre.
Pour rĂ©ussir la transition Ă©cologique, il serait bon de pouvoir Ă©clairer et guider les changements Ă©conomiques nĂ©cessaires par des savoirs Ă©conomiques. Câest lĂ que lâauteur met en Ă©vidence le manque de pertinence des sciences Ă©conomiques actuelles. « LâĂ©conomie standard sâest enfermĂ©e au cours des derniĂšres dĂ©cennies du siĂšcle prĂ©cĂ©dent dans une approche beaucoup trop Ă©troite de la coopĂ©ration sociale et du dĂ©veloppement humain, fixĂ©e sur des obsessions abstraites telle que lâefficacitĂ©, la rentabilitĂ© ou la croissance , qui la rendent trop inopĂ©rante aujourdâhui. Ce faisant, elle a mĂ©prisĂ© sa propre richesse, ignorĂ© son Ă©codiversitĂ©, et nĂ©gligĂ© de sâinterroger sur les conditions de possibilitĂ© de lâactivitĂ© Ă©conomique » (p 10).
Or, en remontant aux origines, puis dans lâhistoire de lâĂ©conomie politique, on dĂ©couvre que celle-ci a longtemps tenu grand compte des ressources naturelles et de lâenvironnement .
« Contrairement aux apparences contemporaines, il apparait que lâanalyse Ă©conomique a dĂ©veloppĂ© trĂšs tĂŽt une double prĂ©occupation pour la justice et pour la question Ă©cologique et mĂȘme pour lâarticulation de ces deux thĂ©matiques » (p 15). Lâauteur remonte aux origines. LâĂ©conomie a Ă©tĂ© inventĂ©e en GrĂšce , il y a 2500 ans par XĂ©nophon , propriĂ©taire administrant un domaine agricole, et par Aristote dans sa âPolitiqueâ. Chez Aristote, lâĂ©conomie, câest « la discipline de la sobriĂ©tĂ© au service des besoins essentiels . Câest donc une discipline qui concilie les besoins des humains avec les contraintes de leur environnement. Quand lâĂ©conomie devient âĂ©conomie politique â Ă lâĂ©poque moderne, les premiers « économistes font de la nature la source de la richesse et lâorigine du pouvoir ». (p 15-16). Câest au XVIIIe siĂšcle quâune pensĂ©e Ă©conomique Ă©merge Ă nouveau. « Les premiers Ă©conomistes sont les physiocrates , un groupe de philosophes et de responsables politiques français. Ils ont Ă©tĂ© les premiers Ă construire un modĂšle cohĂ©rent de reprĂ©sentation de lâĂ©conomie oĂč les ressources naturelles jouaient un rĂŽle central. Les physiocrates nous aident Ă comprendre le lien essentiel entre ressources naturelles, pouvoir politique et justice sociale. Cette analyse se prolonge avec les travaux de lâĂ©cole classique anglaise  » (p 16-19). Lâauteur Ă©voque ici David Ricardo et John Stuart Mill . Alors quâen 1848, la premiĂšre rĂ©volution industrielle atteint son pinacle, John Stuart Mill envisage un ralentissement de la croissance, un âĂ©tat stationnaire â. « OĂč tendons nous ? A quel but dĂ©finitif la sociĂ©tĂ© marche-t-elle avec son progrĂšs industriel ?… Les Ă©conomistes nâont pas manquĂ© de voir plus ou moins distinctement que lâaccroissement de la richesse nâest pas illimitĂ©Â ; quâĂ la fin de ce quâon appelle lâĂ©tat progressif se trouve lâĂ©tat stationnaireâŠÂ ». Et, dĂšs cette Ă©poque, il pressent et envisage la question Ă©cologique : « Si la terre doit perdre une grande partie de lâagrĂ©ment quâelle doit aux objets, que dĂ©truirait lâaccroissement continu de la richesse et de la population⊠jâespĂšre sincĂšrement pour la postĂ©ritĂ© quâelle se contentera de lâĂ©tat stationnaire longtemps avant dây ĂȘtre forcĂ©e par la nĂ©cessitĂ©  ». Eloi Laurent commente ainsi : « La nature rĂ©volutionnaire du questionnement de John Stuart Mill sur les finalitĂ©s mĂȘmes de lâĂ©conomie capitaliste libĂ©rale rĂ©side dans sa comprĂ©hension de lâimpact profond que les sociĂ©tĂ©s humaines ont dĂ©jĂ , de son temps, sur la biosphĂšre ». Dâune maniĂšre positive, John Stuart Mill prĂ©cise : « Ce ne sera que quand, avec de bonnes institutions, lâhumanitĂ© sera guidĂ©e par une judicieuse prĂ©voyance, que les conquĂȘtes faites sur les forces de la nature par lâintelligence et lâĂ©nergie des explorateurs scientifiques deviendront la propriĂ©tĂ© commune de lâespĂšce et un moyen dâamĂ©liorer et dâĂ©lever le sort de tous » (p 41-42).
Eloi Laurent nous montre ensuite le tournant intervenu dans les sciences Ă©conomiques au XXe siĂšcle. DâaprĂšs Dani Rodrik, « lâĂ©conomie serait diffĂ©rente des autres sciences sociales (et pour tout dire supĂ©rieure), du fait de sa maitrise des modĂšles, autrement dit de reprĂ©sentations simplifiĂ©es et opĂ©ratoires des comportements humains, lesquels permettraient dâidentifier des relations causales. LâĂ©conomie du XXe se serait ainsi progressivement singularisĂ©e par lâamĂ©lioration de ses techniques quantitatives, prenant appui sur la formalisation mathĂ©matique pour dĂ©velopper lâĂ©conomĂ©trie, la thĂ©orie des jeux jusquâĂ lâĂ©conomie computationnelle et le big data dâaujourdâhui . En rĂ©alitĂ©, la question des instruments apparait secondaire dans lâĂ©mancipation de lâĂ©conomie au XXe siĂšcle. La vĂ©ritable rupture nâest pas formelle mais substantielle : câest la rupture avec la philosophie, lâĂ©thique et la justice  » (p 42). Lâauteur rappelle que les enjeux de rĂ©partition et les principes de justice Ă©taient au cĆur de lâĆuvre des pĂšres fondateurs de ce quâon a appelĂ© âlâĂ©conomie politiqueâ. Mais force est de constater que ces enjeux ont Ă©tĂ© marginalisĂ©s et finalement presque oblitĂ©rĂ©s dans les derniĂšres dĂ©cennies du XXe siĂšcle. Cet aveuglement progressif dans les travaux de lâĂ©cole nĂ©oclassique a Ă©tĂ© aggravĂ© par la focalisation sur le court terme par lâapproche keynĂ©sienne .
Lâauteur met en Ă©vidence « la relĂ©gation de lâenjeu de la justice par rapport Ă celui de lâefficacité » dans les publications en Ă©conomie Ă partir de la fin du XIXe siĂšcle . Ce nâest quâĂ partir des annĂ©es 2000 que « lâĂ©conomie des inĂ©galitĂ©s a fait un retour remarquĂ©  ».
Eloi Laurent nous propose Ă©galement une histoire du dĂ©veloppement de lâĂ©conomie de lâenvironnement Ă partir du milieu du XIXe siĂšcle . Au dĂ©but des annĂ©es 1960, une Ă©conomie Ă©cologique Ă©merge comme une rĂ©ponse au dĂ©fi de la soutenabilitĂ© dĂ©jĂ cristallisĂ© par la publication du rapport Brundtland publiĂ© dans le cadre dâune commission des Nations Unies en 1987, qui dĂ©finit pour la premiĂšre fois le âdĂ©veloppement soutenableâ (ou durable) comme « un mode de dĂ©veloppement qui rĂ©pond aux besoins des gĂ©nĂ©rations prĂ©sentes, sans compromettre la capacitĂ© des gĂ©nĂ©rations futures de rĂ©pondre aux leurs » (p 50).
Cependant, malgrĂ© les recherches sur lâĂ©conomie de lâenvironnement pendant un siĂšcle et demi, cette discipline est encore nĂ©gligĂ©e dans le domaine de lâĂ©conomie. « Dans leur grande majoritĂ©, les Ă©conomistes ignorent les questions environnementales , au double sens de lâinculture et de lâindiffĂ©rence » (p 50). Cette affirmation sâappuie sur un examen de la littĂ©rature Ă©conomique contemporaine. « Ce dĂ©sintĂ©rĂȘt est dâautant plus prĂ©judiciable que la transition Ă©cologique est dĂ©sormais un enjeu de sciences sociales : les sciences dures ont largement ĆuvrĂ© pour rĂ©vĂ©ler lâampleur et lâurgence des crises Ă©cologiques  ». Aujourdâhui, « ce sont les sciences sociales, dont lâĂ©conomie, qui dĂ©tiennent la clĂ© des problĂšmes que les sciences dures ont rĂ©vĂ©lĂ©s » (p 56).
Une approche sociale-Ă©cologique
Pour des transitions justes.
Un constat sâimpose aujourdâhui : les ravages provoquĂ©s par la montĂ©e croissante des inĂ©galitĂ©s. « Nos sociĂ©tĂ©s sont devenues de plus en plus inĂ©galitaires., fragmentĂ©es et polarisĂ©es au cours des quarante derniĂšres annĂ©es tandis que les dĂ©gradations environnementales sâaccĂ©lĂ©raient pour atteindre des niveaux inĂ©dits. La crise des inĂ©galitĂ©s et les crises Ă©cologiques marchent du mĂȘme pas . Les 35 pays considĂ©rĂ©s comme les plus riches, qui ne reprĂ©sentent que 15% de la population mondiale sont ainsi responsables de75% de la consommation dĂ©mesurĂ©e des ressources naturelles depuis 1970. Et la moitiĂ© des Ă©missions de CO2 depuis 1990 est le fait de seulement 10% des humains » (p 8). « Nos systĂšmes sociaux â Ă commencer par nos systĂšmes Ă©conomiques â sont devenus autodestructeurs et lâaviditĂ© dâune partie des humains est devenue prĂ©judiciable Ă la poursuite de lâavenir de lâhumanitĂ©. Câest pourquoi nous devons trouver un moyen dâinverser la spirale social-Ă©cologique vicieuse dans laquelle nous sommes pris » (p 9).
Câest dans cette perspective quâEloi Laurent met en Ă©vidence le rapport rĂ©ciproque entre les inĂ©galitĂ©s et les effets de la crise Ă©cologique.
« ° La non-transition Ă©cologique â câest-Ă -dire la situation actuelle dans laquelle les crises Ă©cologiques sâaggravent sans trouver de rĂ©ponse adĂ©quate – est gĂ©nĂ©ratrice dâinĂ©galitĂ©s sociales qui touchent dâabord les plus dĂ©munis.
° La nĂ©cessaire rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s sociales peut attĂ©nuer les crises Ă©cologiques et rĂ©ciproquement les politiques de transition Ă©cologique peuvent rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s sociales et amĂ©liorer le bien-ĂȘtre des plus dĂ©munis.
° On peut concevoir des politiques social-Ă©cologiques qui, aujourdâhui, comme dans la durĂ©e, rĂ©duisent simultanĂ©ment les inĂ©galitĂ©s sociales et les dĂ©gradations environnementales  » (p 100).
Eloi Laurent consacre un chapitre Ă lâapproche social-Ă©cologique (p 74-98). Il y aborde en premier les questions relatives Ă la gestion des communs  : « De la tragĂ©die des communs Ă la gouvernance des communs ». Mal gouvernĂ©s, les communs peuvent dĂ©gĂ©nĂ©rer . Câest ainsi quâen 1968, Garett Hardin Ă©voque âla tragĂ©die des communsâ. Lâimage est celle de « bergers Ă©puisant le pĂąturage quâils partagent sans le possĂ©der, faute de sâen rĂ©partir Ă©quitablement lâusage ». Hardin propose comme remĂšde « soit de privatiser la ressource naturelle, soit dâinstituer âune coercition rĂ©ciproque par acceptation mutuelleâ, autrement dit de recourir Ă un autoritĂ© centrale qui monopolisera le pouvoir de choisir et qui ressemble fort Ă un gouvernement dictatorial » (p 75). Pendant les dĂ©cennies qui suivirent, lâarticle de Hardin « fut annexĂ© par une pensĂ©e nĂ©olibĂ©rale en plein essor qui en fait lâemblĂšme de sa lutte en faveur de la propriĂ©tĂ© exclusive comme seul outil rationnel de gestion des ressources » (p 75).
Cependant, si on a dĂ©crit deux solutions Ă la âtragĂ©die des communsâ : la centralisation politique ou la privatisation, une troisiĂšme option apparait  : « une rĂ©volution des communs dont Ostrom est le porte-Ă©tendard » . « Les travaux dâOstrom et de ses nombreux coauteurs vont dĂ©montrer que les institutions qui permettent la prĂ©servation des ressources par la coopĂ©ration sont engendrĂ©es par les communautĂ©s humaines elles-mĂȘmes et pas par lâĂtat, ni par le marchĂ© . Des centaines de gouvernances dĂ©centralisĂ©es Ă©vitent, partout dans le monde et depuis des millĂ©naires, la tragĂ©die des communs en permettant lâexploitation soutenable de toutes sortes de ressources : eau, forĂȘts, poissons, etc » (p 78). En exemple, le partage de lâeau depuis le dĂ©but de lâagriculture, il y a 10000 ans⊠« Ces principes de gouvernement Ă©cologique Ă©manent des communautĂ©s humaines elles-mĂȘmes, pas dâune autoritĂ© extĂ©rieure ». Toutes les informations sont ainsi Ă portĂ©e et nourrissent lâaction. Quant Ă elle, la privatisation engendre lâinĂ©galitĂ©.
« Dans ce cadre dâanalyse, on voit clairement lâimportance de la relation â horizontale, mais souvent nĂ©gligĂ©e – entre prĂ©servation naturelle et confiance . Ce nâest donc pas un hasard si Ostrom a aussi contribuĂ© de maniĂšre dĂ©cisive Ă la littĂ©rature sur la confiance en lien avec la coopĂ©ration  » (p 78). « Selon Ostrom, les individus qui coopĂšrent sont capables dâapprendre des autres ; Ils se souviennent des comportements de coopĂ©ration et plus gĂ©nĂ©ralement de la fiabilitĂ© des personnes auxquelles ils ont affaire ; ils utilisent leur mĂ©moire et dâautres indices⊠pour Ă©valuer la fiabilitĂ© de leurs partenaires dans lâĂ©change, avant de leur accorder leur confiance ; ils sâefforcent de se bĂątir une rĂ©putation de fiabilité⊠ils adoptent des horizons temporels qui excĂšdent le passĂ© immĂ©diat⊠La coopĂ©ration est une quĂȘte de connaissances partagĂ©es » (p 79). Ainsi, « grĂące Ă Ostrom, on sait maintenant que des institutions communes enracinĂ©es dans des principes de justice, mĂȘme rĂ©duites Ă leur plus simple expression, favorisent les comportements coopĂ©ratifs. La thĂ©orie des communs dâOstrom constitue donc la premiĂšre matrice de lâapproche sociale-Ă©cologique  » (p 80).
Lâapproche sociale-Ă©cologique considĂšre la relation rĂ©ciproque entre dynamique sociale et dynamique environnementale en se concentrant sur le caractĂšre imbriquĂ©e des deux crises qui caractĂ©risent le dĂ©but du XXIe siĂšcle . A cet Ă©gard, lâapproche sociale-Ă©cologique fonctionne Ă double sens : les inĂ©galitĂ©s sociales alimentent les crises Ă©cologiques tandis que les crises Ă©cologiques aggravent Ă leur tour les inĂ©galitĂ©s sociales » (p 80).
« Lâimpact social des crises Ă©cologiques nâest pas le mĂȘme pour les diffĂ©rents individus et groupes compte tenu de leur statut socio-Ă©conomique » (p 81). Lâauteur Ă©tudie lâincidence des riches et des pauvres sur lâenvironnement. « Du cĂŽtĂ© des riches, le sociologue Thomas Veblen a montrĂ© dans sa âThĂ©orie de la classe de loisirâ que le dĂ©sir de la classe moyenne dâimiter les modes de vie des classes les plus favorisĂ©es peut conduire Ă une Ă©pidĂ©mie culturelle de dĂ©gradations environnementales  ». Câest lâattrait dâune âconsommation ostentatoire â. Dans un autre registre, Indira Gandhi faisait remarquer que dans les pays les plus dĂ©munis, « la pauvretĂ© conduit Ă des dĂ©gradations environnementales du fait de lâurgence sociale » . La richesse des pays pauvres du monde rĂ©sidant dâabord dans les ressources naturelles, ils sont contraints Ă y puiser excessivement. « LâĂ©radication de la pauvretĂ© est donc souhaitable non seulement socialement, mais aussi sur le plan environnemental, Ă condition quâelle ne prenne pas la forme dâun rattrapage consumĂ©riste, mais sâinscrive dans une redĂ©finition de la richesse globale  » (p 83). « Les inĂ©galitĂ©s augmentent le besoin dâune croissance Ă©conomique nĂ©faste pour lâenvironnement et socialement inutile⊠Si lâaccumulation de richesse dans un pays donnĂ© est accaparĂ©e par une petite fraction de la population, le reste de la population rĂ©clamera une croissance Ă©conomique supplĂ©mentaire pour que son niveau de vie ne stagne pas  ». Et, dans lâĂ©tat actuel des choses, ce surplus de croissance « se traduira par davantage de dĂ©gradations environnementales  ».
Comment rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s  ? « Par dĂ©finition, il existe deux maniĂšres de les rĂ©duire: du bas vers le haut ou du haut vers le bas. RĂ©duire les niveaux des groupes des plus riches de la population mondiale (les 10% qui Ă©mettent un peu moins de la moitiĂ© du CO2 mondial, dâaprĂšs les analyses du GIEC en 2022) via une fiscalitĂ© adĂ©quate se traduira logiquement par dâimportantes rĂ©ductions dâĂ©mission. De plus, les biens de âluxeâ engendrent beaucoup plus dâĂ©missions de carbone que les biens de ânĂ©cessitĂ© â (p 86).
Dans ce cadre, veiller Ă une transition juste : « Dans lâUnion europĂ©enne, alors que les Ă©missions par habitant ont baissĂ© en moyenne de lâordre de 25% entre 1990 et 2013, les Ă©missions de 1% des plus riches ont augmentĂ© de 7% (principalement sous lâeffet du transport aĂ©rien et, dans une moindre mesure, terrestre) tandis que celles des 50% des plus pauvres ont baissĂ© de 32%. Nous vivons donc une transition injuste dans le continent le plus avancĂ© dans lâattĂ©nuation de la crise climatique » (p 87).
De plus, « Les inĂ©galitĂ©s augmentent lâirresponsabilitĂ© Ă©cologique des plus riches Ă lâintĂ©rieur de chaque pays et entre les nations ». On constate ainsi que le dommages environnementaux (activitĂ©s polluantes, dĂ©chets) sont souvent affectĂ©s aux zones pauvres. « Les inĂ©galitĂ©s, qui affectent la santĂ© des individus et des groupes, diminuent la rĂ©silience social-Ă©cologique des communautĂ©s et des sociĂ©tĂ©s, et affaiblissent leur capacitĂ© collective Ă sâadapter Ă lâaccĂ©lĂ©ration du changement environnemental global ». « Un important corpus de recherches⊠a confirmĂ© lâimpact nĂ©gatif des inĂ©galitĂ©s sociales sur la santĂ© physique et mentale aux niveaux local et national (via le stress, la violence, un moindre accĂšs aux soins de santĂ© etc .) » (p 91). Selon Paul Farmer, lâinĂ©galitĂ© constitue un « flĂ©au moderne » sur le plan sanitaire aussi redoutable que les agents infectieux . De mĂȘme, la dynamique des inĂ©galitĂ©s sociales influe sur la rĂ©silience ou au contraire la vulnĂ©rabilitĂ© des populations exposĂ©es Ă de grands chocs. Et de plus, « Les inĂ©galitĂ©s entravent lâaction collective visant Ă prĂ©server les ressources naturelles⊠De nombreuses Ă©tudes ont montrĂ© comment lâinĂ©galitĂ© nuit Ă la gestion durable des ressources communes car elle perturbe, dĂ©moralise et dĂ©sorganise le communautĂ©s humaines » (p 92). De mĂȘme, « les inĂ©galitĂ©s rĂ©duisent lâacceptabilitĂ© politique des prĂ©occupations environnementales et la possibilitĂ© de compenser les effets socialement rĂ©gressifs potentiels des politiques environnementales » (p 94).
Les horizons de la transition juste
« Lâapproche sociale-Ă©cologique, dont on vient de dĂ©tailler les deux facettes, trouve depuis quelques annĂ©es une traduction institutionnelle porteuse dâavenir dans lâidĂ©e de âtransition justeâ qui monte en puissance dans le champ acadĂ©mique et dans la sphĂšre politique. Ainsi, lors de la Cop 26 (novembre 2021), plusieurs chefs dâĂ©tat et de gouvernement ont co-signĂ© une dĂ©claration sur « la transition internationale juste » (p 96). Eloi Laurent nous rapporte lâĂ©volution de cette notion. « Elle est nĂ©e au dĂ©but des annĂ©es 1990 dans les milieux syndicalistes amĂ©ricains comme un projet social dĂ©fensif visant Ă protĂ©ger les travailleurs des industries fossiles des consĂ©quences des politiques climatiques sur leurs emplois et leurs retraites ». Ce projet a trouvĂ© par la suite un Ă©cho dans dâautres contextes. « Dans cette perspective dĂ©fensive, ce sont les politiques de transition quâil sâagit de rendre justes. Or lâamplification des chocs Ă©cologiques (inondations, sĂ©cheresses, pandĂ©mies, etc.), indĂ©pendamment des politiques dâattĂ©nuation qui seront mises en Ćuvre pour y faire face, appelle une dĂ©finition plus large et plus positive de la transition juste . Cet Ă©largissement a Ă©tĂ© entamĂ© sous lâinfluence de la ConfĂ©dĂ©ration internationale des syndicats , puis de la confĂ©dĂ©ration europĂ©enne des syndicats, qui ont fait Ă©voluer la transition juste vers une tentative de conciliation de la lutte contre le dĂ©rĂšglement climatique et la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s sociales , autour du thĂšme des « emplois verts  »⊠Eloi Laurent se rĂ©jouit de cette Ă©volution, mais appelle Ă aller encore plus loin. « Il convient dâĂ©largir encore le projet de transition juste en prĂ©cisant ses exigences et surtout en sâefforçant de la rendre opĂ©ratoire de maniĂšre dĂ©mocratique⊠La transition juste ne doit plus seulement sâentendre comme un accompagnement social ou une compensation financiĂšre des politiques dâattĂ©nuation des crises Ă©cologiques, mais plus largement comme une stratĂ©gie de transition social-Ă©cologique intĂ©grĂ©e  » (p 97).
Eloi Laurent formule en conclusion trois exigences:
1) analyser systĂ©matiquement les chocs Ă©cologiques et les politiques correspondantes, sous lâangle de la justice socialeâŠ
2) accorder la prioritĂ© dans les politiques de transition juste au bien-ĂȘtre humain dynamique Ă©clairĂ© par des enjeux de justice en vue de dĂ©passer lâhorizon de la croissance Ă©conomique⊠Ce dĂ©passement de la croissance Ă©conomique est en train de devenir un Ă©lĂ©ment de consensus dans la communautĂ© globale environnementale
3) construire ces politiques de transition juste de maniĂšre dĂ©mocratique en veillant Ă la comprĂ©hension, Ă lâadhĂ©sion et Ă lâengagement des citoyensâŠÂ » (p 98).
Eloi Laurent présente ensuite la palette des transitions justes.
En Ă©conomiste ouvert Ă un vaste horizon, Eloi Laurent nous apprend beaucoup sur la transition, un leitmotiv de notre Ă©poque. Câest ainsi que nous avons dĂ©couvert son approche dans un podcast du journal Le Monde : « Comment rendre la transition heureuse », une approche qui nous a paru particuliĂšrement ajustĂ©e (7). En prĂ©sentant ce livre : « Manuel des transitions justes », nous nâen rendons compte que dâune petite part , car cet ouvrage aborde toute une gamme de questions relatives Ă la transition depuis : « la transition vers la prĂ©servation du monde vivant  », « la transition vers la coopĂ©ration et le bien-ĂȘtre » jusquâĂ la « transition vers la pleine santé » . Il nous apparait ainsi comme une piĂšce marquante dâun des quelques thĂšmes que nous abordons sur ce blog. Certes, son propos est dense, mais il est accessible et, manifestement, il aborde la question majeure de la transition Ă©cologique sous un angle qui nous parait Ă la fois Ă©thique et rĂ©aliste, cette « transition juste » qui se dĂ©ploie dans une approche « social-Ă©cologique ».
J H
(1)Â Eloi Laurent. Ăconomie pour le XXIe siĂšcle. Manuel des transitions justes. La DĂ©couverte, 2023
(2) Sortir de lâobsession de lâefficience pour entrer dans un nouveau rapport avec la nature : https://vivreetesperer.com/sortir-de-lobsession-de-lefficience-pour-entrer-dans-un-nouveau-rapport-avec-la-nature/ Vers une civilisation Ă©cologique : https://vivreetesperer.com/vers-une-civilisation-ecologique/
Vers une économie symbiotique : https://vivreetesperer.com/vers-une-economie-symbiotique/
(3) Face à une accélération et à une chosification de la société : https://vivreetesperer.com/face-a-une-acceleration-et-a-une-chosification-de-la-societe/
Comment la puissance technologique nâengendre pas nĂ©cessairement le progrĂšs : https://vivreetesperer.com/comment-la-puissance-technologique-nengendre-pas-necessairement-le-progres/
(4) LâhumanitĂ© peut-elle faire face au dĂ©rĂšglement des Ă©quilibres naturels ? : https://vivreetesperer.com/lhumanite-peut-elle-faire-face-au-dereglement-des-equilibres-naturels/
(5) Les lumiĂšres Ă lâĂąge du vivant : https://vivreetesperer.com/des-lumieres-a-lage-du-vivant/
(6) Réenchanter notre relation au vivant : https://vivreetesperer.com/reenchanter-notre-relation-au-vivant/ Ecospiritualité : https://vivreetesperer.com/ecospiritualite/
(7) Comment rendre la transition heureuse ? le Monde. Eloi Laurent : https://podcasts.lemonde.fr/chaleur-humaine/202404090500-climat-comment-rendre-la-transition-heureuse
par jean | FĂ©v 1, 2023 | ARTICLES , Vision et sens |
A certains moments, dans certaines circonstances, nous ressentons une irruption de beautĂ©, un passage oĂč nous sommes subjuguĂ©s par un sentiment dâadmiration et dâĂ©merveillement, la manifestation dâune rĂ©alitĂ© qui nous dĂ©passe. Dans la langue anglaise, il y a un terme qui dĂ©signe cette situation et lâĂ©motion qui lâaccompagne : « awe ». Certes, ce terme vient de loin et il vĂ©hicule des connotations diffĂ©rentes, mais, dans cette histoire, il sâest dĂ©gagĂ© des ombres qui lâaccompagnaient. Et aujourdâhui, cette « awe » attire lâattention des chercheurs en psychologie soucieux de contribuer au « Greater good », au meilleur bien. Il Ă©voque aussi un ressenti de transcendance qui sâinscrit dans une histoire religieuse et qui, aujourdâhui, se manifeste dans un champ plus vaste jusquâĂ une reconnaissance possible dans la quotidiennetĂ©. Dans ce contexte, vient de paraĂźtre un livre Ă©crit par Dacher Keltner , professeur de psychologie Ă lâuniversitĂ© de Berkeley (Californie), Ă©galement directeur au « Greater Good Centre » (1) ; cet ouvrage nous rapporte une avancĂ©e de la recherche en ce domaine : « Awe. The new science of everyday wonder and how it can transform your life » (Lâadmiration. La nouvelle science du merveilleux au quotidien et comment elle peut transformer votre vie ») (2).
« Awe » : des significations en évolution
« Awe » est un terme apparu en vieil anglais au Moyen Age. A lâĂ©poque, il traduit un sentiment de crainte et mĂȘme de peur, voire de terreur par rapport Ă une manifestation de puissance et dâĂ©trangetĂ©. On peut imaginer de telles rĂ©actions dans un contexte marquĂ© par un climat de violence et un manque de savoir. A titre dâexemple, la foudre nâest plus perçue aujourdâhui comme hier. Comme lâa Ă©crit le chercheur Rudolf Otto , lâexpression du sacrĂ© peut ĂȘtre redoutĂ©e. Cependant, lâemploi du terme « awe » dans le vocabulaire chrĂ©tien a portĂ© une signification diffĂ©rente, celle dâune admiration respectueuse vis Ă vis de la grandeur de Dieu, parfois dĂ©crite comme « une crainte rĂ©vĂ©rencielle, manifestation de transcendance, un ressenti dâun dĂ©passement ». Aussi, la traduction de « awe » en français manifeste toute une gamme de sens : admiration, Ă©merveillement, Ă©bahissement, extase, crainte rĂ©vĂ©rencielle⊠Le phĂ©nomĂšne varie en intensitĂ©. Il peut se manifester dâune maniĂšre bouleversante comme dans les « peak experiences  » (les expĂ©riences de sommet ) dĂ©crites dĂšs les annĂ©es 1960 par Abraham Maslow , ou bien selon une autre terminologie par « un sentiment ocĂ©anique ». Mais si ces expĂ©riences sont toujours remarquables, elles peuvent se manifester sur un mode beaucoup plus courant et familier comme le livre de Dacher Keltner vient nous le montrer abondamment.
LâĂ©volution de la recherche en psychologie
Si la recherche concernant les expĂ©riences religieuses et spirituelles est marquĂ©e aux Etats-Unis par la personnalitĂ© du philosophe et psychologue amĂ©ricain Williams James au dĂ©but du XXe siĂšcle, et si elle a Ă©tĂ© poursuivie par des personnalitĂ©s comme Alister Hardy (3) en Angleterre dans les annĂ©es 1970, la recherche concernant le phĂ©nomĂšne de la « awe » est beaucoup plus tardive et sâinscrit dans un autre contexte. Dacher Keltner nous en prĂ©sente le dĂ©veloppement.
Dans les annĂ©es 1980, la psychologie Ă©tait dominĂ©e par la « rĂ©volution cognitive ». Dans ce contexte, chaque expĂ©rience humaine, du jugement moral Ă la manifestation des prĂ©jugĂ©s, Ă©tait abordĂ©e dans une maniĂšre oĂč notre pensĂ©e, comme un programme dâordinateur, traitait les unitĂ©s dâinformation dans un processus dĂ©pourvu dâĂ©motions. Les Ă©motions nâĂ©taient pas prises en compte dans la comprĂ©hension de la nature humaine. Longtemps, les Ă©motions ont Ă©tĂ© perçues comme infĂ©rieures et venant troubler notre raison, la part Ă©levĂ©e de notre nature, considĂ©rĂ©e comme la plus haute manifestation de notre humanitĂ©. Les Ă©motions fugaces et subjectives ne pouvaient ĂȘtre observĂ©es en laboratoire. Câest alors quâun article de lâanthropologue Paul Eckman a renversĂ© la vapeur en mettant en Ă©vidence lâimportance des Ă©motions et la nĂ©cessitĂ© ainsi que la possibilitĂ© de les Ă©tudier. Il avait auparavant parcouru la planĂšte et dĂ©montrĂ© quâil existait des Ă©motions universelles, six au total : la colĂšre, la peur, le dĂ©goĂ»t, la joie, la tristesse, la surprise. Elles sont reconnaissables par des mimiques caractĂ©ristiques. De jeunes chercheurs sâengagĂšrent sur cette piste et ils Ă©largirent le champ des Ă©motions Ă©tudiĂ©es, y ajoutant lâamusement, la gratitude, lâamour et lâorgueil. Dans son laboratoire, Dacher Keltner a lui-mĂȘme travaillĂ© sur le rire, la gratitude, lâamour, le dĂ©sir et la sympathie. En rĂ©action par rapport Ă la rĂ©volution cognitive, une rĂ©volution de lâĂ©motion Ă©tait en cours. On a ainsi mis en avant lâĂ©tude dâune intelligence Ă©motionnelle .
Ici Dacher Keltner sâinterroge. Pourquoi lâĂ©tude de la « awe » ne sâest-elle pas inscrite dans ce grand mouvement de recherche alors que lâ« awe » est une Ă©motion qui est Ă la source de tant de choses humaines : « musique, art, religion, science, politique et intuitions transformatrices au sujet de la vie ». Les raisons de cette omission sont pour une part mĂ©thodologiques. La « awe » ne se prĂȘte pas Ă la mesure. Comment lâĂ©tudier dan un laboratoire ? Il y avait aussi une barriĂšre thĂ©orique. Quand la science des Ă©motions sâest dĂ©veloppĂ©e, câĂ©tait dans le contexte de lâesprit du temps qui envisageait les Ă©motions comme tournĂ©es vers la protection de soi, rĂ©duisant les dangers et accroissant les gains compĂ©titifs pour les individus. En contraste, la « awe » semble nous orienter vers un dĂ©vouement portĂ© au delĂ de soi, vers un service et un sacrifice. Câest le sentiment que les frontiĂšres entre nos mois individuels et les autres peuvent se dissoudre facilement, que notre vraie nature est collective. Ces qualitĂ©s ne correspondaient pas Ă la conception de la nature humaine hyper individualiste, matĂ©rialiste, qui dominait Ă lâĂ©poque. Et de plus, certains craignaient dâengager leur pratique scientifique dans un domaine oĂč les expĂ©riences peuvent sâexprimer en termes religieux .
Développement de la recherche sur la « awe »
Lorsque la recherche sur les Ă©motions a commencĂ© Ă aborder le champ des Ă©motions positives, en 2003 , Dacher Keltner et un de ses collĂšgues, Jonathan Haig ont commencĂ© Ă travailler pour Ă©laborer une dĂ©finition de la « awe ». A lâĂ©poque, il y avait seulement quelques articles concernant ce sujet. Il manquait une dĂ©finition. Dave Keltner rapporte comment ils ont Ă©tudiĂ© une vaste littĂ©rature, de mystiques Ă des anthropologues et Ă un sociologue comme Max Weber. Et il en est rĂ©sultĂ© la dĂ©finition suivante : la « Awe » est le sentiment de la prĂ©sence de quelque chose dâimmense qui transcende votre comprĂ©hension habituelle du monde ». LâimmensitĂ© (« vastness ») peut ĂȘtre perçue tant dans lâespace que dans le temps ou bien encore dans le monde des idĂ©es « lorsquâune Ă©piphanie intĂšgre des croyances dispersĂ©es en une thĂšse cohĂ©rente ». LâimmensitĂ© peut ĂȘtre dĂ©stabilisante. Elle entraine la recherche de nouvelles formes de comprĂ©hension. La « awe » porte sur les grands mystĂšres de la vie. Il y a des variations innombrables. Comment change-t-elle dâune culture Ă une autre, ou dâune pĂ©riode de lâhistoire Ă une autre, ou dâune personne Ă un autre ? Ou bien mĂȘme dâun moment de votre vie Ă un autre ? Le sens change selon les contextes, et ces contextes sont extrĂȘmement divers.
Lorsquâau dĂ©but du XXe siĂšcle, le grand psychologue amĂ©ricain William James sâengagea dans une recherche pour comprendre la « awe » mystique, il ne procĂ©da pas Ă des expĂ©rimentations ou Ă des mesures. Il rassembla des rĂ©cits : des rĂ©cits personnels, Ă la premiĂšre personne, de rencontres avec le divin, des rĂ©cits de conversions religieuses, dâĂ©piphanies spirituelles⊠Et en dĂ©couvrant des configurations dans ces rĂ©cits, il mit en lumiĂšre « le cĆur de la religion dans son rapport avec la « awe » mystique, une expĂ©rience Ă©motionnelle ineffable dâĂȘtre en relation avec ce que nous considĂ©rons divin ».
Dacher Keltner sâest donc engagĂ© avec le professeur Yang Bai dans une grande enquĂȘte internationale Ă lâĂ©chelle mondiale en vue de rassembler des rĂ©cits de personnes dĂ©crivant une expĂ©rience de « awe » selon la dĂ©finition choisie : « Etre en prĂ©sence de quelque chose de vaste et de mystĂ©rieux qui transcende votre comprĂ©hension habituelle du monde ». Les participant venaient de toutes les religions ou de sans-religions. Ils appartenaient Ă des cultures diffĂ©rentes avec une grande diversitĂ© de conditions sociales et de conditions dâĂ©ducation. 2600 rĂ©cits ont Ă©tĂ© traduits Ă partir de vingt langues.
(Ce chapitre et le précédent sont écrits à partir des pages du livre 4 à 12).
Les huit merveilles de la vie
Quâest-ce qui allait ressortir de cette moisson ? Dacher Keltner a Ă©tĂ© heureusement surpris de pouvoir classer ces rĂ©cits en huit groupes aboutissant Ă une taxonomie en huit merveilles . De fait, le champ des expĂ©riences de « awe » est trĂšs vaste et ne se rĂ©duit pas Ă des situations privilĂ©giĂ©es comme lâadmiration de la nature. Quâest ce qui amĂšne le plus communĂ©ment les gens Ă ressentir de lâadmiration ? Câest la beautĂ© morale qui sâexprime dans des actions oĂč se marquent une puretĂ© et une bontĂ© de lâintention. Une attention particuliĂšre est accordĂ©e au courage.
Une seconde merveille de la vie est lâeffervescence collective , un terme introduit par le sociologue français Emile Durkheim dans son analyse du cĆur de la religion. Il y aurait une force de vie qui porterait les gens dans une conscience collective, un sens ocĂ©anique du « nous ». Les rĂ©cits portent sur des Ă©vĂšnements familiaux, religieux, sportifs, politiquesâŠ
La troisiĂšme merveille de la vie, câest la nature . Les phĂ©nomĂšnes naturels impressionnent. « Les expĂ©riences dans les montagnes, la vue des canyons, la marche parmi des arbres majestueux, une course Ă travers des dunes de sable, une premiĂšre rencontre avec lâocĂ©an suscitent de la « awe ». Ces expĂ©riences sâaccompagnent frĂ©quemment du sentiment que les plantes et les animaux sont conscients, une idĂ©e rĂ©pandue dans les traditions indigĂšnes.
La musique apparaĂźt comme la quatriĂšme merveille de la vie, car elle transporte les gens dans de nouvelles dimensions de signification symbolique Ă travers lâexpĂ©rience de concerts, de lâĂ©coute tranquille dâun morceau de musique, du chant dans des temps religieux ou tout simplement avec dâautres. On connait lâimportance de la musique dans la culture actuelle.
Les rĂ©alisations visuelles (« visual design ») apparaissent comme la cinquiĂšme merveille de la vie. Lâauteur cite des constructions, de grands barrages, de belles peintures.
Des récits de « awe » spirituelle et religieuse manifestent la sixiÚme merveille de la vie. On y trouve bien sûr des récits de conversion.
Lâauteur mentionne des rĂ©cits de vie et de mort en y voyant une septiĂšme merveille de la vie. Le passage de la mort est Ă©videmment un moment particuliĂšrement crucial.
La huitiĂšme merveille de la vie se manifeste en terme dâĂ©piphanies , câest Ă dire de moments oĂč nous comprenons soudainement des vĂ©ritĂ©s essentielles sur la vie. A travers le monde, des gens ont Ă©tĂ© remplis dâ« awe » par des intuitions philosophiques, des dĂ©couvertes scientifiques, des idĂ©es mĂ©taphysiques, des Ă©quations mathĂ©matiques⊠Dans chaque cas, lâĂ©piphanie unit des faits, des croyances, des intuitions et des images en un nouveau systĂšme de comprĂ©hension.
Toutes ces expĂ©riences de « awe » « interviennent dans un royaume diffĂ©rent du monde banal du matĂ©rialisme, de lâargent, de la cupiditĂ©, et de la recherche de statut, un royaume au delĂ du profane que beaucoup appellent le sacré » (p 19) (p 10-19).
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La spĂ©cificitĂ© de lâĂ©motion de « awe »
Dacher Keltner revient sur le parcours du terme : « awe » et nous montre que la signification correspondante est dĂ©sormais tout Ă fait distincte des significations qui lui ont Ă©tĂ© associĂ©es au dĂ©part. En effet, le terme « awe » remonte Ă un mot anglais apparu il y a 800 ans et qui renvoyait Ă la peur , la crainte, la terreur. Le contexte de lâĂ©poque Ă©tait menaçant. Depuis la signification a Ă©voluĂ© , mais quâen est-il dâun hĂ©ritage de peur ? La recherche sur les Ă©motions permet de rĂ©pondre aujourdâhui Ă cette question. Parmi les autres Ă©motions, lâĂ©motion de « awe » est spĂ©cifique . Dacher Keltner peut sâappuyer sur une analyse mathĂ©matique dâune nouvelle approche quantitative dâun ensemble dâexpĂ©riences Ă©motionnelles . Dans cette Ă©tude, son auteur, Alan Cowen, a pris en compte 27 espĂšces dâĂ©motion. Ici, lâĂ©motion de « awe » apparaĂźt comme trĂšs Ă©loignĂ©e de la peur et de lâanxiĂ©tĂ© . Au contraire, elle est proche de lâadmiration, de lâintĂ©rĂȘt, de lâapprĂ©ciation esthĂ©tique ou du sentiment de beautĂ© . « LâĂ©motion de « awe » paraĂźt intrinsĂšquement bonne ». Cette Ă©motion se distingue dâun sentiment classique de beautĂ© qui ne comporte pas une impression dâimmensitĂ© et de mystĂšre. LâĂ©motion de « awe » sâaccompagne de rĂ©actions du corps spĂ©cifiques, par exemple de lâexpression faciale. « Notre expĂ©rience de la « awe » prend place dans un espace spĂ©cifique trĂšs loin de la peur et distincte du sentiment plaisant et familier de la beauté » (p 23) (p 19-23).
LâĂ©motion de « awe » au quotidien
A partir de ces constats, Dacher Keltner sâest interrogĂ© sur la frĂ©quence des Ă©motions de « awe ». LâenquĂȘte internationale avait collectĂ© des rĂ©cits tĂ©moignant dâune grande intensitĂ© de « awe ». LâexpĂ©rience de « awe » est-elle beaucoup plus rĂ©pandue ? ApparaĂźt-elle dans nos vies quotidiennes ? Des recherches nouvelles, Ă partir de lâanalyse de journaux personnels tenus au quotidien, apportent une rĂ©ponse positive. « Dans nos vies quotidiennes, nous ressentons frĂ©quemment des Ă©motions de « awe » dans nos rencontres avec la beautĂ© morale, et en second, la nature, et dans des expĂ©riences avec la musique, lâart et le cinĂ©ma « (p 25). La culture influence ces ressentis. Ainsi, aux Etats-Unis, ils sont beaucoup plus frĂ©quents dans des contextes individualistes. Certains Ă©prouvent, quelque part chaque semaine, un ressenti de « awe », en « reconnaissant lâextraordinaire dans lâordinaire » , une gĂ©nĂ©rositĂ©, la senteur dâune fleur, la lumiĂšre dans un arbre, un chant. « De grands penseurs de Walt Whitman Ă Rachel Carson ⊠nous appellent Ă prendre conscience combien une bonne part de notre vie peut apporter une Ă©motion de « awe » (p 26).
Les contours de la « awe » ?
AprĂšs ces diffĂ©rentes approches de recherche, une enquĂȘte internationale, une cartographie des Ă©motions et lâexpression des gens sur leur expĂ©rience quotidienne, Dave Keltner peut nous rĂ©pondre Ă la question : « Quâest-ce que la « awe » ? « La « awe » commence avec les huit merveilles de la vie. Cette expĂ©rience se dĂ©roule dans un espace spĂ©cifique et diffĂšre des sentiments de peur et de beautĂ©. Notre expĂ©rience quotidienne nous en offre de multiples occasions ».
Lâauteur nous parle des Ă©motions « qui nous transportent hors dâun Ă©tat focalisĂ© sur nous-mĂȘme, centrĂ© sur la menace et soucieux du statu quo, vers un royaume oĂč nous sommes connectĂ©s Ă quelque chose de plus grand que nous-mĂȘme » (p 28). Parmi les Ă©motions qui nous dĂ©centrent de nous-mĂȘme , lâauteur cite la joie , lâextase (oĂč nous nous sentons nous dissoudre complĂštement alors que dans la « awe » nous restons conscients de notre moi, bien que faiblement), lâamusement âŠ
Cette « awe » nous tourne vers « quelque chose de plus grand que le soi » (« Something larger than the self » (p 31). Dacher Keltner relit le cours de lâhistoire . Pendant des centaines dâannĂ©es, la « awe » a inspirĂ© la maniĂšre dâĂ©crire sur la rencontre avec le divin. Avec Emerson et Thoreau , elle Ă©tait au cĆur dâune Ă©criture sur la rencontre Ă©merveillĂ©e de la nature . Elle a amenĂ© des chercheurs comme Herschel Ă la recherche astronomique. Albert Einstein a ainsi Ă©crit : « la plus belle expĂ©rience que nous pouvions faire est celle du mystĂ©rieux. Câest lâĂ©motion fondamentale qui se tient au berceau de lâart et de la science » (p 29). Câest aussi une Ă©motion qui inspire la communion humaine . « Dans les moments de « awe », nous nous Ă©loignons de lâimpression que nous sommes seuls en charge de notre propre destin pour parvenir au sentiment de faire partie dâune communautĂ© interdĂ©pendante et collaborante. Cette « awe » Ă©largit ce que le philosophe Pete Singer appelle le cercle du soin (circle of care)⊠William James appelle les actions qui donnent naissance au cercle du soin âles saintes tendances de la « awe » mystiqueâ⊠Cette « awe » Ă©veille les meilleurs anges de notre nature » (p 40-41).
Comment la « awe » peut rendre la vie meilleure
Dave Keltner nous a montrĂ© que lâĂ©motion de « awe » nâest pas un phĂ©nomĂšne exceptionnel, mais que cette Ă©motion peut apparaĂźtre Ă certains moments de la vie quotidienne avec des effets bĂ©nĂ©fiques. Si il y a toujours un risque dâinstrumentalisation, on peut donc imaginer des Ă©vĂšnements et des processus favorisant cette Ă©motion. Câest dans ce sens que travaille le centre du « Greater Good » Ă Berkeley . Le site correspondant publie de nombreux articles sur le thĂšme de la « awe » et notamment cet article : « Huit raisons pour laquelle la « awe » rend la vie plus heureuse, en meilleure santĂ©, plus humble et plus connectĂ©e aux gens autour de vous » (4).
« Un ensemble croissant de recherches suggĂšre que faire lâexpĂ©rience de la « awe » peut engendrer une vaste gamme de bienfaits, mĂȘme davantage de gĂ©nĂ©rositĂ©, dâhumilitĂ© et dâesprit critique ⊠Nous pouvons sous-estimer cette opportunité ». Une simple prescription peut avoir des effets transformateurs. Envisagez davantage dâexpĂ©riences journaliĂšres de « awe », dĂ©clare Dacher Keltner.
Cet article Ă©numĂšre les bienfaits dâune expĂ©rience de « awe » en accompagnant dâexemples et de donnĂ©es chaque proposition :
° La « awe » peut améliorer votre humeur et vous rendre plus satisfait de votre vie.
° La « awe » peut ĂȘtre bonne pour votre santĂ©.
° La « awe » peut vous aider Ă penser dâune maniĂšre plus critique .
° la « awe » peut réduire le matérialisme .
° La « awe » peut vous rendre plus petit et plus humble .
° La « awe » peut vous donner lâimpression que vous avez plus de temps.
° La « awe » peut vous rendre plus généreux et plus coopératif .
° La « awe » peut vous rendre plus connectĂ© aux autres gens et Ă lâhumanitĂ©.
Cependan t, prĂ©cise cet article publiĂ© en 2018, la recherche sur ce thĂšme nâest en fait quâĂ son dĂ©but et beaucoup de points restent Ă prĂ©ciser ou Ă Ă©tudier. Paru en 2022, le livre de Dacher Keltner est un grand pas en avant.
Une vision nouvelle
A lâĂ©chelle internationale, des personnes ont donc Ă©tĂ© appelĂ©es Ă dĂ©crire une expĂ©rience de « awe » selon la dĂ©finition : « Etre en prĂ©sence de quelque chose de vaste et de mystĂ©rieux qui transcende notre comprĂ©hension habituelle du monde  ». De fait, pour Dacher Keltner, la « awe » nous tourne vers quelque chose de plus grand que nous (something larger than the self). Et il relit ainsi le cours de lâhistoire : « Pendant des centaines dâannĂ©es, la « awe » a inspirĂ© la maniĂšre dâĂ©crire sur la rencontre avec le divin. Avec Emerson et Thoreau, elle Ă©tait au cĆur dâune Ă©criture sur la rencontre Ă©merveillĂ©e avec la nature ». Il reprend une citation dâEinstein : « La plus belle expĂ©rience que vous puissiez faire est celle du mystĂ©rieux. Câest lâĂ©motion fondamentale qui se tient au berceau de lâart et de la science ».
Si il y a un lien entre « awe » et transcendance , il est significatif que le retard dans la recherche psychologique sur la « awe » puisse ĂȘtre attribuĂ©e pour une part Ă une conception de la nature humaine hyper individualiste et matĂ©rialiste qui dominait encore Ă la fin du XXe siĂšcle et Ă©galement Ă une crainte de compromission avec la religion. On notera que la psychologue amĂ©ricaine Lise Miller a dĂ» Ă©galement sâimposer dans sa recherche sur lâactivitĂ© du cerveau et la spiritualitĂ© (5) comme dans celle sur la spiritualitĂ© de lâenfant (6). La reconnaissance nouvelle de ces recherches marque un tournant dans lâĂ©tat dâesprit du milieu de la recherche. Câest un tournant significatif.
Le terme anglais : « awe » est polysĂ©mique et sa traduction en français est donc difficile. Dans notre texte, nous avons gardĂ© le mot original. Une des significations correspondantes en français est lâĂ©merveillement. Philosophe et thĂ©ologien, Bertrand Vergely a montrĂ© en quoi lâĂ©merveillement joue un rĂŽle majeur dans notre vision du monde (7). « Qui sâĂ©merveille nâest pas indiffĂ©rent. Il est ouvert au monde, Ă lâhumanitĂ©, Ă lâexistence. Il rend possible un lien Ă ceux-ci ». Ce constat nous rappelle la maniĂšre dont la « awe » est perçue comme dĂ©centrement de soi pour une ouverture au monde et notamment aux autres humains. « Dans les moments de « awe », nous nous Ă©loignons de lâimpression que nous sommes seuls en charge de notre propre destin pour parvenir au sentiment de faire partie dâune communautĂ© interdĂ©pendante et collaborante ».
Les rĂ©sultats de lâenquĂȘte internationale manifestent, Ă travers leur diversitĂ©, des tendances communes, des expressions dâune spiritualitĂ© universelle. Cette universalitĂ© se constate Ă©galement dans un tout autre domaine, celui des expĂ©riences de mort imminente (8).  Quoiquâil en soit, en regard, nous exposons ici des tendances universalisantes dans le monde chrĂ©tien . Ainsi, lâhistorienne et thĂ©ologienne amĂ©ricaine, Diana Butler Bass , dans son livre : « Grounded. Finding God in the world. A spiritual revolution » (9), Ă©crit : « Ce qui apparaĂźt comme un dĂ©clin de la religion indique en rĂ©alitĂ© une transformation majeure dans la maniĂšre oĂč les gens se reprĂ©sentent Dieu et en font lâexpĂ©rience. Du Dieu distant de la religion conventionnelle, on passe Ă un sens plus intime du sacrĂ© qui emplit le monde . Ce mouvement, dâun Dieu vertical Ă un Dieu qui sâinscrit dans la nature et dans la communautĂ© humaine, est au cĆur de la rĂ©volution spirituelle qui nous environne âŠÂ ». Si le glissement de sens dans le terme « awe » est plus ancien, il sâinscrit aussi dans ce contexte. Dans son livre : « Grounded », Diana Butler Bass nous rĂ©vĂšle la maniĂšre dont les gens trouvent un nouvel environnement spirituel dans un Dieu qui rĂ©side avec nous dans le monde : dans le sol, lâeau, le ciel, dans nos maisons et nos voisinages et dans nos espaces communs .
Pour interprĂ©ter lâĂ©volution en cours et esquisser une rĂ©ponse chrĂ©tienne, nous trouvons un Ă©clairage thĂ©ologique dans la pensĂ©e de JĂŒrgen Molmann (10). « Dieu, le crĂ©ateur du ciel et de la terre est prĂ©sent par son Esprit cosmique dans chacune de ses crĂ©ature et dans leur communautĂ© crĂ©Ă©e⊠GrĂące aux forces et aux possibilitĂ©s de lâEsprit, le crĂ©ateur demeure auprĂšs de ses crĂ©atures, les vivifie et les mĂšne vers son royaume futur ⊠Dieu est Ă la fois transcendant et immanent ». Dieu est communion.
Comme JĂŒrgen Moltmann, Richard Rohr partage cette vision (11) « La rĂ©volution trinitaire , en cours, rĂ©vĂšle Dieu avec nous dans toute notre vie⊠Elle redit la grĂące inhĂ©rente Ă la crĂ©ation, et non comme un additif additionnel que quelques personnes mĂ©ritent⊠Dieu est celui que nous avons nommĂ© TrinitĂ©, le flux (flow) qui passe Ă travers toute chose⊠Toute chose est sainte pour ceux qui ont appris Ă la voir ainsi⊠Toute impulsion vitale, toute force orientĂ©e vers le futur, toute poussĂ©e dâamour, tout Ă©lan vers la beautĂ©, tout ce qui tend vers la vĂ©ritĂ©, tout Ă©merveillement devant une expression de bontĂ©, tout bond dâĂ©lan vital⊠tout bout dâambition pour lâhumanitĂ© et la terre, est Ă©ternellement un flux de vie du Dieu trinitaireâŠÂ ».
« Cet Ă©lan vers la beautĂ©, cet Ă©merveillement devant une expression de bontĂ© » ne sont-ils pas souvent propices Ă une Ă©motion de « awe » ? Et si la « awe » est « le sentiment de la prĂ©sence de quelque chose dâimmense qui transcende notre comprĂ©hension habituelle du monde », si ce sentiment peut se manifester et se manifeste dans des vĂ©cus extĂ©rieurs Ă toute empreinte religieuse, il peut Ă©galement ĂȘtre Ă©clairĂ© par lâapproche thĂ©ologique que nous venons de proposer. Et cette approche Ă©claire notre regard chrĂ©tien sur ces rĂ©alitĂ©s.
Dans la tourmente qui se manifeste aujourdâhui dans le dĂ©chainement dâune violence patriarcale, il serait bon que nous ne perdions pas de vue les signes dâĂ©volution positive qui sont apparus dans les toutes derniĂšres dĂ©cennies. Et, parmi ce signes, la mise en valeur de la gratitude (12) et de la « awe » dans le champ psychologique. Cette mise en Ă©vidence apparaĂźt Ă la fois comme un progrĂšs dans la civilisation humaine et comme un fait spirituel.
J H
Greater Good Center : https://greatergood.berkeley.edu
Dacher Keltner. Awe. The new Science of everyday wonder and how it can transform your life. Penguin Press, 2023
LâĆuvre dâAlister Hardy, dans : Participation des expĂ©riences spirituelles Ă la conscience Ă©cologique : https://vivreetesperer.com/la-participation-des-experiences-spirituelles-a-la-conscience-ecologique/
Eight reasons why awe makes your life better : https://greatergoo d.berkeley.edu/article/item/eight_reasons_why_awe_makes_your_life_better?fbclid=IwAR3PMEJYCYR4hNPBOxfJhd1aMLDE-gtAUVQ_dquAsu25VZxS8GeT4GCB-70
Lisa Miller. The awakaned brain : https://vivreetesperer.com/the-awakened-brain/
Lisa Miller. Lâenfant spirituel : https://vivreetesperer.com/lenfant-un-etre-spirituel/
Bertrand Vergely. Avant toute chose, la vie est bonne : https://vivreetesperer.com/avant-toute-chose-la-vie-est-bonne/
Lytta Basset. Une rĂ©volution spirituelle. Une nouvelle approche d lâAu-delĂ Â : https://vivreetesperer.com/une-revolution-spirituelle-une-approche-nouvelle-de-lau-dela/
Diana Butler Bass. Une nouvelle maniÚre de croire : https://vivreetesperer.com/une-nouvelle-maniere-de-croire/
Deux approches convergentes : Diana Butler Bass et JĂŒrgen Moltmann : https://vivreetesperer.com/dieu-vivant-dieu-present-dieu-avec-nous-dans-un-univers-interrelationnel-holistique-anime/
Richard Rohr. La danse divine : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/
La gratitude. Un mouvement de vie : https://vivreetesperer.com/la-gratitude-un-mouvement-de-vie/